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Bulletin SAF 1900


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Etudes ethnographiques sur les Bigoudens

H. Le Carguet

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'XIX

E1 UDE E1 HNOGRAPHI UE SUR LES BIGOUDBNS. (li.

La coiffure de la femme a fait, de la population des
Bigoudens, une circonscription géographique délimitée. Dl!
là on a conclu que les Bigoudens appart.iennent à une race
différent.e de celle des aut.res bretons de l'Armorirlue
Cette proposition émise, on a cherché partout des
arguments pour la justifibr. .
Les uns, ne considérant que la conformation de la t'nct'.
chez la femme! la coloration de la peau, et, aussi, la dispo­
sition actuelle de la coiffme, ont attribué~ à cette population,
une origine asiatique, ayant de l'analogie avec les Mongols.
Les autres, commentant un fait bistorique impar'faite­
ment déterminé, ou croyant reconnaître des emblème!~,
mythologiques dans les broderies des vêtements, puis,
assimilant les couleurs voyantes du costume avec celles
usitées chez les Orientaux, font descendre les Bigoudens
d'une colonie Phénicienne qui se serait établie à cette.'
extrémité ouest de la Gaule.
Ce sont là des éléments d'appréciation trop exclusifs et
trop superficiels. Un examen plus étendu de la question
démontre que, chez les Bigoudens, comme dans les autl'es .
cantons de l'Armorique, la populatiotl est ' un mélange de
populations d'origines diverses~ et que le costume, avec scs
transformations fréquentes, ne peut donner aucun itldice
sérieux d'origine.
Notre naissance à Pont-l'Abbé, une 'existence déjà longuo,
entièrement passée au milieu des Bigoudens; ou dans los
. cantons voisins, nos relations locales el nos rechcrches nous
(1) La prononciation bretonne de ce mot est IJ-iuoudenne.

engagent à apporter, à la solution de ce problème ethnique,
les données qui, jusqu'à ce jour, lui ont rait défaut: celles
que fournissent l'archéologie et la tradition.
La population bigoudenne occupe les deux cantons de
Pont-l'Abbé et de Plogastel-Saint-Germain, plus quelques
hameaux des communes de Plouhinec et'de Mahalon, dans
le canton de Pont-Cr'oix, et de celles de Pluguffém et do
Plomelin, dans le canton de Quimper. Son territoire com­
prend, presqu'en entier, l'ancien PagtlS Cap-Caval qui était
borné ou nord par le Goayen, à l'est par rOdet, au sud et à
l'ouest par l'Océan.
Chez les Bigoudens, le costume des hommes n'a rien de
parliculier dans son ensemble. Il pl'Ocède d'un type unique,
autrefois répandu dans toule la Basse-Cornouaille, et com­
posé d'un BragOtt-B/'as avec guêtres de toile; d'un ceinturon
de cuir orné d'une boucle de cuivre; d'un gilet et d'un
chupen ou veste de toile, aujourd'hui en drap bleu. .
Comme ailleurs, en Bretagne, les hommes portaie'nt les
cheveux longs, pendants sur le dos on retroussés sous le
chapeau.
Les broderies bl'etonn cs, qu'on, a considérées comme spé-
ciales à la région des Bigoudens, appartiennent à toute la
Cornouaille. On les trouve sur les cols et les poignets des
chem ises en toile de Ploaré, comme sur les gilets d'Elliant,
les chupen de Briec et les manchOtt de Pont-l'Abbé. Elles
ne présentent donc pas nn caractère ethni reste, comme toutes les pal'ties du costume primitif, ces
broderies ont bien changé. Mais celles-ci, encore plus que
le costume, ont perelu leul' caractère archaïque; ce ne sont
plus que des objets d'exportation fabriqués selon les gOtlts
de ]a clientèle des magasins de Paris. '
Seule, la coifTure de la femme bigoudenne attir'e l'atten­
tion. Son cal'actère étl'allge et disparate a donné lieu il ces
assimilations ethniques erronées, à ces fables qui ont jeté

le ridicule sur toute la population. Ce carac'tère, elle le doit
ù la mutilation que la coiife a suhie. il y a deux siècles; et
aux transforma t,ions qui, depuis trente ans surtout, l'éloi-
gnent continuellement de son type primitif. ,
Cette éLude comportera: .-
Une analyse de Ja coiffure de la femme bigoudenne ;
Un exposé archéologique des découvertes faites dans la

reC;IOn;
Puis quelques considérations anthropologiques sur ses
habitants .

L'une des pl'emières coiffures que l'homme ait portées
devait être faite de la peau des animaux qu'il venait de tuer.
Indutu.s C.T1tviis .... Apl'ès s'être posé, Sllr la tête, la peau de
l'animal, il relevait., d'un retroussis, sur le front, la padie
qn i lui cachait la vue; deux des pattes étaient liées sur _sa
nuque; les autres étaient laissées ballantes par devant:
lorsque, dans sa marche, elles lui ft'appaient le menton,
il les relevait au sommet de la tête. Plus tard, il scinda cette
peau pour en faire un ma,lJteau qui gat'antH plus étroitement
ses épaules. Mais la partie qui lui couvrait la tête resta la
même.
Ne tr'ouverait-on pas, dans les anciennes coiffes bretonnes,
primitive?
les éléments de cette coiffure
Toutes les anciennes coiffes couvr:iient entièrement les
cheveux; aux bords de la mer, comme à l'intérieur, elles
présentent encore les mêmes compositions archaïques:
, Sur le front, une bande li8se, quelquefois, en douhle
retroussis, encndrant la face et se prolongeant en deux pans,
lesquel:::: sont laissés tombants sur la poitrine ou relevés au
au sommet de la tête;

A l'al'rièl'e, un ,capuce: ou sac, . se resserl'ant, pal' un
froncis; SUI' la nuque, la coifTe ne se termine pas pal' une
ligne bien définie: eUe semble détachéo d'une autre parlie
de vêtement.
Dans toutes les coiffes, le capuce s'appelle al" strad; la
partie qui COllvre le front et. ellcadre la race, aT viwchcn;
l(~s barbes flottant SUI' la poitl'ine ou retroussées au sommet
d~ la tête: ar'chinkellou; les bourrelets et les l'l'oneis qni
séparent la visière du capuce, an iieon, ou deonen,
Mêulü en tenant compte des différences locales, le capuce.
la visière et le {l'oncis existent dans toutes les coifTes, Seides
les chinkellou" ou ]Jans mentonnias, ont subi des . ttcin1es
primordiales fllli donnent, aujourd'hui, leur pl'jncipal
caractère aux coiffures de la Basse-Bretagne . '
Chez les femmes du Cap, de Rosp0l'düu: de Chateuulin:etc.: .
les chinkellon sont conservées et relevécs oed i nai l'ernen t
sur la tête; en signe deuil, ou pour faire acte l'eligiellx, on
les laisse tomber SUl' la poitl'i.np. A nIe-d é-Sein, out.l'e L.'S
barbes qu'on l'elève, la coiffe possède un prolongement qni
reCOUVl'e les épaules,

Dans les ports de m(ù., COl1cameau, Ile-Tudy: Andief'l18,
Douarnenez, etc" lu coifI'e est la même; mais les barbes on
sont raccourcies, de manièl"e à ne plus être relevées sur la
tête. On les a compul'ées à des llageoil'es de poissons.
Chez les femmes de Moilars, -Plonéis, Quimper, Bricc.
, Coray, etc., les pans ou ailel'oHs; ont complètement disparu
De là, parmi les coilfes: dC'u'\ divisions:
Celles dont le prolongement de la visièl'o est maintenu Cil
tout, ou pal'tie ; .
Celles qui ont perdu cet ornement.
Le pays occupé pal' ces dernières forme une zone
contin\18: allant du Sud-Ouest au Nord-Est et péuétrant
clans la eon1l'ée, depuis la baie d'Audierne jusqne pi'ès des
montagnes de Laz. Cette zone, à laquelle appartiennent les

Bigoudens, est complètement englobée par les territoires
occupés par les eoiffes munies des chinkellou.

La coilTUl'e de la femme Bigoudenne se compose:
1° Du coel-bleo, bonnet à trois quartiers, qui se met
immédiatement sur la chevelure;
2° De deux carrés d'étoffe ornée de clinquant, tintr-al'gant,
accolés de chaque côté de ce bonnet:
• 3° D'une bande: appelée 1'ozérès, servant à maintenir les
cheveux:
'*0 Ifun cané de toile: appelé tal-léden, cachant à l'arrière
. le rozéTès. .
5° D'une coiffe en toile blanche surmontant le tout.
La coiffe des paysannes de Meilars, Mahalon,Quimper, etc.,
voisines immédiates des Bigoudens, comprend:
1 ° Le bonnet-bleo;
. 2° Le 'r1Jbanel, ou bande;
3° La coiffe en cal'ton ornée de clinquant,' qui correspOnd
au carré d'étoffe garni du coef-bleo ; ..

l*O Le tal-léden :
5° La coiffe de toile blanche: dont le deon s'appelle aussi
bord-leelen.
Nous 1rouv
chez leurs voisines du même groupe, les mêmes nombre,
noms, ornements et dispositions de leurs coiffures.
Les seules différences réelles se trouvent dans le kern, ou
sommet, qui couronne tout l'édifice .
Chez les femmes de Quimper, le kern se ter'mine par un
large ourlet: de là le nom de bord-leden, bord-large, donné
à cette partie du groupe des coiffes sans barbes .
Chez celles de Meilars et Mahalon, le kern est terminé
par une barre de bois, de oml0 à omi5 de longueur, sur

011102 de largeul', appelé a?' spœrl, ou bœrre t'l'atJ eTSü!,j,c : d'où
le nom spœflégtten. .
Entre les bigoudennes et les bOl'd-léden se trouvent
situées . les coiIfes pichou, ou tal-kanel (front de bobine) .
Cette coifi'e occupait, autrefois, les paroisses de Plomelin,
Pluguffan, Penhars et Plonéis. Elle a conservé le fond, ou
capuchon des coiffes dà Cap, mais en le prolongeant en
ul'l'ière. Dans le sac que 1'Ol'me cette coiffe, au lieu de la
barre de la spadéguen, 011 agence un disque de bois ovale,
0 13 sur Omos. Autrefois, ce disque était sculpté comme
les panneaux des armOll'es ; mais ce disque orné ne servait
que pour les coiffes, plus élégantes, des dimanches. Pour les

coilfes orçlinail'es, le disque était remplacé par une pomme
Je terre (Dit par une femm e Larhant, de Plomelin).
Chez les femmes bigouuennes, la coiffe, réduite à l'état
embryonnaire, se termine actuellement par une pointe,
Il n'en était pas de même autt'efois.
L'ancienne coiffe de la femme Bigoudenne, posée à plat,
l'ecounait tout l'arrière de la tête; la partie frontale, ou
visachen, descendait jusqu'aux épaules. Son mode d'attache
était partlCulier. Les épingles, objet de luxe, étaient rares;
on ne pouvait s'en procurer qu'au passage du pillaouer.
On y suppléait par des épines L'une se mettait à la nuque,
une aufre sous le menton, une de chaque côté de la coiffe,
- (Renseignements donnés par plusieurs vieillards; entre

autres, Pasq Guéguen, 77 ans, tailleur à Plozévet, juin "1877).
Ce genre d'attache n'avait pas, comme pour les coiffes
actuelles, la particularité de déj'oTme1' la face de La lemme
bigoudenne. '
U ne des a Dciennes coiffes bigoudennes a été longtemps
cOllservée, à Pont-l'Abbé, daus une famille Pichon. C'était
une coiffe en toile fiue de ménage qui servait uniquement
aux mariées, depuis plusieurs générations. Elle avait une
pointe et remontait: par suite, aux premières années de

l'appal'itioH de cet ornement.. Vers 1855, on crut bon de
.l'utiliser autrement et on y tailla six coiffes de grandeur'
ordin:lire. (Dit par Mathel Pichon, veuve Le Pappe,
55 ans, août 1895). . .'
Dans le canton de Plogastel: on trouve, çà et là, quelques
coiffes ressemblant, en tous points, à celles des Bigoudennes,
mais qui ne sont pas S'Ll'rmontées de la pointe. L' éc tISSO 11
même fait défaut; il est quelquef~is remplacé par uue
8chancrure, ou ' par deux plis doublés: on les appelle
coeffo'Lt-bien-plat, ou plad-bien, petites coiffes plates.
C'est parmi celles-ci qu'il faut chercher la prim.itive coiffe
bigoudenne.
Cette coiffe, par son sommet, rappelait la bord-léden, dont
on aurait replié les deux angles du kern; par son amplitude,
la spardéguen, qui avait aussi autrefois le nom de pen-marc'h,
caput caballi. Or, les sparléguen, les pichou et les bigou­
dennes sont les seules coiffes qui occupent l'ancien pagus
Cap-CavaI.
La coiffe bigoudenne a aussi gardé, de la coiffe pichou,
le capuce, et, de la bord-léden, la visière plate .

La transition se fait graduellement du sparl en bois de
la sparléguen à la pointe de la coiffe de la femme bigoudenne:
Barre traversière de la sparléguen, longu8ur,
Ourlet de la bord-léden, id.
id. dp la plad-bien de Plogastel
id. o 06
id. de la bien-plad id.

Capuce de la coiffe des bigoudennes o 01
On peut donc affirmer que les coiffes bigoudennes,
· spœtléguen, bO'fd-léden et pichou, quoique disparates actuelle-
ment, mais présentant, dans leurs parties essentiellement
caractéristiques, tant de similitudes, procèdent, toutes, d'tlll
même type.

Ill.
Une femme bigoudenne à qui vous demanderez le nom de
cette pointe, ou cimier, qui surmonte sa coiffe, vous l'épondl'a
toujours:
. « C'est un bigouden! »
Rien de plus faux. . .
Si vous êtes quelque peu physionomiste, vous remarquerez
qu'elle accompagnera sa réponse d'un sourire légèrement
narquois. Elle S(~ moq uCl'a de vous; pensant que vous, aussi,
avez voulu rire d·'eUe ; elle sait que, chez les étrangers; ce
fiot prête à la dérision et elle a fait la seule réponse à
laquelle, vous, questionneur, vous vous attendiez. Que
d'elTeurs ont été ainsi cré~~es et propagées dans le Folk-Iore!
surmollte lèl coiffe de la femme Bigoudenne,
La poillte, qui
ne s'appelle donc pas le Ligouden, mais bien le clou, la
mire, an tach. Elle a été créée en signe de révolte contre le

seigneur de Pont-l'Abbé, et a servi, plus tard, uniquement de
mi'l'e, de point de repère, pour mettre droite la coiffe mu tilée
de la Bigoudenne. .
Tels sont l'origitle, le nom, l'utilité de cet ornement.
Hors cela, la pointe, si improprement appelée bigouden, ne
signifie absolument rien dans l'esprit des gens du pays .

Le mot BigO'L~den, abstraction faite de toute idée de coiffure,
est aujoul'd'hui le nom géographique des habitants de la con­
trée. Ainsi, une femme originaire de Pont-l'Abbé, sera
tOUjOUl'S une Bigoudenne, quels que soient le costume qu'elle
pode et le pays qu'elle habite:
Plusieurs écrivains font venir ce mot, et cela, très sérieu-
ment, de Begou-Den, virilia viTi. .
Mais alors le nom devrait être Bégouden et non Bigouden.
Sans nous arrêter à la trivialité de cette acception, nous
remarquer que la syllabe Den, homme, est longue et
ferons

se prononce avec la lettre N, nasalisée, tandis que la termi­
llale de Bigouden est brève et se dit denne.
La syllabe den, dans Bigouden, est la mème terminaison
que celle d'une foule de substantifs féminins, dont les noms
ont des correspondants mascu!ins, Qomme Caper, Capen,
homme et femme du Cap-Sizun. .
D'autres auleurs font dériver le mot Bigouden, de B'l'i­
[Ian,tes, nom donné par Tacite il la plus puissante et plus
ancienne des tribus de l'Ile de . Bretagne; ou bien du mot
gallois Bréoga-in.. Ce sont là des indications ethniques qui
méritent toute considération; mais ce ne sont pas des éty­
mologies, car la lettre R des mols Bl'igantes et Bréogain, ne
retrouve pas dans le mot bigouden.
S'il faut cependant donner une étymologie au mot Bigou­
den, qu'on ne trouve éCT'it clans aucun document ancien, nous
le ferons dériver dè gt/;~e(Jft:oa, 'g""ÙW01l, pluriel de guic, qui
répond au latin v-iCt/;s, bourgade, et od, r-ivage de la mer.
Le conespondant masculin régulier de Bigouden, serait
Bigoud, ou Bigod, qui n'existe pas dans le langage actuel;
mais, anciennement, on disait B-igOt/;der.
Le mot guic se rencontre fréquemment au cadastre: 'n/;­
vic, cO'l'n-guic, dansle Cap-Sizun; Kervigodou (Ker-guie-odon) ,
en Beuzec; Kerguivie (Ke1'-guie-vicus), en Penhors, etc.
Le mot Bigouden, ou \' igouden par mutatioll euphonique
de la consonne initiale, équivaudrait donc à gtûeo1l-od,

guico-u-oclen, vicou-oden, avec la terminaisoll féminine, et
signifierait habitants des bourgades de la côte, ou des 'rivages
de la mer.
Si l'on adopte l'orthographe Bégouden, ce mot viendrait
de Begou-od, habitants des becs qui bordent la mer, an od,
par opposition à caper, eapen, habitants de la pointe prédo­
minante, la Pointe-du-Raz: ar c'hab.
Mais ce sont là acceptions par trop savantes .
En eOllsidérant que les seules différences réelle~, entre les

eoiffes, se trouvent dans les kan, ou sommets, on peut établir
la classification suivante:
1° La coiffe Capen, avec ses prolongements laissés pendants
sur la poitrine ou sur le dos, dériverait de l'anncienne Cape
(vêtement à capuchon);
2° La coiffe Picholl., abréviation de Capichou, qui est dé­
pourvue de ces prolongements, serait le simple c3.puchon ;
3° La Spadég1wn, serait la coiffe élargie, à son sommet,
par une barre;
4° La BOl'd-léden, la même coiffe avec.un large ourlet;
5° Les Bien-Plad et Plad-Bien, avec cet ourlet rapetissé;
Q') La Bigouden, coiffe dont l'ourlet du kern, encore dimi­
nué, n'est plus qu'un bec (1) ..
II est certain que toutes ces transformations d'un même
type de coiffe sont de dates relativement récentes. Elles sont
nées SUl' place; dues aux caprices des tailleurs de campagne
et acceptées par les modes villageoises. Les coiffe$ ne

donnent dOnc aucun indice d'origine de population.
Alors l'étymologie du mot Bigouden ou Bégouden, serait

les becs; coiffes à becs. Elle est pIns simple que toutes les
autres acceptions de ce mot, aussi nous l'adopterons plus
volontiers.
pointe: ou cimier, qui domine la coiffe bigou.den est de

formation encore plus récente que le bec du kcrn. C'est un

• ineident dans l'histoire du costume local.

(1) Une autre coiffe de l'arrondissement est la coiffe des artisanes des
villes: Quimpel', Kel'ily, Pont-Croix, on l'appelle Pomponne. A Lander­
neau, Lesyeven, Brest, c'est la même coifIe, sous le nom, de Je n'ose. Au­
trefois les artisanes riches portaient le même costume, avec soie et den­
telles, que les tin III es de la bourgeoisie; mais elles n'osaient abandonner
leur coUIe, à la visière unie, qui, seule, faisait la démarcation des classes.
pOUl' prendre le bonnet ri 1'ubans et ct tuyaux des bourgeoises. (Dit, en 1867,
par le P. Timothée, de la Meillel'aie.)
coiIIes qui ont servi à celte classification ont été, par nous,
Toutes les
déposées au musée de Quimper.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE.
- TOME XXVII (Mémoires) 22

La pointe qui surmonte la coiffe de la femme Bigoudenne
est la conséquence d'une émotion populaire.
LOt'S du soulèvement dit dt(, papier timbré, les paysans
révoltés avaied commencé leurs hostilités pal' ravager tout
le pays entourant Pont-l'Abbé. Le château lui-même fut pris
et incendié. Les mutins avaient un double but: c'était de
s'opposer au recouvrement des nouvelles taxes décrétées par
le Hoi, et, en plus, d'effacer toutes traces de supériorité et de
privilèges chez les nobles. Aussi, après avoir saccagé le
château, les révoltés se portèrent chez le sieut' de Kerdanid­
Alline, fermier et receveur de la Baronnie et chez le greffier '
de la juridiction. Là, ils pillèrellt tout ce qu'ils trouvèrent
. de titres concernant la Seigneut'ie. Une partie fut brûlée,
une autre dispersée ou accaparée par ceux qui avaien t
intérêt à posséder les parchemins de leurs domaines.
La tradition: conservée à Pont-l'Abbé, rapporte que les
femmes étaient à la tête du mouvement: la destl'uctioB des
titres seigneuriaux, qu'elles tl'anspol'taient dans leurs ta­
bliers pour les jeter an bùcher: fut prin'cipalement leur
œuvre.

Le château du' Cosquer, en Combrit, à son tour, reçut la
visite des révoltés, Il fut pris et saccagé et son propriétaire,
le sieur de Kersalaun, pendu à l'une des fenêttres de S01\.
château. (1)
Ce sont là les débuts de la révolte, qui s'était organisée
parmi les paroisses du littoral. Son but et ~es moyens d'ac­
tion sont indiqués au Code paysan, qui est mentionné dans
une lettre du duc de Chaulnes à Colbert, du 9 juillet 1675.
p'après l'article 2 de ce Code, les habitants des paroisses
(1) Il ne mOUl'Ut pas du coup. Pendant que les paysans se saoulaient,
MenLlez, l'enleva en cachette el lui sauva un resle de
l'un d'eux, Mathieu
vie, Transporté à Quimper le sieur Kersalaun reçut ses sact'emenls et
après, (Bulletin de 183~, p, XLVI),
mourut lôt

unies dans la révolte déclarent faire trève et cesser tout act.e
d'autorité jusqu'au temps de la Saint-Michel 1675, poar 'per­
mettre aux gentilshommes de retourner dans leurs maisons
de campagne. .
Ce ne furent pas les nobles qui répondirent à cette som­
mation: mais bien le gouvel'neul' de la Bretagne, le duc de
Chaulnes lui-même, et il n'attendit pas jusqu'au jour assigné.
Le 21 août, il écrivait de Port Louis au gouverneur de
Morlaix:
«( Je ne sache plus dans le canton de Quimper que
« Combrit et deux autI'es paroisses mutinées pœl'c'eq'Ue je
«n'a,i. pas lïOt/·l1l lMlf pardonner et . qu'elles ne le méritent
« pas. Vous apprendrez peut-être encore plus tôt par le
« bntit des punitions les effets de la justice renaissante
= « commençant à paraître de tous côtés. L'on a exécuté à
(l Quimper l'un des plus séditieux de tous ces cantons, et les
« arbref; commencent à se pencher sur les grands chemins
ct du côt8 de Quimperlé, du poids que l'on leUl' donne (1). »
La punition, déjà commencée, avait' été terrible. Mais que
ces paroles étaient encore grosses de menaces!
Voici ce qu'il advint dans le pays des Bigoudens:
Le 24 août, Je duc de Chaulnes (2) était à Hennebont, avec
7,000 hommes; le 30, à Quimperlé; le 2 septembre, à
Quimper, .
= Du 4 septembre au 18, la communauté de Guingamp le
faisait l'echel'cher du côté de Carhaix, où il arrivait le 18
seulement. .
20 septembre, il était à Morlaix; le 26, à Lannion; le
à Cuing'am p; le 11, devant Rennes, où il faisait
4 octobre,
entree conquérante, le lendemai.n (3), pour châtier la ville.
ulle
(1) Bulletin de la Société archéologique 1891, p. LXVI.
(2) Vie dit Pèl'e lIfaunoi1', pal' le Père Séjourné, 2° vo 1. p. 184, en note.
(3) Nous devons, à la bonne obligeance de M. du Crest de Villeneuve, les
dates de ces étapes du clue de Chaulnes.

. il est donc pl'Obable que la puniti-on des habitants de
Pont-l'Abbé et des communes voisines cut lieu du l"" au 18
- septembl'e 1G75, et que c'est ù cette date qu'il faut fixor le
découl'ollnement. des églises de Combl'it, de Lamboul' et de
Languioua, et, aussi, la création du cimier de la coiffl~ des
femmes bigoudennes.
Mais laissons parlel' ln tradition snI' ces événements .
Un ancien usage existait autl'efois à Pont-l'Abbé:
Sous l'auvent d'une vieillè maison située entre la place
des Echaudées et la place Dumarc'hallac'h~ et appar-
tenant au juge de paix, M. Le Borgne, les vieillards du '
quartier avaient, de tl'ès antique date, l'habitude de se réu-
nir, le samedi soil', pour devisel' des événements présents et
. surtout des choses passées Cet endroit s'appelait Ar Stal-
V-ras ou G'rande B01ltiquc. Les enfants se faufilaient elltre
les jambes de ces vieilles gens, tontes nées au siècle pré-
. cédent, et écoutaient bouche bée. Notee attention était sur­
tout attirée, quand une personne de 80 ans commençait son
récit pal' ces mots: « Je vais vous raconter ce que disait
mon grand-père .... n. C'est aillsi que débutait toujolll'S
l'histoi'l'e des se'ignetlTS dtl Châteœu., et les faits conLés étnient.
chaque fois discutés, au point de vue dé la véracilé, pal' les
rapports des uns et les commentaires des autres
Voici une tradition que, dans notre enfance, nous n vons
entendu conter vingt fois:
- « C'étai t un jour de foire, celle du moi$ de septembre
« (la foire de la Saint-Michel), qui attire tant .de monde à
« Ponl-l'AblJé. Ce jour-là, surtout, il en venait de toutes
« parts: des environs: comme de Plovan, cie Plogastel~ de
(r Pouldreuzic et même de Plozévet, car lespaysHns étaient
« et les femmes les papiers, de sorte que le seigneul', qui
«( habitait Paris, n'avait plus rien dans le pays .
ar'l'lve. ce
u Mais, comme il avait appris la nouvelle, il

« jour-là, avec les soldats du Roi. Aussitôt ceux-ci se
« mettent à démolir le clocher de Lambour, pendant que le
« seigneur entre dans la ville, vers dix heures, quand la foire
« commençait, et ordonne à toutes les femmes de couper
« leul's coiffes en deux. Celles qui ne le voulaient pas, il les
« faisait prendre par les soldats, et les soldats leur cou-
« paient leul's coiITes avec leurs sabres. .
« Dans l'après-midi, les soldats, qui étaient saoùls, allè­
« l'ont sur toutes les routes; pendant que les femmes s'en
« retournaient de la foire. Ils en firent autant à toutes les
« femmes qu'ils rencontrèrent, bien que le seigneur n'eut
« aucun droit sur elles.
« Le lendemain, on pendi t quatre hommes dans le cime­
« tière Saint·Yves; qui est, aujourd'hui, la place Dumal'­
(t c'hallac'h On avait. dressé les potences devant une rangée
« d'arbres qui se trouvait en il avers du' cimetière, au bout
« levant. Quand un paysan était accroché à ]a potence, un
« soldat grimpait « le dos chi pelldu pour lui faire, par ~on poids et la secousse,
« tirer la langue plus vite.
« Les hommes allèrent se cacher, c'est pourquoi on ne
« pendit que quatre, bien que le seigneur voulait les pendre
« tous.
(t Les femmes étaient furieuses; elles allaient par les

« rues crIer: . •
« Puisque le Roi a abattu le clocher de Lambour et
« le seigneur coupé nos coiiTes, nous mettrons le clocher
« sur nos têtes. )
« Et elles ont tenu parole. C'est la pointe du clocher de
« Lambour que les ·femmes ont maintenant . sur leurs
« coiffes. »
Cette trndition existe en dehors du pays des Bigoudens.
Nous l'avons re1l'ouYéc dél!1S le Cop ct à Mahalon. Elle
exis.te aussi, nous a-t-on aflirmé, à Trégourez .

Le seigneur de Pont-l'Abbé, dans sa vengeance, avait
voulu attacher, à la femme bigouden, un signe de dérision et
d'ignominie; elle en a fait un signe de bravade et d'indépen­
dance.

Les exécutions, commencées ft Lambour et à Pont-l'Abbé,
furent continuées dans les autres paroisses du littoral qu i
avaient adhéré au Code paysa.n.
Le ' Père Maunoir et deux autres Pères du collège de
Quimper avaient obtenu, pendant cette chevauchée d'exé­
cutions à travers la Cornouaille, la permission d'assister et
de préparer à la mort les plus séditieux que la grandeur de
leurs crimes ne permettait pas à lajustice du Roi d'épal'gner.
Après le châtiment, le Vénérable, qui avait été ainsi témoin
des malheurs du pays, s'adonna à son apaisement et à sa
consolation. Pour cela, il institua les MissiOTbS m'ilUa.il'cs.
L'une d'elles eut lieu, la même année, au mois de décembre,
à Plozévet (1).
L'année suivante furent faites celles de Penmarc'h; Beuzec-
Cap-Sizun, Plomeur, Treffiagat, Tréogat, etc.; puis, en
1677, celles de Kerlaz et de Plouhinec.
Les noms de ces paroisses qui, toutes, appartiennent au
pays Bigouden ou à son voisinage, indiquent jusqu'où s'était
étendu le châtiment .
Il est donc probable que ce châtiment exécuté dans le
même temps, par les mêmes hommes et pour la même ré­
bellion, fut identique pour toutes, même la mutilation de la
coiffe de la femme.
A cette époque, le seigneur de Pont-l'Abbé était Armand-
'Jean, duc de Richelieu. Il avait succédé, comme baron du
Pont, le 3 janvier 1674, à sa mère qui avait eu déjà à répri-
(1) Vie du Père Maunoir, par le Père Séjourné.

mer des soulèvements en 1668. La population de la baronnie
était done turbulente, et le nouveau seigneur avait, sans
doute, voulu faire un exemple.
ce châtiment qui jetait le ridicule à la tête de la
Devant
la superstition populaire avait dù dire, comme elle
femme,
le dirait encore aujourd'hui:
c( Cela ne lui portera pas bonheur! ~ .
Les événements semblent donner raison à cette croyance.
seigneur ne garda pas longtemps sa baronnie. Il dé­
missionna, par acte du G juillet 1681, au profit de Louis­
Armand, marquis de Richelieu (t), son neveu. Celui-ci re­
vendit la baronnie à M. d'Ernothon, trois ou quatre ans
après. Ainsi, en moins de dix ans après ces événements, la
seigneurie de Pont-l'Abbé changea trois fois de mains.
Un dernier fait: En 1709, les papiers dispersés n'étaient
pas encore retrouvés. t( Le seigneur du Pont était dans
« l'impossibilité de se faire rendl'e les devoÎrs seigneuriaux
« ct juger les droits légitimes qui lui étaient dus ... , u'ayant.
« pas le crédit et l'autorité suffisants et nécessaires pour
« cela .... (2) » Faute de titl'es constatant ses droits, il avait
sa disposition les procédés violents et arbitraires Il en
usa largement vis-à-vis du recteur et de plusieurs autres
habitants de TréouHré-Penmarc'h qu'il accusait de détenir
ses pal'chemins, si bien que ' (( l'Evêque, Mgr de PIŒmc, prit
« fait et cause pour le recteur et alla jusqu'à demander, à
« ses prêtres réunis en synod'e, de se cotiser pour fournir
« aux frais du procès, en réparation des injures reçues. )}
Il n'est donc pas étonnant que le châtiment imposé ·par le
ait été maintenu par ses successeurs qui
duc de Richelieu
usaient de tels procédés envers le pauvre recteur de Penmarc'h.
(1) SU1" la baronnie de Pont-l'Abbé, par M. Trévédy. Bulletin de la 80-
ci6té archéologique, 1897, p. 303.
(2) Penmm'c'h et les bm'ons du Pont, par 1\1. le chanoine Peyron. Bulle­
tin 18~0, p. 2.72.

VII.
L'ancienne coiffe de la femme bigoudenne avait, comme la
Spa1'légucn actuelle, d'arrièrè en avant, un pli saillant qui la
partageait en deux parties égales. Ce pli servait. de repère
pour mettre la coiffe droite sur le front. Pour disposer
symétriquement sa coiffure, la femme se servait d'un miroir
bien primitif: une baratte pleine d'eau an dessus de laquelle
elle se penchait. La régularité cherchée était acquise quand
les deux extrémités de ce pli se trouvaient en alignement
avec le nez.
Après la mutilation de sa coiffe, grand dùt être l'embarras
de la femme bigoudenne ! Elle se trouvait en possession de
deux bandes de toile, pas assez larges pour donner un
alignement régulier. Comment les disposer? Le seigneur
de Pont-l'Abbé connaissait bien]a pal'tie vulnérable de ln
femme pour l'avoir ainsi châtiée. Mais, quoique Bassc-B'tctte,
elle n'en est pas moins fille d'Eve et femme d'esprit. Elle le

montra bien en cette circonstance. · .
La femme bigoudenne tournait, entre ses doigts, ses deux ·
lambeaux de toile, ne sachant comment les utiliser. Elle les
posés en long, en travers, en croix, sur sa tête; pliés,
avait
dépliés, repliés, de toutes sortes de façons; mais r.ien ne
une coiffe se tenant droite. Quel ridicule!
pouvait lui faire
Certes, le déshonneur allait la suivre partout. Toute désolée,
jette, devant elle, un regard troublé par ses pleurs, et
elle
voit le clocher de Lambour, avec ses tourillons abattus .
Tout à coup, inspirée, elle fait un pli au milieu de l'une de
ses toiles, en froisse un bord, entre le pouce et lïndex, et
porte fièrement à son front sa toile ainsi agencée. Elle venait
de créer sa nQuvelle coiffure qüi donnait tous avantages f1 sa .
coquetterie et; en même temps, la vengeait du seigneur.
. Pour cachér ses cheveux, elle disposa l'autre toile sur
sa mique. Cette pièce est devenne aujourd'hui le Tal-LédeJ/ .

A l'arrière de la pièce placée au sommet de sa tête, elle
façonna une pointe, et piqua une épingle à ravant. Elle
obtint ainsi l'alignement qui lui manquait.
Plus tard, cette pointe s'organisa; on lui adapta le ' ca­
puce, tel qu'on le trouve encore aujourd'hui.
Le pli unique fut ensuite remplacé par deux autres plis
encadrant le capuce, et l'écusson actuel fut formé.
Telle est l'origine de la coiffure de la femme bigouden ne.
Toutes les transformations subies par cette coifful'e, depuis
deux siècles. ont été dét'erminées par la coiffe et le taléde'll.
Nous en avons noté seize.
Quand la coiffe s'est rapetissée, le daléden a remonté et
les cheveux !'le sont montrés à découvert. Le bonned-bleo. le
bonnet auxcheveu.x, devenu apparent, a été orné, aux oreilles,
de deux carrés d'étoffes chamarrées et a pris le nom de
coerbleo, la coiffe aux cheveux.
A u dimanche de Pâques 1856, la coiffe s'est levée dr'oite
sur le front, en forme de tiaTe. Peu après, le taléden a quitté
la ligne horizontale, pour' en faire autant à l'arrière.
Le taléden a encore remonté pendant que la coiffe dimi­
nuait de taille, de sorte que, dans la coiffure vue de face,
c'étaient les deux coins du laléden qui en formaient le sommet.
et taléden ont la tendance à diminuer toujours. Ce
Coiffe
sont aujourd'hui deux papillons posés sur la tête de la
Bientôt le vent d'une nouvelle mode les fera s'envoler,
femme.
et la coiffe de la femme bigouden'ne qui donne un carac­
tère si original à cette région, aura disparu, pour faire place
au clinquant du coef-bleo etaux rubans qui le bariolent.

II. Ape.",u (les déeouve."tes arelléologÏques
de la (les (1)
La région des Bigoudens que nous allons étudier au point
des traces et des souvenirs qu'y ont laissés ses anciens
. de vue
(1) Cet aperçu archéologique de la région des Bigoudens est, cn grande
la synthèse des observations que nous ayons faites au \11usée de
partie,

habitants, n'avait pas, autrefois, la configuration qu'elle
présente aujourd'hui.
La tradition, d'accord avec les découvertes, rapporte
qu'entre les îles Glénans et la terre ferme existait une forêt.
La disposition des troncs d'arbres indique qu'elle a été sub-
mergée par un courant de marée venant du sud- est. '
En avant de Penmarc'h, sur une partie couverte par la
mer~ on a trouvé des traces d'occupation romaine.
La terre s'étendait donc plus avant vers le sud et le sud-est.
Mais c'est au long de la baie d'Audierne que la côte a subi
les modifications les plus importantes.
Actuellement, l'accore, de Plouhinec à Penhors, se com­
pose de collines et de mamelons, s.éparés par des ruisseaux
qui forment des étangs ou se déversent à la mer, perpendi­
culairement au rivage. De Penhors à Penmarc'h, ce sont des
dunes Ol1 des terres basses dont les unes s'élèvent à peine
au-dessus du niveau ùe la mer.
L'atterrissement forme, en face de Penhors, un plateau
vaseux appelé al Lec'hid, qui se continue, jusqu'à Penmarc'h,
par un hanc de sable. Les deux déterminent nne bande sous­
marine d'environ 2 kilomètres de large avec une pente allant
de ° mètre à 10 mètres .
. Les sables de la baie d'Audierne sont faits de coquillages
broyés. Ils renferment, d'après l'analyse qui en a été faite sur
la demande du Conseil général du Finistère, en moyenne
82,20 % de calcaire (1). Aux extrémités de . la baie d'Au­
dierne au contraire, l'Ile-de-Sein d'un côté, et Penmarr'h jus­
qu'à la pointe de Kerafédé en Loctudy de l'autre, le sable est
purement siliceux. Il est le produit de la désagrégation ,des
. Kernuz, pendant la cordiale hospitalité que nous a donnée M. du Chatellier,
des communications faites, par divers auteurs, à la Société archéologique
du Finistère, et de nos recherches personnelles.
(1) Moyenne déterminée d'après l'afIlclle, du 20 Janvier 189H, apposée
dans toutes les communes du Finistère par ordre de M. le Préfet.

roches sous le choc des lames et le frôlement de courants
violents.
d'Audierne . renferme peu de co­
Actuellement, la baie
quillages. Ceux-ci, dll reste, ne vivent que dans les eaux
tranquilles et aux estuaires ' des ruisseaux. Il est donc
probable qlle ]a pointe de Penmarc'h, s'avançant vers ]e sud,
et celle du Raz, avec un pl'olongement sur la chaussée de

dl"uX épel'ons avancés qui refoulaient. plus
Sein, formaient
au large, tous les courants Le cul-de-sac de la baie, du côté
la Gamelle, en face du port d'Audierne et là où se trouve
la bande de vase et de sable, était occupé par une terre basse,
entrecoupée de ruisseaux, de canaux et d'anses, où les

eoquillag'es pOlwaient se multiplier en bancs épais. C'est sur
cette terre qu'une population primitive, assez nombreuse, a
été attirée, à cause de la faeilité à se procurer ses aliments .
C'est là aussi que les Romains devaient cueillir les huitt'es
dont on trouve les valves: en monceaux considérables, dans
toutes leurs stations de cette région.
territoire des Bigoudens s'éten~ait donc au sud-est et

au sud et était baigné, en cette partie, par une mer aux cou­
rants violents , A l'ouest, il se prolongeait en une terre basse,
entrecoupée de canaux et d'anses dans lesquels était une
mer relativement calme. .
par l'archéologie sur les diffé­
Voici les données fournies
rentes occupations qui se sont su.ccédé dans ce pays.

Epoque de la pierre taillée. Il n'a été faite aucune décou-
verte caractél'isant cette époque. Dans les alluvions quater-
naires de Plovan, il a été cependant recueilli un bois de
n'a pas été étudié au point de vue paléogra­
cervidé, qui
phique. Les recherches archéologiques devraient tendre à la
découvert.e du Magdalénien auquel appartient ]a race préhis­
torique Mongoloïde qui est encore aujourd'hui représentée

clans quelques cantons de l'Auvergne dont les habitants
auraient, avec la race bigoudenne, une certaine analogie.

Epoqu.e néolithique. Cette époqu.è est représentée surtout
par les ·grands monuments:
Dolmens sur tene recouverts d'énormes tumulus; (1)
Sépulfures réunies sur de vastes espaces; (2)
Menhirs noinbreux~ isolés, ou groupés (3), par toute la
reglOn ;
Cromlec'hs et alignements (3), qui, s'ils n'ont pas l'impor­
tan0e des mégalithes du MOl'bihan, étaient autrefois, par leur
étendue et le nombre dèS monolithes qui les composaient, les
plus importants de tout le Finistère.
Ces monuments semblent appartenir principalement à la­
derniMe péTiode de l'âge de la pie9're polie, alors que cette
époque était parvenue à son plus haut degré de civilisation .
Cette civilisation est surtout manifedte dans la perfection des
vases funéraires el de leurs ornements.
L'érection de ces monuments a nécessité le concours de bras
nombreux. Ceux qui les ont construits étaient animés d'un
sentiment profond pour le culte des morts et obéissaient à
un pouvoir dont l'autorité s'étendait sur toute la contrée.
Cerlainemp,nt ils ne sont pas l'œuvre d'un peuple barbare,

dans l'acception propre de ce mot. .
L'occupation néolithique se renèontre partout, au centre
de la région, comme sur tout le littoral. Un caractère de cette
population, c'est . qu'elle était essentiellement maritime. Le
fail est démontré par l'impOl'tance et le nombre de ses sta-
(1) Rosmeur, en Penmarc'h, les Cruguel de Plovan, Poulhan, etc.
(2) Lesconil; Penmarc'h, etc.
(3) Plomeur, 7 menhirs; I{erviltr6, en Saint-Jean-Trolimon, 5 menhirs
• en Penmarc'h, cromlec'h auquel aboutissaient 7 ali­
groupés; Lestridiou,
gnements de pierres levées .

tions situées au bord de ]a mer; toutes les anses, toutes les
pointes ont été occupées par elle. Les hommes de cette

époque connaissaient la navigation. Ils exploitaient la tel're
aussi bien que la mer. Mais c'est de cette dernière qu'ils
tiraient leurs principales ressources. On trouve, en gisements
importants, le long du rivage, les rejets de leur cuisine
(Kjoekkenmoeddings) .
Tout indique une population nombreuse et prospère.
III.
Âge du Bronze. A ün moment donné de ' la période
Gaule était entourée, au nord et à l'est, de
néolithique, la
tribus en pleine possession du bronie. Ce métal s'y intro­
duisit surtout par voie commerciale .
Pendant qu'il gagnait par tene, de proche en proche, les
régions les plus éloignées de ses centres de dissémipation,
les Danois, navigateurs, ainsi que le prouvent les navires
gravés sur leurs instruments, l'introduisaient par mer, le
long des côtes. Comme, plus tard les Normands, mais dans .
un but différent, ils pénétraient dans les fleuves et les rivières
et faisaient connaître un nouvel élément de civilisation.
On peut donc admettre, d'après les données de M.Alexandre
Bertrand, que notre région reçut le bronze, principalement,
par suite decommunications maritimes avec les hyperboréens.
A vec le bronze, à la population, néolithique s'est-il substi­
titué un peuple nouveau? Ce n'est pas probable. En effet,
pendant ces deux périodes préhistoriques, on rencontre les
mêmes usages funéraires : l'incinération et l'érection des
se continuent. De plus, on trouve, dans les mêmes
dolmens
instruments de pierre et de bronze réunis.
monuments, des
Il n'y a pas eu de transformation de rites funéraires, par
conséquent pas de substitution de population. .
à la civilisation néolithique de la ré-
Le bronze a donné,

gion, un nouvel essort.

Ce métal, par sa facilité à être transtormé en instruments
de toutes sortes, a apporté des modifications importantes à
la manière d'être de cette population . .
subirent des changements dans
Les monuments funéraires
leurs détails. Aux grands mégalithes se substituèrent
souvent des constructions en pierres sèchès. Les restes
incinérés du mort furent déposés ent.re des planchers de
chêne. Le bronze permettait d'utiliser plus efficacement ces
materlaux.
Les huttes, autrefois assises sur la terre même, reçurent
un soubassement en maçonnerie; les poteries, une forme
plus élégante et leurs parois, des anses. Les dimensions plus
grandes des habitations, comme des vases d'usage commun,
indiquent une facilité plus grande à se procurer et à conserver
les choses nécessaires à la vie. l/agricuIture devait y
'contribuer beaucoup .
Le bronze se moula en instruments, en armes, en orne­
ments variés qui se rencontrent nombreux dans les sépul­
tures. L'amour des parures à peine indiqué sous l'époque
précédente, se manifesta. Tout indique que la population
s'est attachée à son sol et est devenue sédentaire .

Epoque gauloise. A cette époque, les rîtes funéraires
que nous avons mentionnés, se continuent. Il faut donc
admettre une identité, ou la fusion, entre ces peuples primi­
tifs et le peuple nouveau, possesseur du fer.
Le fer est venu donner une nouvelle extension à la civili­

sation qui existait déjà. Les armes, les outils se sont trans­
formés, ou ont été changés: ils sont rendus propres à un
nouveau genre d'existence. La navigation', le commerce se
sont développés. La riehesse est venue; nulle part, dans le
Finistère, on n'a trouvé une aussi grande quantité de mon-

naies gauloises: de bijoux d'or que dans le canton de Pont­
l'Abbé (1).
Avec le bien-être: la population s'est accrue librement.
Resserrée dans d'étroites limites, elle se trouvait, par inter­
valles, obligée de s'étendre à l'extérieur. A-t-elle fourni son
contingent aux migrations gauloises qui se sont ruées sur
l'Orient ? A-t-elle versé son trop plein dans les îles de
Bretagne? Nous admettrons plus volontiers cette dernière
hypothèse. Rien de plus pl'oqable qu'elle se soit portée, de
préférence, vers des régions que son commerce maritime lui
avait déjà fait connaître. .
Le bien-être qui avait déjà commencé à la période précé­
dente. ne fit que s'accroître. Il imprima, à la population, un
caractère spécial. L'amour des parures, si ' manifeste à
l'époque du bronze, gagna tout le monde. Les ornements, le
luxe étaient à la portée d'un plus grand nombre ; pr~sque
toutes les sépultu&es et les habitations en ont laissé des traces.
A une existence relativement facile, en tous cas luxueuse,
corl'espond un état d'esprit enclin à la joie, aux divertisse-
ments. Ce caractère de la population se retrouve encore de
nos jours. Le Bigouden actuel, comme son ancêtre gaulois:
affectionne les vêtements parés de couleul's éclatantes, les

réjouissances, les assemblées, la danse et les chants.
A l'arrivée des Romains, la population gauloise de la région
formait un groupe nombreux, puissant par son commerce et
ses richesses, placé aux confins des Vénètes et des Osismiens.

Epoque gallo-romaine. M. de Lisle de Dreneuc (2), se
basant sur la topographie de la baie d'Audierne et la déco~l-

('1) Tronoen et ses antiquités, par M. Le Men. Bulletin de la Société
archéologique, 1898 p. 142.
(2) Des Gaulois-Vénètes de la grande Brière et du théâtre de la bataille
de Brutus dans la Cornouaille.
navale

verte de nombreux camps et objets gaulois, sur tout le par­
cours de ses rives, en fait le tlléâtre du combat nayallivré par
Décimus Brutus, lieutenant de César, à la flotte des Vénètes.
La lutte aurait alors eu lieu en face des collines qui
dominent actuellement la baie, et des langues de terre, des
lingula qui prolongeaient ces collines en dentelant le rivage
et qui ont aujourd'hui disparu.
Ces oppida gaulois présentent ces particularités que, de
.Penmarc'h à Plouhinec, ils portent les traces d'une destruc­
tion violente; ceux des environs d'Audierne et du Goayen.
les preuves de leur abandon sans lutte et, dans le
Cap-Sizun, une organisation pour une résistance déses­
pérée. Le vieux port d'Audierne s'appelait aussi, ancien­
nement, Pors-ar-Brœvet, le port aux Vaisseaux broyés. Cenom
se relrou ve encore en face de son entrée, à Plozévet et à
Primelin.
Quoiqu'il en soit, 56 ans avant notre èr~ la flotte des V é-
nèles fut anéantie; toute l'élite de la nation ensevelie sous les
flots; les restes vendus à l'encan, et le sénat mis à mort (11 .
Moins d'un siècle àprès, les petits-fils de ces mêmes

Vénètes envahissaient le sénat romain, menaçant, par leur or,
d'enlever toute prérogative et tous emplois aux sénateurs
pauvres de Latium (2).
Les Vénètes n'avaient donc pas tardé à reconstituer leur
puissance. Avec les relations commerciales qu'ils avaient
rétablies, la richesse leur étai t revenue; mais l'indépendance,
dont ils étaient autrefois si jaloux, avait été échangée contre
la civilisation, les usages, les mœurs et le culte des vainqueurs.
Les Vénètes étaient devenus, en partie, Gallo-Romains . LI en

devait être de.même, pourleur3 voisins et alliés, les Osismiens .

L 'occupation romaine, dans la presqu'île dé Penmarc'h,

comprend:
(1) De bello Gallico ; lib. III, cap. XVI
(2) C. Cornelii Taciti annalium : lib. XI, cap. XXIV.

Des voies strat.égiques de pénétration j des camps sur les
lieux élevés; d'autres voies reliant, entre eux, ces divers
camps;
Des villas éparses dans la campagne;
Quelques établissements sur les bords de la mer.
Nulle part (1), de ces gl'ands ouvrages caractérisant l'art
romain; ni ces débris de colonnes et de statue,s qui ornaient
les maisons groupées au pied des citadelles, et qu'on dé­
truisait, en cas d'alerte, pour en faire des matériaux de
fortifications. Pas d'agglomération d'habitations, par
conséquent, pas de ville proprement dite.
Partout on ne voit qu'œuvres de soldats. La puissance
romaine fnt donc représentée, pendant toute la durée de sa
domination, par des colonies militaires.
Quelque temps après la conquête, le pays se reconstitua,
et comme ces colonies étaient numériquement plus faibles
que la population gauloise, il reprit son aspect habituel.
Ainsi, les ports encombrés de na vires, renouèrent leurs
relations avec tout le littoral et l'île de Bretagne; la cam­
pagne rebâtit ses huttes de terre et de bois; les habitants
reprirent la braie et portèrent les cheveux longs. Seuls, les
riches se logèrent dans des villas, à la mode des Romains,
ou allèrent, à R'ome, jouir de leur -or.
Avec la population gauloise, dans les campagnes se ré­
fugia le Druidisme. Les Romains cherchaient à l'anéantir et
le poursuivaient jusqu'en ses derniers refuges, pour y subs­
titLler leurs diviniMs. On a trouvé des images de leurs dieux
dans plusieurs stat.ions romaines. Au Cap-Sizun, ce sont
ùes slaluetles de Mars et de l\lercure, emblèmes de la guerre
(11 A Pont-l'Abbé, entre la me des Douves et la rue de3 Carmes, des dé
cou ver les d'objels romains ind iq uen t un établissement : un puisard conte­
llanl des bl'onzes des Antonins, sous la maison ~1aubréls, rue des Levées·
lJ ne monnaie-d'or à l'efligie d'un César, dans les fondations de la maison
Goayat, rue des Carmes.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈH.E , . TOME XXVII (Mémoires) 23

et des expéditions lointaines; à Douarnenez, c'est Hercule.
Mais ces tl'ouvailles ne sont que ùes faits isolés.
Chez les Bigoudens, au conteaire, à Tréglleunec, c'est par
centaines qu'ont élé rencontrées les statuettes de Vénus et
de Lucine, déesses de l'Amour et de la Maternité.
C'étaient là, sans doute, les divinitéb peéférées de la popu­
lation gallo-romaine et l'indice d'lm caractèl'e et d'un tem­
pérament érotiques, dOllt on veut bien eneore gr'atifier les
Bigoudens.
Le polythéisme romain voulait bien admetlre dans tiOIl
Panthéon, les dieux gaulois. Le menhir sculpté de Kervadel:
production hybride, elt serait une preuve (1). Mais le drui­
disme recula toujours devant ses avances. Pe[,sl.~cuté: il se
réfugia dans les lieux les plus déserts, d'où il Ht un retoue
sur ses pas, à la fin de la domination romaine, pour hàter sa
chute. Les statuettes beoyées de Tt'éguenneo et de TnlnoHII
indiquent que ceux qui ont chassé les Romains du pays se
sont acharnés sue les objets de leue culte.
Par'mi cette population épal'se dans les campagues qui se
teouvaient toujours sous l'influence occulte des Druides, la
civilisation romaine avait peu de prises. Pour rendl'e la jus-
tice, les chefs des colonies romaines parcouraient les villes
de leurs provinces, c'est ce qu'on appelait f01'1.I,m age/'e.
Quand une colonie était dépourvue de ville, les plaids se
tenaient le long ou à l'embrallchement des voies romaines,
souvent dans les endroit:; autrefois pratIqués Pal' les Gaulois
(1) Un joumaLde New-York, le 'l'he Evening-Sun, du 27 juin 18nl, en
fait cette descripLion : .
(Traductiondeilf.Jos. LeG .... ). - « Unedesmeilleurestrouvaillesdel\1. du
(( Cllatellier futfailedans le villagede Kcrvadel, au ll1oisdejuilletl~87 . C'était
« un rnenhir(sic), un blocde pierre en forme de cône, tronqué à environ trois
(( mètres, ou plutôt de plus de trois yards de hauteur. Il est remarquable
« paf' les sculplures dont il est couvert. Les Gaulois, c'est . 21 peu près cer­
« tain. ignoraient l'art de sculpter, et les figures de ce men/à)' onl lin
« cuchel romain. Sept ligures sont treustJes aulour de la base. Une d'elles,
« il semblerail, représenLe Mercure, si l'on tient compte cie la bnguelte, et
• l'homme à la massue seraiL Hercule. b

pOUl' leurs assemblées. Ces elldl'oits sont devenus des lieux
ùe mal'chés, plus tal'd appelés fOl', l'eur. Dans cette région:
on en compte tl'ois: à Lochrist, près de Pont-Croix j à
Lambabu et à la Trinité, en Plozévet j à Lanvern ou Lan-

guioua, en Ploné0ur; toutes longent d'anciennes voies ro-
maines. C'est à remarquer que ces endroits, où se tiennent.
vocabl~s des premières
encore des foires, portent, comme les
églises, des noms se rapportant au Sauveur, à la Vierge et
aux Apôtres. C'est une preuve de l'antiquité de ces assem­
blées. Il est probable que saint They (Adeodat) et les autres
compagnolls de saint Clair, trouvant en ces lieux la foule
réunie, y ont fait leurs premières prédications de l'Evangile.
D'après la série des monnaies recueillies dans ce pays, la
domina,tion romaine dura environ quatre siècles. Elle prit
fin d'une manière violente; tous les établissements romains
por·tent les traces de lutte et d'incendie. Il est probable que
le.3 Gaulois se sont rués sur les établissements romains dé­
garnis d'une paetie de leurs garnisons, qui avaient été appe­
lées il la défense de la frontière du Rhin et de l'Italie, vers la
IVe siècle. Après avoir chassé les gouverneurs ro­
fin du
mains, les Gaulois étaient, de nouveau, seuls maîtres du
pays. Mais, comme la population des campagnes avait été

tenue à l'écart de la chose pubHque sous la domination ro-
maine, elle se montra inhabile à créer un ordre social du­
rable. Aussi, pendant 'lll1e période d'un siècle et' demi,
j Llsqu'aux grandes immigeations bretonnes insulaires, on
tl'ouve lIes vestiges et des souvenirs incertains de ce qui
s'est passé. Seule, la religion druidique: qui avait fait retou!'
avec les Gaulois, laissa cles traces de ses croyances et de ses

rites J usql,(a une epoque assez a vancee, peut-etre merne'
jusqu'au XVllc siècle (1)
(1) Le mol aJ'ia qui existe dans le breton de la région. Sut'tout. à Doual'­
nenez, et est toujours pris en mauvaise part, sous la signification d'excen­
t1'iqlle, semble l'indique!'. Il doit dériver du mot ariolus, devin, emp loy6
dans le Carlulaire cie Lhndé\'ennec pour indiquer les mag6s et devins.
(l;al't. p. 4.6).

A la fin de la domination romaine, la partie sud du Pagus-
Cap-Ca~7al était surtout gallo-l'omaine, de Tronoan à Plo­
melin, en passant par Plonéour. Le commerce y florissait ;
la richesse et le luxe étaient communs.
La partie nOI,d était occupée pal' la population gauloise;
son isolement l'avait rendue pauvl'e et farouche. Au centre
de son tel'1'itoil'e était le camp romain de Plogastel, qui]a
maintenait en respect.
A près l'expulsion des gaenisons romaines, en Armorique,
Aétius qui commandait alo1's la Gaule pOUl' l'empereur Va­
lentinien, donna l'ordre j3. Eokal'ik, chef des Alains, canton­
nés dans l'Orléanais: d'envahir Li\rmorique avec sa cavalerie,
lui promettant, pour récompense, le pillage. Les rebelles,
terrifié? de son approche, man,dèrent à saint Germa in ,
évêque d'Auxerre, d'intervenir pl'ÔS du chef des barbal'es.
Les instances du saint sauvèrent l'Armol'ique de la d~s­
truction .
Il est très probable qu'après ces événements le cast1"um
romain, qui dominait la partie nord de· la région, devint un
centre de population et reçut le nom du puissant médiateur,
saint Gel'main. L .. e ~hoix fait, poUl' cette médiation, d\1O
Evêqile èt, SUl'tout, de saiut Gel'main, si connu dans la Bre-
tagne insulail'e pOUl' y avoir combattu l'héré::;ie des Pélagiei1s
et mené les BI'etons au combat contre les pieates saxons, au
cri d'Alleluia) semblerait indiquer que les immigl'ations
bretonnes insulaires avaient déjà commencé à cette époque.

Établissements brcto'J/s 'Î'J/slIlai)'('s. - Les immigratiolls bl'e-
tOllnes insulaires ont Inissé dans les Cll'collsceiptions teni-
tQriales et dans les noms de liellx de la régioll des Bigoudens,
des tr'aces de leul's établissements et de leur organisatioll .
Pt'lHlanl que les dlef::i civils et rni!itail'cs s'installaiellL,
avec lems peuplt's, le Joug de la côte, en des endroiLs bieu

délimités: Ol'dinairement situés entre deux ruisseaux, les .
chefs religieux pénétraient. à l'intérieur du pays.
La mer donnait, à la colonie fugitive, là où elle débarquait,
les premiers éléments de soa existence. Mais ces ressources
épuisées, elle était appelée à el'rer, si elle ne pouvait
s'attacher à son nouveau sol

Les prêtres, chefs religieux de la colonie, allaient donc en
avant-garde, au cent.re du pays. Messagel's de paix, ils
gagnaient la confIance des anciens occupants, près desquels '
ils bâtissaient leurs chapelles et leurs oratoires. Les terres
qui leur étaient cédées, les land, étaient, par eux, défrichées
et les récoltes servaiellt à nourrir la colonie naissante.
Plus tard, le siège de la colonie était transporté près de
ces premières églises, tandis que les chefs militaires conti­
nuaient à occuper leurs anciennes demeures près des côtes
C'est ainsi qu'on trouve, le long de la baie d'Aud ierne,
sut une largeur de 2 à 4 kilomètres, les lès) a'ula) COi.tTS) ou
demeures des chef bretons insulaires, tandis que les la.nd)
les plou) les ti'e'Lo) se trouvent à l'intérieur du pays.
La colonisation bretonne-iusulaire n'a pas été faite par un
seul peuple venant implanter, dans ce pays, ses plo'Us et ses
tfew) en lui donnant son nom et sa civilisation. Elle est la
d'immigrations successives qui se sont faites, par
'conséquerice
~ntervalles, durant plusieurs siècles. La première bande a

du arriver avec ces émigrations, de dates incertaines, (Saint
Demet, sainte Thumette), qui se sont portées, de pr:éférence:
au sud de l'Arml?rique, vers les régions maritimes avec les-
quelles elles devaient faire le commerce . La preuve de ces
immigrations différentes se trouve dans les vocables de
saint Tugdual, répartis en plusieurs paroisses du pays: la
mission de saint Tugdual et de ses prêtres ayant été de faire
l'unité entre les divers centres religieux d'émigrés .
Actuellement, les centres: ou plou)) de ces immigrations
paraissent avoir été au nombre de 7, Y compl'.Ïs Plog'astel-

Saint-Germain qui est d'origine gauloise. Dans la partie
sud, de . Penmarc'h à Loctudy, où se trouvait surtout la po­
centres, .à part Plomeur, sont
pulation gallo-romaine, ces
moins bien indiqués. Ces chefs-lieux: 011 plon, se sont sub­
divisés en 36 t'few. Les centres religieux, ou lamcl, étaient
au nombre de 16, non compris les vocables spéciaux des
chapelles.
pays était ainsi occupé par de petites colonies indépen­
dantes dont les chefs habitaient les lès. Ces demeures sont
au nombre de 41. Placées, pour la plupal't, aux bords
de la baie d'Audierne, elles forment deux groupes prin-
cipaux, en Plozévet et à Poulguidoll, pl'ès de Plovan. Ce
dernier groupement indique l'ancienne importance de cet
endroit et donne raison à]a tradition qui fait~ de l'étang de
Poulguidou, un port de mer. Les autl'es .lès sont éparses et
séparées; bien peu sont situées dans l'intérieur .
La partie Est de la région, ou estuaire de l'Odet, à part
une occupation dans l'anse de Bodivit., no renferme p :1 S de
lès. C'est que ce territoire, Combrit, Pont-l'Abbé et Loctudy,
dépendait du monastère de Saint-Tudy.
A un grand nombre de ces mots plo, (l'eu, lès ct land, sont
accolés les noms des princes bretons-insu1 1ires qui ont
occupé le pays; il en est de même pour les noms des chei's
religieux. Mais il est impossible de distinguer ainsi les
caractères de ces personnages. Une autre cause de confusion
entre les noms des chefs religieux et militaires provient de
usage iconographique qui donnait, par vénération
cet ancien
costume religienx indistinctement à tous les
spéciale, le
saints qui n'avaient reçu que la seule canonisation populaire .
Comme saint Tugdual le fit, plus tard: pour les centres
religieux, le roi Gradlon avait fait l'unité entre toutes les
petites principautés de la Cornouaille. Son royaume, d'après
le Cartulaire de Landévennec (1 ), s'étendait sur le haut pays
(1) P. 81, Cap. XIX.

cultivé, comme sur la partie basse, ou rivage de la mer, snI'
le Gore et sur le (joulccl : 0 •
- «( RUl'a vel ima regens, Gradlonus ... »).
Sa capitale était située dans la partie basse, même la plus
basse, Is. Le nom de cet.te ville est ineonnu. Les mots 18,
Ker-a-Is, KeJ"is (Is opi,d1.lm), qui servent à la désigner,
indiquent seulement sa situation : in pal1.ld~b'LtS, dans une
Palue, une lagune au bord de la mer. La tradition et la
légende sont d'accord en cela: Son palais, ou lès, qui devint
pIns tard la ville de Corisopitum, était situé dans la partie
haute du pays, Garé Is.
Un rapprochement est à faire: là où se trouvait la cour de
Gradlon et dans les parties maritimes où était située sa capi-

ta18, la coiffe actuelle de la femme présente le même caractère
archaïque: l'absence de mentonnières. C'est encore une
preuve d'origine commune.
Les chefs religieux des immigrations bretonnes insulaires,
en pénétrant dans l'intérieur du pays, se sont trouvés entre
leurs compagnons d'exil se lamentànl au souvenir de la patrie
qu'ils venaient de quitter, désespérant de l'avenir sur cette
terre qui leur paraissait ingrate et peut;être inhospitalière,
et les habitants de la région, idolâtres en grand nombre et

sans gouvernement régulier. . .
Aux uns, ils inspirèrent le coura,ge pour supporter les
premiers jours de l'exil, et assurèrent l'avenir, dans cette
nouvelle patrie, en les portant vers les travaux agricoles.
A ux autres, ils donnèrent l'organisation qu'ils apportaient
de l'île de Bretagne et la connaissance de l'Évangile.
Le long de la baie d'Audierne et à l'intérieur, c'était le
druidisme qui régnait Dans la lutte qu'ils lui livrèrent, il
semble que les religieux bretons-insulaires aient été secondés
par une colonie monastique partie de Landévennec.
attaches que le pays avait avec l'abbaye de Landéven­
Les
nec sont démontr-ées par le vocable de Saint-Guénolé dans

l'ancienne trève de Beuzec-Cap-CavaI, les donations faites
à cette abbaye de terres situées à Plozévet,Peumerit,Plovan,
Plonéour et Plomeur, puis les noms de tl'ois abbés de
cartulaire comme Ql'iginaires du Plo
Landévennec indiqués au
de Saint-Enéour, au Pagus-Cap-Cav::!.!.
Dans la partie sud, c'était au contraire le paganisme ro­
main qui dominait. Il fut combatt.u pai' saint Tudy qui avait.
son monastère à Loctudy et par les successeurs de sain t
Corentin. L'un d'eux, saint Conogan, a son vocable à la
limite du territoire des Bigoudens ; un autre. saü;t Aloul', y
est titulaire de trois paroisses. Il est permis de croire que le
dernier coup fut porté au paganisme romain par ce saill t
évêque, car son principal autel, le menhir de Kernadel, SUI'
lequel sont gravés les premiers dieux de Rome, a été enfoui
dans un champ qui porte le nom de saint Alour.

VII.
Dans la vie de saint Vio, le P. Albert Le Grand donne un
aperçu de la situation du Pag·us-Cap· CavaI, au milieu du
VIe siècle. .
- « Lorsque le saint, dit-il, entra au hâvre de Penmarkh ~
~( des gens se poul'menoient sur le port, des navires estoient
« à l'ancre en la rade devant la ville ... Au bruit de son
« arrivée merveilleuse: u ne grande multitude de peuple: de
« tous les villages circonvoisins, s'amassa à Penmarkh pour
« voir le saint homme .... Les habitélJlts et le peuple de Pen­
« Markh remercièrent Dieu de leur avoir adressé le saint
« personnage, le recueillirent humainement et le logèrent
« en leur yille .... De toute la Cornoua1lle le monde accourait
Ci à rermitage du saint... »)
, A cette époque, le .Pagus-Cap-Cavai n'avait pas encore
subi les modifications qui ont donné: à ses rivages, leur
configuration actuelle. En effet, le port dont parle le P. Al­
bert Le Grand, situé à une lieue de la chapelle. de Saint-Vio,

en Tréguennec~ ne peut être que Pors-Carn, dans l'anse de
la Torche, aujourd'hui impraticable.
Les habitants étaient nom~reux, sur le bord de la mer,
comme à l'intérieur. Le commerce, indiqué par les navires
rade, était florissant. Des communications se faisaient
reste de la Cornouaille. La population était douce,
avec le
hospitalière, et, en grande partie, chrétienne.
Il est donc probable que la colonisation bretonne-insulaire
était déjà achevée. Les chefs religieux avaient fait l'union
entre le peuple ancien ot le peuple nouveau venu. Les deux
pratiquaient la même religion, étaient soumis aux mêmes
La campagne se couvrait de moissons, comme les ports
lois.
s'emplissaient de navires. Le commerce avait rétabli des
relations avec ' les autres pays. Une civilisation nouvelle
s'était créée constituant un groupe ethnique dans lequel
entraient les descendants des peuples dont nous avons fait
connaître les traces d'occupation.
tous ces peuples n'ont pu laisser, à ce groupe, leur
Mais
exp'ression propre. Il ne suffit pas pour changer le caractèl'e
ethnique d'une population, qu'un vainqueur lui impose ses
lois, que des commerçants étrange?'s installent, le long des
rivages, leurs comptoirs. Ce sont là, dans l'histoire d'une
région, des faits isolés, ou restreints, dont les traces sont
appelées à disparaître, quand la population primitive res­
saisit sa liberté d'action.
L'expTession ethnique est déterminée par le peuple dont la
civilisation, identique à elle-même, a été générale et de
longue durée. '
En résumant les découvertes archéologiques du Pag'ns­
Cap-CavaI, nous y trouvons deux occupations principales:
. les néolithiques de la fin de l'âge de la pierre polie, c'est-à­
dire la race brachycéphale, puis les bretons-insulaires. Ce
sont ces deux éléments qui ont imprimé leur caractère au
groupe elhnique duquel descendent les Bigoudens.

III. -
tion alltltrOIJologÏque
su.-Ies BÏg .
Dans nos recherches sur la population du Cap-Sizun,
nous avons remarqué que les os malaires présentaient un
élément d'appréciation suffisant pour différencier les divers
types.
Cet élément donne trois caractéristiques:
1 La saillie latérale des arcades zygomat'iq'Ues ;
2° Les arcades effacées;
3 La projection, en avant, d es pommettes.
De là trois types différents :
premier type a la figure large dans le haut et plate .

Souvent l'arc dentaire est rétréci et arrondi en avant: d'où
une dépression au bas de la figure, le menton se pTononçant
en pointe. La figure, vue de face, a sensiblement la forme
pentagonale et se compose d'une ligne horiiontale au som­
met de la tête, des lignes temporales s'arrêtant aux arcades
zygomatiques, et de deux autres lignes formant angle au men­
ton. Au-dessus des pommettes, c'est un quadrilatère; au-des­
sous, un triangle dont le sommet est au menton. Ce type est
lé plus répandu dans le Cap-Sizun; nous l'avons déjà signalé

L'observation de ce type est facilitée quand le sujet est
debout et se penche légèrement comme pour lire en un livre
posé sur une table. .
Le second type a les arcades zygomatiques complètement
effacées. La figure est longue, proportionnellement à la
largeur ; l'arc dentaire élargi et aplati en avant, d'où

. élargissement du bas de la face qui présente la forme èl'un
quadrilatère ' dont les grands côtés, verticaux, prennent les
tempes et les joues. Les hommes de co type sont ordinaire-
ment lourds et massifs; ils sont, aussi, remarquables par une
belle et saine dentition.

Le troisième type a les pommettes saillantes en avant de
la figure. Chez lui, la forme générale de la figure ne présente

aucune particularité. Ce type est. rare dans le Cap-Sizun.
Il y a quelque temps nous avons été à même d'étudiel' ces
trois types réunis et présèntant les caractères les plus
marqués. C'étaient trois femmes de l'Ile de Sein qui s'embat'-
quaient pour rentrer chez elles. Nous avons eu tout loisir de
les étudier et les comparaisons que nous avons faite~ ont
confirmé pleinement nos observations précédentes.
Nous avons recherché ces mêmes types chez les Bigoudens. '
Parmi les hommes c'est le troisième type, (pommettes sail­
lantes,) qui est le plus frliquent. Mais chez la femme, les
observations sont contl'ariées pal' les d i-formations de la face.
Ces déformations, très communes, sont dues à la coifful'c et
aux manœuvres nécessitées pOUl' son agencement.
Voici en quoi consistent ces manœuvres:
Lorsque le cael-blea est posé sur la tête et les cheveux
étalés sur le dos, la femme rappl'oche le menton da cou; un
cordon est passé autour de la nuque et du rûenton, et sel'l'é
très fortement: cette ligature a pour but d'aplatir'et cl'élargil'~
à la nuque, la base des chevenx, et de ramener les chairs sur
les côtes, car les cheveux doivent être bouffants an retroussis.
Pour que la pression soit plus forte, la femme fait levier,
en relevant le menton. Un autre cordon, également serré,
entoure la nuque et le front. Quand le8 cheveux ont été bien
aplatis, ils sont réunis, en nappe, sur l'arrière de la tête et
maintenus, au sommet. pal' le J'o::érès . Ces ligatures restent
en pl::-lCe, près d'une demi-heure, chaque jour.. Comme la
commence à portel' la coiffe dès l'âge de cinq à six
femme
ans, il est possible que cette manœUVl'e ait une action sur

les condyles du maxillaire inférieur. En tous cas, elle déter-

mine parfois une. attitude spéciale de la tête, le rapprochement
habituel du menton et du cou et 10 prolapsus de la lèvre
superIeure.

Les déformations les plus apparentes sont occasionnées
pat' les lacets des coëf-bleo et les constrictions qu'Us déter-
minent. .
Les bords ant~rieurs du coef-bleo descendent vertieale­
ment de la région parotidienne, passent derrière les eondvles
et les branehes du maxillaire inférieur et se terminent par
. deux laeets qui se nouent très fortement sous le Inenton.
Les bords inférieurs du coef-bleo, qui entourent la nuque,
sont trop eourts et attirent ees lacets en arrière. La pression
sur la nuque, qui a eommeneé, le matin, en mettant la eoif­
maintient encore toute ]a journée; mais: iei, le point
fure, se
d'appui n'est plus pris sur le menton, mais sur la partie
supérieure et antérieure dll eou. Il existe donc, ehaque jour,
une constrietion qui contourne entièrement la face et le eou,
. eongestionne toute la masse eharnue et la projette en avant.
De là, cet aspect maffiu, presque hypertrophique et la tëinte
eyanosée de beaucoup de femmes bigoudennes. Chez d'au­
tres, la constl'Ïction est tellement forte qu'elle creuse deux
sillons latéraux et un sillon postérieur, blanes, atrophiés et
presque o eicatrieiels. Nous connaissons une femme de 30 ans,
qui a quitté la coiffure bigoudenne depuis plus de 10 ans, et
qui porte encore ces sillons très marqués.
Ces déformations s'acquièrent individuellement; les enfants
paraissent pas atteints. Cependant, il serait possible de
n'en
eonstater chez quelques-uns des faits de transmission.
U ne étude anthropologique, déterminant. par des mesu­
rages et des sériations, les divers indices, pourrait seule
faire ressortir le .type réel et dominant de cette population.
mesurages, sur le vivant, ont
Il y a quelques années, des
.été faits aux environs de Pont-l'Abbé. Mais: pris sur un
nombre restreint de sujets, ils n'ont donné, bien que l'élé­
ment breton-insulaire parùt s'en dégager un peu. aueun
résultat plausible.
D'autres observations rattachent les Bigoudens aux Mon-

gols, mais plus particulièrement aux Auvel'gnats. Mais ce
n'est là qu'une orientation à donner aux recherches. Une
étude complète ne devrait · pas se borner aux environs de
Pont-l'Abbé et de Penmarc'h. Elle devrait s'étendre à toutes
les communes des cantons de Pont-l'Abbé et de Plogastel et
compl'endre au moins 5 010 de la population .
Parmi la population agl'Ïcole sédentaire, dq.ns les criques
occupées seulement par quelques familles de pêcheurs,où l'in~
dustrie n'a pas établi ses usines, on trouverait certainement
des groupes isolés que des indices anthropologiques spéciaux
pourraient faire rattacher aux anciens occupants du pays.
Il est également certain que, dans une étude d'ensemble
des deux cantons, se dégageraient plusieurs 'moyennes indi-
quant un mélange de diverses races; car la population des
Bigoudens qui, au VIe siècle, était composée principalement
de brachycéphales et de bretons- insulaires, a subi bien des
atteintes dans sa constitution. A différentes reprises, elle a
été décimée. Les Normands y ont détl'uit le monastère de
saint Tudy et exercé, durant plusieurs siècles, leurs ravages
sur ce territoire placé sur le passage de leurs flottes. Plus
tard, les Anglais,· attirés par le commerce de Penmarc'h ,
rôdèrent autour des côtes, opérant des descentes, sacca-
geant et ruinant tout le pays. A la fin du seizième siècle,
La Fontenelle, au bourg de Plogastel-Saint-Germain,
massacra « deux ou trois mille hommes, tant gentilz-
« hommes que du plat-païs (i) ) et détruisît complète-
ment Tréoultré et son commerce; la ville de Kérity qui,
d'après la tradition, 'possédait, au temps de sa prospé­
rité, sept églises, devint un simple hameau. Les mas­
sacres, la poste et la famine ont, après 'les guerres de la
Ligue, si bien réduit la population des Bigoudens, que « de
trois cents habitant..::, il n'en restait que vingt » (2). A ces

(1 '2) Doléances des paroisses de Cornouaille dévastées et ruinées par la
guerre du roi Henri IV. Communication de M, du Crest de Villeneuve.
Bulletin de la Société archéologique, 1900, p, 97 .

causes de dépopulation générale, il faut ajouter les passages
des gens de guel're se rendant à l'attaque ou à la défense des
châteaux de la région.
Toutes ces causes ont amené, par intervalles, d"e grands
vides dans la population. Mais les relations commerciales
et les peovignagnes avec les pays voisins n'ont pas tardé:
chaque fois, à les combler.
La population s'est donc, à plusieurs reprises, reconstituée,
mais en empruntant des éléments étrangers (1). L'expression
anthropologique de la population n'est donc plus aujourd'hui
que la résultante de caractères de multiples originès, n'ayant
qu'un rapport éloigné avec la population primitive, même
celle du VIe siècle.
U ne seule chose est restée constante parmi toutes les popu­
lations qui ont occupé le pays des Bigoudens, c'est l'amour
des ' parures, des ornements éclatants, des plaisirs, des
" reJoUlssances.
En tous temps, les mêmes causes déterminent les mêmes
effets. Le sol, les conditions climatériques, le terroir,
exercent sur les habitants d'un pays, quelle que soit leur
ol'igine, une impression identique. Le pays des Bigoudens a
été, de tous temps, une terre privilégiée: l'agriculture et la
navigation y donnent toutes les facilités de l'existence. Le
bien-être, quenous avons vu commenceràl'époque néolithique
et se développer avec l'âge du bronze et la période gauloise,
"s'est rencontré à diverses époques. Toujours, ce bien-être a
eu la même conséquence, c'est d'inspiree, aux habitants, ce
caractère gai qui les porte à rechercher les vêtements aux
couleurs vives, le plaisir sous toutes ses formes.
H. LE CARGUET.

Audierne, 2.7 novembre 1900 .

(1) Dans le langage populaire des Bigoudens, deux mo ts étrangers, em- .
pruntés à l'Espagnol et à l'Anglais,-sont bien carac;térisques: la femme
ne appellera un lourdaud, lopez" et un égrillard, love.
bigouden