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Bulletin SAF 1900


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Aqueduc romain de Carhaix

Abbé L. Rolland

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III.

- Pareours.

Bizeul, dans une notice qu'il a publiée en 1849, dans le

Bulletin de l'Association Bretonne, premier volumè, 2 et 3
livraison,à la page 26, exprime son regret de voir combien les
renseignements qui existent SUL' les antiquités de Carhaix
peu nombreux et incomplets. Tout ce qui a été fait
sont
jusqu'à lui pour faire connaître cet ancien posté d'occu-
des Romains se réduit en eUet à peu de choses.
pation,
Bizeul, dans cette notice, fait passer devant nos yeux
tout ce que ses devanciers ont écrit au sujet de cette , c
ancienne ville. Ils se bornent à parler des nombreuses ,', "<" 1
voies romaines qui rayonnent de Carhaix dans toutes les df~~~ , ',"', .'
rections, encore ne disent-ils rien des ponts sur lesquels', :.

passaient ces voies, et dont il reste encore des traces; pas plus , '

que des nombreux camps qui les protégeaient. Ils ne mention-
nent pas d'avantage l'immense nécropole gallo-romaine qui
existe à quelques centaines de mètres de l'agglomération ac-

tuelle, et que notre honorable Président, M. P. du 'Châtellier ,
a fouillée avec succès, il y a deux ans.
La Tour-d'Auvergne, malgré le temps qu'il a consacré

à la vie des camps, a laissé voir dans ses écrits tous les efforts
sauvei' de l'oubli certaines choses intéres -
qu'il a faits pour
sant les antiquités de ,la ville, qui l'a vu naître.
la dissertation '(parue en 'i778, ter volume
Dans
d'Ogée), où Corret de Kerbauffret a prétendu, prouver que

éLait bien le fondateur de Carhaix, nous trouvons
Aëtius
quelques détails concernant les antiquités romaines rencon-
trées dans Carhaix-même, ou dans ses environs, détails qu'i l
a eu le mérite de présenLer au public pour la pl' emière fois

à une époque où la ,science archéologique n'existait pas, du
moins avec ses méthodes actuelles d'investigation .
. Il est, en particulier, un point sur lequel celui qui, devint
plus tard Je Premier Grenadier de France, a semblé vouloir
attirer d'une façon spéciale l'attention des archéologues ; c'est
nous parle de cet aqueduc, don t on connaît si peu
lorsqu'il
le parcours et dont le ' tracé,. quoique bien incomplet,
pourrait servir sinon 'à prouver davantage l'ancienne
importance de Carhaix, du moins à · éveiller lï ntél~êt .
d'hommes compétents,à qui leur situation permettrait d'étudier
les nombreux vestiges trop peu connus de celte
à loisir
occupation romaine.
« Cette ville, dit La Tour-d'Auvergne, l'une des plus an-
« ciennes de l'Armorique, a encore l'avantage d'avoir en
(c soi plusieurs vestiges précieux de l'antiquité, des fragments
« curieux de colonnes, de statues, etc" mais, ce qu'elle offre
(1 de plus remarquable aux admirateurs de monuments an-
« ciens,ce sont deux superbes aqueducs,qui ont été décou verts
,« depuis peu d'années, ouvrage des Homains, digne de ces

« grands hommes, conservé pour ainsi dire dans son entier .
« Ces aqueducs ou canaux voûtés ont deux pieds de large sur
« trois de haut. Leur maçonnerie, d'une construction singu-
« lière, consiste en de petites pierres et des morceaux de
« briques, encastrés et jetés clans tous les sens sur un enduit
« de ciment, le tout -recouvert d'un ·autre enduit de ciment
« bien uni et aplani par dessus. Ils ressemblent parfaitem,ent,
« quant à la bâtisse et à la forme, à ceux qu'on voit à Nîmes
« à Saint-Remi, à Arles, et dans les environs des villes fon-,
«elées par les Romains; ce qui ne permet pas de douter que
« Ker-Aës ne soit leur ouvrage. Un de ces canaux aboutit au

cc Nord de la campagne, à une espèce de citerne d'environ
i'. cinq pieds de diamètre; l'autre, à une cave appartenant à
« M. de Kernaëret. » ,

Les renseignements -fournis par La Tour-d'Auvergne son t

d'autant plus précieux, que Cambry, et le . chevalier dr
Fréminville, ne disent, pour ainsi dire, rien des antiquités de
Carhaix, tandis que M. Mérimée, inspecteur général des mo­
numents historiques, a passé au Huelgoat et aux mines de
Poullaouen, en 1839, sans même se rendre jusqu'à Carhaix,
qui n'est distant de cette dernière localité que de neuf kilo-
mètres.
Cependant les détails donnés par le héros, dont Carhaix se
glorifie à juste .titre, semblent demander, pour. être bien com­
pris, certains éclaircissements, ou plutôt ont besoin d'être un
peu complétés, car il paraîtrait que La Tour-d'Auvergne ne
s'est pas rendu UJ1 compte assèz exact de ce que pouvaient
être en particulier les quelques tronçons d'aqueduc, décou­
verts de son temps aux enyirons de Carhaix. La Tour-d'Au­
vergne nous dit: « Ce que la ville de Carhaix offre de plus

à l'admiration des amateurs de monuments an­
remarquable
ciens, et à la curiosité des étrangers, (ce sont) deux superbes

qui ont été découverts depuis· peu d'années. ) Il est
aqueducs
La Tour-d'Auvergne ne nou·s ait pas dit sur
fort regrettable que
quel fondement il a pu baser son assertion. Il est plus regret­
table encore que La Tour-d'Auvergne ne nous ait. pas indiqué
les endroits où il a rencontré les deux tronçons de l'aqueduc,
dont il veut faire deux aqueducs différents. Il dit'seulement
d'une façon bien vague: « L'un de ces canaux aboutit au Nord
« de la campagne, à une espèce de citerne d'environ;) pieds de
« diamètre; l'autre à une cave appartenant à M,de Kernaëret »
Tous les ren.seignements que nous avons recueillis au 'sujet
de l'aqueduc romain nous ont fait connaître que ce canal
communique en efIet sur un point de son parcours,comme nous
le verrons plus loin, avec un puits ou citerne, mais on ne peut
admettre qu'un aqueduc qui a 0 m 72 de hauteur et 0 m 5;5 de
largeur à l'intérieur (1), et qui devait par la force des choses
. . (1) .Mesures vérifiées et fournies par M. p, du Châtellier clans sa pu­
blicatIOn de 189,) : " Notice SUT' quelques décoltVe1'les faites à Car'haix. "

être cônsLamment rempli d'eau à son point d'arrivée, pût .
aboutir à une cave, pas plus qu'à une citerne.
Carhaix un séjour de plusieurs années, nous
Ayant fait à
nous sommes appliqué à étudier ce monument ancien, un des
plus intéressan ts de notre pays, .. dont l'exécution a demandé
du moins un nombre très considérable
sinon plusieurs années,
de travailleurs; d'ailleurs la méthode et la pratique des
.Romains tendent à le démontrer .

L'aqueduc de Carhaix a, à vol d'oiseau, un développement
de 14 kilomètres, de son point de-départ à son point d'arrivée,
à ses détours, il accède à l'ancienne ville, après
mais, grâce
un parcours d'au moins 1)0 kilomètres. A son point d'arrivée
a, il est vrai, une quantité relativement grande de
l'aqueduc
ramifications, mais il n'est pas probable qu'il y ait eu réelle­
ment plus d'un seul monument.
'Depuis plusieurs années, nous en connaissions diverses
Il Y' a trois ans, nous eûmes l'l)eureuse fortune
sections.

de pouvoir en suivre approximativement le tracé jusqu'à une
distance de tO kilomètres. Au mois de septembre dernier,
nous pûmes nous rendre compte de l'endroit d'où il partait,
pour se Jiriger SUl' Carhaix, en contournant, sur une pe~te
douce, les côteaux, 'et en franchissant probablement d'une
façoIl directe les vallons, c'est-à-dire en formant siphon: en
effet, : nous n'avons pu rencontrer la moindre trace des
piles qui eussent servi à tenir suspendue au-dessus des vallons
si précieu~e aux conqué­
cette immense canalisation autrefois
rants, puisqu'elle leur amenait à jet continu et en quantité
les eaux des sources captées au passage, dans les
abondante
flancs des collines. '.
Pendant. longtemps, nous nous sommes laissé dire que l'a­
queduc était alimenté par les immenses étangs q.ui se trouvent
t kilomètre environ du bourg de Glomel, Côtes-du-Nord .

Ces étangs sont situés poui' ainsi dire au sommet des Mon­
tagnes Noires, et leurs eaux servent aujourd'hui à alimenter
des deux côtés, moyennant un bief neutre ou nœud, le canal
de Nantes à Brest. Ce qui nous prédisposait en faveur de cette
opinion généralement adoptée dans le pays, c'était le nom ab­
solument latin d'un villag'~ qui se trouve tout à côté des étangs.
Ce village conserve toujours comme nom propre le mot Ope-
7'llfl', qui, semblait-il, donnait bien l'idée d'un grand ouvrage
ou 'd'un grand chantier pour travaux publics. Chose assez
surprenant.e également: il y a au-delà des étangs un village
qui s'appelle en breton Stilng-[{er-.-tës, ce qui veut dire l'étang .
de [(er-Je.'). Il est vrai que lOùt près des étangs, du côté de
Glomel, il y avait sùrement un établissement romain, cal' on
trouve encore en cet endroit une certaine quantité de .débris de
briques, et il ne serait pas impossible que ce fCtt là un poste
avancé de Carhaix, à moins toutefois que ce oe fCtt un chan­
tier de travail pour la construction de l'aqueduc .
L'examen de la configuration du Lerrain amène à renoncer
bien vile ;'i l'hypothèse que l'aqueduc pouvait être alimenté pal'
les étangs de Glomel: on arrive en effet sans effort à se rendre
bien compte que c'est seulement grâce à d'immenses travaux
d'art que lecanal peut être alimenté ducôté de Brest,et par suite,
pOUl' amorcer l'aqueduc, il eùt fallu faire les mêmes travaux.
Le point de départ du mOl1umeqt est non loin de ces étangs
de Glomel,à envi ron 2 kilomètres, mais sur le versan topposè des
montagnes.Lorsqu'on se rend par la route vicinale de Glomel
à Plévin, on trouve, à moins de-2 kilomètres, de distance une
vo.ie charretière,à droite,conduisant au village de Coat- ar-Scaa,
Bois du sureau: on sait que le sureau pousse surtout en terrain
en terrain sur eau. C'est là que se trouve
humide, c'est-à dire
le commencement de l'aqueduc. Dans le flanc de cette
montagne, à une hauteuT' d'environ '213 mètres au-dessus du ni-
veau de la mer,a été faite la première captation d'eau de source.
En cet endroit, une magnifique nappe d'eau jaillit, encore au-

jourd'hui,à traversun tronçon de l'aqueduc. De cette hauteur,
l'aspect du pays est fort beau, et le regard embrasse une éten­
due immense de-terrain jusqu'à la ligne des montagnes d'An'hée .
Nous ignorons si J'on a quelquefois rencontre dans cette
région quelques .autres traces .de l'aqueduc. Ce qu'il y a de
certain, c'est qu'au bourg même de Paule (Côtes-du-Nord),
nous avons nous-même vu dans l'ancienne église un immense
quartier de ciment romain, ressemblant en tous points aux
bloes dont était composé l'aqueduc. Ce morceau formait le
soubassement de la première colonne du côté de l'Evangile.
Le recteur actuel, M. Armand Guillou, nous a dit qu'il
avait pris soin de le remettre à la même place; en ' creusant
les fondations de la nouvelle église, reconstruite à l'em­
de la première, on n'a trouvé aucune trace de l'a-
placement
Il est à croire cependant qu'il passait non loin de là,
'queduc.
plus que ce point est sensiblement à égale distance
d'autant
Coal-ar-Seao et l'endroit où nous retrouvons des traces
entre
de la construction. De plus, Paule se trouve en ligne assez
directe avec le point de départ du conduit d'eau et le village
nous en retrouvons de nouveaux tronçons. Nous
dans lequel
ferons également remarquer que Paule est à peu près sur le
milieu de la pente qui existe entre Coa~-ar-Scao et la maison
de Aerdélan, près du village de Quéhélan.
Pour arriver à la maison de Kerdélan, l'aqueduc avait à

traverser le vallon dans iequel fut creusé plus tard le canal de
Nantes à Brest. C'est ce qui explique ce que l'on dit générale­
le pays, à savoir, que ce monument a été sectionn$,
ment dans
lorsqu'il a fallu creuser en cet endroit le lit du canal. Cette
croyance populaire elle-même semble confirmer l'opinion que

nous .avons émise plus haut au sujet de l'absence de travaux
la construction du conduit.
d'art, dans

Lorsqu'après avoi!' fmnchi le canal, nous nous sommes
rendu un peu au-delà de la route de grande communication

entre Carhaix et Rostrenen, nous avons trouvé, en maint.s
endroits des traces incontestables de l'aqueduc. 10 Sur le bord
même de la grand'route, tout à côté de la maison s'appel~nt
aujourd'hui la maison de Kel'délan,il y a un tronçon bIen
visible. 2° Dans l'aire qui est contre la maison d'habitation,
existe un autre tronçon également visible. 3° Dans la carrière
de Jlosquelvr'l1, c'est-à-dire du côté Est du petit vallon qui
se trouve en face àe la vallée du canal, nous avons trouvé un
tronçon qui est mis à découvert sur une longueur de 7 à 8
mètres. ",40 De la carrière de Rosquelven,l'aqueduc remonte
le vallon jusqu'à une distance d'environ '120 mètres. DO De
là, il se retourne assez brusquement sur l'autre côté du vallon
et semble le redescendre assez directement jusqu'à son arrivée
dans l'ardoisière qui se trouve en face de celle de Rosquelven .
. ' Dans cette ardoisière, nous le retrouvons à découvert, grâce
aux travaux des carriers, à une profondour d'environ '1 m. 20,
de cet endl~oit, il fait un détour, afin de gravir la petite crête.
qui est au-dessus de cette carrière. En effet, nous le retrou­
vons dans la douve de la route vicinale qui conduit vers
Maël-Carhaix, à 20 mètres à l'Ouest du village de KeI~hélan.
- 6° A 40 mètres à l'Est de la maison d'habitation, dans la .
voie charretière, nous trouvons de nouvelles traces du
monument. 7° Decet endroit,l'aqueduc serend au-dessus du
moulin de Kel'gnioll. 8° Ensuite, toujours en côtoyant dou­
cement les élévations de terrains, il se rend vers le bois du
Roseau l, où il est encore visible. 9 De ce bois, il se dirige
peu à peu vers le village de Keroguiou.. '10 De cet endroit, Ü
se rend à f(ercoaguet. A 80 mètres à l'Est du village, contre
le chemin creux y conduisant, en face nous retrouvons
fois dans des condition particulières. En
l'aqueduc, mais cette
pénétrant dans l'intérieur, on a pu remarquer que le canal
ici n'est pas voûté en béton, mais qu'il a été creusé dans le
roc; le plafond est parfois très haut, et ôn y voit la trace de
deux ou trois puits qui devaient servir à extraire,directemeht

par le , somme,t de la crête, les matièrés enlevées. De cet
espèce de tunnel sutgit un véritable ruisseau qui fournit
aux besoins de tout le village,Dans les deux côtés 'du ruisseau ,
à la sortie du tunnel, on voit encore des blocs de ciment,

qui sont visiblement restés dans leur portion primitive.
Au village de Kervoaguel, un des propriétaires, M. Pouli,
zac, nous désigne, avec une grande assurance, le par­
cours sui~i pa-r l'aqueduc sur cette portion de terrain;
nous conduisant dans une garenne contigüe au village­
puis,
du côté de l'Ouest, il nous fait voir à chaque pas, en ligne
et sur un parcours de 150 mètres, des morceaux
droite
concassés de ciment. Après avoir j'emonté pendant quelque
200 ou 250 mètres le vallon, du côté Est, l'aqueduc retourne
par le côté Ouest sur une Ugne sensiblement parallèle: il

traverse un petit bois de taillis, dans lequel il a été rencontré,
il passe dans une prairie dont les irrigations se font en
puis
,partie, en suivant le niveau de l'aqueduc. De cette prairie,

nous descendons dans une route fort creusée qui monte vers
l'Ouest, c'est-à-dire ve'rs le village de Hel/ester: à 13 hauteur

du sol de la prairie c'est-à-dire à une hauteur d'environ 2 m.
. par rapport au fond de la route, nous trouvons, à droite et à
gauche, les traces du monument Du côté de la prairie, la
section est faite verticalement, ce qui permet de considérer
sa forme. De Kervoaguel, nous nous
l'aqueduc dans toute
rcndons au Hellester. A '1580 m. de ce village, et dans la
route qui nous y conduit, nous trouvons de nouvelles traces:
à notre gauche, contre les rebords de la route, nous voyons les
de ciment, mais sous nos pieds, nous avons le fond
morceaux
même de l'aqueduc .. et le ciment qui le compose ici est plus
que la pierre schisteuse dont il est entouré: de
résistant
chaque côté, mais surtout du côté Ouest, qui est celle de la
pente, la pierre est usée, en sorte que les morceaux de ciment
en saillie. En continuant la même route, nous arrivons
restent
à '150 m. du village du Hellester; en cet endroit, il nous est

donné de retrouver à nouveau le béton, qui se laisse voir ·
de15 deux côtés du chemin creux, à une hauteur de '1 m, 40, Ce
du côté du Nord, nous distinguons deux t.ronç.ons dont les
dimensions paraissent les mêmes, tant . à 1'll1teneur qu a
l'extérieur, L'un de ces aqueducs a-t-il été construit pour
faire une captation d'eau à une certaine distance, ou serait-ce
là simplen1ent un travail défectueux qu'Ü a fallu recommencer?
c'est ce que l'avenir pourra, nous l'espérons, éclaircir un
jour ('1),
Du lieu où nons sommes, le travail ' en béton semble se
diriger vers le Sud-Ouest, afin sans doute de ménager la pente,
etd'a vancer toujours en cotoyant autan t que possihle les crêtes,
. Aussi, en arrivant à côté du village de P01'z·ar-Plaç, nos
recherches n'ont pas été longues pour retrouver d'autres ves-
tiges du travail romain Dans la pente qui se' trouve à 100 m .
. à l'Est du village, et qui conduit au moulin, nous apercevons
d'abord, en un endroit, des blocs de ciment protégés par les
talus qui bordent la voie charretière, et un peu plus haut et
du village, nous voyons à notre droite un muret nou­
plus près
vellement construit dans lequel on a eu 'soin d'incruster 1) ou
6 morceaux de ce béton. De IJof'z-ar-Plar, l'aqueduc se dirige
Lost-al'-C' hout, et contourne pour y arriver la large cor.
sur
line qui sépare ces deux villages. En parcourant un immense
champ situé à l'Ouest de cette colline, nous avons trouvé beau­
coup de morceaux de briques, Le monument, selon touLe appa­
là (2); on nous a également affirmé
rence, devait passer par

(1) Le mot Hellesle1' permet, en le décomposant, de trouyer en lui le nom
même de cetle !'aII.l~fication. En ef!et, suivant Le Gonidee, Ileal ou Hel. en
Cor~oua~lles, slgnl.lle la fourche d ~ne charrue, les deux branches que lient
cclu~ qUI ,la condUIt: Hel voulant dire branches, Hel e ste1' doit sianifier la
ramIfIcatIOn de l'eau courante. . 1:>
(z) ,Aussi M. ~rnest Bernard, mair.e de Car~aix, . que n?us ,avons pu con­
sultel au .?ermel m,ornent, nous a- t-ll affirme qU'li a IUI-meme rencontré
tout derl1le~ement .I aqueduc dans cette garenne, -pendant qu'il y dirigeait
une plantatIOn de Jeunes hêtres: parcelles n s 717 7'/8 7l\J du plan cadas-
tral, section C, du Moustoir (Côtes-du-Nord). ' ,

que le monument romain s'en allait de cet endroit dans la di-
rection deIù1'lilncf (l) Des environs du village de Kerlanel,
l'aqueduc prend la direction du village de J{ergor-vou; car
dans un champ, à 300 mètres environ au Sud-Ouest de cette
il y a un téonçon visible entre les parcelles nos 70 et
maison,
76 du plan cadastral de Plouguer. . .
de Kérgorvou que I.'aqueduc se serait
Serait-ce maintenant
la cave d~ M.de Kernaëret,qui devait habitû à l'époque
dirigé sur
de La Tour-d'Auvergne la propriété portant encore aujourd'hui
son propre nom? La chose ne paraît guère probable, et nous
à croire que le monument romain devait cô­
. înclinons plutôt
toyer, par les côtés Est, Sud et Ouest, la crête du moulin à
à vent, pour arriver, par-dessüs le village çie Persivien, à
rejoindre le yillage deSaint-Anthoine. Là en effet, à l'extré­
mité Ouest des anciennes dépendances des premières reli­
gieuses hospitalières de Carhaix, nous trouvons, creusée dans
le rocher, une grotte qui a ùne ressemblance bien frappante
avec l'entrée de l'aqueduc à [(enoagu('{, et qui pourrait par
suite avoir fait partie de l'aqueduc, d'autant plus que hl grotte,
en apparence très profonde, semble s'étendre justement dans
la direction de Persivien, c'est-à-dire du côté par lequel nous
présumons que la maçonnerie romaine devait passer. Outre
cela, cette grotte confient de l'eau, quoique en moindre quan­
lité que celle de Kervoaguel. En tout cas, une chose est cer­
c'est. que l'ouverture du tronçon connu de tous les
taine,
archéologues qui ont visité Carhaix est visiblement dirigé sur
le village de Saint-Anthoine. D'autre part, le champ portant
' le N° cadastral 27, qni se trouve immédiatement de l'autre
côté de la route, lorsque de l'endroit du monument historique
• on regarde le village de Saint-Athoine, contient, lui aussi, un

tronçon de l'aqueduc, ainsi qu'un autre champ plus bas, à

. (1) On nous a dit qu~ dans une prairie non loin de Penalan (Moustoir),
on a rencontré des mor" ceaux de ciment: fauL-iI y voir des vestiges du
trajet cie l'aqued uc ?

l'Est, qui est porté au plan cadastral sous le no 30. Ces mor­
ceaux sont également l'un' et l'autre dans la direction de la
grotte de Saint-Anthoine. Remarquons en passant que dans
le champ no 27 on a rencontré un hypocauste, en 1880 ou en

Avant de nous éloigner de ce monument dont les débris
à tous les passants les travaux gigantesques exé­
rappellent
cutés sans doute par nos pères,sous les ordres des conquérants,
nous voulons fournir un détail auquel nos confrères en archéo­
logie surtout ne resteront pas insensibles; c'est que ce tronçon
d'aqueduc va bientôt, grâce aux bons soins de la Commission
des Monuments historiques, ètre protégé par une grille en fer.
oÏl a enfin compris qu'il fallait arrêter,quand il en était temps
le vandalisme de certains étrangers, qui parfois se fai­
encore,
peu scrupule d'en détacher des morceaux de ciment
saient
romain! . .
la publication que nous avons mentionnée au commen­
Dans
cement de cette notice, ' Bizeul nous dit, pages 25 et ~6:
({ ... ' L'aqueduc que j'ai observé dans sa partie sortant à
« l'Est et très près de la grande route de Callac, dans un che-:
({ min vicinal un peu creusé, et à peu près parallde à cette
({ route, est en entier formé de ce même béton (2). Il (l'aque-

Il) Un précieux renseignement, recueilli avant de mettre sous presse de
la bouche de M. le maire de Carhaix lui-même, confirme complètement
l'opinion que nous yenons 'd'émettre: c'est que M, Bernard a lui-même vu
dans la côte du moulin à vent, pendant que se fabait la construction de
la nouvelle route de Carhaix à Rostronen, un tronçon du monument mis
à découvert. De plus, nous apprenons que le monument au-dessus de
Saint-Anthoine .. , et en fare de Persivien, passe également dans les champs
no' 79. 8J et 84., plan cadastral de Plouguer.
(21 Bizeul dit plus haut que les nombreux pâtés de béton qu'il a trouvés
de tous côtés sont uniformément composés d'une chaux employée en une pro­
portion dépassant moitié, et dans laquelle ont été jetés. a"u hasard une grande
quântilé de pierres, grosses comme notre macadam actuel, ainsi que de
fragments de briques.
BULLETIN ARCHÉOL DU FINISTÈRE TOME XXVII (Mémoires) 5

« duc) présente une voûte .cintrée d'une hauteur approxima-
« live de 15 à 20 pouces, les pierrailles qui en encombrent lA
« fond ne permettant pas une' mesure parfaitement exacte,
« Sa largeur est d'un pi~d 8 pouces et demi. L'intérieur a été
« lissé ayec soin à ICI truelle. La partie observée paraît se diri-
« gel' à l'Est vers la ville par dessous un champ cul tivé. On
« connaît à Carhaix une caw où il vient aboutir. Le chemin

« vicinal dans lequel arrive l'aqueduc paraît avoir été, en' se
« creusant successivement, la cause de la destruction du mo-
« nument en cette partie. Je n'en ai pas aperçu la continua­
« tion sur l'autre bord de ce chemin vers l'Ouest, mais on
« m'a dit qu'en contournant dans sa déclivité le côteau qui est
« au-dessus du Champ-de-Foire il allait trouver une source
. « qui existe dans un champ situé à la sortie de la rue Neuve,
« sur la route de Callac, champ qui, de la source, a pris le
« nom de Parc-er-Pus i ou mieux Parc-ar-Pusf ou Chnmp-du­
« Puits, Un aqueduc était d'autant plus nécessaire à Carhaix
« que les puits creusés if de grandes profondeurs, dans le
« mamelon schisteux sur lequel cette ville est assise, ne don­
c'< 6ent que des eaux peu abondantes. ))
Les renseignements que nous fournit Bizeul sont exacte-
ment, sauf quelques détails, en" conformité avec l'idée que nous
nous sommes formée, après des études sérieuses, du tracé de
l'aqueduc dans Carhaix même. Ainsi que nous le dit Bizeul,
ce monument dont le parcours si immense démontre à lui seul

la grande importance qu e devait avoir Ker':Aës aux premiers

siècles de notre ère, ce monument, comme il nous le dit lui-
se dirige vers la ville par dessous un champ cultivé; ce
même,
champ porte le numéro cadastral 64,de la commune deCarhaix .
En 1892 ou '1893, la veuve Favennec, qui habitait une maison
construite dans ce champ, y fit creuser ùn puits, et les carriers
y rencontrèrent , l'aqueduc. C'est vraisemblablement dans ce
champ no 64, si ce n'est dans le champ relaté précédemment,

c'est-à-dire dans le champ portantlen027 (lj,quedoit se trouver
de l'aqueduc, autrefois destinée à l'alimenta­
une bifurcation
tion d'une fontaine, qui devait être une fontaine jaillissante,
du moins s'il n'y avait pas près de là un château d'eau,
Cf1,~t('llum. divisorinm, dans le même genre que celui qui a été
découvert à Nîmes en 1844, et qui formait un bassin circulaire
de 4 mètres de diamètre, sur 1 ID 40 de profondeur. Quoiqu'il
en puisse ètre à '300 mètres de ce champ,c'est-à:'dire à l'Ouest
des champs no 27 et no 64, nous trouvons le champ no ~9, du
fond duquel feu M. Pierre-Jean Rivoal avait, il y a une ving­
taine d'années, exhumé, à une certaine profondeur, une quan-

lité cie pierres œuvrées, dont la plupart étaient de dimensions
énormes; ces pierres on t servi de base à la construction de
la nouvelle église de Carhaix qui a été consacrée en 1882 :
chose assez remarquable, ces pierres portent des traces de
scellements Une tradition ayant cours à Carhaix rapporte
que ce devait être là autrefois une des fontaines ou un des
abreuvoirs de J'ancienne cité gallo-romaine, bien qu'il soit
plus probable que l'abreuvoir se trouvait loin de cet
endroit, dans la direction Nord-Ouest de la ville, ainsi que
nous le dirons dans la seconde partie de ce travail.
Suivant la citation que nous avons faite en commençant,
« On m'a dit qu'en contournant dans'
Bizeul a dit encore:

« sa déclivité le côteau qui, elc ... ». Il est certain que l'a que- ,

duc, de l'endroit où nous l'avons visité au haut du Champ-de-
Foire, se dirigeait vers le Nord dela ville actuelle. Mais, s'il
se rendait, comme le soutient Bizeu!, jusqu'à une source qui
se trouvait au haut de la rue Neuve, et surtout dans un champ
de . Callac, par exemple dans le champ
sur l'ancienne route
nommé Parc-Hent-ar-Pavé-Neoez (c'est-à-dire le Champ du
(1) Cc champ n° '27, qlJj n'est nullemenl SUI' la roule cie Callac, s'appelle .
J'm'c-œl"- Puns. Le champ n" cadastral 64 s'appelle lui tlussi LioTs-ar-Puns.
~ Les champs nos /(98 et 50:ï , situés fi l'ouest de la .ville, portent également
ce nom. .

• chemin nouvellement pavé), à travers le ' champ no 2;59,
dans lequel on a trouvé, dernièrement, de nombreux débris
de constructions romaines (1 l, il faut convrnir que le canal
faisait là surtout un extraordinaire détour, et qu'il ' remontait,
sans utilité bien apparente, avanl de descendre dans la ville
·de Ker-Aës . Il est plutôt probable qu'on. avait s.implement
capté cette source, moyennant un conduit moins important
De cet~e manière, on amenait facilement à l'aqueduc principal

cette autre source, qui sera la 4 captée à notre connaissance:
1 Coat-ar- Scao,2° Kervoaguel,;)o Saint-Anthoine,4o enfin Parc- ·
ar-Puns Ce qui nous porterait à croire que le conduit princi­
pal passait, non pas à l'Ouest, mais à l'Est de la rue Neuve, et
beaucoup nlus bas que le champ indiqué par Bizeul, c'est que
tout près de la venelle qui ,du milieü de cette ancienne rue N eu ve,
conduit directemeut au haut du Champ-de-Foire, nous voyons
bon nombre de blocs de ciment; à 40 m'. plus bas, nous trou­
vons, formant la margelle d'un puits et autour de ce puits qui
e~t au milieu de la rue, où plutôt de la route qu'on appelle
ne soit plus pavée depuis plus
encore la rue Neuve, quoiqu'elle
de 60 ans, nous trouvons d'immenses blocs ayant, suivant
toute apparence, fait autrefois partie du monument romain.
De plus, au coin du champ no 8'1, en face du coin Nord-Ouest
de l'enclos des Augustins, on a creusé. il y a environ 4: ans,
les fondations d'une maison, et Of) y a retrouvé l'aqueduc lui­
même, dans toute sa forme. A côté de cette maison se trouve
encore en ce moment un immense bloc de ciment.
Ce qui,maintenant,déno te d'une façon assez certaine qu'il y

avait captation de' source, à une hauteur quelconque aux en­
virons de la rue Neuve. c'est qu'au bas de cette rue on a ren­
. contré, il y a 2 ans '1/2, en creusant les fondations d'une
maison bâtie par Pierre Le Du, de Carhaix, un tronçon de
(1) Non loin de là, plus \bas à l'Est se trouyent deux courti ls, ll'" IN'!
et 80, qui s'appellent tous deux Liol's-m'-Puns, et un champ n" 85 . qui se
nomme Pa'J'C (l1'-Puns.

LLI

LLI

-LLI

l'aqueduc contenant une eau des plus limpides et en quantité"
assez considérable" Une preuve également que cette eau de
source coulait avec un certain élan à travers le conduit, c'est
qu'à environ -100 m plus haut, dans le verger portant les nOS 90, .
91, 92,93 et 94, un nommé François"Le Roux ,de la"rue Neuve,' .
de creuser un puits, entendit assez dis- .
s'étant avisé,un jour,
tinctement le bruissement d'un ruisseau. Croyant qu'un e ma -' .
son puits, Le Roux cessa
gnifique source allait jaillir dans
pendant quelques temps le travail de forage ; mais il ·
lui fallut creuser encore et pendant longtemps, il put se per­
le bruit provenait uniqu.ement de l'eau
suader sans peine que
qui circulait, à une distance de quelques c.enlimètres, au tra-
vers de l'aqneduc.
Après avoir relevé . le parcours de cet aqueduc, un
des plus remarquables que l'occu'pation romaine ait laissé
dans l'Ouest de la France, après avoir suivi ses sinuosités

capricieuses, ses divers circuits ingénieux et savants, nous
entrons avec lui dans Carhaix. Il nous reste à l'étudie!' dans

la vieille cité: distribuant par ses différentes artères, l'eau
vive et bienfaisante qu'il assurait aux soldats et aux citadins .

III 1 1 . ... "1 "t

Il. Distribution eles eaux à Ua·rhaix .

La notice publiée par Bizeul, à laquelle nous avons fait de
nombreux emprunts, nous dit, page 2~ : ( c Il est très certain
« qu'à Carhaix le sol cache une très grande quantité de débris
« antiques, et que la main niveleuse de l'homme y a laissé fort
« peu de mon umen ts debout.J'en puis parlerde science certaine,
(\ ayant accompli, en 1836, ce pèlerinage archéologique aU9uel,
(( en qualité deBreton,je me croyais obligé. Cepenqant,dans une
\C course rapide de quelques heures seulement, je pus me con­
« vaincre, par l'immense quantité de fragments je tuiles à
« rebords, qui, non seul.ement .se trouvent dans l'intérieur de
(( la ville, mais encore couvrent tous les champs d'alentour,
«( que l'étendue de Carhaix, sous la domination romaine, était
c( bien plus considérable qu'aujourd'hui, et que cette ville,
(( parfaitement posée sur un mamelon, à pente douce, d'où
« elle domine une plaine vaste et fertile, devait couvrir de
« ses bâtiments la plus grande partie du mamelon. D'autres
(\ restes, éyidemment romains, se trouvent presque partout
le' sol à fleur de terre~ dans tout ce qui a fait partie de
( sous
« l'ancienne ville. Ce sont de très larges pâtés de béton com­
(\ posés, comme on sait, d'une chaux employée en une pro­
« porlion dépassant la moitié et dans laquelle ont été jetées au
« hasard une grande quantité de petites pierres grosses comme
«( notre macadam actuel, ainsi que des fragments de briques .
« Cette composition est d'une incroyable dureté. Je crois que
( ce béton a été employé pour former le rez-de-chaussée des
« maisons. On n'en peut pas bien connaître l'épaisseur; mais,
l( autant que j'ai pu en juger en quelques endroits, elle doit
un pied. J'en ai observé des plat.eaux considérables
( dépasser
« sur les bords de la rue Neuve, en dehors de la ville actuelle

II au- dessous du champ nommé Parc-Post, dont il est sorti des
«( monceaux de débris de tuiles à rebords. J'ai trouvé aussi du
« béton prés de l'église de Saint-Piùre. Au reste, on m'a

« assuré qu'on ne pouv.ait faire aucune fouille dans la ville de
« Carhaix, ni dans ses abords, sans y rencontrer des tuiles,

« des briques, du béton. On en a beaucoup découvert, en
« aplanissant la place d'armes, vis-à-vis de l'hôpitaL» "
L'importance peu ordinaire aGcordée par Bizeul à l'ancien
Ker-Aës, semble être confirmée par un article 'paru en t834 '
dans l'Auxiliaire Breton, journal de Rennes . Cet article, le
voici: « L'occupation de la Bretagne par les Romains a été
« constatée par quelques écrivains qui l'ont peu ou mal visitée.
« La découverte qui vient d'être faite à Carhaix paraît devoir
« lever tous les doutes à ce sujet. Ces jours derniers, des ou ~
« vriers en creusant , des fondations dans la partie sud de
« Carhaix, près de la maison du brave et savant Latour-d' Au­
« vergne, ont rencontré à 1v pieds de profondeur, une mu­
« raille de construction romaine, en briques de Hj pouces de
« long sur 10 pouces de large, en tou ~ semblables à celles
« décrites par Vitruve. Au pied de ce , mur, qui s'étend du
« levant au couchant, est une plate-forme en maçonnerie de
« sept briques d'épaisseur, les unes sur les autres, liées en-
« tre elles, ainsi que celles du mur, par un ciment d'une
« grande ténacité. Ce ciment est composé de briques grossjè
« rement pilées et de moitié de chaux. On n'a pas encore de­
« viné à quel usage était affectée cette muraille, percée d'ar­
(! ceaux, dont les cintres sont parfaitement conservés Le sol
« qui recouvre ces maçonneries est composé de différentes
« couches irrégulières de débris d'édifices, où l'on remarque
« des traces d'incendie, des masses de bitume, des morceaux
« de marbre blanc, des fragments de vaisseaux en terre cuite,
« des ossements d'animaux et même quelques-uns apparte-
« nant à l'homme ..... » ,
Ces documents dont nous venons de faire là citation, sem-
bien nous autoriser à rechercher dans Carhaix les traces
blent
de l'aqueduc, un peu dans toutes les directions~ du moins
dans l'espace que devait occuper autrefois l'ancien ne cité des

Romains; d'ailleurs, Bizeul a suffisamment réfuté lui-même
celle parole surprenante de Cambry : (( .. , . .l'aqueduc de
Carhaix, dont on prête la èonslrucLion aux Romains es.t cer- .
. lainement un ouvrage gaulois. \Voyage dans le département .
du Finistère, 179-'1:.) . .
Ce sera là, hous l'espérons, le moyen de déterminer d'une
façon plus que probable les grandes lignes que suivaient les
ramifications principales, pour distribuer les eaux dans toutes
les parties de la yille. ' .
Nous connaissons sur divers points du mamelon l'existence
de ciment ressemblant absolument à ceux qui com­
de'blocs
posaient l'aqueduc, mais se distinguant de la composition des
dallages des maisons et des places publiques. Pour avoir la
plus ferme conviction que ces blocs ont 'un caractère très diffé­
rent, il nous a suffi de bien examiller les énormes quartiers
retirés, il y a peu de temps, d'une immense place, située à
200 ru à l'Ouest de l'église de Carhaix, et à 80 ru au Sud de
l'église de Plouguer. Ces débris, extraits il ya 3 ans par M. de
Léséleuc, sur une aire d'environ 30 ou 40 ares, d'un champ
qui figure au 11"' 308 du cadastre, et qui s'appelle encore au­
jourd'hui Pw'c-aJ'-Sinagog (champ de la synagogue),sont com-
posés de pierres en général aussi grandes que celles qui servent
aux maçonneries ord.inàires, et certains échantillons de pierres
ayant servi à cette composition, sont très volumineux.
Outre ce~a, on ne trouve guère dans ces pâtés de fragments
de briques noyés dans 18 ciment. Enfin crs quartiers dont on
a trouvé des sp.ecimens en deux autres endroits, (jardin de
M. le docteur Marchais, et, d'après M. Pol de Courcy, derrière
le cimetière de Plouguer, SUl' la place du Marc'hallac'h, où
.existaient autrefois soit desplaces publiques, soit des maisons),
en général ornés à leur surface horizontale, de dessins
sont
ès riches, forma'nt par une heureuse comhinaison de
parfois tr
teintes, des mosaïques qui seraient encore aujourd'hui admi-

rées par les céi'amistes,

Il en est bien autrement des pâtés que l'on trouve, un peu
cla ns toutes les directions, 'tantôt à fleur de terre, tantôt dans
les constructions de simples murs ou de maisons. Tous ces
fragments, sans que nous ayons trouvé un seul qui pût former '
exteption, sont composés de petit macadam noyé en même

temps que des morcêaux debriqu8s, dans le ciment.
L'opinion que nous venons d'émettre, semble assez cadrer
avec les renseignements recueillis en particulier clans les écrits
de cieux archéologues, qui ont eu à s'occuper , de tràvaux du
même genre, L'un cI'eux, M. Bouvet-Jourdan, nous dit au
sujet. des aqueducs qui amenaient à Chartres les eaUx des
villages de Morancez et de Vert :- « Ces aqueducs sont
« presqu'à fleur de terre; ils ont 18 pouces de largeur, et la
« maçonnerie en est composée de pctits cailloux liés par Un
« mortier devenu aussi QUI' que la pierre, J) L'autre, M. Beau- .
lieu, dans sa notice sur les antiquités de Vichy-les-Bains, nous
mentionne un aqueduc en béton, dont l'intérieur, enduit en
ciment romain, avait 0 fi 5'0 c. en tous sens, et il ~ajoute: « En
« creusant les fondements de l'établissement des bains, les
(1 ouvriers brisèrent d'énormes masses d'? béton, et dans les
{J. champs voisins du cimetière, on en trouve des couches
« d'une grande épaisseur, que les habitants du lieu taillent, et
« emploient à bâtir. Il M. de Léséleuc, lui aussi, ::l fait usage
de morceaux de béton, pour la construction d'un pavillon
contre sa maison d'habitation, mais précisément à cause des
blocs de pierres qui entraient dans leur composition il a pré-
féré diviser les quartiers~ pour en faire servir les débris comme
appareil ordinaire. Cette division n'eût pas été jugée utile,et
si les morceaux de beton etaient sor-
moins encore nécessaire,
tis de l'aqueduc, c'esl-à-dire si les blocs avaient été formé
de morceaux de ciment mélangé de petites parcelles de pierres
de briques concassées Dans ces conditions, en effet, il eût
été- facile de les tailler rie facon à les former en de belles

assises. C'est ce qui a d'ailleurs été pratiqué, chaque fois que

dans une construction, notre monument a eu à fournir son
contingent. Il nous sera bientôt permis de voir en maints
. endroits quelques-uns de ces blocs, demeut'és encore VI-
sibles, et r.estés dan's un état de consl~rvaLion parfaite, in­
crustés dans les murs et figurant da.ns les constructions,
où ils senlblent remplacer avec avantage les tailles de
. granit ordinail;e. .
Il ne nous a pas paru inutile de signaler la dislinction qui
existe entre les morceaux de ciment qui composaient l'aque-

ceux qui sen'aient à former les pavés des pla~es pu­
duc, et
bliques et les dailages des maisons, En faisant remarquer dès
le commencement le caractère spécial de ces' deux différe:lt.es
compositIons, notre but était de laisser entrevoir combien
les ramifications de notre monument devaient être nom- ,
breuses, dès lors qu'on trouve encore, pour ainsi dire à
chaque pas, des fragments d'une composition exclusi­
vement réservée, suivant toute apparence, à la .formation de
l'aqueduc même.
. De plus, les vestiges de trois hypocaustes dont nous avons
connaissance, peuvent également servir à établir une pré­
somption en faveur de l'existence de quelques I~amifications
de l'aqueduc, se dirigeant spécialement de ces côtés, L'hypo­
était, on le sait, une sorte de four d'estiné à chautIer,
causte
à travers la voûte, un appartement supérieur. Il avait une
certaine analogie avec les, anciens fours qui existaient encore
d~ns notre pays, à l'époque de la prospérité de
dernièrement
Iiindustrie linière chez nous: L'hypocauste moderne de notre
région servait à chautIer un appartp.men t qui lui était su per­
posé; la pièce supérieure s'appelait Crasunal (ems 11 JI, al:
. cba uffe un autre). .
Les hypocaustes, nous dira-t-on, n'offrent pas une corréla­
tion nécessaire'avec les détails de l'aqueduc. Il est pp.rmis
tout,efois de faire remarquer également que les établissements
qui étaient assez importants pour être pourvus d'un hypocaus-

te devaient aussi, selon toute apparence, avoir un service d'eau.
La chose est d'autant plus ' vraisemblable que les Romains,
habitués à tous les raffinements d'une civilisation aussi avan­
cée, sinon même plus avançée encore que celle d'aujourd'hui

sous certains rapports, faisaiént exécuter , les travaux les

plus surprenants pour amener dans' leurs établissements les
eaux les plus pures. On peut s'en convaincre sans peine par la
yue des canalisations extraordinaires entreprises dans tous les
environs de Ro.me: f'a.qua tergine l'eau vierge), par exem-
pIe, était amenée à Rome d'une distance d'au moins 7 lieues .
Les trois hypocaustes que nous venons de signaler, et dont
nous avons connaissance, sont situés sur trois points assez
('1). L'un se trouve dans la propriété qui est actuelle-
distincts
ment celle de M. Nédélec, c'est-à-dire à DO mètres à l'Ouest

de l'église de Saint-Trémeur. Le 2 se trouve en face de la
route qui fut autrefois la rue des OrfèlJres (2), dont il ne reste
que quelques vestiges; cette ancienne rue, devenue
plus guère
une simple venelle, s'appelle désormais la route du Prout; 011
le chemin de la chaprlle de Y.-D. du Prout. Le 3 hypocauste
se trouve dans. les dépendances de l'ancienne brasserie, c'est-à-
dire donnant sur la rue Cazuguel, en face de la maison des
Frères de la doctrine chrétienne. Le propriétaire actuel de
cette ancienne brasserie et de ses dépendances: a extrait de
l'hypocauste, il y a D ans, des briques aya'nt environ 0 m 30 c.
carrés, qu'il a fait servir au dallage de sa maison d'habitation.
Le Bulletin de la Société archéologique du Finistère a pu-
blié, en 1876, une notice de M. Le Quéré, instituteur à
le premier des trois hypocaustes que nous
Carhaix, concernant
(1) Ils sont tous trois SUl' une ligne qui va du Nord au Sud: celui du mi­
lieu est à 400 m. de chacun des dEUX autres.
('1) Le champ rie la Synagogue, cité plus haut, est non loin de l'ancienne
rue des Orfèvres. OnsClit que les J nifs suivent toujours de près les Con­
quérants; l'odéùerie leur. permet, surtout en pays de conquêtes, de réaliser
rapidement une fortune.

venons de mentionner, ainsi qu'une partie de l'aqueduc, se

trouvant à proximité .
• .... On a découvert, nous dit-il, il Y a quelques mois un
t( hypocauste, en faisant les fouilles pOllr la construction
« d'une maison ..... CeLLe découverle a été faite dans un verger
« situé à. une soixantaine de mètres au Nord-Ouest de l'église
. « paroissiale de Carhaix. et èonsiste en une excavation d'une
c( forme sensiblement carrée. Les côtés Sud et Nord ont une

« longueur intérieure de 2 20, et les côtés Est et Ouest, 2 015.
c( Au milieu du côté Nord se trouve une ouverture servant de
« porte d'entrée, d'une largeur de Om tiq. Les mu~s. d'une
« épaisseur de 0 m tiO, sont. en partie en pierres du pays,
« partie en briques, et ils sont enduits d'une couche de ciment
cc rouge de la même matière que les briques. Le parquet,
c( d~ne épaisseur d'environ 0 m 20, est une espèce de béton
cc pal'eil à l'enduit qui couvre les murs Je ne saurais dire la
cc profondeur de cette excavation, dont les côtés sont plus ou
cc moins en ruines; le côté Sud varie entre 0 m 90 et '1 m de
« haut, les autres côtés ont de 0 m 30 à 0 m tiO. La couche de
(c terre qui couvrait cette- excavation ne devait pas avoir plus
cc de 20 à 30 centimètres.
(c Il y. a 6 ou 7 ans, en creusaut les fondations .d'une autre
cc maison située à une dizaine de mètres de là, et dans les
cc travaux de déblai.ement (rUne route longeant cette maison,
tC on a mis à découvert une excavation qui, d'aprés ce que
(\ l'on dit, était semblable à .celle que je viens de décrire.
cc On y découvrit encore nn conduit qui, vraisemblable­
cc à moins d'un kilomètre de Carhah. Dans le pays, on pré­
e( tend que le réservoir d'eau de Carhaix qui, à cette époque,
(c était une ville très importante, se trouvait à quelques mètres
cc s~tllement des ruines que l'on a trouvées: ,)
M. du Châtellier a publié en 189;), dans la Re'l)ue archéolo-

gique, une notice sur qu~lques découvertes faites à Carhaix;
nous y lisons spécialement quelques lignes concernant .la dé­
couverte d'un autre hypocauste, qui serait, en admettant l'exac­
des renseignemen ts fournis précéclemmen t par M Le
titude

Quéré, le 3 ,ou le 2 ,retrolJvé en cette région, ou plutôt dans ce
même champ qui est a,ctuellement encorele verger de M. Nédé-
lec,et qui porte les nns cadastraux 518 et 519. Notre Président
nous dit qu' «. à la fin de 1890,M. Nédélec, ancien maire de
(( Carhaix, en plantant un pommier dans un verger attenan t
« à sa demeure, rue de l'Église, découvrit un hypocauste. Ne

«( voulant pas atteindre les racines des fruitiers voisins, )'ex-

(( , ploration ne fut malheureusement pas ~uivie sur ce point. »
Un rapprochement entre ces deux citations qui concernent.
spécialement l'un et l'autre des hypocaustes,nous a paru être
utile à établir. Nous avons en effet voulu fairé remartluer
combien ces deux hypocaustes si .rapprochés l'un de l'autre,
de l'aqueduc: il 'serait assez difficile, sem­
sont à proximité
ble-t-il, de ne pas voir entre les deux sortes de constructions
une certaine corrélation, eli ce sens que la présence de l'un de
ces monuments peut servir de fOl'te présomption en fa-
veur de la présence de l'autre. De 'plus, nous verrons bientôt
de ces hypocaustes, il y a
qu'à quelques mètres seulement
même, de fait, un petit castellii1n dilJiso1"iuln, un petit châ-
teau d'eau, actu'ellement à découvert, qui. communique avec
un puits distant de 8 mètres, et le puits · est alimenté par
l'aqueduc, ce qui prouverait encore davantage que la présence

d'un hypocauste suppose l'existence d'un service d'eau à porLée.
L'aqueduc, ou plutôt l'une des ramifications, déversait son

eau dans ce puits à une profondeur de 1 50, tandis que le
conduit servant à transmettre les eaux à l'espèce de cnstell-urn

diviso1"iwn, n'est qu'à une profondeur de Om80, ou Om8ü au
plus. Qu'on nous permette d'un autre côté de faire remarquer
que ce puits qui setrouve dans le vergel' de M. Nedélec, n'est
pas le seul qui communique avec l'aqueduc. Outre celui que

]e brave et savantLatour d'Auvergne nous a signalé comme
existant dans un cel;tain Pll/'c-ar-Puns (il, nous nous sommes

laissé dire qu'il en existe un autre, placé dans hi région de
Coat-or-Sello, et celui-ci reçoîtencore aujourd'hui, au travers
. de l'ouvrage en béton, à une profondeur d'environ 4 mètres,
si grande, que le puits creusé à
une quantité d'eau, parfois
une profondeur d'au moins 1.1 . mètres, laisse couler l'eau
par dessus la margelle. ".

Il nous eût été fort utile, pOUf nous diriger dans nos inves-

tigations, de connaître un certain nombre de ces sortes de
monuments, grâce auxquels il devenait si facile de bien déter-
miner la direction sinon même tout le parcours des différentes ·
ramifications du travail romain. A défaut de ces renseigne­
ne pouvons songer à obtenir, force nous est,
ments que nous
pour nous guider, en certains endroi ts surtou f, de prendre

comme points de repaire les hypocaustes que nous venons de
signaler. Cependan t, la présence de nombreux blocs de ci-
SUl' quelques emplacements, sera éga­
ment caractéristique,
lement pour nous d'un grand secours.
de commencer . à décrire la façon dont les eaux
Avant

devaient être distribuées dans Carhaix, il serait peut-être à
propos d'établir le .parcours de l'aqueduc principal, depuis le
. point où nous l'avons quitté, c'est-à-dire.au bas de la rue NeulJe,
jusqu'à l'endroit où il va déverser dans la rivière de l'Hi ère le
reste de ses eaux. Cette méthode semble être celle qui simpli-

fiera le pl us notre tra vai!.

Nous avons dit que .le travail romain, du · haut de la rue
Neuve, ou plutât si l'on veut, dn monument" histo1'ique, se

rend assez directement vers l'Est, par le côté Nord de la
ville actuelle. Et en effet, du bas de la rue Neuve, c'est-à-dire
(1') Nous trouvons en Carhaix deux Parc-ar-Puns, nos 4V8 et 505, mais
ceux-ci son l à l'Ouest de l'église de Plouguer, et non au hau t de la rue Neuve.

des extrémités Nord des sections cadastrales noS' ~46 et ~49
le monument se continue vers l'église de Saint Trémeur,
vraisemblablement à travers les sections ~29 à 545, mais
toujours soit en suivant, soit en côtoyant de très près la rue
Costier (Coz-tiez). Aussi a-t-on trouvé fort à propos, dans
l'emplacement même de l'église actuelle, quantité de pâtés de
béton, qu'on a fait servir polir asseoir le nouvel édifice. D'au­
cuns disent même que le monument existait en son entier
sous certaines parties de l'église. Lorsqu'on a cru devoir
le sectionnel\ l'on n'a pas manqué de faire accroire qu'on y
. avait trouvé jusqu'à des monceaux de monnaies romaines,

quoique personne ne puisse indiquer où ces monnaies auraient
Si l'on en croit la tradition populaire conservée jusqu'à
passé.
.. nous, les Romains, en s'en allant,auraient résolu d'empoi­
les eaux, ou tout au moins de procurer de fortes indis­
sonner
ceux qui les chassaient: C'était de leur part un
positions à
moyen ingénieux de cacher des trésors, que sans doute, ils
avaient bien l'intention de retrouver plus tard. à leur retour,

ne époque pl us heureuse.
A l'ouest de l'église de Saint-Trémeur se trouve une place
qui a servi de cimetière; le monument se dirigeait toujours
place et les sections. ~22, 521, ~19,
vers l'Ouest, entre cette
~18, 5'17. C'est au Sud, et en face des sections ~t8 et 519, que
nous trouvQns la sec.tion 683, qui a été ajoutée, il y a quelques
la section 684, pour agrandir la place en face de
années, à
l'église. Cette section 683, qui avait une forme bien singu-

lière, est précisément celle où nous pourrons établir le véri-
réservoir .
table
. Sm' la section 5'17, suivant que nous l'a dit M. Le Quéré,
une maison fut bâtie, il y aurait en ce moment
instituteur,
31 ou 32 ans. On y trouva, nous dit-il également, le monu­
sa forme. Mais ce que M. Le Quéré n'a peut­
ment dans tout.e
pas pu dire, c'est que de cet endroit on fit sortir un bloc
être
de ciment assez curieux. Il sert depuis d'abreuvoir pour le

un kilomètre. Les deux extrémités ont été comblées par du
ciment de Portland, en sorte que le bloc forme actuellement
une véritable auge, dont nous avons pris nous-même les di­
mensions intérieures: elle mesure Oro 30 de profondeur,
Om 50 de largeur d'un bout et Oro 40 de l'autre; la longueur
de 2ro 30 .
totale est
De cet endroit, le monument continue par les sections 116,
. 117, H8, et arri ve dans la section '1'15, qui est contre l'église
de Plouguer ,et qui sert de cimetière à cette paroisse.Lefossoyeur
Cadiou, un vieux serviteUl', a rencontré bien des
actuel, Jean
fois le travail romain, lorsqu'il s'est agi pour lui de creuser
les tombes, Aussi peut-il sans effort désigner à qui voudra les
endroits dans lesquels il a rencontré les vestiges de l'aqueduc.
Nous savons également que dans, la construction de la sa­
de Plouguer, qui date de 1514, suivant l'inscription
cristie
, 'gravée sur une pierre en dépendant, on a posé, à une hauteur
de deux m~tres, toute une rangée d'assises en ciment prove-
nant sans nul doute du monùment romain .
A partir du cimetière, l'aqueduc, à notre connaissance, n'a
été rencontr$ qu'en un seul endroit: c'est dans un champ qui

borde au Sud l'ancienne route de Brest à Angers. Ce champ
M. René Allél1ot; il s'appelle
est exploité actuellement par
Gueryez-Kerdaniel et porte les nos cadastraux 29Q-296-297 de
la commune de Carhaix,
. Quoique les traces primitives de la construction n'aient pas
été retrouvées, que nous le sachions, plus loin que cet endroit,
nous n'hésitons . pas à croire que le travail romain se conti­
nuait encore directement, au moins jusqu'au village de [{et­
neguez, en Plouguer, où tout le monde s'accorde à placer
l'Abreuvoir des Romains. Nous croyons même pouvoir ajouter
que le surplus des eaux Q.écessaires ou ut.iles devait être di­
figé à travers le canal, prolongé à cet effet jusqu'à la rivière
8ULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. . TOME XXVII (Mémoires) 6

de l'Hi ère, qui, nous semble-t-i1, ne se trouve pas à une dis-
ta nce de pl us de 300. mètres. .
En revenant maintenant sur nos pas, jusqu'à l'errdroit où
existe la première ramification du monument, nous nous
de~ sections ~0 , 60. et 6 t, dans lesquelles
trouvons tout auprès
il Y avaitsûrement un service d'eau . Nous avons dit plus haut
que feu M. Pierre-Jean Rivoal en avait extrait d'énormes
pierres œuvrées, en quantité très considérabie; il en aùrait

même retiré bien davantage, s'il n'était survenu à l'un des
ouvriers un accident fâcheux, qui détermina le propriétaire à
" suspendre le travail. Mais, ce que nous rrous étions réservé
d'ajou ter ici, c'est que ces pierres étaient rangées les
unes sur les autres, jusqu'à une grande profondeur, formant
un superbe travail d'art. De plus, les rangées supérieures
ainsi
formaient une immense surface plane. Ce qu'il y a également
de remarquable, c'est que les pierres de la couche supérieure
des traces bien visibles de scellement. Ne serait-ce
portaient
pas là l'indice d'une ancienne galerie ou balustrade en fer,
dans le genre de celle qui se trouvait autour des bains romains
en 18Vl:? Ce qui nous porterait à le croire,
dècouverts à Nîmes:
le château d'eau retrouvé dans le même endroit et
c'est que
conservé encore, mais sous terre a, d'api'ès la description qui
nous en a été faite, une grande analogie ·avec celui qui a été
à découvert à Nîmes,
mis
Voici ce que nous lisons à, l'article Châtf01t d'wu, page 06,
du compte-rendu du Congrès archéologique de Nîmes, année
-1897 : « Les eaux de "la Fontaine ne pouvaient suffire aux
« besoins d'une ville telle qlle Nîmes ancien . Sa principale
(( alimentation lui vint de la petite rivière d'Eure, amenée
i( d'Uzès, et pour le passage de laquelle fut jeté sur le Gardon
(1 le célèbre aqueduc qui en a retenn le nom. En 18.i4, seule­
« ment, on retrouva le principal cOi:ite'llum riioisoriwn de ces
« eaux sur un coin du rocher incliné, entre la rue de La Lam-
\( pèze et la citadelle construite en '1688. .

« Les restes de ce château d'eau consistent en un bassin de
li 6 de diamètre, profond de lm 40. Dans le mur circulaire, du
1 côté de la pente du terrain et vers la ville, à 0 III ti6 au-dessus
« de l'aire du bassin, s'ouvrent dix orifices de 0 III 40 de dia-
« mètre qui, deux à deux, déversaient les eaux dans des canaux ,
« séparés. Sur le sol même, devant les dix boucbes, trois ou-
It vt'l'tures de semblable dimension alimentaient un aqueduc
« ménagé sous les précédents. Des traces de scellement, pl1!s
(1 l'approchés du centre du bassin, semblèrent à Pelet l'assiette
« d'une cuveLLe de jaugeage. Sa destination étaJt,pensait-il,de
(1 1lI0dérer l'impétuosité des eaux se précipitant- par une ouver­

« ture de l 30de largesutt 2Qdehauteur.Làmême,unegrille
« et une vanne réglaient la quantité d'eau jetée dans le bassin.
« On croit qu'une balustrade l'entourait, autour de laquelle
« circulaient les gens chargés du service. Le mur de clôture
Il de ce chemin de ronde, circulaire à l'intérieur, présentait
Il extérieurement la forme d'un édicule carré. ))
En rapprochant de cette notice les renseignements que
nous avons nous-même recu'eillis au sujet du monument re­
trouvé dans Je champ nos 59, 60, 61, il nous a été facile de
nous laisser pel~suader que c'était bien ici également un châ­
ce champ appartenant aujourd'hui
teau d'eau qui existait dans
à Mme Rivoal. Nous savons en effet qu'outre cette immense
entisrement pavée de pierres de taille, qui devait,
esplanade
entou~ée d'une gigantesque ba-
suivant toute apparence, être
lustrade en fer, il y a encore dans ce même champ un très
grand réservo}r circulaire mesurant 1 m 40 ou '1 Dl tiO de
profondeur, et environ 7 ou 8 mètres de diamètre, suivant ce
qu'on a pu en juger approximativement, après quelques ten-

tatives de fouilles; les rebords intérieurs de cette vasque sont
en briques, tandis que le fond du bassin est en ciment, suivant
les renseignemenls que nous avons 'recueillis (1). '
(1) Le champ n" 5\:1 s'appelle toujOUt'S parc Tourtin : ce nom de Tourtin
est vraisemblablement composé de deux mots, Dour et d'in; or, la signi- ·
hcatton de Dour d'in, à moi de l'eau, rappellerait bien un service d'eau .

. Avant de nous éloigner de ce point, nous voulons signaler
une trouvaille assez curieuse, fa ile, il y a une quarantaine
d'années, non loin de là, dans un 'champ qui porte le n° ca­
dastral 26, et qui s'appelle Parc Limag-Bras. On y avait dé-
. couvert un monument de 4 mètres sUl~ ti mètres: tout cet
emplacement est occupé par tin e immense chambre ftinéraire,
toute voùtée en briques. L'intérieur, qui a une profondeur '
d'environ 2 mètres, contient une certaine quantité de cendres
étendues à une grande épaisseur dans toute l'étendue du
parquet. Sur cette couche étaient déposées tiO à 60 urnes,
des cendres et des morceaux d'ossements
contenant également
à moitié carbonisés, comme ceux qu'on a trouvés, il y a deux
ans, dans les 416. urnes retirées, la pluparL en notre présence,
tout près de là, par M. du Chatellier, de la nécropole galIo-
romaIne. '

Avant de sortir de la rue Neuve, l'aqueduc, après avoir
un embranchem'ent qui allait alimenter le château­
fourni
de donner connaissance. devait pro-
d'eau dont nous venons

duire encore deux autres bifurcations, dont l'une se dirigeait
vers le Sud, r'est-à-dire sur la place appelée Champ-eZe ,Ba-
taillp, et l'autre sur le village de . f{ f'rdreïn. Ce qu'il y a de
bien certain, c'est que la croyance générale à Carhaix même,
est qu'il y a un souterrain condui8ant du Champ-de-Bataille
au village actuel de Kerdreïn. Il est également certain que
sous l'emplacement même de la statue de La Tour-d'Auvergne,

on a trouvé des traces de l'aqueduc (1),et sur le parcours direct
(1) On sait que la statue de Latour-d'Auvergne fut inaugurée en .1841.
C'est M. de K6rntry père qlii mit en avant l'id6e ·de dresser . à Carhaix,
une statue à l'enfanl du Finistère. Il eut recours à tout le monde, au
département, à l'Elat, au chancelier Pasquier, à la Chambr~ des pairs. Le
scu lpteur MarocheLti ne voulut que les frais matériels de son travail. La
statue, en bronze, représente le soldat écrivain en simple grenad ier,pressant
sur son cœur le snbre qui! vient de recevoir du Premier Consul; elle est
placée sur un piédestalen granit, qu i est orné de quatre bas-re liefs: au
Sud, le héros sauve sur ses. épau les un soldat blessé (I77G) ; à l'Ouest, il
fait entoncr.r les portes de Chambéry (1792); au Nord, il prend congé des

de cet endroit à "Ia rue Neuve, c'est-à-dire tout autour de
la chapelle ' des Augustins, on trouve encore plusieurs
blocs de ciment romain ayant incontestablement servi à la
construction de l'aqueduc. Ce qu'il y a d'incontestable égale­
ment, c'est que non-seulemell t la ville s'étendàit autrefois
jusqu'au petit Carhaix et jusqu'à Kerdreïn, mais c'est que cet
endroit de l'ancienne ville avait une certaine importance, et
que tout à côté on a eu, en creusant la nouvelle route qui y
passe, à découvrir, à une certaine profondenr, jusqu'à deux
et trois couches épaisses de cendres séparées entre elles par
des nappes de terre transportée. Daris le cas où ces deux
branches"du monument auraient existé, ce qui paraît t.out
probable, c'est que l'une d'entre elles devait déverser le reste
de ses eaux directement au Sud, à savoir dan.s le petit
ruisseau qui est à QOO mètres de distance, tandis que l'autre
devait aller naturellement se déverser au Nord dans l'Hière,
à une distance d'environ 900 mètres, à partir du monument
principal.
Il ne semble pas que dans la région de la rUe Neuve et
le bas de la rue Coz-Tier, l'a,queduc ait pu avoir d'autres
dans
ramifications donnant sur le Nord, outre les deux que nous
venons de signaler. Cependant, sur un certain point du par-
cours du monument il a été remarqué une grille en fer qui,
vraisemblablement,laisse supposer la proximité d'une vanne;
mais cette vanne elle-même, si elle existait, devait corres-
pondre à l'une des trois ramifications signalées, plutôt qu'à

époux Le Brigant, dont il va remplacer le fils à l'armée; à l'Est, il est
tué à Oberhausen, en Bavière. d'un coup de lance au cœur (1800). A
['occasion de son centenaire, on -devrait bien rééditer ses ouvrages de lin­
guistique, (( ses recherches sur les antiquités des BI'etons » et ses « origines
gauloises », ne serait·ce que pour montrer à ceux qui nous jugent trop
ce brave, ce chrétien, qui portait toute sa vie
superficiellement combien
dan~ s.on havresac uri grand crucifix en ivoire, .conservé encore, avait lui
aussi à cœur de garder avec fierté la langue de sa mère, tout en restant le
modèle de la bravoure et du dévouement. ' .

une autre nouvelle, dont le manque absolu de vestiges ne per­
met pas de supposer l'existence .
Lorsque l'aqueduc est arrivé au sommet de la rue Coz-Tif t, .

c'est-à-d ire à l'end roit qui s'appela i tau trefois la (llace Bourrp( l) .
en face de l'auberge du Soleil-Levant, il semblerait que la ,
maçonnerie romaine. devait y avoir un autre embranchement,
qui serait l.e 2 se dirigeant sur le côté Nord, c'est-à-dire soil
vers le Petit-Carhaix, soit vers la chapelle du Fr-out, soit vers
la fontaine du Vérédic. Ce qui permettrait de le supposer, ce

sont des morceaux de béton rencontrés, dit-on, dans cette di-
rection, et en particulier dans les champs qui portent les nu-
méros cadastraux 112, 111, 1'10 ... De plus, de ce côté, il y a
eu des établissemeuts importants: dans les section's 109, '108:
107,228,229, 230, on rencontre parlout des restes de cons­
tructions; la couche de terre végétale elle-même dans ces
champs, est remplie de débris de briques et de poteries, par-
fois bien fines, qu'on appelle des poteries sa miennes.
A l'Ouest des sections nos 107, '108, '109, nous trouvons le

champ nommé Parc-ar-Prout, portant le no cadastral 22D,
que M. Nédélec avait comlpencé à fouiller en '1890 ; il Y a
des pierres de petit appareil ayant encore
été découvert, outre
à leur surface du ciment caractéristique, des constructions
des briques à crochets, puis des quantités de frag­
romaines,
de poteries parfois très fines. Tout cela reposait sur
menls
de cendre et de, charbon provenant d'un immense
'une couche
incendie', Dans les cendres, M. Nédélec trouva 5t monn.aies
en bronze, 6 en argent, et un vespasien en or. Plus tard,
M. Nédélec mit à jour tÜ,ut un appartement, dont l'un des
murs était en parfait état de conservation: dans l'un des
angles ' de cette habitation furent trouvés trois plats ronds èn
bronze recouverts d'argent, et trois casseroles en al'gent massif.
Nous avons dit plus haut que dans la région de la chapelle
(1) La rue de la Vigne est tout près de cet endro it ; on sait que les boutons
de la vigne s'appellent des bourres ,

du frout, à Guerge-ar-FrouL, nO cadastral HlO, on a rencon -
il y a quelques années, un hypocauste, gui malheureu~
tré,
sement n'a pas été suffisamment exploré. Enfin,il y a lieu
d'ajouter ici que dans la direction présumée du parcours
d'une nouvelle ramification, c'est-à-dire du côté de la fontaine
d'eaux ferrugineuses du ViT':dù~, no 144, ' un tronçon du tra­
vail romain a été, suivant ·quelques-uns, rencontré. .
Mais; il est une sorte de preuve morale, par laquelle nous
. voulons corroborer nos in'dications; c'est que le puits qui se
trouve dans le jardin de M Nédélec, et dont nous avons
la description, est mis en communication
donné plus haut
avec l'aqueduc précisément par le côté Nord,ce qui semble
illdiquer suffisamment qu'une ramification du monument exis-
tait plutôt de ce côté. Ce pouvait bien être ici une sons-rami-
fication de la 2 branche se dirigeant sur le Nord·. Le puits
du jardin de M. Nédélec, qui malheureUsement a été comblé
après avoir été exploré, se trouve lui-même, avons-nous dit
plus haut, en communication avec un service d'eau paraissant
avoir été assez important. Nous avons dit plus haut que l'a­
ses eaux dans le puits à une profondeur
queduc déversait
d'environ 1 m DO; et qu'au contraire le conduit qui servait
à transmettre les eaux jusqu'à l'espèce de petit castellurn
divisorium, n'est qu'à une profondeur de 0 m 80 ou 0 in 8D
au . plus. Ce conduit semble avoir à l'intérieur environ
o m 22 de large sur 0 m 18 de haut: il est composé de
,briques plates juxtaposées et reliées entre elles par du ciment.
Ce petit monument, à sa sortie d.u puits, semble se diriger

directement sur un parcours de 8 m, vers l'endroit où il se di- .
vise lui-même en troisaffiuents, qui formpnt avec le canal
transmetteur une croix dont les branches latérales sont incli-
. nées de 8 ou 10 degrés vers la branche - mère. Qes différentes ' .
. ramifications, restées jusqu'ici dans leur état primitif, sont de
. la même. structure, et paraissent'avoir assez exactement les
mêmes dimen~ions.

COMMUNE

PLONEVEZEL

Nous ferons remarquer ici, que tout auprès de cette partie

du monument ancien, le pr.)priétaire du verger a fait une
trouvaille aSSeZ curieuse: elle consiste en une section cie con-

duit d'eau de petites dimensions mais qui est formé d'une
ce petit canÇll en pot.erie rouge es~ rectangulaire
seule pièce:
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, et mesure en dedans
o m 12 X 0 m 0!~5

. On sait que Carhaix a été incendié plusieurs fois, mais en
particulier en l590, et que les troupes du corn te de Liscoat
s'acharnèrentd'unefaçon extraordinaireà en détruire les archi­
ves. C'est ce qui explique d'un côté combien sont rares désor­
mais les monuments romains qui existent dans cette ville, et

d'un autre côté combien peu de renseignements on trouve
pour aider à la reconstitution de ·l'ancien Ker-Aës .
De plus, dans les .temps modernes, le terrain sur lequel
de tous côtés .
repose l'agglomération actuelle, a été bouleversé
. Ainsi, dans un plan de Carhaix, dressé en 1820 avec la colla­
boration spéciale de M. Jobbé-Duval, géomètre de 1 classe,
nous voyons un champ figurant au cadastre sous le no 623,
dont on rechercherait inutilement aujourd'hui les traces. Ce
champ qui avait été mis sous verger plusieurs années avant
sa transformation complète, formait un trapèze assez régulier,
sauf du côté Ouest, et mesurait une. surface de 2,894 mètres
carrés. Ce que ce champ offrait de curieux, c'est que le niveau
du sol y était bien au-dessous de tout le terrain qui l'envi-
en sorte qu'il fallait une échelle pour y descendre.
ronnait,
La tradition rapporte ('1 ) que c'est justement ce champ qui
servait de réservoir, aU temps des Romains'. La chose paraî­
trait assez vraisemblatle, en ce sens du moins que ce champ
qui devait être profond, de 2 m aO au bas mot, pouvait par

(1) C'est ce que nous voyons d'ailleurs également dans la citation que
nous avons faite de la notice de M. Le Quéré.

suite contenir une quantité immense d'eau, c'est-à-dire
7,2:35 mètres cubes environ. De plus, celui qui a été le dernier
de ce verger avant que la ville n'en eeLt fait l'ac­
propriétaire
quisition définiLive pour le faire servir à agrandir et régula­
riser la place qui est ,devant l'église J a rencontré à une cer­
alJ-dessous de ra couche de terre végétale,
taine profondeur
en retirant quelques fruitiers, un pavé en béton. Enfin,. on
sail déjà que ]e tronçon principal de l'aqueduc existe tdut à
côté, à quelques mètres seulement, ainsi que nous l'avons dit.
Serail-ce bien cependant de cet immense réservoir que l'eau
se transmettait à Ponlmrûoten, qui est à environ 800 mètres
à l'Ouest, sur le bord de la route qui conduit à Châteauneuf
el à Gourin? La chose peut paraitre d'aUtant plus vraisem­

blable, que d'autres ramifications ne semblent pas avoir exis­
té dans cette direction, et que M. Pol de Courcy nous dit I l) :
« Ce qu'il y a de certain, c'est que dans les fondations même
de la maison assez récemmen t construite à Ponlmaloten, en
face 'du ch !/ulp dA SrLint-Trémeur, figurant aux I1')S cadastraux
476,477, .i78 de la commune de Carhaix, il existe des blocs
provenant d'un canal de moindres dimensions que celui dont
nous essayons de retracer les divers embranchements.
En revenant auprès ,de "l'église de Saint-Trémeur nous
trouvons, en face du coin Nord-Est du chevet de l'église, une
maison d'une certaine apparence, qui n" e date pas de plus de
20 ans. Cette maison est véritablement assise sur Je ciment
romain: des quantités de blocs de béton ancien en forment

les premières assises. On peut par suite fortement présumer
moins l'une des ramifications du monumenl traversait
qu'au
(1 ) « En rentrant dans la yille par la route de Quimper, près de l'enclos
« des Ursulines, on a trouvé dans une prairie ;', ' droite, des débris de
(( colonnes, des vases, des bronzes antiques. Des fra ~ men ts de sta tues et de
« pavé en mosaïque ont été également reeueillis ..... Des f.ourneaux d'hypo"
" causte, des débris deplacflges en marbre; des urnes cinéraires, et des
« f1lyaux ca1'1"és en terre cuite ..... nous ont été représen-tés .... » Ce serait
là ,une autre sous-ramification analogue à celle que nous avons supposé
eXister c llez 1\1. Nédélec.

cet endroit. Ce qui semble même autoriser à le croire, c'est
de superbes pâtés visibles à quelque distance
l'existence
plus loin.
En effet, à une cinquantaine de mètres plus' avant dans la
rue du Pavé, appelée auciennement la rue de Saint-Trémeur,
on' voit se faisant face, deùx maisons qui datent du 16 siècle.
par Mme Canan,
L'une d'entre elles est habitée actuellement
receveuse-buraliste; ainsi que par Mlle de Courson. Dans la
construction de cette première maison, il y a au pignon Sud,
un superbe pâté de béton, qui était encore visible tout
dernièrement. Mais '-le pignon Sud de la maison qui se
trouve de l'autre côté de la rue, est composé à l'encoignure,
en .ciment caractéristique, ce qui
exclusivement d'assises
semble bien démontrer que l'aqueduc passait au moins

tout auprès.
Si l'on veut s'avancer à 100 fi vers le Sud, on arrive à la
place de la Mairie. Là, dans l'emplacement même de l'HôteI-
de-Ville, d'aucuns disent qu'on a trouyé quantité de ces mêmes

blocs, ce qui semblerait encore être une raison de supposer
que le monument existait également en cet endroit. La suppo-
silLon parait d'autant plus permise que la cave cie la maison
en face, au Sud, contenait vraisemblablement autrefois un

service d'eau. Cette maison, dans laquelle demeure en ce

moment M. François Auffret, 'horloger, pouvait bien d'ailleurs

être justement celle que Latour-d'Auvergne voulait dési-
gner, comme étant de son temps, celle que M. de Kernaëret
et dans laquelle, suivant lui, l'aqueduc abou­
habitait,
tissait à la, cave. Les de Kernaëret, en effet, tout en ayant
à 3 kilomètres, pouvaient encore avoir leur
leur campagne

hôlel en ville, d'autant plus que tous les membres de cette
à l'époque de Latour-d'Auvergne, étaie'nt de père en
famillé,
fils conseillers à la COUf royale de Carhaix, ce qui laisserait
même supposer qu'ils avaient leur maison d'habitation ordi-
naire située à ,une petite distance seulement de l'auditoire; or,

l'ancien auditoire est tout à côté, ainsi que d'ailleurs la maison
première fois, au moins quelques minutes seule~ent apres

sa naissance
Si nous avions été assuré pal' des renseignements precIs
la maison dans laquelle M. F. Auffret se' trouv~ actuelle­
que
ment, fut bien l'habitation de M. de Kernaëret à l'époque de
Latour-d'Auvergne, il nous eut été facile de donner la raison
le héros a pu dire cette parole: : (( L'un des
pour laquelle
aqueducs de Ker-Aës aboutissait à la cave de M.de Kernaëret.)
La cave de cette maison, en efIet, pouvait bien n'être pas un
réservoir fermé de tous côtés, ainsi q'u'on se l'imagine de
premier abord . . L'immense souterrain qui existe encore en
partie tou t à côté, qui mesure 2 métres de profondeur sur
2 ID 50 environ de largeur, et qui va de la place ' de la Mairie
le Nord de la ville, pouvait servir de 'déversoir aux eaux
sur
du canal qui aboutissait à la cave sign'alée par le premier
Grenadier de France. On dit d'ailleurs que ce conduit gigan-

tesque avait tout auprès, c'est-à-dire sous la maison habitée,
il y a quelques mois par Mlle Pauline Bernard, une su-

perbe grille en fer tournée vers la maison indiquée. Ceci
permettrait, semble-t-il, de supposer que le conduit était des-
tiné à recevoir une' certaine quantité d'eau, au moins de ce côté.
En avançant de nouveau à une cinquantaine de mètr.es
vers le Sud, nous nous trouvons en face· de l'ancienne cha­
pelle des Carmes, dégarnie aujourd'hùi à l'Intérieur" et trans­
formée en une classe. Ici nous voyons encore dans le mur
d'une petite maison qui borde la rue à droite, c'est-à-dire du
(1) Une tradition rapporte en effet que Corret de Kerbauflret est né en
face du Gom'e,mmou-Plounévé7 .. el; sa mère retournait de chez ses parents
de La Haye. en Loc-Maria Berrien.
demeurant au château
Qu'on nous permette de rappeler ici les documents qne 80US avons em­
à L'Auxilia;1'e Breton, 183i, et que nous avons cités au commence­
pruntés
ment de cette 2 partie. Ces documents concernent une maison bâtie auprès
de la maison Auffret ; la muraille qui a été rencontrée en cet endroit, à
une. profondeur de 15 pied~, est percée d'arceaux; elle paraitrait par suite
aVOll' été spécialement conditionnée pour régler un service d'eau.

côté de la chapelle, et au ~ud-Est de cet édifice, de superbes ,
pâtés de notre béton.
plus loin, et du .même côté, nousaper~
A quelques mètres
cevons ·plusieu.rs autres morceaux incrustés dans le mur qui
forme l'enClos de l'école communale de garçons: Plus loin

également; à l'intérieur du mur qui , olôture ]e verger des
Frères, nous voyons encore, à côté de quelques briques à
crochets, des blocs de notre cime.nt. De même au Sud-Est,
dans le mur qui faisait partie des anciennes fortifications, et
qui contourne ,l'ancienne Tour du Château-Fort, on aperçoit
du béton caractéris­
encore aujourd'hui plusieurs fragments
Ce sont, semblerait-il du moins, autant de signes assez
tique.
que quelques ramifications de l'aqueduc existaient
certains
également dans cette région. .'
Si maintenant nous voulons nous transporter au coté ,
Ouest des anciennes fortifications, c'est-à-dire auprès du mur
qui est au point de rencontre entre la rue Cazuguel et la rue
Lohôu, nous trouvons aussi en face de nous un très grand
du même béton. D'autre part, nous savons que dans le
pâté
jardin qui est contre la maison où Latour-d'Auvergne habi­
sa jeunesse, on a rencontré sous terre des blocs de
tait dans
ce même Ciment. Il se peut donc qu'il y ait eu dans ces parages
deux canaux sensiblement parallèles, dont l'un semblait se
rendre vers l'hypocauste de la rue Cazuguel, ou plutôt vers

un établissement important qui contenait un hypocauste (no
cadastral 34Q, cité plus haut) et l'autre vers lalladeleine, où de­
vait eXIster un autre déversoir. Ce qui per'mettrait de sup­
poser l'existence d'un autre déversoir à la Madeleins, c'est la
prése.nce d'un tronçon du monument se trouvant tout à côté,
à savoir dans le champ qUi figure au no cadastral 455. Cette
dernière section était visible dernièrement à l'extrémité Ouest
' de ce champ, qui a nom Parc Ker Léou-Bras (1).

(1) Le mot Ker Leau-Bras, il suffit de le décomposer pour y trouver la
signification qu'il doit avoir réellement. Ker Leou-Lh~as veut dire en langue

Nous voici arrivés au 'terme; nous achevons notre Prome-
nade autoLt1" de l'aql1edlLc romain de Ca1'lwix. ' .
nous a été possible, un monument dont l'importance est SI
grande pour J'histoire du séjour du peuple conquérant dans
l'Armorique,nous demandons la permission de formuler un
La ville de Carhaix, à diverses reprises, a été éprouvée par
des sièges; sous la Ligue, elle fut saccagée: ses travaux de
défenses, ses remparts ont disparu, mais les vestiges en sont
restés, faciles à rèlever, pour des esprits exercés à, un genre
Ses vieilles maisons méritent
spécial d'études archéologiques.
d'attirer J'attention et l'examen du voyageur. '
Il est temps, encore , mais, ;1 n'est que temps, et si l'on
attend davantage, il sera trop tard. Carhaix se transforme, se
développe: cinq voies ferrées, cinq lignes de chemin de fer
assurées de la prospérité com merciale et ' des transacLions de
èe pays, confinent à l'antique cité,là où aboutissaient de si
nombreuses voies romaines allant, elles aussi, répandre au
loin le trafic et les décisions de l'empire romain: demain
il sera trop tard ! Nous avons ,habité Carhaix dix ans,

celtique le Lieu des Grands-Vœu'\, c'est-à-dire l'endroit où les fidèles se
rendaient. en grand nombre pour accomplir leurS vœux ou bien le champ
dans lequel se faisait la grande Procession des Vœux.
On sait d'ailleurs qu'à la Madeleine existait autrefois une chapelle dé
grnnde dévotion. Sauf lorsque la faveur était accordée à la chapelle de
Saint· Thomas, Peti t-Carhaix, la procession s'y renda i t chaque année, le
jouI' de la Fête-Dieu, évidemment s:ms que jamais aucun mécréant de
l'époque ait songé à y apporter le moindre trouble. Il y avait également
dans la chapelle quatre pardons tous les ans, deux en l'honneur de sainte
Marie-Madeleine et deux en l'honneur de saint Germain, invoqué encore
aujourd'hui à CarhClix contre les migraines et les maux de tète en gé­
nél'ai.
En lG98, saint Antoine de Padoue y était, lui aussi, déjà invoqué. En
elIet, nous Iison::i dans les comptes en charge de Me Charles Henry, en ce
moment fabrique, qu'il eut cette année à verser la somme de 15 livres
pOUl' restauration de « la figure de rimaye de saint Anthoine de Pade. n
(Padoue). .

et ce qui concerne Carhaix, ne peut 'nous laisser indifférent:
nous saluons d'avance, avec une sincère re.connaissance, le
savant, l'érudit qui s'intéresserait à l'histoire, compléte, de
Carhaix, et qui nous donnerait une Histoire de Carhaix à
tra'vers les Ages!

Abbé L. ROLLAND .