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Bulletin SAF 1901


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Les pierres gravées de Penhoat, en Saint-Coulitz et de Sanct-Belec, en Leuhan

P. du Chatellier

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PENHOAT, en Saint-Coulitz et de SANCT-BÉLEC, en Leuhan
Prenant derrière le chevet de l'église de Saint-Coulitz un
chemin creux allant vers l'Est, arrivé sur le sommet du
coteau, en pleine montagne Noil'e, arrêtez-vous à 500 mètres
ouest de Penhoat, au-dessus des édifices du village qui est
dans le fond du vallon où coule le canal de Nantes à Brest,
au milieu d'un champ, dépendant de Penhoat, une l'ache
schisteuse, affleurant la surface du sol, aUil'el'a volt'e atten­
tion. Si vous interrogez les habitants sur ce qu'est cehe
pierre, ils vous l'épandront : c'est la pie/'/'e de la Vieo rge
(Roc'h al' vel'hès), et si, insistant, vous leur demandez
pourquoi ils l'appellent ainsi, ils vous diront parce que, aux
siècles passés, la Vierge apparut un jour posée sur cette
roche; mais, mal reçue pal' les habitants, qui la pOUJ~sui­
virent à coups de piel'res, elle s'en fut à 1,500 mètt'es envÏron
dans le Sud-Est, sur le coteau en face, de l'autre côté du
ravin, et là où elle se posa on lui éleva, dès le onzième
siècle, un sancluaire sous le vocable de Notre-Dame-de-
Kerluan
Si, apl'ès ces explications, vous vous approchez de la
pierre de Penhoat, vous l'emarquez à sa surface tout un sys-
tème de gravures. 0
Avant de les décrire, disons que celle pierre meSU1'e

2 27 de l'Est à l'Ouest, a 2 20 du Nord au Sud et 50 centi­
mètres d'épaisseur moyenne.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTERE. ' TOlllE XXVIII (Mémoires) 1
A sa sUl'face en A, on remarque une profonde cupule polie
à l'intérielll', qui n'a pas moins de 20 centimèll'es de dia­
mètre. Les riverains assurent qu'elle est toUjOlll'S pleine
d'eau. De cette cupule partent quatre l'ayons, peu pI'ofondé­
ment gravés, allant de l'Est à l'Ouest., Nous y avons en
oulre relevé 26 cupules de petite dimension (voil' le dessin
joint à cette note) et en B, C, D, E, 4. grandes cupules al­
longées gravées profondément, La cupule E, n'ayant pas
moins de 60 centimètres de long, est arquée et tl'ès polie à
l'intérielll', ainsi que celles C D et F. Celte dernière se ter­
mine à son extl'émité D pal' une profonde cupule l'onde,
tandis que sa partie allongée F est beaucoup plus superfi­
cielle, Les cupules E et C passent pou'r ètI'e l'empreinte des
pieds de la Vierge, et leul' degl'é de poli indique qu'ell6s
doivent être l'objet de pratiques usuelles. La cupule C est
également polie. Que sont les autl'es petites cupules? l'em­
preinte des pierres jetées à la Viel'ge, assul'ent quelques­
unS.
Cette piel'l'e est vénérée dans le pays.l\Jonsieur le Recteur
de Saint-Coulitz m'ayant, toutefois, asslll'é que je pouvais
pratiquel' des rouilles dessous sans froissel' les sentiments
de ses p,H'oissiens, je le fis, avec l'aimable aulol'isation du
propl'iétaire M. Halléguen, pensant qu'elle recouvrait, peut­
être, une sépulture préhistorique; mais non. elle n'a jamais
recouvert de sépultu('e d'aucune époque. C'est un bloc erra-
tique qui a été entrainé du sommet de la chaine des monta­
gnes Noires, à l'époque de la fonte des glaciel's et, sans
vouloil' froisser les convictions de qui que ce soit, je ne doute
pas que les sculplul'es qui sont à sa surface ne soient anté­
rielll'es au christianisme et l'œuvre des populations pl'imi­
tives cie la pier('e polie ou de l'époque clu bronze qui ont
résidé ,sur ces contreforts des montagnes Noires, page mys­
térieuse qu'elles nous ont laissée et qui, avec tant d'autres,
attendent leur lectme,

J'exprime ici tous mes l'emerciements à notre confrèl'e
M.l'abbé Favé qui voulut hien m'indiquel' ce cu1'Îeux mo-
nument.
La pierI'e gl'avée de Sanct-/Jélec, dont je mets la photo­
graphie sous les yeux des membl'es de la Société, était la
paroi ouest d'une belle sépultu,'e sous tumulus cie l'époque
clu bronze, que mon ami M. le chanoine Abgrall et moi avons
, explorée ensemble au mois d'aoelt derniel'. Ce tumulùs, situé
dans un champ, à 500 mètl'es au Sud-Est du village de
Sanct-Bélcc en Le1t1wn, du côté opposé de la l'oute allant de
Leuhan ft TI'égolll'ez, avait 40 mètres de diamètl'e sur
2 mètl'es de hauteur, La table l'ecouvrant la sépulture inté­
rieul'e avait 3 90 de long sur 2"'70 de lal'ge et om40 d'épais-

seur. Elle était à 1 80 sous le sommet du tumulus,
La chambre funéraire qu'elle recouvl'ait avait ses deux
parois Est et Ouest fOI'rnées ; celle de l'Ouest, par une al'doi­
sine sculptée de 2 20 de long sur 1'"85 de plus grande lar­
geur; celle de l'Est, par un énorme bioc de quartz, Les deux
pal'ois Sud et NOI'd étaient des murailles maçonnées en
piel'l'es sèches (1).
Celle chambl'e mesurait intérieul'ement 3 86 de long SUI'
2"'10 de lal'geur au fond, 1"'44 de lal'geul' au l'ez du plafond,
les deux mUl'ailies sUI'plombant énormément à l'intérieur,
et 111186 de hauteur intérieure.
Au fond de cette sépultul'e avait été creusé au milieu
IIne fosse de 0"'90 de large et de 20 cenlimètr'es de profon­
deur, dans toute la lOllgueul' de la chambl'e, réservant ainsi,
de chaque côté, une banquette de 60 centimètres de largeur.
Le fond de cette fosse était l'ecouvert d'un planchel' de
chêne de Il à li centimètres d'épaisseur SUI' leqnel étaient
déposés les l'esl.es incinél'és du défunt. Enfin, fi 60 centimè-

(1) Les picrrcs employées étaient des quartzites et un certain nombrc
d'entr'elles étaient écrnsécs pnr le poids énorme de la tablc et du tumulus,

tres, au-dessous de la table de recouvrement, on força hori­
zontalement, entre les parois, une série de madriers en
comme un second plafond au-dessus des
chêne, formant
pour les pl'otéger contre toute infiltration
restes incinérés,
pour maintenir, autant que
extérieure et aussi, peut-être,
et Sud et les empêcher
possible, verticales, les parois Nord
de surplomber, peine inutile; car les bois, au bout d'un cer­
sur le fond de la
tain temps, se décomposèrent et, tombant
sépulture, écrasèrent le vase déposé aupI'ès des l'estes du .
à 60 centimètres de l'extrémité Est de la sépultUl'e,
défunt,
sur la banquette Sud. Ce vase, en terre cuite gl'ossiére,
du tour, était à une anse et décoré de
fait sans le secours
traits profonds formant dents de scie, poterie très caracté­
ristique de l'époque du bronze.
Dans une autre sépulture de l'époque du bronze, pal' nous
à Kergoniou, en Guissény, nous avons déjà ren­
explorée
contré cette intéressante disposition de madl'iers forcé.; enh'e
les parois de la chambre funérail'e (i).
Arrivons à la pierre gravée qui faisait la paroi Ouest de
sépulture et son grand intérêt. Si je ne me tl'ompe,
cette
c'est la première pierre gravée recueillie en Gaule dans une
sépulture de l'époque du bronze. C'est en erret à celte époque
remonter celle de Sanct-Bélec, son mode de
qu'il faut faire
datent d'une façon
construction et le vase qu'elle contenait la
se;; cupules
incontestable. Décril'e ce curieux monument avec
ses cercles et ses diverses figurations gl'avécs,dans lesquelles
cel'tains voient une représentation humaine informe et
celle d'une bête, est chose difficile. Le mieux est d'en mettre
nOlis laissons
la photogl'aphie sous les yeux du lecteur. Ne
pas égarer par la fantaisie, laissant le soin à un Champol-
lion, qui se trouvera peut·être un jour, de nOlis en donner la
(1) Voir les sépultures de l'époque du bronze en Bretagne: explorations
eL études comparatives, t roI. avec phologral'ures el planches. - Paris,
llaèr, 1883. Ouvrage couronné par l'Acaùémie des Inscriptions.

lcelul'c, Il est certain que tous ces signcs sont voulus et
avaient un sens pour ceux qui les ont tracés, En cherchant
du côté dela Grande-Bl'etagllc et de l'IrÙlnde on trouverait
quelque analogie lointaine à cel'tains des signes gravés SUI'
noll'e pierre parmi ceux relevéssurdes monuments analogues.
Pensant qu'il eûl été malheureux que cette piel're fut dé­
ll'uite, ainsi que le pl'ojetail le propriétail'e du tumulus, nous
l'avons tl'ansportée dans nos collections, Ce n'est pas sans
peine que nous l'avons extraite de la sépulture où elle était.
Pesant de 1,500 à 2,000 kilos, sans moyens mécaniques,
nous avons employé pour l'amener à la surface du sol les
pl'océdés- qui avaienl servi à l'amener et à la placer là où elle
et les bras cl'une quinzaine
était, le rouleau, le plan incliné
d'indigènes. Mais, comme ses extrémités Nord et Sud étaient
couvertes par les mUl'ailles latérales, il a fallu, avant tout,
démolir celles-ci, ce qui nous a monh'é que le système de
lelll' construction était bien défectueux. Elles étaient, en
, efTet, faites d'un seul rang de pielTes posées les unes sUl'les
aull'es à sec, soutenues simplement paI' les terres amonce­
derrière, aussi n'est-il ' pas étonnant que la poussée de
lées
. ces tClTes et le poids énorme de la table el du tumulus élevé
au-dessus aient dérangé leUl' aplomb et les aient t'ait SUl'-
plomber à lïntél'ieur de la chambl'e, ainsi que nous l'avons du
l'este constaté dans la plupal't des sépulLlII'es de ce gelll'e que
nous avons explorées.

P. DU CHATELLIER,