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Est-il vrai
que (( tous les seigneurs étaient nobles (1). ))
Monsieur,
Le Bulletin de l'Enseignement du 5 avril 1886 a imprimé
cette phrase de l'histoire de France de M. Lavisse (ire année,
(1 Tous les seigneurs étaient nobles; tous ceux qui n'étaient
« pas seigneurs étaient des roturiers ». .
Vous avez réfuté en droit cette double proposition énoncée
par M. Lavisse comme un axiôme. Permettez-moi de revenir
en quelques mots sur ce sujet ... ; mais en lait st~ulement.
Qu'est-ce qu'un seigneur? M. Lavisse répond: « Un homme
qui possédait des châteaux et des terres. )) (1 année, p. 19).
Eh 1 non, on était seigneur sans château (même au 'singu
(au pluriel!)
lier) et sans terres •
(1) En 1885 et 1886, les écoles primairÇls accueillaient, sans examen,
l' Histoù'e de France de 1\1. Lavisse, aujourd'hui de l'Académie française.
Cene histoire donnait lieu à de nombreHses critiques.
Dans une série d'articles mensuels le Bulletin de l'Enseignement édité à
Quimper publia une étude qui démontrait des douzaines d'erreurs. Ce
travail consciencieux et savant écrit d'un style alerte appela l'attention.
L'auteur .trop modeste garda l'anonyme; mais je puis "an jour d'hui le
nommer puisque j'ai pleuré sa mort : c'était mon collègue et ami Bonnieu
de la Rivaudière, ancien juge d'instruction à Quimper, frappé avec moi,
en 1883, d'une i'etraite prématurée. ' .
C'est à cette occasion que j'adressai au Bulletin de l'Enseignement la
lettre suivante dont la Société Archéologique a voulu la reproduction, et
que j'abrège en la rorrigean t. .
Qu'est-ce donc qu'un seigneur? C'est « le propriétaire
d'un fief ou terre noble (1) n. Sur ce point aucun doute possible .
C'est donc co~me si M. Lavisse ayait écrit: « Tous les pro-
priétaires de fief~ ou de terres nobles étaient nobles; tous ceux
qui n'étaient pas (c propriétaires de ces fiefs ou terres étaient
des roturiers », c'est-à-dire n'étaient pas nobles. En d'autres
termes, la noblesse tiént à la propriété du fief ou de la terre
noble. L." . .
C'est ce qu'il faut voir. .
Ne sortons pas de notre province. Toutes les familles nobles
de Bretagne n'avaient pas le domaine presque royal des Rohan,
ni même les vastes possessions des sires de Rosmadec ou des
barons de Pont (l'Abbé). Eh bien! supposez (cequiétaitordi-
naire) de nombreux enfants dont le père est seigneur (proprié-
taire) d'une seule et mince seigneurie: les cadets n'auront pas
un pouce de terre noble, ils ne seront pas seigneurs; donc,
d'après M. Lavisse, ils seront roturiers.
Passons!. .. Il est cla.ir que M. Lavisse n'a pas voulu dire ce
qu'il a dit. .... Ne faudrait-il pas ·dans la seconde proposition
substituer le mot noble au mot seigneur? Nous. aurions alors:
« Tous ceux qui n'étaient pas nobles étaient des roturiers. » -
Nous voilà d'accord.
A ceux que scandaliserait cette rectification, je répondrai:
M. Lavisse a pris soin de me fournir lui-même à la page sui-
vante (p. 21) la preuve de la confusion qu'il fait entre les mots
seigneur et noble. Il écrit (§ 88) : « Lorsqu'un jeune seigneur
« prenait les armes pour la première fois, elle (l'Eglise)
« faisait une cérémonie religieuse pour bénir ces armes ... Le
(1) FERRIÈRE, Dict. du D1'Oit, Vo Seigneur.
« Quoique le nom de seigneur convienne à tous ceux qui ~ont proprié
des héritages, puisqu'il ne signifie autre chose que maître, on ne
taires
donne cependant la qualité de seigneur qu'à ceux qui possèdent des fiefs
ou des justices. D J)ENISART, Vo Seigneur, 1 .) •
« jeune seigneur devenait alors chevalier. » Il est clair que
dans ces deux phrases le mot noble est à substituer au mot
seigneur.!l n'était pas nécessaire d'être 171'ophétaire d'une terre
noble pour être armé chevalier; mais il fallait être noble (1) . .
pour M. Lavisse, maître de conférences à l'Ecole
Ainsi,
mais pour lui seul, ces deux mots seigneur et noble
normale,
sont synonymes et peuvent être employés l'un pour l'autre
Bien plus, l'auteur les emploie en la même
indifféremment.
phrase dans l'un et l'autre sens!
Car la substitution que je viens de proposer ne peut pas
être faite au premier membre de phrase: (1 Tous les seigneurs
étaient nobles. » M. Lavisse n'a pas pu vouloir écrire: « Tous
les nobles étaient nobles. )) Ici, il faut de toute nécessité
prendre le mot seigneur dans le sens de: possesseur d"une
terre noble .
Or, vous avez démontré, en droit, que dire: « Tous les
possesseurs de fiefs étaient nobles » est une erreur; il faut
en lait: qu'il y avait des seigneurs roturiers, et
démontrer,
beaucoup. .
Je prendrai mes exemples en Bretagne,en Basse-Cornouaille,
la banlieue de Quimper; je ne m'écarterai pas d'une lieue _
dans
ancienne (cinq kilomètres) des murs de notre vieille cité.
1 Personne à Quimper qui ne connaisse le manoir du PaTe,
au-delà de l'abattoir (2) .C'était une toute petite seigneuriè; mais
nobre. Elle a appartenu, pendant plusieurs
très ancienne et
une famille distinguée du pays, les Coettanezre ; puis
siècles, à
elle a passé par mariage aux Bouard, srs de ,la Grée (3), puis
(1) Du moins dans l'origine.
(2) Pour plus détails et pour la suite des possesseurs du Parc, les Salles
et Troheïr, voir ma Promenade à ces trois manoirs (1888) .
(3 J La noblesse des Bouard peu t être dou teuse . .. , . mais je passe
aux Tromelin, srs de Lancelin. Claude de Lancelin, femme de -
Charles de Lesguern, sgr du Clellzmeur, . a vendu le Parc, le
8 ao~t 1661, à noble homme Prigent Gouesnou, bourgeois de
Quimper. Enfin, le 30 janvier 1696, leur fils et héritier, vend
. le Parc à Pierre Després et Antoinette Lecoq, sa femme, mar
chands de draps et soie, ,place Terre-au-Duc.
2 Les terres du Parc sont contiguës à celles du manoir des
Salles; elles ont été longtemps réunies aux mains des Coet
tanezre. Les Salles ont passé par madàge des Coettanezre
aux Bragelonne (vers 1608). Un pe~ 'plus tard, Mlle de
Bragelonne devient femme de Claude Le Jacobin, conseiller
, au parlement; et son fils et unique héritier, François Le
JÇl.cobin, abbé, seigneur de Keramprat, Chef-du-Bois; etc.,
.vend les Salles, le 27 février 1708, aux époux Desprès, qui,
depuis 1696, sont propriétaires du Parc.
Un peu plus loin, est l'ancien manoir de Troheïr. Il a eu
des seigneurs particuliers que nous trouyons, en 1326 et 1349,
sous le nom de Troheïr, en la paroisse de Villa fontis (Ker-
feuuteun). Moins de cent ans après, Troheïr appartient à un~
branche de la vieille maison du Juch (1426). Il passe ensuite
par héritage: 1 aux Le Baud, sg rs de la Vigne (Languidic, .
év. de Vannes, 1592); 2 aux Rosily (1618-1626). Le 31 octobre
1775, François Julien, qualifié marquis de Rosily, chevalier,
seigneur de Merros, vend Troheïr « à noble homme Pierre
Clément Caussy, manufacturier de faïence à Locmaria, et à
D"lle Jeanne Boucher, son épouse )). .
Mais, dira-t-on, c'étaient là de toutes petites seigneuries 1
- Je vous l'accorde (1) ; mais voici d'autres exemples :
4° Un lieu bien connu de la commune de Penhars, c'est
(l) Je dirai même que Troheïr ne paraît pas avoir eu de justice: Sin
gula1"ité, comme di t Hévin. Cons. 77, p. 379. Voir ma Promenade à Troheïr,
les Salles et le Parc. 1888.
l'ancien château de Pratanro'ux, nommé mal à propos, depuis
le Temple des faux Dieux (1) .
plus d'un siècle,
Pratanroux avait la haute justice (2); de plus, le ' seigneur '
en Bretagne. Aux Etats, « il
jouissait d'un privilège unique
portait le grand manteau royal du duc ' quand celui-ci n'en
pas revêtu, et il l'avait à lui à la fin des Etats)) (3). ' ,
était
Pratanroux avait au XIVe siècle des seigneurs particuliers
de son nom. Vers 1350, il passe par mariage aux de Juch.
En 1426, nous le trouvoq,s dans la même main que Troheïr ;
depuis, les deux terres sont réunies, et Mr et Mme Ca ussy les
acquièrent ensemble (1775).
50 Dans la commune actuelle d'Ergué-Armel était le fief nom'-
mé Le Plessix-Ergué ou Le Plessix-Quinquis, dont nous avons
parlé plus haut. Pendant plusieurs siècles, il a appartenU
aux Plœuc du Tymeur. La seigneurie a haute justice, des pati
bulaires à quatre poteaux au lieu de Kervao, sur la route de
Concarneau, et prééminences en plusieurs églises, notamment
(1) Pour plus de détails sur PratanrolJx et Pratanras, v. ma P1'omenade
à Pmtanroux (1887) et ma Promenade à l)1'alanras et Coalfao (1885). Ne
pas confondre, comme on fait souvent, Pratanras, Pratanroux et Pratanros,
trois lieux en la commune de Penhars.
(2) Henri du Juch, capitaine de Quimper, avait même élevé des patibu
laires à trois pott. aux dépendances de Troheïr, avec la tolérance illégitime
de l'évêque (1475) moyennant le paiement de mitaines brodées d'or
demi écu d'or, Voir Promenade à Pratanroux (1887) et
et plus tard d'un
Pr'omenade à Troheïr (t 888).
(::1) Le procès-verbal de l'ouverture- des Etats de Vannes, le 10 juin 1462,
nous montre Henri du Juch, chevalier, remplissant cet office « de COI1-
ces5ion et don hérédital fait à ses prédécesseurs ». (Morice. Pro III. 3.)
- Henri du Juch était bien seigneur de Pratanroux et non du Juch. Le
seigneur du Juch était à ce moment Christophe du Juch, qui venait de
succéder à son père Hervé mort en mai 116'2 (Nécrologes de Saint-FTançois).
Lobineau apprend d'ailleurs que, aux Etats en 1498, la reine Anne,
veuve de Charles VIII, confirma ce privilège au seignem' de Pmtanroux.
(Hist. p. 822.)
J'ai eu le tort (P1·atanroux. p. 15) d'élever un doute sur l'exactitude de
Lobineau. J'attribuais le privilège ci-dessus à la seigneurie du Juch .. Je
saisis l'occasion de me rétracter.
à Saint-Corentin. Le 24 juin 1761, elle est acquise par Joseph
Jacques Gazon ('1 ). Il est conseiller du.Roi, receveur en l'évêché
de Cornouaille des fouages et autres impositions royales; mais
il n'est pas noble et il devra' verser en sa caisse son droit de
!1°a1W- fie t· .
6° Dans la commune de Penhars,où nous étions tout à l'heure,
est le château de Pratanras, rebâti au dernier sjècle. L'ancien
château a été le chef-lieu d'un grand fief ,qui avait haute justice,
des patibulaires, et prééminences en nombre d'églises. Depuis
1;542, le fief de Coatfao, dont le chef-lieu est au lieu de Stang-
Rohan, en la commune de Pluguffan, a été, avec sa haute jus-
tice, annexé à Pratanras. Au dernier siècle, les deux fiefs
réunis comprennent soixante villages ou manoirs, répartis sur
vingt-deux paroisses, distribuées entre cinq de nos cantons
actuels. . . .
. Pratanras et Coatfao ont passé, par héritage, des Lezongar
aux Quelennec (branche cadette), aux Visdelou, à la comtesse
de Lamar'ck et à sa fille, la duchesse d'Arenberg. (2)
En 1779, M. Madec, bourgeois, rentre en France avec les dé-
bris de l'immense fortune qu'il a acquise dans l'Inde à la pointe
. de son épée, et qu'il a généreusement sacrifiée aux intérêts
français. Pratanras et Coatfao sont à vendre. M. Madec les
achète. Pendant les pourparlers, le roi lui accorde la
noblesse qu'il a si bien méritée (décembre 1780). Le 27 sep
tembre 1781, le contrat d'acquêt est signé; il l'eù.t été de
même sans l'ordonnance d'anoblissement.
Ainsi, sans me préoccuper de la réfutation de M. Lavisse,
j'ai étudié au hasard les titres de six seigneuries de notre
voisinage, trois petites, et trois ayant haute justice, et il se
(1) Bull. de 1898 p. 37'1. •
(~) Ci-après, note sur le Hilguy.
trouve que cinq de ces seigneuries ont eu des seigneurs rotu
riers, et que la sixième allait avoir le même sort, quand le roi
anoblit son glorieux acquéreur.
Me dira-t-on: « Mais les acquisitions roturières de terres
nobles citées par vous sont toutes datées des deux derniers
Ce fait était donc relativement nouveau '?
siècles.
- Pas le moins du monde! Je cite les actes relatifs aux
que j'ai étudiées; mais les acquisitions de ce
seigneuries
genre furent très communes en Bretagne comme en France,
dès avant la publication de notre Très ancienne coutume, vers
1330. Je le démontrerai un jour (1). .
Après ce que je viens d'exposer, n'est-il pas démontré, en
(ait, comme vous l'aviez démontré en droit, qu'il n'est pas vrai
de dire: « Tous les seigneurs étaient nobles. »
P. S. ' Cette lettre était écrite lorsque m'est remise la
Deuxième année d'Histoire de France de M. Lavisse (28 édi-
tion.)
Or voici que M. Lavisse emploie le mot seigneur au seris de
che·valie1°. En effet, il écrit p. 47 (24 récit. A rmement d'un
chevalier) : « Il (le jeune noble et non plus le jeune seigneur;
« donnons acte de cette correction) (le jeune noble qu'on
« armait chevalier) allait s'agenouiller devant son parrain,
(f c'est-à-dire devant le seigneur qui devait l'armer chevalier.
« Le seigneur lui demandait, etc. )}
Il est qlair que M. Lavisse prend ici seigneur pour chevalier.
Le duc de Bretagne, si grand seigneur pourtant, n'aurait pas
pu, s'il n'avait pas été chevalier, armer un chevalier; réci
un chevalier, même non seigneur, pouvait
proquement
(t) J)~i fait cette démonstration très facile et certaine dans une étude :
Seigneurs nobles et seigneurs rotU1'iers publiée par la Revue de Bretagne
et de Vendée, en 1886, et depuis en brochure avec ce sous-titre: c Tous les
seigneurs étaient-ils nobles ? Nort, »
armer chevalier. Comme on le voit, dans ce récit, le mot
seigneur doit fatalement être remplacé par le mot chelJalier.
Ce mot seigneur est-il donc tellement élastique qu'il veuille
dire, selon le caprice de l'auteur, possesseur de terre noble,
et chevalier?
noble
La phrase malheureuse: « Tous les seigneurs étaient
H, etc., ne se trouve plus dans ce volùme: et j'en suis
nobles
fort aise; mais elle e~remplacée par une autre phrase ... qui
ne vaut pas mieux.
La voici, p. 42, § 40. La Féodalité. No 3.
« Dans ces temps-là, quiconque avait une terre était sei-
« gneur ; ceux qui !l'en avaient pas étaient. sujets ».
La première proposition n'est vraie qu'à une condition,
c'est que l'auteur ne prenne plus le mot seigneur dans le
sens de noble, ni de chevalier, ' et qu'il parle d'une terre noble.
Mais la seconde·proposi lion est une erreur certaine
S'agissant non des sujets du roi mais des sujets des sei-
gneurs, qu'entendre par le mot sujet? Une courte explica-
tion est ici nécessaire:
Au poin t de vue de la propriété, il y a dans la seigneurie
trois catégories d'habitants:
1° Ceux qui ne sont pas propriétaires de terre: M. Lavisse
les nomme sujets;'
20 Les propriétaires de terre roturière qu'ils tiennent du
seigneur à charge d'une redevance nommée souvent cens: ils
tenanciers ou censitaires; .
sont dits
3° Les propriétaires de fiefs ou terres nobles sous la con
dition de foi et hommage: ce sont les vassaux.
Donc les sujets, d'après M. Lavisse, sont ceux qui ne
possèdent pas de terre. (1 catégorie.)
Mais Ferrière (Dict. de droit) n'est pas de CiL avis: « Les
sujets SORt ceux qui demeurent dan~ l'étendue de la seigneu-
rie ayant justice, Ainsi les justiciables d'un seigneur 'sont
appeléssujets du seigneur. » (1)
Le jurisconsulte ajoute: « Néanmoins il n'y a véritablement
que le roi 'qui ait des sujets; mais le nom de 'vassal ne signi
fiant que ceux qui possèdent des fiefs dépendant de la sei
gneurie, on a adopté le nom de sujets pour signifier ceux qui
. y possèdent des rotures à 'titre de cens et les autres habitants
qui n'y possèdent aucuns immeubles. »
Ferrière affirme qu'en parlant ainsi il parle le langage « du
roi, de la cour (du pal'lement) et des Etats ) et il le démontre
par des citations. .
11 conclut: c( Appeler vassaux les justiciables des seigneurs .
ce serait tout confondre, puisqu'il n'y a pas de 'vassal sans
fief, sans terre noble. »
Cette confusion si ordinaire dans le langage usuel, M.
Lavisse l'aurait-il faite?
Sa définition exclut les tenanciers du nombre des sujets;
va-t-il, coritre l'avis de Ferrière, les ranger parmi les
vassaux?
Il définit le vassal (§ 39, p. 41, 2 année : Seigneur dépen-
dant d'un autre (.~eigneur J. J'ajoute ce mot nécessaire à la
clarté). Il nomme les tenaneiers vilains ou manants (p. 43
et !~4, 2 année). Et ces deux mots présentés comme syno-
nymes il les expl- ique ainsi: « Manant: nom que l'on donnait
autrefois aux habitants de la campagne, aux paysans. » (Glos-
satre, 2 année.) ,
: Aprèscela, dans les tenanciers dits par lui vilains, manants,
paysans, comment M. Lavisse pourrait-il voir des vassaux,
lorsqu'il a et avec raison défini le vassal un seigneur ? ....
. Non! Donc la proposition est erronée .
(1) Ferrière. Dict. de droit. V" Sujets. Les seigneuries sans justice sont
une très rare exception. CI dessus p. 33, note 1, l'opinion d'Hélin.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXVI. (Mémoires). 7
. Pourtant j'ai bien peur que beaucoup ne fassent ce raison-
Il faut que les tenanciers soient sujets ou vassaux.
nement:
M. Lavisse ne les admet pas comme sujets, donc il les fait -
vassauX.
On voit que, selon l'expression de Ferrière, M. Lavisse « a
tout confondu » •
Effaçons donc cette phrase erronée: « Ceux qui n'avaient
pas de terre étaient sujets» ; et disons avec Ferrière:
« Sont sujets les justiciables d'une seigneurie qui ne tiennent
pas un fief à devoir d'hommage; mais qui possèdent une terre
ou ne possèdent pas d'immeubles». Il n'y a ,
roturière,
pas à distinguer entre possesseurs et non possesseurs.
Et, pour en finir combien ce rapprochement des mots
tenanciers, vilains, manants, paysans soulève de critiques 1
M. Lavisse appelle les tenanciers vilains , et , manants, et
explique ces deux mots par le mot paysans: 'définition en
même temps trop générale et trop restreinte .
Trop générale puisqùe le mot paysan 'çomprend ceux qui ne
possèdent rien, aussi bien que les tenanciers. Trop restreinte,
puisque les mots vilçtin et manant, comprennent non seule
ment les habitants des campagnes,mais les roturiers des villes,
pauvres ou opulents (1).
Pasquier dit même que le mot de villtlÏn (dont nous aurions
bien dû garder l'ancienne orthographe, quand nous l'em
ployons en ce sens) fut invent~ pour les habitants des villes et
(1) Le mot opulent n'est pas une exagération: dès le XIIIo siècle, nous
voyons des bourgeois prêter à de bons intérêts au duc de Bretagne CV. le
règne de Jean Le Roux); et nos jurisconsultes remarquent que l'argent
est aux mains des bourgeois (Duparc-Poulain, Cout. II, p, 619) qui s'enri
le négoce et l'économie, pendant que les « biens des nobles
chissent par
sont diminués par le plaisir, le jeu et le contentement ... » (Belordeau. p. 595.)
villages (1). Mais, dans la langue du droit, et de très bonne
heure, vilain veut dire roturier de la ville ou de la campagne (2).
De même le mot manant ne se dit pas seulement du paysan;
autrement comment expliquer ce mot continuellement accolé
au mot bourgeois en parlant des habitants des villes? (3)
En 1895, un des petits volumes de M. Lavisse était à sa
40 édition. Cette édition était-elle expurgée des énigmes
et des erreurs signalées? Je le souhaite; mais l'auteur
autorise le doute, lorsque dans l'avis qu'il a placé en tête de
sa 25e édition, il se flatte « d'avoir effacé tontes les expres
sions difficiles à comprendre ». C'est annoncer qu'il n'a plus
de retouches à faire ....
(1) Trévoux au mot villa in: c( Il parait naturel de faire venir le 1110t
villain de villa, maison de campagne ... On doit écrire ce mot pardeuxUquand il
est synonyme de paysan, villageois; et l'on écrit vilain, synonyme de mé
prisable, malpropre, qui vient alors de vilis ».; On a conservé les deux II
dans village, villanelle, etc., qui viennent de villa comme villain, pris au
premIer sens.
("l) Ex. Très ancienne coutume (!:llO-iO), chap. 15:) : « Nul villain ne
doit être cru de fait de COUI' ne sur personnes de nobles gens ne sur fiefs
nobles .: Traduit dans les articles [60 de l'Ancienne et 15'Z de la Nouvelle:
« Nul roturier ne doit être reçu en témoignage pour fait de noblesse. »
(3) Dans combien de pièces lit-on: (! Nobles bOUl'geois et manants de
la ville de ......