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Bulletin SAF 1899


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Une découverte archéologique. En 1384

J. Trévédy

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UNE DÉCOUVERTE ARCHÉOLOGI UE

. Les A etes de Bretagne publiés par D. Morice sont une
et qu'on peut dire
mine encore incomplètement explorée
inépuisable. Que serait-ce si, au lieu de donner trop souvent
les actes par extraits, l~ savant historien avait pu toujours
les transcrire in extenso, et surtout s'il avait eu complète cer­
taine source d'informations, par exemple les procès-verbaux

de tous les parlements généraux tenus par nos ducs! Mais
m~nqué, notamment le procès-verbal du
beaucoup lui ont
parlement ouvert par le duc Jean IV le dimanche Oculi, troi­
sième dimanche de carême de 1384 (vieux style) date qui
au' 5 mars 1385 (1).
répond
Il se produisit à ce parlement un fait que l'historien n'eût
pas manqué de signaler. .
. (1) Cette année 1384 (vieux style) commença le jour de Pâques, 2 avri,
138j, et finit la veille de Pâques (10 avril 1385). Dans cet intervalle le duc
Jean IV ouvrit deux parlements généraux: t 0 celui du 13 au '23 mai dont
Morice a donné des extraits (II col. 4.59-65). 2,0 celui dont le duc, en clô­
turant le premier, annonça l'ouverture pour le dimanche Oculi prochain, '
troisième dimanche de carême qui correspond au 5 mars 1385 (nouveau
Morice n'a pas retrouvé le procès-verbal de ce second parlement
style.) D
pas plus que de celui de 138') (v. s) Or c'est à ce second parlement de
t 3S4 que fut révélé le fait sur lequel nous voulons appeler l'attention.
Nous verrons en efIet que ce fait se passa en t 381! longtemps avant le par­
lement. Ces mots ne peuvent se rapporter à un fait de l'année 1384 anté­
rieur au premier parlement, puisqu'il s'ouvrit le 13 mai, 41" jour de
l'année 1384. - Les extraits du procès verbal donnés par D .. Morice ne
concernent guère que des afIaires litigieuses: il n'aurait pas omis le fait
Ce fait n'était donc pas consigné au procès­
dont nous allons parler..
verbal du premier parlement de 1384 (v. s.)

Par bonheur l'absence de ce procè~-verbal a été réparée,
en ce .qui concerne ce fait, par une déposition reçue dans une
enquête ouverte soixante-dix ans plus tard. Un témoin du
parlement de-1385 survivant en 1455, jusqu'à quatre·vingt-
sept ans, a pu rendre compte de ce qu'il avait vu et entendu
quand il avait seize ans.

Les droits ducaux de Bretagne résultaient, à ce qu'il
semble, plus des usages que de monuments écrits C'est

enquêtes s·ur
pourquoi nous voyons les ducs prescrire des
leurs droits. .
En 1392 (n. s.) c'est le duc Jean IV qui charge Brochereul,
sénéchal de Rennes, d.'enquérir « sur l'ancien gouvernement
des ducs et sur le fait des monnaies » (1).
Soixante ans après, c'est le petit fils de Jean IV, Pierre H,
qui fait recommencer une enquête plus générale « sur les
Bretagne ».
droits royaux et les anciens usages du pays de
Le choix des commissaires prouve l'importance que
Pierre II entendait donner à l'enquête .
L'un d'eux nommé le premier est Mathelin ou Mathurin
Saint-Melaine depuis 1448. A peine
Le Lionnais, abbé de
installé il s'est vu disputer le pas par les ëhanoines de

et l'abbesse de Saint-Georges. Il part résolument
Rennes
porter l'affaire à Rome. L'évêque de Rennes apaise les

réclamations du chapitre: l'abbesse persiste; mais le pape ,
• Nicolas V, en novembre 1453, maintient les prérogatives de
Saint-Melaine. L'abbé revenait de Rome vainqueur, lorsque
Pierre II le choisit comme enquêteur (2). ' .
(1) Morice. Pro II. 595-597. 'sur Brochereul voir dans Morice. Pr, II.
450-4·5ü, son ambassade en Angleterre pour redemander le comté de
Richemont Le long procès-verbal qu'il a fait dresser le montre un homme
habile et ayant son franc-parler vis à vis du roi d'Angleterre
(2) D. Moriee. Hist, II, p XXXIX Gallia XIV. Moine de Saint-Jacut,
appelé à Saint-Melaine 1 i octobre 1448. « Roberlus episcopus diluiL
jurgium 3 novembre 1449 'J, L'abbé Le Lionnais démissionna en t4·H en .
de son neveu Jean' Le Lionnais.
faveur
La lettre de Nicolas V est de novembre 1·'153.

L'autre enquêteur est Jean Loysel, président du parlement
président de Bretagne, juge universel de · Bretagne Telle '
est la dignité du président de Bretagne qu'à l'ouverture
solennelle des Etats il occupe la troisième place après le duc.
aux pieds du duc pour recevoir et transmettre ses
Il siége
ordres, au même rang que le grand écuyer héréditaire qui
« tient l'épée ducale en son fourreau», et le sire de Guéméné
portant '« sur un riche carreau le cercle royal du duc ».
Assis entre eux le president de Bretagne siége avant eux
et avant le grand maître d'hôtel et l'amiral (1) ; il est revêtu de
0: rhabit royal Il, c'est-à-dire de la robe de pcmrpre. (2)
Les commissaires s'adjoignirent deux notaires pour donner
aux dépositions, et commencèrent l'enquête au
l'authenticité

mois d'octobre 1455 (3).
Le premier témoin qu'ils entendirent et le plus important
fut jehan du Breil, ér,uyer, seigneur de la Plesse, paroisse
de ·Gévezé, évêché de Hennes, qui déclare être àgé de quatre­
vingt-sept ans ou environ. Le vénérable témoin semble fort
au fait des questions de droit public; non qu'ils les ait étu-
diées dans les livres, mais, comme il dit, 0: par ce qu'il a vu et
entendu dire ») au cours de sa longue vie. Du reste . sa mé­
est fidèle et pourrait faire envie à de bien plus jeunes,
moire
Elle lui rend présent notamment un fait qui donna lieu à un
IV au parlement général de 1385.
acte solennel du duc Jean
Avec quel complaisant intérêt l'abbé de Saint-Melaine dut
écouter le témoin signê.ler comme nous allons voir la sagesse
l'abbé Jean Le
. et le savoir-faire d'un de ses prédécesseurs,
Bart élu en 1352, il Y avait plus d'un siècle!

(1) Etats de 14j1. Morice. Pr. II, 1505
(2) États de 14(j~. Morice, P1'. III, 4. Ces États se tinrent dans la haute
des halles de Vannes « bien et richement parée comme au cas ap­
salle
partenait » (col. 2) Cette salle est devenue la salle de spectacle actuelle
(3) Morice. P1' , Il. 1651-1668.

Jean Le Bart était de noble et ancienne famille de l'évêché
et du proche voisinage de Rennes (1) . . La famille Le Bart
avait suivi le parti de Jeanne de Penthièvre. L'enquête de
canonisation de '1371 montre Guillaume Le Bart, chevalier,
B;uprès de Charles de Blois (2). Lorsque le malheureux
prince vaincu à La Roche-Derrien fut captif en Angleterre, '
Jean Le Bart lui resta fidèle. Il était aux Etats convoqués
par Jeanne de Penthièvre à Dinan (novembre 1,352), et il
contribua d'une grosse somme à la rançon de Charles de
paix de Guérande, 'les Le Bart devinrent
Blois. Après la
IV, et furent en faveur. Macé ou
fidèles sujets de Jean
Màthieu, oncle de l'abbé de Saint-Melaine, devint abbé de .

Saint-Sauveur de Redon (1370), et reçut de Jean IV (en
1376) (3) la dignité de chancelier. de Bretagne, qu'il garda
jusqu'à sa mort, ElU 1380 (4). Le chancelier était, comme il
(1) Sur Jean Le Bart; Morice IJist. Il. Catalogue des évêques et abbés.
p. LXXXVlU. Gallia Christiana . . XIV, col. 778, le nomme Lepm", et dit
que de l'abbaye de Saint-Gildas de Rhuys (col. 961) il · fut transféré à
Saint Melaine par Innocent VI le XIV des calendes d'août 1357 Morice.
Catalogue. Hist. II. p. XCIII ne le nomme pas parmi les abbés de Saint­
Gildas; mais sa liste présente certainement des lacunes au XIV" siècle. La
date de l'élection en 1352 sem-ble certaine Le prédécesseur de Le Bart,
Nicolas de Bréal ou Tréal était mort le 2 juillet 135'2; l'abbé de Saint-
Melaine est aux Etats de Dinan, leW novembre 13Yt (Moriee. 1'1".1,1486) .
Cet abbé ne peut être que Jean Le Bart. Elu en 1352. il n'aura obtenu
ses bulles qu'en 1357.
(2) Enquête. Moriee. Pl'. II 14. C'est en 13.)7, après le retour d'Angleterre
1350), Guillaume étaU présent quand Charles, sur la rqute dc Dinan
(août
à Lehon, aumrJna, prêcha et convertit une pécheresse publique Le nom
de la famille est Le Bart ou Le Bard et non Lepar L'enquête écrit en
latin: G Le Bardi, miles.
(3) Cette année même, l'abbé de Saint-Melain,' fut témoin du serment
prêté par Jean IV au traité avec le Roi - « Frère Jehan, abbé de Saint­
Melaine .', etc (~1orice, Pr. II. 302.)
Pourquoi Morice dit-il Jean Le Barl " fils ou neveu de Mathieu» Jean
dans sa déposition pal'la de son oncle le chanceliel'.
(4) Celte date est donnée approximativement par Jean Le BarL déposant
dans l'enquête de mars "1391 (v. s.). - M. de Courcy l'a connue, puisqu'il

convenait, très au courant des droits et prérogatives des
ducs. Lorsque Jean Le Bart fut entendu dans l'enquête de

1392, dont nous avons parlé, en même temps qu'il rappelle
à Jean III, il invoque
ses souvenirs personnels remontant
aussi sur plusieurs points les enseignements qu'il a reçus ,
de son oncle le chancelier.
Camille Le Bart était possessionnée à Pàcé. Ce proche
voisinage de Gévezé permet de supposer des relations de
parenté, d'alliance ou d'amitié entre les familles Le Bart et
du Breil (1). Ainsi s'explique que le jeune du Breil rendait
visite à l'abbé de Saint-Melaine et était accueilli comme
hôte dans l'abbaye.
Bart tenait la crosse depuis trente-deux ans; huit
Jean Le
ans plus tard, au commencement de 1392, il allait la trouver
tr.op lourde et la déposer, quand il avait quatre-vingts ans.
Plus que septuagénaire en 1384, il ne renonçait pas au
de son
,plaisir de la chasse au renard dans le vaste enclos
abbaye; et, un jour, il y convia Jean du Breil.
Cette partie de chasse fut l'occasion d'une découverte
IV un argument
archéologique qui allait fournir, au duc Jean
en faveur de ses droits souverains ... Les découvertes archéo-
logiques de nos jours n'ont pas cette importance politique .

Donnons il en est temps la parole à Jean du Breil. -
Sa déposition, qui tient plus de trois colonnes de l'in-folio,
finit ainsi
place Macé Le Bart après Voyer et Paris, chanceliers en 1391. La date de
1370 donnée à Le Bart est une erreur typographique et doit être rempla­
cée par 1376 (De Courcy . Nobiliaire. III p. 318'. M. Coullon de Ker­
dellec'h (Chevalerie bl°e tonne , 1 p. 376), dit que Le Bart succéda à Sil­
vestre de la Feillée, chan'celier en 1'286. Non, il' fut son prédécesseur et il
est mort en 1380 ,
(1) Les deux bourgs de Pacé (canton N. O. de Rennes, route de Rennes à
Brest), et Gévezé (canton N. E. route de Rennes à Dinan) sont distants à
peine de dix à douze kilomètres.
(2) Col. 1651-t 655,

(/. Item a toujours ouï dire et tenir notoirement que lesdits
princes ont la jouissance des trhésors trouvés'en terre en son
dit pays, et dit que, en l'an 1384, et bien avant le parlement
général que en cel~i an se tint à Rennes et dont il a devant
parlé (1), il fut en la compagnie de l'abbé de Saint-Melaine qui
lors estoit à chasser aux regnards au manoir dudit abbé, et,
comme le bois à l'abbé est près de la cité de Rennes, il dit
qu'ils trouvèrent un regnard lequel aprés qu'il eut été un
peu chassé se mist en terre. Et incontinent ce témoin et
autres qui là estoyent commencèrent à le bêcher, et en le
bêchant trouvèrent un petit pot de terre qu'ils tirèrent dehors.
Et, comme il fust dehors, l'un de la compagnie frappa
dessus ô (avec) ung baston et le cassaj et d'icelui saillit petite
mon noie qui estoit très-ancienne, et oncques à leurs mé­
moire et connoissance n'avoit eu cours. Et dit que ceux qui

là estoient en coup pelle nt (sic}(2) et prindrent ce qu'ils peurent .
Et après que ce fut venu à la notice dudit abbé, qui bien près

de là estoit, il recueillit le plus qu'il peut recouvrer de ladite
monnoie; dit qu'elle appartenoit au duc puisqu'elle avoit été
trouvée en terre et dit que lui rendroit et présenteroit audit
parlement. :t .
Qu'il nous soit permis d'interrompre un moment le témoin .
En écoutant son récit de la découverte du trésor, n'aurez-
vous pas dit: (/. Mais, depuis cinq cents ans les inventeurs
de trésors sont restés les mêmes! J) Qu'aujourd'hui, un vase
soit trouvé en terre, vite comme en 1384, un coup de pioche
qui le brise! et quand le vase brisé a rendu les monnaies
qui lui furent confiées, les inventeurs s'en emparent ... sans
souci de vos malédictions .
Les inventeurs de .trésors en 1384 étaient bien plus cou-
pables : ils commettaient un vol bien caractérisé au préju-
(1) Il a dit plus haut: le Dàs l'an 1384, il fut présent en la ville de
Rennes à un parlementgénéi'al que faisait tenir le duc Jean IV», col. 16ji.
(2) ... peut être colligèrent au sens ancien de rassembler, réuni1· .

dice de Monseigneur le duc de Bretagne. Mais ne soyons
pas trop sévères pour eux. Sans doute ils ignoraient la
Coutume, quand ils remplissaient leurs le pochettes; » et je
jurerais pas que Jean du Breil n'ait été complice incons-

cient de ce larcin. Il a tenu des pièces dans sa main puisqu'il
« qu'elles étaient très anciennes et de mémoire
a reconnu
4'homme n'avaient eu cours. » C'est dire qu'il voyait en ces
C'est à ce titre, non en une
pièces un objet de curiosité.
pensée de lucre, comme les autres, qu'il ,en aura pris sa part.
Mais l'abbé de Saint-Melaine connaît la Coutume. Sera-t-
il dit quE!, lui présent, un vol a été commis sur le domaine de
l'abbaye au préjudice du duc? Il accourt: « Que faites-vous?
Cet or et cet argent sont à Monsieur! » et, d'autorité il fait
rendre les pièces d'or et d'argent ... non pas toutes pourtant ...
restent mussées au fond des pochettes.
et quelques pièces
« Ce qu'il en a pu recouvrer », l'abbé le portera au duc en
prochain parlement général. '
son
Pourquoi cette restitution solennelle ? Le plus simple
pas de verser la somme aux mains du trésorier du
n'était-il
duc qui en donnera bonne et valable quittance? Et n'était-ce
pas suffisant? L'abbé ne l'a pas cru. Il a prévu la consé­
tirer de la découverte: et l'usage qu'il
quence que le duc peut
fera de l'or et de l'argent trouvé; ,il sait bien que pas une de
démonétisées n'entrera dans le trésor; le duc en
ces pièces
saura faire un autre et meilleur emploi.
Lequel? C'est ce que va nous dire Jean du .Breil. Il sem­
ble que le jeune curieux ait voulu voir l'abbé Jean Le Bart
faisant au duc la restitution du trésor . Il est présent à la
Etats; écoutons-le rendant compte de ce qu'il a
séance des

« Et de fai t fust ce témoin présent quand ledit abbé notifia
au duc en son parlement que cell~ monnoie avoit été ainsi
trouvée et que de son droit elle lui appartenoit et la rendit

et bailla ledit abbé. Et incontinent (le duc) la fit jetter et es­
pandre en l'auditoire où tenoÎt ledit parlement et les gens
qui y estoient en prindrent ce que en peurent avoir. Et ce fut
fait affin que ceux qui là estoient eussent mémoire que les .
thrésors et monnoie trouvés en terre appartenoient au duc.»)

Nul doute que le duc n'ait reçu ces pièces d'or et d'argent
en grande joie.
de~ trésors
Mais dira-t-on: en quoi la revendication
rares alors comme aujourd'hui, intéresse-t-elle le duc de

Bretagne? Que lui importent quelques pièces d'or? -
Le duc assurément ne tient pas à ce mince profit. Mais il
tient (et il a grande raison) à être reconnu maître des trésors
découverts. Et pourquoi.? Parce que de son domaine incon­
sur les trésors il tire une preuve de sa souveraineté.
testé
Saint Louis a proclamé en principe, il y a plus de cent ans:
« Nul n'a l'or trouvé en terre s'il n'est roi. )) Le duc se
réfère à ce principe: s'il a l'or trouvé en terre bretonne c'est
donc qu'il en est souverain !
. Voilà pour le duc et la Bretagne l'intérêt de cette 're-
connaissance du droit du duc aux trésors trouvés en terre.
C'est pourquoi il importait d'établir la preuve authentique
de la remise que vient de faire l'abbé de Saint-Melaine;
assez: il fallait encore publier le fait,
mais ce n'était pas
en propager et perpétu.er le souvenir. Comment atteindre
ce triple but? . . .
Il faut, cela va sans dire, mentionner le fait au procès-verbal
Voilà l'authenticité assurée; mais le procès­
de la séance.
verbal restera ignoré plus encore que la Coutume : rien
n'est donc fait pour la publicité. Le duc va pourvoir à la
publicité du fait, et assurer la diffusion et la perpétuité de
aussi simple qu'efficace.
son souvenir. Il emploie un moyen -

Il fait largesse aux habitants des pièces d'or et d'argent '
qu'il vient de recevoir. Il manifeste ainsi son droit de libre
c'est-à-dire de propriété des trésors trouvés en
disposition,
f;lit le diront à d'autres; et le fait
terre. Les témoins du
ainsi divulgué restera dans le souvenir.

La Bretagne était à cette époque régie par la T. A. Cou­
1330-1340. Or son chapitre (nous disons
tume rédigée vers
jour d'hui article) son chapitre 153 porte: II. Les trouvailles
et d'argent sont au prince, s'ils n'ont suite (si personne
d'or
pour ,ce que (pourvQ. '
ne s'en prétend et prouve propriétaire)
que) terre soit effondrée. », ' ,
Cette disposition a été quelque peu rajeunie dans les
termes par l'article 53 de l'Ancienne Coutume (1539) re-
produit dans l'article 46 de la Nouvelle (1580) : « Trésor
d'or ou d'argent trouvé en terre par bêchement ou ouver­
ture est au prince, .s'il n'y a poursuite. "

Cette règle écrite en Bretagne n'était pas une invention
nouvelle.

Une règle analogue est posée dans les Etablissements de
Saint-Louis, publiés en 1273. (L. 7, chap. 90.)
« Nul n'a fortune d'or s'il,n'est roi; et les fortun~s d'argent
sont aux barons et à ceux qui ont grand'justice.,. » For­
tune il est quand elle est trouvée dedans terre et que terre

est effondrée» (1).
Au contraire, suivant le droit romain, le trésor était au
propriétaire de l'héritage. ,
Nombre de coutumes avaient associ~, combiné, ces dispo­
sitions diverses. Elles partageaient le trésor entre le pro­
priétaire du fonds et le seigneur haut justicier; . et, pour le .
cas où le trésor était trouvé par un autre que le proprié-
taire (par exemple par un ouvrier), quelques coutumes le

(1) Duparc-Poullain. Coutumes. (Art. 46, LI. p. 150 et suiv.

partageaient par tiers entre le haut justicier, le maître du
fonds et l'inventeur.
Ces coutumes considéraient qu'une part était légitimement
due à l'inventeur, puisque sans son fait le trésor n'eût pas
été découvert.

Notre code civil a consacré cette règle d'équité (art. 716) ;
mais, n'y ayant plus de .hauts justiciers, le trésor se partage
par moitié entre le propriétaire du fonds et,I'inventeur. .
Mais l'attribution, même partielle,du trésor au propriétaire
du fonds n'est pas admise partout. Ainsi l'Angleterre suit

encore une règle analogu~ à. celle de no~re Très Ancienne
Coutume; mais, il est vrai, avec des tempéraments à
l'avantage du propriétaire et .... ~ de l'Archéologie. Dans
l'Angleterre proprement dite et dans le pays de Galles, tout
objet d'or et d'argent dont le propriétaire n'est pas connu
peut-être réclamé par la Couronne, c'est-à-dire par l'Etat.
La Couronne n'est pas tenue à récompenser l'inventeur;
mais, pour prévenir les recèlements, elle lui offre à titre
d'indemnité la valeur marchande de l'or et de l'argent trouvé.
Aucune loi n'oblige la Couronne à se dessaisir des objets
ayant un intérêt archéologique; mais, par une entente
sont offerts au Britisch Museum avec .
amiable tous ces objets
proposition de les acheter, s'il y voit avantage.
On remarquera que cette règle ne s'applique qu'aux
objets d'or et d'argent: elle laisse en dehors les objets de
bronze; de pierre, etc.: quelque puisse être leur intérêt ar-

chéologique. C'est une lacune. En Ecosse, l'attribution à la
Couronne est plus large: elle peut réclamer à peu près tous
les objets découverts (i). . ,

(1) Telle est la règle ou, si l'on veut, la pratique suivie en An;­
gleterre et le pays de Galle~, d'une manière à peu près générale. Daùs .
les duché:; de Lancastre et de Cornouaille les objets sons maîtr'e appArtiennent
au duché. Dans d'autres lieux ils appartiennent au seigneur du domaine
où ils sont trouvés, au chatelain (lord of the maner), comme autrefois
en France, au seigneur haut justicier. Ces renseignements ont été obtenus
sOUCit01' de Londres.
d'un

Il Y,a toute apparence que l'usage d'Angleterre est anCIen.
serait-il pas contemporain de notre T. A.
pourquQi ne
Coutume? Ainsi s'expl iquerait que l'or et l'argent seu­
lement soient attribués à la Couronne. Au XIVe siècle et
longtemps après, qui donc se préoccupait des intérêts
archéologiques?
Pour les inventeurs de 1384 ces pièces d'argent trouvées
en terre dans le bois de Saint-Melaine, « très anciennes et
n'ayant pas cours ~ ne valaient pas de belles pièces neuves
« de poids», comme on disait en ces temps où l'altération
des monnaies était à la mode. Pour le duc la découverte
avait, comme nous avons vu, un grand intérêt ... mais pas
archéologique. Les assistants qui purent s'emparer de
curiosité?
quelques pièces les gardèrent- ils comme objets de
Ou bien sortant de la séance du parlement ne coururent-ils
porter à l'orfèvre pour les échanger contre · de la
pas les

monnaie ayant cours? De nos jours, au moins en France,
la plupart des inventeurs de trésors ne font pas autrement.­
Or, combien, sans tenir· compte du par.tage ordonné par
le Code civil, gardent pour eux tout ·ce qu'ils ont trouvé!
On le voit, l'usage suivi en Angleterre et surtout en
est bien plus favorable que notre Code aux intérêts
Ecosse
de l'archéologie.
J. TREVEDY.
Ancien président .

BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXVI. (Mémoires). 9