Responsive image
 

Bulletin SAF 1899


Télécharger le bulletin 1899

Haches en pierre polie type de la Gouadeloupe recueillies dans le Finistère

P. du Chatellier

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


- , ' HACHES EN PIERRE POLIE
TYPE DE LA GOUADELOUPE
RECU
IL.L.IES OANS L.E
FINISTERE
Dans la partie du département du Finistère que j'habite,
depuis que je m'occupe d'archéologie, rai recueilli plus de
900 haches en pierre polie de toutes roches et aussi de formes
variées. Parmi elles il en est quelques-unes, d'un type exo­
tique particulier, ,sur lesquelles je désir.e attirer l'attention
des membres de 'la Société, '
Lorsque j'eus le plaisir de recevoir, l'été dernier, à la suite
de la dernière session du Congrès pour l'avancement des
sciences, trois de mes collègues de la Société d'Anthropologie
de Paris, M. le docteur Capitan. président de cette société,et
MM. Salmon et d'Ault du Mesnil, président et vice-président
de la Commission des monuments mégalithiques, ils m'en-
gagèl'ent vivement à publier ces haches d'un type si intéres­
sant. C'est l'engagement que je pris alors que je viens tenir
aujourd'hui, '
à cette note deux photographies.
Je joins
Sur la plan'che 1 sont reproduits deux spécimens recueillis
à Tréogat et une hache de la Guadeloupe, provenant de la
collection de M. le docteur Corre, je la donne comme terme
de comparaison. Toutes trois sont exactement ~u même type.
Celle nO 1 a été recueillie par moi-même à la surface d'un
terrain que l'on défrichait. Un cultivateur voisin qui prêtait
son concours à ce travail, à qui je fis voir cette pierre, que
je venais de ramasser devant lui, me dit en avoir une ana­
logue, recueillie ' par lui en cultivant un de ses champs.
Quelques jours après il me la porta, c'est celle représentée

n° 3 pl. I.

Je possède huit autres haches, plus ou moins mutilées do
glque
ce type. r J'une d'elles est de grandes dimensions et pèse, 4 kilos
quelq
500 gl'ammes. Je l'ai recueillie à la surface du sol dans une

parcelle que l'on défl'ichait entl'e les bourgs de Plouhinec et
Kjokl

de Pont-Croix, située sur le bord ouest de la route reliant ce's
sIgna
deux localités. J'en avais une neuvième que j'ai offerte à M.
et jus
le docteur Capitan, lorsqu'il vint me voir. Ces dernières pro­
viennent des communes de Tréguennec, Plouhinec, Plozévet
et Peumerit.
Nord
Quel était le but de la larg'e rainure qui entoure le sommet
M. le
opposé au tranchant? Il est à peine besoin' de le dire, elle
diori
était évidemment destinée à fixer solidement à un manche, fait
dern
, d'nn bois fendu à une extrémité, l'arme ainsi préparée, Les
qu el
deux lèvres de la fente introduites dans la rainure de la
les 9
pierre y étaient consolidées par une forte ligature végétale
tère
ou animale (1). Cet emmanchement s'obtenait quelquefois
elles
en choisissant un jeune plant vigoureux; sur pied on le fen­
la m
dait pour y introduire l'extrémité de la hache, après quoi,
est j
livrant le plant à lui-même, on ne le coupait que lorsqu'il
l'ins
avait suffisamment crû, sur le corps étranger qu'on y avait
évid
introduit, pour rendre l'emmanchement solide.

Ce mode d'emmanchement, éminemment simple, l'est évi-
duir
demment beaucoup plus que celui qui consiste à introduire
que
une hache en pierre dans un morceau de bois de cerf évidé
à cet effet et à donner à cette gaîne' un manche en bois. Aussi
je pense que ces haches en pierre polie, à bouton terminal,
SIm
à large rainure, que nous appellerons, si vous voulez, haches
caraïbiformes, sont d'une très haute antiquité.
car
Ayant eu l'occasion de les signaler à ,mon savant ami M .
dat
P. de Lisle du Dréneuc, conservateur du Musée archéolo-
tio
(1) Si la ligature n'était pas jugée suffisante, on la recouvrait d'une
épaisse couche de résine ou de gomme ainsi, que je puis le constater snr

de la Nouvelle Hollande" que je possède. La résine ici employée
une hache
est celle de Nautorrhéa.

sique de Nantes, il ne tarda pas lui aussi à en recueillir
Iuelques-unes dans la Loire-Inférieure.
Du reste, des pièces semblables ont été trouvées dans les

du Japon, et des pièces analogues ont été
Kjokkenmoëdings
Suisse, dans le Midi de la- France, en Suède,
signalées en
et jusque chez les Fuégiens.
Sur la planche If de mes photographi~sj'ai reproduit
(n° 1) une hache en diorite polie trouvée à Maroué (Côtes-du­
Nord) ; une h'ache allongée de la Guadeloupe, appartenant à
M. le docteur Corre, et, enfin (n° 3), une hache à bouton en
diorite polie, recueillie à Crozon (Finistère). Les haches de ce
dernier type, ainsi que chacun le sait, ne se trouvent guère
qu'en Bretagne où, malgré tout, elles sont assez rares ;car sur
les 900 haches en pierre polie que j'ai recueillies dans le Finis-

tère je n'en ai qU(3 dix à bouton, et encore plusieurs d'entre
elles sont elles en partie brisées. La proportion est à peu près
la même que pour les haches caraïbiformes·. La hache nO 1 (pl.lI)
est intéressante par les deux entailles faites sur les côtés de
l'instrument près du sommet opposé au tranchant, ménagées
évidemment pour faciliter et mieux consoljder son emman­
chement par un point d'arrêt, quelque chose destiné à pro-
duire le même résultat que la faible rainure que l'on remar-

que près du sommet de la hache de la Guadeloupe n° 2 pl. II.

D'autre part, la transitiorr de celle-ci à la hache à bouton
n° 3 pl. II, recueillie à 'Crozon, ne semble-~-elle pas toute
toute naturelle.
simple,
Il m'a paru intéressant de rapproche.r de nos haches
caraïbiformes à large .rainure, ces échantillons formant gra­
dation jusqu'à la hache à bouton, qui n'en est que le perfec­
tionnement. Ici le boutoI). n'est plus qu'un ornement pouvant
à peine servir pour l'emmanchement. Notre hache à bouton
aurait donc, elle aussi, son analogue parmi les haches de la
Guadeloupe .
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE.-ToME XXVI (Mémoires)

Du reste, ce ne sont pas là les seuls points d'analogie de
nos haches en pierre polie avec celles de l'Amérique; car
dans la collection américaine de Copenhague, il y a des
haches en jade vert, authentiquement exhumées du pays des
Caraïbes, exactement semblables par leur forme ovoïde
. allongée et par leur superbe poli à celles qui sortent de nos
dolmens armoricains. D'un bout du monde à l'autre nous
retrouvons donc les mêmes types. .
N .-B. Le 24 juin dernier, M. le docteur Capitan, président de
la Société d'Anthropologie de Paris, à qui nous avions envoyé en
communication cinq exemplaires de nos haches caraïbiformes,
le Finistère, nous écrivait ce qui suit: ( Notre 'col­
trouvées dans
lègue d'Ault Dnmesnil a nettement reconnu que la roche de vos
haches caraïbiformes est une roche bretonne. La question est donc
de discussion et pleine d'intérêt. A la prochaine séance (6 juil­
. hors
let) de la Société d'Anthropologie nous présenterons votre mémoire
à ce sujet avec les pièces et nos observations )).
. P. DU CHATELLIER