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Bulletin SAF 1898


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Statuette en bronze du dieu Pan, découverte à Elliant (Finistère)

M. Aveneau de la Grancière

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découverte à Elliant (Finistère)

Vers le milieu de l'année 1897, dans le mois de mai ou de
juin, à Elliant, près de Quimper, un paysan trouva fortuite­
au cours de ses travaux, une statuette en bronze
ment,
le dieu Pan . Très intrigué de sa découverte,
représentant
là un objet de valeur, il prit pour
soupçonnant qu'il tenait
de se taire jusqu'au jour où il poûrrait en tirer un bon
parti
profit. Quelque temps . aprés, ayant, sans doute, mùrement
réfléchi, profitant d'une foire à Quimper, il se dirigeait au
musée de la ville d'un pas indécis, tel est le paysan breton
que quelqu'un el, parLicu lièremen t son propriétaire
craignant
sache sa bonne aubaine quand avisant la boutique d'un
marchand d'antiquités, il y entra soi-disant pour ~'informer
où se trouvait le musée, mais bien plus pour connaître la
valeur de son objeL avant de s'en dessaisir .
Notre rusé breton avait à faire · à un Breton encore plus
malin que lui qui~ do suite, flairant un objet rare, n'en ayant
encore jamais vu de semblable, fut plein d'arguments défa-

au musée, acceplant les dons ou n'achetant qu'à
vorables
des prix dérisoires; il fit tant et si bien qu;il finit par per­

notrp . homme et lui acheta la statuette. Puis, en
suader

antiquaire quelque peu dressé, il fit tout son possible pour
le nom de l'homme, les circonstances de la décollverte
savoir
et le nom du village. Autant de questions auxquelles il ne put
de réponse. Tout ce qu'il put savoir e'est que la
obtenir
, statuette avait été tl~ouvée à Elliant, canton de Rosporden
(Finistère). Le costume de l'homme confirmait, du reste,
pleinement la chose.

A quelque temps de là, passant à Quimper, le marchand
nous avant montré la statuette, nous l'avons achetée sans
. hésitation la trouvant des plus intéressantes. Elle était encore
en partie recouverte d'une terre jaune argileuse, et sur quel­
ques endroits on voyai t les frottements auxq uels s'élai t livré
l'inYenteur, pensant, comme t.oujours qUE' cette statuette
bien être en or. Ma lheureusement, toutes n'os recher­
pouvait

ches n'aboulirent point à faire connaître l'endroit précis de la
découverte (l) Le paysan ne venant que rarement à Quimper,
on ignore son nom, on le connaît seu lement de vue.

Le marchand, que nous connaissons depuis longtemps,
chez lequel nous avons parfois acheté des objets très exacte­
pays, don~ nous sarions la découverte,
ment trouvés dans le
aucun intérêt à nous tromper sur l'identité de l'objet.
n'avait
Les figurines en bronze découvertes en Bretagne Ile sont
pas très communes (2).

La statueLle décourerte à Elliant comporte bien le caractère
d'animalit.é attrib ué au dieu Pan . Les jambes sont celles d'un
bOllC; des COI'l:es sc dressent sur un fl'(J} nt étroit eL fuyatlt, à
demi-couvert d'une cherelul'e courte et crépue, et deux mèches
plus épaisses retombent l'une entre les cornes, l'autre sur le
front. Le Yisage a l'expression brutale et sauYage; le nez,
aux narines ouverles, est épaLé; la bouche ouverte, rieuse,
voir la rangée des
aux lèvres épaisses et sensuelles, laisse
dents maxi llaires supérieurs; les yeux, vicieux, sont sur-
montés d'arcades sOL1l'ci lières proéminentes; .le visage de
notre Pan e~t imberbe. Le torse est parfaitement modelé. La
(1) « J'ai. publté l'aiTaire devant pillsieues pee~onnes, nous écr ivait
curé d'Elliant auquel nous nous étions également adeessé pour ft'cher­
cher l'individu mais je crains de ne pou\'oir jamais y réussir. Le
paysan est peureux de sa nature et crnint toujours un piège. Cet horull1e
a dù venclre celle stalueLle, COI11IlIl:! en ci:lchelle. comme un lièvre pris en
temps prohibé, et ne voudra pus se déclneer. »
, (2) Ni le il/usée a'/'chéoloiJ'Îq/te cie Quimper, ni ce lui de lu Société PolU1na~
tltique il Vunnes, ne possédept cie s~atllelles du dieu Pan. .

poitriiie est large, les seins accenLués. L'épine dorsale, bien
indiquée, se continue jusqu'à la petite queue relevée en tortille
sur le rein droit. L'une des jambes, la gauche, légèrement
evée, indique qu'il marche. L'attitude est impudique. En un

mot, Lous les détails sont traités avec beaucoup de soin.
La statuette n'a pas été fondue d'un seul jet; tout le corps
d'Lu seul morceau, y compris la tête et les :iambes ; seuls,
est
une partie des bras ont été coulés séparément et étaient
à la hauteur des seins par un tenon soudé, sans doute,
retenus
un trou praliflué dans la partie du bras fondu avec le
dans
reste du corps. On remarque encore des traces de soudure au
plomb dans le trou du bras gauche. Malheureusement le bras
droit manque, et malgré les recherches minutieuses du paysan
de la découverte, il n'a pas été retrouvé. Le
dans l'endroit
bras gauche est très musculeux; les doigts fermés tiennent
~a syrinx, attribut du dieu Pan. Le bras gauche trouvé
de la statuette a été ressoudé.
détaché
La hauteur est de 0 m. n des pieds à l'extrêmité des
cornes; la largeur, aux épaules, de 0 m. OMS. La patiile, d'un
vert brunâtre, est oxydée en plusieurs endroits. Ces traces
un long séjour
d'oxydation sont naturellement expliquées par
un endroit probablement humide. Elles s'écrasent sous
dans
le doigt et n'ont que très légèrement entamé la patine. En
somme la conservation en est excellente.
Pour expliquer la présence de ce bronze romain à Elliant,
nous le répétons, nous ne pouvons
- car malheureusement,
préciser l'endroit de la découverte nous pouvons citer
de nombreuses traces de l'occupation romaine. C'est ainsi qu'à
800 mètres du bourg, on remarque une borne miliaire
voie de Scaër à Stang-Askel, de très nombreuses
refouillée;
les hauteurs qui dominent le camp
substructions couronnent

romain existant suL' le mamelon boisé de Tréanna (1). En'
('1) P. DU CHATELLIEH, Les époques ]Jréhist01'iques et gauloise dans le
Finistèl'e. inventaire cles monwnents cie ce dépa1'{ement, p. Hll, Emile .Le

descendant de Tréanna vers la rivière, on peut voir, dans une
lande, deux buttes art.ificielles allongées. Citons encore dans
les bois d'Elliant,à 500 m~tres au nord, un camp quadran­
gulaire, avec enceinte élevée en pierres sèches el 'tours.; des
substructioos sur les bords de l'Odet, près du Moustoir; des
débris romains cie toutes sortes recueillis au bourg même (1) .
On voit que c'est chose très naturelle que la trouvaille d'une
. statuette e~l bronze clans ce milieu romain si bien caractérisé.
Parmi les statuettes recueillies, la série la plus abondante
est celle des im ages mythologiques, mais les chefs-d'œuvre
sont bien rares. La plupart des figurines fabriquées pour
satisfaire la dévotion populaire sont d'un style lourd, d'une
facture parfois des plus médiocre quand l'image n'est même
pas presque informe. Le dieu Pan que nous avons le plaisir
de présenter ne peut se comparer à ces statuettes communes.
D'un bon style de l'époque romaine, sa découverte à l'extré­
mité de la presqu'île Armoricaine, le rend encore plus inté-

ressa n t.

AVENEAU DE LA GRANCIERE.

Chevalier, 188n, Paris. « Les tuiles et débris de poterie, trouvés dans un .
« seul champ ont seni à macndamiser un chemin vicinal sur plus de
« 10;) métres. " l/l)'idem, p. 1\::l !;. M. P. du Chhte:l iel' possède une
amphore trouvée, en t87\:), dans cet établissement.
(1) P. DU CHATELLIF.Il, Les époques ]Jr'éhisto?"iques et. (fauloise dans le
Finistàe, p. 1 n . . .