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Bulletin SAF 1898


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Tumulus et monument circulaire de Keranbriguen, en Elliant

M. le vicomte de Villiers du Terrage

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XXIX .

TUMULUS ET MONUMENT CIRCULAIRE

, en EIIÏant

La commune d'Elliant n'est pas mentionnée dans les listes
de tumulus publiées jusqu'ici pour le dépàrtement du Finistère .
Elle contient peu de landes, car la terre y est généralement
de bonne qualité: aussi les défrichements et le labourage
ont-ils dû niveler et faire disparaître beaucoup de monuments.
Cependant tous n'ont pas été détruits, entre autres le mur
circulaire de Keranbriguen .
La bùtte qui le recouvre est peu saillante, elle a la
forme d'une calotte sphérique très aplatie, mais je n'y ai vu
avec quelque certitude un ouvrage préhistorique que cette
année, quand après une récolte d'avoine, j'ai pu constater
une différence très sensible entre la terre du champ et celle
de la butte.
Le tumulus se trouve dans un champ dit Parc-an-Grignen (1 ),
dépendant de la métairie de Keranbriguen, en Elliant. Il est
contigu à l'ancienne grande route de Concarnèau à Carhaix,
chemin qui est encore connu sous le nom de « chemin ' des
Poissonniers » et qui sert de limite aux communes d'Elliant
et de Rosporden. Ce tumulus se trouve sur un point culmi-
nant coté 132 sur la carte de l'état-major, à égale distance
des deux villages de Keranbriguen et de Kerzanner, en
Rosporden.
Le diamètre de la butte est d'environ 30 mètres, tandis
la hauteur est d'au plus 60 centimètres. Cette forme si
que
aplatie tient évidemment au travail répété de la charrue.
Après quelques sondages qui n'avaient fourni aucun ren­
seignement précis, j'ai commencé les fouilles le 9 novembre,

(1) Krign, sec, aride (Legonidec) .

en ouvrant deux tranchées d'un mètre de largeur se dirigeant
vers le centre du monument.Au bout d'une heure.la pioche des
ouvriers rencontra à moins de 30 centimètres de profondeur
et dans chacune des deux tranchées des mUl'S en pierres sèches
de 25 centimètres d'épaisseur. En examinant leur direction
j'ai cru reconnaître un arc de cercle dont il était possible de
déterminer le centre et la circonférence. Qu'elques sondages
rapidement exécutés ont vérifié cette hypothèse en révélant
l'existence d'un mur circulaire .exactement situé au centre du
. tumulus et ne présentant aucune lacune.
poursuivre les rè-cherches en déblayant
Il était indiqué de
jusqu'au terrain naturel: d'abord l'intérieur de cette enceinte
en totalité: puis quelques points à l'extérieur. Ces fouilles
ont donnée lieu aux constatations suivantes.
Dans la partie centrale du tumulus le sol naturel a été
primitivement fouillé, en forme d'une fosse à peu près circu­
lail'e de 7 à 8 mètres de diamètre. La profondeur moyenne
est d'environ 70 centimètres, et elle atteint 90 centimètres
au centre du tumulus et en un point situé à l'extérieur du
cercle et à l'Est. Sur ces deux points il y a des traces évi­
dentes d'anciens foyers.
La fosse a été ensuite remblayée d'environ 25 centimètres
pour former une plate-forme sensiblement horizontale
sur laquelle sont établies les fondations du mur circulaire.
Le remblai de cette première couche est formé par une terre
argileuse que l'on retrouve du reste dans tout le corps du
tumulus mélangée de charbons et de débris de poterie.
Le mur a une hauteur assez uniforme de 60 centimètres,
et une épaisseur de 20 à 25 centimètres à sa partie supé­
rieure qui est horizontale. Il est formé de moëllons bruts
qui ne présentent aucune trace de taille, et qui sont assez
régulièrement disposés,du moins à l'extérieur ; on y reconnaît
l'intention d'établir un parement en talus donnant de ce 'côté

au mur une surépaisseur de 25 à 30 centimètres. A l'intérieur
la surépaisseur du mur est très irrégulère et dans la partie
inférieure, il n'y a aucune trace de parement: par contre à
la partie supérieure se trouvent des pierres plates posées
de champ et fortement inclinées. Elles ne reposent pas géné­
ralement sur le mur, mais sur un remblai de 40 centimètres
d'épaisseur; le p~ofit transversal adopté pour ré.sister à la
poussée des terres s'expliquerait et serait ainsi très rationnel.
Le mur était intact quand je l'ai fait dégager complètement:
car il ne manquait au couronnement que deux pierres qui
avaient été déplacées cette année même par la charrue. '
Les matériaux qui entrent dans la composition du mur pro­
viennent très probablement d'un coteau situé à un kilomètre
au Nord-Ouest. Il n'y a aucune apparence de mortier .

Dans' toute la partie du tumulus et de la fosse les terres ont

présenté le même caractère. Plus argileuse que da ns le reste
du champ, elles renfermaient, surtout à l'intérieur du cercle,
en proportion plus ou moins considérable et toujours inti-
mement mélang'ées, des fragments de c.harbon, de potel'ies,

de terre brûlée et plus rarement des cendres.
Les morceaux de charbon avaient fréquemment conservé
leurs dimensions, diamètre de 2 centimètres et longueur de
5 à 6 centimètl'es, terminés par des se ctions très nettes. Sur
quelques points les traces de charbons étaient plus abon­
dantes et accompagnées de cendres. A un moment, j'ai
remarqué au fond de la fouille trois couches minces de charbon
et de terre alternant sur une hauteur de 10 centimètres. Les

traces de foyers étaient plus apparentes également sur un
point, qui est situé à l'extérieul' et à l'Est du monument,

point que j'ai déjà mentionné en raison de la plus grande
profondeur de la fouille. .
Les fragments de . potel'ie, et peut-être d'argile cuite,
étaient nombreux et en général de dimension insigni-

, fiunte ." T:rois ' morceaux de pâte très grossière provellélië '~t

du goulo't d'anciens vases. ' " .

En deJîOrs dè ces débris, je n'ai recueilli que trois frag-

ments de silex pyromaque, dont l'un doit être élass'é cb~m~
grattoir, ' et quelques pie~res en schiste granitique grossi'è­
rement taillées, que l'on pourrait assimiler à des instrùments '
des époque,s préhistoriques, Malgré l'examen le plus mi nu-
tieux, il n'a été rencontré' aucune trace d'ossements ou

d'objets métalliques'.

L'âge' et la destination de ce monument pa'rRisse'nt qiffi'ciles
à détermi'rier, et son 'ancienneté relative ne peut etre estim'ée
que par comparaison , avec d'autres monuments présentant
quelques points de ressemblance. " .. : ' "

Par la nature 'et le mod'e diemploi des matér,iaux' on petit
rapprocher le mur' de Keranbriguen dés mUI'S sous Ùiinulus
de Kervern', en Plozévet, fouillés par M,dll Chat~lliev, ;qui
contiennent des 'sépultueBs par -ïricinération, m'ais· ,eés, , murs
ont en réalité la formel d'un fer fi. cheval :tr,ès: fû,iné" ce qlli
indique: l'emplacement de l'entrée et par suite leUI:ca:rach~r,e
d'enceinte. A Keranbrigtien, il ri'y il ancupe .lacuriedà:ns le

mur. " " " ' : " .

, L'analogie serait 'plus grande avec le mur circulaire' sous
tumulus de Lann-Kerhan, en Saint-Philhert, ' pvès Ca'rnae, '

fouillé par 'M. Le Rouiic en 1897,. Cette :enceinte , :a, ùn' dia-

mètre de 7 mètres 50 sans ' ouverture. ' Le ' mur'1 qui à' u'ne

hauteur de 20 à 55 centimètres, est formé de'> pierl'es gr'os­

sières. Il'n'a pas de parement intérieur,; niaisJ:e 'parèrri8lilt
, extérieur est réguliû. M. Le Houzic ajoute qile cc ce ' pare­
cc ment paraît être' maçot1né avec du mortier ))" L'es terres du
tumulus ont présenté èomme à Keranbrig'uen .un rnélange
intime de charbon et 'de terre brùlée, des ' frac,~s 'qe 'foyer 'et
nne' absen'ce presque ,cam,plète 'de .mel:lUs objets,.' AJ'irrtérieur
du monumeut, le remblai repose sur une couche générale de

g'i'osses pierres, qui repose elle-même sur une couche de
terre blanchâtre de 25 centi,mètres d'épaisseur moyenne. Un
vase en terre grossière a été recueilli à 85 centimètres de

; profondeur. On est donc en présence d'une sépulture par
incinération sans dolmen et bien caractér isée. Quant ,à son
ancienneté, elle ne saurait être très grande en raison de
la présence de mortier dans le parement du mur.
L'existence de murs en pierres sèches a été également cons-
tatée dans le Morbihan à plusieurs reprises. Quelques-uns
sont circulaires, d'autres, décrits en 1882 par M.l'abbé Luco,
,se presentaient sous la forme d'enceintes quadrangulaires '
d'énviron 35 II:iètres sur 12 mètres, qui étaient accompagnés
de menhirs et renfermaient quelques constructions circu-
laires : mais ces constructions avaient la forme de voûte de
80 centimètres de hauteur et 4 mètres de diamètre, e.t elles
ont été qualifiées (( ruches de crémation».
, Je rappellerai enfin un monument découvert par M. du Cha-
tellier à Kerbascat, en Tréguennec, mur circulaire continu
de 80 centimètres de hauteur environ et de 6 mètres 30 de
diamètre. Ce mur n'a pas de parement à l'intérieur; le pare-
ment extérieur présente un fruit de 28 centimètres. Ce n'est
pas une enceinte, mais un véritable mur de soutènement, que
motive l'existence d'une plate-forme intérieure surélevée.
Peut-être était ce en vue de l'accomplissement de certaines
cérémonies qui auraient suivi l'incinération des corps ou des
victimes. Je dois ajouter que le parement extérieur du mur
, (( fait en pierres plates avec un très grand soin et par rangs
« échantillonnés )) indique un degré de civilisation assez
, avancé, ce que confirme, d'ailleurs, la découverte à proximité
d'une urne en poterie faite à la main, mais d'une pâte fine et
élégamment décorée. M. du Chatellier croit ce monument
de répoque gauloise, avant la conquête.
Le mur circulaire de Keranbriguen, malgré son analogie
sur certains points avec d'autres monuments dont la descrip-

tion a été publiée, représente un type dont l'identique, à ma
connaIssance, n avaIt pas encore été rencontré. J'ai donc
jugé nécessaire d'en signaler . l'existence à l'honorable
Président de notre Société si compétent sur tout ce qui tou­
che à l'Archéologie préhistorique. Le monumet~t était alors
dans l'état représenté dans la photographie qui accompagne
cette note. L'enceinte avait été remblayée complètement à
l'intérieur en laissant seulement à découvert la rangée de
pierres fortement inclinées qui termine le mur. .
D'après M. du Chatellier· qui est venu sur place exan:tiner
le monument, ainsi que les .quelques objets recueillis dans les
fouilles, le tumulus et le mur de Keranbriguen devraient être
considérés comme contemporains 'du commencement de
l'époque du bronze. . .
VILLIERS DU TERRAGE .
!ierminihy, en Rosporden. Décembre 1898.