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Bulletin SAF 1899


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Note sur la fouille d'une Sépulture de l'époque préhistorique à Kervastal en Plonéis

R. Le Bourdellès

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XVI.

EIS .

Des travaux de défrichement entrepris depuis le commen-
cement de l'année, dans la partie du bois de Kervastal, en
Plonéis, appartenant à M. Joseph Alavoine, père, qui avoi-
sine les limites mêmes de la commune de Penhars', révélèrent
les contours d'un vaste tumulus, formant environ 60 mètres
de cir.conférence et à peu près dissimulé jusque là sous la taille . .
Le tumulus était situé à l'extrémité sud du' bois, et à sa
lisière; sa pente aboutissait au talus qui sépare le bois de
Kervastal des terres de la ferme de Kervastal-al-Laé, appar­
tenant à M. de Saint-Georges.
Il s'élevait en pente douce jusqu'à une hauteur de 4 m. 50

à 5 mètres au-dessus du niveau des terres environnantes.
Une tranchée circulaire fut creusée tout autour de la butte .
à une profondeur de 3 mètres.
Elle fit apparaître u~ cercle de grandes dalles plates,
fichées en terr.e, se rejoignant exactement et formant une
enceinte parfaitement rond~ de 30 mètres de tour environ .
Derrière cès dalles existait un amoncellement considérable
de gros ,blocs de pierres, entassés les uns sur les autres et
g'élevant en coupole pour arriver à recouvrir, peu à peu, le
monument que nous allions mettre au jour Afin de prévenir
mieuxtmcore l'infiltration des terres de recouvrement, il y avait
derrière cette double muraille un blocage de pierres de petite
protéger le centre du tumulus .
dimension qui achevaient de

En même temps que nous faisions reconnaître la base de
cette enceinte et sa structure générale, nous écrêtions le
sommet du tumulus, et, après une somme de travail, repré­
sentant l'ouvrage d'une quinzaine d'hommes, employés pen­
dant trois jours, nous parvenions, le 29 mars, vers 5 heures du .
soir,à mettre àdécouvert une immense dalle de pierre, taillée
en dos d'âne, posée à plat 'et qui recouvrait manifestement la
sépulture, sur laquelle le tumulus avait été édifié.
Cette pierre mesurait 2 m. 25 de longueur', sur 1 m. 70 de
largeur. Son poids peut être évalué à cinq mille kilogrammes.
Son épaisseur était de 0 m. 35 sur les bords et de 0 m. 45 dans
la partie médiane marquée par la ligne en dos d'âne, qui la
divisait.
En débarrassant les abords de cette immense couverture, .
nous reconnùmes qu'elle s'appuyait sur quatre assises de
pierres plates, posées les unes sur les autres, et qu'il existait
un espace de 0 m. 30 entre le revers de ce monolithe et une
seconde dalle que nous commencions à distinguor nettement .

Après avoir, à l'aide de leviers, retourné, à grand peine,
cette magnifique table dolménique, nous nous trouvâmes en
présence d'une belle sépulture, orièntéede l'E, àl'O. Ses lignes
révélées par de larges dalles de pierre, parfaitement taillées
. et exactement assemblées entre elles, d'une épaisseur de

o m. 20, affleuraient le sol de la fouille.
Elles formaient un rectangle de 1 m. 60 de longueur
sur 0 m. 65 de largeur.
Entre elles venait s'encastrer, à l'extrémité O. et aussi à
l'extrémité E., au moins dans la disposition primitive du
monument, la dalle de fermeture qui était maintenant à nos
pieds.
Cette seconde dalle avait 1 m. 67 de longueur et 0 m. 95 de
largeur; son épaisseur était de 0 m. 20 c. environ. Pa'r les
côtés elle reposait sur les lignes N. et S. du monument; à
bout 0" elle s'encastrait exactement dans une pierre
son

posée à plat sur l'extrémité de la sépulture, taillée en cintre
et minutieusement rainée, de manière à recevoir, sans aucune
infiltration possible,des terres de recouvrement, la dalle de
couverture ' du tombeau.
L'extrémité E. de ce véritable sépulcre n'était pas eucore .
dégagée.
En admirant ce bel agencement et en nous rappelant le
triple revêtement destiné à assurer le respect de cette
sépulture, nous éprouvâmes une légitime émotion. Nous
pensions ne pas avoir travaillé en vain et nous espérions
apporter une contribution à l'étude si intéressante . des
choses préhistoriques. Nous avions, incontestablement, de­
vant nous un tombeau qui avait ' dû renfermer les restes
d'un puissant chef et nous pouvions supposer qu'il contenait
des ornements propres au défunt et un mobilier funéraire
correspondant à la qualité de celui qui y avait été placé,
. ainsi qu'à l'importance du monument consacré à sa mémoire. 1
Malheureusement, nos illusi,on's ne furent pas de longue
, durée.

Ayant soulevé le couvercle du caveau, nous constatâmes
que le tombeau était absolument vide: .ni ossements ni
armes, ni vases, rien! Et, cependant, le sépulcre, d'une
profondeur de 'O m. 60 à 0 m. 65, d'un plan légèrement ÎtlCliné .
de l'E. à l'O., était parfaitement jointoyé, dallé' au fond -
circonstance rare; ce n'était pas, d'autre part, l'infiltration
de deux ou trois pelletées de terre, vers la partie E., qui
avait pu amener la destruction totale du corps et du mobi-'
lier funéraire qui l'aurait accompagné.
En continuant le déblaiement des abords du tombeau,
nous découvrîmes bientôt la double preuve de I"a violation
que, comme beaucoup d'autres, il avait déjà subie à une
époqlJ.e sans doute fort ancienne.
Le tombeau avait eu deux clôtures, à l'extrémité Est .

La première ~e composait d'une large dalle de pierre,
placée sur champ, comme toutes celles qui constituaient
les autres côtés de la sépulture; cette dalle était à son bord
supérieur, rainée, de même que la pierre posée à l'extrémit.é
O., afin de recevoir, minutieusement aussi de ce côté, la
dalle de couverture de la chambre funéraire .

Après cette première clôture, se trouvait une
seconde
dalle encastrée entre les deux côtés du sépulcre .
Or, au lieu de retrouver la première dalle de fermeture,
appuyée contre les deux extremités des lignes de côté du
tombeau, nous la découvrions, formant arc de cercle, pour
ainsi dire, par rapport au côté N. du tombeau ; on l'avait .
fait comme pivoter, et son bord S .. seul, faisait encore adhé­
rence avec la ligne correspondante du caveau. L'espace laissé
libre par l'écartement que nous venons de signaler était lar-

gement suffisant po~r le passage de l'homme.
D'autre part, la' dalle de fermèture intérieure était brisée
sur un tiers de la paroi, et présentait, elle aussi, une brèche
. suffisante pour livrer entrée dans la chambre sépulcrale.
Nous avions ainsi la preuve évidente de la double effrac­
. tion. qui avait accompagné la violation de cette sépulture .

Notre fouille était infructueuse, au point. de vue de ce que le
tombeau ~ui-même aurait pu nous livrer. Ses abords ne nous
ont pas donné, non plus, des résultats bien intéressants
quant à l'outillage de la race, d'une civilisation déjà avancée,
. certainement, qui avait construit le monument .
Dans les terres de recouvrement., nous avons' trouvé des
fragments de poterie rougeâtre, sans valeur, et de nombreux
débris de charbon, que l'on rencontre dans toutes les sé-
pultures de cette période; à certains endroits ces débris de
charbon étaient adhérents aux fragments de poterie et
témoignaient de l'association primitive des uns et des
autres.

Dans le blocag'e en gros appareil, nous avons découvert
d'intérêt, soit en entier, soit brisés, des augets en
avec plùs
pierre: que l'on s'accorde à considérer, en archéologie pré­
historique, comme ayant servi au concassage du grain.
Etaient-ce, déjà, des instruments hors d'usage: par suite des
prog-rès de la civilisation, à l'époque à laquelle appartient
notrè sépulture? En tous cas, ils étaient jetés là comme des
réformés et mis au rebut .
objets
Au milieu du blocage en pierraille, on a ramassé deux
ou trois percuteurs grossiers, en quartzite, dont l'usure
atteste suffisamment l'usage auquel ils ont servi.
A quelle époque remonte ce monument? Quand a-t"':il été
violé ?
Sur le premier point, nous n'oserions guère émettre une
notre fouille ayant été suivie de la descente des mem- '
opinion,
bres les plus autorisés de la Société archéologique du Finistère.
, Nous n'entamerons aucune thèse, en déclarant seulement qu'à
notre avis, et eu égard à l'art qui avait p~ésidé à la construc­
tion du monument, nous touchons à la dernière époque des
sépultures mégalithiques. . .
Sur le second point, nous émettrions un avis plus ferme.
Le tumulus paraissait bien inviolé ; aucun sillage, aucun
filon d'affaissement ne se remarquaient dans les . terres
de la butte de recouvrement, partout 'compactes et 'serrées ;
n'existait aucun désordre dans les revêtements de pierres
qui défendaient les approches de la. sépulture ; suivant nous,
sa violation a. été commise par un individu appartenant à la
race même de ceux qui avaient construit le monument, ou
par un spoliateur ayant acquis, par la pratique, la connais­
sance de la disposition des sépultures de l'époque qui avait
est allé droit
précédé celle à laquelle il opérait. Le violateur

au but: il a procédé, sans aucun désordre; il s'est orienté
avec certitude, s'est dirigé sans tàtonnements vers l'une
des extré~ités du monument, celle précisément qui, en

raison de sa double fermeture, semble avoir été close en der­
nier lieu. après avoir livré passage au corps, au mornent de
son dépôt dans le tumulus. .
Qu'est devenu le corps lui-même .? Le tombeau était en si
parfait état, qu'il paraît difficile d'admettre que le corps ait
été consumé d'une manière absolue sous l'effet d'une in-
filtration insignifiante de quelques terres, par la brèche faite
dans les clôtures E. de la sépulture, après sa violation. On
peut plutôt supposer que le squelette entier. a été extrait de
son sépulcre, pour être dépouillé des ornements, dont le
corps avait dû être revêtu lors de l'inhumation.
Faut-il émettre encore une hypothèse; celle de la mi­
gration de la tribu qui avait placé là l'un des siens, et qui
. aurait, plus tard, emporté les restes du défunt inhumé clans
cette riche sépulture. Nous craignons d'en venir ici à des
suppositions trop discutables et nous préférons fournir à
· l'état simplement documentaire le détail de notre fouille .
Les ouvriers employés à " des défrichements dans le
bois de Kervastal avaient rencontré déjà, au cours des

dernières années, plusieurs urnes, leur ayant paru contenir

des cendrés et que la pioche avait brisé"es.
Il existait à droite du chemin qui conduit de la route de
Plogastel-Saint-Germain au mahoir de Kervastal un tumulus
d'une hauteur de deux mètres, démoli en 1898: et qui a fourni
une quantité considérable de pierraille. Au centre se trou­
vait, au milieu d'une sorte de caniveau (sic) en pierres
plates, m'ont dit les journaliers, une urne qu'ils bri- .
sèrent par inadvertance et dont guelques fragme nts
sont ' \:ln notre possession; elle contenait, prétendent-ils,
des cendres.
J'ajouterai que ce versant des terres de Kervastal fait face

à la montagne de Kergaradec, en Penhars, bien connue des
Archéologues de Quimper. A son sommet se trouvent,
ainsi que sur une butte qui l'avoisine, des vestiges d'ou-

vrages de défense, dont l'identification, comme époque
de construction. est toujours bien incertaine; ' il Y a été
des éclats de silex, des fragments de haches et
trouvé
des meules à bras. (V. Bulletin dela Société d'Archéologie
du Finistère, 1876). .

R. LE BOURDELLÈS,

Procnrenr de la Répnbliqu~
à Saint-Brieuc .

N.-B. Un complément de fouille a été fait autour de cette
de Kervastal le 24 avril, en présence de M. Joseph Ala­
sépulture
voine, propriétaire, MM. les chanoines Peyron' et Abgrall et M.
Bourde de la Rogerie, archivis le du département. On a. dégagé les
montants des deux extrémités et du côté N.-E.pour r~chercher si
on n'avait pas déposé extérieurement un mobilier funéraire, vases,
de pierre ou de bronze. Cettb exploration n'a fourni aucun
armes
mais a pu faire constater encore mieux le soin avec
objet mobilier,
le monument avait été construit et les rainures d'encastre­
lequel
au moyen desquelles toutes les dalles des parois étaient assem­
ment
blées jointives pour empêcher toute infiltration.

J. M. ABGRALL.