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Bulletin SAF 1900


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Culte et iconographie de saint Yves

J.-M. Abgrall

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CUL1'E ET ICONOGRAPHIE DE SAIN1 YVES

De tous les saints bretons saint Yves est certainement le
plus populaire, c'est celui dont le nom est le pIns commun
dans ]e peuple, dont on trouve le plus de statues dans nos
égl ises, dont les chapelles sont les plus nombreuses dans nos
campagnes. Et ce n'est pas surprenant: il est le saint dont
l'action a été le plus répandue et la plus universelle, dont la
mémoire est la plus récente et par suite l~ plus vivante dans
le pays. En dehors de ses travaux d'official de Tréguier et de
recteur de Trédrez ou de Louannec, il prêchait sans repos
ni trève dans les paroisses d'alentour; et même il a parcouru
la plus grande partie de la Bretagne pour exercer cet apos­
tolat de la parole, précurseur de saint Vincent-Ferrier et des
vénérables Michel Le Nobletz et Julien Maunoir. Son his-
toire nous dit qu'il prêcha dans notre pays, à Quimper et à
Locronan, et nous rapporte que; étant de passage à Lande­
leau, il coucha une nuit par dévotion et -par pénitence dans
un sarcophage de pierre que l'on désigne sous le nom de
« lit de saint Théleau ».
Dans les actes de sa canonisation on trouve des témoins
de tous les points de la Bretagne; c'est donc qu'il a été dans
tous ces parages et qu'il y a laissé le souvenir de son zèle,
de ses vertus et de ses miracles, sans compter encore la

grandô vénération qui devait s'attacher à sa personne par
suite de sa grande austérité, de ses aumônes et de sa bonté
immense pour les pauvres, de sa science juridique et de toute
l'ardeur qu'il mettait à prendre la défense des veuves, des
orphelins et de tous les opprimés.
C'est ce qui explique l'extension de son culte, le grand
nombre d'églises et de chapelles qui sont sous son vocable,

et encore le plus grand nombre de statues qui le représentent.,
pour ûtl'e l'objet de la dévotion des fidèles et un gage de sa
protection.
Avant de faire un exposé l'apide de son culte, n'est-il pas
bon d'indiquer les variantes du nom de llOtrc sFlint '?
Au pays de Tréguier il s'appelle El'voan; en Léon: YVOll,
· Euzen, Eo~en, Cheun; en Cornouaille: Youen, Noun, Boon .
M. Gaulthier du Mottay, dans son essai d'Ieonographie et
d'Hagiographie bretonne, indique les églises dont il est pre­
mier ou deuxième patron; ce sont celles du: Huelgoat, La
Motto, La Poterie, Louannec, LVIi 11 ihy-Trég uiOi" P1ougonven,
Ploumiliau, Plounéour-Ménez, Plouray, Pontl'iCllX, La Hoche­
Maurice, Trédrez, etc ...
, Puis les chapelles à Baud, 13réhand-Loudéac, autl'efois à
Brest, remplacée maintenant par l'église des Carmes, à Briec,
Bubry, Calanhel, Caro, au Croisic, à Din6ault, mItI'el'ois à
Ergué-Gabéric aux issues du village de Ker'alll'Ol1S, ù Fon-
gères, Gouézec, Guerlesquin, Gue!'n, Guillgamp, Hillioll,

anciennement à Kerfeunteun hôpital Sai Ilt-Yves, à Kerp.er!,

Landudal, Langoat, Langourla, Loguivy-Piougl'as, Lignol,
Merdrignac, au Merzer, à Moréac. Péclef'llec, Piésiùy, P lestin,
Plogoff, Plouaret, Plouagat, Plouha, Plounez, Plufur, nutl'e­
fois à Pont-l'Abbé et Quimperlé, à Qui ntin, Rennes, Sen ven-
fAhart, Saint-Hélen, Saint-Sauveut'-Sizun, Tl'égonneau,
Tressignaux} Vitré, Yvias,. etc ..
Nous ne citçms ici que la Bl'etagllc, Peul-êt!'e cependani
est-lI bon de dire que notre samt n aus~i Jeux ôgliscs il. Homo:
1° Saint ·Yves des Bectons, où les avocats l'omaill5) fondô­
rellt une congl'égation ayant pOUL' but de défendre les pat:­
vres sans aucune rétribution pécuniail'e. En 1511, le pape
Jules II anuexa à cette église un hôpital destiné à recovoil'
les pauvl'es malade$ et les pèlel'ins IH'elons (Jules de Lau-
rièl'e: Bulletin monumentnl, 187D.)
2" Sé1lllt-Yves de la S;lpicllte, oCt le l'ct.able pei!lt sous

t n noce nt XI parI>ierl'e de Cortone, représènte le bienheureux
en avocat et faisant l'aumône. (Barbier de Montault.)
I~ Jloa.,ItÏe.
11 faut noter que les représentations de saint Yves diffèrent
les unes des autres, d'après l'époque où. elles ont été faites

et d'après la façon de l'envisager, soit comme prêtre et
avocat des pauvres, soit comme official. Mais avant d'étudier
ses statues, il vaut mieux citer par ordre alphabétique toutes
celles que je connais dans notl~e pays Ju Finistère, c'est-à­
dil'e dans le diocèse de Quimpel' ; ensuite nous pourrons en
faire une classification spéciale.
Je p'uis indiquer en tout cinquante- quatre statues allciennes,
et il est probable que plusieul's autres ont échappé à mes
recherches. EUes se trouven t à Brennilis, Brest (église des
Carmes), Briec (à la chapelle de Saint- Vennec). Cléden­
Poher, Elliant (chapelle de 'l'réarma ), Le Faou, La Feuillée,
Le Folgoët, Gnueznou, Gouézec, Guimiliau, Hôpital-Cam­
frout, Huelgoat, Irvillac (retable), Kerfeunteun (à la croix de
Saint-Yves), Lampaul-Guimiliati, Landivisiau, Landrévarzec,
(chapelle de Quilinen), deux ft Landudal (à l'église parois­
siale et à la chapelle de Trémarec), tl'Ois à Lanmeur (deux
statues et un groupe), Loperhet, Loquefi'ret, deux à Melgven
(à l'église paroissiale et à la Trinité), une ou deux à Morlaix
(sur les façades des maisons de ra Grand'i'ue), Pencran,

Peumerit, Pleyben, Ploar0, Plogofi', Plomodiern (à la croix
de Saint-Yves), Plonévez-du-Faou (à Saint-Herbot), Ploudiry,
Plouégat-Guerrand, Plou~asnou, deux à Plougonven (à
l'église pal'oissiale et au calvàire), Plounéour-Ménez,
Pouldavid, Pouldergat,Primel iri,deux à Quimper (au musée),
Rédené, Riec, trois à La Roche-Maurice (deux groupes et
une statue), Saint-Sauveur-Sizun, Tréflez .
La plus ancienne statue qne nous connaissions de saint Yves
dans le diocèse est celle qui se trouve actuellement dans une

niche de la façade ouest de l'église du Folgoët. Elle n'occu­
pait pas originellement cette place et provient d'une chapelle
de la paroisse où elle était placée en'tre un riche' et un pau\'I'e
avec lesquels elle formait gl'oupe ; la statue du riche a dis­
paru et celle du pauvre, séparée de celle du saint, se trouve
pour le moment entre le porche de l'évêque Ala i Il et le porche
des apôtres. Le saint est vêtu d'une robo longue tombant sur
les pieds, recouverte d'un autre vêtemen t à manches la rges
qui descend plus bas que les genoux, à plis arrondis et peu
serrés. Est-ce un surplis: une cotte, un surcôt, une housse?
je ne sais. Sur les épaules il a un chaperon, sorte de petit
camail à grand capuchon qui couvre la tête avec le bonnet
carré dont elle est coiffée ; ce bonnet est assez vaste et a des
formes plus arrondies que la barrette actuelle: la main droite
tient un rouleau de parchemin déployé. Cette statue, de même
facture que les autres statues de la basilique, semble bien être
du xye siècle et nous donnerait le type le plus ancien de
notre bon saint Yves. .
Celui que nous trouvons ensuite date de la première moitié
du XVIe siècle, deux ou trois appartiennent au milieu du
même sièc13 et toute une série aux dernières années,
L'église actuelle de Notre-Dame du Mont-Carmel, à Brest,
fut élevée en 1718 sur l'emplacement d'une chapelle de saillt
Yves qui a donné son nom à la rue voisine On y conserve
encore u~e statue en kersanton de l'ancie'n patron. Le saint
est assis sur un fauteuil dont les côtés forment pilastr'es, il
est vêtu de deux robes superposées qui descenclentjusqu'aux
pieds, l'une serrée et à manches , étroites, l'éllltre plus ample
à larges plis et larges mai1ches, avec rabattement autour du
. cou. Sur le dos retombe un capuehon faisant pal,tie de la
robe de dessous; la coiffure est une barrette à quatre cOr'nes.
Les traits du saint sont accentués par de gl'andes lignes,
surtout par un menton prolongé avec lin ail' sOUl·iant ct, des
8S mi-ouvertes De l.n main (hoite il porte un livre sus-
lèvl'

pendu dans une sorte de sachet ou d'enveloppe en étoffe dont
le bas est gami d'une frange et dont le haut est tl'ès allongé
pOUl' s'enl'ouler autour du poignet ou du bras; la main gauche
tient un parchemin enroulé. Les côtés du cul-de-lampe sont
ornés d'une double fl'ise scul ptée, l'une composée de feuillages ~
l'autre d'animaux, de monstl'es et de masques, et sur la face
une sorte de cartouche contient cettre inscri ption :
P : Q VIL B G NON : MIL : V cc : X X X [( II : FIS T. FA 1 Ft I-!: •
L IiVIAG L~
Sur un des côtés du fauteuil un petit éCllsson donne les

armes de ce Piel're Qllilbignon, pOl'tant un croissant sur-
monlé d'ttne molette.
Plougonven a pour second patron saint Yves, qui a ulle
statue dans l'église et une autl'e sur le beau calvaire du ci­
metière, au milieu des nombreuses scènes de l'Ellfance et
de la Passion de N .-S. qui entourent ce monument. SUI' le
carré qui supporte son image est gravée cette inscrip­
socle
tion en cal'actères gothiques : Ceste CroiJ: lust /àyte lan
111 VerIIII a lfwnneuT de Dieu et Nue Dame et Monsei(fneul'

saint Yves. Priés Dipu pOtt?' les trépassés

Cette statue est. un peu plus petite que celle du Folgo.ët,
mais ahsolument de même modèle: même robe, même sur·
plis on sUI'col, mêmes chaperon, capuchon et bonnet carré,
même parchemin dans la main dr'oite, ' Aussi ai-je été un peu
osé en attribuant an XVe sir,cle cette image dn Folgoët qni
certainement sort du même ateliel' que celle de Plougonven,
peut-être de l'atelier des Ozanne de Brest qui, ('ent ans plus
tard, fournissait le grand calvaire de Pleyben.
Cette même année 1554 est aussi la date de la construction

du porche de Landivisiau, où nons trouvons nne statuette ùe
saint Yves au bas à gauche des deux portes géminées du
fond. Le saint est revêtu d'une l'ohe longue recouverte d'unè
801't8 de cotte ou de slll'plis à manches larges qui desce.nd
jusqu'à la ceinture Sur ses épaules est un camail ou chaperon

garni d'hel'mines héraldiques en relief, avec un capuchon
qui viAnt recouvrir la bal'rette dont il est coiffé.
C'est à cette époque, à peu pl'ès, CJu'il convient d'attribuer
le saint Yves en pieére de l'église de Pouldel'gat. Celui-ci a
comme les autres la robe longue, mais sans surplis ni surcot
Son second vêtemellt est un manteau qui tombe jusqu'aux
pieds ct fMme camail dese(~lIdant jusqu'aux coudes.
Ce mal1teau est lurgement ouvert pal' devant, ct. le peintre
l'a douhlé el bordé d'une foul'rure d'hermine avec mouche­
tures noires; sur les épaules est un tout petit chap8l'ün dont
le capuchün, très petiL également, ne pourrait pas monter
jusqu'à la barretteà cornes bien saillantes qui couvee la tête
La figme du saint est ascétique et calme, l'expression
de ses yeux semb le dire qu'il al'gurncnte, ce qui est indiqué
également par la pose de l'index de sa main dl'oite qui
rejoint sur sa poitl'ine la main gauche dont il soutient un
gTand livre snspendll dans une gaîne . ou enveloppe en
étoffe, comme dans la stat"ne de l'église des Carmes de Brest
et plusieurs aut.res représentations. Certainement cette
statue de Pouldergat est nne des plus caractéristiques
que l'on puisse trouver.
Dans la seconde moitié du XVIe siècle et les premières
années du XVIle nous antvons à une série de réprésentations .
qui toutes ont..,:ntre elles un air de parenté et dont plu­
sieurs sortent du même atelier: ce sont des. groupes où saint
Y"es est placé entre un riche et un pauvre dont il règle le
différend. Aucun trait particulier . cité dans son histoire
n'indique cette scène spéciale, mais cet acte de justicier
ainsi figuré donne la note et la caractéristique de sa vie
entière: prendre le paeti d8s humbles et des faibles contre
les gTancls et les pui~sants, défendre les opprimés contre les
Oppresseurs. Aussi ne s'~t-on pas fait faute de le repré­
senter dans ce rôle cl'avocat des pauvres et de défenseur des
faibles.

Quel est le plus ancien de ces groupes? A près celui dn
Fol 'oët, déjà signalé, c'est pl"obablement celui qni se
trouve à la chapelle de Tt'émal'ec, en Landudal, pl'ès BI'iec.
Cer'tains caractères des costumes autorisellt à le l'epol'te!'
au temps des derniers Valois, tandis que les aull'8S sem­
blent appal'tenü' à l'époque d'Benei IV. Saint .Yves cst
debout, ayallt par-dessus s.a robe un sUl'plis O!I un surcot
long à manc1ws demi-larges, SUI' les épaules un eollet court
à capuchon, et sur la tête une ual'l'ette peu pl'ol'onde dunt les
coins sont à peine indiqués. Dans une main il tielllt un pal'-
chemin efll'oLllé , et dans l'autre un clou à tête ronde Etait-ce
ainsi primitivement, et que signiflel'ait ce t insigne? Le
pauvre est \'êtu d'urie robe tl'ouée SU I' 18s g enoux et qui
tombe presque snI' ses gros souliees. Snr un d(~ ses bras
il porte une besace, et il tient son chapea u aplali sur sa
poit!'ine; il a la tête un peu renversée en s'adi'essant à
saint YVE;S et gesticnle des deux mains . . Le l'tehe est coiffé
d'une toque r ,ouis Xl, posée un pen SUI' le côté de la têLe, avec
leret l'oussis l'ahaltu sur la Illique. Il a un vêlement slIpérielll'
sené par une ceinture, qui descend jusqu'al1x genoux et ost
muni de manches fendues pa!' lesquelles passent les manches
crevées de son pourpoint: col l'abattu, escarcelle suspen­
due à sa ceinture . Ce genre de manches l'endllOs se reteouve
aussi dans les statues des saints Côme et Damien à l'église
. de PouldergRt.
Ap!'ès le groupe de 'j'rémal'ec le p1us ancien Pi'obüblement
et Je plus frnppant il coup sùr est celui qui sc tl'ouve à la
chaprUe de Notec-Dame de Qllilinen. en Landrévarzec, atl
côté nord de la route de Q'li mpet' à Châtcauli n: près du ollzième
kilomètl'e. Le saint est assis, revêtu d'une roh~ et d'ltn snr-
plis long , ayant SUI' les épaules un chaperoll ou petit camail
dont le c.apuchon rCCOU\Te à rnoitié sa hancLte, De lu main
dl'oitc il til3ilt un l'ouleau de parchemin, de la gauche il fait le
geste de par'ler en tournant la tête vers le pauvl'equi s'adresse

IlbL..l' .: ,

à lui suppliant, tandis qu'il se détourne du riche qui lui offre
une pièce d'ol' et puise même dans son escarcelle pour cher­
cher à le corroinpl'e . Le riche porte les chausses et la petite
braie à plis et bouffantes, pourpointsené par une ceinture nouée
par devant, manteau ou plutôt grande veste à manches bouf-
fantes près des épaules et col rabattu, chapeau à petits bords,
cheveux longs, barbe et moustache . Le pauvre, chaussé de
sandales, a le bas des jambes protégé pal' des molletières en
étoffe : son vêtement est en haillons. D'une main il tient
humblement son chapeau èt de l'autre une besace dans

laquelle il met ses aumômes,
Ces mêmes caractères, pOUl' ce qui est de la pose des per­
sonnages, de leurs tl'aits, de leur costume, ~e retl'ouvent
dans les groupes de la chapelle de Saint-Vennec, voisine de
Quilinen, mais dans la paeoisse de Briec, des églises parois-
siales de Gouézec, Pleyben, La Roche-Maurice, Huelgoat
et la chapelle de Tréanna, en Ellian t. Pareil groupe existait

autrefois à Loperhet, je viens d'apprendre qu'on l'a velldu,
il ya quelques années, à un bt'ocanteur de Reunes, sous pré­
texte qu'il n'était plus en harmonie avec l'église rec~nstruit.e.
C'est un procédé fort intelligent pour enl'ichir nos églises;
à ce compte on aura bientôt fait de nous dépouiller de toutes
les vieilles images qui ont été vénérées pal' nos pères et qui
sont généralement plus artistiques que les plâtres par les­
quels on les remplace.
A Saint.-Vennec, sous le cul-de-lampe en pierre qui pot'te
le groupe en bois, est sculptée en capitales romaines cette
inscription: DEVS. QVI. BEATVM. YVONEM. CONFES-
SOREM, puis sans doute le nom du donateut': Y. MOEZ, et
on peut lui attribuer la date qui se t.rouve sur un cul-de-lampe
voisin: 1598. A Tréanna, la tête du riche avec sa mous­
tache et sa barbe pointue a une ressemblance frappante avec
portraits si connus de Sully. A Gouézec. le groupe est
les
placé au·dessus de l'autel du bas-côté midi, à Pleyben, à
l'angle du transept sud, et à La Roche-Maurice, où saint
Yves est le patron, au coin de l'épître, près du maître-autel
Dans cètte église on relève deux 'dates : 1539 au bas de la
maîtresse-vitre, et 1559 sur une sablière de la nef.
l'extérieur de cette même église, au-dessus de la porte

de la façade ouest ornée de pilastres ioniques et portant la
date de 1589, on trouve encore dans une niche genre Henais­
sance une statue en pierre de saint Yves, en surplis, camail
et barrette. Près de cette façade, à la chapelle de Sainte­
Anne, ancien ossuaire, à la fin d'une série de personnages
sculptés en bustes dans le soubassement pour indiquer les
sujettes à la mort, on voit le
différentes classes de la société
saint en robe, chaperon et barrette entre le riche et le pauvre.
La date de cet ossuaire est: 1639. .
Dans les groupes en bois que j'ai cités, le pauvre de saint
Yves est toujours représenté misérablement vêtu, et généra­
lement les jambes garnies de mollelières ; mais nulle part

il n'est aussi misérable qu'à Plonéis, où sa stalue n'est con-
Ilue· que sous le nom de PCtuvre Lazare, parce qu'elle est
désormais séparée de celle de saint Yves, et que celle du
riche a dispal'u, Il est chaussé de mauvais sabots, SUl' ses
épaules il poete une besace, d'une main il tÏellt son bâton ct
de l'autre une caloUe vêtement est ulle sorte de robe serrée pal' une ceinture ct
qlli ne lui descençl que jusqu'aux genoux, elle est toute tl'ouéc,
toute déchiquetée, ce n'est qu'un amas de loques, et cepen-
dant le bon pauvre ne se plaint pas, il Cl un petit air béat et
résigné, il n'est pas mulheul'eux et sc trouve content du pain .
qu'il mendie chaque JOUI',
Dans la même note et le même caractèr'e, il faut signaler'
encore une représentation qui se trouve au musée archéolo­
gique de Quimper, L'une des vitrines de ce musée a été
constituée par la façade en bois J'une ancienne maison du
X Ve ou du XV le siècle qui était voisine de l'angle sud-oue:.:;t
de la cathédrale. Toutes les traverses et tous les montanls
s.ont couverts de sculptures, Dans un des montants du haut,
on a représenté saint Yves .en robe, camail et capuchon, et
bonnet ou toque ressemblant à un béret; il tient une bourse, Le montant voisin figure le riche, toujours
armé Je son escarcelle et o1I'f'ant la pièce d'or, Le pauvre,

s'il exîste, est rejeté à trois pan.neaux de distance et ser'ait
le personnage d'angle mal défini qui tourne le dos à saint
Yves, au lieu de le regarder avec confirlTlce ; ou plutôt, nu
lieu de représenter le pauvre tl'aditionnel, ]e mendiant com-
mun, n'a-t-on pas voulu faiI'e figurer le pauvre volontaire,
le sér,lphiqu8 saint François, qui est là en effet à droite de
saint Yves, dans sa robe de bure et montl'ant ses stigmates?
Saint Yves, du reste, d'apl'ès des traditions fort probables,
. était,-tertiaire de saint François, et comme lui il avait épousé
Dame PCtu/jl'eté, comme nous le montre si admirablement

1\1 A. du Bois de la Villerél bel dalls sa f-égpnde merveilleuse
de Monseigneur srl'inct Yves.
Dans cette rnèrne salle du musée. unestatue en bois du saillt
et qni doit provenir de quelqne église, est vêtu d'une t'obe
longue, d'un SLlrcot ou sUl'plis ayaut SUI' les deux côt.és une
longue fente par où passent les bras: il Cl petit camail et
barrette. A son bi'as gauche est- suspendu au moyen d'une
enveloppe en l'torfe un livre ù deux 1'el'[nOil'8; des deux
mains il tient SUI' sa poit.rine un parchemin enroulé.
Signalolls maintenant les stalues où snint Yves est repré­
senté seuL mais qui semblent devoir' être l'é-lppol'tées à cette
époque, coues du XVIe siècle ou commencement du XVlle.
Nous ell trouvons à Brennilis, à La Feuillée, à Kerfeunteun,
adossée à la croix de Saint-Yves,' près de remplacement de
l'ancien hôpilal de ce nom, à f'églis e paroissiale de Lalldu-
dal, où le saint est drapé dans un manteau d'oflicial aux plis
artistiljues, qui indiquent la fin dl! moyen-âge et le commen­
cement de la Henaissance ; ce manteau ,a un petit collet, et
sur la poilrine descend une sorte de l'abat terminé en bas
par deux courbes: la COiITUl'8 est Llne toque à fond al'rondi.
Dans la même pat'oisse, à la croix de Trémarec datée de
1605, est adossé le saint vêtu du surplis, ayant sur la tête
son capuce\ pal' dessus lequel est nue barrette; il parle rou-
leau de parchemin et escarcelle ou aumônière A Lanmeur,
adossée à l'Ull des piliers du chœur, se trouve une statue
assise de saint Yves, ayant sUi'plis camail, barrette, rouleau
et sac à procès. A Loqueffret, autre statue. A 'Melgven, une à
l'église paroissiale ct une antI'e à la chapelle de la Trinité.
Celle J.et'n ière représente 'le saint tout jeune, souriant, vêtn
d'un su l'plis dont le bas est orné de petites houppes en guise
de frange; il a un camail à capllchon\ barrette large, cheveux
longs, et tient des deuxmains un parchemin déployé.
Je me trompe l'art si à Morlaix, sur les façades en bois des
maisons de la Grand'rue datant du X Ve et du XV le siècle,

il n'y a pas une ou deux représentations de notee saint. A
Pencran, il a camail, banette et sac à peocès ; à Plomodiern .
même costume dans sa slat ue adossée à la cl'oix de saint Yves
au haut du bourg. A Plouég'at-Guerrand, robe do juge ou
d'avocat et banette. A Plouga!3nou, l'allcienlle statue assise,
comme celle de Lanmeur. a été retirée de l'église pour faire
place à une nouvelle de beaucoup inférieure. A Plougonven,
dont il est patron, on a conservé sa vieille statue également
assise, en surplis, camail, barrette. S'il nous avait été permis
de nous occuper des œuvres contemporaines, j'aurai signalé
avec éloge l'immense maîtresse-vitre de cette église 'exécu­
par M. Ely, de Nantes, où sont admirablement
tée vers 1880
figurées huit scènes de la vie de notre saint A Primelin et à
Hiec, statues debout de saint Yves, toujours en surplis,
camail, barrette, avec rouleau et sac à procès.
Les époques de Louis XIII et Louis XIV nous ont donné
particulièrement des statues de saint Yves le représentan t
en robe d'avocat, robe à fourrures de président à mortier,
manteau d'official. Quelques-unes ont grand ail' et grand
style et nous devons tout spécialement signaler celles de
Guimiliau, Peumerit et Pouldavid qui sont exceptionnelle­
ment nobles et imposantes. La même époque nous fournit
aussi des groupes du riche et du pauvre, soit en grand bas­
relief, comme à Lanmeur, soit en petits bas-reliefs, comme
à la sacristie du Faou et à l'un des autels de Ploaré, soit en
statuettes comme à Lampaul-Guimiliau.
Au fond du porche de l'église de Leuhan est placé un
groupe en statues qui est certainement de l'époque de
xnr. Saint Yves, par dessus sa robe, porte, non un
Louis
surplis à plis raides et droits, mais un vêtement en étoffe
souple formant des plis drapés et arrondis, sur les épaules i,l
a un chaperon sans capuchon et il est coiffé d'une barrette.
la main droite il tient une bourse et la main gauche est
levée comme pour parler. Le riche est chaussé de bottes à

revers, il porte gilet, large veste, baudrier et manteau. Ses
cheveux longs, sa moustache et sa petite mouche indiquent
bien l'époque. Le pauvre est vêtu d'un petit pourpoint tout
troué, de braies et de molletières aussi délabrées, et son cos­
tume lui donne encore un air de parenté avec les pauvres
des groupes du temps de Henri IV.
Nous devrons terminer par la plus belle et la plus artisti­
que de ces représentations, le grand bas-relief sculpté sur le
retable de l'autel du transept nord de l'église de Gouesnou:
saint Yves est assis sur un siège élevé rendant la justice,
ayant autour delui un riche qui offre une bourse, deux pauvres,
une veuve et un orphelin, puis un homme de loi. Au haut un
ange tient un cartouche sur lequel est écrit SAINT YVES.
Cest là réellement la personnification et la glorification de
ce grand saint comme avocat et père des pauvres, des veuves
et des orphelins, et il serait à souhaiter qu'une copie de 'cette
image fut toujours sous les yeux de nos hommes de loi .
Si nous avions eu à nous occuper des autres régions, nous
aurions pu décrire l'ancien et le nouveau tombeau de saint
Yves fi. la cathédrale de Tréguier, son église de Minihy, le
vitrail qui lui est consacré à l'église de Loguivy-:-Plougras,
la magnifique verrière de Saint-Mathurin de Montcontour,
racontant en sept tableaux sa merveilleuse lég€nde, puis
encore un autre vitrail à Montfort-L'Amaury, près Ram­
bouillet, dû sans doute à l'un de nos comtes ' de Montfort,
peut-être même au duc Jean V qui avait si grande dévotion
à saint Yves et lui avait élevé un tombeau si monumental:
et enfin, on aurait pu détailler les vingt-cinq ou trente bas­
reliefs qui donnent son hi~toire autour d'une porte latérale
sud, à la cathédrale de Nantes; mais il suffit que nous ayons
traité seulement de ce qui regarde notre pays et que nous
ayons montré comment ce grand saint a été vénéré et glori-
fié' par nos ancêtres. J .-M. ABGRALL,
chanoine honoraire.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE . - TOME XXVII (Mémoires) 14