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Bulletin SAF 1901


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Culte collectif des Sept-Saints de Bretagne

J. Trévédy

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CULTE COLLECTIF
SEPT-SA.INTS DE
Au mois de juin 1897, l'Association b1'etonne tenait son
congrès il. Rennes. Il lui fut présenté un mémoire sur les
Sept-Saints de Bretagne et leu')' pèleJ'inage. L'auteur déplorait
l'oubli de cette a dévotion JI et même des noms de nos Sept­
j et, à titre de réparation envers ces apôtres et fonda­
Saints
teurs de la nation bretonne en Armorique, il émettait trois
vœux:
1° Qu'à l'exemple de la cathédrale de Quimper, les sept
églises, stations principales de l'antique pèlerinage, aient
urie memoria sinon un autel des Sept-Saints j
2° Que les chapelles gardant encore le nom des Sept-Saints
ou celles qui seront reconnues comme ayant eu ce vocable
reprennest le vocable des Sept-Saints de Bretagne, et aient
une memoria des Sept-Saints j
3° Que dans les églises ou chapelles dédiées à l'un des
Sept-Saints, le souvenir des six autres soit associé à celui
par une memoJ'ia quelconque, fût-ce une simple
du patron
Sept-Saints de B1'etagne.
inscription portant le nom des
L'Association b1'etonne accueillit ce mémoire: en le pu­
bliant, elle fit siens les vœux qui lui étaient soumis (2)_
Le 9 août dernier, l'église de Saint-Patern à Vannes a
tJ'ône de saint Patern, un édicule au lieu le
vu consacrer le
plus apparent de l'église, en face de la chaire, avec les
statues des Sept-Saints de Bretagne, saint Patern au milieu
et les six rangés à droite et à gauche. .
(1) Les pages qui suivent ont été lues au CO/!! JI'ès de l'A ssociation II/'e­
t01lne tenu à Châteaulin cn septembre 1900.
(2) Les Sept Saints de Bretagne tt lell/' pèlerinage, par J. Trévédy, Bull .
de l'Association bretonne, année 1897. - Brochure. St-Brieuc, Prudhomme.

On semble croire à Vannes que cette memoria de saint
Patern est la première et la seule existant en BI'etagne. C'est
une illusion, Voici la vérité:
Au dernier siècle, seule peut-êtl'e (1 )des stations du cf.'-lèbre
pèlerinage, la cathédrale de Quimper avait un autel dédié
aux Scpt-Saints de B/'ctagne. Cet autel fut détruit Cil 1793.
L'église en gardait le souvenir, l'avivé en i8n pal' un
archéologue quimpérois (2). L'église de Quimper gardait
aussi la mémoil'e des Sept-Saints célébrés par le P. Maunoil'.
y a quinze ans, Mgr Nouvel, da pieuse mémoil'e, uccllpait le
siège de Saint-Corentin. L'évêque avait une dévotion parti­
culière aux Sept-Saints, dont cinq, aimait-il il dil'c, « étaient
protecteurs de son diocèse. » •
En 1885, continuant l'œuvre de ses deux prédécesseul's,
Mgrs Le Gl'averend el Sergent, i\lgr Nouvel elltI'epl'it
la restauration de la chapelle absidale, où se célèbl'e
chaque jour la messe capitulaire. POlll' tontes lcs raisons
que je viens de 'dire, le pÏflUX évêque voulut l'appeler le sou­
venil' des Sept-Saints. Et, comme on me l'écl'ivait de Qnim­
per, « ils font bonne figure peints en émail sur le l'étable de
l'autel, où ils se présentent en cet ordre: COI'entin, Tugdual
et Brieuc, Paul-Aurélien, Samson ct Malo, Patern ".
Voilà ce qui s'est fait à Quimper quinze ans avant la
consécration du monument de saint Patel'1l.
Apl'ès l'exemple donné à Quimper, l'éloquent Ol'ateul' qui
prit la parole à la fête Je l'inauguration lIn Il'Ô/II' dc sailli
PalC1'n était-il fondé à féliciter le cl ergé de Saint-Patenl
« d'avoir reçu l'heureuse inspil'ation de perpétuel' le SOI\­
venir du Tro-IJ/'ci:: dans un monument dUI'able? l)
(I) Je dis peut-être, cal' ce sc~ait bien in\'l'aisemblable. Ainsi, il est de
tradition il Saint-Brieuc que les images des Sept-Saints élaient dans le
Cathédrale, dont les niches sonl "ides. (Cr. de hl Villcrobel, .
porche de la
11 travers le /lieux Saint-Brieuc, p. (2) Le Men, MOllo0rapltie de la Cathù/t·alr. n° 110, p.IS!! el suiyanles .

Dirai-je d'ailleUl's qu'avant de« perpétuer ce souvenir n, il
Callait le raviver, presque le ressusciter, La memoria de
Quimper n'avait pas fait ce miracle. On l'avait bien vu aux
grandes Cètes de Saint-Pol-de-Léon à l'automne de 18!)7 .
Pendant des siècles, la vénérable cathédrale a vu passer
les pèlerins des Sept-Saints; 01', en célébrant l'un des Sept,
Paul-Aurélien, pas un Ol'ateUl' n'a songé aux Sept-Saints, et
n'a dit un mot de leul' pèlerinage!
A ce moment, les vœux émis par l'Association bretonne
n'étaient pas encore imprimés. Le silence unanime gardé SUI'
nos Sept-Saints à Saint-Pol n'a-t-il pas démontré que ces
vœux avaient quelque utilité?
Que n'avons-nous encore au 'milieu de nous notre éminent
et chel' pl'ésident de la Villemal'qué! Avec quelle joie il
avait vu les Sept-Saints peints au l'étable de l'église de
Quimper! Avec. quelle joie il eût appris l'inauguration de
Saint-Patern ! C'est lui-même qui, en 1892, avait
l'édicule de
conseillé l'étude du pèleri nage des Sept-Saints. Mais en écou­
tant ou en lisant le discours prononcé à Saint-Paterll, dévoué
comme il élait il tout ce qui touchait à l'Association b1'etonnl',
peut-être aurait-il demandé: « Est-ceque l'Associa.tion bl'c-
tonne ne serail pas pour quelque chose dans celte résurrec-
tion du souvenil' co llectif des Sept-Saillts se produisant à
Sainl-Patern? "
Quelle que soit la réponse à cette question peut-être
indiscrète, nous félicitons de tout cœur le clergé de Saint­
Paterll de l'œuvre qu'il a accomplie; mais il dena recon­
naitre que le premier souvenir consacré de nos jours aux
Sept-Saints dans une des stations de lelll' pèlerinage, c'est
Je rétable de la cathédrale de Quimper (1).
(1) Le clergé de Saint-Patern nc connaissait pas sans doute le rêtable de
Quimper . C'est un peu de ma laute: je l'ayais mentionné, d'un mot seu­
lement, dans le mémoire lu au Conl!rès de Rennes et que je portai à M. le
curé de Saint-Patcrn, lurs du Congres de Vannes l'n IH98.- En nOI·pmbl·t)
Itl'Jli, il anit été Ilt il la Société a"chéuloyique dit Finisté,'c un prcmici' mé­
moire sur le Pèlerino,./e des &pl-Sain/s de /lrelaf/lle,qui fut impriméeu 189i .

Enfin, voilà le mouvement parti de Quimpet: suivi à
Vannes; il ne faut pas qu'il s'onête: à chacull de nous,
Brelons, de pOllsse'/' à la 1'oue !- C'es1 ce que, pOUl' ma faible
part, Je vais essayer,
Reprenons les vœux émis pal' l'Assoc-ialion b/'etonne, en
Voici le premiel': a QU'à l'exemple de la calhédl'ale de
Il Quimper (nou:; sommes heureux d'ajouter: et de Sai n1-
« Palern de Vannes) les sepl églises, slations pl'incipl1les
a du pèlerinage, aient une memoria sinon un aulel des SepI­
a Sa,ints de Bretagne, n
En lisant le discours de Vannes, j'attendais à chaque
alinéa que l'ol'aleur indiquc\t le molif qui devail ùétel'lllÎnel'
ch'lque église, station de j'ancien pèlerina 'e, à en renou­
veler le souvenir, Or, ce motif qui n'a pas élé dit, le voici:
C'esl que chacun des diocèses actuels a pour pall'ons (1)
plusieu'/'s des Sept-Sai nls. Les indications: diocèses dc Qu'imlJCr
et Léon, ' Sainl-BrÎc1lc ct Tl'éguier, Rcnnes, Dol et Sa.i1tl­
lI!crio sont insuffisantes, j'allais dire enonées. Elles expl'i­
ment simplement que ces diocèses compl'ennent les l'ési­
épiscopales anciennes; elles ne disent pas comment
dences
les anciens évêchés ont contribué à la fOl'malion des nou­
veaux, Cette composition a un gl'and intérêl au point de vue
du culte des Sept-Saints: c'est pourquoi il faut la l'appelel',
Quand Nominoé laissa la Bl'eLagne réunie sous sa puis­
sante main, elle était pal'tagée en neuf évêchés: Nnntes,
Rennes, gallo-romains, sous la métl'opole de Tours, -
Vannes, Cornouaille, Léon, TI'éguier, Sainl-Brieuc, Sainl­
!\'lalo, évêchés bretons suffragants de Dol.
Disons ici que, si Dol étendait sa suprétnatic llléll'Opoli­
laine SUI' toule la Bretagne de Nomilloë, son diocèse él1!il
(1) Le mot pall'Ol1S est pris ici au sens de 1II'oleclelll's. tflllllllC disait
Mgr Nouvel.

le moin~re des sept. Il se composait d'une partie compacte
autour de la ville, comprenant seulement 42 paroisses (depuis
et de 45 paroisses enclavées dans
archidiaconé de Dol),
les diocèses de Saint-Malo (22), de Saint-Brieuc (12), de
Tréguier (7), de Hennes (3), de Léon (1), (1)
Or, si Dol a peI'du son titre de métropole en 1HJ9, après
des débats qui ont persisté trois siècles, cette division ecclé­
Bretagne a duré Pl'esqu'un millénaire, jus­
siastique de la
qu'en 1792.
Le décret du 26 février 1790 avait partagé l'ancienne
Bl'etagne en cinq départements: le décret du 12 juillet 1792
régla que chacun de ces départements formerait un diocèse,
quatre évêchés de Saint-Pol, Tréguier, Saint-Malo et
Les
Dol étant suppl'imés, leurs telTiloires furent à distribuer
entre les départements du Finistère, des C6tes-du-Nord, du
l\lorhihan et d'Ille-et- Vilaine; d'autre part, les limites des
tl'ois diocèses subsistants fUl'ent modifiées pour s'accom­
moder aux limites des départements.
Un seul ancien diocèse entra tout entier dans un des nou­
veaux . C'est Léon qui fut englobé dans Quimper,
TI'éguier fut partagé entre Quimper (pour un cinquième
environ) et Saint-Brieuc.
Saint-Malo fut partagé inégalement entl'e Saint-Brieuc,
Vannes et Rennes.
Dol fournit quelques pal'oisses (ouest de la Rance) à Sainl­
Brieuc : le l'este de son territoire compact passa à Rennes .
(1) J'emprunte ces renseignements aux Anciens Evéchés de Bretagne, t. 1.
Introduction, p, LVII. - Les savants auteurs ont omis trois enclaves au
diocèse de Rennes: Rimou, Saint-Remi-du-Plain el La Fontenelle (aujoul'­
d'hui canton d'Antrain). Ce qui semble plus singulier, Dol avait quatre
paroisses enclavées au diocèse de Rouen (aujourd'hui Evreux) : St-Samson
de la /loque, St-Samson·sur-Risle, Contreville~t Le !\Iarais-Vernier (au­
de Quillebœuf, arr, de Pont-Audemer, Eure), Ces quatrc
jourd'hui canton
paroisses, dons de Childebert à saint Samson, formaient sous le nom de la
première, une seigneuric vendue pal' les évèques de Dol seulement au der­
ècle. - Cf. M, de la Borderie. AlI1wa Î/'e historiquc et urchéolo!litjuc
nier si
de /Jretayne, 18G'!, p. l8\.- llis/aire de Bl'e/ayne . T, I, p. 3'!7, 333, 5'U .

Les enclaves de Dol en Saint-Malo: Saint-Brieuc et 'lTéguier
f\ll'ent réparties entre Saint-Brieuc ct Quimper; les trois
tèrent en ' Hennes: enfin, l'unique
enclaves en Rennes res
à Quimper avec Léon.
enclave en Léon passa naturellement
1° que la division en départements fit perdre à
Ajoutons:
. Saint-Brieuc (vers son angle sud) quelques paroisses qui
dans le Morbihan (Vannes); réciproque-
fllrent comprises
ment: quelques paroisses, un peu à l'ouest des premières,
passèrent de Vannes à Saint-Brieuc en entrant dans les
Côtes-du-Nord ;
2° Quimper céda à Saint-Brieuc la pointe nor'd-est du
jusqu'auprès de Quintin (Le Leslay), en vue
diocèse venant
et à seize kilomètres de la ville épiscopale de
de la Manche
Saint-Brieuc, vaste territoire auquel la tradition garde
encore le nom de Cornouaille;
3 Les cautons de Gourin et du Faouët (pour partie) pas­
sèreut de Quimper à Vannes; mais vers le sud la limite de
Pont-Aven à J'est de
Quimper rut ramenée de la rivière de
Quimper'lé. Enfin, vers l'est, le territoire de Bedon (à peu
près le canton actuel), passa à Rennes,
il résulte: 1 que le diocè!:e actuel de
De ce qui précède,
Cornouaille, Saint-Brieuc et
Vannes a des paroisses de
Saint-Malo;
2° Que le diocèse de Quimper comprend tout l'ancien
Saint-Pol et des paroisses de Tréguier, Vannes
évêché de
et même Dol;
3° Que Saint-Brieuc a des paroisses de Tréguier, Vannes,
Saint-Malo et Dol.
Cornouaille,
4° Que l'ancien diocèse gallo-romain de Rennes s'est aug­
de par'oisses de Saint-Malo, Dol et Vannes.
menté
suit: 1 que le diocèse de Vannes a aujourd'hui pour
D'où
patl'ons, outre saint Patern, trois des Sept-Saints: Corentin,
et Malo; 2° Quimper: o"ub'e saint Corentin, a pour
Brieuc
patl'ons saint Paul, saint Patern, saint Tugdual et saint

Samson (cinq des Sept-Sai-nts); 3° Saint-Brieuc a pour
patrons los Sept-Saints, moins saint Paul-Aurélien; 4°
Rennes a pour patrons les saints Malo, Samson et Patern.
Pm'donnez cette minutieuse et ennuyeuse nomenclature.
paru utile : rien ne montre mieux la convenance
Elle m'a
pOUl' chaque diocèse du culte collectif et de la memol'ia col-
. lective en chaque église pl'incipale des Sept-Saints de'Bre-
tagne .
j'avais à dire en faveur du premier vœu de
Voilà ce que
l'A.ssociation bretonne. Passons aux deux autres.

Voici le second: « Que les chapelles gardant encol'e le
« nom des Sept-Sa.ints .... reprennent le vocable des Sept­
« Saints de Bretagne, et aient une memol'ia des Sept-Saints. »
La première partie de ce vœu n'a pas, je crois, été bien
comprise: je vais l'expliquer.
Sept-Saints de Bretagne ont eu un malheur: ils ont.
Nos
considérant comme leurs
été trop populaires. Les Bl'etons les
Saints par excellence, les nommaient les Sept-Saints, sans
de Bretagne, Cette abréviation qui, pendant des
ajouter
à aucune confusion, a fini par être
siècles, ne donnait lieu
à la vérité.
fatale
L'Eglise ne consacra aux Sept-Saints de Bretagne ni un
ni une fête commune. Leur culte collectif était
office collectif
purement privé, mais populaire, ct le pèlerinage en était la
Or, un JOUI', le pèlerinage cessa. Alors se
manifestation.
fait: pendant que l'Eglise continuait à honorer
produisit ce
chacun des Sept-Saints de Bretagne, la liste des Sept sortit
de la mémoire, sauf pourtant à Quimper où leurs statues
leur souvenir.
avec leurs noms gal'daient
des Sept-Saints, sans l'addition des mots
Mais le souvenir
de Bretagne, restait; et c'est ici qu'apparaît l'inconvénient
piété, avec plus de zèle que de
de l'abréviation. La

science, s'ingénia à chercher des saints dont les noms
être raisonnablement rapprochés de manière à
puissent
former une liste de sept, bretons ou non. Le titre de SelJt­
Saints n'imposait pas des choix exclusivement bretons.
Toutefois,certaines paroisses adoptèrent des saints bretons
honorés chez elles ou dans leurs envil'ons : d'auLI'es à des
saints bretons ajoutèrent quelques saints étrangers à la
à Erquy et Yffiniac, près de Saint· Brieuc i
Bl'etagne, comme
- d'autres enfin adoptèrent sept étrangers, des frères ins­
crits au martyrologe romain, comme les sept fils de sainte
Félicité Romaine ou de sainte Symphorose (autl'efois à Brest
et encol'e aujourd'hui à Locmaria-an-Hent, (Saint-Yvi ,
sept Frères-Dor-
al'rondissement de Quimper), comme les
. mant d'Ephèse (au Vieux-Mal'ché). (1) (2)
Nous avons nommé Yffiniac et Erquy. Ces deux paroisses
ont une chapelle gardant le vocable des Sept-Saints (3 .' :
celle d'Yffiniac était près de la voie romaine passant d'Ytli­
niac à Cal'haix, celle d'Erquy non loin de la voie venant de
Corseul à Heginea.
Il parait que la liste des Sep-Saints était la même dans
les deux paroisses avant la reconstruction de la chapelle
1869(4). Voici cette liste: Pabu (nom popu­
d'El'quy, vers
laire de Tugdual), Lubin, M.ien, Armel, Guénolé, Jacut et
. Cado, La liste comprend un seul des Sept-Saints ue Bre-
tagne, Tugdual, de Tl'éguier; elle n'admet pas Brieuc, si

(1) Des légendes ayant cours aux bords de l'Oust et vers l'emboucbure de
la Hance [ont des Iisles de sept saints bretons honorés dans Ics paroisses
du voisinage. Histuriquement ces listes sont pré[érables à des listes de
fl'ères étrangers ou il des listes mélangées de saints étrangers ; cil es gardent
mieux le souvenir des Sept-saints d'! llrctagne.
('l) Ln cbapelle est dite souvent t:n Ploual'cl. La commune du Vieux­
Marché, où elle se trouve aujourd'hui, n'a été créée qu 'en 18ÛÛ.
( li bois de Pledran i mais clic est à l'extrèmc limite d'YUiniac,
elle louche
. (!I) Je trouve cc renseigllement dans la Semaine l'ebyieuse de Saint-
, Brieuc, !/lUS, N° 41, p. û4ü,

près du siège épiscopal de Sa int-Brieuc, et elle donne place
à saint Lubin, lié à Poitiers, évêque de Chartres, absolu­
ment étranger eL bien inconnu en Bretagne.
Quelques années avant 1869, la chapelle d'Erquy, dite
Notre-JJam e-dcs-C1"oix-Sept-Saints; a été reconstruite SUl' ses
antiques fondations (1); mais à la liste que nous avons
donnée, Mgl' David, alors évêque de Saint-BI'ieuc, en a
substitué une autre: Brieuc, Tugdual, auxquels étaient
dues les deux preniièl'es places; Briac, Efflam, Maudez,
auxiliaires de Tugdual dans sa conquète apostolique embras-
sant toute l'ancienne Domnonée, Guillaume, le dernier
évêque bretol) canonisé, une des gloires du siège de SainL­
Brieuc eL la gloir'e de Saint-Alban, lieu de sa ,naissance, qui
n'est pas loin d'Erquy, saint Yves, la gloire de Tl'éguier,
Pel'sonne ne soupç'onnera l'él'Udit Mgl' David d'avoir
voulu dresser une liste de nos Sept-Saints de Bretagne.
C'est la Semaine nligiwsc, . à laquelle j'emprunte ceLLe
liste, qui se méprend quand élie nomme ces sepL saints,
à titl'e égal apparemment., « nos premiel's pasteurs et nos
pères dans la foi ». Ces épithètes qui conviennent à
sa.int Brieuc et à saint Tugdual, premiers .apôtres et
réputés fondateurs des deux évêchés de Saint-Brieuc et
Tréguier, ne conviennent .pas à saint Guillaume et à saint
Yves, posté/'ieurs de plusieurs siècles; et Mgr David, en
prqnonçanL le panégyrique des Sept avait très nettement

distingué les mérites des uns et des autres,
. Mais la réforme de la liste prImitive n'a pas été acceptée
à la chapelle dite de Saint-Laurent de-s Sept-Saints à Yffiniac.
liste subsiste; et (( Yffiniac a, dit-on, celte gloire
L'ancienne
çle bon aloi de n'avoir. que des Bretons d,ans. sa litanie, sauf
saint Lubin qui se trouve là par droit de cité sans doute» (2).
J'avoue ne pas ·bien comprendre; j'aurais cru que le saint

. (I) Se.maiu ,'eliyieuse de Saint-Brieuc. 1869. N· -42, p. 561;
(2) Semaine" .. de 1898, p. 646. . ..

tlt

ta.V'c~· cLL ge.~ho4t-V;\. .5r(ou ir'L
L.nL.-stiu...

qui devrait être à Yffiniac par droit de cite, c'était saint
Brieuc: il était là chez lui!
Et le religieux correspondant de la Semaine défend, non
sans vivacité, les Sept-Saints d'Yffiniac. Leur cause est
entendue et gagnée .... et pOUl' une bonne raison: c'est que
personne ne les attaque! Nous ne les signalons pas comme
usurpateurs des places dues aux Sept-Saints de Bl'etagne ;
nous ne demandons pas qu'ils soient« traités en intrus et
honteusement chassés du sanctuaire» Mais nous disons
qu'une liste qui ne comprend pas saint Brieuc et qui com­
pl'end saint Lubin n'est pas une liste de saints bl'etons ; -
nous disons que, supposé saint Brieuc prenant la place de
saint Lubin, la listl:; ne sera pas enCOl'e la liste des Sept­
Saints de Bretagne; nous ne pl'otes1ons pas (cela ne nOlis
regal'de pas) conll'e la cumposition de la liste réfOl'mée à
Erquy et maintenue à Yffiniac (1). Nous demandons seule­
ment 'que la chapelle rep!'enne le vocable des Sept-Saints de
BI'clagne, et qu'ulle illscl'iptioll l'appelle leurs noms etleul'
tit['e collecti{ dans la chapelle qui, originairement, leur fut
consacl'ée (2).
(II J'ai cu la curiosité de chercher par quelle raison saint Lubin avait
pu obtenir un culte ollicicl à Ylliniac.
Saint Lubin est le patron des hydropiques, des faiseUl's de chandelles,
des déchargeurs de vin à Houon. Ce n'cst pas tout. A Paris, les tapissiers
fuisaient sa fète le 16 aOIH, à saint Paul, pendant que les ferrollniers, ' veo­
de la vieille ferraille >J, le fèlJie'nt à Saint-LeulIroy. Les tapissiers le
deurs
fêtaient de nouveau le 16 septembre il Saint-Paul. (Cf. Le curieux Calm­
dl'ier des Con/i-éries de Paris, édité p,lr l'abbé V. Dufour. Itii5). - On ne
devioe pas comment un de ces patronages si divers a pu donner à saint
Lubin « droit de cité J à Ymniac~
(2) On a paru clel'er un doute sur ce point. Semaine .... 18US. loc. cit.
Mais ce n'est pas le lieu de le démontrer. - Un mol seulement:
Avant la presque reconstruction de la chapelle en 18.'>(J-5I, on lisait.au­
de la porte principale la date /68/, C'était la date d:une l'econs­
dessus
pui,que la chapelle est mentionnée dans des actes de Wü·i· et
tructioo,
1673 (archives des Côtes-du-Nord), sous le oom de chapelle de Saint-La/weill
des Sept-Saints. Elle avait « assemblées ct pardon tout le mois dc mai, le
10 août, jour saint Laurent, et le premier dimaoche d'octobre J. (Comptes
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. - TOME XXVIII (Mémoires) 2

Sur la seconde partie de ce second vœu, la memoria, une
courte explication.
Nous entendons par ce mol un monument quelque simple
qu'il soit, flit-ce une insc/'iption, mais consacré aux Sept­
de Bretagne exclusivement. Deux exeru pIes me feront
Saints
comprendre.
, Allez à Notrc-Dame-d'Espérancc à Saint-Brieuc (1), vous
verrez aux vitl'es de la nef les images de nos Sept-Saints;
mais elles ne sont pas seules et juxtaposées; elles sont em­
mêlées avec celles d'autres saints et distribuées en quatre
vitl'es du côté nord et lrois du côté midi .
. Visitez le tombeau de saillI Yves admil'ablement restaul'é
dans la cathédrale de Tréguier, nos Sept-Saints sont là;
mais en compagnie de plusieurs autres saints bl'elons .
Ni Notre-Dame-d'Espérance, ni l'église de Tréguier n'ont
une memoria des Sept-Saints de Bretagne .

Un mot sur le troisième vœu:
e Que dans les églises ou chapelles dédiées à l'un des
« Sept-Saints le sou venir des six autres soit associé à celui
du trésorier, 1701-1716). (Mèmes archives) .
Ce pardon qui durait tous le mois de mai. et reprenait le 1" dimanche
le souvenir du pèlerinage qui se taisait SUI'
d'octobre, ne rappelait-il pas
la fin, surtout à la Pentecôte (mois de mai) et à la Saint-~lichel (:29 sep­
tembre'l) C'est d'autant plus croyable que, d'après le registre paroissial,
e il y ayait là, autrerois, grand pèlerinage, et on y yenait de très loin .•
En 1~1)3, méconnaissant ces souvenirs anciens et se préoccupant surtout
de la rète de sain t Laurent, on avait fixé la tète patronale au dimanche le
plus prochain du lU aoùt. Depuis, préoccupé des anciens souvenirs que
le litre de Sept-Saints on a songé à re\ enir à la da le des derniers
l'appelle
siccles, 1" dimanche d'octobre; mais cc jour est consacré à la fète do Hosail'e;
en " IS!)U, la fète a été lixée au dernier dimanche de septembre, jour très
Michel, et qui
bien choisi qui rappelle l'ancien pèlerinage au jour saint
comme en cette année I\IU l, le jour mème de snint AI ichel.
sera quelquefois,
.Ie donne ces détails pour montrer comment les chapelles des Sept-Saints
chi transférées à de noul'eaux patrons.
ont
(1) Eglise fondée le 25 mars 185~ (jour de l'Annonciation). Voir Notice
Sil/' Noll'e-/Jame-d'Es]lérance, pages 7 et 12~ à 183 .

« du patron, par une memoria quelconque, fùt-ce une simple
« inscription.por'tant les noms des Sept-Saints. "
Cela me paraît, si Jose le ùirJ, alle[' de soi. Associer' les
autres saints au patron nominal de l'église, ce sera augmen- .
tor les honneurs de ce patron" .. , Un exemple me fera com-
prendre
Nombre de chapelles sont dédiées à saint Tugdual, dit
saint Pabu, le père. Il est ordinaire au jour du pardon de
prêcher SUI' le saint. Dil'e qu'il évangélisa le pays, c'est bien;
mais il y a mieux il. faire: parlel' aux yeux des visiteurs
chaque jouI' de l'année. Pour cela, que faut·il? Ec['ir'e au
pied de la statue de Pabu son titl'e glor'ieux : 1Ln des Sept­
Saints de Bretagne, et mettre à la suite les noms des six
autres avec ces mots: apôtres et pères des Bretons (l'Armo-
nque,
Qui pourrait dire que l'auréole de saint Pabu ne receVl"a
pas un rayon de plus de ce glorieux entourage?

Me sera·t-il permis de présenter quelques objections à des
renseignements récemment publiés à propos des Sepl·Saints
de Bretagne et de leur pèlerinage?
Aux fèles de Vannes un brillant o['ateur a célébrû les
Sept·Saints de Bretagne. Il a dit: « La Bretaglle entièl'e,
et de Domnonée, comme celle du
celle de Cornouaille
Broëree, dans une appellation touchante, les nommait les
Sept-Prères:l), " Est-bien exact?
Il serait intéressant de trouver ce titt'e de Sept-Frères dans
une pièce quelconque contemp0l"aine du pèlerinage, A·t·on
vu celle pièce el quelle est·elle ?
(1) Avant même le discours de Vanncs on lisait dans unc Semai'lle "e/i­
gieuse celle phrase plusieurs [ois réilllpl'ÎlIléc; • Les Sept-Frères, appella­
tion chal'manle qui, dnns sa simplicité nail'c, marque avec une singulièl'e
énergie l'unilo de la race el l'union des sepl diocèses. Ils ne [onl qu'une
seule famille "

Pour mon compte, je n'ai vu le titre de Sept-Frères donné
qu'aux Sept-Saints de Brest, Locmaria-an-Hent, le Vieux­
Marché et aux Sept-Saints de quelques légendes .. Mais ces
Sept-Saints ne sont pas nos Sept-Saints de Bretagne.
A Brest et à Locmal'ia, les Sept-Saints sont les Sept-Frères
martyrs, fils de sainte Symphorose ou de sainte Félicité
Romaine; au Vieux-l\'larché, ce sont les Sept-Frères Dor­
mants d'Ephèse.
Quant aux Sept-Saints des légendes, on les nomme Sept­
Frèl'es, parce qu'on les cl'oit frères. A Kergl'ist-Neuliac,
les sept frères ont leur nom patronymique, Mérec ou Mairet;
abandonnés par une mère dénaturée, ils furent nour1'Ïs dans
un bois pal' une chèvl'e ou une biche. A Erdeven, ce sont
sept fils nés d'une même rouche. La mère, dénuée de res­
sou rces, en garde un et con dam ne à la mort les six aull'es
que leur pèl'e sauve. Vel's l'Oust, ce sont les fils d'une
reine J'Irlande l1), plus cl'uelle encore que la pauvl'e rnèl'e
d'Erdeven, A Yffiniac, ce n'est plus la mère, c'est un pèl'e
égaré pal' la jalousie qui noie ses sept fils enfants.
Dans cCl'tains lieux, mème ne gal'dant plus le nom de
'Sept-Saints, il est question de sept fl'èrcs. Exemples: à
l'embuuchure de la Rance, on nomme sept frères vcnus,
dit-on: d'Anglelel're. Ce sont les patrons de sept paroisses
voisines: un d'eux fut évêque, c'esl saint Malo (2). A Saint­
Cast, les sepl frèr~s sont les fils de sainle Blanche, origi­
\lair'e, dit-on, de la pal'oisse, qui Lous devinrent évêques,
On le voit, si dalls ces divers lieux le souvenil' plus ou
moins altél'é Je nos vrais Sept-Saillts dp. Bl'etagne subsiste
pel'solllle en nommant les Sept-Frères ne songe aux sept
sainls Corenlin, Paul, Tugdual el les aull'es.
(1) SOll\'cnir des Sepl-Sainls \'Cnus de grande Brelagne, De mème en ce
qui ·suil.
('!) L'amour-propre local a ajoulé un huiLième nom à la Iisle primilive:
3a i n l-Serv3 n,

Autre inexactitude. L'orateur a dit à Vannes: " Le che­
min que parcouraient les pèlel'ins côtoyait le littoral; à chaque
moment, ils se tt'ollvalent en face de l'Océan, et ils enlen­
sa voix qui les accompagnait toujours (1) ». Erreur.
daient
Prenez une carte de Bretagne, et, avec son fidèle amil'al de
Penhoët, suivez le duc Jean V. Partant de Vannes, vous
pour la première fois la mer à Saint- Malo, vous la
verrez
de la baie de Saint-Brieuc; mais vous ne
reverrez au fond
qu'à la lie1W de Grève, entre Tréguier et Morlaix,
la côtoierez
Et encore à une condition: c'est que le duc, choisisse cette
est possible qu'il prenne la voie de Tréguier à
route. Il
Carhaix, passant devant la chapelle des Sept-Saints (au­
jourd'hui Vieux-Marché) et coupant plus loin la voie de
Guingamp à Morlaix, qui le conduil'a à St-Pol-de-Léon (2).
Là vous apercevrez de loin la mer, 'et vous lui ferez vos
adieux.
Dans un compte-rendu des fètes de Vannes, un journal a
écrit: « L'église de saint Patern était la 7" et dernière station
pèlerinage qui commençait à St-Corentin de Quimper.»­
Erreur certaine. L'el'l'eur a été corrigée j mais j'ai lu ailleurs:
« Il est probable que le point de départ élaille tombeau de
saint Patern. Les pèlerins prenaient par l'ouest.. . La der­
nière slation devait être saint Samson de Dol ». Et ailleurs.
« Le pèlerinage commençait par Dol J), pOUl' finir apparem­
à saint Patern.» Imaginations!
ment
Nous avons sur ce point deux indications précieuses.
Un jour, saint Yves sortant de Tl'éguiel' et se rendant cl
(1) « .... tantôt douce comme lcs chants de leur pays, tantôt formidable
comme les bruits tumulleux de la tempète,mais exhalan t toujours, comme
l'àme du peuple qui habite ses bords, une plainte d'une triste5se infinie.»
Phrase harmonieuse .... mais non historique .
(2) Cette route, un peu plus longue, pouvait être suivie de préférence.
Outre la chapelle des Sept-Saints (en Vieux-lIlarché), on trouve sur la voie
de Guingamp à Morlaix la belle chapelle (ancienne aumônerie) de !{eru­
manae'h (Plounevez-Moëdec).

Kermartin, sur le chemin de Lannion, fit roule avec deux
femmes parlant en pèlerinage (1 J, Ces femmes allaient donc de
Tréguier à Saint-Pol-de-Léon, à l'enconl('e des pèlerins qui
seraient partis de Quimper,
Le duc Jean V suivit l'itinéraire dans le même sens, Il
partit du château d'Auray pour Saint-Patel'll, et de là il passa
ft Dol, Saint-Malo, etc., pour finir par Quimper (2),
Neconcluezpas de là qUt)le voyage dût nécessairement être
faiten ce sens. n estcertain que l'usage devait être pOUl' chaque
pèlerin de visiter une des stations les plus voisines de sa
demeure: en partant dans un sens ou dans l'autre; autre­
ment, même ayant visité les sept églises, il n'aurait pas rait
le (01/1' de Hretagne, Exemple:
Suivez ce pèlel'in sortant de sa maison ft St-Malo et obligé
de commencer par Quimper, Tl prend l'ancienne voie d'Alet
(SI-SCl'Yan)à Carhaix se continuant jusqU'à Quimper,C'est sa
roule la plus courte, Il visite les saints Corentin, Pol, Tug­
dual, Brieuc, 1\1alo, Le voilà revenu chez lui; mais le pèle­
rinage n'est pas accompli, Notre malouin repart pour Dol,
puis se l'end à Saint-Patern: d'où il revient chez lui pal' la
voie de Saint-Jean-Brévelay, La Tl'inité et Dinan (3).
(1) Bolland. IV mai, 11 " 43, p. 555.
(~) Cf. Itinerail'e de Jean V. Let/l'es et Mandements de Jean V. Tome 1",
p. CXIX.
(3) En prenant le raccourci, le « chemin pavé Jlow' les pèle,-ùlS " signalé
pnr Lobineau, (lIi8l, Préface, e, v' et page ~:l3). j'avais compté pour le 1'1'0 '
III'ri;, cm'iron 55U kilomètres il \'01 d'oiseau soit 137 de nos lieues de 4 kil.
lOG lieues de Bretagne de .j"S08 mètres, en nombre rond, 5 kil., Sa\'Oil';
De Quimper il Saint-Pol ............... ,.... 90 kil.
De Saint-Pol à Tréguier", '" ,." , '.'" " ". 70
De Tréguier à Saint-Brieuc ..... , """ " , " , , 50
De Saint· Brieuc à Saint-~Ialo................ iO
De Saint-l\lalo à Dol,." " .. ,., .. , ... , . , , , , . 25
De Dol il Vunnes ... , ... , .. ..... , .. , .. , . .. ", 13;)
De Vannes à Quimper., , ,.,'., , .. . ' " " " '" 1 ID
550 kil.

Et après les marches et contre-marches qui ont vainament
sa route de 45 de nos lieues, il n'a pas fait le T1'O­
allongé
B?'eiz, le toU?' de JJ1'etagne; en effet, il n'a pas parcouru le
trajet de Vannes à Quimper,

Pour finir, me permettrez-vous une crItique sur un pomt
du monument élevé 'à Vannes?
J'ai lu dans la description de ce monument que les Sept­
Saints étaient figurés portant la crosse d'évêque, Au temps
du pèlerinage, on n'eût pas manqué de représenter saint
Samson portant la croix àrchiépiscopale et paré du pallium
comme métropolitain, En preuve, voyez l'image publiée en
par notre vieil Alain Bouchal'd', contemporain du pèle­
rinage (1).
Les successeurs des six autres saints se sont reconnus
suffragants des successeurs de saint Samson, et les pèlf!rins
des Sept-Saints ont salué en saint Samson le métropolitain
da Bretagne.
Il est bien vrai que, après tl'ois siècles de luttes, le procès
entre Tours et Dol a été jugé contre Dol en 1190. Mais la
fut·elle unanimement acceptée
sentence du pape Innocent III
Qu'on suppose un pèlerin de Sainl-Malo contraint de commencer le
pèlerinage à Quimper, il lui faudra faire, pour se rendre à Quimper,
170 kil. Il ira à Saint-Pol, Tréguier, Saint ·Brieur, rel'icndra à Saint-lIIalo,
Dol et Vannes; tl'où il l'entrera chez lui, en faisant
repartira pour
125 kil. Dans ces deux courses de Suint-Malo à Quimper, de Vannes à
Saint· Malo, il a fait ~!).) kil. en dehors du TI'o-Brc;z,. Il n'a pas fait, il
est vrai, le trajet de Vannes à Quimper, 110 kil. Iletranchons-Ie de ~9'),
il reste un parcours de 18;. kil. fait en plus des 550 du T"O-'ll'CÜ, soit 730.
18'2 lieues actuelles au lieu de 137. Trajel de 4Z >lieues failen pure perte,puisque
le paune malouin, Il'allant pas de Vannes à Quimper, n'a pas fait le
T,'o·O,'e;;"
(1) Grandes Clll'on;qucs de JJretagne. On peut voir cette planche repro­
duite cn deux endroits de l'édition des 13ibliophiles brelons, notammcnt
fo 37 l'".

en Bretagne? (1) En tout cas, les évêques de Dol ne renon­
cèrent pas aux signes extér'ieurs de leur ancienne dignité .
Trois siècles après la sentence de 1199, en 1492, le pape
Alexandre VI accordait à l'évêque de Dol, Thomas Jaimes,
ponr lui et ses successeurs, la permission de faire porter
devant eux, dans leur diocèse, la croix archiépiscopale et de
figurer le pallium sur leurs armes. Cent ans plus tard, au
temps de d'Ar'gentré, les évêques de Dol usaient encore de
cette faculté (2).
La croix archiépiscopale dans la main de saint Samson et
le pallium sur ses épaules auraient rappelé ces lointains
et auraient reporté à la date où commença le
souvenirs,
pèleri nage. .
A i-je besoin de ledire ?Cesobservationsqu'on pourra trouver
minutieuses n'ont qu'un bul: faire que le souvenir de nos
Sept-Saints de Bretagne, si heureusement nyivé, demeure
rigoureusement historique.

Un dernier mot. un dernier vœu .
Écrivant à Châteaulin où je voudrais bien êtr'e: -qu'il
me soit permis de dire un mol de Quimper lIue je regrette
toujours.
On a "u plus haul que la cathédrale de Quimper a ét.é la
pr'emière, en ce siècle: à renouveler le souvenir des Sept­
Saiflls. On a vu aussi , qu'ayant le siècle elle avait mieux
qu'une mWlO/'ia: un autel dé tagne.
(1) On peut répondre que non. En preuve. Alain Bouchard écrit (en
1511) : - , En Bretagne. il y a neuf sieges cathédraux dont l'un, Dol, est
de long ct ancien temps arcbcvèché ..... Un siècle plus tard (1612), le cos­
mo!p'al'he ,'Icrcator copie la pbrase de Douchard ; en sorte que quatre cents
ans apr~s la sentcnce condamnant Dol, on signalait encore Dol comlIIe
arche\'èché!
l'l) l)'Argcntn~ en témoigne. /lis!. f- 20&. Ed. de 1 :>88.- V. aussi D. Mo­
riee. Epitaphe de Thomas Jaimes. llist. II, p. LXIV ct suiv .

Lobineau, qui avait vu cet autel par les yeux d'un homme
docte, pl'obablement religieux, le décrit ainsi: " On voit
encore dans l'église de Quimper, au côté méridional de la
porte du chœur, un ancien autel dédié aux Sept-Saints, où
ces sept évêques sont dépeints avec leurs atlributs tirés de
, .leurs principaux miracles et leurs noms au bas, qui sont
saint Paul, saint Corentin, saint Tugdual, saint Patel'U,
. saint Samson, saint Brieuc et saint Malo (1) '.
Cent quatre-vingts ans plus tard, un érudit quimpérois,
dans une savante monographie de la cathédrale, complétait
la description publiée par Lobineau (2) :
ainsi
a On voit encastrée dans le piliel' qui forme à droite
l'entrée du chœur, pilier conlI'e lequel l'autel des Sept-Saints
était appuyé, un piédestal sUl'monté d'un dais sur lequel les
reliques de saint Corentin devaient être exposées pendant
la durée du pèlerinage des Sept-Saints,
« Dans une niche au-de~sus de ce piédestal était la statue
de saint Paul. C'est à cette circonstance que cet autel doit
le nom de • chapelle de MOI1sieur saint Paul • qui lui est
donné dans un titl'e du XV[c siècle (1570) D,
Lobineau dit à la fin du XVlI siècle que cet autel était
u ancien », Il n'est pas vraisemblable que' l'autel ait été
consacré depuis la cessation ou même depuis la décadence
du pèlerinage, c'est-à-dil'c au cours du XVI· siècle. II est
permis de croire que l'autel était contemporain du pilier
contre lequel il était appuyé . 01', le pilier a dû être construit
au milieu du X Ve siècle, et le dais encasll'é au pilier et ayant
fait ' partie de l'autel porte l'empl'einte de cette époque.
L'autel des Sept-Saints ayail donc ,'u les pèlcl'ins des XV" et
XVIe siècles agenouillés ùevanl les reliques de saillI. Corentin.
(1) /lis!. Préface r· é V". - Les sept ne sont pas rangés dans l'ordre !/éogra­
]/hique (si l'expression est permise). L'historien donne sans doute l'ordre
dn,ns lequel ils étaient figurés SUI' leur autel.
('l) M01IO!JI'aphie, par Le Men, n" 110, p. 192 (ct 189 pour la date 1570) .

La description donnée par Lobineau ainsi complétée
nous permet de nous figurer l'autel: l'image de saint Paul
était placée au sommet et les images des sept au-dessous,
sans doute trois d'un côté, trois de l'autre_
Lobineau dit que les Sept-Saints étaient depeints; mais il
prendre ce mot au sens propre, qui est peints;
ne faut pas
Il faut le prendre au sens de ?'eprésentés. Au XV· siècle, on
ne peignait guère que SUI' verre, et d'ailleurs un tableau ne
se place pas dans une niche; saint Paul était donc figuré non
peinture, mais en statuette, De même sans doute des
autres. .
Chacun était dépeint avec son attribut, sa caractéristique,
détail que ne donne pas la vieille image de Bouchard, Mais
saint Samson portait-il la croix archiépiscopale et le pallium,
comme dans l'image de Bouchard? Il semble bien que non,
puisque Lobineau ne le dit pas. La date de la construction
de l'autel peut expliquer l'absence de ces attributs,
Le vénérable autel gardant encore le vocable des Sept­
Saints ou ayant pris le nom de saint Corentin, célébré par le
P. l\1aunoir, subsista jusqu'au sac de la cathédrale, le jour .
de saint Corentin (jour bien choisi!) 12 décembre 1793. Les
images des Sept-Saints disparurent avec les autres statues
de bois pour être solennellement hl'ûlées le IImdemain « cn
présence des autorités cun~lituées et de la garde nationale
armes et drapeau déployé (1) )J. Cette f~te civique était
l'approbation ot11cielle de l'ol'gie sacrilège de la veille .
espérer voir un jour l'antique autel rétabli
Ne peut-on
dans la cathédrale de Quimper ? ... Nous ne disons pas à la
occupait; mais à peu de distance, dans le bas-côté
place qu'il
(1) Le lendemain (':13 Irimaire--t3 décembre', • les autorités constituées,
mème la garde nationale. drapeau dél)loyé, assistaient en corps au brûlis
des pagodes prétendues sacrées " traduisel. des statues de saints arrachées
la "eille aux églises de la ville, Dé!. du Comité de suneitlance (t4 juin 1794)
prise à la demande de Dagorne, l'immonde héros de la (êle de la "eille,­
Le Comité )'évollliionnail'e de Quimpc)', par J. Trévédy, p. -Hl-50, HO-Hl.

voisin. Il Y a, entre la chapelle Sainte-Anne et la chapelle
du transept, une travée hien plus élt'oite que les autres, qui
n'a plus de chapelle (1). Un autel des Sept-Saints de Bre­
tagne serait là très bien placé. Le voisinage ae l'ancien
autel semble marquer la place du nouveau.
Dans trente années du siècle qui finit, de 1854 à 1885, de
la construction des flèches à la restaul'ation de la chapelle
travaux et des pIns heureux ont été .
absidale, beaucoup de
accomplis dans votre belle église. Le l'établissement d'un
autel des Sept-Saints de Bretagne cou ronnel'ait dignement
à Saint-Corentin l'œuvre du XIX· siècle.
Ce n'est pas Lout... Chose à peine cl'oyable, dans l'église
construite par lui et qui gat'de ses reliques, saint Paul·Au­
rélien n'avait pas un autel ni même une sLatue ! (2) En 1897,
celte omission a été réparée. Une chapelle a été dédiée à
saint Paul, dnns laquelle sont oéposées ses reliques. Mais
dans celle chapelle la statue du patron est seule, et rien ne
l'appelle qu' il est un des Sept-Saints de JJ/'etagne.
Qu'il soit permis de rappeler le vœu fOl'mulé plus haut:
qu'à l'exemple de la cathédrale de Quimpel' el de l'église
Saint·Patern de Vannes, l'église de Saint-Pol-de-Léon ail
une mcmoria sinon un autel des Sept-Saints. Associüt'les
six autres à saint Paul dans sa chapelle, c'est. augmentel'
les justes honneurs rendus à saint ~'aul.
(1) C'est la travée fi' 45, Mono[Jl"aphie de la Caliléd"ale, p. 1 -14.- Il Y n
là aujourd'hui un confessionnal qui ne sera pas moins bien placé ailleurs
(~) L'absence d'une statue de sainl Paul-Aurélien élait signalée en IBG)
(llinérah'e de Ilennes à lJ1'fsl, p, 2li2), par Pol de Courcy, qui a tant tra­
vaillé nux réparations de la cathédra le de Saint-Pol.
Ainsi il Hennes, saint Melaine,le con~eil écouté de Clovis, le président du
concile d'Orléans, d'où sortit la fondation de la France, n'a. dan, l'église
bâtie sur son lombeau, ni autel ni statue, • Seandalcuse ingralilude 1 » dit
M, de la Borderie, (l1,stoil'e de IJrelaylle, 1. p. H31 noie !I ct
avec raison
p, 5:1'2 note 1) .

La Société archéologique ne pourrait-elle soumettre res­
pectueusement ce double vœu à son Président d'honneur,
Mgr l'Evêque de Quimper et de Léon, successeur de cinq
de nos Sept-Saints de Bretagne, les saints Corentin, Paul-
Aurélien, Tugdual, Patern et Samson?
J. TRÉVÉDY.
Ancie1l Président du Tl'ibunal de (Juimpe·,· .