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Bulletin SAF 1900


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La sénéchaussée et les sénéchaux de Cornouaille

J. Trévédy

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DE CORNOUAILLE
« Qu'était-ce qu'un sénéchal? Un juge de paix!» '
Réponse faite par un instituteur à un écolier. Celui-ci avait
lu que le sire de Joinville, l'ami de saint Louis, était sénéchal
de Champagl~e; et il comprimait assez mal un juge de paix de
toute une province. Mais « l~ maître avait parlé! )) A quelque
temps de là, notre écolier ouvre une Histoire de' France très
méthodique, mais pleine d'erreurs (i). Au Glossaire il trouve
ces deux définitions : '
« Sénéchal, officier du roi qui était au Sud de la France,
cc ce qu'étaient les baillis au Nord.
« Baillis, fonctionnaires qui représentaient le roi dans
« une, circonscription appelée bailliage. »
Voilà notre avisé mais incrédule écolier fort embarrassé.
Dans sa détresse il vient se confier à moi; et je lui réponds:
Oubliez la première définition. Jamais un sénéchal n'a été
un jug'e de paix. La seconde définition très incomplète pour
la France est ,absolument étrangère à la Bretagne.
Incomplète pour la France, parcequ'elle ne définit pas les
sénéchaux et baillis représentant le roi à la tête des provin­
ces, comme le sire de Joinville en Champagne: grands offi­
ciers remplacés aux XVe et XVIe siècles par les gouverneurs
de provinces: qui n'héritèrent qu'en partie de leurs pouvoirs.
Inapplicable à la Bretagne, parce que les sénéchaux en
Bretagne étaient absolumen t différents des sénéchaux de
France. "
(1) Histolre de France par M. Lavisse, à l'usage des écoles, partout
répandue. J'ai répondu à quelques propositions de l'auteur. Seigneurs
ngbles et l'oturiers. Revue de Bretagne et de' Vendée (1886), et Tous les
seigneurs étaient-ils nobles? Bull. de la Soc. Arch du Finistère (1899).

On distinguait autrefois entre les
officiers dits de robe

courte'et ceux ' dé robe longue.
Les sénéchaux et baillis de France, les seuls que vise la
définition ci-dessus, étaient officiers de rohe courte : ils
statuaient sur certaines affaires administratives; mais (c ils
jugeaient l'épée au côté et n'étaient pas gradués en droit (1).»
C'est dire qu'ils Ii'étaient pas officiers de Justice.
Bretagne, les officiers dits sénéchaux '
Au contraire, en
étaient officiers de robe longue, c'est-à-dire de justice. Après
l'édit de réformation de Moulins (février 1566), le roi
Charles IX déclare par lettres du 14 mai qu'il en a été ainsi
« de tout temps et ancienneté (2), » si bien que les règles
imposées aux sénéchaux de France ne sont pas faites pour.
les sénéchaux bretons'.
pourquoi, si la première définition citée plus haut est
Voilà
mauvaise, elle vaut pourtant n.J-ieux que la seconde pour la
Bretagr}e, puisque du moins elle nous montre dans les séné­
chaux des jltges, officiers de robe longue.
Mais, s'il n'est pas permis, d'assimiler à un juge de paix
un sénéchal même breton, comment le définir?
Il Le sênéchal en Bretagne est le chef d'un siège de
justice. » Voilà une définition que je n'ai vue nulle part,
" mais que je crois exacte; elle s'applique-à tous les cas, que
dans sa justice, qu'il ait des assesseurs,
le sénéchal soit seul
qu'il préside une 'compagnie judiciaire, que sa compétfmce
s'étende sur la Bretagne entière~
Mais, dira-t-on, les circonstances diverses que vous
énumérez assignent au mot sénéchal un sens bien élastique!
- C'est la vérité. En Bretagne, nous trouvons le sénéchal

(1) Ferrière, v· Robe courte.
(2) Mariee, Pl'. III. t 349. - Cette " différence essentielle entre les séné-
et les sénéchaux français n'a été, je crois, indiquée que par
chaux bretons
Le Dictionnaù'e de T1'évoux même est incomplet en son article
Littré.
Sénéchal, qui n'a certainement pas eu pour auteur notre savant P. Bougeant.

du ' bas au haut de la hiérarchie judiciaire et dans les situa-
tions les plus diverses', Voyez plutôt: .
bas de l'échelle ce sont les innon).brables sénéchaux
des justices seig'neuriales, basses, moyennes ou hautes,
formant plusieu.r~ degrés de juridictions; ,
Au-dessus~ l.es sénéchaux des sièges ducaux (puis royaux)
dans le ressort desquels sont distribuées les justices sei-

gneurialés ; .
Au-dessus, les sénéchaux d es justices ducales (puis
royales) supérieures; au nombre desquels les sénéchaux de
Hennes et de Nantes qui, pour un temps, eurent le jugement
d'une sorte d'appel nommé cOntredit, et formèrent ainsi un
autre degré de juridiction (1):
Enfin, au sommet un sénéchal unique, dit d'abord sénéchal
de Bretagne, puis juge universel de Bretagne, enfin vers la fin
XIVe siècle, lJréside·nt deJ3retagne.

Au -XIIIe siècle, le sénéchal de Bretagne nous apparaît
comme un grand officier investi d'une ' haute -autorité mili- _
taire et judiciaire. A l'exemple des sénéchaux de provinces

en France, il commande l'armée et assure l'A.dministration

de la justiee. Un de ces sénéchaux-porte en même temps le
titre de marichal de Bretagne. Tous les sénéchaux sont che-
valiers (2) .
(1) Le sénéchaL de Nantes jugeait les contredits du comté de"Nantes; -
sénécha l de Hennes,ceux du. reste de la Bretagne. (D'Argen tré.flist.f° 18~.
V" D. Ed. de '1588). .
On voit que, lorsque les deux offices étaient réunis, comme il est
arrivé ou moins en 1384, 140'1 et 14;)7, le sénéchal de Rennes et Nantes
Hait. en fait, juge universel de Bretagne. •
("2) Le sénéchal Alain de Vitré (dit par adoption de Dinan), dans un
en Il97, jeta à terre Richard-Cœur-de-Lion. Lobi­combat devant Aumale,
neall,His~. p: 177. Normand de Québriac est dit en même temps sénéchal et
mar0chal de Bretagne, titre qui apparaît pour ,la première fois (I235).Lobi­
neau,Pr.3R8.L'·historien fait remarquer ce double titre et ajoute:« Tous les
s:néchaux de Bretagne en ce sièele (le XII!") étaient cheva liers. ; et il
cite. en preuve « les sceaux où ils son t représentés à cheval et l'épée à la
mam, »

Plus tard, le pouvoir des sénéchaux est réduit aux attri­
butions judiciaires, avec le titre de juge universel puis de
président de Bretagne.
Veut-on savoir la dignité du président de Bretagne.Il pré-
sid~ le parlement des ducs; aux Etats, il. siège « en habit
royal », c'est-à-dire en robe de pourpre, «( au second degré,
au milieu, au-dessous du duc» : c'est-à-dire qu'il occupe
la troisième place après le duc, avant le grand-maître d'hôtel

et l'amiral de Bretagne (1). .
Nous voilà bien loin du sénéchal juge de paix! .
Voyons maintenant quelle place le sénéchal de Cornouaille '
occt~pait dans cette hiérarchie (2). .

Aux ~e et XIe siècles, la Bretagne enfin sauvée des Nor­
mands apparaît réunie sous un chef unique, et divisée en sept
anciens comtés, savoir: Rennes avec le Poutrecoët, Nante;:;,
Vannes Oll Browerec, Cornouaille avec le Poher, Léon,
Tréguier et Penthièvre. .
Aux XIIe ou XIIIe siècles, ces sept comtés furent distribués
en huit circonscriptions dites baillies (3). Le comté de Rennes
forma deux baillies, de Rennes et de Ploërmel. Chacun des
autres comtés' en for~a' une dite du nom de chaque
comté, Nantes, Vannes, Cornouaille, Léon, Tréguier, Pen-
thièvre.
La baillie était une division domaniale, féodale (4) , admi­
nistrative, si l'on veut, mais qui allait devenir .i udiciaire.
Quimper, chef-lieu et ville principale du comté de Cor- ·
nouaille devint naturellement le chef-lieu de la baillie dont
voici les limites .

(1) Cf. Les procès-verbaux des Etals. .
(2) Pour plus de détails sur l'Ol'ganisation {jéné1'ale de la Justice en
Bretagne, je me permets de renvoyer au mémoire que j'ai donné sous ce
titre à la Revue historique du droit, T. XVII (1803) .
(3) Cf. livre de l'Ost du duc. Moriee, Pro II, 1110-11 i 5.

(4,) M. de La Borderie. Hist. de iJJ'etayne, III, 52 .

Transportez-vous au sommet des monts d'Arrée, vers
Plçmgonver (1), au Nord du canton de Callac; prenez vers
l'Ouest et suivez la chaîne passant à la Roche-Trévézel, en
la Feuillée (2) jusqu'au sud de Sizun; puis tournez à droite
ver~ Landerneau, enfin, descendez la rivière d'Elorn jusqu'à .
son embouchure au fond de la rade de Brest ... V ciilà la limite
Nord de la ' baillie de Cornouaille. Depuis le Nord de la
Feuillée, cette ligne est la limite commune des deux diocèses
de Quimper et de Léon. .
La baillie a pour limite à 1 Ouest et au Sud l'Océan jusqu'à
l'entrée 'de la rivière de Quimperlé, puis à l'Est le cours de
l'Ené jusqu'aux environs de Plouray (3) ; enfin, de là, une
ligne tirée par l'Est de Callac jusqu'au point d'où nouS
sommes partis. .
Oo-le voit, la baillie comprenait une partie de l'arrondis-
sement de Brest (Daoulas) ,les arrondissements de ·Châteaulin
et Quimper tout entiers, celui de Quimperlé moins la partie

à l'Est de cette ville, mais, plus les cantons du Faouët et de
Gourin (arrondissement de Pontivy, Morbihan) . et ceux
de Maël-Carhaix, Rostrenen et Callac (arrondissement de
Guingamp, Côtes-du-Nord) (4).
C'était un ressort un peu moins vaste que le Finistère, .
mais pourtant très étendu. .
Cette circonscription comprend des seigneuries de deux
espèces: 1° quelques-unes du,cales, c'est-à-dire possédées
par le duc lui-même et faisant partie du domaine ducal,
Quimper (5), Quimperlé, Concarneau, ' Fouesnant,
comme
(t) Commune du canton de .Belle-I1e, arrondissement de Guingamp.
(2) Canton du Huelgoat, arrondissement de Châteaulin.
(3) Canton de .Gourin (Morbihan) à la limite des Côtes du-Nord.
(4) Tout le 'diocèse de Quimper, moins la pointe qu'il faisait dans les
Côtes-du-Nord, vers le N.-E., jusqu'à 16 kil. de Saint-Brieuc, vers le
S.-E., jusqu'à la porte de Pontivy et la rivière d'Oust, à quelques kil. de
Loudéac. .
lG) Par Quimper, il faut entendre le' faubourg de la Tene-au-Duc, la
ville close étant fief épiscopal.

Rosporden, Châteaulin, Châteauneuf-du-Faou,
Gourin,
Landeleau, Duault, Huelgo.at, Carhaix, qui avaient
titre de
châtellenies . (1).
2° Des seigneuries ayant des seigneurs particuliers, les
unes relevant prochement du duc (e' es.t le moins grand
nombre), les autres relevant d'aùtres seigneuries.
Or la règle est que toute seigneurie a une justice (2).
Un sénéchal,noble selon l'usage du temps (3),exercera donc

(1) Trois obsel'vations : 1 cette énumération des domaines ducaux n'est
pas limitative, Le duc avait d'autres domaines compris sous les mots
ci-dessus qui sont les noms des ressorts de justtce.
2 L'énumération que j'emprunte à l'édit des présidiaux (1551) peut
comprendi'e quelques domaines qui ne devinrent ducaux qu'après l'éta-
blissement des baillies. Ainsi Gourin qualifié ~uparavant vicomté, acquis
par le duc Jean II vers 1265~
30 Il faut remarquer aussi que plusieurs justices ducales furent plus

tard réunies entr'elles ou unies à la sénéchaussée de Quimper .
(2) Rien de plus rare qu'une seigneurie sans justice. Hévin. Con-
sultation 77 p. 379. Trohéir, près de Quimper, est, je crois, un exemple
de cette singularité. Cf. Ma Promenade à T1'ohéir ... 1887.
(3) Les offices de judicature étaient habituellement tenus par les nobles.
M. de CoulIon (Chevalerie bretonne I. p. 39'2) dit même que au XIIIe siècle
les sénéchaux étaient presque tous chevaliers. Ce que Lobineau avait dit des
Sénéchaux de B1·etayne(~t-dessus,p. 5,et note 2),M.c1e Cou lIon paraît le diee
. des sénéchaux inférieu~s;simples juges.Ce qui n'est aucunement démontré.
Toutefois nous trouvons deux de ces sénéchaux chevaliers:

1 En 1246, Pierre de Braine, chevalier,avait un chevaliee pour sénéchal
de la seigneurie de la Garnache appartenant à sa femme (Lobineau, P1··. 390 )
Il faut dire quP. le chevalier Pierre de Braine était Pierre Mauclerc, père
du duc Jean Le Roux, majeur en 1237.
2 Plus de deux siècles après, Bertrand Milon, sénéchal de la baillie de
Ploërmel, puis de la seigneurie de Fougères, enfin président de Beetagne
(1470) était chevalier. M. de COUl'cy (liste des présidents) le date de 1439.
Eneul' cel'taine d'impl'ession, puisque cette date est placée apl'ès 1457. Peut­
être faut-il dil'e 1469. En 1439, le président de Bretagne était Pierre de
L'hospital qui, en octobré1440, condamna le maréchal de Retz.
Longtemps avant, dès 1144, on trouve à Cesson (près Saint-Brieuc) la
plus petite seigneurie ducale, puisqu'elle ne comprenait que la poi'nte du
promontoil'e dominé par le donjon reconstruit au XIV· siècl~, tin oflicier
nommé en latin Prœtor qui e:-;t chevalieT.(Lobineau /)1'. 24·5. Moriee Pl'. 1.
591).On a traduit Pnetor par capitaine. M. de la Bordel'ie tl'aduit par Pré­
vot: et fait de ce P1'œtol' un ofTiciel' de justice jugeant les alIaires que
la sénéchal lui abandonne. Hist. cle B1'etagne. UL p. 11.).

la haute justice du duc dans chacun des sièges que nous
venons de nommer; la baillie toute entière est distribuée
avec toutes les seigneuries particulières entre les ressorts
des sénéchaussées ducales. .
Nous délimiterons seulement la sénéchaussée de Quimper.
Au Nord: elle s'étend jusqu'à la limite actuelle de l'arrondis­
sement, du Sud de Locronan à l'Est d'Edern; vers ce point
elle passe la limite et enserre Laz, Gouézec et Coray (anon-
dissement de Châteaulin). De Coray, une ligne quoIque peu
courbe tirée au Nord de Gouesnac'h (rive gauche de l'Odet)
dessine la limite de l'Est, suivant la rivière jusqu'à son
embouchure. Au Sud et à l'Ouest la mer est la limite.
Ces limites enserrent tout l'arrondissement actuel, moins •
la plus grande partie des trois cantons de Concarneau,
Fouesnant et Rosporden (envil'on- 'quinze pn\'oisses).
Mais ce n'est pas toute la sénéchaussée. Passant entre
Locronan et la mel', elle contourne la baie de Doüarnenez et
la presqu'ile de Crozon, et sauf une cour'le interruption vers
Le Faou (1), elle occupe tout le littoral jusqu'à l'Elorn (arr
de Brest). Ce territoire, plus ou moins lal'ge, comprend au
moins vingt-cinq paroisses inégalement partagées enlre les
fiefs de Porzay, Crozon, Landévenec (ahbaye) et Daoulas.
Le ressort de la sénéchaussée était, on le voit, plus
étendu que l'arr'ondissement actuel (2),
Toutes les justices seigneuriales, qu'elles so-ient basses,
moyennes ou hautes, SOllt dites in/ërieures ; c'est-à-diI'e
qu'elles relèvent de la justice ducale élU ressort de la,quelle
(1) Ce point du littoral, entre la rivière de Châteaulin à celle de l'Hôpi­
tal-Camfront, environ dix kilomètres, appartenait à la vicomté du Faou
(arr de Châteaulm). . . .
On peut remarquer que, sauf cette interruplion, le ressort de Quimpel'
occupait tout le l'ivage de Gouesnach (rivière cie Quimpe1'l à l'entrée de
l'Elorn (rade de Brest).
(~) Voilà la l'imite de la sénéchaussée de Quimper; mais plus tard les
; énéchaux obtinrent l'annexion des ressorts de Concarneau, Fouesnant,
Rosporden et même Châteaulin(Ci-desslis, p. 8, no te 1,3").

elles sontcomprises ; et la sénéchaussée ducale est leur tri-
bunal d'appel... (1) Mais, entendons-nous, toutes les justices
seigneuriales ne viennent pas de prime-saut à la cour ducale.
seigneuries relevant prochement du düc
Les appels des
iront prochem.ent au siège ducal; mais, nous l'av:ons dit,
des seigneuries bien plus nombreuses relèvent d'autres
seigneuries. Il en sera de même de leurs ' justices. La
qualification de justices in{éheures ne s'entend qu'au regard
de la justice ducale; mais, ' èonsidérées ' enh'e elles,
les justices seigneuriales . sont supérieures ou inférieures
comme les seigneuries elles-mêmes· ;-et les appels montent
de justice en justice, d'échelon en échelon, de .degré en
degré (2) avant de parvenir à la justice ducale.
Mais celle-ci ne jugera pas en dernier ressort; et la cause
fût-elle de cinq sols (c'est l'exemple d'Hévin), de six li9-rds
(c'est l'exemple de d'Argentré) pourra ( aller- par contredit
au sénéchal de Hennes ou de Nantes; et de là, pal' appel au
parlement dès ducs, d'où elle pouvait en deux cas aller au
parlement de France (3) ».

(1) Sauf pour les justices qui, par exception, vont nuement (directement)
celle dès regaires.
au parlement. Ex.
(2.) Lettres du duc Jean IV, 1394. Morice, Pro II, 631. '
(3) Hévin. Oonsult., p. 6. Ici une observation qui a son intérêt.
La « soumission du duché» à la France, en ces deux seuls cas, ré3ulte
d'un traité entre saint Louis et Pierre Mauclerc, daté d'Angers, en 123l.
- Ce tl'aité n'est pas admis par Le Baud qui ne le mentionne pas. Mais,
apparemment parce qu'ils voyaient en usage l'appel au parlement de France,
Ala i n Bouchard et d'Argen tré admetten t le traité. Tous deux l'ont publié
en extrait: Bouchard en latin (Ed. des BibL bretons fu 103, V etc., suiv.);
d'Argentré en français (Hist. liv. IV. chap. XVII). D'Argentré le déplore et
le critique vivement el très justement. Hévin l'admet stlns difficulté. Mais
Lobineau ne voit dans ce prétendu traité qu'un {au.x et il le démontre
(Ilist. p. ~3/Jj. Morice ne l'admet pas clans ses Pl'euveset ne le mentionne
pas. De même M. de la Borderie. IIist. III, 323-324.
Jamais faux n'eut un pareil succès! Nos ducs l'invoquèrent en preuve
de leur souveraineté entière sauf ces deux cas d'appel! Témoin Jean IV
disant, en 139 : « Bien que le duché de Bretagne ait été autrefois royaume
distinct sans connaissance de souverain, à présent le duc et son duché sont

Ainsi une cause civile, quelque minime qu'elle soit, peut
être jugée six ou sept fois. " Ce n'est pas assez dire: les

hommes de loi du temps trouvèrent, insuffisante la multipli­
cité des juridictions: et voici l'expédient qu'ils im,aginèrent.
Beaucoup de justices n'avaient qu'un juge,le sénéchal.An­
nement,c'était la règle où l'usage général; mais plus tard
cien
il fut créé un lieutenant du sénechal dit alloué, et depuis un

second lieutenant, qui garda' ce nom (1), Les procureurs
mirent ces créations à profit, et voici comment~ Ils 0tablirent
l'usage de porter les affaires d'abord au lieutenant, puis par
appel à l'alloué, puis encore par appel au siègè réuni, Cet
abus criant, auquel apparemment se prêtaient les juges, exis­
tait encore, malgré les prohibitions de nos ducs, après la
réunion de la Br'etagne à la France (2) 1 Une cause de cinq
sols, de six liards pouvait être jugée huit et dix fois (3) ,
sujets au roi et sous sein ressort et souveraineté ès choses qui en suivent:
c'est à savoir d'appel fait du parlemeut du duc a'l parlement de France de
faux et mauvais jugement et aussi de refus et deni de droit». (~rol'ice
Pl', II. 63 [. Réponse du duc aux articles proposés par le roi):

Plus tard Arthur III (H58), au moment même où il proleste contre le
titre, de pair de France, reconnaît spontanément" la soumission )) du duché
à la France en ces deux cas d'appel.(Morice Pl'. II, J719).
Trompé comme d'Argentré par Je~n IV, Arthur III, elc., j'ai cru au
tl'a i té de 1231 (Ol'uanisation judiciaire de la Bretdyrùi).' Je saisis l'occasion
de me rétracler.
(1) D'Argentré, p. '231. - Il semble que la création de l'alloué est
postél'ieur,e à la T. A. C. (1330-1340). Du moins la Cou tume prend elle le
mot alloué au sens de mandataire. M. de La Borderie date l'alloué (ad
loeCltns de ad loeum), du XIVe siècle. Hist. ie Bretagne, III, p. 106.
L'alloué ne jugeait pas avec le sénéchal (on ne juge pas à deux) ; mais
à sa place. Il n'a pu être l'assessem' du sénéchal que lorsque le lieutenrint
a siégé comme second assesseur.
(2) Cet abus nous est révélé par l'ordonnance d~François l'~ (Vannes,
153~) SUl' l'abréviation des procès. Sauvageau. t. 11 ('2 pagination,
août
(3) A celte époque la fable de l' lluît1"e et les Plaidwr's était une vérilé ;
on pouvait chanler clans l'hymne de saint Yves:
Sanclus Yvo erat Brilo,
Ad voca tus et non la tl'O : '
Hes miranda populo .

Et à la même époque 'c'était une maxime reçue en Bre-
tagne: « En crime (en cause criminelle) nul appel (1) ! » Le
d'un simple haut justicier • siégeant seul (2) et
sénéchal
sans recours possible, condamnait à mort le matin et faisait
l'après-midi (3) )) ; à moins que' le jug~ ducal ne
exécuter
s'y opposât, et (c'est l'ordinaire) l ne réclamât comme honneur
et privilège le soin de faire pendre le condamné de la justice
inférieure.» . Le juge du.callui-même conduira le patient,
et sou vent on a vu un g'l'and .seigneur, sergent fieffé de la
justice ducale, précéder le juge, sa verge blanche à la
« tant dans ces temps reculés (c'est-à dire aux
main (4) :
XIIIe et XIVe siècles) tous les ministères de la justice étaiGnt

Happelons que saint Yves a pratiqué l'assistance judiciaù'e et que Pierre
II l'a inscrite dans la loi bretonne. (Constitution publié(' aux Etats de
Vannes de mai 1451, art. 26), juste quatre siècles avant qu'elle fut dans
(2'2 janvier 1851).
la loi française

V. Textes de la constitution: art. '~G selon Sauvageau. Il, p. 37, 2" pa-
gination. Art. XVIII selon Morice. P1'enves, IL 1587 -1588 .
(1) T. A. C.,chap. 247. Sal~vageau, II, p. 193 etc. D'Argentré .
Ilist. p. 2.3'2. Ed. cie 161,8. Il dit: « ... L'on n'étrlit reçu à appeler: ce qui
filt observé jusqu'enIQ~7 •• » La date est écrite en chiffres. Plus loin (p.
1011) on voit impdril€e:ento1ltes lettrés la date 1538. Cette date se trouve
dans la l éditionili.v:; - Hévin, Consult.p~;:!3: ·Questions, cha p. II, P rH. .

(~) ... Jugeant seuL: Toutefois, s'il y a (( postulants en la juridiction,le
juge doit les appeler pOl:1r assesseurs. » -- Hévin, Oonsult. p. 6. Sur l'appel
dés postulants Cf. T. A. C. chap. XCIX (\:l0) Sauvageau, II, p. 87, ct les
sages conseils donnés aux juges. « La cause dont homme est condamné à
mort doit être plus claire que étoile qui est .au ciel. » - Ce qui n'empêchait
pas « le sénéchal de Rennes ;anciennement) de faire plus exécuter de
criminels que ne font (au temps d'Hévin) les quatre présidiaux de !a pro­
vince lj. Consult. p,. G.

Pierre L'Hospital, sénéchal de Rennes et président de Bretagne, avant
de condamner au feu Gilles de Retz, tout maréchal de France et repentant
qu'il fût, demanda l'avis des hommes de loi présents.

(3) Hévin, Consult. p. G eL Questions p. Dl.

(4) Ex. Trois gentilshommes sergents féoclés cie Malestroitclevaient
« assister le patient à cheval verge blanche à la main marchant au
plus proche devant lui ), eL le onduire ainsi à la potence. M. de La
Borderie, Hist. de Bretagne, III, p. 108.

réputés glorieux. » C'est seulement au XVe siècle, que, ·à
Quimper, du moins, les juges ducaux montrèrent quelque
répugnance à se charger de l'exécution des condamnations
prononcées pal' la COUI' des regaires de Cornouaille (1).
Les justices ducales exercent donc une double juridiction:
elle~ jugent en première instal~ce les affaires du domaine
ducal, et en appelles sentence.s des juges seigneuriaux (2),
", .lAI.
Mais une question se pose: le siège du' chef-lieu de la
baillie, par exemple lè siège de Quimper, sera-t-il l'égal des
autres sièges ducaux de la baillie, Châteaulin, Carhaix, etc.

ou bien aura-t-il sur eux la supériorité? '
Au milieu du XIIe siècle, le duc Conan-le-Petit avait dans

le comté de Rennes u'n sénéchal féodé dit « le premier offi-
cier du comte (3) n • . Comment ce sénéchal dEi Rennes
« premier officier » 'aurait-il été confondu avec les autres
sénéchaux du comté, Saint·Aubin du Cormier, Bédé, Dinan,
Fougères (4) ? Ne devait-il. pas leur être supérieur?
. Vers la même époque, un des grands feudataires des ducs

de Bretagne, le vicomte de Rohan, aVé:lÎt ,aussi un sénéchal

(1) Sur tout ce qui précède Hévin. Gonsult.lII,;pPlli: ,l'évèque .de Cor-
nouaille, p. 10. C'est· a ce propos que, par " .lett!,es du 24 février 1424,
Jean V concéda à l'évêque de Cornouaille (Bertrand de Rosmadec) des
fourches patibulaires qui furent élevées sur la colline au-dessus du moulin
de Sain t-Barthélemy.
Cent ans plus tard, le juge conduisait encore le condamné au supplice.
Témoin l'épIgramme de Marot sur le supplice dE Jacques de Beaune:­
Semblançay (15'27).
Lorsque Maillard, juge d'enfer, menait
A Montfaucon Semblançay l'âme rendre.: .

('2) Comme nos tribunaux d'arrondissements dits · très impr'oprement de
p1'emiè1'e instance jugent les appels de justices de paix. '
(3) Hévin. Questions féodales, p. 18, n° 25. Il se réfère à deux actes de

(~) Je nomme par anticipation ces trois dernières châtellenies: Hédé et
Dinan acquis par Jean Le Roux (1265), Fougères cédé au duc Jean V par '
son neveu le duc d'Alençon, fait prisonnier à Verneuil (14.21)et contraint
de payer une énorme rançon. .

féodé, qui apparaît comme le juge supérieur de toutes les
justices de la vicomté (1184) (1) .
Ce sénéchal supérieur aux autres, qui semblait utile au

duc dans son comté de Rennes et vraisemblablement dans
les autres, utile au vicomte de Rohan dans l'étendue de ses
vastes domaines, n'avait-il pas la même utilité dans toutes
les baillies ? Il semble bien que oui et voici la raison .
C'est que les hommages des fiefs et seigneuries relevant
prochement du duc sous la baillie doivent être centralisés.
seront donc rendus à un même si~ge de juridiction qui
Ils
sera naturellement le siège ducal du chef-lieu. Ce .siège
devient ainsi la cour supérieure de la baillie (2).
siège de Quimper jugera donc en appel les sentences
de tous les sièges ducaux de la baillie.
'1 Le sénéchal, chef de cette justice supérieure,a le titre non
Il de sénéchal de Quimper, mais de sénéchal de Cornouaille.
l N'est-ce pas la marque de l'universalité de sa compétence
territoriale? .
- Mais, me direz-vous, de ces sièges ducaux relevant de
Quimper, vous exceptez au moins le siège de Quimper!
-Non,je ne cro;ispas que l'exception soit à fair.e,et en voici

la raison.
Un justiciable de la Terre-au-Duc entame une affaire
devant le siège ducal. Il ne peut être destitué de la faculté
. d'appel. La sentence qu'il obtiendra ne peut être qu'en pre-
(1) Daniel, sénéchal. Fondation de l'abbaye de Bonrepos. Morice. Pro II. 697.
Le gage de l'office était la ' seigneurie à haute justice de Kercado ou
Carcado, commune de Saint-Gonnéry, canton de Pontivy. Le titre et le
nom du gage de l'office. devilll'ent le nom de la famille Le Sénéchal de
Carcado. Levot (Vo Séiiéchal, II, 8H) donne à Daniel le titre de gl'and
sénéchal HÉRÉDITAIRE de Bretagne, titre qui n'exista jamais: et lui assigne
en gages non Carcado; mais bien d'autres seigneuries notamment Molac.
Or, Molac a passé par mariage, en 1412, aux La Chapelle, puis aux Ros­
madec (XVI" siècle), enfin, par héritage, aux Le Sénéchal de Carcado.
On voit combien Levot est peu exact. Ogée (va Saint-&ormery, n, p. 758)
ne l'est pas davantage.
(2) M. de La Borderie, llist. de Bretagne, III. p. ~2 .

mière instance: où sera porté son appel? L'appel de Châ­
teaulin ou de Carhaix serait porté à Quimper; le justiciable
de Quimper devra-t-il immédiatement recourir au contredit
ou à l'appel au parlement? Non; autrement,moins bien traité
que son voisin de Châteaulin ou de Carhaix, il seraIt prive
d'un degré de juridiction: le siège ' d'appel de la baillie.
Devra-t-il aller chërcher au loin le juge d'appel d'une
autre baillie ? Il n'y a pas d'apparence. Il semble bien plus
naturel en même temps que bien plus simple que les sen­
tences rendu~s en première instance par le siège de Quimper
soient jugées en appel au même siège. ,
Maintenant si on demande comment en pareil cas était
organisée la juridiction d'appel, je répondrai que Je n'en
sais rien. On peut, je crois, suppos'er que les juges d'appel
(autres, bien entendu, que ceux qui avaient statué en pre­
mière instance) jugeaient en plus grand nombre. Nous
verrons bientôt (et nous le voyons de nos jours), la pluralité
des juges prise pour une garantie de meilleure justice.
Aujourd'hui on ne comprendrait pas une chambre d'un tri­
bunal jugeant sur appelles jugements rendus par une autre ,
chambre. Mais à l'époque où nous nous reportons, comment
aurait-on vu dans cette organisation uné 'anomalie, lorsque
les plaideurs demandaient jugement d'abord au lieute'l1ant,
puis à l'alloué, enfin au sénéchal jugeant «( aux plaids »
entre l'alloué et le lieutenant? '
Les justices ducales supérieures tenaient quatre fois par
an les plaids généTa'nx, espèces d'assises solennellés où
étaient portés .les appels. Il semble que les sénéchaux de
baillies, Cornouaille, Rennes,etc. ,avai~ntsurtout pour fonc­
tions de présider ces assises, et ne présidaient pas hahituel-
lement le siège « ordinaire)) (1); autrement comment com-
(1) Or'dinaire.C'est-à-dire la sénéchaussée jugeant en 'première
instance.
C'est l'expression employée en ce sens par l'édit des Présidiaux.

p~endl;e la réunion q~i n'est pas rare, de deux baillies dans
les mêmes mains? (1) "
Et remarquons le: Les sénéchaux de baillies, même
chargés de deux baillies, sans abandonner ces titres deve-
naient juges universels de Bretagne; et on ne voyait aucun
inconvénient à ce cumul puisqu'un président de Bretagne,
sans quitter ces fonctions,put devenir sénéchal de Cornouaille
èt un peu après et cumulativement sénéchal de Léon (2).
Ce dernier exemple prouve que le titre de sénéchal
ne précédait pas nécessairement celui de juge universel de
Bretagne.
J'ai entendu dir.e ou j'ai lu quelque part que le sénéchal de
Hennes était président de Bretagne. C'est une erreur certaine.
Je ne trouve que deux sénéchaux de Rennes devenus prési-
'dents. D'autres président ont été sénéchaux de Nantes, " de
Vannes, de Ploërmel. Un autre était sénéchal de Fougères,
justice ducale inférieure; mais il avait été sénéchal de la'
baillie de Ploërmel (3).
" " Il semble que ces nominations de sénéchaux ducaux de
la plus haute dignité judiciaire de Bretagne mon­
baillies à
trent bien la suréminence des sénéchaux de baillies.
Voilà donc le sénéchal de Cornouaille méritant le titre,
. de Cornouaille.
Mais ce n'est pas tout. A une époque où les fonctions de
chacun n'étaient pas nettement définies comme aujourd'hui,
le sénéchal n'était pas assurément renfermé dans sès attri­
butions judiciaires. Il avait des fonctions administratives,

(1) Exemp~es : Rennes et Ploërmel, en 1294 ; Vannes et Ploërmel, en
1382 ; Rennes et Nantes, en 1384 ; Cornouaille et Léon, en 1388 ; Rennes
et Nantes en 1404 et en 1457, etc.
(2) Il s'agit de Bernard d~ Keroneuf ou Keroncuff, président de Bretagne
dès 1384 et qu'on trouve sénéchal de Cornouaille en 1405 et de Léon en 1407.
" (3) C'est Bertrand Milon, le sénéchal chevalier dont il a été question
p. 8, note 3. "
plus haut,

financières, on pourrait presque dire militaires. Nous le
vert'ons rendre compte au duc de la perception des 'revenus
de la baillio (2) ; il ordonne, reconnaît, approuve des tra­
vaux de forlifications, il apparaît dans les actes les plus

solennels, aux conseils des ducs et aux Etats .

cette époque reculée, le sénéchal de Cornouaille n'est
donc pas, co~nme premie.r juge et chef de la sénéchaussée '
de Quimper, confiné dans un utile mais obscur et modeste .
labeur. C'est un haut personnage chargé de fonctions et
comblé d'honneurs que n'obtinrent jamais les sénéchaux de
Carhaix, Châteaulin et autres.
Avec le temps, ses fonctions extra-jUdiciait'es cesseront: ·
mais au milieu du XVIe siècle, et comme . par compensation,
une· nouvelle organisation de la justice va donner au séné­
chal de Cornouaille encore plus d'importance au point de
vue judiciaire ... Je veux parler de la création des présidiaux .

Par édit du mois de mars 1551. le roi Henri II crée les
présidi~ux br'elons; il va élar'gir la juridiction tert'itpriale du
séné~hal de Cornouaille et sa compétence.
Au lieu Je huit baillies,il n'y aura que quatre présidiaux:

H CB lles, Nantes, Vannes et Quimper (1) ; et voici les limites
du ressort de Quimper. .

(2) CL Extraits de quelques comples-rendus· au duc .Jean Le Roux.
Morice, Pr. J, 1009 et suiv. Tous les sénéchaux d~ baillies figurent à
ces extraits, dont deux de Cornouaille successeurs l'un de l'autre.
(l) On peut lil'e l'éd it et celui qui suivit, en [loût 1~52, aux Question.~
féodales d'II évin, p, XVI-XXXII. Edits et Ol'donnances .
,Je dis quatre . présidiaux, bien que l'édit de mars 1551, en crée un
cinqltième, celui de Ploërmcl, comprenant seu lement la sénéchaussée de
Ploërmel s'étendant, il est vrai, de la Basse-Vilaine au-delà du Haut­

Blavet, à la pointe_Ouest de l'arr. Je Loudéac . celle de Quimperlé ne
touchant pas la première, - et une troisième imperceptible et jusqu'à
présent introuvable Teix ou Theix. Ce présidial, créé peut-êtl'c en sou­
venir de l'ancienne baillie de Ploërmel, fut supprimé, après dix-huit mois
et pour de très bonne~ raisons, pat' édit d'août 1552. Le présidial de Ploër­
mel fut uni au présidial de Vannes qu' li dédoubla.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXVII (Mémoires)

La baillie de Léon, qui comprenait tout l'évêché de L~on .
est réunie à l'ancienne baillie de Cornouaille. Toutefois, au
Sud et à l'Est, la limite est rapprochée de Quimper et
ramenée de l'Ellé à la rivière de Pont-Aven, en sorte que la
sénéchaussée de Quimperlé est enlevée à Quimper. Mais,

par compensation,vers le No~'d-Est, la partie de l'arrondisse-
ment actuel de Morlaix à l'Est de sa rivière est rattachée au
présidial de Q\limper avec deux cantons du dép~rtement
des Côtes-du-Nord actuel.
Le ressort du présidial"comprend donc tout le département
actuel du Finistère, moins l'arrondissement de Quimperlé
depuis la rivière d'Aven; mRis plus les cantons du Faouët
et de Gourin (MOl'bihan), de Maël-Carhaix, Rostrenen et

Callac, et plus,loin de Plouaret et Plestin (Côtes-du-Nol'dj.
- C'est un ressort plus vaste que le Finistère.
L'édit assigne au présidial une compétence toute différente .
de celle de l'ancienne sénéchaussée: il jugera souveraine:
ment nombre d'affaires. Pour ces deux motifs. il faut
augmenter le nombre de~ juges; ét l'édit crée u. s~pt con­
seillers,un avocat du roi,et u,n greffier d'appeaux (d'appel).»
Mais comprenons bien le texte: ces nou"{eaux officiers ne'
composent pas la compagnie judiciaire: ils sont surajoutés
aux officiers de la sénéchaussée: sénéchal, alloué, lieu~nant
civil, peut-être lieutement criminel (juge d'instruction)~
procureur du roi, greffier, La «sénéchaussée présidiale )l
(c'est un terme souvent employé) comprend donc quatorze
ou quinze officiers, dOli . le sénéchal est le chef.
Un peu plus tard , dès p. \".mt la Ligue, 'apparaît un autre
magistrat ayan t le titre de présidell t AU présidial; enfin un
. édit du 10 février 1705, créa un président DU prés~dia.l. Cet
office imaginé pour un motif de fiscalité fut occupé à, Quimper
cumulativement avec l'office de président AU présidia.l, Il fut
supprimé en 1764 :et rattaché aux offices de lieutenants civil
et criminel.

Cette création éphémère n'augmenta en rien l'importance
du présidial de Qi.timper; mais, dès avant cette création, le
chanoine Moreau, lui-même conseiller au présidial, a pu
nous mon.t.rer le sénéchal ( présidant entl'e dix et douze juges,
et exerçant l'office le plus beau, le plus honorable et le plus
. lucratif de Basse-Bretagne (1). J)
Plus tat'd le présidial pl'it encol'e plus d'importance: c'est
quand l'édit de 1670 lui donna une compétence criminelle, et
lui aLtl'ibua le jugement définitif des crimes dits p1'ésidiaux.
l\lais cette situation, q uelq u 'éminente et honorée qu'elle fM,

ne satisfaisait pas l'inquièleambition des (( présidiaux » (2) de

Quimper.
Louis XIII et la reine Anne avaient fait bâtir dans laT erre­
au-Duc ( un beau logis» pour les audiences de la sénéchaus­
sée. Cet édifice fut follementù étruit en prévision du siège
de 1594 (3). Les présidiaux obtinrent par tolérance de sièger
dans la ville close, au -fief de l'évêque. Mais quels hôtes in­
commodes ! II leur faut être les maitres, et la guerre com­
mence contre l'assemblée de villè, le gouverneur, la just.ice
rega il'es, les sièges royaux infél'ieurs (4) ! Et entre
des
temps le sénéchal doit encore soutenir une lutte pel'sonnelle
contre le président au présidial,qu.i, impatient de la seconde
place, prétend monler à la première et devenir le chef de la
compagnie !
Ces discussions durèrent un peu assoupies jusqu'aux ùer­
nières années de l'ancienne monarchie .

(1) Moreau. Ligue en Bretagne, p. 236-237. L'auteur ne parle que des
iuges, et son compte est exact si nous supprImons comme lui les gens du
,'oi et greffiers, . .
. (") Les Présidiaux, mot en usage el dont IIévin se sert dans son virulent
mémoire. Questions féodales. CtH) p. II. p. 5G-\l8 , .
(3) L'auditoire était « devant la porte M6dard ». Moreau p. 258.
C'est-à-dire le long du Stéir, à gauche de la place Terre-au-Duc d'au-
la rivière. \
iourd'hui en descendant
(4.) POU l' obtenir l'union de ces · sièges à la s6néchaussée de Quimper: .
c'est-ù-tlire cn réalité leur suppression au profit de la sénéchaussée •

A cette époque,au mois de mai 1788, un édit du roi donna

satisfaction aux vieilles ambitions du présidial. L'édit crée
entre les présidiaux et 'le parlement des tribunaux qui juge­
ront le plus grand nombre des affaires portées auparavant
par appel au parlement. _
. Ces tribunaux sont Jes grands baillages. Les magistrats
qui les composeront auront la robe rouge comme « Nos sei­
gneurs du parlement » ; ils auront la noblesse personnelle ...
qu'ils comptent bien rendre héréditaire. Il y aura trois grands
bailliages en Bretagne, à Rennes, Nantes et Quimper! Le

ressort de Quimper comprendra le ressort du présidial plus
les sénéchaussées de Quimperlé: Hennebont et Auray; il
::;'étendra de la mer au Nord de Bl'esLjusqu'auprès de Vannes.
La compagnie se composera de-vingt-sept magistrats. C'e:st
un petit parlement; et le sénéchal de Cornouaille va tout
naturellement en devenir le chef avec le titre de liéutenant-
général . . Désillusion! Devant Fopposition du parlement,
des Etats et d~ toute la Bretagne moins Quimper, le 23 août,
le roi retirait l'édit. Le sénéchal du t se résigner à 1~ présidence
de la sénéchaussée présidiale qu'il garda jusqu'à sa sup­
pression par la loi des 7 et 12 septembre 1790 .

Je voudrais étudier l'histoire des sénéchaux de Cornouaille;
mais avant de commencel')l me faudrait une liste complète .
Or, après de longues recherches, je n'ai pu dresser cette
liste. Je n'ai la succession des sénéchaux, avec une absolue
certitude, que pendant deux siècles, de la fin du XVIe siècle
à la fin du XVIIIe. Dans les siècles précédents, ma liste
. pr~sente sans doute plusieurs lacunes, ,une notamment cer­
taine entre 1270 et 1344,et une autre très probable entre 1491' , '

et 1530, J'ajoute que la liste ne commence que en 1203.0r,
longtemps auparavant, nous trouvons des ' sénéchaUx de
Rennes, de Brouërec et même des sénéchaux seigneuriaux .

Nul doute que le duc n'eût à 'cette époque un sénéchal à

Quimpe~.
Je supplie donc mes confrères de me venir en aide,comme
d'autres érudits correspondants, et de me donner les noms
qui me manquent.

LISTE DES SÉNÉCHAUX DE CORNOUAILLE (1).

1203. Henri.
1206. Guillaume Rivallon.
1210-1233. Henri Bernard (2).
1265. Olivier de Ploermergat.
1270. Mathieu de la Meule ou la Motte (3).

1344. Guillaume Derrien pour Montfort, juge universel

de Bretagne (1352).
GefIroy de Penhoët.

1382. Guillaume de Kermoysan .

1395. Maurice de Kaerlozrenec.
1405-1407. Bernard de Kero"neuf ou KeroncufT depuis 1384
• pl'ésiJent de Bretagne, en même temps sénéchal de

Léon .

1421. Pierre Cabournais.
1422-1437. Hervé Le Ny .

(1) La plupart des dates ci-après ne marquent (jusqu'à 1589) ni les no-
minations ni les cessations de fonctions; mais seulement les années où
chacun des sénéchaux se lrouve en exercice.
("2) Le sénéchal de Cornouaille nommé tantôt Henri, tantôt en latin
-Heuricus Bernard i semble le même. Il aurait exercé son office de 1'203 à
1233. Dans l'intervalle on m'a signalé G. Rivallon (1'206). Il Y aurait
donc eu une interruption dans l'exercice de Henri. .

(3) D. Moricea imprimé son nom (Pl'. 1. 1008) Jl!athœus de Mola qui -
doit être traduit de la Meule, nom inconnu. Faudl'ait-il lire de Mota, mot ,

inventé pour traduire le nom de la Motte, très commun en Bretagne?

14.4.l1: • Olivier de Quirizec maîtl'c des Comptes, ·1453 .

14.56. Guillaume de Lisiart + novembre l 105.
Bernard Droniou . nommé 7 octobre 14.57.
Guillaume Rerhoent un sénéchal de Léon de même
nom. 14.57 .

14.70-14.76. Jehan du Dresnay .

14.76. Jehan Aillet.
14.81. Henri de GOUl'melen.
1491. Jehan du Bouyer. .

1530-1533. Jehan Le Gentil, seigneur de Pontlès.
1545. Pierre de Kermorial, seigneur de Kermorvan.
Ci'éation du Présidial (1551) .
1551. Pierre de Kermorial.
1562. Georges de Lezandevez, seigneur de Hubihan.
1566. Raoul de Lanros.
1567-1576. Bertrand du' Laul'ens, seigneul' de la Motte.
-1589. Jacques Laurens, seigneur Je la Motte (pOUl' le
roi. )
1589-1594. Guillaume Le Baud, seigneul' de Crec'hmar'c'h
(pour l\'IercŒm·). •

1594-1614.. Jacques Laurens (de recher) + en 1614. (1).
1615-1616. Claude de Kersü]guen.
1617-1627. René l\locam, seigneur du Pél'ellllOll
démis-
sionnaire et lieutenant civil et crimillel.
1627-1634. Claude de Visdelou conseiller' au Parlemeut
(1634), président aux enquêtes (1637) . .
Jean de Q uirouart.z (ou Kerouartz).

1637-164.7. François de Kergoët, seigneur uu Guilly.
1647-1662. Olivie!' Salou, seigneur de Talhollet.
1662-1(364. Germain Lhonoré, seigneul' de Ker'ambiquet-

. démissionnail'e.

(1) Voi l' Deux Sénéchallx de COI'/lOllai/le. BullcLin de 1895 .

1664-1676. Bernard Crouézé, seigneur de Kervily (1).
1676-1724. Charles Dondel, seigneur du Pal'c + 1724.
Guy-Augustin Dondel, son fils + 1724.

1724-1757. Hervé-Gabriel de Silguy, seigneur de Coatir-
bescond. .

1757-1768. Jean-Hervé (fils du précédent) - démissionnaire,

avo cat g é néral au parlement .

1768-177 •. Jean-Alain Léon, seigneur de Tréverret - séné-
chal de Re nnes.
Le Goaezre de Kel'vélégan
1774-1790. Aug ustin-Bernat'd

(suppression de l'office).
Puissent les pages qui précèdent être une" Introduction à
l'Histoire. de la Sénéchaussée et des Sénéchaux de Cor-
nouaille !

j. TREVEDY,
AnGie'n P,'ésident du tribunal de Quimper.

(1) 1\1. de Courcy (V" CI'ouéJ"é 1. 315) indique deux sénéchaux de Quim­
per du nom de. Crouoze depuis :üG2. II n'y a de place pOUl' eux qu'entre
lGG4 et lG7G,