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xxv.
LA MAISON N° 17
DE LA RUE SAINT-FRANCOIS
DE QUIMPER (1)
Il Y a plus de deux siècles, la maison n°.17 rue Saint-Fran-
çois (maison Le Hénaff) avait le même aspect qu'aujourd'hui.
Une entrée unique et un seul escalier donnaient .accès à deux
appartements absolument distincts, en sorte qu'un acte décrit
ainsi la maison: « Deux maisons s'entre-joignant ouvrant sur
une seule porte ~ (1723). D'autres actes distinguent ces « deux
maisons», qui n'en font qu'une, par les qualifications la petite,
la grande maison. ,
Avant 1677, la maison entière était la propriété de François
Ranier, docteur en médecine, et de Jeanne Poulain, sa femme.
Le 22 juin. de cette année, ils la vendirent, pour 2840 livres,
à noble homme' (2) Germain Pérard et à sa femme Blanche
Le Dénie.
Germain Pérard appartenait à une ·famille nouvelle à
Quimper. Son père, le premier du nom que j'aie trouv~, avait
été greffier du présidial en 1639 et années suivantes. L'acte
d'acquêt de 1677 qualifie Pérard sieur de Kerdula, conseiller
du roi, et alloué aux juridictIons royales de Châteauneuf-du-
Faou, Huelgoat, Landelleau et Gourin (3). Mme Pérard était
(1) Ces pages ont été écrites pendant le séjour de l'au leur à Quimper
c'est-à-dire avant 1888 .
(2) Il est inutile,je pense, de rappeler que le titre de noble homme,
purement bourgeois à cette époque, est exclusif de la noblesse.
(3) Ces quatre sièges royaux avaient été réunis au siège de Carhaix par
de Châteaubriant (octobre 1565) confirmant les lettres patentes de
l'édit
Troyes (19 mars 1564). Mais les quatre sièges furent distraits de Car
comme on le voit, avant 1677. Pour plus de détails: Ct.
haix et rétablis,
Organisation judiciaire de fJretagne avant 1790, par J . Trévédy. Qu'on
me permette de renvoyer à quelques unes de mes brochures relatives à
Quimper. .
de cette vieille famille bourgeoise qui a donné à Quimper
nombre d'aumôniers, de miseurs et de procureurs syndics;
dont l'un, en cette dernière qualité, apposa sa signature
auprès de celle du maréchal d'Aumont au pied de la rapi-
tulation du 10 octobre ,1;)94. (1) ,
La maison contiguë vers le sud appartenait à dame Anne
Cariou, douairière de Kervazégan, c'est-à-dire veuve de
M. Billoart, sieur de Kervazégan. En 1682, il s'éleva entre
Mme de Kervazégan et ses nouveaux voisins une difficulté que
termina heureusement l'arbitrage de Charles Dondel, écuyer,
sieur du Parc et de TrefIretz, sénéchal et premier magistrat
de Cornouaille.
Quand Germain Pérard vint habiter cette maison, il avait
plusieurs enfants, entr'autres une fille, Louise Philippe, déjà
grande, puisque, dix ans auparavant, elle avait été marraine.
Mme Pérard, à peine en possession de la maison, mourut; et
Pérard sè remaria àu plus tard en 1680. Le 4.février 1681, sa
, femme, Louise Hennon, lui donna un fils; en 1682, un autre
fils qui mourut peu de jours après sa naissance; enfin, en
1684 (21 avril), une fille Marie-Aime-Agnès, dont le nom
mérite d'être conservé, ca'r elle a été une des bienfaitrices de
Quimper.
Louise Hennon mourut en 1687 (2); et, le 26 août 1691,
Germain Pérard, se mariant pour la troisième fois, épousa
Jeanne Geffroy, veuve de Michel Furie, procureur au présidial,
qui l'avait laissée mère avec plusieurs enfants. L'année sui
vante (21 août), les époux faisaient baptiser un fils qui eut
'pour parrain et marraine son frère utérin Corentin-Michel
Furie et sa sœur consanguine Marie-Anne-Agnès. L'année
suivante (8 juin 1693), Pérard mariait sa fille du premier
mariage, Louise Philippe, à René Guesdon, sieur de Ker-
(1) Chan. Moreau, Ligue en Bretagne, p. 232.
- (2) Inhumation dans le chœur des eordeliers.
duallès , qui devint plus tard 'conseiller du roi, contrôleur des
deniers patrimoniaux et d'octroi. Les années suivantes, le
recteur de Saint-Julien eût à baptiser alternativement des
enfa'nts de Germain Pérard (15 avril 1694 et 29 août - (696) et
ceux de 'sa fille (6 décembre 169;) et t t avril 16~7). '
Germain ,Pérard mourut le 7 octobL'e '1 697 et fut inhumé aux
Cordeliers. L'acte d'inhumation lui donne le titre d'écuyer,
qui ne lui appartenait pas. , '
Il Y avait ainsi dans la maison des enfants de quatre
mariages, et la mort de Germain Pérard rompait le lien qui
les unissait:
Louise Philippe était de beaucoup plus âgée ' que sa sœur
Marie-Anne-Agnès, qui n'avait que treize an~ : mais, bien qùe
les meilleures relations existassent entr'eIles, ce n'est pas
dans la maison de' sa sœur que Marie prit asile Elle se retira '
à la Terre-au-Duc chez Louis Drouallen, sieur de Kerdazan;
son oncle' et tuteur; et c'est là que, le 17 mars 1703, elle se
maria. Elle donnait sa main à noble homme Charles Floi'imond
Carde, directeur des domaines du roi en l'évêché de Cor-
nouaille, fils d'autre noble homme Charles ' Cardé, conseiller ,
du Roi et trésorier du sceau de la chancellerie de Paris; et dè
dame Marie-Magdeleine de Cussevé. '
Les jeunes époux allèrent habiter la paroisse de Saint-
Ronan (rue Obscure) ; et c'est là que, le, 5 juillet 1704,
naquit une première fille Louise-Marie, qui eut pour parrain
Louis Drouallen, et pour marraine Louise-Philippe Pérard,
dame Guesdon.
Avant 1704, il ne restait plus d'autres enfants des deux
premiers mariages de Germain Pératd que ses deux filles , pt
l'aînée prend le titre de dame de Kerdula. La veuve du troi
sième mariage habitait avec ses enfants la petite maison com-
prise dans son douaire. '
Les communautés de Germain Pérard, sa succession et cèllès
de ses enfants successivement décédés ne furent réglées
qu'en 1704: La liquidation établit la dame Cardé créanciè:-e ;
et la ,grande maison ayant été mise 'en vente, les époux Cardé
en demeurèrent adjudicataires pour une somme à valoir sur la
succession bénéficiaire de Pérard. (Acte du 24 mai, prise
de possession du 22 juin, appropriement du 24 novembre.) -
La maison était alors l'habitation de Rostang Garnier, avoca t
en parlement.
Au commencement de l'année 1705, les époux Cardé habi-
taient leur maison; et c'est là que naquirent trois enfants:
un fils (René-Corentin), baptisé le 10 juin 1705 et mort le 1
septembre; une fille baptisée le 17 juin 1706 et morte le len
demain, et enfin une autre fille Anne-Josèphe, baptisée le 27
septembre 1707,
Vers cette époque, M . . Cardé succéda à son père dans ses
charges de conseiller du roi au parlement et de trésorier du
. sceau de la Chancellerie. De ce moment les registres parois-
siaux de Quimper ne nous montrent plus le nom de Cardé
avant 1715. ' Nous ne pouvons suivre les époux Cardé hors de
Quimper; nous pouvons dire seulement qu'après leur départ
il leur naquit un fils, Charles-Joseph-Pierre, que nous retrou
verons pl us loin .
'* :lié
La petite maison avait été, à ce qu'.u paraît, déta chée de la
grande entre 1704 et 1706, car, aux premiers mois de cette
année, nous la trouvons dans la succession vacante de la fille
du docteur Ranier . .
M. Ranier était mort le 27 octobre 1687. Sa fille, Marie-
. ' Corentine, devenue héritière et qualifiée dame de Kervouar,
épousa, le 19 février 1688, François Be'rthelot, sieur des
Bignons, « docteur médecin, originaire de Fougères et habitué
de Carhaix ». En épousant Mlle Ranier, il prit la cllentèie de
son père, s'établit à Quimper, et devint médecin de ses voisins
les cordeliers. '
. Le 8 février 1693, la veuve du docteur Ranier fut inhumée
dans leur église (t). '
Sa fille, la dame Berthelot fut elle-même inhumée aux Cor-
deliers le 15 mai 1705. Elle était morte sans enfants (2), et il
s'agissait de partager les biens,au nombre desquels la maison,
entre ses héritiers paternels et maternels.
Chose à peine croyable pour nous 1 on imagine de parta
ger en deux lots cette maison qui ne contient guère que deux
pièces: une cuisine en bas, une chambre en haut. La cui
sine et le petit cellier sont pour la succession; la chambre,
l'entrée et l'escalier sont pour les héritiers d'autre part.
Le 12 juin 1706, la succession vacante met en vente sa
part, et elle est acquise par Arnault Lemarchant, notaire et
procureur au présidial.
Le 26 novembre 1709, sa fille, dame Le Rouyer, la revend •
à Philippe Le Petton, maître tailleur, et à sa femme, Jeanne
Le Goyer. .
Le 22 décembre 1710, Le Petton meurt et est inhumé aux
Cordeliers. Il n'a pas d'enfants, et laisse pour héritière sa
mère, Marguerite Carn. Sa veuve se refuse à toute liquidation
de communauté 1 Pour vaincre sa folle résistance, il·en faut
venir au séquestre de la maison. Enfin, des amis intervien-
nent et amènent les parties à une transaction. Jeanne Le
Goyer paiera 300 livres à sa belle-mère; elle gardera la
maison, et la guerre sera finie (22 avril 1712.) .
(1) Dans la plus proche tombe du balustre,. du côté del'épitre, dan~ la
chapelle de la Trinité, « environ les six heures du soir ».
(2) Son mari se remaria; il épousa Jeanne Pitouays, d'une famille 'unie
il mourut en 1725 et fut inhumé aux ' Cordeliers; sa
aux Bougeant;
seconde femme vint l'y rejoindre en 1727. .
Vers cette époque, Mme Cardé devenue veuve revient à
son berceau avec ses deux filles, Louise et Anne-Josèphe, et
elle habite sa maison. L'entrée et l'escalier lui sont commnns
avec la petite maison. Le 1er mars 1724, Mme Cardé acquiert
la partie haute de cette màison' devenue la propriété d'Allain
Rochel, sieur du Verger, et de Françoise Olivo,' sa femme,
et, le 23 novembre de la même année, elle acquiert la' partie
bassè de la veuve Le Petton. La voilà, comme avait été son
père, unique propriétaire des deux maisons.
Mme Cardé a pour voisïn au Sud M. Thérézien, sénéchal
des Regaires. Pour parer à 'je ne sais quelle difficulté,
Mme Cardé'convient de céder à M. Thérézien la moitié de,la
petite maison coupée de ' haut en bas.M. Tnérézien paiera
cette fraction de maison 800 livres, la moitié du prix dé-
boursé par Mme Cardé (6 février 1720). Deux experts, au
nombre desquels Augustin Audouyn, sieur de Restinois,
opèrent ce bizarre partage (17 avril 1727.)
Quelques années auparavant, l'année même où elle acqué-
rait la petite maison, Mme Cardé devenait propriétaire, entre
le chemin du Séminaire (l'hospice actuel) et la rue des Re
gaires, de la maison avec jardin, où vingt-cinq ans plus tard
elle installera les sœurs du Saint-Esprit. Ses vendeurs sont
Françoise Le Gubaër, d'une vieille famille de Quimper, veuve
de François Morin, ancien maire de la ville et marchand ,c de
draps et de soyes 1), elles enfants issus de leur mariage: l'un
e!5t « juge garde de la monnaie à Tours n, l'autre conseiller
du roi au présidial de Quimper, et une fille est veuve de
Prigent-Corentin Gouesnou. ,
Orpheline à treize ans, veuve à trente-quatre, ,Mme Cardé
a connu le malheur et n'est pas insensible aux peines
et aux misères des autres. Elle est, avec ses filles,
livrée aux œuvres charitables. L'aînée des ' deux sœurs,
. Louise, est dame de la charité .. Elle meurt à trente-neuf ans,
vénérée de tous, en 1743, et l'acte d'inhumation, dressé le _
lendemain, constate l'affluence qui suivit son convoi ('1) .
Pendant que sa mère et ses sœurs vivaient ainsi à Quimper,
Charles-Joseph-Pierre Cardé était devenu (c gentilhomme
servant de Sa Majesté et de Mgr le Dauphin n, et, à ce titre,
il obtenait des lettres de noblesse en septembre 1743. Moins
de quatre ans plus tard, il revenait à Quimper pour mourir
sous la bénédiction de sa mère, le 16 mai 1747, et Mme Cardé,
sexagénaire, restait seule avec sa dernière fille, Anne-Josèphe.
Nous avons tout à l'heure donné à Louise Cardé le titre de
dame de la charité. Ces dames, vivant dans le monde, souvent
épouses et mères, étaient distraites de la visite des indigents
. malades par leurs devoirs de famille. C'est pourquoi saint
Vincent de Paul avait créé auprès d'elles, à. Paris, les Filles
de la Charité que nous vénérons aujourd'hui sous le nom de
Filles de Saint- l'incent-de-Paul. Les mêmes causes faisaient
souhaiter à Quimper la présence de personnes qui pussent
donner tout leur temps à la visite et aux soins des malades .
Une congrégation vouée à ce charitable office était née en
Bretagne, à Plérin, auprès de Saint-Brieuc, en 1706. La fon-
datrice, une pauvre v~uve, Marie Balavoine, ne s'est _proposé
d'abord que de faire l'école aux enfants pauvres; puis elle
s'est mise avec deux ou trois pauvres filles à visiter les ma
lades des campagnes. L'humble congrégation répond aux
besoins de toutes les paroisses: aussi elle prospère. En 1733,
elle est définitivement fondée et approuvée par l'évêque de
Saint-Brieuc, sous le nom de « Congl'égation des sœurs du
~aint-Esprit ». En 1747, elle avait une maison dans chacun
(1) Elle fut inhumée dans la cathédrale devant l'autel du Sacre ou diI
Saint-Sacrement, à l'entrée de. la chapelle actuelle des Trépassés .
BUL.LE.'I'IN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXV. (Mém()ires). 24
des cinq départements c'écoupés depuis dans nôtre ancienne
province. En 1749, l'évêque appelle les sœurs à Quimper (1).
Trois sœurs arrivent et, par acte du 27 mars 1749,
Me Cardé leur donne, rue du Séminaire, le jardin et la maison
que les sœurs du Saint-Esprit occupent encore, avec une
rente de MW-livres pour leur 'pension. ' -
Ce don ne fut pas la seule bonne œuvre de Mme Cardé; mais
ce fut la principale et celle qui lui donne rang parmi les
bienfaiteurs de -notre vieille cité. ,-
Six mois après (29 août) elle mourait, et « Illustrissime et
« révérendissime seigneur Annibal de Cui lIé, évêque et corn te
« de Cornouaille, présidait aux obsèques ». L'évêque avait
voulu donner ainsi un dernier et éclatant témoignage de sa
vénération à la bienfaitrice des pauvres. '
En mourant, et pour dernière marque d'affection, Mme Cardé
avait laissé aux sœurs le crâne de sa fille Louise-Marie. De
nos jours -encore, les sœurs gardent pieusement cette relique .
Dix ' ans plus tard, le 4 juin 1758, mourait Marie-Josèphe
Cardé (2). Elle n'avait pas été mariée; elle avait une fortune
considérable, puisque, en 17!)0, elle est la plus imposée
de tous les habitants de Quimper sur le rôle de la capitation
bourgeoise (3). Pourtant, ses héritiers ne se présent::lÏent-pas et,
le 9 décembre 1758, le présidial dut déclarer la succession
vacante. Les publications ordonnées eurent leur effet; les
héritiers -avertis au loin, par exemple à Semur et à
Pontoise, se firent connaître; la liquidation suivit et, ' d'un
commun accord, la vente de la maison se fit le 15 mai 1759 .
(1) Pour plus de détails, Cf. Les sœurs du Saint-Esprit à Quimpe1', par
J. Trévédy, 1888.
(2) Le lendemain, elle fut inhumée dans la tombe qui avait reçu sà
sœur et sa mère, et de re jour jusqu'à la Révolution une messe fut dite
chaque année, le 6 janvier, pour les membres de cette famille. (Arch. de
Obituaire).
l'Evêché.
(3) Elle paie 250 livres; les plus imposés après elle n'en paient que 195
et 180. Voir Rôle de la capitation à Quimper (1887 ), par J. Trévédy .
Les acquéreurs furent Joseph-Jacques-Sébastien Gazon et
sa femme, Marie-Julienne Mauic ou Mavic (1) .
. Joseph Gazon avait le titre de conseiller du roi; il avait été.
directeur de la monnaieà Rennes,et était recevèur des fouages,
vingtièmes et capitation de Cornouaille (21.
Le prix est de 6.015 livres payées comptant. La prise de
possession suit, le 6 juin; l'appropriement, le 28 septembre .
M. Gazon est un homme expéditif. .
La propriété est bornée vers l'Est par le jardin d'une mai
son ouvrant place Maubert et appartenant à Mme Kersulguen
de la Villeneuve, marquise de Tinténiac; le 15 avril 1761,
elle permet à M. Gazon d'ouvrir des jours sur son jardin .
De l'autre côté, au Sud, le mur de Mme Bonaventure
Thérésien mariée à M. Le Dall de Kéréon menace ruine. Le
1 septembre de la même année, M. Gazon obtient l'autorisa
tion d'assigner en réfection.
Peu après, le 24 juin 1761, les époux Gazon devinrent ac-
quéreurs de la seigneurie du Plessix-Ergué avec haute justice,
paroisse d'Ergué-Armel. Nous parlerons tout à l'heure des
droits et de quelques transmissions de cette seigneurie.
M. Gazon ne jouit pas longtemps de ces possessions nou
velles. Le 6 octobre 1766, il 'mourut dans sa maison (3) ;
(1) La dame Gazon est aussi nommée Julie. Son nom est écrit d'abord
Mau!}e, puis Mavie par le changement dc l'u voyelle en u consonnne ou v.
L'ancienne orthographe Mauie semble la bonne .
('l) Les époux Gazon demeuraient alors" près la place Saint-Corentin,
anciennement Tour-du-Chatel, paroisse Notre-Dame " Auparavant ils
> avaient demeuré (avant 174.')\ place Terre-au-D uc, dans la maison n° Il
actuelle , au premier étage. Cette maison appartenait aloI':'> à Renée Le
Nobletz, femme de M. Le Becdelièvre, pre mier président de la Cour des
comptes de Bretagne. Voir Une Maison de la place Terre-au-Duc, (189 .3 ).
(3) Arch. des Regaires. Inventaire 4, 7, 8 octobre 1766. Nous allons
donner d'autres renseignements SUl' lé). famille Gazon dans l'étude intitulée
Rolw'iers hauts jusl'ÏC'iers.
et le lendemain il fut inhumé à la cathédrale dans la tombe
élevée du Plessix-Ergué, dans la chapelle Saint-Christophe,
contre le pilier à· l'entrée du chœur à gauche. . .
Le 4 juin 1773, la maison allait être vendue de nouveau
par Julie Mavic, veuve « communière » et son fils Joseph-'
Marie-Anne-Guillaume-Corentin, seul héritier, déjà marié (11 .
juillet 1761) à Marie-Catherine Bérolle. (1)
Les acquéreurs sont Me Guillaume-Michel Audouyn, sr de
Keriner (Pluguffan), conseiller du roi au présidial,etsa femme
Jeanne-Françoise Droneau qui demeurent rue du Collège. Le
prix est de 7.000 livres et la vente , comprend, est-il dit, « les
tapisseries peintes, les boiseries et armoires d'attache. »
Mais voilà qu'avant la prise de possession, les 29 et 30 août,
les époux Audouyn rèçoivent une assignation de Jean Gatien
Roullin, sieur' de la Barbinière, et de sa femme Pierrette
Louise Gazon. Celle-ci, cousine· germaine du vendeur de la
maison, prétend exercer le retrait lignager: c'est-à-dire user .
de la faculté accordée par ]a Coutume aux parents de proche
degré de retirer l'héritage des mains de l'acheteur en rem
boursant ]e prix et les loyaux coûts du contrat.
On dirait que le conseiller au présidial a été tenté de résister
à cette demande, car, après l'assignation, il se hâte de se
mettre en possession, le 3 septembre. Mais le droit de la
retrayante est indiscutable. Le conseiller se ravisé et fait sage-
ment: il est indemnisé du prix et de toutes impenses~ et tout
est dit.
. Mme Roullin n'était, à ce qu'il semble, devenue propriétaire
de la maison que pour la vendre dès le 6 décembre 1777. .
Ses acquéreurs furent « Messire Césàr-François Le Gac de
Lansalut, chevalier de Saint-Louis, mestre de camp (colone])
(1) Ils avaient sans doute acquis, dès cette époque, une autre maison à
la Terre-au-lluc. Nous le verrons plus loin. .
d'infanterie et sa femme, Caroline, princesse de Bavière (Deux
Ponts), comtesse de Sulzbach (1) .
M. et Mme de Lansalut avaient acquis et habitaient le .
château du Hilguy (Plogastel-Saint-Germain). C'est sans doute
comme pied à terre qu'ils acquéraient la maison de la dame
Roullin. La princesse la trouva peut-être un peu modeste.
Quoiqu'il en soit, dès le 10 octobre 1779, la maison était
louée à M. Mazé, procureur au présidial Le 20 décembre de
la même année, de locataires, les époux Mazé devenaient
propriétaires de la 'maison, qu'ils payaient la somme de
8.800 livres dont 3.800 versées comptant (2).
Mais la maison était, paraît-il, en mauvais état, et les ven-
deurs avaient promis certatnes réparations avant la prise de
possession; par exemple, ils devaient « faire les bois de cinq
fenêtres dont M.Mazé devait fournir les batans (3) )): ils devaient
en plus « donner un menuisier pendant huit jours pour les
réparations de détail que l'acheteur jugera à propos de faire
faire. » Quels ennuis ces conditions si simples allaient causer
à ce malheureux chevalier de Lansalut! Qu'on en juge par
ses lamentations! Il écrit le 1er janvier 1780 à M.Mazé :
« Tout est malheur! Monsieur, mes menuisiers viennent
de me quitter. Je ne puis donc songer à vous les envoyer,
mai s faites faire vos fenêtres les. plus pressées. Jlaurai bien-
tôt d'autres menuisiers et leur premier ouvrage sera pour vos
fenêtres. Le morceau de bois que je vous avais pris est tombé
en poussière au premier effort de ma. scie: ce qui est d'autant
plus étonnant qu'il paraissait si dur qu'à peine la hache pou-
vait l'entamer. Tout est malheur, comme je vous le disais plus
(1 Je donnerai quelques détails sur M. et Mme Le Gac de Lansalut dans
la Note sur le Hilguy, qui va suivre. .
(2) La maison est vendue quitte de lods et ventes, c'est-à-dire du droit de
mutation dù au seigneur. C'est la première vente où apparaisse cette con
dition.
(3) Lire battans. M, Mazé fournissait les battans ou vantaux, et M de
Lansalut devait les bois le (chassis, l'encadrement) .
haut. Mais v.oilà les plw~ petits: celui qui me touche ]e plus .
c'est que j'ai reçu une lettre ... , etc.
« Adieu, monsieur; portez-vous bien. Je suis avec le-plus
sincère,.attachement votre très humble et très obéissant servi-
teur. Le Cher de Lausalut. H
Je ,copie Jusqu'au salut qui termine cette lettre afin de don
ner un exemple de la politesse dont usait un gentilhomme en-
vers un bourgeois.
Le chevalier de Lansalut remplaça ce bois ensorcelé qui défie
et repousse la hache et s'évanouit devant la scie: les menui-
siers revinrent, les réparations se firent, et les époux Mazé
entrèrent en possessio~ de la maison le 10 avril 1780.
Les;vœux que faisait M. de Lansalut pOUT la prospérité de
M. et Mme Mazé furent exaucés. De procureur au présidial,
M. Mazé devint juge au tribunal; d'heureuses acquisitions
augmentèrent son avoir; et à leur mort en 182 1, M. et Mme
Mazé laissèrent une fortune à partager entre leurs deux filles
Louise-Made-Emilie, femme de M. Louis-Marie Le Bescond
de Coatpont, et Pauline, morte sans alliance à Quimper. C'est
à cette dernière qu'échut la maison dont nous achevons l'his
toire.
-En 1864 ou 6;5, cette maison fut acquise par M. Le Hénaff,
auquel elle appartient encore. (1)
Qu'il me soit permis d'insister sur un point de ma narra-
tion: l'acquisition par M. et Mme nazon de la terre seigneu-
riale de Plessix-Ergué ; et de donner quelques renseignements
sur la seigneurie du Hilguy dont le chevalier de Lansalut et sa
femme la princesse de Bavière furent possesseurs.
J. TRÉVÉDY,
. A ncien Préside~t du 1'?"ihunal civil de Quimper.
(1) Ecrit en 1887. Depuis, l'honnête M. Le Hénaff est mort léguant sa
maison à l'hospice de Quimper .