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Bulletin SAF 1898


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Prise de Carhaix en 1590

H. Bourde de la Rogerie

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XXI.
PRISE DE CARHAIX EN 1590

Les archives départementales du Finistère se sont récem­
ment enrichies d'un certain nombre de documents concernant
la ville de Carhaix, le papegaut, l'entretien de l'horloge et
des fontaines municipales, le payement des gages du maître
d'école, la nomination des députés aux Et.ats, etc. (xvn
XVIIIe ' siècles). Parmi ces titres se trouvait la pièce que
nous publions et qui semble êt re sortie probablement à
l'époque de la Révolution du chartrier des représentants
de la famille Olymant de Kernegues.
En 1737, Charles-Joseph Olymant, maître des eaux et
forêts de Bretagne: époux de Renée-Catherine des Cognets,
'voulut faire admettre son fils Toussaint parmi les pages du
Hoi; mais il se trouva fort embarassé quand il fallut pro-
duire des titres justificatifs de sa noblesse antérieurs à la fin
du XVIIe siècle (1). A cette époque en effet les Olymant
tenaient un rang relativement considérable à Carhaix, mais
n'étaient pas considérés comme nobles. Dans les nombreux
actes concernant Guillaume Olymant, greffier de Carhaix,
René ' Olymant, bailli des juridictions de Landeleau et de
(1) Olymant, sieur de la Ville Jaffl'ez - de Kernegues, Kernor, Keroul'lo,
par. de Plouguer Carhaix Kerdudal Botivez, par. du Faouet­
Goullo, par. de Plouray Kerdaniel. Maintenu au conseil de 1717, ressort
de Carhaix. D'argent à 2 fasces de gueules au chef de sable qui est Ker­
negues. Guillaume, greflier de Carhaix, marIé en 1577 à Catherine dame
de Kernegues. Charles Joseph, maître des eaux et forêts de Bretagne
confirmé ou anobli en 1698 et Renée-Catherine des Cognets dont Toussaint,
page du Roi en 1i37. La Branche de Goullo, fondue en 1613 dans Hervé
.René, sieur de Launay, déboulé à l'intendance en 1701 (Potier de Courcy.
Nob. de Bretagne, 3 édition).
Des lettres patentes de janvier 1676 autorisèrent cette famille à aban­
ùonner son nom Olymant pour prendre celui de Kernegues. (Archives du
Finistère. E. 664, 38.)

Châteauneuf, Yves Olymant, recteur de Plouguer, on ne
trouve nulle part leur nom accompagné du titre d'écuyer ni
même de la banale qualification de noble homme. On ne
pouvait l'avouer à d'Hozier; au contraire on voulut lui faire
croire que les anciens parchemins de la famille avaient
disparu dans' l'incendie de Carhaix en 1590. Dans ce but
deux notaires royaux copièrent des passages bien choisis
d'un vieux manuscrit conservé au couvent des Augustins de
C.arhaix qui relatait les malheurs supportés par les habi tan ts
de cette malheureuse ville pendant les guerres de religion.
Ces extraits faits dans un-but intéressé ne sont malheureu­
sement ni très considérables, ni peut-être très fiqèles. Les
notaires durent faire subire certaines modifications au texte
qu'ils copiaient; nulle part ils ne mentionnèrent la qualité
de Guillaume Olymant qui était « greffier de la ville» (1).
Cette situation modeste cadrait mal avec les prétentions de
ses descendants. Ce premier travail demeura probablement
dans les papiers de la famille; une nouvelle transcription

fut faite, d'une façon tout à fait fantaisiste et envoyée à
Paris; elle est aujourd'hui conservée dans l'ancien cabinet
des titres à la Bibliothèque nationale (1). On nous montre G .
Olymant bataillant sur la brèche et coupant la main droite'
de Liscouet, l'un des chefs des assaillants (2), on ajoute que
« ne voulant point se rendre il fut fait prisonnier» (?) ;
son parent René Olymant à la tête de 400 cavaliers combat
jusqu'à la nuit (3). Ce n'est pas en ce qui concerne la
(t) Le chanoine Moreau. Hisfoire de ce qui s'est passé en Bretagne. Ed.
Le Bastard de Mesmeur, p. 85.
(2) L'existence de cette copie nous a été révélée par la mention qu'en .
a faile Mme la comtesse du Laz dans son très intéressant travail SUl'
Carhaix, ses monastères et ses châteaux (Revue de Bretagne et Vendée,1898.)
(3) Le chanoine Moreaù attribue ce fait d'arme au prêtre Linlouet. Il.
ne semble pas que Guillaume Olymant ait pris une part active aux
combats de Carhaix.
(4) D'Hozier se laisse sans doute convaincre puisque le jeune Olymant
en 1737 au nombre des pages (Potier de Courcy, op. cU.)
fut admis

famille Olymant que le manusérit de Quimper et encoré
moins le manuscrit de Paris méritent grande confiance,
permettent d'ajouter de précieux détails au récit
mais ils
cependant si détaillé de la prise de Carhaix, que nous a
laissé le chanoine Moreau.
manuscrit sur lequel furent faites ces copies est proba­
blement perdu. En 1737, il était déjà dans le plus pitoyable
état « la couverture usée l~angée de vers, mites, usée,
rompue ..... les premières pages usées de vieillesse, rongées
par la poussière..... » On ne pouvait lire le
et effacées
premiers feuillets. Ensuite commençait
, contenu des douze
une sorte de chronique de Carhaix; au folio 23 on trouvait
la, transcription de l'enquête faite en mai 1591 par Maurice
Bahezre, conseiller du Roi et son lieutenant juge ordinaire
la juridiction de Carhaix, en vertu d'une commission du
. Conseil d'Etat et des finances établi àNantes; le récit des faits
Carhaix reprenait au folio 53 par la
concernant l'histoire de
mention des fêtes célèbrées en cette ville, le 12 octobre 1895,

à l'occasion de l'absolution donnée par le pâpe à Henri IV.
Ce manuscrit ne semble avoir été consulté par aucun histo-
rien à moins qu'on ne doive le reconnaître dans ce mémoire
manuscrit cité 'par D. Taillandier (1) comme l'une des sources
récit de la prise de Carhaix.
de son
Dès l'année 1588 les habitants de Carhaix, tous bons
engagés dans l'Union, avaient dû prendre
catholiques et
pour préserver leur ville contre les attaques
quelques mesures
garnisons protestantes o,u royalistes des châteaux voisins;
des
Toussaint de Beaumanoir, baron du Pont et de Rostrenen, \
était un voisin particulièrement dangereux (2).

(1) Histoire de Beetagne. Tome 11, page 398.
(:2) Toussaint de Beaumanoir ne fut pas l'instigateur de la surprise de
Carhaix du 5 septembre 1590 ; il etait mort à Rennes le 17 mars précé·
dent et ses derniers jours avaient été consacrés au siège d'Ancenis (Com­
tesse du Laz, La Baronnie de Rostrenen. Vannes, 1892).
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXV. (Mémoires). 17

Les Carhaisien~ « firent à grand frais faire quelques clô­
tures en la dite ville et prirent les armes et appellèrent. à
leur service des gens de guerre qu'ils soudoièrent à leurs
frais et dépens )) (1 ), mais une pièce de mars 1591 nous
apprend de quelle façon bizarre et imprudente était organisée
la défense: « Les délibérations concernant les affaires de
ladite ville estoient faites en prosne de messe ou autres lieux
publicqs où mesme les étrangers assistoient et en avoient la
congnoissance de quoy a procédé le moien et subject de la
prinse de ladite ville, joinct lemespris et refus que fe.soient
aucuns des particul~ers et gens de justice de participer et
assister auxdictes délibérations et assurer l'exécution
d'icelles .. , .. )) (2). Ces gens de justice étaient \l'ailleurs fort
suspects aux ligueurs: le 20 février 1590, Jérôme d'Aradon
écrivait en son journal: « Mon frère de Camor retourna de
Kerahèz où il y avoit esté pour prendre le séneschal et pro­
cureur de Kerahèz qui étoient du party des Huguenots,
nonobstant qu'ils avoient signé l'acte d'Union..... le jeudy
XXII dudit mois mondit frère de Camors s'en alla à Vennes
et mena avec lui ledit séneschal de Kerahèz à Vennes. »
Les royaux connaissaient le mauvais état -des défenses
Carhaix, ils savaient aussi que le 4 septembre 1590, la

fille de Guillaume Olymant, greffier de la ville, devait épouser
Antoine Silly, de Quimper. Pour cette fête tous les
parents, tous les amis de Carhaix, de Quimper et des châ­
teaux voisins devaient apporter leurs « plus beaux ameu-
(1) Ces précautions n'étaient pas inutiles. « Il se faisoit toujours quelques
charges sur les paysans de Basse-Bretagne qui estoient en grand nombre
en armes et le sieur du Liscoet en deffit plusieurs comme aussi les sieurs .
La Tremblaye et SalTouette; la guerre était fort
Kergomar, Bastenay,
en ce pays là pour être riche, de sorte que les gens de guet'l'e
agréable
enrichirent et le nommèrent le Petit Pérou Il Journal de Jean du Matz
de Montmartin, Histoire de Bretagne, H, 292.
(2) Requête présentée aux Etats de la Ligne en mars 1591 par les habi­
tants de Carhaix, publiée par A. de Barthélemy. Choix de documents
de la Ligue en Bretagne, Nantes 1889. .
inédits sur l'histoire .

bements )), leurs plus précieux bijoux soigneusement cachés
'depuis le commencement des troubles (1). Il Y avait un
·butin à faire. Le lendemain des noces au point dujour
riche
alors que les habitants sans doute quelque peu fatigués des

mur
fêtes de la veille dormaient encore, l'ennemi assaillit le
de l'enclos des Augustins et pénétra dans le couvent et de
ville sans rencontrer semble-t-il de résistance. Il
là dans la
faut lire dans le chanoine Moreau et dans la relation
publions le récit de tous les excès qu'ils
anonyme que nous
En vain les habitants des paroisses voisines
commirent.
r s'armaient; les bandes indisciplinées des paysans de Pleyben,
Plounévez-du-Faou, Collorec, Cléden, Landeleau, Plouyé,
Huelgoat, Châteauneuf, Lennon, Loqueffret, Spézet, Bras­
part \ri~rent se briser contre les troupes bien aguerries des
vainqueurs (2). Les royaux cependant ne s'établirent pas à
demeure à Carhaix. En 1!S91, Maurice Bahezre, lieutenant
H.oi en la cour de Carhaix (3), put faire une enquête et
dresser un procès-verbal constatant les ravages causés par
l'invasion. De nombreux témoins furent convoqués et racon­
tèrent longuement les maux qu'ils avaient soufferts. Remar­
trait semble avoir frappé tout spécia'lement ces
quons qu'un
déposants: le malheur de cette pauvre ville devenue déserte
et inhabitée au point de se trouver dénuée de tavernes
hôtelleries !
En 1592, La Fontenelle vint se fixer à Carhaix dans la col-
légiale Saint-Trémeur transformée en forteresse. Le
sejour
(t) Le chanoine Moreau.
(2) Il semble quand on lit le chanoine Moreau que la prise de Carhaix,
le massacre des paysans et l'incendie de la ville se passèrent à très peu de
jours d'intervalles. Notre document, au contraire, établit que la défaite
des habitants de Pleyben, etc, et l'incendie de Carhaix, eurent lieu
vers la mi-novembre, c'est-ft-dire ' deux mois après la prise de la ville
(5 septeml)re).
(3) Le 30 août t590, Maurice Bahezre avait fait une enquête du même
genre sur le pillage par du Liscouel du château de Tymeur appartenant
de Plœuc.
à Vincent

de ce soi-disant catholique ne fut sans ' doute pas moins
dommageable à ses coréligionnaires que le passag'e de leurs
ennemis déclarés. La ville se releva très lentement de ses
ruines: en 1593 les habitants demandèrent aux Etats de la
Ligue des exemptions de fouages qu'ils ne purent obtenir (1)
et jusqu'au milieu du XVIIe siécle on les vit, écrasés de
dettes et d'impôts, indiquer l'incendie de 1590 comme la
cause de la décadence de leur ville. Au nombre des maisons
brûlées se trouvait le presbytère; les recteurs durent pen­
dant longtemps attendre la construction d'un nouveau logis:
les paroissiens reconnaissaient le bien fondé des réclama­
mations, mais arguaient toujours de leur pauvreté pour
demander des délais qui se prolongèrent au moins pendant
cinquante ans. En 1610, le recteur Yves Olymant vQulut se
faire donner quelques meubles : « 3 charlitz bois de chêne,
un buffet pareil bois, ungne paire d'armoires, 2 coffres, 2
leurs escabeaux, 2 charniers .». Ces prétentions
tables avec
étaient modestes; les paroissiens cependant s'étonnèrent
qu'il leur demandât « sy grande quantité de meubles » et
offrirent « 2 charlitz, un buffet, un coffre, une table pour
servir à la cuisine et une petite table pour son estudde, un
charnil~r ». Force fut au recteur de se contenter de ce ·mobi-
lier d'anachorète (2). .
Un siècle plus tard cepandant Carhaix était redevenu la
siège de Carhaix
cité commerçante d'autrefois. L'union au
de plusieurs juridictions, les foires importantes et très
fréquentées lui avaient redonné une véritable prospérité
. qu'atteste le nombre de ces tavernes et hostelleries (3) tant
regrettées des déposants de 1590 et redevenues plus nom-
breuses que jamais.

(1) A. de Barthélémy, Choix de documents. etc., page 9:2 .
(2) Archives du FInistère, série E, Carhaix. .
(3) M. l'abbé Favé .: Bourgeois et gens de métier' ct Cm'haix (1670-1700) .

Relation de la prise de Carhalx~
Extrait fidel1emept collationné et tiré d'un vieux manuscrit
en forme de registre anciennement relié, réglé et millésimé,
dont la couverture, où il ne reste qu'un petit titre de par­
chemin, se trouve mangée de vers, mittes, usée, rompue et
en partie déchirée et les premières pages se trouvent percées
mangées de vers et usées de vieillesse et par la poussière,
lequel manu,scrit a été présenté et communiqué à nous
soussig~és notaires royaux de la sénéchaussée de Carhaix
par' le révérend Père Buriot actuellement supérieur du
couvent des Augustins de cette ville et le seul religieux y
restant à présent où nous n'avons veu dans tout ledit manus­
crit qu'une écriture ancienne, que celle des premiers feuillets
est tellement usée, rongée et effacée par la poussière et
moisissure que l'on ne peut en distinguer les caractères et
ce qu'ils portent, qu'il s'y trouve des feuilles déchirées et
enlevées et après avoir lu et examiné ledit manuscrit avons
veu et leu ce qui suit :

. Sca'l2oir q'u'au 13 feuitlet verso et au 14 recto et verso, il
est expressément inséré et écrit (1) qUG Guillaume Olymant,
sieur de Launay, fut fait prisonnier de guerre lors de la
prise de la ville de Carhaix par les troupes des sieurs de la
Tremblay, Liscoat, Coatanroch et autres le mercredy 5
septembre 1590 par ce que ledit Guillaume Olymant et les
habitants de la ville de Carhaix soustenoient le party du Roy

Henry IV et qu'ils avoient juré et protesté la Sainte Union

(1) Mme la Cse du Laz n'a donné que quelques extraits du manuscrit
à Paris (Bibliothèque Nationale, Fonds français, 22.311, fol. 107
conservé
et suivanLs). Nous 'reproduisons en note les passages qui se trouvent en con­
tradiction avec le manuscrit de Quimper tel que celui-ci: « il est expres­
sément l1wrqué que ledit sieur du Liscouet ayant monté à la brèche y perdit
la main droite qui fut coupée par le sieur G. Olymant de Launay, ce qUÏlllit
tellement en fureur ledit sieur du Liscoët qu'il mit le feu aux quatre
cie la ville et surtout dans la maison dudit sieur Olymant de
coins
Launay ... »

des catholiques parle .commandement et suivant l'édit du
sur ce
deffunt Roy de bonne mémoire Henry tiers de ce nom
fait au mois de juillet 1588, et parce qu'ils n'avoient voulu
serment et à icelle renoncer après le décès du
révoquer ledit
seigneur Roy auroient été mal voulus par ceux qui tenoient
parti contraire à ladite Sainte Union (ce sont les propres
termes rapportés dans ledit manuscrit) et après plusieurs
et entreprises faites contre ladite ville de CarhaiX
menaces
par· le party contraire, enfin ledit mercredy 5 septembre
1590 environ le point du jour et un peu auparavant Me Gilles
du Drésit et Laurans le Goff, corporaux, etant en charge
depuis le soir précédent fut ladite ville surprise par lesdites
troupes au nombre de quatre à cinq cents hommes de guerre
sans compter les laquais et goujats et après avoir pillé et
ravagé tous les meubles de plusieurs de ladite ville et entre
autres ceux de Guillaume Olymant comme apparent de ladite
ville, qui fut conduit au château de Quintin et la rançon
dudit Guillaume Olymant fut taxée et arrètée à quinze cens
et trois écus par jour pour sa dépense
écus de principal
durant son emprisonnement (ce sont les prop1'es termes rap­
portés dans ledit manuscrit) où il est rapporté ensuite que
la rançon de Guillaume Olymant montant à la somme de
quinze cens quatre vingt 'huit écus fut payée à toute rigueur

le dimanche 23 jour du même mois de septembre et par ce
moyen ledit Guillaume Olymant sortit de son emprisonne-
ment et au folio 15 recto et verso il est raporté que les de
PIŒmc, Blerrin, Euzennou, Lohou, Cabornais, Kerampuil,
Baherre et autres anciennes maisons et familles des environs
de Carhaix se cotisèrent et firent des emprunts pour lever
la rançon dudit Olymant.
Dans ledit manuscrit, au folio 23 recto et verso, il est
rapporté au procès-verbal fait par Maurice Bahere, con­
et son lieutenant juge ordinaire en la juridic­
seiller du roy
tion de Carhaix, en vel'tu de commission de messieurs du

Conseil d'Etat et des Finances établis en la ville de Nantes
en datte du 14 may 1591, luy adressée, signé Préchin, pour
informer des ravagements, brulements, rançonnement."
emports de lettres de la trésorerie de ladite ville et des mai­
sons des particuliers, des greffiers et autres dégats et ruines
faites en ladite ville de Carhaix et sur les habitants dudit
Carhaix par les troupes des gens de guerre depuis le commen­
cement des présents troubles et principalement depuis la
prise de ladite ville qui fut le 5 septembre 1590, dans lequel
procès-verbal il est rapporté, que visitant le greffe dudit
Carhaix, les registres estant les uns en déal, les autres en
feuillets séparés ont été gastés par la fange, rompus et
déchirés (ce sont les propres termes insérés dans ledit ma­
n'uscrit) jusqu'à la déclaration du Roy sur l'observation de
l'édit d'union donné en janvier 1589 ;
A-u /'olw 2/5, verso, il est fait mention d'une lettre escrite
par M. de la Villejaffrez, par laquelle il menace de faire la
guerre aux habitans de Carhaix à deffaut de faire rendre le
. sieur de Launay qui étoit (~uillaume Olymant, et ses deux
laquais lors prisonniers; (1)
.4 tl folio 26, 'verso, dt/; '1nême l'nanuscrit, il est rapporté que
la nuit du 4 septembre 1590, la ville de Carhaix fut surprise,
que les troupes en nombre de 500 ou environ entrèrent par
les jardins dll couvent des Augustins, pillèrent et ravagèrent .
ladite ville, rompirent et brisèrent les armoires et coffres
des particuliers qu'ils trouvèrent fermés même ceux · de
l'auditoire et chambre civile de ladite ville où estoient gardés
les lettres des privilèges, les comptes des procureurs syndics
de ladite ville et autres garants et enseignements qui ser-
(1) Il Y a èerlainement ici . une erreur: La VillejafIrez ne pouvait
réclamer aux habitants de Carhaix G. Olymant qu'il avait faiL prisonnier.
La version du manuscrit de Paris est · au conLraire très compréhensible:
« Ensu ite il est marqué que le sieur de la Ville JaLIré menaça les habitants
de Carhaix, cl défaut de la cotti% e pOUT ladite rançon dudit sieur Olymant
et de ses deux laquais prisonniers de guerre ... '» Résumé de Mme du Laz .

voient pour les franchises, libertés, privilèges de joyaux
d'armes et droit de papegault, desquels les habitants de
Carhaix jouissent, ont été jetées sur les rues et frangés (ce
sont les propres tennes insérés dans ledit manuscrit) ;
Après quoy il est rapporté au folio 27 recto dudit man~~scrit
que les troupes qui entrèrent dans ladite ville tuèrent et
pendirent même jusqu'à des prestres, embrasèrent et ruinè­
rent la ville qui devint pauvre et presque inhabitée;
Et au folio 28, il est rapporté que le sieur du Liscoat
ayant eu la main droite coupée les troupes mirent le
feu au milieu et aux quatre cornières de ladite ville et
brûlèrent grand nombre de maisons et tous les · biens y
estant, enfoncèrent et brisèrent les coffres de l'auditoire de
la cour de Carhaix, pillèrent les papiers qui y étoient. cc Et
c( pour servir d'information de tout ce que dessus, Nous
« susdit Bahère avons été conduit aux · quatre portes de
« ladite ville, et premièrement à la porte de Rennes près
c( d'une maison appartenant à Guillaume Olymant, sieur de
cr Launay, et avons ensuite continué à visiter les autres '
c( portes et tour de ladite ville pour en examiner les dégats. »
Et au folto 34, 35, 36 recto et verso dudit manuscrit est
rapporté la déposition de Guillaüme Blaës, notaire royal de
. la juridiction de Carhaix, âgé de 57 ans, qui dépose qu'in-
continent apres le commencement des prés,ents troubles
commencés en France en l'an 1588. le sieur baron du Pont

qui demeuroit en son château de Rostrènen à quatre lieues
de Carhaix fut un des premiers qui prit les armes et leva
plusieurs cômpagnies pour faire la guerre au pays et voulant
réduire à sa dévotion les habitants de Carhaix qui ne vou­
laient se soumettre audit sieur baron du Pont firent à grands

frais faire quelques clôtures en ladite ville et prirent les
armes et appellèrent à leur service des gens de guerre qu'ils
soudoièrent à leurs frais et dépens jusqu'au commencement
septembre 1590 que ladite ville fut prise par les
du mois de

troupes des garnisons de Quintin, Moncontour, Rostrenen,
conduites par les sieurs de la Tremblaye, Liscoat, Ville­
jaffrez et autres chefs, où la ville de Carhaix fut prise le 5
septembre 1590 et entièrement ravagée par environ 500
hommes qui y entrèrent et y beurent tous les vins qu'ils y
trouvèrent, mangèrent les provisions, bruslèrent et empor­
tèrent tout ce qu'ils peurent: les dites troupes étant de
rechef venues à Carhaix au mois de novembre sùivant firent

ravage de tout ce qu'elles trouvèrent de reste et mirent
encore le feu dans la ville et ont entr'autres brulé deux
maisons audit Guillaume Olymant avec tout ce qui y étoit
et où il fut commis tant de meurtres, brulementz et ravage­
ments et autre,s actes d'hostilités qu'il est impossible de les
particulariser.
A u folio 37 verso, 39, 40 recto et 'verso se trouvent rap­
portée la déposition de Jean Henry, sergent royal de la
juridiction de Carhaix, âgé de 27 ans, qui dépose qu'au
commencement de ces guerres civiles il a veu les habitants
de Carhaix baricader et clore de murailles leur ville n'y
laissant que quatre portes et. entrées et faire la garde ordi­
naire dans leur ville et gager à leurs frais des gens de
guerre jusqu'au commencement de septembre 1590 que la
ville fut surprise par grand nombre de gens de guerre
conduits par les sieurs de la Tremblaye, Liscoat, Ville­
jaffrez et autres, où les troupes commirent de grandes
cruautés, pendirent, tuèrent et massacrèrent partie des
habitants jusqu'à des prestres et mirent le feu dans plu-
sieurs maisons, dit de plus que les mémes troupes environ
la my-novembre suivant 1590 retournèrent audit Carhaix,
tuèrent et firent mourir plus de 400 hommes tant gentils-
hommes qu'autres qui se présentèrent pour les combattre,
à l'issue duquel combat le sieur du Liscoat ayant perdu la
main droite, en colère, fit allumer le feu et bruler les meil­
leures et plus apparentes maisons de la ville, entre autres

deux audit Guillaume Olymant, avec tout ce qui y étoit, ce
habitants qu'ils
qui étonna et intimida de telle façon lesdits
retirèrent pour faire leurs
abandonnèrent ladite ville et se
demeures et conserver leurs personnes ailleurs, partie à
Quimper, les autres à Morlaix, Concarneau et d'autres dans
les campagnes et forêts d'Huelgoat~ de manière que ladite
ville est devenue pauvre et déserte, inhabitée et même sans
tavernes ny hotelleries n'ayant aucune asseurance pour
personne $pécialement pour les gens de justice: qui n'osoient
l'exercer parce qu'on rompit deux coffres qui étoient dans la
chambre criminelle et en l'auditoire de la ville où estoient
les lettres, actes concernant la communauté de ladite ville
et ses privilèges qui y étoient enfermez et firent de grands
dégats tant en ladite ville que dans le terroir de son V01-
sinné. Ainsy signé: J. Henry.
Au folio 41, 42 et 43 verso et recto du même manuscrit,
il est rapporté la déposition d'Hervé Guillaume, notaire royal
âgé de 28 ans, qui dépoze qu'en
de la juridiction de Carhaix,
l'an 1590 au mois de septembre les gens de guerre conduits
par le S1's du Liscoat, Tremblaye, Villejaffrez et autres sur-
prirent la ville de Carhaix, la pillèrent, ravagèrent et bru­
lèrent 22 maisons de . ses fauxbourgs, firent prisonniers les
la ville qu'ils transportèrent les
plus riches et notables de
uns aux châtHaux de Moncontour et les autres à Quintin où
ils furent contraints de payer rançon, dit de plus qu'environ

la Toussaint dudit an 1590 les mêmes gens de guerre, au
nombre de cinq à six cent, retournèrent de rechef en ladite
ville de Carhaix où ils ravagèrent et pillèrent de rechef ladite
ville et: lorsque lesdites gens de guerre sortirent de Carhaix,
ils mirent le feu aux quatre cornières de la ville où eq.tre
autres fut bruslée la maison dudit Guillaume Olymant:
, ce qui obligea les habitants qui purent sa ' sauver de se
retirer à Quimper, Morlaix, Concarneau et aux champs,
n'ayant aucune sûreté ny tranquillité, en ladite ville qui est

à prézent abandonnée aux gens de guerre qui, en passant
et repassant, beuvoient et mang'eoient à discrétion sans
rien payer, ce qui obligea les principaux de ladite ville
jusques aux hô{elliers et taverniers d'abapdonner leurs
maisons, de façon que ladite ville est à présent tellement
dépourvu de tout et de vin que l'on est obligé d'en aller
chercher à plus de trois lieues pour célébrer les messes .
Ainsy signé H. Guillaume.
Au folio 44, 45, 46, 47 et 48 Tecto et verso dudit manuscrit
se trouve rapportée la déposition de Me Louis Le Boulch,
prestre, âgé d'environ 52 ans, qui dépose que Carhaix est
une des villes les plus fréquentée et renommée de la Basse­
Bretagne à cause de ses grandes foires, des marchands qui
y abondent de toutes parts avec toutes sortes ' de marchan­
dises, pour quoi il y a eu un grand nombre de taverniers et
hosteliers ; que]e sieur baron du Pont, qui demeuroit en
chateau de Rostrenen, ayant pris les armes, levé plu­
son
sieurs compagnies de gens de guerre et voulant réduire à sa
dévotion la ville de Carhaix, les habitants appellèrent à leur
secours des gens de guerre qu'ils entretenoient à leurs frais
et dépens et fortifièrent ladite ville, mais dit qu'au 5 sep­
tembre 1590 les garnisons de Montcontour, Corlay, Q1lintin,
Corlay et Hostrenen, conduites et commandées par les sieurs
de la 'Tremblaye, Liscoat, Villejaffrez et quelques autrEs,
surprirent la ville de Carhaix et la ravagèrent entièrement,
prirent prisonniers de guene les plus notables et plus riches
qu'ils conduisirent à Moncontour et Quintin, massacrèrent
et tuèrent plusieurs habitans, beurent et mangèrent toutes
les provisions et emportèrent tous les meubles qu'ils purent,
brulèrent grand nombre de maisons, intimidèrent et effrayè-
rent en telle façon le surplus des habitants qui avoient
quelques biens, qu'ils se sauvèrent, les riches dans les villes
et les pauvres dans les champs et forêts, les gens de guerre
vivant à discrétion et sans rien payer ce qui obligea jusques

aux hotelliers et taverniers de cesser et quitter leurs pro­
fessions et ce qui rendit la ville si pauvre et si déserte qu'il
n'y restait plus urie goutte de vin et qu'on estoit obligé d'en
aller chercher ailleurs pour dire la messe, dépose de
plus qu'au mois de novembre suivant, les mêmes troupes
entrèrent dans la ville de Carhaix, ravagèrent, abbatirent
et ruinèrent toutes les portes et deffenses que les habitans
de Carhaix avoient fait en ladite ville, mirent le feu en un
grand nombre des plus apparentes et plus belles maisons et
entre autres a été brulée la maison dudit Olymant de façon
qu'il ny avoit assseurance ny seureté pour personne ny
officiers de justice qui ne l'administrèrent que rarement et
lorsqu'on tenoit l'audiance l'on faisoit tenir une sentinelle
au guet pour découvrir la venue des gens de guerre qui se
rendoient lorsqu'on pensoit le moins à Carhaix pour y faire
des prisonniers et enlever les provisions qu'ils y trouvoient
sans rien payer et pour piller lesdits habitants dit de plus
que les gens de guerre ont rompu, déchiré et emporté les
archives où étoient les privilèges anciens et garents con­
cernant les joyaux et papegaultz et la police de ladite ville
et ont bruslé jllsques aux boisages, buffets, tablés et autres
meubles qu'ils trouvèrent et qu'ils ne pouvoient emporter.
Ainsi signé: Boulch.
Au folio 48, 49, 50, 51, 52 et 53 sont aussy rapportées les
dépositions d'Antoine de Rozcaere, notaire royal de.1a juri­

diction de Carhaix, âgé de 37 ans, de Jean de Cabornais,
âgé de 38 ans, qui déposent unanimement que les troupes
des sieurs du Liscoat, Tremblay, Villejaffrez et autres ayant
surpris la ville de Carhaix le 5 septembre 1590 la pillèrent,
la ravagèrent et firent des prisonniers de guerre qu'ils
conduisirent aux châteaux de Montcontour et Quintin aux­
quels ils · firent payer rançon pour avoir leurs libertés,
brûlèrent partie de la ville, et qu'au mois de novembre
suivant 1590 les mêmes troupes retournèrent à Carhaix,

finirent de la piller et ravagèrent jusque aux archives et
privilèges qui estoient tant dans l'auditoire que dans la
chambre criminelle, beurent et mangèrent les provisions .
sans rien payer, enlevèrent tous les meubles qu'ils peurent
et brùlèrent le reste ayant mis le feu aux quatre cornières
de la ville qui devint pauvre, déserte, 'inhabitée et où il ne
se trouvoit pas une goutte de vin pOUl' célébrer la messe n'y

estant restés que de pauvres gens disent aussy que l'église
collégiale de Saint-Tremeur fut pillée ainsy que les croix
d'argent, les calices et autres ornements d'église jusqu'à la
Sainte Hostie qui fut jetée de la custode, pour quoy noble et
vénérable Jean de la Gareine, chanoine de Cornoaille, fut
commis par Mgr l'évêque de COl'noaille pour reconcilier les
églises de Carhaix qui avoient été polluées.
Ce sont les propres termes portes par ledit manuscrU où il est
parlé ensuite des différentes reliques qui sont dans ladite église,
de la huIle du Saint-Père pour les confrères du Saint-Sacre-
ment en l'autel nouveau fondé et octroyé en l'église collégiale
de Saint-Tremeur en la ville de Carhaix avec les indulgences
y attachées (1), où il est encore rapporté les différentes
cérémonies qui eurent lieu à Rome au mois de septembre
1595 pour l'absolution accordée par le Pape à Henry IV à la
prière de M. du Perron comme procureur du Roy de France
et de Navarre avec M. d'Ossat, laquelle absolution fut
adressée à M. de Saint-Luc, lieutenant du Royen son armée
de Bretagne étant avec ladite armée en la ville de Carhaix,
11) L'église de Saint-Tremeur fut pillée avec ses ornements, et la sainLe
hostie jetée de sa custode, où furent luées et prises p.risonnièt:es plus de
900 personnes, tant gentishommes qu'autres et où René Olymant, bailli
des juridictions de Châteauneuf et de Landeleau, tut fait prisonnier de
guerre et il lui coùta pour sa rançon 1200 écus et une haquenée blanche.
« Et ledit Olymant s'estant sauvé à la tête de 400 chevaux par le
Moustoir fut attaqué par les troupes dudit sieur du Liscoët, et se battirent
se retira au château qui y
jusqu'à la nuit. Ensuite ledit sieur Olymant
estoit (?) » Résumé et extrait du manuscriL de Paris publiés par Mme du
Laz .

le jeudy 12 octobre 1595 jour auquel on fit un feu de joye à
Carhaix .
Et plus avonS vu d'attache audit manuscrit deux actes ·par
originaux passés au rapport des nottaires royaux de Carhaix
l'un en datte du 16 mars 1600 et l'autre 3 novembre 1601
par lesquels Louis Cochennec: seigneur du Lescoat, héritier
lle
de Mre René Euzennou et d Gilette Cabornais déclarent
quitter Guillaume Olymant, sieur de Launay, demeurant au
manoir de Kernegues: des sommes qu'ils leur avoient prétéés
en 1590 pour payer sa rançon lorsqu'il fut fait prisonnier de
guerre; les deux actes ainsi signés: Cochennec, Cabornes.
Je, soussigné, F. Guillaume Benriot, actuellement supé­
rieur du couvent et seul religieux y étant dans le couvent
Augustins de cette vine de Carhaix déclare que la pré- .'
des
sente copie a été fidellement cbllationnée et tirée par extrait.
d'un ancien manuscrit que j'ay communiqué à Mr Kernégues
En foy de quoy j'ay soussigné à Carhaix, le 24 mai 1737.
Signé: F. Benriot. .
La présente copie par extrait a été par nous notaires
royaux à la sénéchaussée de ' Carhaix fidellement tirée et
collationnée sur un vieux manuscrit ainsi et tel qu'il est
raporté dans son intitullé après l'avoir leu, confronté et
examiné ledit encien manuscrit avec les deux actes par
originaux mentionnés · ,à la fin du présent extrait et qui se
trouvent d'attache audit manuscrit l'un en datte du 16 mars
1600 et l'autre acte du 3 novembre 1601, les deux passés au
rapport de G. Morin et de J. Ausfres, notaires royaux, les­
dits deux actes d'eux signés et de Cochennec et Cabornes,
lequel entier manuscrit nous a été présenté par le Révérend
Père Beuriot ..... etc..... 27 may 1737... Signé C. Parault,
notaire royal, Le Bouedec, notaire royal. Controllé à Car­
.haix le 2g may 1737. Receus dix huit sols. Signé : Faus­
seaux .

Nous Messire Pierre-Alexandre Uzille de Kervelers:
conseiller du Jtoy et son lieutenant civil et criminel en la
sénéchaussée de Carhaix, certifiions à qui il appartiendra
que les signes de l'autre part et cy dessus sont ceux dudit
Père Beuriot, religieux augustin, des notaires royaux, etc... '.
29 mai 1737. Signé: P. A. de Kervelers Uzille . .
Collationné par nous, escuyer, conseiller du Roy, maison,
couronne de France et de ses finances. .
SAINSON .
A cette pièce est jointe une note non signée dans laquelle
on prie M. d'Hozier « de vouloir bien faire ses observations
et attentions que si M. Kernègues ne produit pas beaucoup
de titres antérieurs à 1590 ce défault ne vient que » de
l'incendie de sa maison attesté par la pièce produite.

H. BOURDE DE LA ROGERIE.