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Bulletin SAF 1900


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Notes sur Fréron et ses cousins Royou

J. Trévédy

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SUH
FRERON et ses cousins ROYOU (1)

Il Y a un quart de siècle, J'attention de la Bretagne fut rap­
pelée sur Fréron par M. du Chatellier, membre de l'InstitLit.
En '1861, il publia dans le journal l'Odan de Brest, sept
de Fréron, et il les accompagna de recherches
lettres inédites
les Royou : l'un que son mariage avai t fait cousin germain
sur
de Fréron et qui devint son beau-père, les autres fils du pre­
neveux à la mode de Bretagne, puis beaux-frères de
mier,
Fréron, et dont l'un devint son gendre. Lettres et renseigne­
une notice des plus intéressantes qui fut
ments formèrent
en J863, au second volume du Collectionneur
reproduite,
Breton (2i. .
L'année suivante ('1864), au mois de mai, Monselet vient à
Quimper, la patrie de Fréron: au lieu de parcourir (( par un
beau soleil )) les rives charmantes de l'Odet, il s'enferme
pl usieurs jours dans cette bibliothèque qu'il a si bien décri te,
(1) Les pages qui suivent ont été presque entièrement écrites à Quimpei',
en 18t\5. J'en ai extrait une co ut'te notice, Fréron et sa (amate, publiée pal'
la Revue de Bl'etayne et de Vcndée (novembre et décembre 1888). C'est
pourquoi j'hésitais à publier les notes qui suivent. Allais-je m'exposer à
ce reproche: Il se répète ! souvent adressé aux hommes de mon âge ? ...
Mais le motif que yoici a fait taire mes scrupules:
Tout n'est pas dit SUl' Fréron et sur les deux frères Royou, journalistes
de grand talent. lis auront peut-être un hiographe ne sachant pas Sê
contenter d'à peu près. Il trouvel'asemésdans les pagesquisuivent quelques
renseignements puisés aux sources; et ainsi lui sera épargnée la peine que
j'ai prise. .
(2) Ce Recueil historique, m'chéologique et littél'ai1'c, publié à Nantes,
un petit volume chaque année. Il n'a été publié que quatre années
formait
1862-1 86·1, et c'est très malheureux. C'est au Collectionncw', T. II, que se
rapportent mes citations de M. du Chatellier. ,

seul avec Frél'on et le respectable bibliothécaire qu'il pourrait y
trouver encore et qui lui feraitle même accueil empressé (1) ;
et peu après il fait hommage à la bibliothèque d'un petit vo­
lume plein de verve intitulé Frëron ou. l'illustre critique.
Mais, en se faisant le défenseur de Fréron, comme il s'était
fait auparavant le défenseur de Quimper même (2), Monselet
eut le malheur, non sans hésitation, de se porter accusateur
de Corentin RO~TOU, gendre de Fréron (page 97).
En 187G, M. Ch. Barthélemy publie un yolume intitulé d'un
un peu ambitieux ;' Les confessions de Fréron, sa vie,
titre
sOH'venirs intimes et anecdotiques, ses pensées. J'ai regret à le
dire: quand on a lu ce livre, la curiosiLé n'est pas satisfaite.
Si Jules Janin émettait le vœu de voir faire des extraits des
cenlaines de volumes de l'A nnée littéraire, il n'admettait pas,
je suppose, que ces extraits pussent tenir en moins de cent
pages de petit format. D'autre part, l'auteur ne révèle aucun
renseignement biograph~que. Il accepte de confiance les faits
les dates que lui fournissent ses devanciers. Méthode simple,
à la mode de nos jours, mais qui n'est pas sùre.
expéditive,
M. Barthélemy en a fait l'expérience (3).
Ce panégyrique de Fréron a excité l'indignation deM. Gustave
Isambert. Dans la République Française du 12 décembte 1876,
M. Isambert, à propos du livre de M. Barthélemy, a publié
un article qui en est la contre partie. M. Isambert est un enne­
mi personnel de Fréron ·: ce n'est pas assez dire : il a hérité
la haine de Voltaire: tout le mal qu'on a dit ou qu'on
toute
de Fréron, M. Isambert le croit, même celui que
pourra dire
Voltaire ' se refusait à croire. En quoi M. Isambert s'est con-
(1) M.Derennes, professeur honoraire, cessa ses fonctions en décembre 1885
et il est mort en 1887. (La page écrite ci-dessus date de 1885).
(2) Les v'illes comiques. -- QuimpeT-Corent'in. (Monde Illustré, 18 juillet
(3) Levot donne cinq dales : celles des naissances de Fl'ôron, de son
fils Stanislas, des deux frères Hoyou, el du mariage du second des Hoyou avec
M 110 Fréron: toutes ces dates sont inexactes !

damné d'avance. Il loue cette parole 'de Sainte-Beuve à Mon­
se]et : «( On n'a pas raison contre Voltaire . )) Donc on a tort
ce que Voltaire n'aclmettait pas. Donc M. ·Isam­
d'admettre
bert a tort; et nous Je clém.ontrerons.
M. Isambert plaisante des «( hommes intrépides qui ont
traversé l'interminable collection de l'An1u!e littë1'aire ». Il
a prévenu ce reproche, ce ridicule. Il .parle, semble-t-il, des
œuvres de Fréron sans les avoir lues. Il n'a vu probablement
que de loin, au sommet de quelque bibliothèque, hors de la .
portée de sa main, l'A nnt'e littéraire. Il com pte (, deux cents
volumes de cet encombrant fatras ». Ce compte n'est pas
même alJlJ1'Oxi/lial-il, comme nous verrons plus loin.
Il ya sans dire que M. Isambert accueille sans les hésitations
de Voltaire les odieuses imputations que Voltaire a publiées sur
1) Il en J'econ naît pour au teur Corentin Royou. Selon
Fréron. ('
lui, celui-ci n'a dit que la vérité, et ses dires « sont appuyés
des références les plus imposantes .... » Lesquelles ?. ~ M.
Isambert ne les cite pas ... Il les faudra très imposantes pour
faire preuve contre un acte authentique que nous publierons!
Le réquisitoire de M. Isambert n'a pas convaincu M. Jules
Soury. En l8~7, il consacre dans la Rfvue dfS DeuJ.:-I!ondes un
article à Fréron (2). Cette. étude est instructive el très inté-
Mais l'auteur eut un double malheur· : ne croyan t
ressante.
pas aux calomnies imputées à Hoyou, il a essa'yé de démontrel'

la culpab.ilité de celüi~ci. D'autre part il s'est rapporté avec
trop de confiance aux dates et aux faits déjà imprimés; et,
comme. ses pré~écesseurs,il a commis plus d'une erreur .
Il étai t difI1cile qu'il en fûtaulrement: Pour vérifier les dates,
et les. faits auxquels je fais allusion, il faut être à Quimper èt
avoir des loisirs. Il m'a été fait .des loisirs que-j'entends bien

(1) Dans l~s Anecdotes S1W FTéTon, auxquelles nous viendrons.

(2) 1877. T. II. p,80 il 112. L'auleur professe un dédain absolu pOUl' la
foi ch l'étienne. .' . .

Quimper... situation
rendre laborieux, et je demeure à
privilégiée!
Excusons donc ces erreurs de détails et félicitons MM.
Monselet et Soury d'avoir essayé de réagir contre la
légende créée de toutes pièces par Voltaire et ses courtisans.
De nos jours, la critique ainsi exercée est méritoire; elle est
un acte courageux (1).
presque
Ce préambule m'a paru utile pour faire bien comprendre ce
que j'entends faire. Je veux simplement redresser des erreurs
de détail, et défendre une mémoire honnête contre une
imputation déshonorante et injuste.
S'il faut dire comment m'est venue la pensée de cette étude,
le voici: Sur les indications de M. du Chatellier, j'avais
la maison natale de l'illustre Laënnec, qui n'est pas
retrouvé
le moins du monde celle sur laquelle l'administration
à mairitenir cette inscription inexacte:
municipale s'obstine
« Ici est nA Laënnec » (2). Il me vint l'ambition de chercher la
maison natale de Fréron; je demandai à tous les auteurs que

j'ai cités quelques indications pouvant me mettre sur la voie:
or, certaines dates, certains faits me parure'nt suspects,
certaines lacunes regrettables.
Le travail de rédaction des jugements crée chez les prési­
d~ tribunaux un besoin, j'allais dire une manie d'exac-
dents
titllde. Chez moi'cette manie survit à mes fonctions, Je mL>
suis donc mis à chercher, ce que d'autres n'avaient pas eu le
loisir ou la possibilité de faire.
Ce petit travail est le résultat de, recherches patientes,
qui sont encore incomplètes ,
laborieuses ..... mais
Cela dit, commençons. " "

(l) Un jeune professeur avait pris pour sujet de thèse la , « Guerre entre
Voltaire et Fréron ». Sur de chal'itables conseils, il a renoncé à ce sujet
dangel'wx.
('2) Cr. La maison natale de Laënnec (1884).

Au début de l'étude publiée en '1877 dans la RelJue ,tes
Deu,x-Mondes, M. Jules Soury a écrit ces mots : « Il n'en
« faut plus douter, Fréron est immortel. ))
Oui, il a sa place marquée dans tous les cours de littéra­
de France présentant le tableau
ture et dans toute histoire
des lettres françaises au dernier siècle. Beaucoup de prétendus
hommes doivent au bronze rappelanl leurs traits une
grands
immortalité qui ne durera pas plus que leurs statues. L'im­
de Fréron est, si j'ose le dire, de meilleur aloi. Il
mortalité
la doit à son œuvre qui fut considérable, quelque jugement
en doive porter. .
qu'on
pas de statue: il n'a même pas un buste dans
Fréron n'a
un coin du musée ou de la bibliothèque de sa ville natale:
pas une rue de Quimper ne porte son nom et pas
bien plus,
une plaque ne marque la maison où il naquit li ). Le seul
memento qui reste de Fréron à Quimper, ce sont ses
œuvres complètes: vous les trouverez sur des rayons de la
bibliothèque publique (2) :
OjJUSCtLlf's. Lettres de Madarne la comtesse de X''''''''''i·' sur quel-
ques écri ts modernes. . 3 vol. , . )
Observations sur des écrits de 'Je temps, 10 vol.
fl nnée littéraire avec sa continuation ('l7~4--l789)·- 288 vol .
En tout 301 volUmes (3) .
(1) La ville de Quimper est trop modeste: elle n'a qu'une rue portan t
le nom d'un de ses enfants : il sem ble qu e Laënnec seul ail méri té u 11
souvenir de sa ville natale; et le colonel de Madec est oublié!
(2) S f~rait-ce·une acquisition relativement nouvelle? - M. du Chatellier
écrivait en 18li'l (Collectionnew', II, p. 119): « ..... En C[uêtede ses œuvres
(cie Fréron), je battis vainement les quatre coins cie sa ville natale, sans
trouver autre chose que quelques volumes dépareill és de l'Année litLéraü'e
sur les rayons délaissés d'une bibliothèque privée. » .
(3 ) Quelques ltvraisons de l'année 17VU ont paru; mais la bibliothèque
de Quimper ne les possède pas. M. Isambert parle des ·wn vol. cie l'Année
littéraire. Si on compte tous les volumes de l'Année littéraiJ'e, il faut·
compter '288 voL Si on compte tous les volumes publiés du vivant. de Fréron
175 1- 1776 - '23 années, il y en a seu lem en t 18i. .
Monselet compte 300 volumes environ (p. '2,), M. du Chatellier (p.1211),
parlant des volumes publiés par Fréron lui-même, en compte 175.
Brunet compte 292 volumes.

Dirai-je que ces volumes dorment tranquillessurles tablettes
où je les ai rangés?
Si le nom de Fréron vit encore dans le sou venir de ses
concitoyens. combien d'entr'e ux ne le connaissent plus que
par l'épigramme de Voltaire:

L'autre jour au fond d'un vallon

Un serpent piqua Jean Fréron, etc ...
Jean, c'est le prénom que Voltaire donne constamment à
son antagoniste, du moins quand il écrit en vers (1) ; en
prose, il le nomme Elie Catherin du nom d'un saint inconnu
de l'Eglise, mais apparemm"ent déniché par Voltaire (2).
En réalité Fréron se nommait. Elie Catherine, des prénoms
de son parrain et de sa marraine; mais Elie Fréron ne peut
un vers; de là dans les vers de Voltaire le prénom
entrer dans
de Jean. Ceux qui ne , connaissent Fréron que
imaginaire
par Voltaire le nomment Jean SUl' la parole de Voltaire (3).
Il y a plus: parmi ceux qui ont étudié Fréron dans ses œu-
vres, pas un seul qui sache la date vraie de sa naissance! Li-
sez toutes les biographies, tous les cours de littérature, tous
les articles de revues consacrés à Fréron, tous donnent unani-
la date de '17'19. Supposez un aspirant au bacca~
mement
lauréa t interrogé sur la date de la naissance de Fréron. S'il
( 1) De même dans le PauVl'e Diable.-
Cet animal se nommait Jean Fréron.
il le nomme Martin. Ex. Lettre du 16 mai 1770, n° 5343,
Quelquefois
T. XV. COri'. p. '270. Ed. B3uchot. Et épigramme au pied d'une estampe
en lète de Tancrède. Je la donnerai plus loin.
(2) L'édition du Centemire de Voltaire répète le prénom de CaLherin.
Voltaire se donne ce nom en écrivant à Catherine II :
« Je suis CatheJ'În et je moureaÎ Catherin. » 18 mai 1770, n° 5844.
T. XV. Cm"l'. p. 273.
(3) L'épigramme de Voltaire a même induit en erreur des écrivains sé­
rieux. M. Godefroy (Hist. de la littéJ'atuJ'e franra ise, T. III p. 381) nomme
Fréron Jean. L'auteur met entre parenthèses comme daLes de la naissance
et duclécès 'l7l0-17ijl. Cette dernière date est assurément une fauLe d'im­
pui~.{ue nombre de citations imprimées à la même page sont de
pression
dates postérieures. Nous allons voir que le chiffre 1719 est erroné .

indique une date autre que 17'19, par exemple 1718, il sera
il fera pru-
repris par l'examinateur; et, pour avoir raisoIl,
demment d'avoir dans sa poche nn extrait dûment légalisé de
l'acte de baptême que je donnerai plus loin.
Fréron est né le 20 janvier '17'18.
D'où vient l'erreur universelle'? C'est bien simple.Au lende­
main de la mort de Fréron,le Hi avril '17ï6, l'Espion Anglais lui
consacra une lettre dans laquelle il le disait né en 17'19 ('1).
Michaud, dans sa Biographie Universelle (1816) a copié cette
date sans la contrôler: les biographes, qui secopient religieuse-
ment, les écrivains de toute sorte ont suivi de confiance ceUp,

indication. Personne (pas même ceux qui ont écrit. à Quimper)
n'a eu l'idée de vérifier l'acte de baptême qui seul donne la
date avec une certitude absolue (2).
Les renseignements biographiques doivent être puisés sur­
la correspondance privée et les actes de l'état-civil.
tout dans
Quelque multipliées que fussent ses occupations à Paris,
Fréron entretenait une active correspondance avec sa famille
en Basse-Bretagne et avec des amis de,
maternelle restée
Quimper. Cette correspondance avait été en grande partie ras­
semblée. Un habitant de Quimper, dont le père avait eu avec
Fréron des relations amicales, avait réuni un grand nombre
de lettres: elles ont passé à son fils puis à l'acquéreur de
l'industrie de celui-ci; elles ont fini par être perdues. D'autres
leLtres, en grand nombre, étaient encore en '1860, aux mains
nièce de la seconde femme de
d'une respectable personne,
Fréron. Peu avant sa mort, elle a ordonné de les détruire, et,
de son lit, elle a surveillé ceL auto-da-fé (3).
De cette volumineuse correspondance, qui embrassait pl us
d'un quart de siècle, nous ne connaissons plus que les sept
(1) Espi01i Anglais. Nouvelle édition (1780) T. III p. 103. LetLre XXX .
(2) L'acte de baptême n'est pas un acte de naissance, et trop souvent il
omet la date cie la naissancE'. L'é}cte cie baptême cie Fréron est hl;ureusement
plus explicite. ".
(3) Renseignement donné par M. du Chatellier.

lettres publiées par M. du Chatellier en '1861 (t), une
lettre récemment publiée à Quimper (2.), et une autre publiée
par la Société des Bibliophile~ bretons (3).
La.' première source d'informa lions sur Fréron. et les siens
il reste la seconde, moins abondante, mais
est ainsi tarie:
plus certaine, les registres de l'état civil. Je sais bien
que les actes rédigés au dernier siècle par le clergé sont
souvent d'un laconisme désespérant; mais n'importe! Quand
on sait un peu lire entre les lignes, on y trouve des rènsei­
gnements très intéressants; et je ne saisis pas la répugnance
ou l'insouciance des biogra phes à consulter ces registres
ouverts à tous.
En '1885, je pensais être seul à essayer pour Fréron et
,sa famille ce patient mais utile travail. Hélas! je croyais
arriver trop tard! Il me fallait interroger les registres de la
paroisse de Saint-SulpicE' que Fréron habitait rue de Seine.
C'est là qu'il s'est marié pour la première fois et c'est là

qu'ont été baptisés ses enfants. Ces registres étaien t déposés
à l'hôtel-cle-ville et au greffe du tribunal de la Seine; or les
barbares qui, en '187-1, on t brûlé Paris sous les yeux de ,
J'ennemi vainqueur, ont détruitces précieuses archives. Mais,
un autre avait fait ce travail avant moi. M,
par bonheur,
JaJ a publié dans son Dictionnaire Critique (18671 les dates du
premier mariage de Fréron, des baptêmes de ses enfants et
du décès de sa première femme (4),
Neuf lettres de Fréron, les notes de Jal SUl' les actes cie
Saint-Sulpice, les registres de l'état civil de Quimper et de
Pont-l'Abbé, voilà les seuls documents que je puisse au­
C'est trop peu pour établir
jourd'hui mettre à contribution.
(1) Ces lettres ont été réimprimées par M.. Ch. Barthélemy (mais en pai'lie
seulement) à la suite des Confessions de Fràon.
(2) Jou rnal l'Union mona1'cll'ique de Quim pel', 'lB novembl'e 1883 .
(3) JlIélan[Jcs historiqucs, etc. T. II, p. 1 C5 (883).
(4) Ces pages étaient éCl'ilcs quand j'ai eu communication du Diction­
naire· critique.

avec certitude la vérité sur tous les points: c'est assez pour
justifier de nombreuses rectifica~ions.
Parmi ces rectifications une à une importance particulière.
On a par erreur, il y a quelques années, attribué une infamie
· au gendre de Fréron, Jacques-Corentin Royou, qui a laissé
un nom comme avocat et surtout comme historien. Cette
erreur va passer, admise sans examen, selon l'usage, dans
les biographies de Fréron ... Le mouvement est déjà donné (1 ).
Or, la postérité de Jacques-Corentin Royou subsiste et l'hon­
de l'aïeul fait partie de son patrimoine. En démontrant
neur
l'erreur commise, et en indiquant pOllr la première fois le vrai
je crois accomplir une Œuvre de justice et de
coupable,
réparation .

La partie de Quim per formant le fief épiscopal, c'est-à-dire
la ville close et les faubourgs de la rue Neuve et de la rue
des Regaires, se partageait, depuis le XVIIe siècle, en cinq
paroisses, dont voici les noms: Saint-Ronan, Saint-Sauveur,
Notre-Dame de la Chandeleur, ou par abréviation La Chan-
deleur, Saint-Julien, le Saint-Esprit. Le fief du prieuré de
Locmaria (Locmaria et Bourlibou) formait une paroisse, Loc­
maria.' Enfin le fief du roi, la Terre-au-Duc, à droite du Steïr,
· formait la paroisse de Saint-Mathieu.
Ces deux dernières paroisses avaient chacune leur église.
Les cinq autres étaient desservies chacune sur un autel à la
cathédrale; et elles avaient leurs registres particuliers (2).
- Nous citerons des actes de presque toutes ces paroisses.
La paroisse de Saint-Ronan, dite souvent paroisse de la rue ·
Obscure , comprenait seulement cette rue (3) et la rue Verdelet .
(1 ) ·CL MM. Monselet, Isambert, Soury .
(2) Le Men. ilIonoJ?'aphie de la cathédrale cle Qnimpe'l',p. 50 el suivantes .
(3) Celle l'ue, dile dès le XrIIe siècle DemeT (en breton), c'est-à-dire
Obscure, pu is après Sel reconstruction en 1822, noyale, puis lmpél'iale (1852)
e5t redevenue Royale, en 1870. .

C'est à Saint-Ronan que se trouve l'acte de baptême de Fréron.
Il est inscrit à la première page du registre de 1718. Le voici (1):
(( L'an mil sept cent dix huit, le vingt et quattriesme du
mois de janvier, a esté baptisé dans.l'esglise de Saint-Corentin,
cathédrale de Quimper, par le soussigriant Rr , Elie-Catherine,
fils légitime' de noble homme Daniel Fléron, orfeuvre, et de
demoiselle Marie-Anne Le Campion, son espouse, demeurants
en la paroisse de Saint-Ronan. Ont esté parain et maraine
noble homme Elie Marias, marchand de Bourdeaux, et demoi­
selle Catherine Le Roy, espouse du sieur Déan, marchand
drapier à Quimper: l'enfant né le vingtiesme du présent mois,
environ les sept à huit heures du soir, et ont signé avec nous.
(( Catherine Le Roy, femme du Déan; Elie Marias; Fran­
çois Le Déan; Marguerite Le Divin; Binoart; Marie-Joseph
D. Fréron; Marie-Anne Campion ; de Lanoe, Rr de
Fourné ;
S. Ronan et Plomodiern. )
Ainsi Fréron est né, à Quimper, le 20 janvier 1718, entre
du soir; et, trois jours francs après, il a
sept et huit 'heures
été porté au baptême à la chapelle de Saint-Ronan, dans
l'église de Saint-Corentin (2) ; il a reçu les prénoms de Elie­
Catherine des noms de son parrain et de sa marraine. Le père
et la mère, Daniel Fréron et Marie-Anne Campion ou Le
Campion signent l'acte de baptême (3).

(1) En 1884, ayant trouvé' l'acte de baptème de Fréroli. et n'ayant pas
lu l'arLicle de Jal, je crus avoir découvert la date de la naissance de Fréron .
.Je publiai ma découvel'le, uont heureusement je ne tirais pas vanité.
Union monarchique, :3 c1écembl'e 18(\1. - Avec quelle joic, en 1K8~, j'ai lu
l'article de Jal et les documents qu'il a publiés!
P) L'autel SainL-Ronan est aujourd'hui l'autel de N.-D. des Carmes .
derrière le chœur. M. LeY]en :.llIono;j. de la Oathédt'ale, p. 'iR.
(J) Le nom de la mèl'c s'écrit indifféremment des cieux manières. Lc curé
écrit Le Campion, et la mère signe Campion. On trou\'c plus souvent cette
dcmière forme. La mère signe l'ncte de baptême. La confrontation de sa
signature Marie-Anne Campion avec la signaturc dc la dame Fréron au
pied d'un acte de baptême du 2:) septcmbre 17 '25 (La Chandelcur) nc laisse
aucune place au doute. Il se peut que, selon un usngc aujolll'c['hui aban­
la signature de la mère ait été apposée chez; elle:
donné.

Le nom de Fl'ùon est étranger à la Bretagne et on peut
que pas un biographe n'ait pris la peine de recher­
s'étonner
gine de cette famille. L'acte d'un premier mariage
cher l'ori
de Daniel Fréron (15 avril Hi9ï) nous apprend qu'il était ({ de
la ville d'Agen )J. Hélas! l'indication est insuffisante. J'ai reçu
d'Agen cette réponse: « Bien que limitée à quelques années, la
recherche est laborieuse. Agen avait quatre paroisses urbaines
rurale.s ; les registres sont sans tables; et, selon
et vingt-neuf
l'usage ancien, actes de baptêmes, mariages et sépultures sont
réunis dans le même volume ». C'était une centaine de regis-
à visiter. On a cherché sans rien trouver, pas même les
tres
publications de mariage ... Que ne puis-je aller {Jasser une
semaine à Agen!
du temps, son tour de
Daniel Fréron faisant, suivant l'usage
France, arriva à Quimper vers '1693; il avait vingt et un ans à
peine et il entra comme ouvrier dans la .maison d'un maître
nommé Guillerm. Celui-ci, marié seulement en 1682 (1)
orfèvre
mourut en 1696 (2), laissant pour veuve Françoise Feunteun
encore jeune et sept ei1fants don t l'aîné n'avait pas treize ans
le dernier trois. Moins d'un an après (3), Daniel, alors

âgé de vingt-cinq ans, épousait la veuve, du plein assentiment
de la famille du mari (4).
Elle lui donna trois enfants: deux filles, Jeanne et Louise,
(celte dernière, née le '1 t juin '1699, que nous retrouverons plus
el un fils nommé Jean qui eut pour parrain Nicolas
tard ),
Fréron, orfèvre, peut-être frère du père. Cet enfant mourut
sa mère ne lui survécut pas une semaine (5)
après quatre jours et

(1) SainL-Ronan, 17 août 1 G8'2
(~) Saint-Julien, parQisse cornprenanlle.3 rues Kel'éon et Saint-François,
Î i u i Il 1 096. . . ,
(3) Saint-Julien,15a:nll 1097 . .

(i) Deux personnes signant l'acte ct le prêtre qui célèbre le mariage
portent le n0t11 de Guillerm. ' .
(5) Baptême et sépulture. Sail).t-Julien, octobre 1701.

Moins de trois mois après (9 janvier '1702), Daniel Fréron
Cette fois il épousait une jeune fille mineure et
était remarié.
orpheline, puisqu'elle fut décl'ptt!e c'est-à-dire autorisée de jus­
Perudel. En douze années, elle allait mettre
tice, Marie-Anne
au monde neuf enfants, six fils et trois filles, au nombre des­
quelles Thérèse· Jacquette , née le 10 décembre 170ï ("1).
Le 27 novembre 'l714, Marie-Anne Perudel mourut âgée
d'environ trente ans (2).
Daniel Fréron laissa passer deux mois, non pour préparer ...
son troisièmemariage~ Aux premiers
mais pour annoncer
de février 'l7Hi, les fidèles qui assistaient au prône de
jours
la cathédrale apprirent qu'il y avait (( accord de mariage entre
Daniel et Marie-Anne Campion ,âgée de vingt ans,fille de Claude
Campion etde Anne Patron, de la ville de Pont-l'Abbé. paroisse

de Plobannalec (31. )) Le 25 février, le mariage fut célébré
dans l'église de cette paroisse.
Marie-Anne Campion donna quatre enfants à Daniel Fréron,
filles dont une nommée Marie, née le 26 novembre '1716 ;
deux
et deux fils, Elie Ca t herine et Thomas, ce dernier né en 1722 (4).

A la naissance de ce dernier enfant, la dame Fréron n'avait
pas atteint la trentaine, son mari n'avait que cinquante ans.
Cependant Thomas clot. la longue liste des enfants de Daniel
Fréron.
On peut remarquer qu'un seul des enfants, Elie Catherine,
de la rue Obscure. Ses
a été baptisé à Saint-Ronan, paroisse

(1) Baptêmes, Saint-Julien 1702.-1ï04, 1705, 170G-1707, 170&,1710,1711,
171'.2. Une fille née en 1 ïO~ a pour marraine une des filles du mariage
de Guillerm. .

(2) Sépultures Saint-Julien.
(3) La ville de Pont l'Abbé se partageait entre les quatre paroisses sub­
urbaines de Loctudy. par.oisse du château seigneurial, Lambourg,Plonivel et
Cette situation singulière durait depuis le XVIe siècle, quand
Plobannalec.
un seigneur de Pont-l'Abbé devenu calviniste cbassa de la ville le clergé
. catholique. .
(4) Baptêmes, Saint-Julien, 1715. - La Chandeleur, 1716.. Saint-Ronan,
1718 (Elie Catberine). La Chandeleur. .

parents quittant la paroisse de Saint-Julien (rue SLFrançois
et rue Keréon) vinrent sans doute habiter la rue Obscure un
peu avant sa naissance; mais, bien que son frère dernier né,
Thomas, n'ait pas été baptisé à SLRonan, il semble certain que
les époux Fréron gardèrent leur nouvelle résidence jusqu'à la
mort de la dame Fréron, trente-six ans plus tard (1).
pas à contracter un quatrième mariage:
Daniel Fréron n'eut
sa femme parvint jusqu'au seuil de la vieillesse; elle touchait
à la soixantaine, lorsque, le 20 juin 17ti4, elle mourut dans
la maison de la rue Obscure (2). .
C'est sans doute à ce moment que Daniel Fréron quitta en
même temps sa maison dans laquelle il avait vieilli et l'in-
de soixante ans. Il se retira
dustrie qu'il exerçait depuis plus
de Quimper; et il y mourut, le
à Locmaria, faubourg
25 décembre 1756, âgé de quatre-vingt-quatre ans environ (3).
Voltaire, qui avait besoin de flétrir tout ce qui touche à
Fréron, a écrit (Anecdotes SUT Fréron, 1760): « Voici un fait
je n'ai pas la certitude. On
qu'on m'a assuré, mais dont
prétend que le père de Fréron a été obligé, plusieurs années
sa mort, de quitter sa profession pour avoir mis de
ayant
l'alliage plus que de raison dans l'or et l'argent. »
Mensonge! ..... Voici la réponse: En 1ï50, Daniel Fréron
figure comme orfèvre au rôle de la capitation roturière (4) : en
(1) Dans plusieurs actes où ils comparaissent comme parrain ou marraine,
de publica tion du mariage de Elie, ils son t indiqués comme étan t
dans l'acte
de Saint-Ronan, et c'est là que se maria une de leurs filles. 1727-1730-
1751, elc.
(:2) Sépult. du 21 juin. St. Ronan. C'est par erreur que dans l'acte de
publication du premier mariage de Fréron (St. Ronan 1 er janvier 1751), il
est dit que sa mère est décédée.
(B) Sépult. Locmaria. 26 décembre 175G.
• (11) Le rôle de la capitation, où Daniel est porté pour la moindre impo­
!ivre), le marque rue Kéréon (par. Saint-.Julien). Peut-être
sition (une
de sa boutique qui aurait été au coin de' la rue à gauche en venant
s'agit-il
de la place; mais sa demeure était rue Obsclwe. (Cf. publications de 1751,
et le baptême du 'W octobre 1753 à Sàint-Ronan .

17G3, 'sa femme est marraine à Saint-Ronan, son mari est 111en­
tionné à l'acte avec sa qualité de « marchand-orfèvre dans la
rue Obscure (t). )) Le maire de Quimper et le curé de Saint­
Ronan ont d'avance réfuté la calomnie éditée sinon imaginée
par Voltaire. Quand on a quatre-vingt-quatre ans d'âge et plus
de soixante ans de profession, on a, semble-t-il, quelques
au repos.
droits
Je m'étonnais tout à l'heure de l'indifférence des biographes
qui ne se sont pas mis en peine de rechercher l'origine des
Fréron. Il est bien plus surprenant qu'ils n'aient pas recher­
ché l'origine de la famille maternelle d'Elie Fréron
pas provoqué à des investiga­
Et Fréron lui-même n'avait-il
ce point quand il avait écrit: « L'honnetir que j'ai
tions sur
de tenir par ma mère au grand Malherbe (2) ..... )) L'affirma­
de c,ette parenté, « plus précieuse, pour un auteur
lion publique
que des lettres de noblesse (3) )), a dû faire bondir Voltaire
qui ne pouvait se targuer d'un tel avantage. Comment ne l'a­
t-il pas contredite? C'est apparemment qu'elle lui parut cer­
de fait, elle était généralement admise. (4)
taine ; et

(1) Bapt. Saint-Ronan, ~6 octobre 1753 .
('2.) Opuscules, t. I, p. 3Gl et Année lütéraiTe, 1757, t. VII, p. 107.
(:3) Espion Anglais .

(1) TéI'!.1oin l'épigramme qui courut et fit rire toute la France .... , excepté
Voltail'e et sa nièce Mme Denis: . '
La larme à !'œil, la nièce d'Arouet
Se complaignait au surveillant Malsherbe (1)
Que l'écrivain, neveu du grand Malherbe (1)
Sur notl'e épique osât lever le fouet:
• Souffrirez-vous, disait-elle à l'édile,
Que chaque mois ce critique enragé
(1) Lamoignon de Malesherbes alors directeur ou surveillant de la librairie,
défenseur de Louis XVI, mort SUI' l'échafaud (1794).
("2) MM. Barthélemy et Soury ajoutent: Fréron descendait par les fem-
mes. du poète Malherbe Fréron n'avait pas dit cela: il savait bien que
Malherbe n'a pas laissé de descendants
Pauvre Mme Denis! comme Voltaire la traite dans une lettre du 13 auguste
(août) 1760. Ed. Beuehot. C01'I'. T. VIII, p. 55'1. « auguste que les
Welch es appellent aoùt. » C01T. T. XV, p. 150.

P!'us curieux que les biographes, j'ai voulu m'édifier sur ce
point. J'ai cherché; j'ai trouvé (ce qui n'était pas bien difficile)
le lien entre Fréron et une famille du nom de Malherbe.
sa mère, la mère et la grand'mère de
Fréron descendait par
celle-ci d'Elienne Malherbe ou de Malherbe ('t) établi à
Quimper, avant 16.'~4, comme (( marchand de soies et draps »,
nous dirions aujourd'hui marchand de nouveautés. Avant
'1667, il était retiré du commerce, et je le trouve habitant
la paroisse Saint-Sauveur qui ne comprend pas de rues mar­
de l'élégant étalage du marchand de soie (2). Il
chandes dignes
prend le titre de sieur du Dourguen, et il est en même temps
sieur de Quistinic. Il a acquis à la fois l'aisance, et (nous en
aurons la preuve tout à l'heure) l'estime des familles les plus
distinguées. Commeles marchands enrichis du temps, il a l'am-
bition de faire de son fils aîné un avocat. Il voit ses vœux accom-
plis: son fils, Jean-Baptiste, qualifié sieur de Quistinic,
vive son siècle, il verra son fils
devient avocat; et qu'Etienne
syndic de Quimper, en 1690-1692.
Etienne Malherbe avait attribué à sa fille Anne, la propriété
du Dourguen; son acte de mariage, en 1667, lui donne le
titre de dame du Dourguen. Le 10 janvier de cette année,
Anne devenait femme de Jean Patron, de Pont-l'Abbé (3) .
Les jeunes époux habitèrent la paroisse de Saint-Julien; et
un an après, en 1668 \4), Etienne de Malherbe tint sur les

Sur mon pauvre oncle à tout propos distille'
Le fief piquant dont son cœur est gOI'g6 ?
- Mais, dit le chef de notre librairie
Notre aristarque a peint de fantaisie
Ce monst!'e en l'ail' que vous réalise~.
- Ce monstre en l'air! ... votre erreur est extrême
Reprend la nièce, eh ! Monseigneur, lisez :
. Ce monstre là, c'est mon oncle lui-même.
. (1) On trouve les deux noms indifIéremment au dernier siècle.
("2) La paroisse comprenait seulement les rues l'vfezgloaguen, du . Salé, et
des Gentilshommes .
(3) Mariage à Saint-SauveUl', 10 janvier 11367.
(4) Saint-Julien: Baptêmes 29 aoùt 1668 .

fonts, en cette paroisse, une fille nommée Anne, comme sa
mère et comme sa marraine Anne de Kernafllen, dame de
Pratglas, femme de Mt' d'Ernothon, secrétaire du roi (1).
Anne Patron devint, le 30 juillet" 1690, femme de Claude
Campion, de la parû-isse de Pont-l'Abbé-Plobannalec (2); et de
ce mariage naquit, vers 1694, Marie::.Anne Campion, troisième
femme de Daniel Fréron et mère d'Elie Catherine (3).
La descendance de Anne Malherbe, femme Patron, n'eut
pas la situation prospère des enfants de son frère Jean-Baptiste.
pu découvrir au juste la profession de Jean Patron et
Je n'ai
de son gendre Claude Campion. Les actes donnent à l'un et à
l'autre le titre de noble homme, qui ne dit rien., tant il est pro­
digué au dernier siècle! C'étaient,je pense,des petits bourgeois
de Pont-l'Abbé (4). D'après la tradition, Campion aurait été
(('S). Je ne le crois pas. Son écriture et sa signature
cultivateur
trop correctes et trop déliées pour être d'une main ac­
sont
coutumée aux rudes travaux des champs (6) .

(1) Père de François-Joseph d'Ernothon, conseiller du roi et maître des
requêtes de son hôtel, qui, en 1685, acquit du marquis de Richelieu, la ba­
ronnie de Pont-l'Abbé. - Une sœUt' cadette de Anne Patron eut un parrain
de bien autre noblesse: Vincent de Kergorlay, comte de Guengat, qui
nomme avec Elisabeth Malherbe, fille d'Etienne. (17 novembre 1670, Saint-
Julien.) ,
(2) Saint-Sauveur. Le titre de noble homme est donné au marié .
(3) Claude Campion vivait encore à Pont-l'Abbé en 171~ : il donnait un
à un mariage. La Chandeleur, :2 juin 1714.- Anne Patron
consentement
revenue à Quimper mourut le Il mai 1735. Sépulture Saint-Sauveur,
12 mai.
(4) Les Patron eurent de nombreux enfants dont un prêtre mort en 1704.
Patron habita d'abord la paroisse de Saint-Julien puis celle de Saint­
se livrer à quelque commeree et qu'il se re­
Sauveur. Je présume qu'il dut
son beau-père, paroisse Saint~
tira ensuite dans la maison qu'avait habitée
Sauvt.ur. -
'(5) Peut-être cette tradition vient-elle de ce que ce nom était porté au
comme a'ujourd'hui par de nombreux cultivateurs du canton
dernier siècle
de Pont-l'Abbé qui peuvent être de la même souche.
(G) Consentement donne au mariage de son fils. Acte de mariage du 2
1714. La Chandeleu r . '
juin
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE, TOME XXVII (Mémoires) 13

Quoiqu'il en soit, si les Patron et les Campion n'avaient pas
la fortune et la -situation sociale de leurs proches parents du
nom de Malherbe, c'étaient de braves gens dignes d'estime, et
les Malherbe s'bonoraient en gardant avec eux des relations
de parenté, en nommant leurs enfants (1), et en les appelant
des leurs. Voilà ce que j'aime dans les Mal­
aux baptêmes
herbe, riches, exerçant des chdrges municipales.
En voici ce que j'aime dans leurs parents Patron et
Campion. La condition de ces descendants d'Etienne Malherbe
est devenue bien modeste, pour que son arrière-petite-fille
Campion, quand elle a vingt ans, épouse un
Marie-Anne
pauvre orfèvre, chargé d'enfants et qui a le double de son
âge. Eh bien! ces braves et humbles gens gardent le souvenir
de leur parenté avec le grand poète, comme d'autres, humbles
la croix ou les épaulettes de l'officier mort au
aussi, gardent
champ d'honneur (.2): et c'est dans les poésies de Malherbe
que leurs enfants apprennent à lire! (3)
Mais comment établissaient-ils cette relation de parenté
eux et le « grand Malherbe? )) Vaïeul Etienne Malherbe
entre
qui paraît avoir apporté ce nom à Quimper était-il en réalité le
trait d'union entre sa descendance et le poète? .... . C'est ce
qùe nous rechercherons plus loin .
Pour le moment contentons nous des quelques renseigne- .
men ts que voici :
Campion, mère de Fréron, avait au moins
Marie-Anne
deux frères et une sœur. Un des frères est nommé Joseph-

(I) Le premier en fan t de Dan iel Fréron et de Mn rie-An ne Cam pion
a pour parrain Jean-Baptiste ;\1alherbe, avocat, sr de Quistinic
(2) Qu'il me soiL permis de rappeler un souvenir personnel.
En 180'2, j'étais substitut à Quimpel'. La pauvre femme d'un ouvl'Ïer du
port de Brest comparnissait devant la cour d'assises, comme plaignante à
propos d'un attentat commis SUI' elle. Je me souviens de l'émotion qu'elle
produisit quand elle dit: « Nous sommes honnêtes.~. mon grand'père était
général à 'Wagram: il y est mort, et j'ai encore ses croix chez nous ... »
(3) C'est ce que nous dit Fréron, ilnnée littéJ-aiJ'e. [757. Tome VII. p. IG7.

Marie dans l'acte de mariage de ~a sœur, Mme Fréron (1) ;
un autre le nommait Yves; la sœur nommée Catherine­
ne se maria pas et nous la retrouverons plus tard.
Louise
Nous ne retrouvons pas Joseph-Marie; mais nous avons
quelques renseignements sur Yves. Il fut ~oldat. En 1714, il
était en garnison à Quimper (2). C'était, paraît-il, un joyeux
corn pa gnon très aimé de ses camarades. A cette époque, où
chaque soldat avait son surnom, Yves avait. reçu au régiment
le beau nom cie La /Jon t J (3). Est-ce par sa bonté ou par d'autres
le don de ,plaire à Mlle Catherine l'Abbaye
avantages qu'il eut
ou de l'Abbaye (/l:). C'est ce que ne nous di t pas l'acle de mariage
qui fut célébré le 2 juin '17'14, à la chapelle de N. D. de la
Chandeleur. (5l
C'est en cette paroisse que le jeune ménage habita et fît

ba ptiser dix enfants entre -1715 et 173'1. Il Y avait ~ept garçons
filles, dont une mourut au berceau. Je n'ai pas à
et trois
rech,ercher le sort de huit des autres enfants. Je n'ai à m'oc­
qüe de J'aînée des filles, baptisée le 21 septembre 1721.
cuper
Elle eut pour marraine Catherine-Louise, sœur de son
père, mentionnée plus haut, qui lui donna ses deux prénoms.
de baptê me de Catherine-Louise Campion signale ses
L'acte
parents comme marchands (6). L'acte de décèsde Yves Campion
et plus tard l'acte de mariage de sa fille précisent davantage;
et nous apprennent que les époux Yves Campion étaient
du Prout. ' ,
épiciers rue
(1) Plobannalec, 25 février 1715.
(2) Son acte de mariage dit: « Dans la compagnie de M.
de Ruis (nom
inconnu); faut-il lire de Rais?
(J) ~lariage du 2. juin 1714. La Chandeleur. ,
(1) Les deux noms sont écrits indiŒéremment. Son frère Julien, marié
(ltl janvier li!:» à Saint-Mathieu. En 174G, Jean de l'Abbaye (la Chande­
'~l févriel') est dit pl' ocureur à la cour de Châteaulin.
·Ieur,
(5) La paroisse comprenait place Saint·Corentin, rue du Frout, deS
Regaires, place Toul-al-Laër. Mono!!. de la Calhéd1"ale p. 50.
(U) En 1 ï4ti, Daniel Frél'un est pa rrain d'une Dlle de Charles Campion
marchand. St. Sauveur, il juillet.

C'est là que Campion mourut, le 14 décembre 1732, un an
à peine après la naissance de son dernier e-nfant.
Lorsque Claude Campion présentait sa fille Marie-Anne et
son fils Yves au baptême, il ne se doutait pas que Marie-Anne
deviendrait mère d'un écrivain dont le nom serait « immor­
tel )J, et qu'une fille de Yves serait mère de deux écrivains
distingués.
J. TREVEDY,

Ancien Pr'ésident du t1"ibunal de (juimper .
(A s'Iü'l.we)