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Bulletin SAF 1900


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Saint Alain de Corlay, évêque de Quimper (27 novembre 700 ?)

Dom Bède Plaine

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VIII.

SAINT ALAIN DE CORIJAY
Éoêque de Quimper (27 nooembre 700?)

Préambule.
Les illustrations du nom d'Alain.
Le nom d'Alain n'est point un nom inconnu et sans célé­
brité en histoire et en hagiographie. Il a été porté avant le
IXe siècle pal' S. Alain de Corlay et pal' S. Alain "de Lavaur:
Plus tard il a été illustré pal' plusieurs ducs de Bretagne et
pal' maints autres grands pel'sonnages (1). Mais cependant
cette appellation ne nous vient pas de l'Ancienne Rome, elle "
a du être importée dans notre Occident par la tribu scythe
des Alains, qui, originaire du Caucase, fit ilwasion dans
les Gaules et en Espagne au commencement du ye siècle.
S. G['égoire de Tours et son continuateur Frédégaire,
Aussi
qui ont inscrit tantde noms pl'opres sur leurs fastes historiqlles,
sont cependant muets SUt' celui d.'Alain,et il faut, je le répète,
descendre jusqu'an IXe siècle et au duc de Bretagne Alain
Grand (877-907), pour rencontrer un premier personnage
histol'ique qui porte le nom d'Alain. C'est de même dans
nolre province de Bretagne que ce nom a toujours joui
d'une popularité particulière, témoin les Rohan et d'autres
familles illustres, chez lesquelles il se transmettait de père
en fils. Enfin, chez nous, les hommes qui portaient le nom
d'Alain, honoraieut ordinail'ement comme leur patron de
baptême S. Alain de Corlay, évêque de Quimper. On le
par les eures d'un Breton bretonnant (2): et par les
voit
(1) Les rois' bretons Alain Judual et Alain le Long, qu'on prétend appar­
aux VI" et VII· siècles, sont en réalité des personnages fabuleux.
tenil'
(2) Alain Lothrian, éditeur de ces Heures, y a représenté son patron,
voir aussi sa marque dans Brunet. Manuel du Libraire, t. 2, p. 16.

e ath ra e e Quimper (1). que
des églises paroissiales de Plogonnec et de Fuuesnant (2).
Ceci soit dit pour montrer qu'il u'est pas sans intérêt
d'être fixé sur la biographie de S. Alain de Corlay,' sur
l'f.poque où il a vécu, sur ce que Hons pouvons affirmer de
lui avec vraisemblance. C'est poul'quoi je n'ai rien négligé
pour ma part, afin de répandre quelque JOUI' sur un person­
nage si peu connu et je vais consigne!' ici le résultat de .
mes recherches, Mon premier soin sei'a de reproduire un
fragment curieux du Baptista Salvatoris, qui est d'un intérêt
capital dans la question présente. .

§ 1. -- Un fragment du ( Baptista Salvatoris l) relatif à
un saint Alain, évêque breton.
S. Alain de Corlay, évêquede Quimper, a cela de commun
avec son homonyme S. Alain de Lavaur, qu'à défaut d'une
biographie contemporaine, leurs elients avaient imaginé à
une date incertaine mais antérieure au XVIe siècle d'attri-
buer à l'un et à l'autre la vie et les miracles de S. Amand de
Maest.richt. La chose se constate pour S. Alain de Corlay
par un Sanctorale corisopitense imprim é vel'S 1500 et dont
un exemplaire, le seul connu, se conserve au musée
Bollandien de Bruxelles (3), et pour S. Alain de Lavaur par
quelques manuscrits anciens, dont André Duchesne avait tiré
copie (4). La seule différence notable entre le text.e de Lavaul'
et celui de Quimper, c'est qu'à Lavaur on en vient à avancel'
l'encontre des documents les plus certaius que la dernière
fondation monastique du saint fut celle même de LavaUl', ce
qui est une erreur tandis qu'à Quimper rien n'est changé

(1) Le Men.- Monographie de la cathéclt'alecle Quimper, p. 138 et ['tl .
('1) Joanne. Bretagne (Paris 18(9) p. GU;l el 585.
(3) La fête de S. Alain cie Corlay y est fixée au ·n noyembr'.
(~) Acta sanctorum, t. II de février p. G54 et G')5,

aux assertioùs du premier biographe de S. Amand, à part
le nom d'Amandus; qui devient Alanus. Ainsi par exemple
le saint est dit évêque de Maestl'icht, non de Quimper
Dans un tel état de choses, on se demande assez natul'el-­
lement si Alain de Corlay et -Alain de Lavaur sont des saints
authentiques ou simplement uu dédoublement de S. Amand 1
lui-même. Dom Lobineau s'est posé la question avant moi
et n'a pas hésité, malgré la sévérité bien connue de sa critique
à se prononcer pour l'authenticité (1)_ J'en ferai de même
avec d'autant plus d'assurance que j'ai retrouvé un écrit du
XIIe siècle dans lequel il est parlé assez longuement sinon
de la vie, au moins du culte et des miracles d'un S. Alain,
qui a dù gouverner un des diocèses de notre Bretagne avant
le IXe siècle. .
L'écrit, dont il s'agit, a pour titre Baptista SaZDatoris, et
roule en grande partie SUl' le culte de S_ Jean-Baptiste à
Bazas et dans le midi de la France. Il a pour aut3ur Gal'cias
de Benquet: qui occupa le siège de Bazas de 1166 à 1186.
Imprimé une premièl'e fois en 1530 il a été réédité en 1880
par les soins du H. P. Aurélien, oliv.étain, comme appendice
de son ouvrage: S. Martial et tes Fondatew's apostoliques
des Eglises des Gaules. -
_ Voici, dans son intégralité, le passage qui nous intéresse:
« En 1.136, la ville de Bazas fut le théâtre de grandes dis­
« sensions entre séculiers comme entre ecclésiastiques. Nous
(J. ne POUVl)fiS en p~rler longuement ici mais nous devons
« toujours dil'8 que l'évêque d'Agen, Raimond-Bernard (.2).
« livra cette ville aux flammes. Orau milieu de cet incelldie la
« Divine Miséricorde réalisa un insigne miracle en faveul'-du
« corps vénéré de S Alain mort depuis quatre cents ans. En
(1) Vies des saints de Bretagne. - Edition Tresvaux (Paris. IR37) t. Il
p. 163 et suivanles.
(2) Haimond-Bernard de Fosset a occupé le siège d'Agen de IIJO envit'on

« effet,pendant que le feu dévorait la basilique de S. Martin,
« dans laquelle se trouvait le tombeau du Saint en question
« les poutres de l'édifice déjà à demi brûlées ton:bèrent sur
« le couvercle du sarcophage et le broyèrent si complètement
« que les flammes atteignirent le corps sacré, et semblaient
c( devoir en faire leur proie. Ce que je dis est merveilleux
« -mais n'en mérite pas moins foi en raison des nombreux
« témoins qui déposen t en sa faveur. Vous auriez vu le
« saint corps entouré do flammes et de feu, vous auriez re­
« marqué que semblable aux enfants des Hébreux de la
«( fournaise de Babylone il ne souffrait pas la moindre atteinte
« de cet amas d'étincelles enflammées. Je Ile dis pas assez:
( car non seulement le saint corps, mais aussi les vêtements '
avec lesquels il avait été enterré, furent sem-
( pontificaux,
«( blablement respectés par ce feu dévorant.
c! La tI'aditioll nous apprend en ou.tre que cet évêque était
c( breton d'origine.
« Pour moi, j'ai été dans le doute relativement à un fait
«( si sUl'prenant jusqu'à ce que pOUl' savoiI' si .le devais y
(( ajouter foi, m'étant fait ouvrir le tombeau, et ayant vu à
«( loisir le visage du saint, j'ai pu acquérir la certitude qu'il
(c ne manquait à son corps aucune de ses parties, que rien
cc ne manquait non plus ail coussin placé sous sa tête comme
«( aux vêtements avec lesquels il avait été enseveli. En l e
«( voyant, vous auriez juré non que le froid de. la mort l'avait
« saisi, mais qu'il était endormi d'un agréable sommeil. A
« cette vue, je l'avoue, j'ai été en proie à une sainte terreur
cc et, malgré la dureté de . mon· cœur, j'ai compris que cet
«( homme était en grande estime auprès de Notre-Seigneur.
« Or, quand ceprodige du saint eut été.connu, c'est toujours
« notre auteur qui pade~ le clergé et le peuple de Bazas
«( tl'ansférèrent au milieu du chant des ' psaumes le trésor
«( du saint corps dans la nouvelle basilique du préô.ll'seur
" car l'ancienne avait été détruite de fond
j.~ 'su - h

( en 00mble~ et peu après on y vit éclater des miracles
« aussi nombreux que surprenants. Car grâce aux suffl'ages
« de S. Jean-Baptiste et du B. Alaill, les aveugles y recou­
« vraie nt la vue, les hoîteux la faculté de marcher, les sourds
« l'ouïe, les muets la parole, les pal'alytiques la force des
c( membres: les pieds et les mains déformés y étaient remis
( en état sain et toutes sortes de maladies guéries. Beaucoup
« de ces faits me sont connus et je pouerais enpador longue­
« ment; mais je m'en abstiens, pour ne pas endormir le
« lecteur ») (1)
(1) Anno 113G, in urbe Vasalensi qu ibusdam exorLis tam secu la ribus
. quam eeelesiastieis dissentionibus de quibus ad presens longum est dicel'e
a Raymundo A gennensi Pon tifiee fla rn mis çonsu III pta est ci vi tas. In qua
miscratio dignata est exhibere
seilieet eonflagratione magnifieum divina
miraeulum erga saeratissimum corpus eujusdam saneti Alani nomine ante .
annos 100, ut aiunt, vita funeti. Nam wm almiflui i\Iartini basilica, in
quâ tumu la tus quieseeba t, vu leuno pel' urbem ael'i ter desœviente, ineend io
eonsumerelur, semiustis trabibus ab alto ruentibus opereulum sareophagi
ita eonlritum est ut aHatim prunis decidentibus CIe sacrum corpus eonte­
gen Libus la tum praeberet recp.ptaeu lum . .M i l'a sane d ictu rus Sllm : sed
nequaquam fldem exeedenlia mullis astipulantibus. Cerneres eOI'pus vene­
rabile ignivomos ffammarum globos atque unD cIicam rerbo, primarum
seintillarum flagrantium eongeriem veluti 'quondam Hebrélieos pueros in
fornaee Acheminia, nullam prorsus paU loesionem, .Parva loquor cum non
solum à sacra corpore, verùm etiam a pon tificalibus ind u viis, cu m quibus
mausoleo tradilus fuerat, mulcifer ignis nulu divino prohihitus ex asse
abstinuerit. Fertur equidem olim antistes exititisse '/ritannicus.
Denique el ego super hoc anceps aliquando, ut tantee novitatis fidem
capeI'em,busto reserato faciequr retecte ipsam vera viri foremam cum cerviceli
capiti supposito ac vestibus sepulcralibus conspexi adeQ integerrimam, ut
non tam letali torpore frigidum, quam jocunda dormientis quiete sopit.um
videretur. Extemplo, fateOl', exhbrrui, vil'umque Christo gratissimum
duricors postremo intellexi. Cognita ergo tanLi viri vlrtute, clerlls et po­
pulus sacratissimi glebam corporis in aulam Precul'sœris Chl'isti novam
(vetus funditus diruta fuerat) cum ingenti transferunt psallentio. Nec
muIto post amplissima frequentium miraculorum subsequitur g!oria.
Siquidem cœcis vlsus, auditus surdis, claudis gressu3, loquela mutis,

paralytis solidatio, podagris vel chiragricis reformatio, aliisque diversis
invalitudinibus reformatio, Beatorum Joannis Baptistie atque Alani reddun­
tur suffragio. De quibus piura, que· memoria leneo, styli oillcio cuderem
nisi torpen Li lectori somn u m i ngerere devi ta lista saI va toris,
p. 293 et 2H4 .
édition Aurélien,

Tel est le seul texte un peu ancien sur lequel on puisse
s'appuyer pour répandre du joùr sur la personnalité du saint
du nom d'Alain, qui a été honoré à Bazas jusqu'aux guerres
de religion de la seconde moitié du XVlo siècle.
Les assel'tions qu'il contient ont d'ailleurs été reproduites
par l'auteUl' du Chronicon 'IXtSatense, et cette circonstance
en confirme l'authenticité: car bien que le Chronicon vasa­
tense ne soit pas antérieur à l'année 1605, il a cependant été
rédigé d'après les anciens monuments, et fait autorité sur
plus d'un point (1). Voici ce qui y est dit de S. Alain et du
culte qui lui a été rendu à Bazas.
« En 1136, la ville de Bazas fut livrée aux flammes par l'é­
l( vêque d'Agen, Raymond. Or il arriva alors que le feu at-
l( teignit et réduisit en cendres l'église de S.Martin,mais on
« y trouva exempt de corruption le corps de l'évêque breton
« Alain, qui y était entel'ré depuis plus de quatre cent ans.
u Ce fut grâce à eela que ce corps acquit alors une grande
« célébrité, ear les Bazadais le transférèrent de l'église de
« S. Martin à la cathédrale avec toutes les marques de la
c( plus grande vénération, Sa tête a été honorée à la première
(1 colonne de la porte gauche du chœur jusqu'au temps des
cc Calvinistes(2),et ses reliques étaient presque journellement
« encensées immédiatement après le Saint-Sacrement pen­
l( da nt le chant des cantiques Benedictus et Magnificat. » (3)
(1) Celte chronique,inconnue à Lelong,a été publiée tout récemment dàns
les ATchives histm'iques de la Gironde. T. XV, p. 1-151. Elle a pour auteur
de Bazas.
Gérald Dupuy, archidiacre
(2) La ville de Bazas fut prise et pillée par les Calvinistes en ,1573.
(3) Anno 1136, Urbe Vasatensis, in cendio â Raymundo Agennensi episcopo
procurato, conflagravit. Quo factum est ut dum divi Martini œdes in­
S. Alani, episcopi Britannici corpus abomnicorruplioneimmune
flammatur,
400 aunos ibidem conditum, remansit. Divi Aluni corpus summa
licet ante
fi. Vasatensibus e divi Martini œde ad Cathedralem
religionis significalione
ubi caput ejus magni veneratione colebatur usque ad Calvi­
transfertur
nistarum tempora in primà columna portœ chori in sinistra parte, et
in officiis ad Canticu nenedictus et 1J1aynificat ejus reliquias
soIebant
sancLissimul11 sacramentum incensarÏ.' Archives historiques de la
post
Gironde,t. XV, p. 30 .

§ 2. - Identité probable de saint Alain honoré à Bazas

et de saint Alain, évêque de Quimper.
f ,e double fragment du Ba'{Jtista Salvatoris et du Chronicon
Vasatense, qui viennent d'être mis sous les yeux du lecteur,
sont loin d'être aussi explicites qu'on pourrait le désirer sur
la biographie du saint évêque nommé Alain~ qui a été honoré
à Bazas comme thaumaturge pendant plusieurs siècles.Mais
il en ressort cependant: lOque ce saint avait occupé un siège
autre que celui de Bazas; 2° que la Bretagne était son pays
d'origine; 3° qu'il vivait plus de quatre siècles avant l'in­
cendie de 1136, par conséquent dans le VIlle siècle selon

toute apparence. .
Or ces trois données vont m'être d'un grand secours pour
résoudre le problème~ qui m'occupe en ce moment, et pour
permetke de supposer que le S. Alain, dont il s'agit, n'est
autre que S. Alain de Corlay, évêque de Quimper. Aujour-
d'hui toutefois il ne sera question qUe de l'évêque de Quim-
per. J'en viendrai ensuite à Alain de Corlay.
Or si j'interroge en premier lie~ les tables générales de
l'hagiographie, je constate sans peine que les saints évêques
du nom d'Alain y sont fort rares et n'appartiennent qu'à la
France, non à la Grande-Bretagne. Il y a plus, on n'en con­
naît absolument que deux, qu'on puisse mettre en ligne de
compte comme étant antérieurs au JXe siècle, ce sont Alain
de Lavaur et Alaia de Quimper. Mais le premier doit être
écarté. Car de deux choses l'une, ou il est le même que
S. Amand d' Elnone sous un nom un peu difl'érent, et dans ce
son corps ne pouvait se conserver à Bazas (1 ,puisque la
. cas
Belgique en a toujours revendiqué la possession; ou il a sa
personnalité propre, et Lavaur non Bàzas lui a servi de tom­
beau d'après son historien .
En ce qui concerne Alain, évêque de Quimper, rien n'em-
(1) Acta sanctorum, t. 1 de février, p. 855.

pêche qu'il ait terminé sa carrière mortelle à Bazas, et qu'il
y a.it trouvé son tombeau: car en Bretagne on ne possède de
lui aucune relique, on ne rencontre · nulle part la moindre
tI'ace de son tombeau (1).
En second lieu la tl'adition immémoriale de Bazas porle
explicitement qu'Alain avait été évêque de Bretagne. Fertur,
se contente de dire ~arcias de Benquet, mais rauteur du
Chronicon Vasatanse affirme positivement qu'Alain avait été

évêque dans le même pays. Or ici encore on peut interroger
les tables épiscopales de la Bretagne. Il ya eu dans ce pays
plusieurs titulaires du nom d'Alain: Alain de H.ennes vers
1140, Alain de Coetivy, de même, et plusieurs autres :
mais aucun d'eux n'est antérieur au XIe siècle. tandis
qu'Alain de Quimper remonte bien plus haut. Quant à l'île
Bretagne, elle ne saurait être mise en cause, je l'ai déjà
dit, puisqu'elle n'a donné au monde ancun saint évèque du
nom d'Alain .
En troisième lieu, bien que les traditions de Quimper
soient absolument muettes sur le séjQur que S Alain avait
fait à Bazas~ et sur les hommages de piété dont il y était
resté l'objet, les deux cités épiscopales se trouvaient cepeI}­
dant d'accord pour célébrer le même jour ou simplement à
un jour de distance la fête de S Alain. A Bazas, c'était le
26 novembre qu'elle avait lieu comme nous en est un sûr
garant l'archidiacre Gérald Dupuy, qui nous renvoie, en
termes, à un ancien Bréviaire de Bazas. ( Le 26 novembre
ces
est la fête de S. Alain, avec oraison propre (2). »
(1) Le dernier Pr-oprium Corisopilense (185'2) affirme cependan t que l'on
178\:l à Quimper le corps de S. Alain (die .'26" octobris nona
possédait avant
il le fait à tort sur la foi d'auteurs modernes et sans aulorité.
lectio), mais
Les inventaires an~iens, que M. Le Men a reproduits (monographie de la
cathédrale Quimper, p. 319), n'en font aucune mention.
Il} In Breviario Vasatensi, die 26 novembris S. Alanus habebat orationem
» - En 18\:.18, MM. l'abbé Bertrand, prêtre de
propriam et nihil amplius.
Saint-Sulpice, professeur au grand séminaire de Bordeaux, et Roger

A Quimper, la même fête se célébrait le 27 novèmbre.
pour garant il'récusable le Sanctotal déjà cité
Nous en avons
1fiOO. On y rencontre, en eŒet, pour ce jour la fête du saint
à neuf leçons. Or une pareille coïncidence ne serait guère
explicable s'il ne s'agissait d'un seul et même saint.
Tels sont les motifs qui permettent, à mon jugement, d'af­
S. Alain de Bazas et S. Alain, évêque de Quimper,
firmer que
'un seul et même saint. Maintenant autre
ne formen.t qu
question du même genre, S. Alain de Corlay a-t-il sa per­
sonnalité propre ou ne fait-il qu'un avec l'évêque de Quimper,
dont je viens de parler?
§ 3. Saint Alain de Corlay a - t - il été évêque
de Quimper?
Les anciennes listes épiscopales de Quimper sont tL ès in­
complètes et ne renferment pas le nom de S. Alain (1). En
conséquence, le P. Albert Le Grand, qui ne connaissait que
réputation S. Alain de Corlay, ne l'inséra point dans
son catalogue des Evesques de Cornouaille (2i, mais se con-
d'Anglade, juge au tribunal de Libourne, ont consulté à mon intention un
Br'eviarium Vasatense imprimé à Bazas en 1530, qui se consel've à la Biblio­
thèque pubilque de Bordeaux. Le nom d'Alain ne figure pas au calendrier.
mais aux secondes vêpres de sainte Catherine (l5 nov.) une rubrique
S. Alani non episcopi, et rien autre chose. Or, ce petit mot suffit
porte:
pOUl' permettre (1'atlirrnel' : 1" que ce Bréviaire de 1530 a été imprimé avec
peu de soin, puisqu'on trouvait dans le corps de ce Bréviaire un saint qui

au calendrier, 2 que le S. Alain dont on parlait dans le corps du
manquait
Bréviaire n'était pas difIérent de l'évêque breton, dont il est question dans
le Baptisla Salvat01'is de Garcias de Banquet: car Bazas n'a jamais rendu'
les honneurs religieux à aur.un autre saint du nom d'Alain, ses annales en
font foi. La rubl'iq ue que je viens de reprod uire l'en fermait de pl us une nouvelle
coquille d'impression, le titre d'évêque reiusé à S. Alain de Quimper. Dans
tous les cas on ne saurait arguer du texte de ce Bréviaire pour prétendre
que l'archidiacre Dupuy est dans l'erreur: car il ne cite point son édition,
et peut nous l'Envoyer à une édition antérieure ou postérieure à relIe de 1530.
(1) M. Maitre a édité celui de Gurheden (XIIe s.) en tête de son Cartu­
. laire de Quimperlé (Paris lS96) p.49.
(2) Vies des saints de Bretagne. Nantes 1637, p. 711 et suiv .

tellta d'en faire 11n simple confesseur) dont il place arbitrai­
rement la, fête au 27 décembre (1). Claude Chastelain a accepté
celte donnée dans son martyrologe universel) et a transformé
lui aussi S. Alain de Corlay en simple confesseur (2). Il me
parait important de protester ici contre une pareille altéra-
tian des vraies traditions de Quimper. Celles-ci sont repré-
sentées par le Sanctoral de 1500. Or le Sanctoral est absolu-

ment explicite, il fi;x:e au 27 novembre la fête de S. Alain,
évêque de Quimper, et il ne mentionne aucun autre saint de
ce nom. Les heures bretonnes d'un breton bretonnant en font
de même. Par conséquent le P. Albert Le Grand aurait dû,
ce semble, trouver la mention de çette fête, si ses recherch8s
avaient été suffisamment étendues.
D'autre part, les traditions de la ville de Corlay ont droit
également d'être prises en considération dans la question
présente. Je vais donc les interroger. .
Cette localité appartient aujourd'hui au diocèse de Saint­
Brieuc et au département des Côtes-du-Nord. Mais avant
1789 elle faisait partie intégrante au religieux de l'évêché de
Quimper, au civil du comté de Cornouaille. De temps immé­
morial aussi cette même localité regarde comme son conci­
et sa gloire, elle honore pour son patron un S. Alain,
toyen
et non simple confesseur, qui ne peut être différent,
évêque
selon toute apparence, de l'évêque breton Alain, 'dont la
carrière mortelle s'est terminée à Bazas.
« Cette tradition se m-aintient toujours. Les habitants de
Corlay continuent fidèlement à entourer leur S. Alain des
«( mêmes hommages de piété et de vénération que par le
«( passé, bien qu'actuellement leur église soit placée on ùe
« sait pourquoi, sous le vocable du Saint Sauveur et en fasse
(e la fête le dimanche qui suit le 23 octobre, tandis que
« S. Alain n'a ni fête ni mémoire. L~antique fontaine mo.,..
(1) Ibidem Index des saints, dont on n'a pu retrouver la vie.
(2) Chastelain : martyrologe universel, 27 décembre.

t~ numentale de S. Alai,\ continue de même à faire le prin­
« cipal orpemellt de la petite ville grâce à la belle statue du
« saint (XIVe ou XVe) qui nous est un sùr garant. qu'il
(c s'agit lit d'un saint local, et J'un évêquede Quimper (1).
Ainsi s'exprime un témoin, qui connaît mieux que per-
sonne les vraies Ll'aditions de Coday et de la Breta O'ne rela-
tivement à S. Alain.
Conclusion.
C'est assez dire qne rien ne nous autorise à diviser S. Alain
de Corlay de S. Alain de Quimper pour vouloir en faire deux
personnages différents. Nous savons d'autre part par les tra-

cELions écrites de Bazas qu'il y eut au VlIre siècle un évêque
d'A]ai~l, qui alla tel'miner sa carrière mortelle
br'eton du nom •
dans cette ville, et y a joui pendant plnsieurs sièdes non
seulement des honneurs du culte religieux mais encore d'une
grande réputation de thaumaturge. 01' il va de soÏ que de
pareils sOUVellll'S ne s'inventent pas et ne se perpétuent pas
popr le plaisir de tromper la postérité. Les principes d'une
critiq lie équitable et judicieuse nous amènent donc à déclarer
salls crainte d'erreur, d'un côté que tévêque breton, dont il
s'agit, avait dù occuper le siège de Quimper avant de. se
retire!' à Bazas, et de l'autre que oet évêque de Quimper
n'est pas difI'é!'ent de S. Alain de Corlay. Par conséquent ce
_ dernier nom a pleinement dl'oit de figurer à une place d'hon­
neul' sur les fastes épiscopaux de Quimper. Donc le l'édacteul'
du Propre diocésaif1 de 1852 a eu raison de maintenir ce nom
sur le calendrier particulier du diocèse (2).
Telle est la double conclusion qui me paraît res­
sortir avec autorité de la présente étude et projette une cer-

taine lumière sur un de nos saints restés jusqu'ici l'un des

DOM BEDE PLAINE, 0 S. B .
mOIns connus.
( 1) Lettre de M. l'abbé Le Coguiec, né à Corlay vers 1 8iO, et aujourd'hui
curé-doyen de Pleumeur Gaultier (Côtes-du-Nord).
(2) Propl'ium COl'lsopiLense die 26 Octobris. S. Alain n'y a qu'une
mémoire qu'il partage encore avec S. Menoux.