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Bulletin SAF 1898


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Pont-Château et Pont-l’Abbé aux Etats de Bretagne

M. J. Trévédy

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PONT-CHATEAU ET PONT-L'ABBÉ
AUX ETATS DE BRETAGNE .
On lit au Dictionnaire d'Ogie (II. p. 367. Vo Pont-
Château) : .
c( Pont-Château est une seigneurie considérable qui
envoie aux Etats, comme baronnie; mais elle n'a qu'une
seule voix avec le seigneur de Pont-l'Abbé. »
Une voix unique aux Etats partagée entre deux seigneurs!
Voilà qui peut sembler singulier. Peut-être l'auteur donnera­
t-il l'explication de l'énigme en parlant de Pont-l'Abbé '?
Voyons ....
Au mot P01'/;t-l'Abbé (II. p. 373), on lit:
cc La seigneurie de Pont-l'Abbé est considérable ~ elle
envoie aux Etats; mais elle n'a qu'une voix avec celle de
Pont-Château, parce que ·les deux ensemble ne font qu'une
baronnie qui ont (sic) voix à l'alternative» (1) . .
Nous voilà renseignés! ... La phrase est irrégulière; mais
la pensée de l'auteur se dégage bien clairement: c'est assu­
rément que les deux seigneuries ne font qu'une baronnie qui
a une voix, et que chacune des seigneuries exerce alternati­
vement ce vote unique . .

(1) « Une baronnie qui ont voix à l'alternative .... » Faut-il lire (( une
voix à l"alternative ? 1. Non. II faut sans doute compléter
baronnie qui a
la phrase : « Une baronnie en deux seigneuries qui ont voix à
ainsi
l'alternative. »
Toutes les cri! iques de rédaction que l'on ad l'esse à Ogée s'adressent en
réaltté « à M Grelier, jeune· homme de vingt-cinq ans, maître ès arts en
l'Université de Nantes» (note d'Ogée in fine. Nouv. éd. II. 896), pal' qui
le Dictionnaire. A vingt-cinq ans, on ne peut avoir ni la
fut rédigé
science ni la mat uri té nécessaires à un tel travail.

C'est ainsi que la phrase a été comprise. Mais, comment
s'est-on pas fait cette objection: « Deux seigneuries en
divel'ses mains séparées pal~ quarante ou cinqualJte lieues de
distance à vol d'oiseau ne faisant qu'une baronnie et ayant à
tour de rôle la voix unique de la baronnie, ... est-ce assez
étrange! » Non: cela a paru tout simple à l'éditeur et aux
annqtateurs d'Ogée en 1853 !
Ils sc ,sont dit peut-être que Ogée écrivant en 1775 n'avait
pu se tJ'omper, puisque de visu il avait pu vérifier le fait,
aussi facilement par exemple que nous, en ce moment, nous
reconnaître en combien de circonscriptions électo-
pouvons
rales se di vise tel arrondissement. .
jours, un auteur écrivant sur Pont-l'Abbé a
Enfin. de nos
copié Ogée .... -mais non sans inquiètude. La preuve, c'est
qu'il a pris' soin d'expliquer comment les deux seigneuries
ne formaient qu'une baronnie. Lisons plutôt (1) :
« La baronnie de Pont (l'Abbé) envoyait aux Etats; mais
n'avait qu'une voix avec celle de Pont-Château, parce
( elle
( que· les deux ensemble ne formaient qu'une baronnie ayant
« voix alternatives (sic). Nous verrons par la suite jusqu'à
(( quel point les barons de Pont élevèrent leurs prétentions et
( comment, petit à petit, ils arrivent à se débarrasser de leurs

(( competIteurs. J)
(1)' Les B-igoudens. 1894, (p. '123) . Je m'empresse de dire que l'auteur,
M. Puig de Hitalongi, n'a pas reproduit ces phrases et celles qui vont ·
suivre dans une brochure qu'il vIent de publier (janvier 1898) sous ce
titre singulier : [,es chevalier's-bannerels de Pont-l'Abbé. J'avais signalé
ces phrnses malheureuses à la première page d'un mémoire SU?' la
baronnie de Pont-l'Abbé: Cette page, lue à la séance de la Société aTchéo­
logique du 29 juiltet · dernier, a été imprimée dans la livraison d'août
distribuée en septemIJre. Dans la préface des Chevaliers bannerets.. .. M.
Puig proteste que ma " pseudo-rectificntlOn qui manque de clarté, de

précision et surtuut de justice I VI I ne lui apprend rien» (p. III .
Cela importe peu. Ce qui importe c'est que, dans la nouvelle brochure,
il n'est plus question de la fusion des deux baronnies ni de leurs voix
alternatives. ' .
Mais, si ces phrases sont omises, elles ne sont pas désavouées: c'est
il faut en signaler l'erreur, en 'même temps que l'en'eur d'Ogée .
pourquoi

Voilà la pensée d'Ogée nettement exprimée, mais non
expliquée. Voici l'explication que j'ai annonéée:
P. 177. ( C'est par cette alliance (le mariage de Marglle-
(( rite de Hostr'enen avec Pieere VIII du Pont-l'Abbé) que ces
«( deux importantes seigneuries se trouvèrent réunies sous le
« même propriétaire, et probablement. aussi que la seigneurie
« de Pont-Château se trouva liée à la baronnip. de Pont
• « (l'Abbé) de façon à n'en constituer qu'une seule, ayant voix

(( alternatives aux Etats de Bretagne. »
Dans les lignes qui précèdent nous relevons un fait cer­
tain: le mariage de Marguerite de Hostrenen faisant passer
la seigneurie de Rostrenen à Pierre VIII, baron de Pont­
l'Abbé. . Toutes les autres affirmations sont des questions
posees.
1 0 .Est-il vrai que la baronnie de Pont « envoyât (des
députés) aux Etats de Bretagne? J) .
2 Est-il vrai que Pont-Château ait jamais été« réuni
dans les mêmes mains que Pont-l'Abbé de sorte que les
deux baronnies n'en aient plus formé qu'une? »

3 Comment cette baronnie unique aurait-elle
eu VOIX
alternative? Alternative avec qui?
Il faut répondre à ces questions avec preuves à
l'appui.
C'est ce que nous allons faire.
Le travail qui va suivre contiendra trois parties.
Dans la première: « Succession des seigneurs de Pont­
Château et Pont-l'Abbé », il sera établi que les deux sei-
gneuries n'ont jamais été dans les mêmes mains: par consé·
quent qu'elles n'ont jamais formé une baronnie unique .

Dans la seconde: « Les deux baronnies de Pont-Château

et Pont-l'Abbé aux Etats », il sera démontré: 1 que les
baronnies ne députaient pas aux Etats, mais que les barons

y assistaient en vertu de leur droit propre; 2 qu'il il'y a
jamais eu d'alternance entre les deux barons . .
Eufîn dans une troisième partie, qui sera le complément
de celLe étude, je rechel'chef'ai le rôle non des deux baron-
nies, mais des deux villes aux Etats de Bretagne. '

1 Succession des seigneurs de Pont-Château .

La seigneurie de Pont-Château (1) était située dans l'ancien
évêché de Nantes, dans l'arrondissement actuel de Saint- '
Nazaire. Elle s'étendait sur sept paroisses, et comprenait
plusieul's fiefs importants, notamment la châtellenie de
Cambon dont relevait la seigneurie de Coislin. Un acte de
1455 que nous verrons plus loin élève le revenu à environ
huit cents livres, à peu près 32.000 francs de notre monnaie.
Les seigneurs de Pont-Château appal'aissent au conseil
des ducs dès les premières années du XIe siècle; un peu
plus tard. ils ont le titre de baron. Nous reviendrons sur ce
Qu'il suffise ici de constater l'importance ancienne de
point.
seigneurie.
Le baron de Pont-Château était tenu à un devoir singulier

avec les barons de Hetz, Ancenis et Châteaubriant: il devait
porter l'évêque de Nantes « à sa première solennelle entrée
dans sa cathé'drale )), Or, le 17 août 1381, le duc Jean IV
acquit par échange la baronnie de Hetz. Espérait-il que la

(1) La seigneurie comprenant sept paroisses était sans douté plus étendue
que le canton actuel qui n'en contient que cinq. Du reste aucune iclentité
entre la seigneurie et le'canton de nos jours. Des sept paroisses composant
la seigneurie, trois: Quilli, Cambon el La Chapelle Launay sont du canton
de Savenay; mais le canton de Pont-Château a les cieux eommunes cie
Saint-Joachim cf Crossac qui ·n'étaient pas de lu seigneurie.
En 14-79, Jean II, vicomte cie Rohan, indique ainsi les limites E. et O.
des deux seigneuries contiguës de Pont-Château et Blain ... , « et contenant
depuis le pont du châleau de la Roche-Bernal'd jusqu'à Nantes .... »
(Morice, IIilit., t II, col. CLXXX à CCLL) Il faut sans doute entendre
«. depuis ' le pont du chàteau de la Bl'etesche, chef lieu de La Roche­
Berna l'd, jusqu'à lu limite clu rega il'l:l de Nantes ». Cf. Céoa. fëod. de lVI.
de la Borderie.' Ca l'le et p. 98-!l9 .

dignité ducale le sauverait de SOIl devoir comme baron '?
Il fut bientôt détrompé. Le duc était entré en 'possession
le 25 mars 1384 (n. s.). L~ 29 mal's, l'évêque Jean de Mon­
tr'elais, qui n'attendait apparemment que la mise en posses­
sion du duc, fit savoi l' à celui-ci pal' lettre qu'il ferait san

entrée le jour de Pâques fleuries (dimanche des Hameaux)
qui était le 3 avril; et ]e requit « d'être à Nantes pel'son-
. nellement ce jour pour faire son devoir à raison de la
baronnie de Retz (1) )). Le duc s'exécuta.
J'ai cru pouvoir conter ici cette anecdote parce qu'elle
peut servir à expliquer ce que nous aurons à dire plus loin.
Du reste je n'ai pa$ à faire l'histoire de Pont-Château. Je
me propose =-eulement cie dresser la liste de ses seigneurs,
Or la voici sans intel'l'uption, je crois, du XIe siècle à la fin
du XVIIe.
Pont-Château eut d'abord des seigneurs de son nom.
Dès les premières années du XIe siècle sinon dans le xc,
Jarnogon apparaît le premier; il est père de Daniel, lequel
pour fils un second Jal'oogon (2). Celui-ci a deux
lui-même a
fils (3) :
En 1089, Daniel, l'aîné, figure dans une' assemblée tenue
à Redon par Alain Fergent; en 1110, le même est nommé

au nombre des barons ,( 4),

(1) Lobineau, lIisl., p. 4.45-84(i, et Pr., 637. Lettre de Jean de Montrelai!>,
Moriee, Pr" II, 448.
(2) C'est sans doute ce .Jarnogon II qu'Ogée mentionne en 1050 Vu
Pont-Château, II. 367. .
(3) Les indications qui suivent sont empTuntées à Lobineau. Hist., 104-
à 258 passim. Plusieurs se retrouvent au Catalogue des abba!/es de D.
Moriee. Hist. T II. notamment CI, CU, cm, cvrr, CVIlI, CXI, CXIl .. ,
Enfin quelques,unes sont empruntées à M. de la llol'(lel'ie: Les neuf
bm'ons de n"oetaJ7te au Fl.ecllcil, des blasons de" Broetayne.
\41 « Daniel filius Jal'l1igoii 0 ' . Les neu/' /lIl1'ons .... p. XVII .

En 1125-27, Olivier, son frère puiné, ravage l'abbaye de
Redon et fait amende honorable (1) .

En 1148, Daniel, son fils, est témoin d'une donation de ·
Conan III.
Vers 1161, le même et son fils nommé Olivier sont dits
bienfaiteurs de l'abbaye de Blanche-Couronne .
En 1203, Eudon est un des barons ligués pOUl' venger le
meurtre d'Arthur (2). En 1209, le même part pour la croi­
sade contre les Albigeois, et assure à Blanche-Couronne la
« possession d'une terre donnée par son père Olivier et son
aïeul Daniel ». En. 1214, Eude est à Bouvines (3). En 1219. il
pal~t pour une seconde croisade dans le midi de la France.
Il vivait encore en 1251 (4). .
En 1258, Constance, sa fille, épouse Olivier, seigneur de
Clisson, dit le Vieil, qui sera le bisaïeul du connétable Oli­
vier de Clisson.
Constance était veuve de Hervé, seigneur de Blain, dont
elle avait deux fils . . Olivier fit la guerre au duc Pierre de
Dreux, fut vaincu et se résigna, en février 1262, à accepter
les conditions suivantes : il se démettrait de ses biens e : ~
faveur de son fils Olivier le jeune (He du nom); la terre dè
Pont-Château appartiendrait aux fils du seigneur de Blain et
à leurs hoirs. Il Îaut croire que ceux":'ci ne laissèrent d'autres

( 1) (( Olivel'lo Puntensi » Les neuf hm'ons, p. XIX.
( .~) On le nomme aussi Etienne. (Le Baud, p. 209-210.) Les neuf
bal·ons .... p. XL . . Ce nom d'ELienne resta dans la maison de Pont-C llâteau.
En 1.l!! et 14.37, Etienne de Pont-Chàteau el Sibille, sa veuve, étaient
Inhumés au couvent Saint-François de Quimper. Nécrologes.
,3) « Euùo de Ponte ». Liste donnée par Hévin: Consult., p. Gi:l8-639,
cI'ap~ès clu Chesne, et par M. de Courton cie Kerdellec'h, d'après La Roque .
(Chevalerie bretonne, p. 91. ) Mais le seigneur de Pont-l'Abbé ne figure pas
SUL' cette liste. .

(4) A cette date Eudon de Pont-Château fait une transacLion avec l'abbé
de Sa int-Gildas des Bois. Mariee, Hist., II, p. CVl!. Est-ce.le même que
Eudon cie l ':!1l3 ou bien y aurait-il eu deux Eudon l'un après l'autre?

héritiers que leurs frères utérins, puisque, peu après, Pont­
Château se retrouve aux mains des Clisson ( L l.,
Olivier II était mort avant 1320 .
Olivie"r III son ' fils lui succéda. Il fut exécuté à Paris, le
2 août 1343, laissant son héritage à son fils Olivier IV, le '
connétable. .
Celui-ci maria sa fille aînée Béatrix à Alain de Rohan,

qui, en 1396, allait devenir vicomte sous le nom de Alain
assigna en partage à Béatrix les deux tiers de ses
VIII. Il
immenses possessions. Pont-Château et Blain entrèrent ainsi
dans la maison de Rohan, à la mort du connétable {1407} ;
et l'héri"tier principal d'Alain VIn et de Béatrix les recueillit
à la mort de sa mère.
C'est au temps d'Alain · IX que Pierre II réduisit à neuf
les nombreuses baronnies de Bretagne. Pont-Château ne
trouva pas place sur la liste privilégiée et descendit ainsi au
rang de bannière. Le vicomte de Rohan assistait aux Etats
de Vannes de 1451, où cette innovation fut proclamée. Il ne
paraît pas qu'il ait fait aucune pl'otestation non plus qu'aux
Etats de 1455. Il lui suffisait apparemment de la baronnie de
Léon pour l~quelle il disputait la première place à la
. baronnie de Vitré.
Mais, bien que Pont-Château fut destitué des droits de
baronnie, . l'usage, comme nous allons voir, lui' en continua
le titre. .

En 1455, le vicomte Alain . était veuf de Marguerite de
('1) C'est la remarque de D. Mariee. Hist., l, 10! .
Ogée écrit (II, p. 368, : « En 1 U5 la tel're de Pont-ChàLeau passa à la
maison de Rohan d'où sortirent les seigneurs de Pont-Château "Et plus
loin; « En 1 '290, le seignem de Clisson éLait seigneur de PonL-Château .
Pierre de Rohan, seigneur de Pont-Château, mourut en 1518 .... )) Ainsi
passé aes Hohan aux Clisson pour revenil' aux Hohan.
Pont-Châtean aurait
On vient de voir et on va voir eombien e'est inexact.
Ogée n'est pas mii"ux informé quand il écrit If, p.l?! \:. Pont-l'AlJbl;
, passa dans le XVie siècle dans la mais,)\l de Hohan et cie celle:.ci dans la
famille cie Richelieu. »

Bretagne, fille du duc Jean IV l et de Marie de Lorraine dont
il avait eu ~n fils qui fut Jean II; il épousa en troisièmes

noces Perronnelle de Maillé, cousine germaine dEt la duchesse
Françoise d'Amboise. Six ans plus tard (1462), il mou t'ut
laissant à sa veuve sept enfants dont l'aîné se nommait
Pierre et dont elle fut tutrice (1)
La seigneurie de Pont-Château ne faisait pas partie de la
succession du vicomte. Aux termes de son contrat de mariage,
cette seigneurie appartenait à sa veuve.
En mariant Perronnelle de Maillé à leur oncle par alliance
Alain de Rohan, Pierre II et la duchesse l'avaient dotée de
14.000 écus d'or, plus de 500,000 francs de notre monnaie
« à convertir en un héritage ». Dans' son contrat de mariage,
Alain IX avait donné reçu de]a somme et offert en remploi
Pont-Château pour un revenu de 800 livres, environ 32.000
francs valeur actuelle (2).
Perronnelle était morte où s'était démise de Pont-Château
en faveur de son fils aîné avant la fin de 1484, puisque celui­
ci en 0 prend le titre dans un acte solennel du 20 novembre
de cette année.
Cet acte est son contrat de mariage (3). Pierre se mariait
richemtmt : il épousait Jeanne du Perrier, veuve depuis
1476 de Jean de Laval, baron de La Roche-Bernard, qui lui
avait laissé un fils; et la mort de son père :rristan du
Perrier (1482) venait de la faire comtesse' et baronne de
Quintin. Pierre de Rohan pouvait ainsi au nom de sa femme
siéger au banc des barons: mais cet honneur d'emprunt ne
( 1) Moriee. Pro, III, 40, 20 mai H63. Perronnelle épousa depuis
• Holand de Rostrenen et dut ainsi perdre la tutelle (T. A. C. ch. 68.)
,le dDIlnerai un jouI' quelques détails sur Roland de Rostrenen qui ne
fut pflS, comme on l'a cru, le frère, mais le qeveu de Pierre de Rostl'enen,
le lieutenant du connétable de Richemont.
(~) Contrat de mariage, 10 février 14M ([4.')5 n, s.). Morice, Pr'., Il
Traité de mariage, 20 novembre 1484. Mariee, Pr., nf, 't'II,

lui suffit pas; de son autorité il reprit le titre de baron de
Pont-Château~ et cette usurpation imitée par ses successeurs
fut, comme nous le verrons, acceptée ou tolérée.

Pierre de Rohan mourut en 1518 ne laissant ni enfant
d'aucun de ses trois mariages, ni frères ou sœurs germains
habiles à lui succéder. Pont-Château passa à ses héritiers
de l'estoc maternel.
Perronnelle, sa mère, avait eu un frère, François de
Maillé, mort en 1501, laissant pour principale héritière sa
fille, Françoise, dame de Maillé et Benais. En raqnée 1500,

celle-ci avait épousé Gilles de Laval (1 du nom), seigneur
de Loué, d'une branche cadette: elle mourut avant 1538 (1),
laissant un fils Gilles (II) qui de sa mère hérita Pont-Château,
et le transmit à sa descendance (2). '
Nous avons nommé plus haut la seigneurie de Coislin,
fief dépendant de p'unt-Château. En 1552~ René du Cambout
avait épousé Françoise Baye, héritière de Coislin. En 1625;
leur fils Fl'ançois, grand veneur de Bretagne, devint acqué­
reur de Pont-Château. En 1634:, son fils Pierre-César,
général des Suisses et Grisons, obtint l'érection en marquisat
de Coislin avec annexion de la châtellenie de Cambon et de
la baronnie de Pont-Château.
(1) Généalogie exll'aite de Moréri.
Moréri porte le décès de Françoise cl 1534. Il semble un peu postérieur.
Le ':W mars 1538, le Roi, pour son fils le dauphin, duc de Bretagne, « fait
clon du rachat dù pour Pont-Château par ll~ décès de Françoise de Maillé,
da me de La Uenaste... » Morice, Pr., III, 103'), (La B1!naste est une
seigneurie du comté cie Nantes et du Poitou, comprenant 25 paruisses, el'
qui en 'J5~1 fut réunie à la baronnie de Retz pour former le duché de
Hetz. (Géo!J, f'éod .. p. 101-102.) Il semble bien qu'il y a identité entre
Fr;lnçoise de Maillé', dame cie la Benaste, et Françoise, daIlle de Bcnais.
(,) M. lie Courcy (V' Pont-Château, II, 410) dit que la seigneurie passa
cie lu maison de Laval aux Chambres, puis par acquêt uux Cambout.
T, Ill, p. 103; il supprIme les Chambres. J'ai suivi celle sCl:ùnde indieation
cOlllme corrigeant la première.

Vers 1642, Armand, fils de César, était devenu acquéreur
de la baronnie de la Hoche-Bernard; en 1663; il obtint
l'érection du marquisat en duché de Coislin avec annexion
de la Roche-Bernard (1).
marquis et ducs de Coislin gardèrent leurs titres de
Mais
barons de Pont-Château et de La Roche-Bernard; et ces
titres sont rappelés quand ils président les Etats de Bretagne
. en 1659, 1665, 1683 et 1693 (2). .
M. de Courcy indique que la baronnie passa des Coislin
aux LOl'raine-Lambesc, et par acquôt en 1754 aux Menou (3).
dernier des barons de Pont-Château fut, si je suis bien
informé, le général Menou, qui succéda à Kléber en Egypte,
fut contraint de capituler, et ne rapporta de la conquête que
le. titre de musulman et le nom d'Abdallah.

J'ai cru pouvoit' arrêter mon étude aux Coislin. Ce que
j'ai dit sl~ffit à démontl'er que dans la liste des seigneurs de
Pont-Château, du XIe fl la fin du XVIIe siècle, il n'y a place
ni pour un Rostrenen ni pour un seigneur de Pont-l'Abbé .
Donc les deux seigneuries de Pont-Château et Pont-l'Abbé
n'ont jamais été l'Junies clans la même main. .
Mais supposez le contl'aire, serait-il vl'ai, comme on l'a

dit, que par leur réunion ( sous le même propriétaire
les deux baronnies n'en formaient plus qu'une; étaient
liées de façon à ne constituer qu'une seule baronnie? ))
(1) On lit dans Ogée. Art. Pont-Chàteau, II, 3fi\:). « L'an 1625, René de
Cambout, marquis de Coislin, grand mailre des eaux et forêts de France,
acquit la baronnie de Pont-Château. )) 01' Ogée avait écrit art. Cambon,
l, p. 133, que 'le marquisat de Coislin avait été érigé en Hi34,. C'est la
vérité.
Cf. M de la Borderie. Céo{J. fëod., p \:) ,~. Il donne et on donne souvent
1661 pour la daLe de l'érection du mal'quisat de Coislin : voici pourquoi:
Les lettres de 1631 ne reçu rent pas d'exécu lion. En décembre 1656, Armand
obtint des lettres desut'annation cnregislr:ées au Parleri1ent, le II octobre
165H, et à la Chambre des comptes seulement en I()()I. Mais, avant mème
cet enregistrement, le procès-verbal des Etats donne à Armand le titre
de marquis. Morice, P1'., If, XXVI. . •
('2) Moriee, II, p. XXXVI et XXXVII.
(3) lIf.aut lire, je crois, 1744·. Nous ven'ons cela plus loin •

Pas le moins du monde! La preuve: nous venons de voir
Pont-Château aux mêmes mains que Clisson pendant un
siècle, aux mêmes mains que les vicomtés de Rohan et Léon
pendant soixante ans. Est-ce que dans cet intervalle la
seigneurie de Pont-Château n'a pas gardé son indivi­
dualité? De même sera-t-il, comme nous allons voir, des "
baronnies qui seront réunies même par trois dans les mêmes

mams.
Et ce n·est pas tout! Les baronnies, dit-on, réunies « n'en
formaient plus qu'une ayant voix alternatives (p. 126) - -
constituaient une seule baronnie ayant voix alternatives aux
E ta ts ». (P. 177.) "
J'avoue ne pas comprendre.... S'il n'y a plus qu'une
baronnie, cette baronnie unique a une voix, mais sans par-
tage avec persorine ; donc sa voix ne peut être alternati'De.
L'exercice alternatif d'un droit quelconque suppose néces­
sairement deux possesseurs de ce droit: donc, en l'espèce,
comme on dit au palais, pour qu'il puisse être question de
voix alternative, il faut deux baronnies émettant à tour de
rôle une voix unique. .
J'ajoute que par deux fois, il est imprimé voix alternatives
au pluriel. Qu'est-ce à dire? Serait-ce que les voix de cha­
cun~ des deux baronnies autrefois séparées " appartenaient à
la baronnie devenue unùiue? .. J'aime mieux voir clans ces
·phra$es une faute d'impression deux fois répétée.
Mais en" voilà assez et trop sur ce point. .. Passons et '
montrons non les baronnies, mais ce qui n·est pas l~ même
chose les barons de Pont-Château et Pont-l'Abbé aux
Etats de Bretagne. Nous allons les voir sièger ensemble.
J. TRÉVÉDY,
Ancien Prés'ident d tl Tribmwl civil de Quimpel· .
(A suivre.)