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Bulletin SAF 1899


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Les invasions des normands en Armorique et la Translation générale des Saints bretons (suite)

Dom Bède Plaine

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. XIV (suite).
LES INVASIONS DES NORMANDS EN ARMORI UE
Et la Translation générale des Saints bretons .
§ 7. Les Normands de la Loire et leur séjour prolongé
à Nantes. et dans la presqu'île de Guérande .
Les anciens chroniqueurs et hagiographes bretons ou nor­
mands n'ont jamais songé, je l'ai déjà dit, à établir une
distinction entre les Normands de la Seine, qui étaient sous

- les ordres de Rollon, et ceux de la Loire, qui avaient pour
chef Ragenold. L'auteur de la Chronique de Nantes n'en ' a
pas agi autrement. De là la confusion des récits et la difficulté
de fixer des dates. P.ar bonheur, Flodoard, qui était contem­
porain et plus compétent que personne en pareille matière,
a pris cette peine et ne nous laisse pas ignorer, si je ne me
fais illusion, que les Normands de la Loire ne reconnaissaient
en rien l'autorité de Rollon et considéraient pratiquement le
traité de Saint-Clair-sur-Epte comme non avenu pour eux (i). ,

Le fait est en particulier qu'ils ne consentirent à embrasser
la foi chrétienne que dix années après cette convention et en
. vertu d'une autre convention analogue qu'ils conclurent
personnellement avec Robert, duc de France, quelques mois
avant l'avènement de ce prince à .la couronne royale (2)
(29 juin 922. )
. .On n'est pas d'ailleurs bien fixé sur l'année précise de leurs
attaques contre Nantes et de leur prise de pos~ession de cette
cité et de toute la Bas·se-Loire. Il serait par exemple impos­
sible de dire avec certitude si ces faits sont antérieurs ou
postérieurs au traité de ~aint-Clair-sur-Epte. Ce qui est
indubitable, c'est qu'ils sont postérieurs à la mort du duc de
Bretagne, Alain le Grand (907). La Chronique de Nantes e8t
(1) Voir les Annales de Flodoard sur les années 91.1, 92..3,930 et "!illeurs.
(2) Roberlus Cornes, Normannos, qui Ligerim fluvium occupaverant, per
menses (debeUa vit), acceptisque ab eis obsidibus, Brita nniarn,
quinque
quam ipsi vastaverant, cum Nannetico pago concessit, qui fidem Christi
coeperunt suscipere. Mêmes Annales année 921,

formelle à cet égard (t 1 et la chose se comprend sans peine
ce prince avait été principalement, dans ses vingt
puisque
le vainqueur des Normands.
dernières années,
La même conclusion se déduit indirectement de la charte
du Cartulaire de Redon, qui a trait au refert en Poitou du
corps de Saint Maixent. On sait que ce corps avait été port.é .
en Bretagne, vers 865, dans un moment où les Normands rava­
le Poitou. On l'avai t mis sous la garde de notre roi Salo-
geaient
. mon, qui était à cette date le vainqueur redouté des pirates du
Nord (2). MOIns d'un siècle plus tard, la face des choses ayant
les Bretons divisés n'étant plus guère en mesure de
changé et
repousser les Normands, Adhémar de Thouars, qui venait
d'être choisi pour gouverner le monastère de Saint-Maixent (3),
fit le voyage de Bretagne pour récla mer un trésor si précieux
et négocia si bien qu'on l'autorisa à rapporter en Poitou le
corps du patron de son monastère .
Seulement il est indubitable que le pieux abbé n'eut jamais
songé à opérer. ce refert dans un moment où les Normands
occupé Nantes et ses environs. La chose est si
auraient
incontestable qu'elle est consignée implicitement dans le
procès-verbal de ce refert. On y lit, en effet, qu'en arrivant sur
de la Loire, Adhémar et ses compagnons apprirent
les bords
que les Normands avaient envahi le Poitou (4), ce qui les
amena, non à revenir sur leurs pas, ils auraient craint, en
le faisant, de perdre pour toujours leur trésor, mais à cher-
(1) Chronique de Nantes pages 80, 82, 83.
(2) Voir ma Vie de Saint Salomon (Vannes Hl95), pages 39 et 40.
(:"l) La date de cette élévation appartient aux années 90'2 ou 903. Voir
Gallia Christiana, t. II, p. 12'17. Mais c'est à tort que les historiens et
se sont imaginés que ce personnage avait été en
hagiographes bretuns
même temps abbé de Redon et de Saint-Maixent. Le Cartulaire de Redon
ne lui octroie jamais le titre d'abbé de Saint-Sauveur.
(4) Deportavimus sanctum corpus cum maximo labore usque ad Ligeris
. flumen. Cum ibidem castrametaremur, alldivimus quod Pagani vastabant
. Pictavensem regionem. Cartulaire de Redon (Editeur Aurèlien de Courson),
page

cher un asile temporaire, d'abord en Auvergnè, puis à
Auxerre (1). On déduit sûrement, je le répète, d'une pareille
manière d'agir que l'abbé Adhémar n'eut jamais choisi, pour'
opérer le refert du corps de Saint Maixent de Plelan en Poitou,
un moment où les Normands auraient occupé Nantes. C'est
précisément ce que j'avais à établir pour pouvoir en conclure
que le siège de Nantes, dont il est question ici, est nécessaire­
ment postérieur à ce refert.
Il est indubitable égalerpent que cette fois encore les
Nantais furent vaincus en plusieurs rencontres 'et se virent
bientôt réduits 'à chercher leui' salut dans un exil temporaire
s'ils ne voulaient à aucun prix courber le front sous le joug
normand. Il est vrai que le comte Robert, qui fut roi des

Francs en 922, annonça un moment l'intentioi1 de ,s'employer
à chasser les Normands de Nantes et des bords de la Loire,
mais ne pouvant y r~ussir il eut la faiblesse de pactiser avec
les ennemis du royaume et de leur céder la propriété du
comté de Nantes, à condition qu'ils embrasseraient la foi
chrétienne (2). C'était refaire en leur faveur et aux dépens
·des Nantais un nouveau traité de Saint-Clair-sur-Epte.

Bien plus, cette cession fut confirmée en 927 par Hugues le
Grand et Héribert de Vermandois, après un nouveau dé­
ploiement de forces tenté vainement pour amener les Nor-
, mands eux-mêmes à composition (3). ' ,
On comprend d'après êela pourquoi les Nantais prirent
alors le parti d'abandonner momentanément le pol natal (4).
L'évêque Adalard donna l'exemple et s'enfuit jusqu'en Bour­
gogne avec plusieurs membres de son clergé (D). La ville de
Nantes resta de la sorte sans autres habitants que les pirates

(1) Ibidem, pages 228-'230.

(2) Annales Flodoardi, année 911. .

(3) Ibidem.
(4) Chronique de Nantes, édition citée, p. 87 et 88.
, (5) Ibidem p. 85.

du Nord pendant vingt ou trente années. Les ennemis des
Bretons y laissèrent à dessein pousser les ronces et les épines
afin d'enlever aux Nantais
jusque dans l'église cathédrale
de rentrer dans leurs foyers (1). Et ce qui est
jusqu'au désir
ici de la ville de Nantes doit s'entendre en partie de son
dit
territoire et de tout le pays compris entre l'embouchure de la
Loire et celle de la Vilaine. Car la plupart de ceux qui y habi­
taient s'enfuirent et gagnèrent l'Anjou et le Poitou pour y
attendre des jours meilleurs (2). Les pau vres, ceux qui culti­
vaient la terre' à la sueur de leur front, furent les seuls qui
n'abahdonnèrent pas le sol natal et consentirent à accepter
la domination normande. Mais ils n'avaient plus ni chefs
Bretons pour leur donner des ordres, ni soldats pour les
défendre (3). '
Ils y étaient à la merci des Normands, qui avaient pris la
place des ancièns habitants, 'et ne leur permettaient pas selon
de parler la langue de leurs aïeux. Ce qui
toute apparence
rri'amène à mettr~ en avant cette dernière ass81~tion, c'est que
la langue bretonne perdU à cette date un terrain considérable.

§ 8. . Le recul de la langue celtique.
La dépopulation de la Bretagne et l'émigration en masse
de ses habitants tournèrent doublement
d'un grand nombre
au profit des Normands,en leur permettant d'occuper par eux­
mêmes le pays sur un grand nombre de points, et de tra­
vailler de la manière la plus efficace au recul de la langue
que les Bretons parlaient. C'est ce côté particulier du '
celtique
sujet qui va appeler en ce moment mon 'attention.
La lang'1e celtique, que l'on s'applique avec tant de zèle de
nos jours à remettre en honneur, n'avait rien de commun,
(1) Ibidem p. 87 et 88.
(2) Ibidem p. 8'2.
(3) Pauperes vero Britanni terram colentes sub potestate Normannorum
et défensore. Ibidem p 83.
remanserunt absque rectore

originairement parlant, avec l'idiome gaulois qui se pal'lait

dans notre pays avant la conquête romaine, mais elle y avait
été implantée à la fin du Ive siècle par les Bretons insulaires .
J'en ai dit quelque chose dans une autre circonstance (t),
et je crois avoir prouvé alors que cette langue s'étendit indis­
tinctement à tout le territoire, qui fut occupé par les colons,
c'est-à-dire non seulement au littoral depuis le Mont-Saint~
Michel jusqu'au Croisic et au bourg de Batz, mais aussi à l'in-
térieur des terres suivant une ligne qui unirait Pontorson à
Combourg, Combourg à Bécherel, Bécherel à Bréal, Bréal à
Guichen et Pléchâtel, Pléchâtel à Bain, Bain à Derval (2) et
Savenay
Tel était en particulied'état des choses à la fin .du IX siècle,
comme il ressort clairement à mes yeux: to des chartes deRedon

en ce qui concerne la presqu'île de Guérande ainsi que les
environs de Redon, de Plélan, de Montfort; 2° des Miracles de
Saint Magtoire et de la Vie de Saint Malo par Bili en ce qui con
cerne Aleth, Dol, Léhon etleur pourtour. La même conclusion se
déduit d'une étude attentive des noms des localités et des
hameaux qui appartiennent à ces différentes zones, ainsi que de
maintes autres analogies du même genre. On doit donc l'affir­
mer en toute assurance avec M. Arthur de la Borderie: (1 La
« langue bretonne était parlée alors dans toute l'étendue des
« diocèses d'Aleth, Dol, Saint-Brieuc, Tréguier, Saint-Pol­
« de-Léon, Quimper et Vannes, et en outre dans la presqu'île
« de Guérande » (3). .
.C'est dire assez qu'elle faisait alors loi uniformément dans
les 4/0 de la Bretagne tandis qu'aujourd'hui les proportions
sont toutes changées et plus de la moitié de la Bretagne se
trouve soustraite à l'influence de la langue des aïeux .

(1) La colonisation de l'A1·morique. Paris \899 p. 23 et 32 .

(2) Tremeuc, enCOre plus rapproché de Châteaubriant, porte un nom
breton.
(3) Annuaire de Bretagne pour 1861, p. 57,

Or, un tel changement, on le devine sans peine, ne s'est pas
de lui-même sans secousse et sans bouleversement,
produit
surtout quand il s'agit de populations aussi réfractaires à tou t
abandon des cou~umes et des usages traditiohnels que le sont
les Bretons. Cependant on peut interroger les anciennes cluo­
et les documents législatifs et autres qui ont trait à .
niques
le XIe siècle jusqu'à l'époque actuelle,
notre histoire depuis
je ne crois pas qu'on puisse y signaler le moindre événement,
le moindre texte, le moindre document, qui soient de nature
à nous donner la clef de l'énigme dont il s'agit. Aussi d'accord
avec MM. Audren de Kerdrel (1), Alcide Leroux (2) et Arthur
de la Borderie (3), les seuls auteurs qui aient tenté avant moi
la solution de ce problème, je crois qu'il faut remonter jus­
qu'à la première moitié du Xe siècle pour trouver le point de
. départ de ce recul de la langue celtique. Ce sont les invasions
normandes de cette 'époque qui ont amené ce' résultat. Ce sont
et elles seules, qui ont pu le produire. Car à cette date
elles,
les envahisseurs~ on l'a vu, attaquèrent les Bretons presque de
tous les côtés à la fois. Ils leur ,firent une véritable guerre
et mirent la plupart de-ceux qui n'y trouvè­
d'extermination
pas.la mort dans la nécessité d'émigrer en masse. Or les
rent

Normands s'établirent bel et bien au lieu et place des Bretons,

qui avaient gagné la. terre étrangère, et se créérent de la sorte
plusieurs centres principaux: Guérande et Nantes au sud-
est; Dol, Saint-Malo et Saint-Brieuc au nord-ouest, d'où ils
rayonnèrent ensuite dans tous les E'nvirons et s'appliquèrent
avec le soin le plus jaloux à faire disparaître la langue celtique.
Puis, d'autre part, quand les victoires d'Alain Barbetorte per­
mirent aux émigrés de renti'er sur le sol natal, la plupart

(1) Audren de Kerdrel: La langue bretonne, dans le Bu lletin archéolo­
gique de l'Association breton ne, t I, p. 102 et 103.

p) A. Leroux: Du patois populaire, dans la Revue de Bretagne et de
Vendée, juin 1898, p. 40.
(3) A. de la Borderie; Annuai1"e de 1861, p. 57 et 58.

d'entre eux avaient perdu l'usage de leur ancienne langue; ils
·avaient pris pour épouses de jeunes filles qui n'en savaient
pas le premier mot et il en était de même de leurs enfants.
Si l'on joint à cela que beaucoup de Normands avaient acquis
des domaines dans le pays (1) et y restèrent après le retour
des émigrés,comme on ledéduitde plusieurs appellations patro­
nymiques (Normand, Péan, Payen et autres analogues) (2),
aujourd'hui encore fort répandues, on s'expliquera sans peine
pourquoi la vieille langue des aïeux ne reprit qu'à moitié son
empire en dépit des victoires sur le terrain politique et mili­
taire, pourquoi la langue des Francs conquit au contraire un
terrain si considérable. Mais si cette seCOUSSle de la première
moitié du Xe siècle et l'occupation prolongée d'une partie du
pays par les Normands ne nous ~xpliquaient pas ' l'énigme
dont il s'agit, on comprendrait d'autant moins un recul aussi .
énorme de la langue celtique que depuis lors ce recul a été
comme insensible en dépit de la pression administrative, à
laquelle on a eu recours en maintes circonstance's pour le -réa-
liser sur une large écl~elle. .

Ce côté douloureux de m'on sujet ainsi éclairci, je vais en
aborder un autre plus consolant et plus glorieux, celui des vic­
toires d'Alain Barbetorte, ou de la reconquête, de la recon-
quista, comme on dirait en Espagne.

§ 9. - Les victoires d'Alain Barbetorte sur les
Normands, et la reconquête .
Les invasions normandes ·des années 9t3-920 passèrent,
. on l'a vu, sur la Bretagne comme un torrent dévastateur. On put
. craindre un moment que la nationalité bretonne n'y sombrât,
et qu'un pareil cataclysme n'entrainât son anéantissement.
(1) Témoin le normand Gurki qui, en 1037, possédait Quiberon, Locoal,

Plouhinec, etc... Cartulaire de Redon, p.' 3'20 et 3Z6 .
(2) Les sires de Malestroit portaient ce prénom de Péan. V. le même
Cartulaire, p. 299 et aill~urs. Le nom de Pagani se représente avec
une fréquence extrême dans le Cartulaire de Redon .

Mais il n'en était rien, la Providence avait permis cette
épreuve pour châtier les Bretons, pour épurer leur vertu, non
pour leur destruction. Au plus fort de la tempête elle leur
un sauveur dans la personne d'un petit fils d'Alain
préparait
le Grand. Il est connu dans l'histoire sous le nom significatif
d'AlaIn Barbetorte.
Fils de Matuedoi, comte de Vannes et de Poher, dont il a été
question plus haut, cet Alain alla avec son père chereher un
refuge au-delà de l'Océan (9-13-920) et passa plusieurs années
à la cour d'Edouard l'Ancien, roi d'Angleterre. Il s'y lia d'une
étroite amitié avec Athelstan, qui était fils de ce roi, et qu'il
eu lui-même pour parrain, on ne sait à quelle '
avait
occasion (1 ).
Le jeune Alain se sentit de bonne heure inspiré de vouer
sa vie à la reconquête de la Bretagne afin d'en chasser les
Normands. On ne sait pas cependant, d'une manière précise,
en quelle année il commença à y travailler. Il est possible que

l'avènement d'Athelstan en 924 à la couronne d'Angleterre et
la certitude qu'Alain avait de trouver auprès de lui' appui et ,
protection l'aient amené à, faire dès cette date quelques
à cet égard, mais les événements 'des années
tentatives
920-930 ne nous sont pas assez connus pour que nous en par-
lions avec une certitude absolue. Ce qui paraît probable cepen-
dant, c'est qu'antérieurement à l'année 927 on en soit venu à
des conventions au moins temporaires entre les Bretons et les
Normands, c'est que l'ancien état de choses ait repris vigueur
sur plusieurs points de la Bretagne. Alain , par exemple dut
, être reconnu comme successeur de son père à Vannes, tandis
. (1', Iste Alanus cum rege anglorum Adelstano ab infantia fuit nutritus.
de Nantes, p. 88) ..... qui eum ex lavacro sancto susceperat.
(Chronique
Idem p. 83. C'est faute de connaître la chronologie des rois d'An­
que l'auteur de cette chronique avance qu' Athelstan . était déjà
gleterre
roi quand Matuedoi traversa l'Océan, car Athelstan ne monta sur le trône
\:124, c'est-à-dire dans un moment où Alain Barbetorte avait de 20 à
qu'en
30 ans. '

que Juthael nommé aussi Juhel Bérenger rentrait à Rennes à
titre de co m te. Demême l'abba ye de Landévennec reou vrai t alors

ses portes, et les églises épiscopales se donnaient de nouveaux
tiIulaires . La suite des faits ne tardera pas à rendre raison
de ce qui est dit ici de l'abbaye de Landévennec et des nou­
veaux évêques. En ce qui concerne Alain Barbetorte et Juhel
Bérenger, ce qui permet d'être absolument affirmatif à leur
égard, c'est qu'en 927 le chef des Normands de la Seine,
Rollon, ayant abdiqué en faveur de son fils Guillaume,
surnommé Longue Epée, les deux princes bretons nommés
assistèrent à l'intronisation du nouveau duc normand, et lui
rendirent hommage d'après Dudon de 'Saint-Quentin et
GuillaumedeJumièges (1). Flodoard,il est vrai,gardele silence
sur l'abdication de Rollon comme sur l'acte d'hommage rendu
par Alain et Juhel Bérenger; mais sans donner néanmoins le

moindre démenti aux ·historiens normands. On peut donc les
croire sur parole avec d'autant plus de confiance que l'éta t

,des circonstances mettait moralement les deux comtes bretons
dans la nécessité de rendre provisoirement hommage au duc
normand.
Que · se passa-t-il ensuite de 927 à 931? De quels
nouveaux crimes, de quelles nouvelles profanations les
.Normands se rendirent-ils coupables vis-à-vis des Bretons?

Nous l'ignorons. Ce que nous savons' avec certitude par les
aveux des chroniqueurs normC!-nds' eux-mêmes" c'est que le
comte Alain revint à son dessein de se consacrer entièrement à
la délivrance de la Bretagne (2). Le vaillant homme de guerre
réussit même en .937 à gagner à sa cause le comte de Rennes,
et de concert avec son allié il s'empressa de déclarer au suc­
cesseur de Rollon que ni lui ni le comte de Rennes ne vou-
(1 ) DudQn de Saint-Quentin: De mOl'ibus Normannorum. Patrologie
latine t. CXLl p. 060. Guillaume de Jumièges: Historia Normannorum,
• ·~2. Ibidem t. CXLIX p. 804.
(2) Alanus, qui hujus rixœ et jurgii auctor et inventor fuit. Dudon de
Saint-QueIl
laient plus le servir désormais mais uniquement le roi des
Francs (1). Une telle ~mrmation équivalait à une déclaration
de guerre. Aussi les Bretons s'y étaient-ils préparés. Le jour
de la Saint-Michel de cette année 931, les B'rètons tombèrent à
l'improviste, nous dit Flodoard, sur les Normands qui habi­
au milieu d'eux, à Aleth, selon toute apparence, et en .
taient
firent un horrible carnage. Felecan, leur chef, y fut égorgé (21.
Le témoignage d'un contemporain comme Flodoard se trouve
ici d'autant plus digne de foi qu'il est corroboré explicitemett
par celui d'une ancienne chronique bretonne (3). Pour les
chroniqueurs normands ils gardent le silence à cet égard, mais
ils sont coutumiers du fait et ne racontent jamais que les
, triomphes et les victoires de leurs compatriotes. Toutefois les
Normands de la Seine ne tardèrent pas à prendre leur revanche
en faisant pour cela appel ,aux Normands de la Loire et rem­
même une victoire des plus signalées. Flodoard est
portèrent

formel à cet égard et appelle par son nom d'Incon ou Hacon
le chef normand qui commandait dans cette journée (4). Pour
Dudon de Saint-Quentin et Guillaume de Jumièges ils n'e met­
tentici en avant que le nom de leur duc Guillaume l, sans doute
parce qu'Incon agissait en son nom etcomme son mandataire (n).
Le fait est que cette victoire tourna à son profit en ce sens que
(1) Ibidem p. 661.

(2) Britones, qui remanserant Normanis in Cornugallià subditi, consUI'-
gentesadversu~eos, qui se obtinuerant, in ipsis solemniis S. Michaelis, intere
'misse dicuntur, qui inter eos morabantur Normannos coeso primum duce
illorum nomine Felecan.
Annales Flodoardi, année 931.
(3) M. Merlet la cite d'après Lebauld. Chronique de Nantes p. XLIX note 2.
(4) Anno 931. Incon Normannus qu i morabatur in Ligeri, cum suis Bri-
tanniam pervadit, victisque et , pervasis, vel cœsis et. ejectis Britonibus
régione potitur.
Annales Flodoardi.
ou Hacon est le nom commun des anciens rois de Norvège et d'Is­
Incon
lande.
(5) Lieux cités p. 60'2, 664 et p. 803.

ce fut lui qui prit de nouveau possession du pays d'Aleth et en
confia le commandement au capitaine Incon , l'Aquin des
chansons de geste, ce fut lui qui rendit ses bonnes grâces, au
. comte de Rennes, en lui enlevant néanmoins selon toute appa­
rence la plus grande partie de son territoire (1), mais ce fut lui
aussi qui refusa de pardonner au comte Alain et l'obligea de
repasser l'O~éan pour aller chercher un. nouvel asile auprès
d'Athelstan.
. En tenant ce langage, je n'invente rien, ce sont les historiens
normands, qui nous ont fait connaitre cette manière diverse
d'agir du second duc des Normands vis-à-vis des deux comtes
bretons (2), et leur assertion est pleinement confirmée par les
faits subséquents de la biographie d' Alain Barbetorte~ Seule­
ment il importe de le remarquer, il s'agit ici d'un second séjour
auprès d'Athel$tan, non du premier, celui-ci, je viens de le
montrer, est antérieur de près d'une vingtaine d'années (3).
Le second séjour d'Alain Barbetorte en Angleterre fut de qua­
tre ou cinq années (931 à 936). Louis d'Outre mer,fils de Charles ·
le Simple et d'une sœur du roi Athelstan se trouvait également
alors à la même cour peut-être depuis sa naissance (919 ou 92-1) .
Il admit no~re seigneur breton dans sa familiarité la plus
intime et s'engagea sans doute à lui prêter appui dans ses
projets de lutte contre les Normands, s'il parvenait lui-même
à remonter sur le trône de ses pères. Or il arriva de fait,
qu'en 936 Hugues le Grand, duc de France, intervint auprès
d'Athelstan, fit revenir Louis d'Outremer d'Angleterre et \ le
rétablit sur le trône de France pendant qu'à la même date ou
(1) Le comté de Rennes aurait dû comprendre toute l'ancienne Domnonée
plus le territoire de Rennes tandis qu'Jncon ou Aquin demeura jusqu'à sa
de Dol et de Saint-Brieuc, au nom du duc normand, ce
mort seigneur d'Alet,
qui diminuait notablement le comté de Rennes.
("l) Dudon de Saint-Quentin, lieu cité p. 663 .

Guillaume de Jumièges, lieu cité p. 803 .
(.\) M Lair dans son Dudon de Saint-Quentin (Caell:. · 1865, p. 71 et
ailleurs) a oublié de faire cette distinction.

un peu auparavant le moine Jean, dont j'ai parlé plus haut et
qui était devenu abbé de Landévennec vers 936 avertissait de
son côté Alain Barbetorte que le temps était .venu à son ju-
gement de rentrer en Bretagne et de recommencer la lutte '
les envahisseurs du pays (1). Ce généreux abbé,
contre
si grand zèle pour la. patrie bretonne, ne s'était pas .
animé d'un
Il avait gagné à la même cause plusieurs tyerns
borné là.
qüi juraient de combattre pour leur seigneur à la vie,
bretons
à la mort (2). Guillaume de Jumièges, il est vrai, rapporte les
choses d'une toute autre manière. A l'pntendre, ce serait le
roi anglais qui aurait plaidé la cause d'Alain auprès du duc
Normand et aurait obtenu pour lui la permission de rentrer sur
le sol natal. (3) Mais le même auteur prétend également que
ce fut le roi Athelstan ·qui envoya des légats au duc normand
afin d'obtenir par ce moyen le rétablissement de Louis d'Ou­
tremer: ce qu i est doublemen t erroné, puisque ce rétablissem en t
de Hugues de France, puisque les messagers dont
fut l'œuvre
il s'agit furent .envoyés à Athelstan et non ' à Guillaume
Longue Épée (4). On ne saurait donc tenir compte des assertions
d'un auteur aussi partial, et mieux vaut s'en rapporter
chroniqueur contemporain Flodoard, qui nou's dit sens détour •
936 :'« Les Bretons reviennent d'au delà de l'Océan
sur l'année
avec l'appui du roi Athelstan etregagnent chacun leur pays (5) .
(1) Ce qui est dit de l'abbé Jean repose sur une affirmation d'Alain
en personne: « Iste Joannes mihi deservivit inter barbaros,
Barbetorte
« plurimaque inter généra Saxonum atque Normannorum, Et necessariam
« multis vicibus pacem trans mare atque infra mare ad gaudium nostrum
« nunliavit. »
Antérieurement il avait dit: « Vocavit me infra mare atque invitavit. YI
-Charte de fondation du prieuré de Saint-Guénolé au bourg de Batz. Car­

tulaire de Landévennec. édition La Borderie, p. 156.
(~) Cartulaire de Landévennec, lieu cité . .
(3) Historia Normannorum, 3, 4 lieu cité, p. 805.
(-i) Flodoard, . chroniqueur contemporain, le dit explicitement dans ses
annales, année 936.
(5) Brittones a transmarinis regionibus Alstani regis presidio revertentes
terram suam repetunt. Annales Flodoardi, année
BUJ..LETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXVI (Mémoires). 21. '

Ce même auteur ajoute avec non moins d'autorité sur
l'année 93'7 :
« Les Bretons rentrés dans leur pays après un long exil,
« engag.ent plusieurs combats contre les Normands, qui
« occupaient la partie de leur pays voisine de la Normandie,
« remportent la victoire en plusieurs rencontres et rentrent
« en possession du terrain, que leurs ennemis avaient en-,
« vahi » ('1). .
La Chronique de Nantes, commentant à sa manière ce
double passagede Flodoard, ne nous laisse pas ignorer non plus

qu'Alain Barbetorte et ses compagnons d'armes tinrent à si-
gnaler leur retour en Bretagne .par plus d'une action d'éclat
et à attaquer les Normands dans toutes les villes qui leur ser-
vaient comme de places d'armes. .
« En premier lieu )J, nous dit l'auteur anonyme de cette
chronique, « ils abordèrent au monastère de Dol, tombèrent à
« l'improvi'3te sur les Normands, qui célébraient un festin de
( noces, et en firent un carnage général. De là ils se rendi­
« rent à Saint-Brieuc, où se trouvait aussi un des principaux
« quartiers des Normands et en tuèrent un grand nombre» (21.
Après quoi le vaillant chef de l'armée bretonne ne craignit pas
• d'aller affronter l'ennemi jusque dans son centre le plus re-
doutable, dans la ville de Nantes, leur livra une bataille qui dura
plusieurs jours et finit par les forcer à abandonner la place
pour aller chercher fortune ' ailleurs. Mais ce dernier succès
fut dû à l'intervention miraculeuse de la Sainte-Vierge, que
l'adversaire des Normands avait humblement invoquée (3) .
. Ces trois victoi res, qui n'appartiennent pas manifestement
à la même année, mais plutôt aux années 936-940; furent dé-

(1) Britlones ad sua loca post diu tinam regressi peregrinationem, cum
Normannis. qui terram ipsorum contiguam sibi pervaserant,. frequentibus
loca pervasa recipiunt.
dimicant prœliis, superiores pluribus existunt et

- Annales Flodoardi année
('2) Chronique de Nantes; édition citée p. 88.
(3) Chronique de Nantes, édition citee p. 88, 89, 90.

cisives et amenèrent, ce me semble, les Normands à laisser la
Bretagne aux Bretons pour se circonscrire dans les limites qui
sont restées jusqu'en 1789 celles de la Normandie et de la

Bretagne. La première de ces victoires eût un éclat tout par-
titmlier, c'est elle qui a été célébrée par un poète breton dans
une chanson de geste, qu'on appelle assez improprement le'
poème d'.4quin, pui.~que ceL Aquin, l'I1~co de Flodoard, y perdit
la bataille et la vie (1). .
Le poète suppose que le combat se livra à Aleth, et il est
probable que de fait les Bretons et les Normands se combat­
tirent dans l'une et l'autre ville, c'est-à-dire à Dol comme à
Aleth ou Saint-Servan .
La troisième victoire, celle de Nantes, mit le sceau aux
triomphes d:Alain Barbetorte et à la délivrance de la Bretagne,
nous déclare explicitemen t l'auteur de la Chronique de N ant,es,
puisq'Ue d'après cet anonyme à dater de ce jour tous les Nor-,
mands se déclarèrent vaincus et soumis ou durent quitter le
sol breton (2). " Mais dans l'intervalle il y eut sans doute sur
divers points d'autres combats particuJiers, dont l'issue ne fut
pas sans conséquence. Flodoard le donnait suffisamment à en­
tendre plus haut. En outre il mentionne sur l'ann' e 939 une
autre victoire des Bretons, que le chroniqueur de Nantes a
laissée dans l'oubli probablement parce qu'elle fut due non au
comte de Nantes mais à celui de Rennes. Je veux parler de la

journée de Trans, près Antrain~ .(1 août 939) (3). L'historien
Lehauld la mentionne de son côté et lui attribue même une
grande importance (4). A mes yeux elle dut contribuer pour
(1) Ce poëme a été édité pour la Société des bibliophiles bretons par M.
Jouon des Longrais. Nantes, 18\H •
m Omnibus Normannis devictis et ab omnibus Britanniœ pal'tibus
de Nantes p. 91.
fugatis. Chronique
(3) Anno 939. Brittones cum Normannis coilfligentes victorià potiuntur,
cepisse feruntur. Annales Flo-
et quoddam Normannorum Castellum
doard,
(4) Lebauld : Histoire de Bretagne, p. 134 et 138.

une large part à amener Guillaume Longue Epée à conclure
avec les Bretons un accommodement qui équivalait à laisser
la Bretagne aux Bretons, si je ne me fais illusion, mais qui
doit aussi, c'est encore ma conviction, avoir abandonné aux
Normands le Cotentin jusqu'au Couesnon et au Mont-Saint-
Michel. .
Cet accomodement ou traité de paix n'a point été·mentionné
par les historiens normands pas plus qu'aucune des vict.oires
remportées par Alain Barbetorte, mais il est signalé au
moins incidemment par Flodoard en des termes qui ne per­
metteut pas de révoquer en doute son authenticité et nous
rendent certains qu'il fut conclu avant la mort du duc
. Guillaume. (17 décembre 942. ) Flodoard mentionne incidem­
ment ce traité à propos des événements de l'année 944, qui
vont bientôt attirer mon attention: « Survint alors, nous dit
« cet auteur, un grand malheur pour les Bretons; leurs
« princes Alain et Berenger se prirent de querelle et les
« Normands, a'VPc'lesquels ils a'Vaient lait la paix, profitèrent
« de cette occasion pour envahir de nouveau leur pays et y

(C faireungrandcarnage(1j».
Nous savons d'ailleurs avcc certitude qu'Alain Barbetorte
fut reconnu comme duc de Bretagne après sa victoire de
Nantes (2) et qu'il en pren.ait officiellement le titre en 945,
sinon un peu antérieurement (3). Or, ce titre n'avait plus été

porté par aucun prince depuis l'année 913, c'est-à-dire
depuis que les Normands avaient envahi le pays et en occu­
paientla meilleure partie. Le prendre alors dansuri acte public
équivalait donc à affirmer que le pays était purgé des Nor-
mands, que la reconquèle de la Bretagne était un fait accompli.
(1) Anno 94'1. Subsecuta mox BriLton um pernicies, qui discordia inter se
principum Alani et Berengarii divisi a Normannis cum quibus pactum
coede attriti. .
inierant, pervasi et magna sunt

(2) Chronique de Nantes, édition citée.
(3) Alanus, Dux B1'itonum. Cartulaire de Landévennec, p. 156:

Reste maintenant à rechercher si la reconquête fut durablQ
ou si elle subit peu après une éclipse.

§ 10. - Les guerres de Richard 1 de Normandie et de
Thibaut le Tricheur ont-elles eu leur contre-coup
en Bretagne ? .

Alain Barbetorte, je crois l'avoir prouvé, fut l'instrument
providentiel dont Dieu se servit pour rétablir la nationalité
bretonne et chasser les Normands d'un pays dont ils voulaient

s'assurer injustement la possession. C'est donc à ce vaillant
homme de guerre que revient l'honneur d'avoir reconq'uis la
Bretagne pour toute la durée des siècles. Mais ici on m'objecte
qu'il n'en est rien. On a prétendu tout récemment encore que
la reconquête en question dura à peine quelques années. On
a affirmé qu'au lendemain de la mort d'Alain Barbetorte
(902) (1), toutfut remis en suspens lors des guerres de Richard 1
de Normandie ~t de Thibaut le 'rricheur, comte de Chartres
(958-964,) (2). La question est de savoir si, en tenant ce
langage, M. Merlet ne s'est point mépris sur le vrai caractère
des événements militaires dont la Bretagne fut le théâtre à
ai déjà dit un mo+ plus haut, mais je dois
cette occasion. J'en
y revenir maintenant un peu plus en détail. .
Il est possible, j'ai hâte de le dire, que les Normands aient
songé réellement en 960 à réoccuper la. Bretagne. Ils l'avaient
dès 944 du vivant d'Alain Bl;lrbetorte. Seulementleurs
essayé
efforts furent déjoués dans l'une et dans l'autre circonstance .
En 94 nouvelles rivalités, qui venaient de se faire jour· entre Alain
Barbetorte et Bérenger, comte de. RennAs, pour rompre le
traité de paix qu'ils avaient conclu précédemment avec les Bre-

(1) Annales Floriacenses. Bouquet, t. VIII, P 251.

(2) Merlet: Les Origines du monastère de Saint-Magloire de Paris (1896),

tons( '1 ) et envahir la pal;tie de la Bretagne qui touchait à leur pro-
. pre pays. Ils parvinrent de la sorte jusqu'à Dol, s'emparèrent
de la ville et y tuèrent beaucoup de monde, principalement par­
mi ce~x qui cherchèrent un refuge dans l'église cathéd·rale. (2)
. L'évêque de Dol fut du nombre des victimes, nous dit explici- .
Flodoard ce qui m'a permis d'affirmer plus haut que
tement

dès cette date et probablement dès 930-935, l'ancien état de
choses régulier avait. été remis en vigueur à Dol tel qu'il
les invasions des années 913-920. Flodoard
existait avant

ajoute aussitôt: « Mais les Bretons ayant réparé leurs forces
« l;evinrent à la charge contre les Nomands, et parvinrent à en
« triompher)) (3). Il est vrai que le même chroniqueur
en dernier lieu une troisième bataille qui tourna à
mentionne
l'avantage des Normands et laissa entre leurs mains une
certaine partie du pays, qu'occupaien t ceux qui ét.aient reve-
nus en 936 d'au delà de l'Océan (4). Seulement il y a lieu de
penser que cette réoccupation de Dol et de ses environs ne
dura que quelques mois. Ce qui le prouve à mes yeux, c'est
que peu de temps après, en 945, lors de la fondation du
prieuré de saint . Guennolé du bourg de Batz, · Wicohen,
de Dol, y assistait en personne. Il a signé immé­archevêque
le duc Alain et le comte de Rennes (5). Or il
diatement après
va de soi que Wicohen n'aurait pas osé agir de la sorte, et

pas été admis à figurer dans un pareil acte s'il avait
n'aurait
été à celte date le sujet d'un duc normand. On peut donc
affirmer en toute assurance que la réoccupation de Dol par

(1) Flodoard, Annales, année 944. J'ai déjà reproduit cette partie du texte. .
P) Civitas Brittonum, Dolus no mine capta (est) et episcopus ejusdem,
confugientium in Ecclesiam multitudinis stipatione oppressus et enecatus
est. Ibidem. .
(3) Reparatis denique viribus Brittones, certamen ine tInt, in quo
superiores normannis visi sunt. - Ibidem.

(4) Ibidem.
(5) Cartulaire de Landévennec, édition citée p. 150. '

les Normands en 944 ne fut qu'éphémère et ne se prolongea
pas au delà de quelques mois ou tout au plus d'une ou deux
annees.
J'arrive maintenant aux guerres des années 958-965 entre
1 de Normandie et Thibaut le Tricheur. Il s'agit de
Richard
savoir si· ces guerres eurent un tel coutre-coup en Bretagne .
qu'elles amenèrent la translation, hors du pays, du corps de
Saint Magloire et des autres corps saints, qu'on avait mis en
dépôt à Léhon en 878, item celle des corps de Saint Malo,
d'Aleth, de Saint Samson de Dol, item la translation, hors du
Cotentin des corps des Saints Paterne , Sénieur et Scubilion.
ques ti on incidemment. Mais il
J'ai déjà traité plus haut cette
importe d'y revenir un peu plus au long. Et d"abord qui peut
admettre qu'en 958, quarante ans après le traité de Saint­
Clair-sur-Epte, le Cotentin relevait encore de la Bretagne?
Qui peut admettre qu'à cette date une expédition normande,
dirigée contre les Bretons, devait remplir d'un tel effroi les
clercs d'Avranches qu'ils en venaientà emporter jusqu'à Paris
les corps de leurs Saints pour les mettre en lieu de sûreté?
Impossible, mille fois impossible, les choses n'ont pu se pas­
de la sorte.
ser
En second lieu, la translaiion des corps saints de Léhon est
940 et n'a pu avoir pour' cause
certainement antérieure à
qui n'écla ta que vingt années pl us tard.
occasionnelle une guerre
Nous le savons avec certitude, car cette translation fait corps
avec celle de Saint Samson de Dol.
Or la lettre du prévôt Hohbbde, dont j'ai parlé plus haut

nous apprend que ce corps avait été porté en France bien avan t
940, et l'acte de fondation de la collégiale de Saint Samson
d'Orléans en 929 nous révéle le nom même de la ville où il se
conservait alors (1).

(1) Gallia Christiana, t. VIII p. !18'1 (Instrumenta).

En troisième lieu, il suffit d'y réfléchir un tant soit peu pour
remarquer que les Normands de la secoode moitié du Xe siècle
devaient différer notablement de ceux des années 913-920 ..

Ceux-ci encore païens pour la plupart et acharnés à la
destruction comme à la profanation des choses saintes, firent
réellement aux Bretons, je l'ai prouvé, une guerre d'extermi­
nation et de profanation qui amena une émigration en masse
et la translation simultanée de la plupart des corps des Saints
du pays. Mais en 960 ces mêmes Normands, adoucis et
civilisés par un demi-siècle de christianisme, n'avaient plus
la haine du nom chrétien, ils ne s'acharnaient plus à détruire
et à p~ofaner les choses saintes. Par conséquent, quand •
même les guerres que se firent Richard 1 de Normandie et
Thibaut le Tricheur auraient eu leur contre-coup sur toute
l'étendue de la Bretagne,les corps des Saints bretons n'auraient
.pas été pour cela en péril, sinon dans telle ou telle localité
isolée, en raison de circonstances spéciales. Personne n'aurait
donc songé à les emporter au loin, àen priver le pays.
Je n'ignore cependant pas que l'auteur ancien de l'opuscule
sur la translation de Saint Magloire a adopté cette double
opinion. D'après lui, les Normands, à l;époque des guerres en
question, couvrirent toute la surface du pays, semblables à
. des sauterelles qui dévastent et ruinent tout (1) .

D'après lui encore, les barbares continuaient à multiplier
les désastres et à semer les ruines à travers la Bretagne
lorsque les fugitifs bretons arrivèrent à Paris avec leurs
trésors après plusieurs années de pérégrinations (2). Seule­
ment cet anonyme n'était pas contemporain, il ne vivait qu'au
XIIe siècle, c'est-à-dire à une époque où les questions de
chronologie étaient très mal connues. On ne peut donc le

(1) Operuerunt Dani superficiem terre sicu t locustre. Mabillon, Annales
O. S B. t. Ill, p. 719. C'esl le début de l'opuscule. M Merlet n'a pas
ce début
reproduit
('2) Merlet, ouvrage cité, p. 8 et 9.

croire sur parole. Il faut interroger les contemporains ou des
auteurs plus compétents que lui. Or, j'ai beau interroger les
qui m'a été plus haut
contemporains, par exemple Flodoard,
si grand secours, ni cet auteur ni aucun autre à ma
d'un
cQnnaissance ne donnent à supposer que les guerres dont il
s'agit aient eu·leur contre-coup en Bretagne.
Les historiens normands, Dudon de Saint-Quentin et
Guillaume de Jumièges, n'en agissent pas autrement, comme
en convient M. Merlet (1 ) .
La Chronique de Nantes est plus conciliante, il est vrai.
Elle affirme que Nantes devint à cette occasion le théâtre de
deux sièges, dont l'issue fut favorable aux Normands (2) ..
Il est possible aussi qu'une flotte normande ait fait vers ce
temps une descente il Saint-Pol-d~-Léon, il est possible qu'elle
une telle terreur que l'évêque
ait répandu momentanément
du lieu jugea prudent de chercher un refuge à Fleury-sur­
Loire avec le corps de Saint Paul de Léon et celui d'un
du nom de Maur (3). Mais la question n'est
martyr africain
pas là, la question est de savoir si la guerre s'étendit morale:-
ment à toute la Bretagne et particulièrement à Aleth, à Dol,
à Léhon; la que~tion est de savoir si elle couvrit si bien tout

le pays de sang et de ruines qu'elle amena les habitants à
en masse en emportant avec eux les corps de leurs
émigrer
Saints et tout ce qu'ils avaient de précieux. Or, à cet égard le
doute n'est pas possible. La réponse doit être nettement né­
gative. J'en ai .fourni les preuves irrécusables.
Il ne me reste plus, avant de conclure, qu'à montrer
la translation des corps des Saints bretons hors du
. comment
pays, si douloureuse en soi, n'en a pas moins gtandement
profité à la gloire de ces Saints comme à la gloire de la
Bretagne elle-même.
(1) Ibidem, p. 2!1
(2) Chroniquè de Nantes, p. 11 1-114,

(3) Chronique de Nantes, édition citée, p. 104, note J.

§ H. La translation des Saints bretons et le grand
. éclat de gloire qui en a rejailli sur ces Saints et
sur la Bretagne. .
Dans les pages qui précèdent,je me suis appliqué à signaler au
moins d'un mot presque tous les Saints bretons,dont le transfert
de Bretagne est connu avec certitude. On ~ pu remarquer
hors
que chacun des neuf diocèses qui se partageaient alors le pays
avait plus ou moins largement payé tribut au malheur des
temps. Ceux de Nantes et de Rennes, on l'a vu, furent les pre­
miers frappés dans la personne des Saints Clair, Gohard,
Martin de Vertou, Hermeland et Melaine. Les sept autres le
furent à une date postérieure, mais leurs pertes furent sou­

vent plus nombreuses. En voici une énumération succincte:
les corps des Saints Paterne" Guenganton,
Vannes perdit
Gildas et Guenaël ;
Bléviléguet,
Quimper ceux des Saints Corentin, Conogan, Guennolé et
Tremeur;
Saint-Pol-de-Léon ceux de Saint Paul Aurelien et de Saint
Maur, martyr (1) ;
ceux de Saint Tugdual, de Sa.int Lévian et de Saint
Tréguier
Melor; .
la partie du corps de son fondateur, qui lui
Saint-Brieuc,

avait été laissé par Erispoé, lorsque ce roi voulut en enrichir

la ville d'Angers, et de plus le corps de Sainte Osman ne; .

Aleth fit plus de pertes qu'aucun autre évêché breton. Il
perdit en effet les corps de deux de ses évêques, Saint Malo et
Saint Ciférien, de plus ceux de Saint Magloire, qui se trou-
vait à Léhon,des Saints Méen et Judicaël, qui se conservaient
à l'abbayé de Saint-Méen, celui de Saint Léry, que l'on véné-
rait dans son prieuré, et ceux de Saint Lunaire et de Saint-
Salomon. .

(1) Celui de Saint Hervé fut porté de Lanhouarneau à Brest, mais on
ignore àquelle date précise et à quelle occasion. Plus tarçl, vers l'an IU OO.
. Geoffroy, fils de Conan le Tort, donna ce saint corps à la cathédrale de
Nantes pour gagner la faveur des Nantais

Enfin Dol fut aussi durement éprouvé par la perte des corps

des Sain ts Samson et Leucher ou Louthierne, ses évêques, et
de Saint Escuiphle, abbé.
Tel est l'ensemble des pertes de corps sain ts, sur lesquelles
la Bretagne eut à gémir à cette époque néfaste de son histoire.
Il est possible même que l'exode de nos Ë;aints bretons
un plus grand nombre de noms, mais aucun n'est
compte
en dehors de ceux que je viens de
connu avec certitude
signaler. Il importe d'ailleurs de l'affirmer.
Tout ne fut pas deuil et affii-ction sans mélange dans cette
trans!ation génér ale hors du pays des corps de nos Sai·~ts.
Bien au contraire, il en rejaillit un grand éclat de gloire sur
la personne de ces Saints eux-mêmes et sur la Bretagne, qui
eu l'honneur de leur donner le jour.
avait
Voici comment: •

Avant les invasions normandes de la première moitié du
Xe siècle, aucun de nos Saints bretons, à part cinq ou
six ('1 ), n'était connu en dehors de la province, quelqu'écla­
tant qu'eût été son mérite et sa vertu~ La plupart d'entre eux .
que dans la localité qui avait l'honneur de
n'étaient honorés
conserver leur dépouille mortelle. Mais quand l'approche des
ennemis du nom chrétien et le bruit des dévastations et des
de tout genre dont ils se rendaient coupables, vint
profanations
forcer ceux qui avaien t la garde de ces précieux dépots à cher-
cher à l'étranger un lieu de sûreté pour tous ces trésors; il
fallut bon gré mal gré quitter le sol natal et entreprendre des
pérégrinations parfois lointaines ~t prolongées avec arrêts
plus ou moins nombreux, selon l'occurrence. De là cession cie
portions plus ou moins considérables des saintes reliques en .
faveur d'insignps bienfaiteurs, construction par ceux-ci
d'églises collégiales et de monastères ou institution de fêtes
(1) Ce sont les Saints Donatien, Rogatien, Similien. Sam~on, Melaine et
Aubin, qui figurent déjà sur les plus anciens exemplaires du Mal tyrologe
dit Hiéronymien .

locales en l'honneur des Saints. Puis quand un de ces corps
à la localité qu'on pouvait regarder comme sa
saints arrivait
dernière étape, le seigneur du lieu et les notables accouraient

à sa rencontre. On l'accueillait avec des élans d'enthousiasme
de piété, que nous ne connaissons plus, car on voyait en

lui un nouveau patron envoyé par le Ciel. Parfois même le
nouveau venu supplantait l'ancien patron et prenait sa place .

On comprend maintenant comment l'exode de nos Saints
bien
bretons leur a procuré l'avantage d'une notoriété
autrement étendue qu'elle ne l'était auparavant, comment
à cela leur culte s'est tellerrient élargi qu'il a atteint et
grâce
même les limites de la France. On comprend aussi
dépassé
la Bretagne elle-même a bénéficié d'un tel état de
comment

choses, et en a conquis un renom de vertu et de sainteté, dont
elle ne jouissait pas précédemment au même degré.
C'est que de fait par suite de ce transfert de nos Saints la
plupart des provinces de France sont devenues nos tributaires
et nous doivent un ou plusieurs de leurs patrons et de leurs
les plus vénérés. Ainsi pour commencer mon énuméra­
Saints
tion plus ou moins complète par la capitale, Paris a reçu de
notre province Sain t Thurial, Saint Magloire et les autres nom-
més plus haut. De plus dans la banlieue de ParI's, Saint Mandé
doit son nom à notre Saint Maudet, Bagneux a pour patron
'Sajnt Hermeland, Corbeil, Saint Guénail ou Guénau, l'abbaye
de Saint-Denys de Paris comptait Sainte Osmanne parmi ses
Saintes les plus vénérées. A Meaux, en Brie, on possédait des
reliques de Saint Méloir ou Mélard, et elles y étaient l'objet
d'une grande vénération avant
Dans le Beauvoisis, Beaumont-sur-Oise possédait autrefois
un prieuré qui était sous le patronage de Saint Lunaire, l'un
des Saints dont j'ai parlé. La Picardie rendait un culte
spécial à plusieurs Saints bretons, en particulier à Saint
qu'on y appelle Valloy. En Champagne, Saint ·
Guennolé,
Malo est l'un des patrons de Bar-sur-Aube. Pithiviers, en

. - sas -
Beauce, a pour premier patron notre roi Saint Salomon.
Orléans, chef-lieu de l'Orléanais, honorait avant 1789 Saint
Samson, de Dol, comme un de ses patrons, Tours en faisait
de même à l'égard de Saint Corentin, Angers à l'égard de
Saiot Brieuc, Saint-Jouin-de-Marnes, en Poitou, à l'égard de
Saint Judicaël et surtout de Saint Martin de Vertou Dans
le Maine, Château-du-Loir vénère toujours comme son patron
Saint Guennolé, de Landévennec, qui y est appelé de son
vrai nom ancieri Guingalois (Winwaloeus). Laval, dans la
même province, continue aussi à entourer de ses hommages
religieux Saint Tugal, notre Saint Tugdual, de Tréguier,
bien que son culte ait perdu quelque chose de son ancien
éclat. Le Berry, de son côté, accueillit avec grande faveur, au
Xe siècle, les corps de Saint Patern de Vannes, et de Saint
Gildas, de Rhuys. Il n'a pas cessé depuis lors de demeurer
fidèle à leur mémoire. Tels sont les principaux patronages
bretons qu'on peut signaler en France; mais on pourrait en
découvrir plusieurs autres s'il s'agissait d'en dresser une
. énumératiop absolument complète: tels ceux de Saint Méen,
à Oullins, dans le Lyonnais, à Nail,l,oux, près Toulouse: ceux
de Saint Maudet dans le Poitou, la Saintonge, le Périgord.
J'en ai d'ailleurs assez dit pour établir que grâce à l'exode
des Saints bretons, sur lequel j'I;l.ppelle en ce moment l'atten­
tion, la Bretagne peut revendiquer l'honneur d'avoir donné
des patrons à toute la France considérée dans son ensemble.
Il y a plus encore, grâce à ce même exode le nom et le culte
de ces Saints ont dépassé de beaucoup les limites de la France,
ils ont conquis une popularité plus ou moins étendue en
Belgique avec Saint Malo (1), en Italie avec Saint Mag]oire (2),
en Angleterre, non seulement avec Saint Samson et les autres
qui appartenaient à ]a Cambrie par leur naissance et leurs
(1) Bruges honore Saint-Malo et en possède la crosse. A l'abbaye de
Gcmblours .on vénérait avant 1789 la tête du même Saint.
(2) Acta sanctorum, t. x octobris, p.780 et 781.

premières années, mais aussi, avec Saint' Corentin, Saint
Maudet, Saint Brieuc et péut-être quelques autres, qui de leur
vivant n'avaient eu aucun rapport avec les Bretons d'au delà
de la Manche t'lI. Ici d'autre part il y eut réciprocité à certains
égards, car si les Bretons armoricains qui allèrent chercher
un refuge dans le pays de Galles ou dans le Cornwal réussirent
à y implanter le culte de leurs propres Saints, en retour ceux
qui rentrèrent sur le sol na:tal vingt ou trente années plus
tard, se firent sans doute par reconnaissance, un devoir
. d'établir chez eux le culte des Saints anglais qui avaient été

leurs protecteurs particuliers pendant l'exil. Ainsi s'explique.

à mon jugement pourquoi Saint Melee ou Mellit et Saint
Jean de Brevelay sont honorés dans le pays de Vannes (2),
pourquoi Saint Augustin de Cantorbéry et le vénérable Bède
avaient un jour de fête annuelle au XVIe siècle et antérieure­
ment dans tout le diocèse de Quimper (3).

EPILOGUE.
Me voici arrivé au terme de cette étude sur les invasions

normandes en Bretagne et sur la translation des Saints bre-
tons aux IXe et xe siècles. Ce double sujet m'a tenté parce qu'il
fait -corps avec l'hagiographie bretonne dont je m'occupe
depuis trente ans bientôt. Mais il n'était pas, on l'a vu, sans

difficultés et les obscurités n'y faisaient pas défaut. J'ai essayé,
pour ma part, d'y répandre quelque lumière. Je me suis appli-
qué à montrer en particulier que pour avoir la clef des évène­
ments et de leurs mystères il était indispensable de distinguer
(1 ) Sur le culte de nos Saints bretons au delà de l'Océan, voir l'ouvrage
(en préparation) de M. Baring-Gould, dont j'ai parlé dans une note précé- -
dente.
(2) Les deux localités de Plumélec (Morbihan) et de Saint-Jean-Brevelay
(ibidem) portent les noms des deux Sarnts et sont sous leur patronage.
- (3) Voir un Sanctorale Corisopitense rarissime, imprimé v. 1500, et con-
servé à Bruxelles dans le musée Bollandien. -

deux dates principales dans les invasions normandes, dont
notre province eut tant à souffrir. En conséquence, je suis
1 sur l'invasion des années 87:1-
entré dans quelques détails:
878 qui amena le transfert, non en dehors de Bretagne mais à
Léhon, d'un certain nombre de nos corps saints; 2° sur l'in­
des années 913-920 pendant laquelle les Normands
vasion
nous firent une véritable guerre d'extermination, ce qui en­
traîna une émigration en masse et le transfert hors de Bre­
tagne d'un grand nombre de nos corps saints. Tel a été l'ob­
jectif du présent travail. Toutefois il eut été humiliant et
. pénible de ne présenter les évènements que sous leur aspect
. triste et affligeant. C'est pourquoi je viens, avant de finir, de .
ce que fut la reconquête de la Bretagne sur les ·Nor­raconter
mands et comment l'exode de nos Saints, si doulol)reux sous
certain rapport, n'en a pas moins tourné en définitive d'une
efficace à l'extension du culte de ces mêmes
manière très

Saints et à la gloire de la Bretagne.
Dom BÈDE PLAINE, O. S. B.