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Bulletin SAF 1899


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Patissiers et rotisseurs

J. Trévédy

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OF • • UO

XXIV.

PATISSIERS ET ROTISSEURS

Je m'occupais récemment d'un seigneul' haut justicier
, pètit-fils d'un pâtissi~r de Rennes ('L). A ce propos, Je fis

quelques recherches sur les pâtissiers d'autrefois. Qllel(fl.l8S
détails nouveaux pour moi m'incitèrent à poursuivl'e mes
investigations. ,En voici le résultat. Les pag.es qui ~;iUivent
,sont une mosaïque. Je n'ai en d'autre pei ne quo do recueillir
et de mettre en ordre les menus fragment.s qui la com- .

posent (21. ' 0
Quelques observations préliminaires.
Nous devons dire quelqnes mots de deux doeuments que
nous citerons souvent: Le livre des métiers de Paris rédigé
au XIIIe siècle et l'ordonnance rendue par Louis XI en 14.67
distribuant les corporations en bannières.

(1) Une maison de la 1'ue Saint-F1'ançois de Qllimpe1';- La' famille
Gaz,on ; Rotu1'iers seigneurs hauts justiciers.
('2) Le livre des métiers d'Etienne Boileau publié par M. Depping, en 1837,
dans la collection des Documents inédits..... 1 rc ~érie. pa rt ie histoi1 'e
politique. A la suite l'éditeur a publié de nombreuses ordonnances sur le!';
métiers de Paris de 1'270 à 1300. C'est pou l'quoi M. Depping a donné à
son livre ce titre général: Réglements Sft?' les w'ts et métiers de Pw'is au
XIIIe siècle.

Le Calencl1'ier des conf1'ér'ies de Paris par oJ.-B. Le \lasson, parisien,
1621, curieux petit livre, introuvable, heureusement rMclit.é (avec inll'o­
duction et appendice) en 1875, pal' l'abbé V. Dufour. Paris. L. Willem. -
A la suite en Appendice, l'ordonnance sU?' le fait des méfie1's de Par'is, par'
Louis XI, à Chàrtres, juin 1467.
Dictionnaire de Trévo nx. 1771. Passim. Vi, cabareticJ's, cUÎsinir'rs.

hôteliel:s, pâtissiers, rôtissemo ,s, tavemiel'3, etc.
Dictionnaire historique des instilu (ïOIlS. etc. par A. Ch érllel (Il-\S5'.
Vis C011i01'CdiQns" elc.

Le livre des '11'Létiers qui porte le nom d'Étienne Boileau,
prévôt. de P aris SOlIS le règ ne de saint. Louis (125~), contient
les règlements de cent cor poratio "n s. Ce qni rend cette collec­
particulièrement intéressante, c'est que la plllpar't de
tion
. ces règlements sont l'ouvrage des cor porations elles-mêmes.
E tienne Boileau a co nstaté une centaine de règlemeuts et

nommé seulement cent dix-sep t métiers . Il est clair qu'à
celle époque d'autres métiel's s'exerçaient à Paris qui n'on t
. pas demandé la constatation officielle de leurs règlements (1) ;
. notamment les bouchers qui se prétendirent plus tard la
plus ancienne corporation (2),et les oublietlT'S dont nous allons
parler .
On croira sans peine que les corporations nomb,reuses,
'compren~nt beancoup d'hommbsjeunes,etsentant leurs forces,
se mêlèrent souvent aux lutt.es politiques, notamment sous
Charles V, où elles suivirent le parti d'Etienne Marcel, sous
Charles VI et Charles VIL Louis XI, qui pouvait redouter
leur influence , essaya de s'en emparer, en les rangeant sous
soixante bannières à l'exemple des bourgeois des villes du

Nord (3). L'ordonnance est du mois de juin 1467.
Depuis le XIIIe siècle, d'autres métiers ct cOl'porations
avaient pris naissance. Le roi Louis XI nomme 168 métiers.

NuI doute que plusieurs noms ne soient sons-entendus; je
veux dire que plusieurs métiers ne soient compris sous le nom
de métiers similaires . Exemple: les caharetiers confondus
assurément avec les taverniers (4).
(1) Plusieurs métiet's sont nommés dans la liste des ordonnances rendues
en! rc l 'no à J 300, imprimées à la suite du Livre des métie1's.
(2) Sur ce point cf. Int1'oductioll p. LVI et suiv. '
(3) On a rem:lrqué (Calendrier. Introduction, LVII) que « c'est le premier
essai d'organisation à Paris d'une milice bourgeoise qu i. plus tard, s'appela
la garde nationale. »
• (Ii) Le J'oi n'a assurérp.ent pas omis une seule des corporations. ~a liste
des Confréries ayant fête palronale qui répond à la liste des corporations
comprend à peu près le même nonlbre de noms . .

U ne observation. Le système des corporations était abso-
lument resteictif. Chacun des métiers exerçait un monopole

qu'il faisait rigoul'eusement respecter des méti.ers ses voisiris.

C'est assurément de cette époque que date l'expression
jalousie de métier. Chaque corps de,métier était comme une
place .close de murs et bien gardée; mais si étroitement ' .
bloquée que pas un de ses habitants ne peut faire un pas au
dehors. Supposez un Michel-Ange menuisier, un Raphaël
peintl'e en bâtiment; que le premier ébauche le Moïse, que
... vite une plainte
le second esquisse une de ses madones,
ùnagiers, sculpteurs et peintres qui seuls ont le droit de
des
sculptel: et peindre des images! Le monopole des corpo-
rations coupait ainsi les ailes au génie ou, si l'on veut, à la
simple initiative. Ce vice capital appelait une réforme

sérieuse; mais devait-il faire abolir les corporations avec
bon: l'assistance mutuelle, l'assurance
ce qu'elles avaient de
contre la concurrence déloyale, etc. etc. ? Il est permis de

croire que non (1) .
maintenant entamer l'étude des pâtissiers .
Nous pouvons

Nous verrons que, dans le coues des âges, cette industrie
s'est mod ifiée: ils sont dits d'abord pâtissiers-oublieurs,

puis pâtiss~ers et rôtisseurs, jamais, comme de nos jours,
pâtissiers-confiseurs.
Un mot en passant sur ce dernier point.
Aujourd'hui nous lisons sur nombre d'.enseignes ces deux
. mots accolés: pâtissier-confiseur. Le mot confiseur est
relativement nouveau: autrefois on disait confiturier; mais
à cette époque personne n'a pu prendre le titre de pâtissier·
• confiturier .
Les deux industries qui se confondent ou du moins s'unis­
sent naturellement aujourd'hui étaient autrefois absolument
(1 ) fi En supprimant les jurandes au lieu de les réformer, Turgot n'a-t­
i! pas fait comme le sauvage qui' abat l'arbre dont il veut avoir le fruit?
Calendrier ..... Il1slrodQction p. XXXIX.

séparées ; et le rapprochement des (feux mots eût été un
non-sens à J'époque où le sucre était si ral'e qu'il. se vendait
à l'once chez l'apothicaire .

temps malheureux, c'est-à-dire avant le XVIIe
E.n ces

siècle, le pâtissier au lieu de sucre employait le miel, qui ne
plus guère son emploi que dans le pain d'épice. Le .
tl'ouve
confiturier pOUl' confire les fruits avait recours au sel et plus
ordinairement au poivre, au gingembre. De là le nom d'épices
.pris au sens de confitu.res. Originairement c'étaient des con­
fitùres qui étaient offertes en présent aux juges sous le nom

d'épices. .

au sucre nous avons quelque peine à comprendre
Habitués
le goût de nos pères pour les confitures épicées. Or ce goût
était, semble-t·.il, très vif, tant il est souvent question d'épices
et de confitures offertes, et dans des circonstances où de nos
jours on n'offrirait pas des pralines et des fondants (1).
Mais c'est assez parlé des confituriers, revenons aux

patlsslers .

pâtÏssÏers .
L'art du pâtissier, poussé si loin de nos jours, était fatale-
ment dans l'enfance à l'époque où le miel tenait la place du
sucre. Au XlIIe siècle et après, la pâtisserie était surtout

(1 ) Ici quelques exemples: •
Le 13 avril H3ll; ~e connétable de Richemont rentre dans Paris.
C'est le vendredi de Pâques, et il garde le jeüne de dévotion de la 6' férie.
Comme il revenait des Halles à Notre-Dame, pour y chanter Te Deum, il
passe devant la maison de son épicier, et celui-ci sort joyeux de sa boutique
des épices, c'~st-à-dire des confitures. .
. lui oJIrant
Au printemps de 1594, le rapace D. Jean d'Aquila menace d'entrer à
Quimpee, La ville sait que ses réquisitions sont aussi lourdes aux villes
li gueuses qu'aux ' autres. Pour l'empêcher d'entt'er en ville, elle lui offre
des « duulceurs » notamment quatl'e barils de confitures et une pièce de
sucre pesant 2) livees, payée 15 livres, au moins lZO francs. Compte des
rniSe1tTS de Quimpe1", par le regretté commandant Faty. Bull. de la Société
archéologique, t. XII (1885), p. ! 45. . .

l'œuvre des boulangers que"le Livre des rnétiel's nomme aussi
talemeliers (1). Toutefois, dès cette époque, il existait des
pâtissiel;s sous le nom d'oublayeurs, plus tard oublieurs, fai­
senrs ct marchands d'oublies; la preuve c'est qu'une ordon-

nance les concernant fut rendue en .1270 (2).
• Le nom de pâtissier apparaît dans l'ordonnancé cte 1467,
Disons toutefoi:,; qlle les pât.issiers ne demandèrent ou. n'oh­
tinrent l'approbation de leurs 'statuts que cent ans plus tard
(en 1567) sous le nom de pâtissiers-ouhlayeufs (3). .
Dans l'ordonnance de 1467, les pâtissiers sont rangés sous

la 6 bannièl'e avec les meuniers. Nul doute que le mot pât-is-
sier ne soit pris ici au sens de pâtissier-oublieur : en effet,
nous voyons les rôtisseurs rangés sous la 38 bannière. Le
rapprochement des pâtissiers-oublieurs avec les meuniers
s'explique par les relations nécessaires qu'établit entre eux
la farine faite par les meuniers et façonnée par les pâtissiers .
Tout le monde connaît les oublies. Elles étaient au Moyen-
Age ce qu'elles sont. de nos jo~rs ; et alors comme aujour-

d'hui elles étaient criées par les rues. Mais l'humeur joviale
de nos pères avait introduit un usage qui sembleraÏt de nos
jours une ty.rannie. Supposez un crieur dont la vente a vidé
le corbillo.n : le demier acheteur pourra le contraindre. à
dire une chanson, les pieds dans l'eau du ruisseau! .
Du reste, dès le Xl[[e siècle, les oublieurs ne faisaient pas
seulement les oublies d'où ils tiraient leuL' nom: ils faisaient
entr'autres pâtisseries des nl:èles ou nieules, gâteau sans
doute ·très petit, très simple et d'une ' fabrication facile,

puisquo: pour être reçu oub1ieur, l'apprenti devait pouvoir
en faire mille au moins' dans sa journée (4). . ,

(1) LiV1"e des métiers ... TalemelieTs, p,' 4. •
(~) Livre des métiers ... p. 350,
(3) Chéruel dit (V· Nour1'üure, p, 877, Pâtisserie) : « Il se forma en 1-)67
une nouvelle corporation des pâtissiers ... )) On ne peut entendre cette
·phrase que dans le sens que nou<; clonnons ici, puisque nous trouvons les
pâtissiers mentionnés cent ans auparavant. .
(4) Livre des métiers. Ordo de 1270, p. 3jO.

Les pâtissiers-ouhlieurs avaient, vers 1567, une enseigne
singulière. C'était une lanter,ne dite lanterne vive (vivante),
un transparent chargé de figures d'animaux qui semblaient
courir l'un après l'autre. Le soir, une mèche trempée dans
l'huile de poisson, la graisse ou le suif s!allumait dans la
lanterne, à la grande joie des enfants. La lanterne, éclairée
par ce lumignon fumeux a été chantée par Régnier (1). 'Le
poète n'imaginait pas la clarté du gaz ni la lumière électrique ..
Du reste, la réunion des pâtissiers et des meuniers sous la
même bannière laissa 'à chacun des deux métiers ses statuts
particuliers, ses fêtes de confrérie et son patron.

Les meuniers s'assemblaient dans l'église du Saint-Esprit,
le 11 novembre, jour de la fête de leur patron saint Martin; .
les pâtissiel's-oublieurs avaient pour patron saint Michel ; et
leur fête patronale se célébrait, le 29 septembre, à la cha­
pelle Saint-Michel dans la Cité.
office religieux était suivi d'une fête dans la rue. Cette
Cet
fête qui originairement avait eu, selon toute apparence, un
caractère religieux naïvement burlesque, dég'énéra en une
vraie mascarade. C'était une calvacade où figuraient à cheval
anges et démons. Saint Michel (c'était le personnage prin­
cipal) tenait en main une grande balance et traînait un diable •
enchaîné. Cette promenade fut interdite par ordonnance
épiscopale de 1636 (2).))
Les boulangers sont seuls sous la 5 bannière. Pourquoi,dira­

t-on,ne,sont-ils pas mis, de préférence auxme:gniers, sous la 6

bannière avec les pâtissiers? Il Y a beaucoup d'affinité entre

eux. Il y en a peut-être trop. Comment les boulangers

(1) Cbéruel V· Corp01'ations : Pâtsssiers.p. 243.
. . .. Une lantel'ne vive
Dont quelque pâtissiel' amuse les enfans,
Où des oisons bridés, grenu-ches, éléfans,
Chiens; chats, lièvres, regnards et mainte étrange bête ,
Courent l'un après l'autre .....

P) Le Calendrier .... : p. 108.

, n'auraient-ils pas été tentés de franchir la fragile limite qui
sépare certain pain de fantaisie de certain gâteau vulgair~ ?

Comment n'auraient-ils pas essayé de faire ce qu'ils font de
jours et non sans 'succès? La tentation était d'autant plus
nos
naturelle que seuls autrefois, comme nous l'avons vu, ils
la pâtisserie.
avaient fait
, Au dernier siècle, on définissait le pâtissie1", « celui, qui
fait et vend des pâtés et autres pièces de four ... )) et pâtis­

serie, '« préparation de pâtes avec plusieurs assaisonnements
de viande, de beurre, de sucre, de fruits, comme sont les
pâtés, tourtes, tartes, biscuits, brioches .... , etc ... » Dict. de
TrélJoux, 1771. .
vraie au dernier siècle ne l'était pas aux
Cette définition
siècles précédents. Faire des pâtés n'était pas permis aux
pâtissiers ni même aux rôtisseurs dont nous allons parler.

Ill.

Rôtisseurs.

Au dernier siècle, on a défini le rôtisseur, « celui qui
apprête et vend' les viandes rôties». Définition fautive aux

temps anciens où le rôtisseur ne pouvait, comme nous le
et rôtir seulement certaines viandes
verrons, que bouillir

déterminées.
rôtisseur a subi plus d'une vicissitude qu'il faut rap-

peler en peu de mots:
Etienne Boileau nomme le rôtisseur cuisinier oyer ou sim-
, plement oyer, rôtisst!ur d'oies. An XIIIe siècle, l'oie rôtie
'à ce qu'il semble, le mets favori dès Parisiens; et le
était,
rôtisseur de mouton, de veau de porc, se parait
plus modeste
par mode du titre d'oyer. Les oyers étaient surtout cantonn8S
dans une rue dite, selon les uns, rue aux Ou ès (oies) ; selon

. les autres, rue aux Oyers (1). La mode des oIes rôties passà,
la vogue des oyers tomba; le nom même d'oyer périt. Je
veux düe que le sens s'en perdit; et un jour vint où le nom
de rue aux Oyers ou aux Ouès fut traduit rue 0ux Ouis. )
L'ordonnance de 1467 ne nomme plus les oyers; mais les
rôtisseurs, et elle distingue les rôtisseurs des cuisiniers:
en effet, elle range sous la bannière n° 38 les rôtisseurs,
pOl~lailleI's, cuisiniers et saucissiers (charcutiers).
Toutes ces industries ont' un caractère commun: c'est de
, vendre à emporter sans donner, comme les hôtelliers et tâvel'­
niers, à manger sur place. Elles diffèrent pourtant lès unes
des autres.
Les rôtisseurs peuvent bouillir et rôtir bœuf, mouton,
veau, cochon, oie et poisson'» mais non « les volailles et le
gibier ») que cuit le poulailler (2); le saucissier est le 'char-
cutier; le cuisinier fait les sauces. Eh! quoi, direz-veus,

(1) Rue aux ou ès (oies), M. Deppin, Livre des métiet·s, et Chéruel, p. 893.
D'autres disent rue aux oyers. Ce nom pouvait être le nom usuel. En effet,
. la rue prend souvent le nom du métier'. A Quimper, r'ue aux FèbV1'es (for-
gerons), 1580; devenue ridiculement rue Orfèvre (1764) et plus ridicule·
men t encore (t 792) j'ue du Chapeau-Ronge, de l'enseigne d'une auberge .
(2) II. Les rôtisseurs ne· pourront cuire .... les volailles et le gibier pour
les vendre cuites: ains seulement pièces de bœuf, mouton, veau, cochon,
porc '(sic) oyes et poissons .... sur peine de dix livres parisis d'amende.»
art.
Mais ils peuvent acheter et revendre volaille et gibier et revendre cru .
a Les volailles et gibiers pourront être achetés aux marchés et ailleurs ....
par les rôtissseurs et pourront être revendus en leurs maisons en haussant
le prix (d'achat) de 12 depiers tournois pour les grosses, et six deniers pour
les moindres ..... sur ladite peine. »
On trouvera pl us loin le tarif de quelques gibiers et de la volaille. Ci-des­

sous p. 463.
J'emprunte ces curieux renseignements à la Conférence des or'donnances
'·oyaux .... par Pierre Guenoys et L. Charondas le Caron. Paris, Nicolas du
Fossé, MDCVII. Vo Police générale. 1023, t 008, etc.
J'ai sauvé ce bouquin (in-f de 1200 pages environ admirablement im­
des mains d'un débitant de tabac. Je souhaite la même bonne œuvre
primé)
et bonne fortune à mes lecteurs.

le mO,déste consommàteur ayant acheté une tranche de bœuf
chez le rôtisseur, delTa passer chez le cuisinier poqr acheteZ'
la sauce! Aucun doute sur ce point. .. . .

Cette bizarre distinction des deux industries si incommode

pour le consommateur est périlleuse pour le rôtisseur toujours
sollicité et tenté d'entreprendre sur le monopole du cuisinier,
quelque sauce à ses fournitures de viandes cuites:
en ajoutant

Et puis quelle diffél'ence entre les rôtisseurs et les
cuisiniers! Les rôtisseurs n'ont que le droit de bouillir et
rôtir et ne peuvent acquérir qu'un mérite: 'cuire de bonne

viande et la cuÏt'e à point. Combien le champ ouvert au
. talent des cuisiniers 'est plus vaste! Leurs statuts de 1304
les montre, sous le nom significatif de sauciers, « vendant
des sauces toutes préparées » que le 'client emportait pour

assaisonner ses aliments. L'imagination et la science aidant,
les sauces peuvent-être indéfiniment variées; or, dès avant
1394, au témoignage de Froissart (1), les cuisinier.s du Roi
et des grands seigneurs mettaient leur honneur à mériter le
reproche que La Bruyère leur adressera plus tard « de
· flatter le goût et de faire manger au delà du nécessaire 1J.

Comment les sauciers publics n'auraient-ils pas suivi

l'exemple? .

Le succès des cuisiniers marqua la décadence des rôtis-
seurs. Ceux-ci ne s'obstinèrent pas; et la plupart se rangè-
rent aux statut"s des cuisiniers dressés en 1394; cuisiniers

et rôtisseurs désormais réunis allaient être, eh 1614, érigés
en corporation sous le nom de sauciers .
Toutefois quelques rôtisseurs n'avaient pas suivi lé progrès,
ce sont ceux que nomme l'ordonnance de 1467 ; ils subsis-
· tèrent jusqu'au dernier siècle, et le Dictionnaire de Trévoux
définit l'industrie de ces retardataires, comme on aùrait
(1) Dict. hislO1'ique. Vu Noun·iture. Art. culinaire, p. 876.
Ils déguisaient tellement les mets qu'on ne savait plus ce que l'on
au témoignage de Froissard. Cit. de Chéruel. V· NOlwriture .
• mangeait

quelques siècles auparavant défini d'une manière généra1e
l'inùustrie des rôtisseurs ou oyers.
Les sauciers érigés en 1614 eurent, outre la préparation
des sauces, la distillation de l'eau-de-vie, la préparation de
.la moutarde et du vinaigre. La corporation se divi$a plus

tard en autant. de branches qu'elle comprenait de mëtiers

réunis: de là vinrent ({ les distillateurs, moutardiers, vinai-
griers, traiteurs etrotisseul's }). .
Les traiteurs formèrent une corporation distincte en 1599

sous le nom de maîtres queux cuisiniers porte-chapes. Ce
dernier 'mot est significatif: la chape est « la boîte ou panier
couvert dans lequel les traiten:rs enfermaient les plats pour les ,
transporter en ville chaudement et proprement (1) ». Mais le
• titre de queux-cuisiniers porte-chapes devint bientôt inexact,
, comme nous allons voir . '
Dès le milieu du XVIIe siècle, « il y avait d'aussi bons
traiteurs à Lyon qu'à Paris (2) ». A Lyon comme à Paris,
non seulement ils portaient en ville, mais ils servaient dans
leurs maisons; et on pouvait déjà leur appliquer cette défi-

nition du traiteur donnée au dernier siècle: « Maître cui-
sinier public, qui donne à manger habituellement moyennant
un certain prix par tête ou dont on convient (3) ». C'est-à­
dire , pour un prix, tant par tête, an'noncé d'avance, ' ou
.à prix débattu.
C'e~t seulement, paraît-il, au milieu du XViIe siècle, que

l'on commença à servir à manger à tant par tête. Du moins

lisons-nous dans Tallemant des Réaux: «( La Coiffier, cette
célèbre pâtissière qui s'avisa de traiter par tête ... »' (4) ,
(1) Le Dictionnaire de Trévoux nomme chapes le couvercle d'argent ou
de fer blanc dont les traiteurs couvrent les plats (V· Chape) : originai­
rement, la chape était une boîte., Chéruel V· Queux,
('2) Mémoi1'es du comte de Grammont, par Ant. Hamilton. Chap. III.

(3) Trévoux. Vu Traiteur.
... II. 129. Ed. de Monmerqué et P. Paris. Les éditeurs
(4))listorietfes
ont imprimé cette note (table Vo Traiteur) : C! On a dit que la Coiffier éÙlit
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTERE. TOME XXVI (.Mémoires) 29

Les tables des traiteurs étaient à la mode dès le milieu du
XVIIe siècle ('1) ; et on 'pouyait déjà dire ce qu'on lit au Dic­
tionnaire de Trevoux : « Les gens de qualité ne vont point
au cabar'et ; mais ils vont manger chez les traiteurs (2) ~). .
du traiteur que nous venons d'emprunter au
. La définition
même ouvrage nous montre seulement le traiteur donnant à
manger sur place, dans sa maison, ou même nourrissant des
pensionnaires (3). Or, à cette époque, le traiteur méritait son
titre de porte-chape, car il servait en ville. La définition
vieux
est donc inexacte; et le Dictionnaire nous donne la preuve
de cette inexactitude dans co qu'il vient de nous dire
de la chape. -
Comme cuisiniers porte-chapes, se,rvant en ville, les .
traiteurs avaient un important privilège, celui « d'entre-

prendre noces et festins ».

Ce privilège, les traiteurs vont, dans leur intérêt bien en-

tendu, le partager; ef plus tard nous allons le voir expres- .
sément étendu à d'autres. .

dernière édition du Dictionnaire de Trévoux annonce
comme une nouvelle.(VO Traiteur) : « Il s'e&t établi à-Paris de

nouveaux traiteurs qui ne vendent que des restaurans et de .
là s'appelleilt restaurateurs )).
Il Y a cent trente ans, ce mot restc!urans (nous écrivons
aujourd'hui res.taurants) avait un sens tout différent que

celui que nous lui donnons. C'est le sens originaire dù mot.
Par restaurant on entendait (( un alünent ou remède qui a

la propriété de réparer les forces perdues. On le dit parti-

• sa parente». - E st-ce à ce litre que Tallemant a donné l'immortalité à
son nom et à son invention? :
Du XIVe au XVIIe siècle, le mot traiteu1" a été employé au sens de
négociateur. On disait 3lors tradeU1" de la paix, traiter de lapaix, tr'ailé de
paix. Nous avons gardé les deux dernières expressions; la première a
disparu; pourquoi ? .....
(1) Ci-dessus Mémoires de Grammont et Tallemant.
('2) Trévoux. V~ Traiteur"
(3) « Habituellement ».

culièrement des bons bouUlons succulents, des consommés.
La gelée est une espèce de restaurant i mais elle est plus
alimenteuse et de consistance plus ferme que le restaurant
qui est liquide (1). »
Ainsi, en 1771, le res~auTateur débitait surtout « des bons
bouillons, des consommés et des gelées ».

Pâtissiers et
Mais le lecteur m'interrompt: « C'est parler trop longue­
ment des traiteurs et à quel propos? Ne faisaient-ils pas au
dernier siècle à Paris un corps sépare des rôtisseurs? Le
Dictionnaire de Trévoux donI)e ce renseignement. Parlez-.
nouS donc des pâtissiers et rôtisseurs. . Voici mon excuse :
C'est d'eux que je crois vous parler quand je parle des
traiteurs; et la citation de Tallemant m'y autorise. Ne parle-
t-il pas d'une pâtissière-traiteuse? Le renseignement que vous
rappelez est donné pour Paris et pour le dernier siècle seule­
ment. Il y a toute apparence que, antérieurement et dans les '

provinces sinon à Paris, les pâtissiers et rôtisseurs étaient
des traiteurs. Il faut se. garder de.les confondre avec le simple
rôtisseur resté fidèle à la fonction originelle du métier. On
peut s'assurer qll'en effet entre les traiteurs à Paris et les
pâtissiers et rôtisseurs en province il y a identité de fonc-
et de privilège . .
tions
Leur titre de pâtissier indique qu'ils font sinon la pâtis­
serie pi'oprement dite, gui est dans les attributions du pâtis-
sier autrefois Ottblieur, du moins « les pâtés de chair, de
poisson: de légumes contenus dans une croûte, » qui sont de .
la cuisine proprement dite: tous mets que ne peut f8;ire le
rôtisseur resté exclusivement fidèle à ses marmites et à ses
broches. . -
T . , .• "." .,.LT ' " •

. (1) Tréyoux Restaur'ant.

J'ajoute que les pâtissiers et rôtisseurs' réclament un pri­
vilège qui leur a été reconnu par des arrêts de cours souve­
raines: c'est celui « d'entreprendre noces et festins, à l'ex­
clusion des taverniers ». C'est justement le privilège des

traiteurs. Mais les repas de noces et les festins comport.ent
toutes sortes de mets interdits aux rôtisseurs selon l'ancienne

mode. Les pâtissiers et rôtisseurs au XVIIe siècle sont donc
des cuisiniers-traiteurs.
Cela nous semble assez E"imple aujourd'hui. Que de pâtis­
siers sont en effet d'excellents cuisiniers! Que de dîners

servis en entier par des corduns- blIJus n'ayant sur leurs
enseignes que ce senl titre: pâtissier oupât?:ssier-confiseuT !
Mais ne va-t-on pas' me dire: Cl. Et les jalousies de métier .
que vous avez signalées plus liaut! Comment le cuisinicr­
traiteur a-t-il toléré cette accession disons mieux cette
intrusion . des pâtissiers? Non seulement il l'a tolérét1 ;
il a dû l'appeler et la favoriser: il y avait intérêt.
Les traiteurs ont le monopole des noces et festin·s . Or pas
un dîner de noces, un festin, un simple repas même qui ne
comporte la collaboration du traiteur et du pâtissier. Le trai-
teur prépare les viandes, peut-êre même les pâtés de chair
ou de poisson; mais les croûtes de ces pâtés sont l'œuvre-du
pâtissier aussi bien que le dessert. Le tI'aiteur est donc tri-
butaire du pâtissier.
De même qu'autrefois les rôtisseurs avisés s'étaient rap-
prochés des cuisiniers, de mêm8 les pâtissiers et les trai-
teurs s'Ilnissent et se confondent.

Mais pourquoi, diI'a-t-on, se nomment-ils rôtisseurs? -
Peut-être ont-ils accolé ce nom à celui ue pâtissier pour se
distinguer des pâtissiers successeurs des anciens oublieurs .
Mais ce nom n'a plus relativement à eux le sens qu'il avait
au XIIIe siècle: il veut dire cuisinier, saucier.
Ainsi le pâtissier et rôtisseur a rompu avec l'ancien'ne pra-
tique du pâtissier, confiné dans les oublies, nielles et autres

gâteaux, et avec celle du rôtisseut' qui ne pouvait que cuire
sans assaisonnement. Il est saucier de 1614~ imaginant des
sauces nouvelles; rôtir et bouillir n'est plus son unique
affaire; et le titre de rôtisseur qu'il accole au titre de pâtis­
sier il ne le prend plus que par une vieille habitude ....
C'est ainsi que les hommes qui ont passé la soixantaiFle
ont vu des phar'maciens s'intitulant apothicaires, en dépit du
ridicule jeté par la comédie sur l'apothicaire. ... et ses
memOIres.

HôtelÏe.os, 'raVel.°lll.erSo

Il me reste à vous montrer les pâtissiers et rôtisseurs et
les taverniers et cabaretiers de Nantes plaidant devant le
Parlement de Bl'etagne ; vous connaissez les appelants , avant
de leur donner la parole, il faut q\le je vous présente leur
partie adverse, les taverniers.
Auprès des cuisiniers traiteurs, d'autres corps de métiers
concouraient à l'alimentation publique qui différaient de ceux
q'ui précèdent en ce sens qu'ils vendaient à manger: ce sont
les hôteliers, cabaretiers et taverniers.
Le Liore des rnétiers ne nomme ni les hôteliers, qui exis-
taient assurément à cette époque, ni les cabaretiers cOmpris
sans doute sous le twm de taverniers dont le T., ivre donne les
statuts (p. 28). L'ordonnance de 1~67 réunit les hôteliers et
taverniers sous la même bannière (nO 53) ; elle ne nomme .
pas encore les cabflretiers ; le nom de cabaret apparaît em­
ployé concurremment avec celui de taverniers dans des

ordonnances de François 1 , de Charles IX et de Henri III.
Les deux termes semblent synonymes; les droits et les obli­
gations sont les mêmes (1) : ils vendent à boire et à manger
(1) Vo ci-dessus p. ·ï!t7, noLe 2. Je rejette in fine (p. 4,63) une note sur:
1 Les obligations des hôteliers et tavemiers ;
'20 Quelques taxes de fournitures et denrées.
. . J'ai pris soin de ramener le3 sommes indiquées dans ces taxes à la
valeur monétaire actuelle.

et ne logent pas. Ainsi se distinguent-ils des hôteliers qui
logent et nourrissent. _
Que les hôteliers aient formé une corporation et les caba- .
- retiers et les taverniers une autre, ou bien que .tous aient
été réunis dans la même, ils avaient le même patron, saint
• Laurent, dont ils célébraient la fête le 10 août .
Après ces brèves indications, on ne s'étonnera pas de lire
au Dictionnaire de Trévoux ('Vo Cabaret) : « On confond au-
joûrd'hui les noms cabaret et tavef'ne (1) );. .
Mais, si l'on poursuit sa lectul'e, quelle surprise de trouver .

lignes plus bas: « 11 semble ' que dans l'usage ordt­
quelques
naire le mot de taverne dit quelque .chose do plus odieux que
celui de cabaret ... »: L'auteur n'aflirme pas; mais au rùot
taverne il n'hésite plus, il pose une affirmation- : « Le mot

taverne emporte une id~e moins honnête et plus basse que
celui de cabaret » (2). Et cette décision, il l'appui d'une cita-
'tion: « Par les lois, une taverne et un mauvais lieu sont égale-
ment infâmes ». .
Qui a dit cela? Patru, l'illustre avocat! Il aura sans
doute lancé cette . boutade dans une plaidoirie coutre. un
tavernier. Mais est-ce vrai?
Longtemps avant Patru, la. T. A. Coutume d.e Bretagne
portait une déchéance non contre le tavernier lui-même, mc:lis •
contre ses domestiques, ( les porteurs de pâtés en tavernes J).

(1) La confusion existait longtemps auparavant. Brillon (Dict. des
art'êtés 1711) ne donne que le mot Cabaret. .
(2) « Cabaretier.Autrefois clans les tavernes onne vendait que du vin sans
à manger, au lieu qu'on donnait à manger clans les cabarets.
y donner
De là .les mots tabernœ et ]1opinœ. Maintenant les professions sont con­
fond ues » •
( Taverne. Lieu olt l'on vend le vin par nssiettc et olt l'on donne à
manger; mais on appelle proprement Cal) él rets, les lieux olt l'on vençl
seulement du vin sans nappe et sans assiette qu'on appelle à huis coupé
et ]Jot renverse )}. .'
Mais l'habitude de donnet' à manger était ancienne IIU rl'loins en Brctagl1e.
Nous en aurons la preuve tout à l'heure, .

La Coutume les déclarait infâmes, c'est·à-dire indignes de
déposer en justice (1).
. Mais cette infamie ne peut êtl'e opposée aux tavel'niers en
cabaretiers et pour une raison .bien simple: c'est
faveur des '
que le mot de cabaret n'est pas écrit dans la T. A. Coutume:
'. par ta'verne, elle entend taverne et cabaret.
Ces appréciations de Patl'u et du Dictionnaire de Trévoux
. semblent bien s ';vères .
Patru mort en 1681 a vu à peine quelques cafés ouverts à .
Paris. Or avant l'ouverture des cafes, les cabarets en tenaient
la place; et les « . gens de qualité }l les fréquentaient comme
ont après fréquenté les cafés (2 ).
ils
Nous avons lu plus haut dans le Dictionnaire de Trlvoux" ':
« Les gens de qualité ne vont point au cabaret ». Comment
le dictionnaire peut-il écrire cette phr.ase en 1771, au temps
de la grande vogue de Ramponneau, le seul cabaretier
(je pense) dont le nom figure dans les dictionnail'es biogra-
. phiques? Que les rédacteurs religieux ou laïques du Diction- .
naire ne soient jamais entrés au Tambour royal ou à la
Grand'pintr!, soit; mais pouvaient-ils ignorer que ces oaba­
rets furent fréquentés par des personnes à la mode?
Il est probable que sous leur nom modeste les cabarets de
Ramponneau différaient quelque peudes caharets et tavernes
vulgaires. On peut se figurer ce qu'étaient ceux-ci quand on
lit ce qu'on écrivait en Bretagne à la fin du dernier siècle
hôtels et des auberges : .
des

(! J. Chap. (art.) 156. Pour détails cL mon étude sur les Gens infâmes
selon la T. A. Coutitme. Revue générale de droit, 1893.. ,
('2) En 1551, le cabnret à la mode à Quimper était sur la place Saint-

Corentin au coin de la rue Obscure (aujourd'hui rue Royale). Les gentils-
hommes, bourgeois, hommes de loi la fréquentaient; et les chanoines en
sortant de l'olIice ne dédaignaient pas d'y recevoir et rendee les santés qui
leue étaient oHe l'tes. Bull. cie la Société Arc ). clu Finistère. VII. 1'22.
Un siècle après, en 107!, un autre cabaret à la mode. place aux Ruches,
aujourd'hui place au Beul're, était fl'équenté par les gentilshommes. (Bull. .
de la Soc. Arch, du Finistère. XIII (1886), p. 186, (Une ténébreuse ah'aire)

Au cours. de son voyage dans le Finistère en 1797: Cambry
écrit (p. 33.5) : « Le beau bâtiment de 1'.évêché sert à présent
d'auberge: on y reçoit les étrangers dans des appartements
vastes, propres, bien éclairés, meub'lés avec recherche. Les
tabagies de la Bretagne, de la France entière donnent du
prix à ces maisons commodes (1) » • .
Nous pouvons maintenant 'montl'er les pâti~siers et

rôtisseurs aux prises avec les cabaretiers et.taverniers uevant
le Parlement de Bretagne.

au Parlellieut de Dreta Ile.
lllle ~ause
Qu'on ne se figure pas les graves magistrat. des ' siècles
précédeuts avec l'air un peu compassé que quelques-uns
affectent de nos jours! Le palais ' lui -même perdait à ses'
heure·s son air de gr·avité.
Aux beaux jours du printemps, les hautbois résonnaient
joyeusement; toutes les chambres étaient jonchées de feu il­

lage et de fleurs; et il était offer.t ({ à chaque chambre en un
grand bassin d'argent des bouquets de roses et d'œillets,
de fleurs naturelles et artificielles » pour chaque magi s-
trat.. Après quoi, (c audience solennelle était donnée en la
grand'chambre à celui qui avait baillé les roses )J •

Entre les plus grands seigneurs, c'étaIt à qui le ptPrniet

offrirait les roses. Une fois aU" moins les prétentions l'ivales
donnèrent lieu à un procès plaidé par' d'éminents avocats.; et,

(I) Quand on aime les arts comme Cambry, faut-il aimer ses aises el le
confort, pour applaudie à la confiscation qui transforma le palais épiscopal
en auberge! Le palais épiscopal a été vendu, le !8 décembre 17\)2, avec son
mobilier 2870J francs, un vingtième du prix payé comptant et le l'cste
payable en dix annuités. Le dépal'tel1lcut l'a racheté 7.5,OUO frnncs!
Bonne opéeation !

If' 17 juin 154'1, le Parlement eut à rendre arrêt entre les
ducs de Montpensier et de Nevers ('1).
Du reste, avec ses formes gracieuses et riantes, la baillée
des roses était au fond une cérémonie sérieuse: c'était un
hommage renou au Roi, et que le Parlement de Paris rece­
vait seulement comme représentant du Hoi.
Mais l'usage ancien dont. nous allons parler ne cachait pas
le même caractère sérieux sous ses formes burlesqnes .
Nos pères aimaient à rire; et, à certains jours, la plaisan­
terie avait ses libres entrées dans « le temple de Thémis). .
Aux jours gras, c'était l'usage à Paris pour les clercs et
avocats de la bazoche de plaider une cause imaginaire, dite
cause grasse (2). Le sujet, semble-t-il, ne variait guère: c'était
le plus souvent, un rapt, une séduction, les plaintes d'un
mari trompé. Ces sujet .. s donnaient occasion à des plaisan­
teries de haut goût qui ' devaient amener et amellèrent
enfin la suppression du vieil usage.
Le Premier-Président de Lamoignon n'était pas ennemi
. d'une plaisanterie fine et honnête: la preuve ,c'estquïl
indiqua le ' sujet du Lutrin à son ami Boileau, heureusement
'pour la renommée de Boileau et pour notre plaisir; mais le
grand et digne magistrat ne put tolérer les licences de la
(1) Sur ce poin t Chéruel, Vo Redevances féodales, II, p. 1049. Cf. sur-
tout 1\1. Pinard l'Histoire à t'audience, p. 227. Il donlJe le prDcès de 1541.
Le Parlement jugea en faveur du duc de Montpensier en qualité de,
prince du sang. Les deux ducs ne plaidaient pas: ils avaient laissé appa-
remment ce soin à leurs femmes. Les deux duchesses se présentent en
noms et pou r leur fils . .
Chéruel dit que la baillée des l'oses se faisait en avril, mai et juin.
(:2) L'usage est attesté au XV· siècle par un arrêt de tL1G\:l rendu à la
requête du Roi de la Ba%oche (Brillon. Dict. des WOl'êts, Vo Baz,oche I. 2GG).
- Ce n01J pour rire « était le chef des clercs et praticiens du Parlement
quant ·i1s font leurs montres et leurs jeux ... Anciennement nul n'était reçu
clerc ni praticien qu'il n'eût pris lettres du Roy de la bazoche. La taxe
était un écu ». Brillon, au même lieu. - CE. liecueil des statuts, onZon­
nances, TègZernenls, antiquités et pl°Ù'oualives du 1'oya1l1'Yf,e de la Ba%oche,
In-So - 1664.

cause grasse et il l'abolit. A près lui le vieil usage reparut,
les plaideurs mettant, il est vrai, une sourdine à leurs voix.
Enfin la cause grasse qui passait de mode fut définitivement.
supprimée vers 1770 (1). . .
Ce n'est pas tout. C'était aussi l'usage dans certains
parlements, notammertt à Rennes, de réserver pour les
audiences des jours gras une cause dite CfLuse grasse: non
plus imaginaire, comme les causes grasses de la bazoche:
mais' réelle, plus ou moins sérieuse et dont la plaidoirie

pouvait prêter à-la plaisanterie (2) .

Croiriez-vous que les -princes du barreau aient dédaigné
pour eux et laissé aux débutants le soin de plaider ces affaires
plaisantes j'allais dire l'honneur de dérider les juges et
d'amuser l'auditoire? Vous vous tromperiez ... En voici la

preuve:

De 1602 à 1642, le barreau de Rennes n'eut pas d'avocat
plus savant et plus éloquent que Sébastie'n Frain. En 1621
ou 1622, il était au milieu de sa carrière; et telle était sa
situation que les Etats de Bretagne, dont il était le conseil,
, allaient demander et obtenir pour lui des lettres de noblesse.
Or, l'une de ces années, les pâtissiers et rôtisseurs de
Nantes se rendirent appelants d'une sentence rendue en

faveur d'un tavernier. La .cause parut plaisante; elle fut fixée

au lundi gras; et Me Frain se présenta pour les appelants .
On devine que l'audience était comble.
Le discours de Frain se tronve au no~bre des plaidoyers

que la piété de ses ·enfants publia l'année qui suivit sa
. (1) Ferr,ière (diet: de d1'oit) dit qu'après la mort de Lamoignon (1667) la
eause grasse reparut. Brillon (Diet. des a1"rêts I. 3"2'2.) cl it (en 1711) que
« la cause grasse est aboHe ». D'.aulee part on Ilt au Diet. de T1'évoux
(en 1771) : » On l'a abolie depuis peu à cause des injures dont elle était
sou vent remplie l). Pou r conci 1 ier ces renseignemen ts, il faut supposer
eause grasse abolie pll!' L1moignon n'a repl'is faveur qu'après 1711 .
que la
(l) Ferrière ne mentionne pa5 expressément cet uSlge auquel pourtant
semblent se réf6rer deux de ses citations. .

mort (1646) (1) « Ils furent reçus avec un applaudissement
général, dit Hévin ; et on les regarda même comme une
consolation de la perte qu'on venait de faire de ce célèbre
avocat ».
Voici le très simple exposé de l'affaire :. « Par arrêts des _
5 août 1600 et 21 octobre 1604 (1), et plusieurs jugements .
précédents, il a été défendu aux cabaretiers et taverniers de

Nantes de faire cuire en leùrs maisons aucune chair ou
poisson rôti ou bouilli pour vendre et débiter en détail, fors
seulement pour leurs usages pa rticuliers et fournitures de
leurs hôtes buvimts et mangeants en leurs rriaisons: or le
tavernier Trottier a nouvellement fait le festin des noces

d'un Me boulanger nommé Dubois à dix sols par tête; de
'quoi les appelants pâtissiers et rôtisseurs s'étant plaints et
ayant demandr. au prévôt réparation de l'attentat avec ·
amende et défense de récidiver, ledit prévôt a renvoyé les
parties hors de procès ». .
. Et l'arrêtiste, c'est-à-dire Frain lui-même, ajoute: « Frain ...
prit occasion d'accommoder son discours à la solennité
du jour et dit:

• (J. Messieurs, si en plaidant la cause de cette très antique,
très vertueuse et très honorable profession des maîtres
pâtissiers et rôtisseurs, il advient que quelque parole semble
extravaguer hors des bornes de la modestie et décence du
lieu où j'ai l'honneur de la défendre, je supplie la Cour qu'il
lUl plaise considérer que la célébrité du . jour où je parle,
Rnquel cette affaire semble 'être tombée fatalement (1), les

parties pour et contre qui je parle, le sujet de la cause en

(1) Arl'èls de la cour de Parlement de Bretagne, prix des mémoires el
de S. Frain ... , etc. Rennes. Vata!' 1646 in-ta p. 4·44-'1'1:1 .
plaidoyers
(2) Ces deux dates s9nt sans do.ute erronées: les arrêts ne se retrouvent
pU!5 aux archives du Padement; et il n'en est pas fait mention à ees
dates dans les tables des arrêts .
(3) C'esl-à-dire nat'l.(,J'ellement, en vertll de l'usage.

soi semblent devoir excuser le style que j'ai à tenir pour
expliquer les choses comme il appart.ient ».
L'étude de cette affaire a coûté sans doute à son avocat
autant de peine que celle d'un grave et sérieux procès. Quel
. luxe de citations françaises, latines et grecques? En le lisant, '
on s'arrête, effrayé de tant d'érudition dépensée. Frain met
à contribution Lampride (1l, Alexis, ancien comique grec,
Athénée, Athémion, · c( auteur grec, » la Genèse, l'historien '·

Josèphe, saint Jérôme, Tite-Live, le Digeste, . Guillaume
Philémon, le poète de Sicile. (Ne pas confondre avec
Budé,
époux de Baucis.)
le fidèle
Ce laborieux plaidoyer est un dithyrambe en l'honneur des
pâtissiers et cuisiniers.
Frain les prend à l'origine. Cadmus (le futur fond;iteur de .
Thèbes) était le cordon bleu du roi de PhéniciE:. Il intro­
duisit en Grèce la cuisine aussi bien que l'écriture, en même
tem ps que sa femme Harmonie, « chanteresse et musicienne
» y introduisait la musique.
du même roi,
Longtemps. après, les cuisiniers ne furent pas de condition
servile, à cause du rôle important qu'ils avaient dans les
C'est au point que Olympias recom­
sacrifices religieux.
mandait instamment à son fils Alexandre-le-Grand de
s'assurer d'un cuisinier habile aux cérémonies des sacrifices.
pas if. l'art de pâtisserie, cuisinerie et rôtisserie »
N'est-ce
qui a surtout (c civilisé et apprivoisé les mœurs barbares du
genre humain » cc Les hommes du commencement, J) alllieu
de ma nge-r les bêtes, se mangeaient entre eux. Mais « les
dieux permirent qu'un homme s'avisa tout le premier de tuer
des animaux et en rôtir la chair, l'assaisonner, l'épicer, la
pâtisser avec soin» ; et avec un tel succès que les hommes
cessèrent de s'entretuer (2).
(1) ... qu'il appelle, je ne sais pourqnoi cc un empereur. »
('2) Fl'ain cite ici A,l.hérnion auquel appartient la responsabilité de cette
!lUlrmation.

Mais comme le progrès rend difficile 1 ... Il faut que l'habile
pâtissier soit versé en l'astrologie, en la géométrie et en la
médecine! (1)
« Comme astrologue, le cuisinier devra distinguer les
facultés, propriétés, et le sang et le goût des animaux et
poisspns selon les temps, et, cela, par la considération des .
. influences des corps célestes. » (2)
Comme géométre, « un bon cuisinier se doit repré-
. senter que sa cuisine est comme un globe terrestre et la
partir en régions et tirer en lignes, distances et parallèles. »
Comme médecin t( il doit savoir qu'il y a des viandes fla­
tueuses qui remplissent de vents et ne nourrissent pas, que
d'autres sont de difficile digestion, 'etc ... Le sage et prudent

cuisinier doit, comme un autre Esculape, porter la main à
ces incommodités.... (3) »
« Il faut conclure que la maîtresse et principale pal'lie
de la médecine, qui est la diététique, tient son trône et le
siège de son empire en la cuisine des pâtissiers et rôtisseurs
. de sorte que la boutique d'un pâtissier et rôtisseur est une
vraie encyclopédie et abrégé de toutes sciences. »
« Telle furent la majesté et puissance occulte (apparemment

l'influence) de cette profession que le titre donné à Puti-
(1) Il nous semble que le mot astrologie est pris ici au sens de astronomie.
(2) •• , (t Un aliment est malfaisant en une saison, salubre en une autre ...
Il doit savoir que depuis février jusqu'en mai, le sang s'augmente et
des viandes plus tempérées; qu'après jusques en
échauffe, et doit servir
août la cholère entrant en vigueur l'usage des viandes humides et froides
eSt le meilleur; depuis août jusqu'en novembre, la mélancolie commence
à dominer, celui (l'usage) 'des crimonieuses (lire acrimonieuses) est plus à
propos; depuis novembre jusqu'à février, qui est la domination de la
pituite,le service des viandes rôties entre en quartier. (C'est-à-dire prend
son service régulier.) »
Je copie .ce passage qui doit rappeler les principes et la pratique des
médecins de Rennes au premier quart du XVIIe siècle.
(3) « Par les diverses actions de sa profession: Iixando, frigendo, assando,
(en faisant bouillir, frire, en rôtissant,
cribrando, pinsendo, condiendo,
» Grégorius. Sintax, art. mirabil. liv. 28.
tamisant, pesant, assaisonnant.)
cap, 36.

phar, o.fficier de Pharao.n, peut être pris au sens de capitaine
guerre chef des cuisiniers, chef des armées. »
d'ho.mmes de

Vo.yez plutôt la V'l.tlgate la traductio.n hébraïque, l'histo.rien
J o.sèphe 8t sain t Jérôme !
(1 la glo.rieuse pro.fessio.n
Vo.ilà démo.ntrée l'excellence de
de cuisinier et rôtisseur. »
Quelque médecin assistait-t-il à l'audience? Peut-être se
'sera-t-il ému de l'impo.rtance attribuée aux cuisiniers érigés .
en médecins .? No.n, il aura, co.mme les autres, ri de la plai-
. santerie. Quant aux pâtissiers présents. co.mbien ils o.nt dû
être surpris et flattés de cet hymne à leur ho.nneur! Mais
jugent-ils que leur éloquent avo.cat a démo.ntré le bien
leur appel? Je ne le cro.is pas. Or no.us so.mmes
fo.ndé de
au terme de la plaido.irie. Il ile reste que o.nze lignes 1 L'avo.cat
rappelle l'expo.sé de so.n début et co.nclut en deux mo.ts à la

réformation de la sentence.
Diso.ns-Ie : Me Frain n'!l pas plaidé so.n affaire. Sans do.ute,
aura jugé inutile de plaider au fo.nd. Po.urquo.i? .... Se
cro.yait-il tellement assuré du succès de l'appel? J'imagine
plutôt qu'il aurajugé sa cause perdue d'avance, et que, po.ur
ses clients d'une défaite prévue, ille.s a co.uverts de
co.nso.ler
fleurs .
L'intimé he répo.nd qu'un mo.t : ç< Il ne cro.it pas avo.ir
co.ntrevenu aux statuts de sa pro.fessio.n en faisant le festin
d'une no.ce, le sujet étant privilégié ».
· Ce mo.t est décisif. « La co.ur co.nfirme la sentence à l'au-

dience n, c'est-à-dire sur le siège, sans qu'elle ait délibéré

en chambre du co.nseil.
Cet arrêt reco.nnaît UIle exceptio.Il au principe po.sé dans
les arrêts de 1600 et 1604 rappelés plus haut (1). Il admet que
(I) Nous ne connaissons pas les espèces des deux arrêts (non retrouvés)
de 1600 et 1604. Il peut s'agir simplement de chair cuite et emportée en
ville auquel cas la contravention du cabaretier 6tait certaine. S'il s'agissait,
comme en 1621, d'un repas de noces, il faut supposer que le privilège des
taverniers leur a été concédé depuis l'arrêt de 1604 .

le tavernier de Nantes a, par privilège, le droit de fournir les
repas de noces. Mais ce privilège est spécial aux taverniers
de Nantes, et l'arrêt ne fera pas jurisprudence pour d'autres (1) :
en effet, jusqu'au milieu du dernier siècle, nous voyons les
traiteurs à Paris ayant, à rexclu~ion des taverniers, le pri­
vilège des noces et festins en ville (2).

NOTES DES PAGES 447 et 453.

Hôteliers, cabaretiers, taverniers sont soumis aux mêmes
lois de police et aux mêmes taxes. François 1 • 1552.
c( Gens tenants hostelleries, cabarets, tavernes ne bail-
leront à leurs hostes que bœuf, mouton, lard bouilli, œufs
beurre, huile, fromuge, merlan, harang, carpe et brochet;
mais si les passants veulent autre chose le pourront acheter
au marché .... Les hottelliers, etc... seront payés pour la
cuisson ». Charles IX. Janvier 1563:
Charles IX. Etats d'Orléans 1560 . Défense de donner
à manger et boire pendant l'office divin.
Henri III. Blois. Mars 1577. Défense de tenir cs. jeux de'
brelans,dés, cartes et autres débauchements pour la jeunesse,
ni eniants mineurs et autres quelconques débauchés ».,
Quelques taxes: . ,.

François 1 1'549. Ordonnons que tous hosteliers
n'auront pour homme et cheval que la somme de dix sols,
tournois pour jour et nuit; savoir trois sols six deniers pour
dîner, et six sols six deniers pour souppée et couchée. »

(1) Brillon (1711) V· CahEwetiers, cite l'arrêt de 16'21, il écrit: «Le
règlement défendant aux cabaretiers de vendre et débiler viandes cuites
ne s'étend pas aux festins des noces ». C'est généraliser la décision rendue
en faveur seulement des taverniers de Nantes.
(2) Ci-dessus, p. 45~. L'usage est attesté en 177l par le Dictionnaire de
T,'évoux. Vu Traitew·s.

Charles IX, septembre 1561, augmente ces taxes: lajour­
née est de vingt-cinq sols: dix s. pour la dinée, quinze s.
pour le souper et la couchée.
clients consentaient volontiers, paraît-il, à payer au- .
Des
1 dessus du tarif. En pareil cas, l'ordonnance frappe vendeurs
(c'est-à-dire hôteliers) et acheteurs de vingt livres d'amende
. (au moins deux cents francs de notre monnaie), pénalité con­
firmée en 1567.

Taxes de certaines denrées:

Charles IX (1563).
Gros chapon 6 sols.
Gros ramier 3 s.
Moyen chapon 5 s.
Ramier moyen 2 s. 6 d. .

Meilleures poules
Biset (petit pigeon sauvage)
'Pigeons et pigeonneaux 12 d.

Connil (lapin) de garenne 5 s.
Grive 12 d .
Connil de clapier 3 s.
12 alouettes 3 s .
Perdrix 4 s.
Canard sauvage de rivière
Bécasse 3 s.·
Bécassin 15 d.
Canard de pailler 3 s .
Caille 15 d .

Avant de se récrier sur le bon marché d'une journée
d 'hôtel à 10sous, d'un dîner à 3 sous etc. etc., il sera sage d'éta­
blir le rapport entre la valeur monétaire auXVle siècle et la
valeUr actuelle. Ce rapport approximatif s'obtient en multi­

pliant au temps .de François 1 par 15 ou même 20 ; au temps
de Charles IX, par 10 au moins. Dans la première moitié du
XVIe siècle, les arrivages d'or d'A mérique amenèrent brus-
que ment une dépréciation sensible de la monnaie: de là
rabaissement du chiffre multiplicateur.
Reprenons les chiffres ci-dessus en appliquant ce calcul:

Journée d'hôtellerie 10 sols 150 ou 200 s. 7.50 ou 10 fI'.
Dîner 3 s. 6 d. 52 ou 70 s. 2.60 ou 3.50 .

Souper, etc. 6 s. et 6 d. 97 ou 130 s. 4.85 ou 6.50.
La journée d'hôtellerie 25 s. = 250 s. = 12.50. '
Dîner 10 s. 100 s. 5 fI'.
Souper, etc" 15 s. = 150 s. = 7.50.
Qùe l'on poursuive le calcul et l'on reconnaîtra que le
gros chapon était taxé 3 f. de notre monnaie, le moyen, 2 f. 50
' la poule (poulet) 2 f ; le lapin de garenne, 2 f. 50: le lapin
f. 50; la perdrix, 2 f. ; la bécasse. 1 f. 50 ;
domestique, 1
le gros ramier, 1 f. 50; le moyen ramier, 1 f. 20; le canard
sauvage, 2 f. ; le canard domestique, 1 f. 50. Parmi les petits
oiseaux: le pigeon et pigeonneau, 50 C; la bécassine, la
caille (environ), 70 C.; la grive ou merle. 50 c. L'alouette
se vend à la douzaine 1 f. 50.
Le résultat de ces calculs étonnera peut-être, tant quel­
ques-uns des prix du XVIe siècle à Paris se rapprochent ,
des prix actuels.
III .
COMPLEMEr\T DE LA NOTE 4, PAGE 414.
Ces deux notes sont bien sèches, en voici une d'un autre
style. '
On lit aux Historiettes de Tallemant des Réaux (1), p. 130,
ce co'mmentaire à propos de ces mots de la page 129 .
« La Coiffier fulla première traiteuse qui s'avisa de rece-
voir à prix franc, tant par tête, et mieux, ,par bouche. Voi-
, ture a fait un très agréable rondeau à l'occasion d'un de ses
dîners:
(1) Edition citée page 1~.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE; TOME XXVI (Mémoires). 30

Çhez la Coitfier une demi-douzaine
Des nourrissons de l'enfant de Silène
Se trouveront ce soir assurément. •

N'y manquez pas; diable emporte qui ment!

L'affaire est faite et la chose est certaine: '
Vous y verrez une table bien pleine:
Tous les poissons jusques à la baleine
J ront ce soir voguant hor riblerrient
Chez la Coiffier.
Nous chanlerons jusques à perdre haleine,
" Nous y diron? mille bons mots sans peine,
Car là Phébus est dans son élément;
Et: si ces vers ne coulent doucement,

Nous en ferons d'une meilleure veine
Chez la Coiffier. '

J. TREVEDY .
Ancien Pr'ésiclent du f1'ibunal de Quimper .