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Bulletin SAF 1899


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Tumulus et monument circulaire avec sépulture. De Keranbroc'h, en Rosporden

Villiers du Terrage

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XXIX.
TU ULUS & MO NUMENT CIRCULAIRE
AVEC SEPULTURE
De KERANBROC'H, en Rosporden.

Le tumulus de Keranbroc'h est situé dans un 'champ dit
Park Kamm (1), au Sud-est, et à 300 mètres de la métairie
sur le territoire de Rosporden, et
de ce nom. Il se trouve
occupe un point élevé portant sur la carte de l'état-major
la cote d'altitude 135. A vol d'oiseau il n'est pas à plus de
1500 mètres du monument de Keranbriguen, qui a été ex-
ploré en 1898. (2)
La partie supérieure du champ Park Kamm avait toujours
été signalée par les fermiers comme remplie de pierres et
difficile à cultiver. La' surface du sol y présente des ondu­
croyait reconnaître la trace
lations dans lesquelles on
d'anciennes carrières.
La possibilité d'y voir les restes d'un ancien tumulus
m'ayant été signalée, après examen, j'ai reconnu qu'il devait
un ' tumulus, dont la hauteur avait été
y avoir là, en effet,
réduite par le travail de la charrue à une quinzaine de cen­
n'était plus possible de déterminer les
timètres, et dont il
la base. A la surface du sol se voyaient en
dimensions à

grand nombre des pierres ayant une composition diffé-
rente de celles qui existent naturellement dans cette partie
du champ. Quelques sondages, faits pour me renseigner,
signalèrent bien l'existence anormale de pierres dans le
sous-sol, mais sans fournir de renseignement utile .
(1) /{amm courbé, coudé (Legonidec). Cette qualification du champ s'ex­
son ancienne forme, d'après le cadastre .
plique par

(2) Bulletin de la Société Archéologique du Finistère ('1898. Tome XXV).

Je me décidai donc le 23 octobre dernier à ' ouvrir deux
tranchées se croisant à angle droit sur le centre présumé
du tumulus. Presque immédiatement les ouvriers rencon-
trèrent sur plusieurs points, et à la profondeur de 0 m. 15,
des massifs de pierres, sorte de maçonnerie fort grossière,
ou plutôt véritable blocage analogue à celui que j'avais trouvé
à Keranbriguen. Mon premier soin fût de déterminer le
contour. de ces massifs, et je reconnus tout d'abord une en­
ceinte circ~laire régulièrement tracée ayant 6 m. 50 de
diamètre extérieur comme celle de Keranbriguen. L'épaisseur
du mur n'est pas uniforme, sur le demi-cercle Nord-est, elle
varie seulement de 1 m. à 1 m. 10, tandis que, sur le demi·
cercle opposé, elle atteint 1 m. 40 et 1 m 50. Au Sud-est
la continuité du mur est interrompue par une ouverture de
1 m. 10. Enfin dans l'intérieur de l'enceinte, s'y rattachant
au Nord-ouest, et se dirigeant vers l'ouverture, se trouve un
massif en forme d'éperon ayant 3 m. 10 de longueur et une
largeur de 0 m. 70 à . 0 m. 80. Sa direction forme avec la
méridienne un angle de 54 degrés Ouest.

Après avoir déblayé l'et:lceinte sur 0 m. 30 de hauteur, j'ai
reconnu que le mur circulaire ne se composait plus que d'urie
0 m. 15, toutes les assises supérieures ayant été
assise de
enlevées par la charrue. Cette assise est fondée sur la terre

jaune argileuse, qui forme toute la masse du tumulus, et qui
très
a été, pour cette fondation, réglée suivant une surface
exactement horizontale . 'Le massif de l'éperon, dont la partie

supérieure a également disparu, est fondé plus profondément.
Sur le pourtour de l'enceinte, vers le Sud-ouest, j'ai remarqué
des pierres plates posées suivant une inclinaison régulière
formant une sorte de revêtement. Quelques unes de ces
pierres sont visibles à l'extrême droite de la photographie .
Une disposition analogue existait à Keranbriguen, s,eulement
les pierres plates étaient placées à l'intérieur du mur circu-
laire. '. .
M. du Chatellier, président de la Société Archéologique
je m'étais empressé de prévenir, est venu
du Finistère, que

le 30 octobre, accompagné de M. le commandant Martin,
l'état où le
visiter le monument qui était alors dans
représente la photographie .
. En sa présence, le massif de l'éperon a été démoli avec
grande précaution. Les pierres qui le formaient étaient toutes
de petite dimension (1), beaucoup portaient la trace du feu.
qu'un vér~table blocage, dont les vides étaient
Ce n'était
par la terre constituant le tumulus, où se rem on­
remplis
trjlient quelquefois des cendres, mais surtout du charbon
et de la poterie en fragments, qui souvent n'étaient guère
plus gros que des pois. Ce massif était fondé à 0 m. 60 en
la fondation de l'enceinte.
contrebas de

(1) Par une exception ' unique, il a été rencontré dans le massif de
l'éperon, près de l'enceinte, un bloc de quartz ayant 0 m. 30 de dimension
les sens, et pesant près de 80 kilogrammes .
dans tous

Quand toutes les pierres eurent été enlevées et le fond de la
fouille bien nivelé, l'existence d'une fosse, creusée dans le
. terrain naturel sous l'éperon, est devenu évidente par la
couleur un peu plus grise de la terre qui la remplissait.
Cette fosse avait 3 m. de longueur, 'à peu près comme
l'éperon. et 0 m. 55 de' largeur '( 1). Sa profondeur, assez
régulière de 0 m. 16, se réduisait, à son origine près de l'en-
ceinte, à 0 m. 08 environ. '

A l'autre extrémité, et un peu sur le côté de la fosse,

c'est-à-dire presqu'au centre de l'enceinte, au point indiqué
par la lettre A sur le croquis, les ouvriers ont rencontré les
déb~is d'un vase anciennement écrasé par la terre du tumulus,
car on n'a retrouvé aucune trace de disposition prise pour
le protéger, au moins à la partie supéri~ure. Des fragments
très nombreux en ont été recueillis, mais ils étaient, en
général, de trop petite dimension pour permettre la recons­
titution complète du vase. De leur examen, on peut cependant
tirer quelques conclusions.
, La poterie est rouge, commune plutôt que grossière; elle
contient quelques par'celles de mica; son épaisseur est
variable et atteint son minimum de 0 m. 006 au milieu de la
panse.
Le bord est orné sur une largeur de '0 m. 02 ,de deux
bourrelets légèrement saillants.
Le fond, dont presque tous les morceaux ont été retrouvés,
avait 0 m. 07 de diamètre. Il n'y a aucune trace de matières
étrangères ,qu'il aurait pu contenir.
Le vase avait au moins deux anses; l'une a été trouvée .
incomplète, l'autre cemplète en deux , morceaux. Ces anses
ont de 0 m. 02 à 0 m. 017 de largeur et 0 m. 009 d'épaisseur,

avec deux bourrelets séparés par un creux, où se voit la
trace de l'ébauchoir.
(1) Elle est indiquée dans le croquis par des hachures plus serrées.

Quant aux autres dimensions, je présume que le vase

pouvait avoir 0 m. 11 de hauteur, 0 m. 08 de diamètre à l'en­
trée et 0 m. 10 à 0 m. 12 au milieu de la panse, ce qui don­
Ker-
nerait une forme générale analogue à celle du vase de
vabo décrit par M. du Chatellier (1). .
A côté du vase se trouvaient deux morceaux de quartz de
petite dimension, dont la s'Urface était couverte de cristaux
translucides, bien caractérisés (cristal de roche). Des échan­
tillons analogues ne se trouvent que rarement dans les en,
virons, et leur' présence à cet endroit, au milieu de terres
remaniées, est évidemment intentionnelle. On doit croire
y attachaient un prix tout
que les constructeurs du tumulus
particulier, et qu'en les plaçant ainsi ils voulaient accomplir
un rite traditionnel.

Dans les terres qui remplissaient l'enceinte, il y avait,
je l'ai dit plus haut, un très grand nombr'e de
ainsi que
presqu'à l'état de poussière,
parcelles de charbon réduit
quelquefois de la cendre, et beaucoup ge fragments de
poterie, presque toujours de petite dimension. Pour quelques-
uns cependant on peut affirmer qu'ils provenaient de vases
différents. La poterie en est toujours beaucoup plus grossière
que celle du vase central, et l'épaisseur varie de 0 m. 005
à 0 m. 014. Deux morceaux seulement avaient. une forme
appréciable. L'un fait partie d'un fond de vase qui pouvait

avoir 0 m. 07 de diamètre; la poterie, particulièrement
0 m. 011 d'épaisseur. L'autre, probablement
grossière, a
est accompagné d'un bouton
fragment du bord d'un vase,
très saillant ayant une section circulaire,ce qui ne permettrait
guère d'y voir l'amorce d'une anse. La poterie est très gros­
sière et le travail du modelage également. J'ai recueilli enfin
dans la terre du tumulus un fragment de roche quartzeuze
(1) La Poterie aux époques préhistorique et gauloise dans l'Armorique,
(Paris et Rennes. 1897) .

qui, par ses dimensions et sa forme, pourrait être assimilé
.à un grattoir (1).
Au milieu du champ, et non loin du tumulus, il y avait
gros bloc de quartz que le domanier de Keran­
autrefois un
broc'h, pour s'en débarrasser, a déplacé, il y a une soixan­
taine d'années, et rejete dans la douve du fossé qui longe la
. route de Coray. Ce bloc y est encore: il a près de 2 mètres
de longueur, assez règulièrement 0 m. 70 d'épaisseur, et il
à une une extrémité, qui est grossièrement ar-
s'amincit
rondie. .
très vraisemblablement un menhir accompagnant
. C'était
tumulus voisin .

La découverte du monument de Keranbroc'h n'aurait pas

mérité d'être signalée, si on considérait seulement les objets
Son intérêt con­
recueillis dans l'exploration qui en a été faite.
siste dans ses dispositions général,es, qui le rapprochent du
monument de Keranbriguen, mais en lui donnant d'une
manière certaine le ca"actère de sépulture.
On connaît déjà des monuments circulaires, et notamment
celui sous tumulus à Kerbascat en Tréguennec, décrit par M.
du Chatellier. Il y a aussi des exemples d'enceintes percées
larges pour leur donner la
. d'ouvertures, quelquefois assez
forme d'un fer à cheval. A Keranbroc'h, nous retrouvons en
terrain naturel surmontée
plus une fosse creusée dans le
d'un massif de pierre, sorte de galgal, qui donne à cette
iépulture, une fois découverte, l'aspect · de ces buttes de
terre qui se voyent dans nos èimetières surmontant les tombes
les plus modes.~es: c'est là une forme de sépulture aux temps

préhistoriques qui, je crois, n'a pas encore été signalée.

(t) Les tas de fumier que l'on voit sur la photographie indiquent l'inten­
du fermier de cultiver cette année le champ Parc-Kamm : toute.
tion
du monumént a maintenant disparu.
trace

-, tHo --

Le monument de Keranbroc'h doit être considéré comme
contemporain de celui de Keranbriguen et .doit comme lui
remonter au commencement de l'âge du bronze.

Dans les parties basses du même champ Park-Kamm, il
a été.fait, il y a quelques années, la découverte intéressante
de deux vases. D'après l'ouvrier très intelligent qui les a .
à peu près pareils, étaient enterrés à
trouvés, ces vases,
deux pieds (0 m. 67) de profondeur, sans aucune protection,
ils avaient environ 25 centimètres de hauteur et également
2-5 centimètres au milieu de la panse. Le goulot était à peine
large pour le passage de la main d'un homme. La
assez
poterie était rouge terne.
L'un de ces vases ne renfermait que de la terre grasse:
l'autre, qui dans le fond était percé d'un trou, contenait des
ossements de petite dimension. Mon interlocuteur a persisté
à dire que ces ossements n'étaient pas ceux d'un petit ani­
mal, mais bien ceux d'un jeune enfant.
Ces vases ont malheureusement disparu .

VILLIERS DU TERRAGE .

Kerminihy, en Rosporden, Novembre 1899.