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Bulletin SAF 1900


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Notes pour servir à l’Histoire du savon en Basse-Bretagne

Abbé Antoine Favé

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XXI .

Notes pour servir à l'histoire du Savon dans le. Finistère.
Par M. l'abbé Antoine FAVÈ .
Durant l'un de ses exils, Proudhon réfugié à Bruxelles
un jour à quelques Belges un numéro du
communiquait
J01trnal' des Débats, où se trouvait une chronique de Jules
en ces termes une description de
Janin. L'écrivain finissait
l'inauguration du chemin de fer de Saint-Germain à Paris:
(( Nous n'étions pas pœrtis que nous étions d~jà. aI'tivé.l\. ))
A cet énoncé, les bons Belges restèrent pensifs, puis, a près
se regardant, déclarèrent unanimement · que l'af­
réflexion,
du chroniqueur français devait être touf: de rnêmp:
firmation
exagérée!
Prenez la Sorcière de Michelet, p. t 16; on y lit ce qui
suit au sujet du Moyen-Age, qui tout le monde ·sait, du,ra jus­
qu'à la p't'ise de la Bastille: (( Cette société S1l btûe et raffi.née ...
(( craint toute purification com.me 'Une s01till1J.:re. Nul bain
(( pendant mille ans! Soyez S1l?'S que pas nn de ces chevaliers.
(( de ces belles_si éthérées, les Pa1'Ccval, les Trista'ns., les Y'W1.tlt
(( ne se lavaient jamais ! ((
Cette boutade de Michelet nous laisse profondément son­
geurs: tout comme les placides bourgeois de Bruxelles-en-Bra­
nous nous permettons de trouver que c'est tont de mêm(~
bant
exagèré, et il nous sera permis, pour une fois, de regretter de
voir cette façon d'écrire l'histoire pra tiquée par un des écri \'ains
les plus répandus, les plus propagés dans certaines bibIio-
thèques populaires. Et dire que la parole du Maitre est bue,
absorbée, assimilée, sans un doute, sans une discussion!

En 1864, M. E. About, sans doute par forme de remercie­
aux Bas-Bretons pour leur hospitalité, disait dans des
ment
Lettres SU?' la H't'etagne; publiées par un journal à grand tirage
de la capitale : (( Le paysan ln'cran: ('1/ thèse gé1/(!1'aLc.. ('st

(( chétif, rabougr'i comme son bétai·l. Il est galc, ignorant, dé­
(( vot, abruti par l'ea,1l-de-vil'. ma.lade de corps ct d'esprit. ))
Puis, forçant son talent, ce qu'il ne faut jamais faire quand
on, j'y surprend à temps, il ajoute celte énormité: Cl Le joli
manoir de B ..... (1) est presque à une demi-lieue de
« l'église du bourg: cepc'nrla'nt nons sentons la sortie de la.
« m ess(, pou l' peu qll e le 'l.)en t po l'te de not re côté. Snl' les
« l'antes; pa,1' Il:n· temps sec: on rleDine de loin nne caravane:
«( un alJcngle, à cent pas, ne confondrait jamais les {em,mes
« avec les 11 ommes. etc. ))

Combien ces exagérations, ces hallucinations de poètes,
·inspirent à tout esprit loyal et droit, le goùt, le respect, la
passion du document, du document sincère, non préparé pour
les besoins de ]a cause; document qui parle, affirme, dément,
dit la vérité, n'exagère pas pour qui sait le comprendre. .
Le Bas-Breton fut donc toujours sale, croupissant dans la
crasse, hydrophobe et tout son être était un merveilleux
bouillon de culture pour les microbes, etc. Voilà la glose,
hélas, fort usée!
ces poètes impressionnistes, nous répondrons par quel­

ques documents sur le XYIIe et XV1I1 siècle, où l'on trouve,
nous ignorons comment, que dans notre Finistère, nous ne
padons pas de l'eau, et de son emploi, et de son abondance,
des lavages et ablutions, le savon, qui est bien quelque
chose en ma tière d'hygiène, était une substance fort connue,
fort appréciée. fort vendue et fort achetée, et sans doute fort

employée.
Les documents nous fournissant des renseignements caté­
des indications précises se retrouveraient au,x Ar­
goriques,
chives départementales, dans les juridictions et procédures
les 'nentes et inventaires après décès.
civiles, et notamment dans
Pour notre part, ayant ébauché et avancé même, à notre usage
particulier, une collection de ces actes et procès-verbaux de
(1) Lisez LJoll1'donncl, au Pelit-Ergué.

ventes et inventaires où nous trouvons un répertoire aussi bien
renseigné que possible sur la vie 'courante, le mobilier et le vête-
ment, etc., nous relevons dans notre collection trois ou quatre
passages serapportant à cette histoire du sa von dans notre pays:
1 Chez un gentilhomme:
En 1681, aprês la mort de ~pc Sébastien Le Goaze, seigneur
'de Dossac) juridiction de la châtellenie de Plougasnou, l'in­
ventaire marque dans la chambre au-dessus de la cuisine, à
côté « d'un bahust en forme de commodité avecq son bassin
« d'estain» estimé 40 sols, une « cassette de sapin pOUl'
« mestre du savon gœrny de clef{ et de clatil1'e ~, estimé
10 sols. Cela laisse à supposer que dans cette maison bien
ordonnée, pour éviter coulage, gaspillage-et usage immodéré de
la subtance détersive, on jugeait à propos de tenir la provisioll
de savon sous clef et clavure, tant il est vrai qu'on l'appréciait
comme chose à ménager. .
2° Chez un négociant:
En 1680, dans la juridiction des Regaires de Léon. à Saint-
. Pol, après le décès de dame Françoise-Le Mercier, 'compagne
de noble homme Pierre Malbec, grand négocian t et gros mar­
chand de vin, on procédait à l'inventaire dépendant de leur
communauté. Cet inventaire est très curieux à tous points de
vue: ameublement et costumes, batterie de cuisine, armes,
bijoux et objets d'art, marchandises .....
Au port de Pempoul (1), dans les celliers du sieur de Malbec,
on relève « le nombre de vingt et six thonneaux de vin de
« Gascogne de divers crus blanc et clairet, y compris trois
« bariques du vin de Blays lesquels il estime à raizon de cen t
CI. huict livres le thonneau ..... » Le tout « montant à la somme
« de deux mille sept cent il huict livres. » « Sept barricques
« de vieux vin propre à faire vinaigre estimés à trois escus la
Cl. baricque. » (( Les outils à soutenir les vins, une pompe de
_ « cuivre, une trompe de fer blanc, trois entonnoirs, etc ., etc.,
(!) Port de Saint-Pol-de-Léon.

(( le tout estimé t1'ante livres, ») (( Une chaudiè'/'c de cuivre à
{a.iJ'e eau de vie contenant les deuJ.: tiCl's (P'1lne barrique d'eall
avec son se/'pentin, chapeœu et porte à ferma le fourneau au,ssy
de cuiv/'e estimé vingt cinq escus. ))
Mais, au logis principal, l'il)ventaire marque, au milieu
d'une grande provision de chaux, braie, prunes, huiles,
(( cinq ca.isses vuides de sœl.lOlIS, est. 1 livre, hu-ict caisses en­
(( tièrcs de savons et une entamée pesant mil huict cents qIla,­
(( tt'ante sept li D1'es estimées à 22 liV'l'c le cent, soit la somme
(( de 296 liV?·es 6 sols 9 deniers. ))
On voit que le négociant saint-politain, sans faire un com­
merce exclusif de cette denrée, avait de quoi à pourvoir à sa
consommation et à celle de sa clientèle, comme le témoignent
les huit caisses entières, une neuvième entamée, et les cinq
qui avaient été débitées auparavant.
30 Chez une riche mercière:
Nous trouvons dans l'inventaire (mars 1737) dressé par la
Juridiction de la principauté de Léon, chez la demoiselle Ke­
renneur, établie sur le Pont, à Landerneau, le relevé du
contenu de 25 ballots de marchandises: peignes, boutons, ta­
batières, alphabets, bas, tl! et épingles, dentelles et padoues,

gants, galons et rubans, lunettes et bonnelleries, articles
Poitou, etc., la mention suivante: (( une brique .de savon pe­
(( sant trois liv/'es 21 sols. )) Nous ne relevons ce détail
de renseignement sur le prix de facture de cet article
qu'à titre
que la mercière ne tenait pas en' gros :, 7 sols la liv'J'C ail
détaillant. -
4° Chez un épicier:
la juridiction de Daoudour-Coatmeur, Guy Picot, ép i­
Dans

cier à LandivisiaLl, tenait une boutique où on trouvait un PC'Il
de tout, mais que son assortiment nous laisse loin de nos ,

Épiceries centrales du xx et même du XIX siècle! L'inven­
sün trépas, en '1770, en fait foi: bra.ye et
taire dressé après
raisine, pierres à-leltë, régalisse et saint douë', tettes de cloux~

ct ampoy, souffre et salpêtre, anis et geneviève" poivre et co-
peroZ(~; prunes et figues, tripoli et terre de titmée, q'LtO/rante
Uvres de mOI'1lè', ·ct trois cents ha'1'1'ans) ect. On y trouve même
(( di:r neuf livrcs de savon esti,mées 9 Uvres10 sols ))) soit la
livre lui revenant à 10 sols; on constate que le prix était plus
fort depuis 50 ans, du moins à L~ndivisiau.
Nous avons trouvé dans les Archives de l'Amirauté de Cor­
nouaille une autre source d'informations précieuses et de
hatit intérêt sur laquelle notre confrère M. Bourde de la Rogerie
bien voulu appeler notre attention. Nous avons étudié deux
importants dossiers de procédures de cette juridiction concer­
les naufrages des navires de commerce (( la Jlfarie )) et
nant
(( l' Hcu'l'Cuse- œrie)). N~]s y avons relevé des détails topiques~
les éléments d'une enquête qui nous font saisir S'HI' le v'if le
rôle commercial et utilitaire dont jouissait le savon au milieu
de nos populations vers ,1730 '1737. .
Nous avions eotendu dire qu'au commencement de ce siè­
cle, sur la côte de Léon, 00 voyait, à la suite du naufrage
de bois de campêche échoué à Pontusval,
d'lin navire chargé
les maréchaux-ferrants de la (( Paganie)) utiliser ce bois
précieux pour allumer leurs forges. Si les pilleurs d'épaves de la
Manche ignoraient ce que valait le bois de campêche et à quoi
il servait, nous voyons, par les documents de l'Amirauté, que
l'on savait apprécier le savon, qu'on savait même organiser
son
sur cette denrée d'habiles spéculations tant était répandu
usage, et journalier et universel son emploi depuis longtemps .

Le 26 décembre 1733, le bâtiment (( la Matie )), capitaine
de Nantes, fait naufrage sur la côt.e de Tréguennec ;
Bazille,
le lendemain, de bon matin, une lettre missive est adressée

par le recteur pour le mettre au courant de ce sinistre, à Mes-
sire Hyacinthe-Alain-Paterne Marigo, Conseiller du Roi ct
civil et criminel au siège de l'Amirauté
Lieutenant Général

de Cornouaille. Dès la réception de la lettre, le Lieutenant
Général part en compagnie de Me Alain de Quernaflen de Quer­
gos ('1 ), procureur au siège et de Clémancin, greffier. Dès leur
le procureur terrien de la paroisse est requis d'apporler
arrivée,
tout son concours au sauvetage'et au transport à Pont-l'Abbé,
de tout ce qui serait possible, (( afin de dim'Ïnuer les (rais de
gal'dagc )) , et, sans doute, d'assurer la sécurité des épaves
Par ordre, Vergoz, huissier, part sur l'heure pour bann'Ïr, '
à Pont-l'Abbé la vente de la coque et du bois, pour le mardi
suivant, à deux heures de relevée; trouver des locaux propres
à emmagasiner les effets du naufrage, et engager au plus tôt
des tonneliers de cette ville pour réparer et mettre en état
les caisses etfutailles qui ne se.trouveraient pas ll'ansportatilt~s.
Ce même jour, 27 décembre, le LieutenantGénéral fit enre­
gistrer les décJarations du capitaine Jean Bazille fOU Bazile! :
à savoir, qu'il partit de Marseille le 12 noyembre dernier pour
se rendre à Nantes et à Paimbœuf, qu'il était ({ chargé d'en-
viron sept à lmit cent cG'isses de savons, HS pièces d'huile de
1.200 pezant et '14 caisses de raisins, 23 bottes de laine pezant
à 300 livres, ÇIuelques sacs d'alain de 300 livres pezanL. Il
Il d~clare_ qu'il avait 1'2 hommes d'équipage et deux passa­
question: dit qu'il a vu la foule s'amener et se pré­
gers : sur
la cargaison (2).
cipiter sur
Le 28, on avise au rapatriement des matelots. et on leur
délivre â cet effet, un passe-port et six livres pour route el
vêtements. On transporte les bottes d'huile, sG'wn, et apparaux
à Pont-l'Abbé, pendant que deux tonneliers mandés de Plo­
néour, travaillent à racommoder pour le mieux les avaries.
la nouvelle survient que la tempête a
Dans l'intervale,
fai t de nouyelles victimes: la ycilIe, 27, (1 la. F'fanço'Ïsc J), cie
Nantes, capitaine Le Billon du Demaisnè, natif de Vitré, a
échoué sur la côte de Plouhinec.
(1) Nous adoptons t'orthographe que le Procureur du Raï adopte pour
écrire son nom. '
(2) Série B. 4·, :~14, pièce n" ~.

Le 29, on transvase une botte d'huile défectueuse dans un
fut cIe Bord (sic). On fait la criée de la coque et débris
du bâtiment adjugés (( powr la somme de 60 livres au Sr Rec­
(( leU: I' et pœro'issien,s de Tréguennec }); et l'affaire terminée
on monte à cheval pour aller rejoindre le Lieutenant-Général
à Poulgoazec, qui s'y était rendu dès les premières nouvelles,
du bris de la Françoise.
Les jours suivants, on {?rend les dispositions utiles pour
procéder à l'inventaire des effets et chargement du bâtiment
naufragé. .
Le 2 janvier 1731:. les officiers de l'Amirauté passant à Plo-
van, le Recteur leur donne avis l( que les habitants de la dite
« paroisse avaien L trouvés à la cotte quantité de savons et que
« sur ses remontrances et SUl' la promesse qui leur avait été
(( faitte que le tie?'s des savons sauvés par eux leuT serait ad j'Ur
(( gis par les Officien de l'Ami-rauté, Il a engagé plusieurs
« d'entre eux à luy apporter leur savon et (les) a requis de
II descendre chez luy pour (leur) en donner la vue et en dres-
«( ser inventaire. J) On va au grenier où le Recteur fit voir un
millier de savons .
Le 3 janvier, on procède à un commencement d'enquête
paIl un nouvel interrogatoire du capitaine auquel est demandé
« s'il a quelque subject de se plaindre des habitans de la
«( coste. Répond qui! sest comis par les habitans de la coste
« un grand pillage de savon, que l'on n'a pu empescher
« estant donné que lesd. savons se répandoient à droite et à
«( gauche du navire à plus d'une demi-lieue le long du rivage,
« quil a veü luy meme grand nombre de particuliers empor­
«( ter des savons dans des poches sur leurs épaules, que
(( meme François Baron l'un de ses , mattelots de confiance

" luy a dit que la nuit du mardy au mercredy l'un des gar-
« diens le prit la nuit à la gorge parcequ'il voulait l'empescher
« de prendre six flacons d'huille que ledit gardien emporta
« malgré luy. »

Des perquisitions s'imposenl; il n'y a plus à hésiter. Le
recteur lui-même conduit les gens de l'amirauté dans les
villages les plus suspects. Au Quélen, chez Nédélec Le Corre,
on découvre sous un lit « soixante-et-onze b1'iques entiè'l'es et
dix morceaux de savon, deux g1'andes pièces plattes et cinq
m01'Ceaux de savon blanc ». Il déclare que sa servante qui
vient de le quitter depuis Noël, étant actuellement chez son
père, métayer du manoir de Lesmadec, avait emporté avec
elle 23 briques de savon. A Lio Isellic (1), on trouve une
pièce et quart de savon blanc, 32 pièces et 2 morceaux; au
de Kerguern, 23 briques et 7 grandes pièces plates de
village
savon blanc; et ailleurs, presque rien.
Mais ces détenteurs, qu'on ne s'y trompe pas, ne sont pas
ce que l'on pense, et leur déclaration est fort habile et fort
pla usible pour établir, a II moins leur bonne foi, dans les
mêmes enregistrés par l'amirauté: « Le~dits particu­
termes
« liers nous ont dit en l'endroit de la capture qu'ils estoient
« dans le dessein de faire resti lution bien entend'u, que le tiers
II lent seroit delliv)'é ayant sauvé lesd'its savons à la me?' est
« s'estant mesme mis à la mer jusq- ues au cou PO'/,(/r' en raiTe
« le sa-uffetage de laçon que sans eux et les peines qu'ils se sont
« donnés ils au'raient été entiè-rement perdus, les ayant trouvés
« à plus d'une lieue dtt fie'Lt du nau/t'rage, un si g'J"and
« éloignement ne permettoit pas aux officiers de l'amiTa'Ltté
« d'en rai1'e le sauffetage q'Lti d'aille-un aUToit plus coûté en
« (l'ais que la valeur desd. savons qui se 1'endoit à la coste
« b1'ique à bTique et q'Lt'Ï par conséquent demande un nombTe
« 'infiny de sauvete'LI/fS. »
Cette même journée du 3 janvier, les publications sont
à fin de restitution el remise des épaves, à Tréguennec,
faites,
Plovan, Plozévet, Lababan et Tréogat : à l'instant on répond
à cet appel en apportant un très grand nombre d'épaves de
toute nature.

(1) Probablemen t: U01"%-Iz,ellic.

A Plovan, on fait le relevé du savon remis spontanément
au recteur avant toute opération et arrivée des agents de
i'Amirauté :.on trouve 476 briques tant grandes que petites,
et 41 pièces plates de-savon blanc; en plus de ce qui est venu
après: soit volontaiTement, soit paT sœis'ie, 436 briques et
27 pièces plates. Le tout fLit laissé et recommandé aux bons
soins et garde du Recteur, Messire J.-J. Thoër.
Le 4 et 5, on désigne quelques pistes à suivre notamment à
Plovan et à Tréogat : il s'agissait de captures de raisin pro

venant de la Mal"Ïe. La journée du 6 fut particulièrement pé-
nible et laborieuse à Tréogat : de huit heures du matin à cinq
heures du soir on dut rester à cheval, « par une pluye à verce
et sans boire ny menger.)) Au village du Rondaint, chez Jo­
seph Gourlaouen, valet d'Alain Le Trennec, on découvre
4 poches de savon; dans la cuisine, 88 briques et 44 morceaux
de savon, plus une autre pochée de 36 briques. A Lesmengny
on trouve force savons aussi dans l'étable, dissimulés sous la
. paille; ailleurs de même. Les braves gens ne sont pas em­
barrassés pour fournir une explication à celte quantité exhor~
bitante de savon chez eux: que ce n'est que leur retenue légi­
time, le tien à eux dû S'W' ce qu'ils ont porté de savon che: le
Recteur' !
Ce même jour, on décou \Te plusieurs briques de savon et
des raisins chez René Le Brun. Sa femme entrant chez elle pré­
sente une poche à demi-pleine de savon, déclarant n'en avoir
pas davantage. Un tant soit peu incrédules et soupçonneux,
les hommes de l'Amirauté sortent et trouvent deux autres
poches de savons dans des broussailles au dehors de la maison,
. le tout faisant le nombre de 53 briques et 12 morceaux; et
qyant eu la bonne inspiration d'explorer les champs aux issues
du village, ils trouvèrent cachés sous des pierres deux caisses
.pleines de savons et une petite caisse pleine de raisins et une
. poche remplie de hardes parmi lesquelles le capitaine recon­
nut un de ses habits: « Lesquels effets », dit le procès-verbal,

« nous ayons fait transporter chez le sieul' Recteur de Tré­
« guennec quy n"ous a fait voir 300 livres de savons qui avoit
« esté rendus chez luy par ses paroissiens. »
Le 7, on est à Pont-l'Abbé, le capitaine y recueille sa gœl'de­
robe pa'}' morceaux et déb1''Ïs qu'il estime 600 liV1'es.
« Ensuite », dit le Greffier, :< nous nous sommes rendus
« chez la DUe Hauteville marchande de cette ville qui nous a
« fait voir environ 250 livres pesant de savons q'Lt' elle a acheté
« de conceJ't atlec ledit cap'Ïta.ine d'Lt nommé Nicolas Donm'd
« et de son {rèl'e valet du 'nommé Lagadec du 't1 illage de Ke'J'­
«e basCaZ POU'l' une somme de 50- tiv'res qu'elle leur a livré le
« tout à dessein d'atti'rer et de 'J'econnoist1"e les fJOleuTs. » Mais
les naïfs villageo'is ce jour-là se trouvèrent pris: la leçon va­
lait bien un fromage; l'expérience dut leur venir et s'ils n'é­
trop dépourvus d'instinct, ils devinrent, sans doute,
taientpas
la suite, . plus fins et plus madrés fripons.
par
Le 20 janvier 173!t:, une information judiciaire est ouvel te
à Quimper-même pour découvrir les recéleurs et spéculateurs:
le Cahier des Interrogatoires nous fournit les indications sui-
vantes: .
1) Le sieur Bouché, employé dans la ferme des Devoirs,
du Lieutenant-Général d'avoir acheté
avait été accusé près
pour '1.200 livres de savon provenant du naufrage. Des per­
quisitions ont été faites chez lui mais sans résultat. Il main­
tient ses dénégations: personne, ni poissonniers ni 1'even-
deuses, ne lui en a offert; toutefois il ne peut dissimuler que
deux particuliers inconnus en ont offert à acheter à sa femme.
, 2) Sa femme, Thomasse-Françoise Le Hir, confirme ce que
vient de dire son mari. Il y avait quinze jours, c'est-à-dire le
5 janvier, « elle vit plusieurs paysans dans la rue qui cher-
« choient à vendre du savon: mesme deux d'entre eux,
« nommés Lélias et Le Berre, ainsi qu'elle l'a apris de Jeanne
« Le Guédes, sa voisine, luy firent offre à elle et plusieurs
(( autres, leur disant que leurs chevaux et leur charge

(c étaient au Bourlibou, faubourg de cette ville, mais qu'elle
(c n'en a_ cheta pas »). .
3) A Bourlibou (1), chez Jean Bodel, jardinier,dU La FleU't,
absent, sa femme, Françoise Le Bot, répond avoir acheté pour
63 livres de sa von « de trois particuliers de Plonéour, dont
« elle ne sait pas le nom, à raison de cinq sols et demy la
(c lim"e et qu'elle la revendue à deux négociants de cette ville
« sçavoir le sieu'r Reynièrr'e, perruq'uier, pour" 33 livres à
« r'aison de 6 sols la livr"e, et le reste a'U nommé St-Jean
« (sic) marchand dp,me~trant sw' la place Saint-Corentin et
(c vallet du sieur abbé de Trélez, chanoine, po'ur 29 livres « la susdite raison de 6 sols; que ce dernier n'a point encor'e
« payé à moins qu'il ne l'ait fait à son mary; déclare aussy
c( avoir donné une briq~te à la norice de son entant, et en
« avoiT consommé quelques moneaux dans son ménage, le
«( surplus estant en déchet, ce1./;x de qui elle les avoit achepté
. « ne hty ayant pas tait bon poids »),
Elle témoigne hautement de sa bonne foi: « elle a vu sou­
« vent le matin avant le jom' des cheva1/;x passer' chargés de
« savon sans en savoi'l' le nom (sic), Elle avoit vu en vendre
« publiquement sur' la pl·7,.ce Saint-IJfatthieu, qu'elle avoit
« mesme consulté son directeur qU'i avant de donner 'réponse
« atten,doit pom' s'in/or'mer. »
Il ressort de l'enquête à Quimper que le bruit commun
dénonçait « le nommé Le Gal, hoste dv, Lion d'or vis-à-vis de
« l'Evesché qu'i en a achepté pour cent écus. )): mais il nie
comme un beau diable; en tout cas, l'accusation devait être
outrée et dépasser même les bornes de l'exagération. Un autre '
véhémentement suspecté dans la même affaire c'était Bernard,
cabaretier de la r"ue Obscure, qui aurait acheté 20 livres de
savon à six sols la livre .

(1) Bourg-lez-Bourg.

Le sieur Bazile et les négoci,ants, ayant fait char­
la lIfœrÛ, 'pour leur compte, à Marseille, avec des­
ger
tination pour Paimbœuf, avaient, dés le J6 janvier t 734:,
dénoncé au comte de Maurepas, les pillages faits par
les paysans et riverains et « 'la négligence des officiers de
l'Amirauté de Quimper. )) Ils faisaient valoir que, si l'impu­
nité des coupables était assurée, ce serait d'une dangereuse
~onséquence pour le commerce et la navigation. Pour les
receleurs, il était nécessaire d'ôter l'information à tous ceux
du sang ou de l'intérêt, pouvaient avoir quel­
qui, par liaison
que apparence d'être soupçonnés d'avoir fait grâce aux cou-
• pables. M. de Maurepas, après en avoir référé à l'intendant,
à Rennes, commettait, par lettre du 13 avril, son subdélégué
à Quimper, pour l'instruction du procès. M. Elie Marcias,
à Pont-l'Abbé, porte sur ce dernier les témoignages
négociant
les 'pl us favorables, quoique persiste quelque inquiétude, « à
« caus.e des liens du sang et de l'intérest 'qui ont an'estés
Mrs les Juges de l'Amirauté » Le subdélégué comprit eJ se
récusa: alors l'intendant désigna, pour la cause, le sénéchal
M. Bréart de Boisanger. Ce dernier mit du sien,
d'Hennebond,
en toute cette affaire, · pour se ménager le concours de M. de
I\ergoz, protestant qu'il ne ferait rien sans son avis et son
contrôle Il tint parole, et ils n'eurent qu'à se féliciter de leurs
procédés. '
mutuels
Le 26'janvier 1736, M, de Boisanger transmettait à Quim-
per, de la part de l'intendant, l'ordre de mettre hors de prison
« les pauvres paysans qui y estoient détenus. » Ils avaient
M. de Kergoz lui répondait: ( tous
a ttendu longtemps.
« les prisonniers de savons prient Dieù pour vous et
« pour moy. Leur joye fut si grande en sortant de prisons
« qu'ils pleuraient en me venant remercier. Je vous diray
(( cependant qu'il ne pa1'oist pas que l'affairre f'ut jugée n'ayant
(( été élœrgis de prisons que paf 0 rdre du Roy, comme ils y
. (( avawnt ete m'ts. ))
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE ' TOME XXVII (Mémoires) 25

Que devint l'affaire'? Les Juges et Consuls de Nantes
constataient, en avril 1734" que }'onn'avait pu faire le reCOll­
vrement des marchandises suivantes: 800 caisses de savon
ou e'nviron, 29 balles de laine et 12 bottes d'huile.
Un des motifs de ressentiment des intéressés semblent avoir
été,surtout,la concession faite et promise par les Recleurs aux
riverains, du tiers des marchandises sauvées du naufrage.
Cette concession, si elle ne fut pas toujours soumise à un con­
trôle bien sévère, diffcile du reste à exercer dans l'espèce, se
présentait comme une inteqjrétatien, large, sinon autorisée,
de l'ordonnance sur la Marine. L. IV. Tit. IX. De.'; nan/rages: '
Art. XXVII ('1 ). .

Deaueoup (le In'uit et d'agitati
a PI·oIIOS
de s a:voll.

Le 3'1 décembre 1736, dans Papl'ès-midi, le navire de com­
merce l'He'll,reuse-JUarie, de Saint-Malo, de '186 tonneaux,
la côte de Plozévet, en face de Kerbouran. Il était
échouail sur
commandé par Adrien Vincent, sieur des Marest (ou des
Marais), « canadien de naissance )J, et se rendait à Nantes
et à Paimbœuf. De grosses liasses de reconnaissements mon­
son chargement consistait en savons, !wiÎles, oli'oes,
trent que
anchois, sen!!, raisins, amandes et fignes. L'état des frais de
sanvetage, magasinage et gG/l'dages des effets sauvés dès la
première heure, nous indique (art. i) qu'il fut payé « au SI' de
St Pezran capitaine garde-coste de la paroisse de Plozévet et

(1) (1 Si toutefois les elTets naufragés ont été trouvés en pleine mer, ou
tirés de, son fond" .la troisième partie en sera délivrée incessamment el sans
(t'ais à ceux qui lt'!" auront sauvés, et les deux autres tiers seront c\éposôs
pour être rendus aux propriélaires s'ils le réclament dans le temps ci-
- dessus, après lequel ils seront partagés entre nous et l'Amiral, les frais de
justice préalablemenl pris SUI' les deux tiers. »

pOUf les peines et soins qu'il s'est donné ... ,. pOUf trois jours
et deux nuits, et pOUl' tout: c100 livres. (Art. 3 : au st· de Boi­
sangat lieutenant, pour deux jours et deux nuits: 18 livres;
- au recteur. 20 livees ; aux huissier, brigadier, commis
aux tabacs, matelots de la paroisse; à l'arché de la maré­
chaussée, pour deux nuits: à chacun 6 livres. Aux buandières
« attendu l'inconstance de 'la saison », est alloué à chacun
cinq sols pa-r jou/t'.
Dès sa [Jremière comparution, le capitaine chargea les
habitants du littoral en général d'une accusation globale de
pillage et 'de voz.el'it~ .

Un des griefs l'epl'ésentés au comte de Maurepas par les
juges, consuls et armateurs de Nantes, à l'occasion de la con­
duite de l'amirauté de Quimper lors du naufrage du navire
La jJtlal'ie, portait SUL' la négligence que l'on avait mise à pro­

voquer la fulmination de monitoires. Les officiers de l'Ami­
rauté s'en souvenaient et, cette fois, instruits par l'expé­
rience, ils ne négligèrent pas ce moyen d'arriver à la connais­
sance des pillards et à la révélation des receleurs, et même y
montrèrent beaucoup de zèle et de prévenance.
Le même jour, 28 janvier, intervient une requête pour
des « Faicts et articles qu'en­
obtenir monitoire; rédaction
« tend soutenir Me Alain de Quernaffien de Quergoz, conseiller
« du Roy', demandeur et accusateur contre plusieurs diffé­
« rents particuliers qui ont voUés, pillés, enlevés et emportés
. « plusieurs marchandises comme sça VODS, etc., du navire dit
« l' LIeureuse-Jtlarie, de Saint-Malo, sçavoir ... etc.»; enfin
le monitoire fulminé par Mgr Fr. Hy. de Plœuc.
Presque parlout, dans le ressort mai'qué et délimilé par la
requête, le monitoire fut publié les 3, 10 et 17 février, et les
réagra ves le dimanche après, soit à Pont-l'Abbé, Loc ~udy,
Plobannalec, Lambour, Audierne, Locronan, Plouhinec,
Plovan, Pont· Croix, Pouldreuzic, à la Cathédrale de Quimper,
à Saint-Mathieu et à Loc-Maria. A Lababan, nous ne sa vons

par suite de quelle circonstance, le monitoire ne fut lu que
les '17, 2,'1: février et 3 mars, avec lecture des réagra ves remise
au 7 avril.
Le certificat de publications du recteur de Plozévet, daté du
25 février, n'enregistre aucune déclaration; au 28 avril, sur
il relève les noms de quelque dix témoins qui se
réagraves,
sont présentés prêts à déposer. Le 28 avril, M. de Calan,
de celte paroisse, écrivait à M. de Kergoz, procureur
recteur
du Roi: « Je n'ay tant tardé à vous renvoyer les monitoire~ et
l( réagraves que dans l'espérance que la quinzaine de Pasq1..l,e
« jointe au réaggrave auraient mieux concouru à les engage,.
« à déclarer, mais f ay été t'rampé da.ns mon espérance. »
Le sentiment qu'éprouvait le recteur de Plozévet se
trouve exprimé et partagé dans ses déceptions, par le recteur
de Pouldreuzic, à Mr de Kergoz :

A Pouldreuzic, le 5 may t7J7.
« J'ay l'honneur de vous assurer de la continuation de mes
« très humbles et profonds respects, et celuy de vous dire que
(( si j'ay différé à vous rendre les agraves publiées, c'est que,
« comme nons étions dans le tems pasqnal il seToit venu pins
« de pe-rsonnes donner leun noms .... On m'a restitué quelque
« peu de savons et qui sont presque de petits morceaux et.
« qu'il y en a quelques-uns dont on sest servis cy devant
« avant qu'on ne les a rendus. Il y a quelque argent, mai s
« c'est peu; cela ne mérite pas de faire le voyage pour les

« venir prendre ....
. (( Je n'ay donn,é aucun tiers à ceux qwi m'ont j'ait des l'es­
(( titutions et n'avois garde d'en donne".. Il n'est pas à ma.
(( . connaissance q1te Ir! es .~ie1lTS les Rectcw's des en'oj'/'ons d'icy
(( en enssent donné::, etc. .

'( Nicolas, recteur de Pouldreuzic. »

M. de Calan, d'autre part. affirme avoir déclaré du haut de
la chaire qu'il était défendu de se réserver tout tiers et de
l'accorder à qui que ce fut.
On voit que les Recteurs, aùssi bien que l'Amirauté, se
souvenaient des reproches q~'ils avaient entendus au sujet de
ra troisième partie de prises revenant au sauveteur.
Pont-Croix, il y avait à cette époque Grande M" ission:
les Pères directeurs de ces solen oels exercices avaient désigné
de recevoir les resti­
certains Recteurs spéeialement chargés •
provoquées Dar le trayail des consciences, l'éloquence
tutions
des prédicateurs et la direction persuasive des confesseurs.
Le curé de Pont-Croix était un de ces intermédiaires, ·
comme l'indique la lettre qu'il écrivait à M. de Kernafflen, à
la date du 29 avril 1737: « On vous a mal informé quand on
« vous a dit que j'ay reçu des restitutions appartenant aux
u prétendents du bris de l'Helwc1!se-Marie, car je n'avois pas
(\ ordre d'en recevoir. Il est 'D1'ai que les PèffS de la Mission
« dc Pont-C1'oix mc charrgèrcnt dc 'l'ccevoil' les -restitutions.
« Signé: Guillaume Geffrand, curé de Pont-Croix. »
" Au dos de cette lettre, d'allure plutôt embarassée, on lit":
« Voylà la quati'ièrne fois que fay lu des monitoires et réa-
« graves dans l'égliso de Ponte Croix sans que personne se
« soit advisé de me donner ce qui est dû pour les avoir publié,
« quoyque ccs sortcs dc commissions sont fort désagréables et
« quelquc fais penâcicuses pour CCtlX gui s'en chœrgcnt. »
Sous l'impulsion des monitoires et celle des directeurs des
consciences, on vit beaucoup de personnes répondre à l'appel
aux lumières qui leur étaient fournies
qui leur était fait et
le cas donné.
dans
Nous en trouvons le détail dans un cahier intitulé: Etat
des savons 'reçus en f'ormc dc restitutions :
En 1734, naufrage de la M aric, nous relevons le nom de '
« plusieurs particuliers de la Terre-au-Doc»; de Made de

Km'al'et, de St-Raoul et de l'abbé de Kerében, chanoines;
de M. de Bodivit, recteur de Plonéour (pour le compte de leurs
pénitents; de M, Robin, prêtre etchapelain de Saint-Mathieu;
de Mme du CluyOll, -de la «( delle Dereinière, lemme d'un peni­
C( ql.lier: a Temis 35 b1'iql1,es; cl c la VC'I}(' d 1l Hlocq.... ('1) ))
En 1737, les restitutions accusent un chiffre particulière­
,fr8ppant, du H février au '17 avril, puis la ferveur
ment
en octobre, et en janvier et juin 1738. Cherchez-en,
reprend
si vous le voulez, l'explication dans le saint temps du Carême
et le temps pascal, et dans l'époque des Retraites. Nous le
croirions assez volontiers.
Les intermédiair(:ls auxquels s'adresse la confiance de ceux
qui ont à restituer sont Messieurs du Cbapitre, le recteur de
Locmaria, le chapelain de l'Hospice, le P . Exsta:re, jës1I'ite
et le P. jlfa.ximai'n, cap1lcin. Nous relevons, comme répara­
tions ou restitutions, celles de Lonis Ja./'diJl., dit Lafleur, de
Marie-Thérèse Vimon, lpmme dp Beall-SoLeil, et parliculière­
ment du sip1!l' Allanl, dont il sera parlé plus bas, auquel il est
de (( etut soi:r:aJ/{e pl fjl/rtO·(· pièces df' saro'}/.s
délivré quittance
(( tant r:n b J''Îqu es (j1l e demies b ri q Il es et 111 0 l'cea 11 x a1)e(; ci JL-
(( q1ta1Lle et cinq bo'Ulles aussi de savo'n pt'O ocna.nt dll IIGU­
(( {rage, leq'uel il a dit; pesa quall'e cent livr('s )).
En dépouillant les trois cahiers d'information Judiciaire,
les archives de l'Amirau té de Cornouaille,
conserves dans
de tr9is cents dépositions (2), on reste surpris de
relatant près
l'animation que le naufrage du nayil'Ç) l'Hcllreww-JJlaJ'ip suscita
et entretint dans la région d'A udierne à Qtfimper, de Pon t­
l'Abbé et Pont-,Croix à Locronan et Châteaulin. La nature de
la marchandise écbouée, couran te et commerçante, apportait.
au ,pays une prospérité inespérée; celte denrée, p1'csq1fe de
(1) Lisez, sans doule, « la veuve ·de Bloc'h. »
- ('2) N. B. Pou r faci! Hel' les l'cchcrchc~, nous c1('sigucl'ons le cah iet' d'informa-
tion par un ch ifIre romain , elle-nu cl 'ordre ùe la clt"posi lion pa r U fi ch i lIre ara b~.

première nécessité) ou du moins de seconde, allait pour quel-
ques jours donner à certains esprits Je mirage d'un Eldorado.
Comme la bonne fortune doit se saisir aux cheveux, on n'y
perdit pas de temps, et, de la côte de Quimper, ce ne fut qu'une
de trafiqueurs, de spéculateurs attirés
fourmillière grouillante
la convoitise de faire une bonne affaire.
par
C'est à Penhors, paroisse de Pouldreuzic, à proximité du
lieu du sinistre que se centralisent les opérations de sauvetage
de pillage. La foule s'y presse comme aux jours de pardon.
Ce quartier de Pouldreuzic possède une chapelle relevant du
prieuré de Locmada-Quimper, but 'd'un pèlerinage. vénéré et
que prouvent les articles des comptes en
d'une importance
décharge des fabriques, par exemple celui de 1 ï34, «( pour
les villes de Quimper, Pont Labbé
avoir fait banir dans
Ponte Croix et Pouldavid les jours de pardons et foires des
effects de ladictte chapelle, deux fois dans chaque ville, payé
quatre livres.
payé au soneur de cloches pour avoir crié sur les
hardes de l'église les jours de yan tes dix sols
- payé pour les souppes et dînez de Messieurs les recteurs,
et prêtres qui viennent les veilles et jours de pardons pour

aider à confesser et aider à l'office comme aussi pour la nour-
de sept personnes qui sont tant avec les plats ramasser
riture
les offrandes dans l'église, éimilière et hors du cimetière que
ceux qui sont auprès de l'immage de la vierge et des
reliques allumer des bougies et cueillir les aumônes des fidelles,
comme aussi pour ceux qui sont clans la sacristtie recevoir les
testaments et les marquer comme aussi les offrandes. .
..... et aussi pour la nourriture de ceux qui demeurent
la nuit dans la sacristtie ces jours pour garder l'église­
payez pour le tout trente et six livres.

Pour conclure les marchés, le quartier général était chez le
débitant vin et cidre, chez' le prédécesseur du gérant du
Casino actuel de Penhors: il s'appelait Henri Quéméneur :

vers 1746, il quitta son comptoir, ses pintes et ses barriques
au Manoir de la Tour, paroisse de
pour devenir laboureur
Lanvern. Dans une déposition, du 30 décembre de cette année
1746, il déclarait, en effet, que « lors du naufrage, il tenait
« auberge à Penhors, prés de la chapelle et que les matelots
« naufragés venoient chez lui boire et manger et so,ldoient en
savons qu'il a re endns 7 ou. 8 écw;. )) Des témoins assurent
que Quéméneur aurait été à même de faire mieux, qu'il avait
fait des profits 'plus considérables que ceux qu'il avoue. C'est,
par exemple, Marie Treussart, demeurant sur la place de
Pont-Croix, qui a entendu dire que Quéméneur, de Penbors,
avoit vend1/, pour deux cents éc rus de savon provenant du bris
Au bourg de Pouldreuzic, les hôtes ne furent pas moins
le concours d'étrangers accourus à la côte.
favorisés par
Corentin Peton général et d'armes, rue I{eréon, dépose que
dans le temps dudit naufrage, se trouvant chez Vig01.t'l'OU:r.
hôte de Potildreuzic, il vit un des enfants dudit hôte revenir
de la grève (( avec une chm'ge de savon dans ses culottes qu/il
(( avoit ostée à cet effet.)) Il vit aussi ledit hôte et Peltier
Conan, marchand de Quimper, faire la pesée d'une quaran­
de livres de savon pour être rendues en ville; que la .
taine

femme Nézet marchande, place Saint-Mathieu, en acheta
200 livres ; que près de Plogastel-Sajnt-Germain~ il
environ
rencontra quatre particuliers qui portaient chacun une charge
de 50 à 60 livres de savon «( q'l.t'ils luy dire alJoil' achepté à la
« coste et qiti ne lew' 1 'evenoit point. à de1ix sols ta livre. »
Jean Cougar cuisinier à Quimper, paroisse et rue Saint­
Matthieu, dépose que 15.fours après le bris; la l( nommée An­
« nette,marchande épicière et femme de Félix Nézet patricien
« rU,e Saint-Mathieu, a dit au déposant. qu'elle avait acheté
« pour vingt écus de savon de Riou Le VigO'LlTo1.(X, -hoste au
-« bourg de Pouldreuzic, et quelle avait acheté ledict savon
« par brique à raison de 18 sols la brique et quelle les a ven-

« dus à des particuliers inconnus au déposant, dépose de plus
« que laditte Annette lui dit avoir acheté HW livres de savon
l( pour dix écus, à raison de 4: so ls la livre du meunier de
c( Pennennèsen Tré-méoch, et laditle Annelte dit audit dé po­
« sant que sil vouloit avoir part'au profit il n'avoit qu'à payer
~« la moitié et à l'aller quérir, à quoy le déposant répondit
« quil n'avoit point dargent; et elle lui donna les dix écus en
« luy disant allé les fj'Llél'i'l', et il fuI chez le meunier, prit
« livraison, revint son cheval chargé, vendit le sayon 6 sols
« la livre. (II, 7"2. \
Etienne Conan, marchalld, place Saint-Corentin, dépose que
(e le j-our de la vente de la coque du bùtiment, il partit de
« Quimper el arriva sur le lieu du naufrage, le capitaine et
« autres officiers du bâtiment luy proposèrent d'acbepter des
cc caisses d'oranges, des barots d'olives el des figues quils
, . « avoient pour leur compte .. ,. Ils convinrent du prix et les
«paya sur le champ! mais comme jJ fallait une charette pour
« transporter ces effets et quil se trouva des particuliers de la
« ville de Quimper qui s'en retouroèretli le mesme jour, les­
« quels il chargea d'une lettre pour venir prendre ces effets
(, achept~s, lesquels il chargea dans ses charettes estantes
cc arrivées el le déposant 'tet01.l'1"'I1ant à la. gr rève trou·va en
« 1'01,ltt e ~ln homme qui avoi t des culottes snt ses épaules en
« {j'Llise de poches chargés de savons. Et le déposant
« tt/y demanda s'il lc.s VOttloit vendn'., ils convinrent
(1 de 4 livres 10 sols) lequel savon se trouva. peser 33 livres ) .
Le courant, très violent, transportait les épaves très loin du
lieu du sinistre, Daniel Le Burel, de Pouldreuzic, dépose que
le bris, il fut à la grève voir défaire la
quelques temps après
coque du bàtiment qui avait été vendue à de certains particu­

ne connaît point: (( il vit qu.e ceux qti'y t1 avoil­
liers qu'il
(( loifnt trouvoient des pipces de savons et chacun les mettoit
(( à cotté. )) (II. 72).

Demoiselle Annette Legac, veuve du sr Gabriel Salaun,
dépose qu'on avait recueilli des
marchand à Pont-l'Abbé,
sa vo ns dans les go i~'m() ns et q ne des gens de T'/'(>·ffiagat allaient
vend1'e de village en 1 J iUage, au OnûlJi'nec, Lesconil, Trer
fiagat, etc. (Il. 72)
Un très grand nombre de briques de savon sont reconnais-
sables en ce qu'elles ont été arrondies par la mer, si bien que
certains recteurs se chargeant des restitut.ions en nature,
pas à assurer que ces pièces de savon ont déjà servi
n'hésitent
dans le ménage: erreur facile à expliquer.
A Lababan, naturellement, l'aubergiste était à portée de
fournir aux réclamations des étrangers ou de leur faire ses
offres de services.
Jérome Gaillard, journalier à Locmaria, se trouva à cetle
à Plozévet « où il était allé faire une petite queste de
époque
« bled qu'il est dans l'habitude de faire tous les ans dans les
« paroisses de Plozével et de Plovan pa l'ce qn'U se l'end ~tt-ille
« aux gens de ces qlla/"ti"I's 1)011,. [('-" aydf'l' à Dt!ncl'i'C lC1I l'S
« cheVa1.l:f gras. Un soldat de la lerre-au -duc sans qu'il puisse
« autremenlle nOI11mer luy dit qu'il avoit achept.é pour di./'
«( éC1..lsde savon du nommé Yves Le Cabon, aubergiste du
« bourg de Lababan. IJ Il avoue en ayoir acheté pour 30 sols
sa femme a \'enclu deux Hues pour acheter de la farine:
dont
il proteste être de bon ne foi et n'y a voir vu clemal. (1. 3).
D'autres dépositions nous représentent le pays sillonué
« paT les chass('-mal'ùs )J : on les rencontre sur toutes les
routes, parLiculièrement sur le territoire de Landudec, tandis
que d'Audierne à Plouhinec on ne rencontre que gens du Cap,
par bandes de six à huit hommes, venant dp, Plogoff et rIe
Cléden (1. 67. ), et se rendant au but.in .

les employés des Fermes sont sur les dents
A Quimper,
Loc· Maria, la femme du passeur raconte que depuis le

naufragedePlozévet, c'est à peine s.i on peut, la nuit, clore l'œil
par suite de la quantilé d'individus qlli reviennent de la côte
avec du savo·n. Elle désigne comme la plus acharnée à faire ce
transit Jeanne Le Gô veuve du nOl11mé Jolicœu/', de la Rue­
(1. 2). D'autre part, ·on dénonce, au même titre, la
Neuve.
femme cie Cain, poison nier. (1. L)
Hervé-Joseph Le Férec maître taillandier de la Rue-Neuve,
tlOmme serviable et obligeant, prèle ses balances pour peser
le savon de bris; prête des mannequins d'osiers qu'il a dis-
ponible pour faire le transport; il n'a guère à se féliciter de
ses bons procédés: balances et mannequins lui reviennent
souillés de savon. .
Il dépose que la Ruo-Neure était sillonnée de gens allant
et venant aYdnt du savon soit clans leurs tabliors soit clans
des paniers; il a Hl mesme plus de \'ingt cheva LlX par jour
avec des charges de cette denrée.' (1. 4.)
Fra nçois KerIoch maréchal dans la même rue, déclare que
son voisin Le Bars chasse-marée avait cbez lui le contenu de
deux mannequins qu'il arait vu, sous ses~7eux, décharger de
dessus le cheval à sa porte. (1: 5.) Une grosse femme s'en
vint 1'J/coynito offrir des savons à 5 sols la livre à Perrine
Costin, sacrisline de la Congrégation des Dames de la Rue­
Neuye. Le prix était. déjà éleYé) comme on le voit. La sacris­
tine entendit celte femme lui dire qu'elle en avait vendu beau­
coup et qu'il lui en restait eu core trenle livres. (1. 6.) La
femme de Jean Calvès cordier dans la même rue a pesé, en
plusieurs' l'ois, plus de Cinquante livres de savon à Pierre Le
Bars et à Gabriel Binic. Un jour elle voit le fils de Cardinal,
le cordonnier, arriver arec une charge de cheval de savon
qui était entre lui et François Miossec son beau-frère, ce
qu'elle apprit par une violente discussion qui s'éleva entr'eux.
Il fit un second voyage à ia côte mais sa charge fut au retour
les employés des Fermes.
saisie par
Au l'es Le , il serait difficile de compLer ceux qui en ont fait

autant; dans les plus actifs il y avait cc un dragon nommé
La Douceur ». Les caravanes revenaient si chargées que l'ob
était obligé d'aller à leur rencontre assez loin pour les sou­
lager et leur prêter uo coup de main. (1. 7.)
Rolland QuilHrou journalier à Loc~Maria ne s'attendait pas
à se trouver acheteur de savon le jour où il conduisait au pays
une de· ses nièces qui servait à Quimper, pour luy lai· rc
prcndre l'air natal: l'occasion fait le larron; il voit le trafic
se décide à acheter d'un paysan de Plovan du savon pour
la vaJeur de dO'1l~e livres cl' a/'gent. Il vit même un 'particulier
IoUies pour vingt livres. cc Ils revendirent leur
acheter deux
« savon dans un parloi/' du priC1tré de Loc-llfal'ia à un parti­
« culier dont il ne sait le nom ». (1. 8.)
« Le 8 Belleveaux fayancier dépose que le nommé Marc
G Jean, demeurant en la rue Neuve, paintre en fayance, luy
« a dit avoir acheté cen t livres de savon, sans dire de qui ... »
Vincent Lorient, garçon tailleur, rue Neuye, a entendu
Marion Flaman, veuve d'un cordonnier de la même rue Neuve,
demeurant vis-à-vis d~l M.oulin de l'Evêché, lui dire qu'il venait
de ]a côte où jl a\'ait été pour prendre une charge de savons
il a Dait donné des arrhes 0.1" paysan, mais que
pour laquelle
celui-ci les 'avait -rendus à d'autres,en ayant trouvé d'avantage;
fait inutilement quatre lieues de tour pour en
qu'elle avait
chercher. (1. 33, .
Pierre Le Louët, tisserand, de la rue Neuve, avait pesé 53
livres de savon à un soldat de navire nommé Dupont, demeu­
la même maison, ainsi que le siem' Hallard, 110'1'­
rant dans
che/' de la rYlœréchaussée, auquél Dupont a porté celte quantité
de savon ('1). (I. 12-13.)
Yvonne Le-Douevez, rue Neuve, auprès de la Magdelaine,
trouve un homme qui cherchait du savon à acheter; mais en

(1) Nous retrouvons plui-ieurs fois le nom d'Allard, qui paraît avoir jOU8
un grand rôle dans J'av.enture.

vain, lorsque survint Catherine Le Milion, femme de La Dou-
cem', qui lui offrit de lui en procurer cent livres sur-le-champ:
mais ils ne purent s'entendre sur le prix. (1. 14-15.)
Les autres dépositions constatent simplempnt le va-et-vient
continuel entre Quimper et la côte.
Si à Loc-Maria et à la rue Neuve on trouve des gens entre­
prenants comme ceux dont nous avons relaté les noms en pas­
sant, et particulièrement (( le bovchm' fou, )); onen trouve
du même acabit aux environs de la place Terre-au­
d'autres
Duc et de Créac'hmor (ou Créma".), aujourd'hui Kernisy. Deux
un veritable entrain dans cette expédition
femmes montrent
du savon: c'est Manon Melin, femme du. sieur Madec, maître-
d'école de la place Terre-au-Duc, et Hyacinthe Melin, femme
de Jacques Douguet, lexier Oll.. tisserand, rue Villy .
Guillaume Bignon, jourmllier, rue du Chapeau-Rouge, dé­
clare en breton que le fournier de CrémaI' lui a dit qu'il avait
été au bris et emporté une charge; qu'il a entendu la femme
de Madec (( Jlie décolle)) confier au déposant qu'elle a été au
bris, etc· ... (1. 136.) "
Catherine Bloc'h, ferilme de Jean Rioualin, journalier, me
Villy, dépose qu'un jour étant en journée chez Mme Joseph
Lepennec, boulangère, Pont-Médard, elle la vit acheter du
. savon pour la somme de [12 livres à raison de 5 sols la livre,
à Nicolas Bodollec, foui'nier de Crémar, et le
qu'elle vit payer
tisserand à coté de la chapelle Saint-Marc, mais la" déposante
à un inconnu 5 sols la livre, qui le porta au haut de
revendit
la rue Obscure où est hôtesse la nommée Catlou. (II. 128.)
Jeanne-Marie Teurtrois, perrucquière, 2'1 ans, rue du Cha-
peau-Rouge, dépose « avoir vu Beaulieu 1e fils décharger un
« cheval chargé de savon dans des mannequins à la porte
« d'a utre Beaulierrson père, lesquels savons furent transportés
« en hault. Adjoute ladite déposante avoir apris d'Yves Teur­
« troy son père à elle aussi peruquier que le fournier de
« Crémar lavoit fait entrer dans sa maison pOUf' examine1' ses

«( savons et SCG1wi.,. lesquels estaient les meilleu'J's. les blancs on
« les ma-J'brés; adjoute avoir rencontré près du Moulin-Ver
« la femme de Madec, hoste il la Terre-au-Duc, suivi
« du nommé Douget, son beau-frère qu'estoit à pied et
« elle à cheval, laquelle lu y dit qu'elle alloit quérir des
« savons» (I. '189.) . /
Tout le monde veut spéculer sur la bonne chance de ce
naufrage de Plozévet. -
On trouve du savon partout, jusque sur les poutres des
maisons, les solives des greniers. (1. HO). Les miséreux s'en
mêlent: ils quémandent instamment pour emprunter une
légère avance· de façon à pouvoir tenter le coup du savon,
Marie Bolch, femme de Jean Glaziou, jardinier, rue du
Char eau-Rouge, dépose que le nommé Maho, journalier, de
Saint-Marc, pria la déposante de lui prêter trente sols pour
aller quérir des savons et qu'elle 1 ui prêta qlla ra n te sols (I. 169).
A Esquibien, les pauvres vont de porte en porte changeant
du savon contre un peu de farine. (1. '100).
Les malheureux débiteurs envisagent leurs créanciers avec
plus d'assurance et les interpellent avec aisance pour leur
annoncer un prompt remboursement grâce à un heureux trafic
sur ce savon providentiel. Les gains; en effet, sont relatiye­
ment considérables: au lendemain du naufrage) la livre de
savon est vendue, à la côte, deux sols et deux sols et demi;
.puis, subitement il ya hausse, et à Quimper, il se vend cou­
ramment six sols et même huit sols .
Messire Jean Herrou, recteur de Beuzec-Cap·-Caval, depose
qu'un jour qu'il ne peut c~tter , il entendit le sieur de Pencré,
de Pont-l'Abbé, dire à son épouse qu'il se croyait obligé à ré­
vélation, à cause des Monitoires qu'oH lui a offert du savon, et

qu'un jour en convêrsation chez le recteur de Lababan, il lui
dit ' « qu.''il estait ent-ré dams sa paroisse plus de neuf cents
« livres de savons et ql.,t'on avait beaucoup pl'ofité dans sa
« paroisse du b?"is en question. )) (II. 44). .

Le st' Guy de Kerguelen, seig ' . de Kermatheano, Terre­
au-Duc, déclare qu'un homme de Plogastel-Saint-Germain fit
offre au déposant de la quanlité de savon qu'il voudroit,
« disant en a1.1oir vendu pliUi de Uois à q'uatl'e C(>n1s li'IYJ'es tant
« dans les ma'Ïsons de noblesses Q1lC dans lcs b01l l'gades au.,T
« envi/'onds, )) (II, 27).
« Jean Pillielte, serrurier, demeurant au Marché de Beurre
(( au Pot, paroisse de Saint-Sauveur, dépose qu'un jour qu'il
« ne peut cotter, le nommé Alain Duran, serurier, estant
« dans la boulique du déposant luy dit que sa Femme avait
« achepté du savon pO'Ll'I' la somme de cent 1'i1ï'es ou de cent
(C écus (1) Ce que le déposant ne compriL pas bien parce que
(1 ledit DU'fan a. de la difficvlté à pade/' ayant; un pa ra Lé.c;'ie
{( sur la Langue et qll'illuy dit aussi que sa fémme avo'it des
(C conso/'ts clans tet aC ltaPI. (II. 13.)
François'e Le Brun, domestique du Sr Guern, sacrisle de
Saint-Corentin, âgée de 30 ans, a entendu Annette Le Bozee,
femme d'un cordonnier de la rue Neuve, (C luy dire qu'elle
« avoit, achepté des paysans de la coste environ soixante livres
« de savons quelle avait revend1.l sLr: sols la livre ll, \1. 30.)
Toussaint Lorient, Me eoutellier, rue Saint-Mathieu, déclare
que le nommé Sequin, pâtissier, demeurant à Boûl'leboll) dit
au déposant que le nommé Quintin, chasse-marée, rue Neuve,
(C en t J'alica.nt de savo'ns a.voit yaigné treize écus en den:t
« voyages »). (1. '183.1
La nouvelle du naufrage se propagea au loin: les étrangers,
à plus de dix lieues, lieues de jadis, prétendirent à prendre
leur part de l'aubaine. Par quels agents d'information turent-
ils mis au courant de l'événement?
Le naufrage eut lieu le 31 décembre, dans l'après-midi;
les premières opéra Lions de sauvetage s'effectuèrent dans la ,

soirée et dans la journée du 1 janvier; les officiers de l'ami­
que le '2 janvier, un mercredi, et dès le
rauté n'arrivèrent
lundi suivant, les informations en font foi, les gens du deho?'S

affiuaient à Quimper pOUl' se mettre en mesure de trouver du
sa von à acheter.
On connaît deux grands moyens de transmission des nou ~
velles: les marchés et foires, et la tournée des chercheurs de
pain et mendigos . .
Notre histoire locale nous apprend que dans les foires et mar­
chés on ébauchait, parfois, ou concluait des conjurations: sous
la Ligue, à Lesneven, cellede la noblesse de Léon contre l'éner­
gique René de Sourdéac, gouverneur de Brest: plus tard, les
dernières instructions de la conspiration de Cellamare furent
initiés, . à la foire de La Martyre. Mais, ici, du
indiquées aux
2 au 7 janvier, nous ne voyons à placer un jour de foire ou de
marché. .
Peut-être des mendiants, gens de mobilisation facile et de
bonne volonté à rétribuer, furent lanéer la nouvelle
pour le compte de spéculateurs et les convoquer au trafic.
On vint, on vint même d'assez loin, et on constatera d'après
les informations que ceux qui ét~ient venus s'en retournèren t
chez eux de fort méchante humeur, protestant et jurant qu'il
ne valait pas la peine assurément de se déplacer et de venir
et 8 sols la livre du savon que leurs
acheter à Quimper, à 7
ce prix, sans
fournisseurs ordinaires leur abandonnaient à
les frais de voyage qu'ils avaient fait. -
déplacements et
PLEYBEN. Distance de Quimper d'après le Dictionnaire
d'Ogée : 5 lieues; d'après les Annuaires actuels: 33 km.
François Lamoureux, marchand fruitier, rue du Chapeau­
Rouge, allant à Morlaix, retrouve un nommé Jean Favennec
aveec 'Lm cheval chœl"gé de savon à Pleyben, puis il retoulf,jw à .
Quimpelf en chelfcher d'autre. (1. 128.)
Pleyben était la. première étape pour les industrieux ache­
. . te urs de savons à transporter jusqu'à Morlaix. (I. 182) .
CHATEAULIN. Distance de Quimper: Ogéè: 41ieues 1/2;

Annuaires: 28 km.
« Jean Cravec, sergent, demeurant à Locronan, se trouvant

« le 7 janvier dernier au bourg de Pouldreuzic, pour aposer
« la saisie féodale sur le presbytaire, la femme de Riou Le
« Vigourous, haste dudit Pouldreuzic, luy proposa de luy
« vendre des savons et l'ayant suivy il fut conduit par ledit
« hoste, sa femme et ses enfants dans la maison à four où on
« luy vendit et liv'fa deux cents cinquante livres de savons à
«( cinq sols la livre, lequel savon le déposant revendit au marché
« suivant de Châteaulin à raison de six sols la liv'roe à pl usieurs
« personnes de la campagne inconnues 1). (1. 141.)
CHATEAUNEUF. Ogée: 6 lieues 1/2; Annuaires: 36 km.
Yves David, 23 ans, acolitte à Toul-al-Laër, paroisse de
Notre-Dame, a vu une femme de la rue Neuve accompagné
d'un homme qui portoit des savons et des balances et vendre
et peser à la DUe Royou, et aussi vendre aux SI'S René et Jean­
Marie Guillou, de Châteauneuf, l'un acolite · et l'aut'fe diacre,
à raison de cinq sols la li vre, et Sébastien Thomas, écollier de
rhétorique. (II. 33.)
HUELGOAT. Ogée : 9 lieues 3/4 ; Annuaires ; Q~ km.
« François-Gabriel Le Bonderf, demeurant à Toul-a-Laer,
« dépose qu'après le naufrage une de ses connaissances du
.(C collège, demeurant au bOttrg de Huelgoat dit au déposant
« avoir fait le voyage exprès et avoi'l' acheté de'wc cents qua­
« rante liv'/'es. )) (II. 26.)
CARHAIX. Ogée: 11 lieues ; Annuaires : 6~. km.
Anne Le Moine, domestique, chezMadede Villeneuve Marige,
rue Saint-Mathieu; dépose qu'un jour étant allé avec la femme
du nommé Pastalon, cordonnier, rue Saint-Mathieu, chez le
nommé Beaulieu, loueur de chevaux, rue·du Chapeau-Rouge,
elle demanda s'il y avoit du savon et deux petites filles qui
estoient dans la maison répondirent à la déposante que son

père et sa mère étoient allés à la Tourbie, porter du savon à
des gens de Carhaix, et quelques temps après la déposante
retourna dans laditte maison où elle trouva le père, la mère,
le fils et la belle-fille qui comptaient de l'argent et qu'ils lui
BULLETIN ARCHÉOL. DU FnnSTÈRE . TOME XXVII (Mémoires) 26

dirent que tous les savons étoient vendus et quelle n'avoit que
reto'Wf'ner en quelques jo'u/'s et q nils i'f'aie'nt encore en quér'i'i'.
(II. Hi9.) -
GOURIN. Ogée : 8 lieues 3/4.
Maillard, 18 ans, clerc tonsuré, rue Saint-Mathieu,
Charles
dépose que trois particuliers de son pays, ville de Gourin,
à titre de connaissance
tous trois marchands épiciers, vinrent,
lui demander O ' Ll- 'il Y avoit d1.t savon à acheter'. Il répondit
ne se melloit point de (c ces sortes de choses pU'isq1.l'bn
qu'il
« devait pnblie'l' des monitoires. » Un qwidam entendilla con­
versation et intervint pour proposer 300 livres de savon à
6 sols 1/'2 la livre. Maillard ne le connaît que pOUf être « un
texier, de Saint-Marc. » (II. 32.)
LE FAOUET _ - Ogée : 10 lieues 1/4
Joseph Le Gorgeu, Dotaire et procureur au Présidial, rue
Keréon, paroisse de Saillt-Julien, se trouvait un jour de fête
ou de dimanche, en janvier dernier, chez le sieur Raoul, mar-
en cette ville (cie Quimper), quand la nommée Marie,
chand,
femme de Joseph Cornon, maréchal de la Rue-Neuve. y vint
la conversation ayant tombé sur la confiscation ou
aussi, et
séquestre, rait par les commis de la ferme des tabacs avaient
fait les jours précédents de quel'ques charges de savon prove­
nant du bris arrivé en la paroisse de Plozévet, (\ cette femme
« prenant la paroUe dit qu'elle ne craignait plus d'estre prise
« ayant vendu tout ce qu'elle avoit eu de ce bris pOUf' avo'ir
« lait Tendr'e le jo'Wl' p1"ééédent la dernièTe chœl'ge de savons
( qu'il lui Testoit au Faouet) adjoutant qu'elle pou voit avoir '
« gagné qv/inke Ot/, seize liüres sw' les diffùentes changes q1./,' elle
« avoit esté p1'endre sur les lù~'u:r;. » (L 82.)
LE FAOUET~ Ogée : 10 lieues '1 /4 .
Paul, femme de François Le Cœur, paroisse de
Jeanne
- Saint Sauveur, Slll' agm:/Jes et /'(Jagraves. déclare qu'un jour
chez Clotilde Len~lix, bouchère, unne grande
elle vit peser,
quantité de savons que le nommé A.d}'ien, on ne sail son sur-

nom, manhand de pcau.1J de bœufs, an Fao~ûit, avait acheté de
NicolasDen'Ï$, soldat d'une compagnie dans un régiment d'in­
où le sieur de Keroan-Mahé est officier. (II. lI~L)
fanterie,
D'après la déposition 142, il pouvait y avoir 200 ilvres
de savon. .
HANVEC. Ogée : 8 lieues '1/4; Annuaires: ~ l km.
A Plouhinec, un homme vend pour sept écus de savon à un
de Hanvec. (1. 64 ) .
homme
LE LÉON. « Claude Fichou, mathelot de gabarre à Loc-
« maria, dépose que lors du temps du bris il fut avec Joseph
« Kerlo et qu'il achepta pour trois livres cinq sols des savons
« qu'il a employé pOUl' son usage, sans sçavoir le nombre que
« ledit Kerlo a achepté, parce qu'ils acheptèrent leurs savons
« en différents endroits et qu'il a retourné encore audit bris,
« une autre fois en compagnie de Rolland Quillirou, journa­
« lier, demeural1t au village de Cl'éac'h-Chentil, paroisse de
« Locmaria, et qu'ils acheptèrellt ensemble et en gros p01.t't
« douze livres de savons q1,/;' ils vendirent à lelld' reto'ur à des
« gens dt/; pays de Léon, qu'ils ne connaissaient pas, et qn'il
« eut p'rofit entrre deux h~lit livres de profit n. (II. ~.)
François Cévaër, Me décolle et débitant de vin, sur le Quai,
paroisse Saint-Mathieu, 19 ans, a vu vendre au nommé Tho­
masic, maître de barqne an CJ'oi,l;ic, 1~ à 16 livres de savon
pour cinq sols et demi. (1. 217.)
Pierre Panelé, Me perrusquier à Mescloaguen, paroisse de
Saint-Sauveur, déclare avoir entendu son voisin, le nommé
Marquis, maître-tailleur, lLli dire qu'il y avait sept semaines
il avait procuré la vente de de/LX' cent c'inquante li-m'es de savon
livré au dehors. (I. 2D.)
Jean Kennarec, écolier de logique, a entendu « chez Mor'van,
« hoste de la Tourb'Ïe 'un maJ'chand du dehors dire que si l'on
« vendoit si cher les sawns, que ce n'étoit pas la peine de venir
« les chercher de s'i Loing ». (1. 196.) . .

On sait de quelle qual'ité étaient les vendeurs; il serait
de connaître la qualité sociale des acheteurs:
intéressant
Charlotte Dondel veUve du sieur Dumarc'halach demeurant,

pour lors, chez Melle de Kermelléc, rue du Sallé, près de
St-Sauveur, déclÇlre que Yves Daniellou du village de Penchou
en Plovan, vint à Tréhoul'on, maison d.e campagne de Iaditte
Dame. proposer du savon à vendre, « ajoute que le jardinier
« de Mme de Rivière Iuy a dit q'lte le sonnewr de cloches a aussi
« vendu des savons. )) (1. 44.) .
Jacques Hellou menuisier au village de Kerarnec paroisse
de Plouhinec, a travaillé chez les dames Ursulines de Pont­
Croix où il entendit dire de Jean Philippe, autre menuisier y
travaillant, qu'il avoit entendu dire par Jacques Le Cornan,
son beau-père, que « le sieur recteur de Pouldreuzic avait
« achepté deux cent douze livres de savons provenant du bris
« du bâtiment. » Le recteur de Poullan en avait acheté.,
mais a restitué. (II. 83.)
Catherine Cariou, du bourg de Pouldr,~uzic, dépose en bre­
ton que «lors du temps du nauffrage, avant l'arrivée des
« officiers de. l'. mirauté elle vit trois pœrticulliel's prrendre
« chacun 'une pochée de savons à la coste et l'emporter chez
« enx .... Elle en vît q'Ulantité d'autTes en faifJoe de mesme dont
« elle ·ne sçaitpas le nom. Ajoute avoifJ' apris pal~ le bfJ"uit
« comm'l.tn que le . nommé Bertrand meunieT à Pould'l'e'ltzic
« amoit vendu des savons aux arrchen de la marécha'l.tssée qui
« cr/'/,. l'intimidant l'obligea à le donner à h'l.tit écus et demi
« q'l.wiqu''il en eut t'l'o'ltvé dix ailleufJ'S )). (T.205.)
On le voit, tout le monde achète: sonneurs de cloches,
rec-teurs, et même la maréchaussée. Si donc tout le monde
éLaît complice, tout le monde était coupable!
Les monitoires intervenant, la conscience se trouvai·t enga­
gée et placée en face de la restitution pure et nette, ou de la

composition entre le devoir et l'intérêt, pour t.rouver un biais
qui tranquillisât cette même conscience.
La bonne foi est manifeste chez tous, mais après la fulmi­
nation de l'ordonnance de Mgr de Plœuc, en sera-t-il de
même?
Alors, nous voyons, comme sur un clavier, se révéler les
divers états d'âme, de moralité et même d'amoralité de ceux
qu'elle vise et veut atteindre.
Percherel, hôte où paraît pour enseigne l' Hàtel de
Robert
Bretagne, size place Saint-Corentin, dépose en son vulgaire
(( qu'il est Vl'Ciy qu,' il a connœissa.11,ce du, bris
langage français
dont cas, il ne peut cot.ter le temps et qu'il a entendu, dire que
lOTS il Y des Sa'Dons à 1)end're et à acheptu, sans savoir qu,i en
achepte ny qui en a vendu et ne sçavoir au·t)'e chose )). (III. 9.)
C'est un témoin, mais il faut reconnaitre qu'il est
peu compromis par sa déposition et surtout peu compro­
mettant. Que voulez-vous? quand on est dans les affaires .....
Louis Moulin, clerc tonsuré, rue Villy, paroisse de Saiht­
Mathieu, 25 ans, dit que (( quelques jours avant les Gras il vit
« deux hommes porter plusieurs fardeaux dans un champ ... ~
Ce n'était autre chose que du savon.
« Le déposant adjoute avoir veu à la porte de la maison où
« il demeure un soldélt nommé le Bouche)' l(J'lft avec un cheval
« chargé sans sçavoir en quoy consistoit sa charge, mais ledit
« soldat dit qu'il n'y avait pas de péché à voller, mais bien à se
« lai.<3ser p rend-l'e ». (1. 19t).) . .
Le soldat en question a une conscience très élastique et pro­
fesse une morale très large! on en conviendra .
. (C Marie-Anne Kerbour, metresse decolle, demeurant chez
« La Louette, Me perrucquier, place Saint-Corentin, à l'exem- 1
« pIe de ses voisins, achète 'quelques briques de savon, mais
(c déclare hautement qu'elle ne eTayait pas avoir mal lait puis-
, c( que tout le monde en acheptoit et qu'on en vendait publique­
« publiquement ». (1. 29.) ,

Jean Le Guével, Plouhinec, déclare que Jullien Guillou, de
plouhinec, qui était au bris, avait eu d'un matelot du bâti-
deux pièces de savon, que la déposante lui dit qu'il estoit
ment
obligé de restituer, et ledit GuilIou luy répondit: si .le suis
obligé de restituer j'aime autant le faire à présent et il fut
au sr Lavarzin-Porlodec, commis pour recevoir les
restitué
restitutions dont il eut qnittance (II. 82).
Philibert Berivin dépose que, le jour des rois derniers, Pierre
Le Berre, ménager à Plovan, ménager de la même paroisse
avoua au déposant qu'il avait vendu pour la somme de quinze
de savon et qu'il avait promis au recteur de Plovan sans
livres
la fait, dépose de plus que le nommé Allaiu
sçavoir s'il
dud. bourg luy a avoué avoir vendu pour
fabricant tailleur
une pistole de savons, mais qu'il est mort depnis lundy, qu'il
chez sa mère qui demandait l'aumôme. (II. 58.)
demeurait
La femme du .sr Chavrié marchand rue du Sallé dépose
avoir, lors du naufrage, acheté de deux couvreurs M-> livres

de savon à 6 sols la livre. -« Ayant sçu que ces savons avoient
voIlé elle fut les trouver en leur disant.quelle avoit appris
esté
que le savon quillui avoient vendu estoit voIlé et quils n'a­
voient que le reprendre et lui rendre son argent: l'un accepta,
ne l'avoit pas volé l'ayant acheté du
l'autre refusa disant quil
valet du recteur de Plozévet. .... En outre, que ]e nommé Le
Moal sus nommé le Chirugien desCbeveaux lui a offert le
nombre de deux cents livres de savon quils luy avoit offert à
3 et 4 sols la livre; la déposante refusa se doubtallte que
c'estoit du savon voIlé. » (II. 15 )
Avec ce témoin, nous entrons dans la série des gens cous­
cienc'ieux qui ne marchandent pas avec le devoir, de même
que le suivant dont la déclaration est celui d'un parfait hon­
nête homme:
Le sr Joseph Marigo sr du Guermeur capitaine général
coste de la -capitainerie de Crozon. En janvier, Sj;l femme
garde

de chambre luy dit que la provision de savon était épuisée

et que. l'on en yendoit à la place à cinq sols et derny la livre.
Il répondit s'il était bon d'en prendre cent livres el dr. le faire
au poids du Hay. Et que pendant que l'on faisait la
peser
pesée au poids du Roy il réfléchit sur la modicité du prix et
que le savon étant rapporté chez lui, il le refusa disant qu'il
n'en voulait point. (II.
La déposition de Jean Allard révèle un homme qui aurait
fait un bon casuite, ou du moins un habile avocat ferré sur
les moyens de développer, sûrement, les circonstances
atténuantes: .
« Le sr Jean Allard cayallier de la maréchaussée demeu­
« rant rue et paroisse de la Rüe neuve dépose que quelques •
({ jours après le nauffrage un homme de luy inconnu luy fit
« demander à l'hoberge de Pouldreuzic s'il vouloit achepter
« des saVOl1S et s'en estant fait apporter la montre; voyant
({ qu'il estait tout usé par la mer, sur l'assw'a1'lce q~œ llly
« donna led'it pwrticulieT qu.'U avait sauvé ledit sWlJon au
({ péril de sa vie s'estant mis pou /' cela j~lSqU' au col à la mM',
« le déposant cr'Ltt q~{: il pmb1J oit [' acl! eptel' en seu J'cté reg ar­
« dant ledit savon comme nne chose auandvnnée et q'ui am"oit
« esté complètement peTdn san s les soi'JlS d'Li dit pŒ/tti c1ûie'/' ;
« sur ce principe, ne croyan t pas mal faire, il achepta de ce
« particulier le nombre de 63 ou 64 livres de savon de la na­
« ture dont il vient de dire pmu' 1l'T1, écu de si:r. livre..;. » En
revenant à Quimper, il trouve un particulier de cette ville, à
la hauteur de St-Germain, avec un cheval chargé de 140 livres.
Allard, le fidèle archer, pensait comme un moraliste fort
en restituant le savon qu'il avait
avisé et agissait loyalement
acheté.
Nous n'avons pas les pièces et décisions qui nous diraient
le dernier mot sur l',histoire de ce naufrage.
M. Bourde de la Ragerie, qui a mené à bonne fin l'Inven­
taire sommaire des archives des Amirautés, note « que la pra-

cédure semble avoir été interrompue de 1739 à 1746 et aban­
donnée a près le 17 mars '1748 ».

Pendan t deux siècles, chez nous, com me dans les autres
provinces, on a été tribùtaire de Marseille pour le savon, le
savon sans rival que les armateurs de Bordeaux, de la Sain-
tonge, de l'Aunis et de Nantes apportaient dans nos ports et
nos marchés.
sur
Il y avait bien aussi ]e savon d'Alica.nte, plùs soigné, plus
fin, et que les édi ts de nos rois prétendaien trend l'e obliga toire
les soieries et draps de soie: mais, c'était
pour traiter et laver

de Marseille que venait ce savon, sans' passer par
souvent

Alicante" dont on empruntait le nom plus prisé du public.
Une autre espèce de savon se fabriquait en France, non au
pays où fleurit l'oranger, mais dans la zône du pommier: il
venait du Havre et de Rouen, et était composé d'alcalis, de
sels de potasse et de détritus de charcuteries. C'était un savon
de ba,s étage et de bas prix dont on demandait même que l'on
entravât l'écoulement et le trafic.

A la Révolution, comme à l'époque du Blocus continental,
la nécessité se montra mère de l'industrie. La Convention, tout
en défendant l'intégrité du territoire, fit des efJorts inouïs pour
la vitalité économique du pays, obtenir des produits
réveiller
à la portée de tous et surtout au meilleur marché
industriels
, possible. [Jans cet ensemble de travaux, la savonnerie ne fut
, pas oubliée, et dans le Finistère quelques essais répondirent

" à cet appeL Furent-ils couronnés de succès'? Aux archives
départementales nous avons trouvé l'expertise de savon d'une
en l'an II à Saint-Renan, près deBrest Voici
fabrique établie
le résultat de cette an'alyse certifiée par le citoyen Gesnouin :
« Rapportsur la qualité des deux échantillons de savon pro­
venant d'une manufacture de St-Renan et dont l'examen a

été recommandé par le directeur du district de Brest:

« L'un des échantillons de savon est ferme, d'un blanc tirant
le gris et marbré; il se divise bien dans l'eau, mais il ne ·
sur
s'y dissout qu'imparfaitement, étant agité, à froid, dans ce
fluide . La dissolution s'opère plus facilement à chaud; mais
si l'on fait bouillir la liqueur, "il s'y forme quelques filaments,
ce qui annonce un commencement de décomposition .
« Néanmoins, l'eau du savon dont il est question devient
très mousseux par le mouvement, elle s'unit assez bien aux
taches du linge, des . étoffes, etc., et les enlève comme le fait
le savon ordinaire; seulement il reste dans le corps i1étoyé ,
fraîchement, s'il n'a pas été relavé, une fois ou deux,. dans
de l'eau pure, une odeur particulière, désagréable même à un
certain point, et qui approche de celle d'une peau de bœuf .
à macérer.
mise nouvellement
« On voit, par ces seuls détails,que le savon de St-Renan
n'a pas toutes les qualités d'un savon parfait el, en effet, il
contient outre le suif et l'alkali qui en sont les bases prin ci-
pales, une quantité assez grande d'un mucilage qui m'a paru
qui a sans doute
être tiré d'une substance animale, mucilage
été nécessaire pour lier inlimement ensemble les deux pre­
mières substances qui ' n'y étaient point dans les proportions
indiquées.
« Il en est de même du second échantillon de savon; il con­
tient également un mucilage, lequel est étranger et n'existe
bien faits; mais il est infiniment plus
jamais dans les savons
mou que le premier dont on vient de parler, et infiniment
plus odorant. Je puis même dire que les parties dont il est ',:.-
composé ne sont pas intimement liées, du moins dans l'état
mYj'en ai fait l'examen et qu'il a besoin de rester longtemps
au séchoir pour valoir J'autre échantillon. Quant à la mar-
brure, elle est faite avec de l'ardoise en poudre. Quoiqu'il en
soit et malgré toute la sévérité des observations qu'on vient
de lire, je dois avouer que les deux échantillons du savon de
St-Renan ne sont point tels qu'on doive en rejeter l'usage;

je dois même répéter qu'ils ont très exactement nétoyé un
morceau de linge d'un sâle dégoûtant et que sous ce rapport
on doit encourager le fabricant qui a offert les susdits échan­
tillons.
« (1) Brest, le 21, Thermidor, l'an 2 de la R. U. at Ind.
« Gesnouin. »
Aujourd'hui, après l'an II, notre Bretagne a des usines de
savon qui suffiraient à sa consommation.
Le lecteur va peut-être nous dire après avoir lu ces lignes:

q·uid inde? et après? que concluez-vous? .
Nous n'avons pas prétendu donner des conclusions en règle
basées sur une longue argumentation. Le titre de ce travail
en fait foi: nous avions annoncé des notes SUT l'histoiTe du
savon dans le Fi.nis tère et c'est ce que nous avions à tenir .
Si nous ne l'avons fait congrûment, que le lecteur ne HOUS
ménage pas sa généreuse indulgence!
Quimper, le 26 décembre 1900.
Abbé AN TOINE FAVE .

(1) Archives départementales du Finistère, Série L. 106 .