Responsive image
 

Bulletin SAF 1898


Télécharger le bulletin 1898

Bourgeois et gens de métier de Carhaix (1670-1700) (suite). La confrérie de Saint-Crépin. Corps de métiers et artisans: leur part d’honneurs et de charges dans l’église et dans la répartition de l’impôt.

Abbé Antoine Favé

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


XIX
BOURGEOIS ET GENS DE MÉTIERS A CARHAIX (suile).

fIr.

. La Confrérie de Saint-Crépin.
Corps de métiers et Artisans : Leur part d'honneurs
et de charges dans l'église
et dans la répartition de l'impôt.
Nous ne voyons pas officiellement agrégés à la fraire
de Saint-Eloi les quincailliers, comme Jacques Eslier,
de la . rue Neuve, Estienne . Davagne, maistre pintier, ni
passés maistres ou marchands comme René
les cloutiers
Pierre, Adrian Milon, Jean Le Scoul, Gilles Godin.
Nous comptons au moins quatre maîtres armuriers :. Me
Louis Le Dain, Gildas Le Postee, Julien Le Conte et Yves
Conte. Les marchands poiliers sont au nombre respec­
table, d'une dizaine. Ils résident près de la porte de Motreff,
comme Martin Baudry et Richard Jourdren, ou à la porte de

Rennes comme Julien Mauviel et Guillaume Guern. Jean
• J ourdrerf se qualifie de poilier « vendant les poilons,
~assines et autres marchandises normandes».

En revanche, tanneurs et cordonniers forment une frairie

qui offre assez de surface et de vitalité, bien qu'elle ne nous
pas autant de documents et de faits notables que la
fournisse
En effet, nous n'avons pas les statuts
frairie de Saint-Eloi.
de la confrérie à Carhaix; nous ne possédons pour tout docu­
ment que douze comptes: ils nous permettent toutefois
(1) Sources consultées : 1 Registres paroissiaux de Saint-Trémeu l' et de

Plouguer; - 2° Délibérations de la communauté de ville (du 1 juillet '1687
au 30 mai 1694., composées de 8'1 rollets), et archives de la Fabrique. 3>
Série B (non classée), Cour royale de Carhaix. Archives départementales.

de dreSSer une liste des fabriques et abbés de la frairie de
Saint-Crépin (saint Cripin, Crespin et Crespinien, Crépain
et Crépiniain ou Crespignant), érigée en l'église de Plouguer.
1696-97, Nicolas Y ézéquel et Nicolas Gaultier, cordon-
1698-99, Guillaume Lohou, tanneur; 1699-1700,
niers ;

Louis Pré et Gildas Jaffré; 1700, Charles Brionne et
Savin, tanneurs; 1701, François Dalbé, maître-cor-
Louis
donnier ; 1702, Jacques Féno, maître-cordonI\ier ; 1703,
Pierre Jézéquel, cordonnier; . . . . . .. 1710,
Olivier Le Gros; 17U, René Le Floch; 1712, Maurice
Floch ; 1713, Maurice Le Goff; 1714, Joseph Carré;
. . . .. 1719-20, Laurant Coze ; 1720-21, Philippe
Jouan, remplacé par Claude Kermarec en 1722. Maurice Le
Goff s'intitule fabrique et abbé de la fabrice érigée dans la
chapelle du Grand-Frout, joignant la vieille église.» ,
De 1670 à 1700, .outre ceux dont nous écrivons les noms

plus haut d'après lés registres parois~iaux, nous relevons,
pour Carhaix, un chiffre d'une trentaine de cordonniers ' et
de quinze tanneurs, ce qui donnera.it pour la confrérie de
Saint-Crépin un recrutement <:J'une quarantaine d·associés.

Les cordonniers vivent sur un bon pied de fraternité et
acceptent volontiers le parrainage chez voisin du même
métier; mais la franche concorde scellée par cette 'alliance
spirituelle de famille à famille, semble-t-il, n'est pas
éternelle. '
. Le 21 mars 1670 (1), Gilles Glezran nomme un enfant chez
Alain Le Cam, autre cordonnier. Hélas! quatre ans exacte­
ment apl'ès', le 20 mars 1674, la femme de Glezran, Michelle
Lhermite, passait près ~u père du filleul de son mari, Alain
Le Cam. Celui-ci, ombrageux, interprète à mal un sourire
de l'épouse Glezl'an : cc Pourquoi riez-vous ? .... » Echange de
gros mots, bagal're et blessures,et Glezran de faire consigner
(1) Registres des baptêmes de Saint-Trémeur, 16iO.

avec soin, sur sa plainte à la justice « la haine que leur porte
de longue main ledit Le Cam ». Il est à présumer que cette
haine n 'avai t pas quatre ans accomplis etn'était pas plus vieillo

que Je filleul que Glezran tint sur les fonts en mars 1670 .
Les tanneurs ont leur quartier à Tronglévian et se
t.rouvent naturellement, par suite de relations quotidiennes
appelés à être parrains chez les cordonniers, leurs conrl'ères
en Saint-Crépin, àl'instar d'autre confrère de l'évesché.de
Léon (1) comme Jean Kernaon, tanneur, intervenant pour '
un baptême chez Louis Duault, cordonnier.
Le fabrique et Abbé de la frairie de Saint-Crépin érigée
en l'église paroissiale de Plouguer, énumère ainsi pour 1696,
les ressources de l'association: ,
Le reliquat de ses prédecesseurs : soit 13 livres.
Offrandes, 17 liv. 10 s, vente de . planches, 6 sols,
des maistres de la frérie, 15 liv. 1 s , pour l'octave de
Claude Guillou, 30 sols, ' de la veuve de Claude Guillou,
30 sols, . pour les droits de la frérie) 3 liv. 13 s., pour
~e testament de Jean Jaffray: 15 sols. Il c.onsigne un autre
détail concernant les enterrements où l'on envoie la torche,
en ville: 1 liv . 2 s. 6 deniers, et pour al~oil' en'voyé la torch.e
à l'e'nterrement du défunt curé: 15 sol~. '
En 1698, les oblations « dans les foires et rnarchés, de ceux
du dehors, se mçH,ltent à 10 liv. 9 s.
En 1701, ]e comptable accuse une recette de 23 livres
pour offraades plus « d'une partye des confrères de la
confrérie 7 liv 10 s, pour raisons de queste {àite parmi
eux. » En 1702, l'abbé a reçu des confréries la somme de

25 liv. 15 s., et pour la torche, 11iv. 2 s. 6 d.
Les offrandes ont été de 8 liv. 12 S.
Le compte de 1712, précise mieux le détail de la charge:
(e des maitres taneurs et cordonniers dit avoir reçu la sommo
de 6 Iiv-. 10 s. »
1) Hegistres paroissiaux, 1672 .

Des marchands tanneurs tant pour leur livre de cil'e que
pour leur frérie: scavoir à la foire de la Toussaincts: 8 liv ..
5 s., plus pour trois livres de Cire, receu de trois particul­
liers 31iv. 15 s.
A la foire de la My Cm'esme, aussy de marchands tanneurs,
rece'u 6 1. 5 s.
En 1719, le comptable se charge de la somme de 40 livres,
reliquat de son prédécesseur.
17 liv. 16 s . de différants particulliers pour leur frérie.
11 Ev. 9 s. pour la quette de différants particulliers.
3 liv. 5 s. pour la torche et la croix.
Produit du tronc, 31 liv. 13 s. 9 d.
« Trouvé dans le tronc de la plasse au Cherbon, 1liv. 2 s.
« Plus resu pour logmentation de l'argent, 6 livres. »
D'après ces comptes, nous voyons donc qu'il y avait au
profit de saint Crépin un tronc sur la place au Charbon: et
que les deux foires de la Mi-Carême et de la Toussaint
étaient une occasion de profit pour alimenter la confrérie,
et que l'on célébrait deux services funèbres par an et une
messe tous les lundis.
En 1696, le compte lu et publié au prône de la grand'­
messe de Plol;lguer, ,le 21 avril 1697, signé Le Drogo, prêtre,
v. p. ·de Carhaix, enregistre 15 livres payé au chapelain.
3 liv. 10 s. pour l'allumage; 5 sols pour le pied d'un
chandellier; 6 livres pottr les deux services.
« Pour avoir donné à disner aux prêtres le jour de Saint­
Crépin, 3 livres . 1)
10 livres pour avoir fait peindre saint Crépin .
121ivres pOUl' avo it' fait accommoder la presse (1) de saint
Crépin.
1698. En pain à champ, 10 sols.
Au sonneur de cloches, 10 sols .

(t) Ou armoire

1700. 18 livres données au sieur curé de la paroisse
pour avoir desservi la messe de ladite frérie tous les lundys
de l'année. .

Si nous nous en ' référons aux registres pal'oissiaux de
Carhaix et Plouguer pour faire un relevé des principaux
corps de métiers, nous trouvons au fameux. '( Chapitre des
chapeaux », attribué à Aristote, deux Pourcelet: Moriee
Pourcelet, chappelier de la ruë des Augustins, et Jean Pour­
celet; François Le Dain, Jean Le Tomin et Jean Jégou, tous
maîtres en cette profession.
La section de l' Habillement se trouve représentée par une
cousturiers et de maîtres tailleurs; de ces der­
légion de
plus notables: Jean Costic, Yves Caro,
niers, citons les
Ollivier Perceval, Germain Floc'h, Guillaume Le . Meur,
marchand tailleur, Guillaume Le Ny, René Le Goff, Jean
Le Roux, Claude Le Teste; à la porte de Motreff, un
Jégou ; à la rue Neuve, Jean Mazé et Yves Rivoal.
« bâtiment », nous trouvons comme menuisiers et
charpentiers, Mes Jacques Lamoureux, Jean Le Guen ,
Charles François: Martin Rivoal, Alain Rivoa.l, et Michel Le
aliàs Michel Madec. .
Madicq,
Les couvreurs d'a1'doises sont Mes Henry Jaffray, Henry
Herviou, Guillaume Hervo, Jean Le Seach et Hervé FravaI.
Les notables marchands et reconnus tels sont: Mes Jacques
Marion, Jacques Addès, Nouel Beauregard, Joseph Thépault,
Jacques Eslier, Guillaume Foucher, Yv~ Le Cocq, Olivier

Maheu (aliàs Mahé) Claude Du Val, Joseph Chevet, et
« honorable marchand. Thomas d'Hépault, fabricque de
lad. église de Saint-Trémeur (31 janvier 1672), et honorable
marchand Guillaume Le Moing, fabrique du Rozair'e »

(1) Reg . paroissiaux de Sain t-Trémeur .

Nous ne pouvons passer sous silence un corps de métier
parce qu'on le trouve à la ligne de
considérable en lui-même
l'artisan et l'artiste. entre le
démarcation établie entre

manœuvre plus ou moins avisé et celui qui,d'intuition,conçoit
ce qui est beau et noble .
Les peintres et sculpteurs qui ont travaillé dans la région
de Carhaix, dans ses églises et oratoires, de 1670 à 1700,
étaient maîtres Charles Henry, Laurent L'Olivier, Pierre Le

du Pays, Anthoine Lagarde, Michel Quérin,
Guern, Thomas
et René Le Pouliquart, tous peintres et sculpteUl"s :
Charles
qu'un seul menuisier qui
chose frappante, nous ne trouvons
temps sculpteur: Sébastien Morice.
fut en même
Ces artistes du crû et du terroir arrivaient à une époqne
où notre art religieux était frappé des premières atteintes
s'accentuer rapidement.
d'une décadence qui devait
A la fin du XVIl siècle, commence à dominer le mau­
vais goût qui fera badigeonner sottement nos sanctuaires,
aveugler ou éborgn,er les fenêtres, draper et orner à foison
sans compter nos autels de festons et d'astragales ...
Hélas ! le règne de Louis XIII 'avait été féçond en cons-
tructions d'un sens catholique et il semble en revanche que
l'époque de la Déclaration du Clergé,de 1682,soit le point de
départ d'une influence nouvelle et funeste à l'art relig'ieux, du
Basse-Bretagne. .
moins en
Un nombre indéfini de petits métiers représentaient l'in­
dustrie linière et chanvrière dans les différents quartiers du
artisans qui faisaient souche d'autres
pays. Ces modestes
modestes artisans semblaient avoir élu domicile à PlougLl~r,
à la Magdelaine, au Petit-Carhaix.
Les registres paroissiaux de Saint-Trémeur nous fournis­
sent le nom de quelques uns des principaux de cette « voea­

tion »: Yves Le Lay, Jean Cuéhuen dict Yan Vras, de la
Magdelaine; Augustin Le Borgne, ùePlouguer, Bernard Le

Roux, Jean Aubry, Mathieu Le Guyader(un nom prédestiné)(i)
titre de
Jean Rebours, et Ollivier Laurans, qualifié du
Maistre tessier, etc. Nous trouvons ' notables marchands de
toile comme Marguerite Troher (ou Troc'her), de famille

cossue et fort bien dans ses affaires et qui donna un chanoine
à la collégiale, devenu plus tard recteur de Plovan; Alain Le
Louarn.... .
Brognec, Yves Fraval, Morice Le
ur le vieux, il y avait bien encore d'autres
Travaillant s.
personnages industrieux, comme Jean Le Roux lJillotier
(pillaouer) (1671) et Jean Badin, le peletier (t670) qui spécu­
sur les peaux de lapins, de renards et des fauves de la
lait

reglOn. .
Une plainte adressée aux juges de Carhaix, 27 avril 1675,
par dame Geneviève Morin épouse de Pierre Viller Sr de Ker
gidigen, maître particulier des bois et forêts de Cornouaille,
nous informe des conditions ordinaires admises entre
le tisserand et son client, et les prix courants d'exécution
- d'une bonne pièce de toile.
La digne dame, au commencement du carême, fournit du
fil par lui ourdi à « l'appelé Morvan, tissier du pays de
» pour lui tisser deux pièces
Léon, reffugié à Trouglévian,
de toile de lin, l'une de {( cinquante et deux aulnes' à dem i­
aulne de laise, et l'autre de douze aulnes à une aulne de
laisse », à raison de 3 sols et demi pour la façon de celle à
et unze solz six deniers pour celle à gl'ande
petite laise
. ·laise. Le fil fourni en grande quantité fInit par
manquer. Morvan le gaspille et fait traîner son travail. La
ùame, fatiguée d'attendre, réclame ce qui a été tissé. Morvan
se fache, blasphême, veut frapper la dame « d'un gros os
tt dont il se sert ordinairement pour polir la toile », puis
prend un bâton, lorsque la dame de Kerguidigen put sortir
et prendre la fuite. Elle avait déjà envoyé poùr faire cette
(1) On sait qu'cn hreton GuyadeJ' signifie tisserand •

réclamation « dom Jean Martin », prêtre, et Jean Leguyader,
marchand, rue du Pavé, qui entendirent le tisserand récla­
mer douze sols pour la grande pièce et quatre pour la petite,
et jurant « qu'illauI'oit plus tôt coupper avec une hasche en
donner sans argent. » A Gilles Le
mille morceaux que de la
Louarn, cordonnier~ demeurant à Troglouvian, rue Couvé,
il fait observer que la dame avait fait arrêter son
trois jours, faute d'avoir fourni
métier depuis deux ou
fil.

Dans sa plainte, dame Geneviève Morin insiste d'autant
plus qu'il y a à tenir compte de « l'insolvabilité dudit Mor­
« van et qu'il menace de se retirer en son païs et emporter
« les dictes toilles en fraude de la suppliante. »
Dom jean Martin nous fournit le nom de cet artisan de
complexion irascible (c l'appelé Morvan est en réalité Morice
Larheur. Il est à croire que les autres tisserands de Carhaix
réalisaient les 'conditions de leur marché d'une façon plus
pacifique.
Si cet incident arriva, près des esprits mal faits, à compro­
mettre le bon renom des Léonards, il s'en fallait que ce bon
à l'occasion maintenu et prôné par des témoi­
renom ne fut
. gnages fort estimables, comme le montre l'épisode ci-des-

sous expose .

Un laboureur, François Philippe, demeurant au manoir
Cléder, au diocèse de
de Kermerc'hidy, en la paroisse de
a été victime du vol d'une jument de cinq ans, cc poil
Léon,
longue marque au front »), lui apparte­
baye noir ayant une
nant. et saisie par les larrons pendant qu'elle pâturait à
quelques pas de son logis. La bête chevaline et ses ravisseurs
ont pris la route de Carhaix, où Philippe vient leur donner
chasse afin de reprendre son bien. Nous ne savons l'issue
de ses démarches, mais lui et ses compagnons étaient munis
de fort bons témoignages:

1 ° Ils possédaient une attestation du « procureur fiscal et
« d'office de la juridiction des baronyes de K8rouzéré et de
« Tronjoly exercée au bourg de Plouescat et s'extendent aux
« paroisses dudit Plouescat, Cléder, Sibiril et plusieurs autres;
2° Le certificat suivant: « En qualité de recteur de la
« paroisse de Cléder, en Léon, j'atteste que François Phi­
(1 lippe est habitan de ma paroisse et honneste homme,

« auquel on a volé une jument pour prouver laquelle il a prié
« Mathieu Le Ru, Louys Nédélec et Jean Le Ber, toutz
« habitantz de ladite paroisse et personnes irréprochables,
« en tesmoin de quoy. .
«J e signe ce douxiesme juin mil six cents scoissante quatre.
« P. de Kersainctgily,
« vicaire général et recteur de Cléder. »
3° Ils étaient chargés de plus de remettre à « Monsieur
de Carahay »), la lettre suivante:
du Boas en sa maison
« Monsieur, je suis bien aise de trouver cest oquasionpour
« meinformer de vos nouvelles et vous prier en mesme temps
(/. d'une grace qui est de vouloir bien aider le porteur de
« cette lettre, le nommé Le Philip, qui est natif de cette
« paroisse de Cléder, qui a suivi une beste chevalinne que
« Ion luy a voIlé. M. le procureur du Roy la faict arrester, il
Cl porte avec luy un sertificat de M. le recteur de CIéder

« pour assurer qu'tl est honnette homme et nous nan envons
« pas d'autre en Léon.
« Je vous prie de protéger ce pauvre homme. A la parille
« si je trouve locasion de vous randre quelque service, non
« pas à la parille, car on [ra pas de ce pais voler des che-
(/. vaux en vostre pais: nous sorne honnettejans Pardon des
« painnes que ie vous cause et vous pris de me croare que
« ce vous suis, de tout mon cœur, Monsieur, votre très
« humble et très obéissant serviteur.
« De Saint-Gilles Kersainct Gily.

« A Kergournadech, le 12 juin 1694. »)

S'il était difficile d'aspirer à la charge de marguillier de
Saint~Trémeur (1), honneur réservé surtout à MM. les
officiers de justice ou autl'es robins, il était une fonction
accessible à l'homme du commun, à l'artisan et au petit
mal'chand. En dehol's des confréries corporatives de Saint­
Eloi et de Saint-Crépin, on pouvait devenir marguillier de
La Magdeleine, ou bien .de la chapelle de Saint-Thomas .
La Magdeleine n'est plus qu'un souvenir, un nom et un
emplacement marqué par quelques restes de murs. Les

rares comptes que nous possédons de cette chapelle
fournissent les noms de quelques marguilliers.
nous
1698-99, Charles Henry. 1700-1703, René Le Pouli~art,
remplacé par Yves Lohou, - . Puis les comptes manquent
jusqu'en 1713 ; René Le Bihan, remplacé par son beau-frère,
Paul Chuchuen, maintenu encore en 1720 .
Ces deux derniers étaient tisserands, et probablement
leurs prédécesseurs étaient de la mêm.e profession.
La chapelle de La Magdeleine avait comme ressource

principale et as~urée (( la ferme de la petite prée de Lamag­
deleine joignant d'un costé la rivière de La Magde-

leine. ))
En 1698, cette prairie valait 9 livres de revenu annuel,
puis elle fut affermée aux Révérands Pères Carmes Des­
chaux,de la ville de Carhaix, moyennant la somme de 10 livres
10 sols, puis en 1713, de 11 livres, de rente foncière.
Ce sanctuaire avait de plus comme occasion de rapport:
le petit pardon de Saint-Germain, en mai, le pardon du
même saint, en juillet, et le grand pardon de La Magdeleine.
Le produit des offrandes des pardons et des troncs semble
(1) Nous nc citons que pour mémoire l'importante Confrérie dit Rosaire,
instituée cn tG27, et que nous étudions, à cette heure, dans la Semaine
J 'elirriense de Q /lùnper .

donner une moyenne annuelle de 10 1. 10 ou 5 s. La proces-
sion du Saint-Sacrement s'y rendait, le jour .du Sacre, et les
offrandes des fidèles ce jour s'élèvent à une somme quel­
conque variant de 8 à 20 sols. Le marguillier enregistrait
d'autres modiques recettes: 1720 « Reçu de Magdeleine
Derien 30 sols donnés par Nicolas Dérien, par testament » ;
« Receu pour vente des Emondures des arbres du cimetière
la somme de trente sept livres. »
Pour cette opération, c'est-à-dire cs. pour couper et émonder
les arbres», le comptable avait dû débourser 3 livres.
Les dépenses ordinaires qu'il .avait à payer comprennent
le tiers du vicaire perpétuel, les décimes et la capitation
montant à environ 2 livres 10 sols, plus une consommation
de cierges et bougies de 2 livres, et 3 ou 4 sols de blanchis­
sage.
Le marguillier a toutefois des dépenses plus notables à
enregistrer.
En 1698, « pour avoir doré les deux charideliers quy sont
sur le balustre et la carrée au-dessus de l'autel. . 8livres.
, « Pour lajournée de deux couvreurs etdes lattes 18 sols.
cc Pour la figure de saint Anthoine de Pade. (sic) 15 livres.
En 1700, « payé pour un millier d'ardoises pour couvrir
l'esglise, 30 sols.
i: Pour le charoy, 25 sols.

c Au couvreur, 4 livres.
Cl Pour des clous, 25 sols. J)
En 1713, « pour faire faire une harière sur
le cimetière,
2 liv. 9 s. »
En 1717: autres soucis pris de la couverture ~e la cha- ·
pelle, 4 livres pour ardoises et 7 liv. 4 s. aux couvreurs, et
1 liv. 12 s. aux darhareurs et 41iv. 7 s. de clous. < •
En 1718, la toiture ~xige encore de nouveaux soins: '
Cl 3 milliers d'ardoises 6 livres, chevrons et lattes G livres.»

On retrouvera avec plaisir le prix des journées d'ouvriers
exactement spécifié:
(( llonné aux couvreurs pour 44 journées, à raison de douze
sols par jour, 26liv.12s. .
En 1720, le comptable eut à se préoccuper de dépenses
demande« décharge de la somme de
plus artistiques et
vingt et q'Utatre livres donné au sieur Laporte pour , les pein­
tures qu'il a (ait en ladzcte chapelle ».
Les marguilliers de SainVfhomas, au petit Carhaix,
paroisse de Plouguer: avaient une comptabilité moins com­
pliqué. Nous possédons cinq comptes concernant cette cha­
pelle et, sur les cinq comptables, nous trouvons Jean Le
Berre et Guillaume Lohou, marchands tanneurs, nous igno- ,
rons la profession des autres .
En 1697, les comptes des quatre dernières années se
montent en bloc à 42 livres. Le vicaire perpétuel sembl,e
faire parfois remise de .son tiers. Dans les testaments, on
n'oublie pas la petite chapelle:
1697. Marie Didellui laisse 2 liv. 5 s , et Jean J affray

15 sols; en 1700, Marguerite Gautier, 3.0 sols.
De ce côté, il y avait d'autres ressources, à en juger par
la décharge demandée par le marguillier de 1697 d'une
somme de 6 livres «( payée pour (t'ais d'un testament».
D'autre part, celui de 1700, se charge des ornements. du
d'argent et du reliquat touché d'Yves Quéméneur,
calice
soit: 63 livres.
La messe était célébrée dans la chapelle trois fois l'an:
« le jour'da pardon, le dimanche dans l'octave du sacre et
le jour de Saint-Thomas ».
Les offrandes, le jour du pardon, peuvent s'élever à 81iv.,
comme en 1702, où un mouton otfel't au saint, fut
vendu 2 liv. 7 s. 6 d. '

Les comptables ' paraissent .s'être préoccupés du soin de
la propreté avec un scrupule digne des ménagères de
Hollande.
u 2 liv. 5 s. en chaux pour blanchir l'Eglise Il
Dépense de
Dépense de (J 6 sols en savon pour blanchir et en vin pour
'la messe. »
1718. « Blanchissage pour l'année 9 liv. 6 d, 1)
En 1711, outre les articles portés ci-dessus, on voit « au
sieur vicail'e pour droit de tiers fixé de temps immémorial,
suivant .sa quittance, 6 livres.
« Aux jeunes gents qui ont portés les torches et la croix le
jour du sacre suzvant la coustume a donné un pot de scidl'e et
pour ce huict sols. »
1713. Le comptable demande « décharge de la somme
13 livres 10 sols pour dorer le calice à Morlaix »
1718. « Pour- des fleurs, 6 livres.
« A Jean Thomas pour une trille de fer pour maistre la

bougie, 5 sols.
1720. « A Monsieur Raoul, chapelain de ladite frairie,
pour une année de servir la messe la somme de 24 livres.
« Plus payé pour les deux services à Monsieur le vicquaire
et à Messieurs les prestres la somme de ,30 livres 16 sols .
Passe encore d'être marguillier si l'on aime les distinc-
le cœur
tions honoriques ou si on a profondément ancrée dans
la noble volonté de se dévouer au bien public. Passe encore,
grande et se fasse
. quoique la responsabilité du fabrique soit
sentir lourde et inspirative, lorsque les débiteurs étaient
et que le malheureux comptable devait faire
mauvais payeurs
risquer sa tranquillité dans un tas de
les avances ou
proces.
C'est autre paire de manches que d'être égailteurou asséeur

et collecteur, servitude encore plus pénible que le service
dans l'ancienne garde nationale.
répartir l'impôt entre les contribuables
La monarchie pour
'avait dû faire appel à ces derniers. Par l'ordonnance du 21

novembre 1379, Charles V fit élire les asséeurs et les co11ec-

teurs des aides par ( les habitants mêmes des villes et pa- .
C( roisses ou par la plus saine et greigeure partie, tel et
. « tant comme bon leur semblera,. en leur périlz ».
Albert Babean (Le r Dillage sous l'ancien régime, p. 240
et suiv.) nous renvoie à l'ouvrage de Boisguilbert: (Le détail
de la Franee sous le règne de Louis XIV) pour nous
rendre compte de la partialité, de la vénalité, de l'inca­
et asséeurs.
pacité que montraient souvent ces collecteurs
Boisguilbert les montre déchargeant les parents, et fer­
par les riches,
miers des seigneurs, se laissant corrompre
ter-
se réunissant au cabaret, pendant trois mois, sans rien
miner et soulevant des haines et des récriminations.
Lorsque le rôle, ou mandement était achevé et vérifié, il
pUQlié un dimanche à l'issue de la grand'messe, afin
était
que nul n'en ignorât le contenu : publicité nécessaire pour
empêcher les injustices trop graves qui auraient pu résulter
de taxes fix~es sur Papparence plutôt que d'après la réalité.
pm-tée au mandement
L'égail était la répartition de la somme
sur chaque contribuable, à proportion des terres roturières
. qu'il possède dans une paroisse: c'est cette proportion qui
être la mesure de chaque imposition.
doit
La répartition de la taille nécessitait quatre opérations

succeSSIves:
Le brevet, arrêté au cons,eil du Roi fixe le montant de

l'impôt à perce~oir dans chaque généralité;

2 Les commissions distribuent cet impôt par élection,
chacun; .
suivant la force contributive de

3 Les andements indiquent à quel chiJfre il s'élève par

chaque paroisse;

, 40 Enfin, les rôles déterminent ce que doit payer chaque
conteibuable. Les asséeu1"s et collecteurs chaegés de la con-
fection des rôles sont choisis et nommés par la communauté ..
C'est le système de l'impôt renouvelé de l'empÏl'e romain, ..
et on doit se rappeler que les curiales ou décurions, c'est-à­
dire les membres du conseil de la cité étaient forcés de
fournir de leur fortune et deniers propres ce qui manquait .
à la réalisation de l'impôt. Le résultat de ces mesures fut
qu'on ne trouvait plus de curiales, à moins qu'ils n'y
fussent condamnés par une sentence impitoyable. .
sujet, ce n'est pas Me Guillaume Le Ménez, sieur de
A ce
Kerdelleau, syndic de la vine de Carhaix, qui eut affirmé
que sa situation de magistrat municipal était dépourvue de
désagréments. .. .
Comme il le remontre à l'assemblée du 14 mars 1690, (i) le
8 précédent, il voyait arriver chez lui Me Alain Horellou,
huissier à Quimper, pour le contraindre,_ en tant que syndic
au paiement de la somme de 95 liv. 16 s. 9 d. pour la levée
extraordinaire des fouages du mois de janvier derniel'. Le
syndic dût le supplier de suspendre la contrainte et se
résigner à lui payer SPS vacations.
Son fils Fralwois 'l'rémeur, son successeur à la charge de
miseur de la communauté de Carhaix, six ans plus tard,
devait en faire la dure expérience; et au souvenir d'autres
séditions, demander avec supplication aide et assistance
« contre' une cédition popuUaire », comme on le voit par sa

plainte du 11 eseptembre 1696. François-Trémeur LeMénez,
sieur de Kerdelleau, conseiller du Roy, miseur de la com­
munauté de Carhaix, demande au siège d'informer sur le
sujet de sa plainte. Il dit c( qu'il fait la recepte de la taxe
« de la capitation de cette ville, et comme le nommé
« Guillaume Jourdren, cabaretier, ne vouUoit pas payer
cc trois livres pour le second terme de sa capitation avecq
('1) Registre des délibérations cie la Communauté de Carhaix.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXV. (Mémoires). 22

« les cinq deniers pour livre, ledit Jourdren se serait randu'
« chez luy esmeu de collère jurant excécrablement le sainct
«. nom de Dieu, l'auroit menacé de casser sa teste ayant une
« grosse pierre en main, et qu'à la première rencontre il
« aurait sa vie, et qu'il auroit aussi menassé la damoiselle
« de Kerdelleau sa mère de luy casser 'les dentz. Ce qui fait
cc quil a lieu de porter sa plainte y ayant beaucoup à

« craindre que sy Olt tollerent ces sortes d'insultes que cela
(c viendrait à une céditwn popullaire contre le supliant qui
(c ' ne (ait que suivre les ordres de Sa Maiesté. »
Si tel ne voulait pas être le bouc émissaire sacrifié aux
. nécessités des levées des deniers royaux, quelles ne devaient
pas être les répugnances d'un simple artisan chargé, par
ordre, de taxer l'artisan, son voisin?
L'ordonnance du 21 novembre 1379 disait fort bien que
les asséeuTS et collecteurs avaient été élus « en leur périlz » ;
ces élus de la communauté en savaient quelque chose et on
comprend leur répugnance à accepter cette corvée qui, s'ils
étaient droits et loyaux, pouvait doriner. occasion de soup­
çon.ner leur droiture et loyauté dans la répartition qu'ils
avaient à faire de la levée des deniers, c'était encore plus
vrai dans une petite ville où les rancunes et les rivalités
ont une acuité plus grande que partout ailleurs . .
Jean Laouénan, de Carhaix, en 1674, aurait abondé dans
ce sens. En effet, cet « honorable homme ») venait d'être
proclamé, en compagnie de Gildas Bocher et Pierre Raoul,
asséeur des Taillées pour le terme de janvier 1675. Ils avaient
dressé leur liste pour être lue comme d'ordinaire, à l'issue
de la grand'messe « en l ~église cathédrale de M. Sainct­
Trémeur ». Laouénan vient pour se resaisÎr de cette pièce
afin de l'envoyer au sieur de Kerdelleau, syndic, lorsqu'il se
voit suivi jusqu'à la porte de sa maison, rue au Fil, par
Jean et Richard Jou.rdren, père et fils, et Catherine Thépaut,

femme de Jean Petit; ceux-ci le traitent « en plein pavé »
de voleur, coquin, larron: (c Ta a" s eu dtt mn d'Espaigne pour
«( un cheval qui a esté dérobé .... Et sytu sors mes huict
« nous te traicterons sy bien à coups de pierres et autrement
« que tu auras bonne souvenance que si ttt Mets jamais
« Taillée comme celle que tu as mis tu te souviendras! )) La
scène ' se continue dans un langage poissard et avec des
imprécations que le latin lui-même auratt peine ft reproduire.
Dans les informations d'offices, 2/1 décembre 1674, ' le
bailli messire Jan Hervé recueille ces propos d'une manière
plus précise. Jean Jourdren explique sa mauvaise humeur,
en disant, au rapport de Jacques Biron, menuisier: (c Tu es
cc un volleur de mavoir mis ·quarante gt huict sols dans la
cs. taillée avecq mon fils. )) Les autres témoins déposent dans

le même sens: « lesdicts Jourdren, Thépaut et fille faisoient
« cette querelle parce que ils disoient ils avoient esté trop
« taxés... »
Du reste, il y a certaines époques plus difficiles que •
d'autres où ceux qui s'occupent de la chose publique ressen­
tent les secousses d'une fermentation populaire, d'un mécon­
tentement qui révèle un travail mystérieux de l'opinion. La
corvée devient plus insupportable, les charges se font sentir
plus onéreuses, ce qui fait qu'un beau jour, en attendant des
manifestations générales comme la réoolte du papier timbré,
on voit des incidents particuliers comme celui que signale Jean
Donval, facteur du messager de la ville de Rennes à Carhaix
et autres villes de la province. (Plainte du 27 juin 1673.)
La veille, se rendant de Carhaix à Rostrenen, « le nommé
Jean Guéguen, assisté de nombre d'autres personnes tl'avail­
lant à réparer le chemin par des ça une lieu de Rostrenen ,
l'aurait attaqué, battu, à coups de tranches et palles de fer
disant ces mots: Comment b ..... , tu es la cause que nous
sommes obligés de réparer les chemins, pourquoy il faut que
tu en goustes et nous te baillions centz coups 1-»

Les documents de la Cour de Carhaix (Arch. du Finistère)
état d'esprit révolutionnaire, une poussée de
révèlent un
qu'enregistrent des dossiers de « rébellion », au
révolte
jour le jour: une répression intelligente, vigilante, pouvait
esprits
seule empêcher la Révolution qui existait dans les
de se traduire dans les faits. .
M. J. Lemoine l'a fort bien montré dans son beau travail
sur la Révolte du pqpiër timbré .

Maîtres d'école. Chirugiens.
Notaires et Procureurs .
Commis des Aides et des Devoirs.

M. l'abbé P. D. Bernier, Ch IV de son « Essai sU1~ le
Tiers-Etat rural en Basse-Normandie » dit que « les petits
ruraux sous l'ancien régime sont l'instituteur,
fonctionnaires
le chirurgien, le tabellion, les hommes de loi et leurs agents,
les commis des aides et ceux de la Gabelle ».

Ce tableau des notabilités rurales s'applique tout aussi
bien aux petites et même bonnes villes, d'avant 1789 : là se
part, sortie du peuple et restant en
retrouve une hiérarchie à
rapport journalier avec lui, comme une émanation et une
Tiers-Etat.
sélection .des couches profondes du
Les doléances de la communauté de Carhaix (Reg. des
délib. de la collégiale de Saint-Trémeur, commencé en
fo 10) (1), pOl'tent, art. 2, des Vœux présentés aux Etats
généraux: « qu'il soit établi un collège en la ville de Carhazx
pour l'éducation de la jeunesse ».

(1) Assemblée. du 29 mars 1789.

Déjà dans la délibération de l'Assemblée de ville, du 12
octobre 1690, « présidée par JI. de Pomereu, commissaire du
oc Roy»', on lit sous la plume du syndic: (C De plus vous
remontre que « ladite communauté a beso~'n de votre autto­
«( rité pour entretenir suivant les lettres doctroy de sa
«( Jlajesté par les premières concessions, les deux régents
. « et mai3tres d'escolles pour l'instruction des enfants ou
« pauvres habitants en la doctrine chrétienne, vous sup­
« pliant de leur accorder tel appointement que vous jugerez
oc raisonnable » .
Ce qui semble hors de conteste, c'est que les habritants de
Carhaix se faisaient un point d'honneur de fournir au peuple
un enseignement public, noble volonté souvent contrariée
pal' les circonstances et les difficultés financières; noble
volonté qui se manifeste depuis bien longtemps, comme le
démontrent les efforts tentés dès 1606 et 1610, pour l'établis­
sement fixe et définitif, officiellement garanti, d'écoles à Cal'-
haix.
Des documents récemmment déposés aux archives.dépar­
tementales en font foi et leur importance est telle qu'ils
valent la peine d'être étudiés d'une manière plus spéciale,
à part, comme l'histoire d'autres notables; l'organiste
toute
et le spécialiste qui présidait aux destinées de l'horloge de
Saint-Trémeur.
la Collégial.e de
Dans cette période de trente ans (1670-1700) qui nous
occupe, nous relevons, aux registres paroissiaux, la signa-
ture de tl'ois maîtres d'école, suivie de qualifications plus
pompeuses: Pierre Jouannin (1670), Yves ·Pellée
ou moins '
(1679), Pierre Collet (1680), « maîtres enseignant la jeu­
nesse. » Dans son acte de décès, d1l3 juillet 1673, Me Pierre
J ouannin est honoré du titre de « maistre escrivain en sei-
« gnant la jeunesse. »
La Faculté et l'art de . guéri"r « saluberrima Fac~tltas, »
comme on disait autrefois dans nos Universités, est repré-

sentée à Carhaix par Me Saurat de La Marque, maistre chi­
rurgien, qnijouit de la plus haute honorabilité: Julien Le
Clerc, Claude Vacher (en· 1684, noble homme Maire de la
. communauté de Carhaix et en 1691, doyen des chirurgiens
de Carhaix); Me Pierre Touchart; Me Guillaume Le Ter­
millier; Me H. Julien Montfort « chirurgien et eommis aux
rapports de lestendue du siège de Carhaix et des sièges de
Gourin, Chasteauneuf, Landelleau et Huelgoët» (1) ; Charles
Touchait, Guillaume Fontaine et Me Pierre Yvon, beau­
frère, par Dame Michel Yvon, de Sauvat de Lamarque.
Avec un appoint de rebouteurs et matronnes, Carhaix n'était
pas trop dép ou t'vu de gens qui se dévouaient à la conserva-
tion o.u à la restauration de la santé publique.
Le corps des chirurgiens de Carhaix honorablement
établis, pour la · plupart, jouissant d'une considération
méritée par la dignité de leut' vie, était dépareillé par quel~
ques-uns de ses membres. Par exemple, Guillaume Fontaine:
quand il ne traîne pas son prochain en justice, y est traîné
lui-même; il semble avoir une exagération congénitale de la
bosse de la combattivité. Puis, ce qui lui était contraire,
il rentrait très tard dans la nuit, ce ' pouvait lui donner
occasion de rencontrer les Thépault: et alors, rencontres,
altercations suivies de coups et assignations où le malheureux
s'entendait traiter sur papier timbré de frQ,ter et de
« say disant chirugien ): Archives du Finistère; consul-
. ter les Procédures criminelles (1670-1680.) Quand il avait le
dessous il était «( plaintif et demandeur ») ; quand il avait le
dessus il lui arrivait d'être, à son tour, « accusé et défen-

deur.
arrivaient à se manger entre
les chil'ugiens
Parfois
les malades ne s'en portassent
doute sans que
eux, sans
'. plus mal.

(1) Ses experLises légal es sont rédi gées avec' une admirable clarté et une
discréLion de sLyle fort rare chez ses confrères du temps. .

Me Guillaume Le Termillier se maria le 27 novembre
1687 à damoiselle Marie Gloaguen, d'une famille de bons
bourgeois de Carhaix. Le Me chirurgien juré n'était pas de
ces professionnels qui livrent les secrets de l'art à un rabais
honteux, comptant serattrapper sur l'affluence des clients.
Ille faisait bien voir par la plainte qu'il déposait à la Cour,

le 27 juin 1690, contre Me Pierre Yvon « se disant chiru-
gien. 1l A cinq heures du soir, le samedi précédent, Marie
Jamet femme de Trémeur [ ... ] boulanger se transporta chez
Me Le Termillier pour le prier d'aller promptement à la
geôle pour panser et médicamenter son mari qui avait été
blessé au genou. Le praticien « lui mit Lapareil pour arres­
ter une émorogie de sang. » Conformément à la prière
instante du patient, Le Termillier se présente, le lendemain,
pour lever l'appareil: on lui dit que Me Pierre Yvon était
. venu vers cinq ou six heures faire un pansemen t après avoir.
levé l'appareil alors qu'il fallait le laisser en place au moins
vingt-quatre heures sans le toucher.
Si Le Termillier était de mauvaise humeur, ses observa-
du reste, à la violence; la plainte ~ . et l~s témoins à .
charge le reconnaissent. Il y eut paroles peu mesurées,
. voies de fait, agression et tout ce qui amène une plainte
en règle à la justice.
Le Termillier, qui tient à nous faire connaître son confrère,
tient dans sa plainte à nous démontrer que ce délit profes­
sionnel n'est pas un acte isolé, mais la conséquence d'une
façon de faire qui lui est coutumière.
« Et qu'il est encore vray que le mois. dernier une femme
riche de la campagne se transporta dans la boutique clud.
Le Termillier à dessein de se faire seigner et comme ne
voulaist donner que deux sols six deniers votre suppliant ne
voulut pas la seigner à moins d'avoir cinq sols, et estant sur
le seuil de la porte dud. Termillier, led . Yvon l'appella ce qui

n'est pas permis de faire l'un au préjudice de l'autre et la
seigna en mesme temps pour lad. somme de deux sols six
'1J. En opéeant la saignée, il protesta être prêt à trai­
deniers
ter toùt autre au prix qui lui conviendrait: «( ce qui est

défendu par les statuts dèS maîstres chirugiens »',
L'administration centrale eût à se préoecuper de l'Assis-

tance médicale et du service des hôpitaux de Carhaix. Nous
avons relevé, à ce sujet, sur le Registre des Délibérations de 0
la Communauté, les dispositions qui suivent: 0
Assemblée de ville d° u, 19 mars 1689.
« Le syndic remontre de plus que le sienr Desbignon Berthelot,
du conseil en date du 14'
docteur médecin, ayant obtenu un . arrêt
davril 1688, suivant délibération de ladicte communaulté qui luy
adjuge une somme de 200 livres sur nos deniers doctroy en consi­
des obligations y portées; il est de conséquance que led
dération
arrest soit levé et enregistré sur le registre de lad. communauté à .
scavoir si le sieur Desbignon veult à ladvenir lexécutter en la
forme, ayant aprins quil ne le pouvoit faire attandu, qu,et s'est
e ... tably en la l~ille de Quimper ». 0

« La communauté, . 0
« Sur cette remontrance et suivant la déclaration dud. Berthelot
de ne pouvoir rester en ceste ville, ayant faict son establissernent

à Quimper, la eommunaulté a nommé en son lieu et place M'

Claude Vachet, maitre chirugien, lequel a accepté la commission aux
par led. arrest du conseil, lequel sera enregistré
conditions portées
et demeurera loriginal par devant led. sieur sindic
Extraict des registres du, Conseil d'Estat •
« Vu la requeste présentée au Roy estant en son conseil, par le
sindic de la ville et commùnaulté de Carhaix, en Bretagne, qllil y a

dans ceste ville de1lx hvspitaux, lun pour les pauvres malades qui
est gouverné par des relligiellses, et lalltre pour les pauvres valides '
appelé Ihospital général, lesquels sont dans une extreme pauvreté
et à tel point quils nont pas le moyen davoir un médecin, qui est la ,
chose la plus nécessaire aux bospitaux et principalement à ceux fondés
pour les malades; ce st pourquoy c'est un des plus grands biens

que l'on leur puisse procurer et à toute la ville est dengager un
de sy establir pour secourir les malades hmt riches
habile médecin
la communaulté avoit résolüe par délibération du
que pauvres,
6' novembre 1686 d'arrester le sieur Bertelot, médecin de luniversité
de Reims, qui depuis deux ans est venu demeurer en la ville de
. Carhaix, où il a donné de grandes marques de sa suffisante capacité,
de son zèle et affection au soulagement des malades de la ville et
notamment des pauvres malades des deux hospitaux, quil a
les soins et par les remèdes qu'il leur a donné, mais
secourus par
ne peut lobliger à sestablir tout à fait en ceste ville
dautant quon
Iuy arrester des gages raisonnables, il auroit esté présenté
sans
requeste par led. sindic aux sieurs commissaires députés par
Maiesté aux Estats tenus à Sainct-Brieuc, lannée dernière, pour
faire pourvoir led Berthelot d'une pension de 400 livres par chacun
an ou à prendre sur les octrois etrevenus patrimoniaux de la ville,
requBste ayant esté renv'oyée à Sa Maiesté par ordon­
mais cette
du 17' octobre 1687, le sindic se seroit retiré par devers elle
nance
et luy auroit remontré que la ville ou communaulté de Carhaix peut
aisément payer cette pension aud. sieur Berthelot, sans quelle soit
à charge au public dautant que cette communaulté ne doit plus rien
que toutes ses dettes sont payées et que ses charges ordinaires
Il restera des revenus de ses octrois et deniers patri­
acquittées.
moniaux beaucoup au delà pour fournir ceste pension à quoy
désirant pourvoir, ouy le rapport et tout considéré le Roy estant en
son conseil a permis et permet à la communaulté de Carhaix de
payer par chacun an, après les charges ordinaires acquitées au
la somme de 200 livres de gages à prendre sur les
sieur Berthelot
revenus des' octroys et deniers patrimoniaux à commencer du l
jour du présent mois davril, tant et si longuement quil y fera sa
résidance et quil y visitera et assistera les malades à condition
q'uil sera tenu de visiter et assister de ses soins, sans autre
rétribution, tous les malades des dC'ux ho~pita ux et les pauvres
habitans de la r ille "dans toutes leurs maladies. Laquelle somme
de deux cents livres sera adioutée aux charges ordinaires de la
'ville portées .par larrest du conseil du 28' Juin 1681.
« Fait au Comeil d'Estat du Roy, Sa Maiesté y estant, tenu a
le 14' jour avril 1688, ainsy signé Colbert. »
Versailles,

l y avait de plus, à Carhaix, un apothicaire:poitevin d'ori­
gine, qui, ainsi qu'on le verra par les pièces ci-dessous,
après avoir commencé ses études dans son pays, vint les
terminer à Morlaix. .
Timbre de la Généralité de Poitiers (22 juin 1680).
« Le vingt-deux' jour de juin mil six cen quatre-vingt, après
midi, nom François Chambault, maistre apothicaire, demeurant en
la ville de Cholet, et Jean Daniel émancipé procédant sous l'auto­
rité de Perrine Marolleau, ma (sic) mère, demeurant à Mauléon,
soubz signez avons f~it marché d'apprantissage et convention qui
ensuivent à scavoir moy Chambault ay promis et moblige d'ensei­
gner auq. Daniella profession et lart de pharmatie et chirurgie (1).
Tel que maistre peuvent faire sans rien lui receler, de le norir,
blanchir lever et coucher. Et ce pendant le temps de deux années
entières et consécutives pour commencer au jour et feste de la ·
saint Jean-Baptiste prochaine et nous ay promis et moblige envers
ledit sieur Chambault de luy obéir ainsi quapranti sont remis faire
il maistres et moblige en outre de luy payer pour leq. aprantissage
la somme de quarante ecus en argent. Et la somme de dix livres
pour epingles, de laq. somme moy Daniel may présentement délivré
auq. Chambault la somme de trante livres six sols trois deniers que
jay ce jonrdhuy receu de Jean Daniel mon oncle qui me debvoit pour
ma part et portion de cent vingt unf) livres cinq sols provenant des
successions des feus Mathurin Daniel et Perrine Charon mes ayeuls
suivant lacte passé par Cosneau, notaire à Mauléol1 le quatorze de
may mil six cent soixante et dix-sept. Et le surplus montant cent
livres, il en recevra quatre vingt dix livres des Révérends prieurs
religieux chanoines de labbaye de la Sainte-Trinité de Mauléon
d'huys en un an, et dont luy mettray le billet du père procureur
dicelle abbaye toutefois et quantes an regard de la somme de dix
livres dans un mois prochain fait à . Mauléon en double sous nos
seings privés auq. Mauléon les jours et en que . dessus.
« Chambault, Jean Daniel. » (2)
(1) Le mot chi1'1.w(jie a été ajouté en surcharge dans le texte. .
Le 13 juillet 1 (j~H, Me Chambault délivrait à son apprenti un certi­
Deat constatant que Jean Daniel l'a Ddèlement servi pendant deux ans,
et qu'il se déclare « sat-is{aict de sa conduüte et du payement. »

Jean Daniel,quatorze ans après,nous apprend,15 novembre
1694, dans une requête au Sénéchal, que par arrest de « la
« Cour du vingt-sixième octobre il avoit esté envoyé devant
« les maistres apothicaires de Morlaix pou?' procéder à ses
interrogatoires et faire les autres actes requis et accous­
tumés ». Mais voilà qu'au greffe Me Larcher de Kerincuff
refuse de lui rendre cinq pièces qu'il y a déposées, dont
« les attestations des services signé de Chabrol, apothicaire
« de Madame de Guise, de Charmoy, de Bonnecampt et
cc Ollivier, médeci.n de la Jlarine ».
Il rentra en possession de ses papiers et put exercer pour
le soulagement de l'humanité souffrante.

Les nobles (1) se rattachaient par quelques points à l'aris­
tocratie de la cité, mais ne la constituaient pas à eux seuls.
Cette association se composait principalement des officiers
de justice, de finances ou de la Maison du Roi, qui possé­

daient leurs charges, et, depuis l'édit de la Paulette, les
transmettaient à leur famille. Recl'utés parmi les marchands
ou les praticiens enrichis, ils se regardaient comme supérieurs
à eux, et, détenant une partie de l'autorité, luttaient à forces
égales contre 1;:1 municipalité, lorsqu'ils ne parvenaient pas
à la dominer en s'y introduisant. Ils formaient autant de

corps qu'il y avait de juridictions: parlement, chambre des
comptes: grenier à sel, droits forains, eaux et forêts: ils
avaient autour d'eux la clientèle nombreuse et active des
procureurs, des notaires, des huissiers et des
avocats, des
formait un ensemble redoutable,
sergents. Leur réunion
qui pouvait résister au;x; corporations des marchands et des

artisans.
« L'acquéreur n'avait pas toujours l'argent néce·ssaire
pour payer sa charge; il empruntait, il était gêné, il s'effor-
(1) T. I. p. 37 et 38. La ville sons l'Ancien 1'égime .

çait de vivre aux dépens de ses concitoyens. » Voïez, dit un
marchand de Reims, en parlant des gens de justice d'Eper­
nay, voïez combien de gens à r:onger un O~, à se p.,.omener
sous la halle, à parter de nouvelles et à c7.ercher à manger
comme des chenilles (1). » Mais à côté de ces gens de loi
faméliques se trouvaient les représentants de familles
locales, qui remplïssaierit leur charge avec honneur et dé­

sintéressement, sans autre ambition que de la transmettre à
leurs enfants. "
« La Bruyère affirme qu'il y a une chose que l'on n'ajamais
vue sous le ciel, et que selon toutes les apparences on ne
vel'ra jamais: c'est une petite ville qUl n'est divisée en
aucuns partis. Les officiers de justice et de finances y sont
même divisés entre eux; les uns sont èxemptés de tailles,
tandis que les autres y sont soumis comme le reste des
procureurs, les notaires, les
habitants. Mais d'ordinaire les

sergents, qui forment la clientèle des magistrats, se grou-
pent autour d'eux dans les luttes qu'ils soutiennent contre
marchands et les artisans. »
les

M. Albert Babeau, auquel on peut adresser parfois la
trop généraliser, a crayonné de main de maître
critique de
le tableau de ces officiers de justice et de finances et de leur

rôle prépondérant, encombrant, dans la vie d'une ville de
provlllce .
A Carhaix ils tiennent le haut du pavé et si on tente de les
après s'être mis à la
dénombrer, on se décourage bien vite

tâche. En effet, on en retrouve à tous les coins où s'embusque
une" juridiction. On croit en avoir fini avec eux, que l'on voit
surgir, on ne sait d'où, un officier d'importance, ou un déten­
teur d'office subalterne: c'est « un controlleur et commis
ancien alternatif traval et quetraval des consignations de la
1l, « commis à la marque des Imbotz » ou « à la
juridiction
(1) Ouclart-Coquault. Mémoires publiés par M. Loriquet, II, p. 460, cit6
A. Babeau.
par

recepte des taux et amandes de la juridiction de Carhaix »,
ou tous autres. Leurs rangs sont si denses, si ser'rés que

l'on arrive, avec une inquiétude bien légitime; à se demander
comment ces gens font pour vivre: ils vivent de leurs
offices, il est vr~i; mais comment arrivent-ils à vivre de
leurs offices?
Nous trouvons une liste officielle d'une partie notable de
ces gens attachés à la Cour à titre de notaires, procureurs,
huissiers, sergents, priseurs et arpenteurs Elle est dl'essée
par MeThomas Dondelet datée de l'année même de la Révolte
du Papier timbré, si bien qu'on y voit taxé le 25 septembre
1675 le malheureux Sébastien Le Balp, tué le 3 du même
mois, par Montgaillard, au château du Timeur.
Thomas Dondel, escuyer sieur de Brangolo, conseiller du Roy,
recepYeur des fouaiges et autres deniers royaux de levesché de
Cornouaille, aux cy après nommés, procureurs, nottaires, huissiers,
et arpenteurs royaux de la juridiction royale de
sergeants, priseurs
Carhaix; salut, . .
Suivant la commission à nous donnée parM. d'Harouys,
des Estats de Bretaigne en date du 12' mars 1675, enre­
trésorier
gistré à Quimper le 5' avril dernier, au greffe, pour les taxes cy
après, nous vous mandons que vous ayes chacun de vous à nous
payer dans nostre bureau ches le sieur de ChampripauIt, à Quimper,
en un seul payement,dans le dixiesme doctobre prochain, les sommes
auxquelles vous aviez esté taxés pour jouir et exercer vosdicts
offices suivant lordonnance de nosseigneurs les Estats de Bretaigne
dans leur dernière assemblée thenue .à Vitré en 1674 .
Les procureurs, nottaires, huissiers chacun 42 1. 13 s. 4 d.
Les huissiers ès eaux et forests et sergeants généraux et darmes
à chacun 34 I. 6 s. 8 d.

Les sergeants royaux à chacun 16 1. 18 s. 4 d.
Priseurs et arpenteurs à chacun 13 I. 16 s. 2 d.
A quoy vous ne fairez faute à paine destre courus contraint
la rigueur des ordonna~ces et comme pour les propres
suivant

deniers et- affaires de Sa Maiesté. A I-Iennebond, le 26' septembre
1675. Doudet.
Suict le rolle ç1u nom des officiers de la jurisdiction royale de
Carhaix. Emplois auxdicts rolle et subjets à ladicte taxe .
11 prOCltrenrs. Estienne Glaziou; Pierre André; Christophe
Rospabu; Pierre Tonneaux; Claude Guillou: Allain Chauveau;
Michel Revault; Bonaventure Mével; Yves Daffnet; Charles
. Audry; Henry Garnier. .
28 noltaires royaux. René Daffnet ; Michel Ferrec; François
Ollivier Lauzet; Yves Le Boédec; François Larcher;
Guillaume;
Christophe Rospabu ; Guillaume Thépaut; Yves Rioual; Sé-bastien
Le Balp; Henry Le Roullier ; Jan Quéméneur; Jan Le Put; René
du Drézit ; Guillaume Quénemeur ; Allain Chauveau ; Claude Dagorn ;
Michel Revault ; Guillaume QUillec; Yves Le Délivre; Gilles Bochez ;
Yves Guillou ; Nicollas Lamotte ;.Guillaume Jouan; Pierre Connezre ;
Thomas Guillou; Jan 'Thibanlt; Mathieu Le Roux.
Huissiers. Thomas Esmard ; Phelipe Estienne.
Huissiers des eaux et forests. Gilles Renet; Nicollas Destable ;
Jan Fleury.
Généraux d'armes. ' Thomas Rosselin; Ollivier Renet.
Sergents royaux. Jan Le Put; Yves Marion; Mathieu Cauzic ;
François Jan; Pierre Brassart.
8/ prisenrs et arpenteurs (beaucoup en même temps notaires
et procureurs) . -- Le sieur de La Boiessière Kervil' ; le sieur de La
Varenne; le sieur de La Garenne Bouday ; le sieur de Keradennec
Kerenor; le sieur·de Lestavet Le Coz; e&cuyer Yves de Suasse;
escuyer l)helipe Emanuel de Launay; La Roche-Huon; François

Bahezre, etc.
et arpenteurs que ceux
Nous ne citons de ces priseurs
supériorité de classe ou
dont le nom semble indiquer une
noble extraction.
Dans la Déclaration de la ville de Carhaix, publiée le 24
septembre 1675, à la suite de la mort du' notaire Le Balp (1),
nous trouvons comme avocats signataires de ce document .:

(1) La révolte dite du Papier Timbré, pal' M. J . Lemoine, p. 269 .

F. Gobert, C. Lozanne, T. Guillet, J .-Joseph Le Gog'al, F.
Touchart et autre Me Touchart.
• Nous devons y ajouter Jan Dupaïs . .
Dans le ressort de Carhaix il y avait un nombre très
grand de justices seigneuriales qui comportaient nombre
d'officiers de judicature. Ces juridictions inférieures,
souvent odieuses et toujours exposées à la suspicion
légitime des justiciables, étaient recherchées ou récusées
d'après les craintes ou les espérances des parties engagées.
Le 20 juillet 1700, Guillaume-René Dieulangard, premier
huissier-audiencier, dresse llll procès-verbal de rébellion
contre Marguerite Laurans, veuve de Pierre Raoul, du
Moustoir, à laquelle il vient signifier une ordonnance du
procureur du Roi. Celle-ci refuse de le suivre et répond sans
une hésitation « qu'elle ne relève pas de la cour royale, mais
bien de celle de Trébivan », où, sans doute, la justice se
rendait enfamille . .
Mais la cour royale était obligée d'évoquer à sa barre
nombre d'aqaires qu'elle retirait à cette justice boîteuse et
louche de petites juridictions locales que la monarchie elle­
même travailla à entraver, à éteindre, en attendant une
suppression qui aurait été effectuée, même sans 1789 !
La pièce suivante montre que c'était un bien à souhaiter
que cette disparition définitive d'une institution qui ayant pu

rendre des services n'était plus qu'une occasion d'abus.
« A Monsieur le sénéchal et premier magistrat du siège royal de
Carhaix supplye humblement Charles Quilcnff, pauvre villageois
de la paroisse de Plonévézel, disant que sur le . dénoncy
faiet aux officiers de la juridiction de Rozqui.geau contre
quil a
Jacob Bézegan, Nicolas Larhantec, Guillaume Le Bras et leurs com-
plices, Ils auroient estés décl'ettés de prinse de corps avec sai sye
et annotation de biens et lesdicts Larhantec et Brns emprisonnés aux
de ce siège, et quoy qu'on ait ouy en charge contre eux,
prisons
plus de quarante tesmoingns lesdicts officiers de Rozquigeau les

favorisans av6illt négligé d'instruil'e leur procès à raison de quoy
et de ce que lesdicts Bezegan et Larhantec tienent comme de pré­
cidanl le peuple en subjecti.on par le port d'armes, Et quy pour
cau'se dlldict denoncy espient et recherchent le temps d'assassiner
le pauvre suppliant, - il a esté obligé de le faire entendre en la
la cour, laquelle par arrest du vingt et neuffiesme décembre dernier
a esvoqué l'instance criminelle pendante en la jurisdiction dudict
la renvoyée devant vous pour estre instruicte et jugée
Rozquigeau et
avec toute cognoissance de cause, et considérées qu'il vous plaize,
Monsieur, voir ledict arrest de la cour à ceste attachée et en consé­

la commission portée et ce faisant ordonne qu'à la
quance recevoir
diligenee de Monsieur le procureur du Roy le greffier de ladicte
juridiction de Rozquigeau sera dès ce jour et autres signiffié pour
dellivrer et mettre au greffe de ce siège toutes les charges et infor­
mations criminelles faictes en ladicte jurisdiction contre lesd. Bézé­
gan, Larhantec et Bras, pour passé de ce estre procédé à l'instruc-
tion de leur procès avec fraicts de quy il appartiendra attandu la
déclaration qua toujours faiet ledict Quilcuff de n'entendre ny ne
voulloir estre en aucune manière partye auxdicts accuzés laquelle
déclaration il repette encore d'abondant par le présant et ferez justice.
1672. Signé Thépault, greffier.
7 mars
Ce commandement fut signifié le 2 mai 1672, à M'Alain Chau­
veau, greffier de la juridiction de Rozquigeau, par M' Ma: Rozic,

sergeant royal.
Les juridictions seigneuriales relevant de la cour de Car-
haix reçurent un coup terrible par l'arrêt de la Cour du .

Parlement de Rennes du 5 septembre 1708. Leur compétence
à son minimum par l'évocation au siège royal
était réduite
de Carhaix des cas royaux tant au civil qu'au criminel. L'ar­

rêt concernant la cour de Lannion, et dont les dispositions
étaient étendues au siège de Carhaix, énumérait 10 cas
au criminel 34, et « tous « autres cas
royaux au civil, et
royaux dont l'énumération serait trop longue » .
,. Â rrest de la cour de parlement.
« Qui déclare l'arrest du 5 Novembre dernier; rendu pour la Juris­
diction Royale de Lannion commun pour celle de Carhaix, et en

conséquence conformément à ic.eluy, fait défenses au~ 'Juges
Subalternes de connoistre des Cas Royaux sous la Jurisdiction Royale
de Carhaix; leur Ordonne d'en renvoyer la connoissance aux Juges
dudit Carhaix, à peine de cassation et de nullité. » .

. Extrait des Registres de Parlement.
« Veu par la Cour la Requeste de Jean Raguideau de la Ramliere, ,
Conseiller du Roy, Seneschal de Carhaix, contenant que les Juges
et Officiers qui relevoient de la Jl1risqiction Royale de Carhaix,
affectoIent contre la ' disposition des Ordonnances, et des Arrest et
Reglemens 'de la ' Cour, de connoisire des Cas Royaux, quoyque
la connoissance leur en estoit interdite, et qu'ils devoient renvoyer
ces sortes 'de matières devant ledit Senéschal de Carhaix, auquel
seul la connoissance en apparteilOÎt privativement aux autres Juges.
Ce déreglement avoit donné occasion aux Juges Royaux de Lannion
d'en porter leurs plaintes en la Cour, laquelle par son Arrest du
cinquième novembre dernier, avoit fait défense aux Juges Subal­
ternes de connoistre des Cas Royaux sous la Jtirisdiction RoyàÎè de"
Uinnion ; leur Ordonnoit d'en renvoyer la connoissance aux Jugês
de Lannion, à peine de nullité et de cassation ; ét aurait pèrtiiis de
faire lire ledit Arrest où requis seroit.
c( A ces causes, ledit Exposant requeroit qu'il plût à ladil'e Coar
voir attacpé ledit Arrest, et en conséquence le déclarer commun
pour estre observé et executé dans toute l'étendue du ressort de la

Jurisdiction Royale de Carhaix, et en conséquence 'et oonformément.
audit Arrest faire défenses aux Juge~ et Officiers sous le ressort
dudit Carhaix, de connoistre des Cas Royaux, sur les peines y
. portées; et leur enjoindre d'en renvoyer sur le champ la cOlllwis:-
sance audit Seneschal de Carhaix: et afin que personne n'en
ignore, Ordonner que l'Arrest qui interviendroit seroit lû et publié
à l'issue des· Grandes Messes des paroisses, à l'Audience publique
de ladite Jnrisdiction de Carhaix, et aux Audiences des juriSdicttons
qui en r131evoient : Ladite Requeste · signée desdits Ràguideau .
seneschal, Jean Joseph Vener procureur du Roy,. et Le Breton pra­
cureut : Considéré.
« La Cour a declaré l'Arrest d'icelle du 5 Novembre dernier j rendu
pour la JUrisdiction Royale de Lannion commun pour c~lle de
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXV. (Mém(}ires). 23

Carhâix, et en conséquence conformément à iceluy, fait défensès
de connoistre des Cas Royaux sous la Juris­
aux Juges Subalternes
diction Royale de Carhaix; leur Ordonne d'en renvoyer la connois­
à peine de cassation et de nullité:
sance aux Juges du dit Carhaix,
Et à ce que personne n'en ignore, Ordonne que le présent Arrest
Qù requis sera. Fait en Parlement à Rennes le
sera lu et publié

· cinquième Septembre 1708.
« Signé, M. Picquet. »
, « Lft et publié à l'Audience publique dudit Carhaix du quin­
1708, tenuë par Monsieur le Seneschal et premier
zième Novembre
· Magi~trat dudit Siège, le requerant le Procureur du Roy, pour estre
teneur; et envoyé aux Jurisdictions et
executé suivant la forme et
Paroisses du Ressort dudit Carhaix, pour y estre pareillement 1ft et
publié afin que personne n'en ignore.

M. de la Villemarqué (1) fait du maltôtier une peinture
saisissante. « Il y a, dit-il, trois sortes de personnes,
selon un ancien proverbe breton, qui n'arriveront point
au paradis, tout droit par le grand chemin; c'est à
savoir: les tailleurs (sauf votre respect), dont il faut neuf

pour faire un homme, qui passent leurs journées assis et
qui ont les mains blanches; les sorciers qui jettent des
sorts, soufflent le mauvais vent et ont fait un pacte avec le
·diable ; les malt6tiers (les pereepteurs des contributions)
qui ressemblent aux mouehes aveugles, lesquelles sucent le .
sang des bêtes .
.. «le maU6tier est d'ordinaire querelleur, bavard, bel

« esprit, beau parleur; il est même facétieux et assaisonne
· « 'Oolontiers de gros sel ses vexations légales. »
. L~ malt6tier est l'expression la plus odieuse du fisc et de
ses' ag~nts ; c'est l'aspect la plus répugnant, la façon d'être
la plus antipathique de l'Administration centrale. Les com-

· (1) BarMs Brei1.; p. 322 : ( L'orpheline de Lannion. »

mis des devoirs font bande à part, une classe séparée qui
saurait trouver ni ° sympathie, ni autorité morale. Si un
de ces fonctionnaires privilégiés, généralement étrangers
au pays, est bas-breton, il n'en sera que plus exécré. La
marque et les droits de « trop bu » sont des tyrannies que
le peuple maudit. Du « trop bu », il faut que ces mes
sieurs en trouvent, s'ils veulent mériter de l'avancement.
Les prétextes pour verbaliser ne manquent pas et les
prises est partagé entre les employés et leurs
bénéfices des
supérieurs. L'appât du gain les anime et étouffe en eux toute
pitié, et lorsque l'indignation populaire éclate en rébellion,
exaspérés par la résistance, par la haine populaire, ils

deviennent cruels et voient rouge!
Les abus de pouvoir relevés à ~eur compte expliquent les
actes de rébellion et de rassemblements armés qui accueq­
laient leur apparition dans un quartier, lorsque s'élevait le
cri d'alarme: Voilà les maltoutiers ! (1)
Pierre Derien, 13 février 1674, hôte à Pont-Melvez, était
à Rennes pour affaires: trois records opérant pour le compte
du Sr Le Gac, fermier des devoirs, apportent une contrainte
contre Pierre Derien absent. Ils exagèrent les ordres qu'ils
ont reçus, expulsent la femme de l'hôte et son enfant, brisent
les armoires, s'emparent de l'argent,couchent dans la maison,
faisant main basse sur tous les comestibles et sur le vin, et
se retirent, après ce carnage, laissant la clef à un sergent;
et au bout d'une douzaine de jours, sans uneJormalité de jus­
tice, ils reviennent et emportent tout ce qu'il y avait dans la
maison. Le 3 mars, le sergeFlt pénètre par la fenêtre dans
l'asile qu'avait trouvé la femme Derien ; il se saisit des meu-
bles et de l'argent qu'on y trouva. De ce chef, Derien
(1) Cf. Les procédures cl'iminelles du siège de Cct1'haix : les officiers .de la
sénéchaussée agissent passivement: ils poursuivent mais sans conviction,
on voit bien qu'ils n'ont pas un enthousiasme outré pour la Maltôte
son personnel et ses procédés,

réclame des juges à la Cour de Rennes, 14 mars 1674, et il
est renvoyé pour demander justice et réparation devant
la Cour royale de Carhaix. '
Nécessairementla fraude devait être grande, en raison de la
région, alors conta- '
consommation de boissons faite dans cette

minée par l'ivrognerie. Si on examine les procédures crimi-
nelles de Carhaix: plaintes, 'interrogatoires ou informations
d'office, on relevera trois fois, au moins, sur cinq,
l'ivresse intervenant comme circonstance du crime ou
On' retrouve invariablement la for~ule ' « esprins de
délit.
vin Il pour caractériser l'état mental des parties ou de l'une
s'agisse d'attentat à la propriété, à la vie ou à
d'elle, qu'il
l'honneur.

La consommation étant grande et désordonnée, la fraude

devait se faire sur une grande échelle :
La pièce suivante nous édifiera à ce sujet: '
« MM. les juges royaulx de Carhaix supplie humblement noble '
homme Jan Le Gouverneur sieur de Cheduboif faisant pour Me Tho-
mas Courtin, fermier général des grands et petits debvoirs des
estats des vins, cildre et autres breuvages quy se débitent au bail­
de cette jurisdiction.
lage
( Disant que quelque chose quil aye peu faire ny les veilles et
se soit donnés depuis quil faict la recepte desdits debvoirs il
soigns quil
luy a esté impossible de pouvoir empescher les paroessiens de Scri­
et de Poullaouen particulièrement de frauder et débiter des
gnac
vins tous les ans entr'autres en la saizon de Carnaval, quy est la
saizon ou les debvoirs doibvent plus valloir au suppliant par le
debit que feroient les cabarettiers quy debitent dordinaire auxdites
Mais des me~chandz et malins fraudeurs prenent pied et
paroisses,
se font forz de ceste saizon pour débiter clandestinement, partages
et vendre à vil prix à potz et à pinte au préjudice des
entre eux '
droitz de Sa Majeste quy véritablement sont tous péris et ruinés,
le pied, disent-ils, quilleur est permis au Carnaval de se resjouir
sur
Et quo y que par plusieurs arrests et seu-
et festoyer leurs amys.
. tences lesdits fraudeurs ayant esté condemnés pour le promp débit

partage et vente quils ont ainsy faict des vins tous les ans avec def-
fense de récidiver, ce néantrnoins les mesmes fraudeurs ont encore
en la saizon du Carnaval dernier débité clandestinement fraudé et
partagé pl'L('s de quatre vingtz bariques de vin par contravention
au bail général, arrests et reglementz et sentences donnés vers eux
en conséquence en ce siège. Ce que voyant le suppliant s'est veu
obligé de faire descendre des nottaires royaulx a vec ses commis
jurés en leurs demeures lorsquil a pu sçavoir quilz achetoient des
vins, et car y a quelque peu de temps après encore faict de rescheff
descendre ou Ion a trouvé les futz vides et les vins débitez en fort peu
de .jours et en autre partie partagée. Ce quy est vérifié et prouvé à
veue d'œil par le peu despace de temps aucquel ils ont faictz lesditz •
debitz par les procès-verbaux desditz commis et nottaires en dabte
des vingt et troisiesme febvrier, huictiesme mars et autres jours
suivantz (9 avril 1672).

. La procédure suivante , nous montrera les maltôtiers en
leur , procureur qui ne chômait pas
campagne, flanqués de
souvent et longtemps.
Un beau dimanche de janvier 1675,. le temps vraisembla­
blement était exceptionnellement beau et clément, Yvon Le
La Magdela~ne, âgé de 33 ans,
Bihan, maître tonnellier, de
prit fantaisie d'aller du côté de Tronjolliff faire une partie de
cidre.
La grand'messe venait de finir; il rencontre Pierre Le
Bras, 23 ans, « texier ». qui venait, portant son fusil, « affin
« de tirer avec des estourneaux » , puis Pierre Le Brun, com­
pagnon-maréchal chez . Jean Le Rumen, qui parti immé­
après l'office à Saint-Trémeur, allait . avec Jean
diatement
Borgne pour se rendre chez ce dernier à Kergallet,
afin d'attacher une pièce quelconque à une . armoire. Yvon
(1 un , gobelet
Le Bihan, homme prévoyant, avait apporté
d'estain dans sa poschette »), et fait venir de chez Louise
Guinigou un verre et un buire ou pot de « sept pintes de
ci~dre .à un soult la pinte »). Survinrent de plus pour prendre

'part à la fête Jean Bréal, coutturier, Jean Brionne, boucher,
et Hervé Fraval, 21 ans, « picotteur de pierre » l Mathurin
Lebideau, 17 ans, compagnon boucher, et Yves Crec'hquil­
livic, 44 ans: celui-ci eut dû, par pudeur, lui pris en flagrant
délit contre les Devoirs, taire du moins sa qualité « d'assis­
tant au Record» ! Tant il est vrai qu'à Carhaix, par un côté
quelconque, de près ou de loin, ils appartenaient à la Justice
ou la Finance, s'en targuaient avec beaucoup de com­
plaisance; déjà mûrs qu'ils étaient pour le fonctionnarisme.
Nos Epicuriens dégustaient leur cidre dans un parc
nommé Par-ar-Feunteun, près de la fontaine, aux doux mur-
mures de la source, à la distance de 150 pas de, Tronjoliff,
mais les commis des devoirs surveillaient, surprenaient les
délinquants, Que faire avec des gens qui avouaient et avaient
la conscience tranquille, puisqu'ils avant payé ce qu'on leur
avait demandé? Ils avaient fourni toutefois un renseignement
qui ne tomba pas à terre : le nom de leur fournisseuse:
Louise Guinnigou.
, On se rend donc à Tronjoliff pour enquêter.

Cette fois, en compagnie, sur ordre du sénéchal, de Pierre
André, procureur, on donne, victorieusement « pour appuré
« qu'il n'y a aucun brandon, fouillet ny enseigne d'aucune
«. hostelleruye à la porte au-dessus », On découvre, dans le
cellier cinq fûts dont trois pleins de cidre; un vide et l'autre
l'étant d'un demi,'quart: « l'on a fraîchement tiré du cildre
« par picquets outre les douvelles d'une barrique sont toutes
« mouillier de cildre )), Dans la chambre au-dessus, on
trouve un fût fraîchement vidé, et en bas, un baril de cinq
ou six pots, aussi tout humecté « et paroist avoir sorti du
cildre nouvellement
Les réponses de la veuve et de ses trois filles sont iden-
tiques comme une leçon concertée et bien apprise: Elles ont
sept barriques de cidre: « van du une à honorable femme
fait

Madellaine Le Brun, hottesse ' de la ville de Carhaix, et uné
autre à Nicollas Floc'h. geollier des prisons du siège" pour
la somme de neuf livres la baracque à conditions de bailler
à ladite Guinizou une baricque vide s'Ur le marché: restent
cinq baricques, dont une est en perce ».
A la requête du procureur, on se rend au manoir de Ke­
rouriou où « parlant à Marguerite Lelan, servante domesti que ,
de Mademoiselle du Hilly, nous a dict que ladite Guinigou et
ses enjfents n'avoient laict faire que quatre barœques de .
cildre sur lafin de l'année. » Ce témoignage receuilJi, avec
les charges relevées plus haut, mettaient les commis' des
devoirs en mesure de conclure, sans jugement téméraire,
qu'ils avaient mis la main sur un débit claudestin et de faire
procéder en conséquence la sénéchaussée de Carhaix, et '
Louise Guinigou dut savoir ce qu'il en coutait de frauder les
,commIS. ,

Nous trouvons peu de poursuites pour fraudes sur le tabac, '
dans la période qui nous occupe. Citons ' pour mémoire unè ,
contravention constatée, vers midi, le 19 septembre 1690l.à la

requête de Me Nicolas du Plantier, adjudicataire général de ,"
la ferme et vente exclusive du tabac de France, un jour de
m'arché devant la boutique de Marie-Anne Dupaïs dite Tra-
guant.Là se trouvait un homme qui vendait de , la « chan-
delle de rozine dans deux grands paniers de somme,» : aufond
d'une poche de grosse toile dissimulée dans un des paniers,
les commis ambulants perquisitionnant trouvèrent, un reste
« de rolle de tabac anglois non plombé ni marqué de la ,mar-
( que ordinaire dudit Plantier. » Le délinquant est seques- ,
'tré dans les prisons de Carhaix « pour y estre , pouri au
pain du Roy». Il déclare se nommer /François Le Borgn~,
dit demeurer au bourg de Cléden, puis se reprenant, se
déclare de Kergloff. Interrogé « doù il prenoit son tabac de
fraude, a dit quun soldat le luy avoit vandu ». Le ~abac,

pe~aJ1~ <;leux 1ivres, fut confisqué ainsi que les deux paniers,
un pe~.it san de' sel et trois paquets de « chandelle de

rozme ".

Le 16 juillet 1700, nous trouvons une autre contravention
à Kergrist, de fraude sur des tabacs cachés dans une écurie
PpF \ln v~let domestique. '
Les vins do.ux d'Espagne, très prisés par le populaire, et
le vin d'Aunis, parvenaient par Morlaix et aussi par la voie
d'Hennebont. . -

Le duc de Chaulnes, écrivant de Rennes, le 30 juin 1675,
à Colbert (1), pour presser le remboursement des avances

qu il avait faites pour le service du Roi, énumérait entre
autres' dépenses urgentes qu'il avait dû faire, le prix de cinq
. voyages pour' des Anglais habitant Morlaix, envoyés sur les
côtes de la Grande-Bretagne pour suivre, dans la 'Manche,
les' opérations de l'escadre de ' Ruyter; plus « toutes les
. 1;>ater-ies qu'il fît faire au Conquet, pour la deffense de deux
gesGentes, ~ ... pour les travau.x de Brest, lorsquestant pressé
de les (1,clteper, ,il fit donn~r un extraordinaire au;x: tra-
vai?[eu.rs quit y fit venir deux toz's au nombre de plus dix
miUt ~ •.
Cette levée de terrassiers et de gardes-côtes avait produit
dap~ la Haute-Cornouaille un trouble profond,. dont nous
trollV{)nS up retentissement dans la façon dont les commis

des çl~voirs furent traités à cette époque. dans la surexci-
tation qui éclate qans les faits qui motivèrent les procédures
suivaptes. '
OIUv\er Allexandre et .Pierre Bruneau, commis jurés d~
la Marque, faisant pour Me Charles Trépaigne, fermier
général des devoirs, le 11, 12 et 13 juin 1674, font 'leur visite

M. J. Lemoine, documents,
("1) La Révolte dite du Papie1' timbré, par

ordinaire chez les hôtes et cabaretiers de là ville de Carhaix
et bourgs de Ruergrouas, Poullahouen, Saint-Udecq,
Scrinacq 1 Bolazecq, Ploura'h, etc. (en tout 23 lieux cités) ,
où, disent-ils, «. nons naurions trouvé auchun débit ni dimi­
te mition de leurs vins depuis nostre précédente visite.
te Ce qui nous a obligé de leur demander pourquoy ils ne
tt débitoient pas, ils nous auroient faict réponse que nous
(c devions bien scavoir les raisons pourquoy ils ne débitoient
(c point et que la cause est de ce que tous les gentilshommes
t( habitants et la plus grande partie des peysens estoient
(e allez à Brest les uns pour travailler aux forteresses et
« les autres pour empescher la descente des Hollandois sur
« les costes et que par ces moyens, nous pouvionts pas
« trouver du débit et que lavenir nous entrouvrions encore

« bien moins, puisque tous les payssens auroient esté
Cl obligés de quitter leur travail pour aller à la garde aux
« costes et que mesme il y avoit quantité de pauvres gens

t( qui auroiem esté obligés de vendre ta plus grande partie
(e de leurs hardes pour agetter des armes et quils séthon-
cc noint de ce que nous allions chez eux. ».
Les commis retournent le 7, 8 et 9 juillet dans les mêmes
23 localités et (C advertissent tous les hostes et cabaratiers de
« porter de l'argent du débit, quils ont faict pendant le quar­
« tier d'avril dernier ». Ils ne rapportent qu'une réponse
encore plus catégorique: tt Qu'ils n'en ~voient poinct
tl et que touts ce qu'ils en avoient leurs mary et
enfant lavoient emporté à Brest et autres endroits où ils
« estoints à fê;l.ire la garde depuis plus de six semaines ou
« deux mois, et que sils en avoient encore qu'ils aimeroint
« mieux le garder que de le donner au recever (sic), et qu'ils
« se mocquoint de tout ce qu'on leur pou voit faire et que
« nous ferionts bien mieux d'aller avec leur mary garder
« les costes que de leur demander de largent !) .

Le 23 juillet, dans leur procès-verbal de visite, Jean
Penost et Jean Rebotier, commis de la Marque, sous le
Rostrenen, enregistrent la même note: ils récla­
baillage de
ment dans vingt-quatre paroisses « des cabaretiers et autres
débiteurs des debvoirs de payer ce qu'ils doivent tant du
quartier de janvier que de celuy d'avril J). Ils 'essuient le
par les mêmes motifs, signifié avec la
même refus justifié
même insistance, et « qu'ils ne se mettoint guère en peine
«: de menace que nous les faisions de les faire contrainte
« par huissier et que nous serions bien mieuœ d'estre aussy
(J. à garder les costes que d'est-re à demander de largent à
« des gens qui n'en avoint poinct Il ! .
Ainsi parlaient les femmes, et l'on sait, par expérience,
l'appoint que leur passion exaspérée apporte aux chances
d'une révolte:
sergent voyer et son assistant ont reçu
Nicolas Marion,
commandement de se saisir de Guillaume Savin, accusé de
Me Noël Beauregard. Ils arrivent à cet
l'homicide de defunt
effet au Roscoat, en Maël-Carhaix: les parents et voi1;lins
s'ameutent, et détachent les chiens; on veut casser la tête
au malheureux sergent, mais un détail horrible nous est fourni
par le 'cahier de répétitions de lite Nicolas Marion (1) et de son
assistant: Une de ces femmes, Catherine Jourch, disait avec
instance à la femme dudit Savin qui portait un .petit enfant
sur le bras, (c egorger et teurtre le col à son enfen afin de
trouver occasion de faire pendre ces voleurs ))!
De telles gens étaient pour l'émeute des recrues implacables,
prêtes à tout, le jour où ]e mot d'ordre leur aurait été donné,
temps de calamités, pour faire savoir au Roi
en des
dans son Louvre que là où il n'y a rien, le prince perd ses
droits. .

Abbé ANTOINE FAVE.

(1) 12, 13 et H décembre 1 9.)