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Bulletin SAF 1899


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Killiverien

W. J. Jones

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XXVI

KILLIVERIEN

A la dernière séance le nom du village de i{zlliverien fut
étant celui d'un refuge assigné autrefois d'après
cité comme
la tradition popuhiré aux lépreux Il serait intéressant de
rechercher l'étym précieuse indication qur pourrait aider à fixer
offrir une
refuges de lépreux dans d'autres localités. .
les
Le nom de famille Kellever en est évidemment une variante
au singulier, malgré la différence des -voyelles. Il s'agit de
trouver une explication de ce changement de voyelles; ce
que nous croyons pouvoir faire par le principe d'assimilation.
Si Kellever est la vraie forme, kel peut signifier cam (cum)
associé; (Cf. Kenvrois, Kenseurt. K enscolaer, etc.) ; [( illive­
rien pourrait ' donc signifier des . associés (lépreux): et
Kellevel', un compagnon !lépr~ux). Nous laisserons pour

l'instant la dernière partie du nom.
pourrions encore expliquer kell par cellLtle, plus
Nous
tard cloison d'après Troude (Cf. gallois kell, ' llyfrgell, etc.)

mais il ' serait alors difficile d'expliquer comment les deux
voyelles e d'une forme Kelleverien seraient devenues i pour
former Killiverien. Nous croyons donc devoir maintenir que.
la première forme est Killeyerien.
Il est donc préférable de dériver la . première partie du
Kil, un mot qui entre dans la composition de plu­nom de
sieurs mots bretons et d'expliquer le changement de voyelle
de Kellever comme ayant eu lieu par assimilation à la voyelle
la seconde syllabe (Killever, Kellever). Kildant (molaire)
une dent au' land de la bouche (Cf. gallois cilddant ) ;
est
Kilpenn (occiput), la partie arrière de la tête (Cf. gal1,
gwe-gil, probablement gottg-gil). ,
Les adverbes 'par-gil et a·gil signifient à reculons (Cf. gall.

cil eu cern (1) ~ ou kil ho kein). Le breton a aussi les verbes
kila, kilein, reculer, aller en arrière (Cf. gal!: cilio).
Dans tontes les formes de la racine, l'idée commune est
facile à découvrir et signifie arrière, refuge, retraite. (Cf.
Cilie . ou Ciliau, un nom de lieu du pays de Galles,
en réalité, le pluriel de kil ou cil.) Guilvineè n'est
autre que [(il-gwinec , c'est-à-dire le refuge ou la re­
tl'aite de Gwinec, l'initiale k étant devenue g par permu-
tation à cause de l'article défini qui fait encore partie du
nom en français (Le Guilvinec). Tronde, dans son diction­
naire, donne à kil le sens de revers, arrière, le dos d'un
couteau (Cf. gall. cil-cledqé dos d\me épée). En gallois ,on ·
pourrait encore citer plusieurs autres exemples de l'usage
dù mot. M. de la Borderie, dans un recueil d'édits, donne un

nom de lieu composé de kil~ à savoir Kilues ou Kilnes,

(c. A. D. 1001). Dans le Catholicon nous avons aussi les
mots quil et quildant: . .
Reste à expliquer l'autre partie du mot. Le substantif liver
(peintre pl. liverien) a la forme active, et ne peut s'appliquer
ici. La voyelle e, de la seconde syllabe accentuée de killever,
s'est assimilée la lettre i de la première syÏlabe pour donner
kellever; mais, dans la forme du plnriel, killiverien, c'est le
contraire qui a eu lieu, la voyelle de la première syllabe a

entraîné à sa suite la voyelle e de la seconde syllabe, ce qui
a été plus facile à cause de la longueur du mot, qui, en plus
de l'accent sur l'avant-dernière syllabe, en demandait un
autre stlr kil. Un essai de prononcer ces mots à la bretonne
suffira pour v8rifier le princi pe .
Comme beaucoup d'autres mots du même genre, 'ce mot
doit dériver du latin. (Cf. Hospital, Penity. Ce dernier mot
est justement un nom bâtard dont la dernière partie est
bretonne). Le mot qui siguifie lépreux en breton est lor,lozr,
. (1) JI est à remarquer qne le c gallois se prononce toujours k, et que
le g est toujours un guttural.

lovr (pl. lovreyen, loreyen). Le mot français ladre dérive de

Lazare, le lépreux de la parabole (saint-Luc, chap. XVI),
mais pous ne croyons pouvoir en dériver le mot breton, '

malgré la grande ressemblance qui existe entre eux.

La forme ancienne lovr nons permettra de lier le mot Lor
au latifl leprosus, mais la forme lever (pl. levèrien) s'en
rapproche , bie,n plus encore. En effet les labiales p et b se
transforment souvent en v; e. g., lièvre, chèvre, orfèvre, '
et en hreton paour (pawr), don'vi (dompter), faven, leor
lèvre,
ou levr, ete. Lever doit donc dériver de lép'rosl1s, et le nom

de lieu Killiverien indique un refuge pour les lépreux,
On appelait ces refuges aussi clandi, ti an loffreyen ou
hospital an lovreyen (voir Grégoire de Rostrenen).
Le cornique désignait le lépreux pal' le mot claforec ou
claforer et la maladie parlovrygyan, Le gallois désigne la
maladie par le mot guahan-glwYI qui signifie la plaie (gloaz ,
qui sépare. '
Le breton lorgnez garde toujours la signification de lèpre,
, mais l'adjective a pris le sens d'une impureté quelconque .
serait intéressé:.nt de savoir si le nom de lieu lùlliverien

est fréquent, puisqu'il peut servir aux chercheurs à fixer
l'emplacement des léproseries, si notre étymologie est vraie,
,nous croyons être le cas. vV. J. JONES.
ce que

Le mot breton Kilt signifie maison, habi,tation, clôlure : il a pour
pluriel: Kil-i, Killi, réunion d~ ,maisons, hameau, ,Nous t~ouvons
'ce pluriel Killi ~ans la. c,omposltlon du nom de. plll~leurs -"l.'l~ges :
PeuO'willi en Meilars, I\.illiderc'h en Lampaul GUll11lllan, I\illldlCC en
Com"anna Kilinen en Landrévarzeo, Killidouaré en Cast, Killldien
en Plouidneau, Killihouarn en Plouzané, Killivien en Rosnoën,
Killigong~r en Quimerc'h,. G,uilligomar,. nom de.commune N:en
sfrait-il pas de même de [(ûl~~,en,en, illalSOnS ou vlllè'lge de i\'~errIen
(nom de famille très répandu). C'est le cas pouF KermerrlGn en
Pleyben, ainsi que ponr Kerarmerrien et Kerver~len , t.ous ~el1x en
Plol1zané et situés, ['un à 6 kilomètres, l'autre il 4 lolometres du
KiUiverie:q. en question, J.' M, ABGRALL, .

Notes justUieatives.

Je me permets de faire remarquer que la vraie signification
de hl est retraite ou un lieu retirë, il est posszble qu'il ait eu
pour sens secondaire habitation ou maison. car tout le
monde cherche à couvrir sa retraite d'un toit quelconque;
mais cloture se traduit par kell 'qui ne doit pas être confondu
kit (vo~r Troude).
avec
Le mot kil a pu avoir pour pluriel kilti (Cf. gallois Ciltej. , .
Le nouveau dictionnaire g~llois de M. Sdvan Evans donne
beaucoup d'exemples de ce mot avec le sens de retraite. Il
entre largement dans la composition de noms de lieu, la :
dernière partie indiquant souvent lesprl'sonnes qui en

avaient fait des lieux de refuge Je me permets de citer a~lssi
les dictionnaires corniques de yVilliams et du docteùr Jago,'
qui donnent également au mot le sens indiqué plus haut.
Certains des noms de lieu cités par M. le chanoine
Abgrall sout probahlement formés de noms propres; il en
est ainsi de Killidouaré (Doaré) , Killigongar (Congar Cf.
et peut-être de Killihouarn (Hoiarll, Houarn);
J-ies-Congar)
la première paetie de ces noms est done kilti; on peut en
dire autant ùe Killiderc'h où dore'h (comme en gallois) veut
dire élevé et renferme la racine de del'c'hel (élever). Il n'en
est pas aussi certain pour Killidiec, Killidien et Killivien: et
surtout pour Kilinen. Mais, par contl'e, il est certain que
Pengnilly et Guilligomar sont formés du mot Gu.illy, qui
signifie forêt ou bocage, comme aussi les noms Keranguilly
et Guilly; et anlant que j'ai pu le constater. ces lieux sont
tous à promixité de forêts plus . ou moins importantes. Le
gallois et le cornique ont aussi les mots gelti, gelly avec la
même significatioll. Guilly et Ktlli ne seraient-ils pas en
réalité le même mot?

J'admets que le nom lùlliverien peut se diviser comme
l'indique M. Abgrall, mais il n'en est pas ainsi de Kellever
(ou Quellever), qui, j'en suis convaincu, en est une autre
forme au singulier Merrien est un pluriel don11e singulier est
merrienenn, et .le ne trouve dans aucune des trois branches ,
brittoniques un mot celtique (mer) qui puisse servir à expli-
quer le mot Kellever. ' .
De plus la ,tradition populaire doit avoir un certain poids,
d'autant plus que l'étymologie proposée justifie la tradition,

mais n'a pu la faire naître.
Après avoir écrit ce qui précède j'ai eu la bonne fortune
de consulter le précieux volume de M. Loth,La Chrest01nathie
bretonne, et j'y trouve celli (pron. Kelli) bocage ou b'osquet,
dont il dérive quilli (ou gUllly) ainsi que cil (cel) avec le
sens donné plus haut. Il y cite Quilmezien 1459 aujourd'hui'-
Quilvien, 'et Quilguennec, aujourd'hui Qllelfennec (Cf. Gwrgi
et Mt Frugy. '
Le Pelletier dèrive le mot lor de leprosus et dit:
« Il se
trouve un Leproswn, dit maintenant Le'vroux,
lequel
M. Vallois croit que c'est le Loroux n. ,
d'éty-
Je laisse donc avec quelque confiance cet essai
mologie à l'appréciation des critiques compétents.

W. J. JONES.