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Bulletin SAF 1898


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Les anciennes corporations brestoises. Les maçons, les charpentiers et les couvreurs

Docteur A. Corre

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III .
LES ANCIENNES CORPORATIONS BRESTOISES
Les Maçons, les Charpentiers et les Couvreurs .

Les corporations de maçons et de charpentiers comptaient
jadis parmi leurs membres des hommes qui méritaient plus
que la simple qualification d'ouvriers. L'importance des
constructions, à des époques où l'on élevait une aussi prodi­
gieuse quantité d'églises, de palais: d'hôtels particuliers, et
l'on s'appliquait à faire « grand » et « solide » avec la
pierre et le bois, exigeait chez les maîtres des connaissances
techniques approfondies. Ils n'étaient pas toujours dirigés
par des ingénieurs et des architectes; beaucoup d'entre eux
entreprenaient des travauX': dans lesquels ils suppléaient aux
calculs de la science théorique, par une expérience acqnise
pl'ix de rudes labeurs, aussi dans un long apprentissage,
où se tl'ansmettaient, au sein des professions, des formules
et des procédés reconnus excellents par l'usage. C'était, si
l'on veut, de la routine, mais de la bonne routine et que
n'égala pas toujdurs le savoir raisonné des plus savants
hommes. Où avaient échoué des ingénieurs, Richelieu ne
craignit pas d'employer un maître-maçon de Paris: Jean
Thiriau : ce fut celui-ci, qui, aveè Clément Merseau,
de Dreux, réussit à construire la fameuse digue de La
(1). Deux siècles et demi auparavant: sous Charles
Rochelle
VI, les charpentiers avaient donné la mesure de ce qu'ils
lors des préparatifs de la descente en Angle­
pouvaient faire,
terre, par la construction de toutes pièces d' « unè ville
», se démontant et se remontant avec la plus
portative

(l) Poncet, Précis histor-iqûe de la 'Ina1'ine ]'oyale, Paris, 1780, J. 97 .

grande facilité. L!art des voûtes, celui des vastes et hardies
charpentes atteignirent un degré de perfection (1) qu'on ne
saurait plus, peut-être, reproduire aujourd'hui, avec les
mêmes matériaux: le fer a certainement contribué à dimi­
nuer le rôle de la pierre et du bois et, dans cette transfor­
mation, les charpentiers et les maçons ont éprouvé une sorte
d'amoindrissement professionnel.
je n'ai point à écrire l'histoire générale des corpora­
Mais
tions. Je dois strictement limiter mon étude à celles de la
la région brestoise. Sur les charpentiers, les maçons et
les couvreurs, je n'ai guère rencontré de documents aux
archives municipales et départementales. Pas une ligne qui
Fleury (2), seulement une
les concerne dans le mémoire de
mention de leurs armoiries, d'après Levot (3).
Ma~ons et tailleurs de pierres (4) : d'azur à 2 règles d'ar­
gent passées en sautoir, accompagnées en chef d'un marteau
de tailleur d'argent emmanché d'or, aux flancs de 2 truelles
et en pointe d'un niveau aussi d'or .
de même
(1) Voir Monteil, Vie des Français des divers états.
(2) IIistoù'e des c01''}Joral'ions des a1·ts et métiers de Brest, Bu!. de la
Soc. acad., 1 série, T. III.
(3) lbstoù"e de Brest, III, 36·Z. Levol a lui-même emprunté le tableau
des armoiries corporatives de Brest à un mémoire de M P. Delabigne­

ve (congrès de l'Association bretonne de 1855).
Villeneu
(11) On comprit d'abord, sous les noms de maçons et de charpentiers, des
catégories qui s'affirmèrent très distinctes, vers la fin du 15" siècle, par
il y eut des maçons-architectes,
leur supériorité scientifique et artistique:
des maçons-statuaires, des maçons-tailleurs de pierre et des maçons­
les deux derniers groupes demeurèrent dans la corporation;
bâtissant;
il Y eut d'autre part des charpentiers sculpteurs et des charpentiel's pro­
proment dits. En Bretagne, on sait avec quel art la pierre fut sculptée
des époques très postérieures, et avec
par d'humbles ouvriers, jusqu'en
quelle profusion, au temps de Louis XIV, d'habiles sculptems sur bois
répandirent sur nos vaisseaux les décorations les plus artistiques.
convient de rapprocher des charpentiers les scieurs de long.
Les charpentiers étaient dits de la ymnde èognée, les .menuisiers étaient
de la petite cO[Jnée : les uns et les al!tres
autrefois appelés charpentiers
avaient pour patron Saint-Joseph.
Les maçons et les couvreurs avaient pour patron saint Blaise.

Charpentiers " d'argent à. un Saint-Joseph' de carnation.
Je n'ai relevé aucune adjonction de la qualification de
charpentier et de maçon SUt' les signatures des délégués des
corporations, aux jOUf'S des élections de maire; ces profes-
pas non plus représentées à la réunion des
sions ne sont
permanents, au mois d'août 1789. Mais il est pro­
comités
bable qu'elles se dissimulaient alors sous le titre général
d'entrepreneurs, qui flattait mieux la vanité des parvenus de
chaque catégorie. D'ailleurs, l'absence de statuts particuliers
permettait aux plus avisés et aux plus riches de grouper,
sous leur direction, des ouvriers de professions diverses,
appartenant à la grande catégorie qu'on a appelée depuis
du bâtiment.
Cette situation, vet'S l'époque de la Hévolution, semble
parmi les maçons.
avoit' éveillé quelque inquiétude
J'ai découvert, en effet, aux archives municipales (1), une
« pétition des maçons de Brest à MM. les maire et éche­
vins », pour la création d'une maitrise; elle est signée de
deux noms, Lejeune et Lelièvre. Je ne crois pas inutile de
la résumer ici.
« La liberté de l'homme n'est pas le désir de pouvoir
utillement faire sa seule volonté, mais de ne point sortir des
préceptes établis, de s'y conformer en tout; cesser de le
c'est cesser de concourir au bien particulier ainsy
faire,
qu'au bi'en génél'al ) Il faut des loix auxquelles tous se
conforment.
Depuis que l'on bâtit à Brest, une foule d'afms pernicieux
se sont introduits. Pour ' le bien général et de ch~cun: il
serait nécessaire d'établir en cette ville une maitrise de
à l'instar de Paris et d'autres villes du royaume.
maçons,
On n'y serait reçu « que lorsqu'on aurait donné devant des
hommes éclairés et dans une assemblée publique, des preu-

('1) Ancien fonds, RH. 2(3.

ves sûres, par son travail, que l'aspirant à la maitrise est'
pourvu des .talents néce~saires à l'état pour lequel il se
présente ». Ce ne serait pas assez d'exiger un chef-d'œuvre,
que les aspirants C( poul'raient bien fail'e faire pal' d'autres».
Il faudrait les obliger « de travailler publiquement sous les
ordres des anciens maîtres ou du moins d'un de ceux qui ont
donné des preuves de leur capacité, pendant l'espace de .
deux années consécutives»; que chaque maître maçon fut
responsable de ses ouvrages , (c s'entend pour la solidité
de la construction )).
Après le ehef-d'œuvre fait à la volonté des experts-jurés
établis dans la communauté, « scavoir d'un sindic, de deux
jurés experts maçons et d'officiers de l'hôtel de ville)), l'as­
pir~mt, en cas de réception: aurait une somme à payer pour
l'obtention de sa maitl'ise. On ne ['ecevrait à maitrise que
des habitants de cette ville, reconnu" « pour n'être guidés
que pàr la probité la plus vraie)).
L'institution remédierait à nombre d'abus, qu'il convient
de signaler. Elle garantirait la perfection du travail aux
particuliers; ceux-ci, prenant un ouvrier quelconque, au
plus bas salaire, sont ordinairement incapables d'apprécier
son ouvr~ge. Une surveillance éclairée serait avantageuse à
leurs intérêts. Iles maîtres répondraient de la bonne exécu­
tion des travaux, de la bonne qualité des matériaux employés!
Que peut-on attendre « d'ouvriers qui n'ont ni feu ni lieu:
qui viennent des campagnes duper les citoyens, peu instruits
sur cette partie, en leul' faisant payer tl'ès cher ce qui sou­
vent ne doit coûter que trè,,-peu ? » Les prix des travaux
étant fixés, la trompel'ie ne pourrait plus avoir lieu. '
La sécurité publique gag'nel'ait à la cl'éation d'une telle
maitrise : les maîtres se confol'meraient aux règles de l~
construction, comme aux ol'donnanc8s de police; au lieu
que les ouvriers, venus de partout, ne le peuvent faire, les
ignorant .
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXV. (Mémoires). 3

Et les pétitionnaires concluent:
Pour mettre fin à tous abus, il convient (1 d'établir une
maitrise de maçons à Brest, de nommer des jurés experts
qui seraient chargés avec et en présence de commissaÎl'es
nommés par MM. les maire et éehevins, pOUl' pl'océdel' à la
d'un tableau qui rende stables les pl'iX de chaque
formation

nature d'ouvrages, faisant partie de l'art de bâtir, prix que
l'on ne puisse changer qu'après un mûr examen et dont les
changements soit en augmentation, soit en diminution,
soyent rendtts p'ublics » ; de ne recevoir pour maîtres que
les aspirants reconnus capables; d'obliger chaque maître
à . répondre de ses ouvrages « au moins dans l'ah et jour
pour les particuliers et quarante ans pour les édifices pu­
blics » ; de ne point permettre aux particuliers d'employer
des ouvriers non admis à maitrise, à moins cependant qu'ils
c( par devant les jurés-experts une sommation de
ne fassent,
prendre sur eux tous les inconvénients qui viendraient à se
présenter et n'affirment par serment qu'ils font bâtir par
eux-mêmes, qu'au préalable ils ne paient à la chambre de
maitrise une somme de 200 .livres par chaque année que
durera leur bâtisse Il, qu'ils ne se soumettent en outl'e à la
visite d'un jUl'é en charge au cours de la construction et
répondent de tous risques au point de vue de la sécurité
nombre des maîtres soit fixé à dix
publique, etc. ; que le
au plus pour la ville de Brest et sa banlieue.

Les documents sont aussi rares pour les couvreurs. On
• relève les noms de quelques maîtl'es au bas de notes de
travaux exécutés pour le compte de particuliers (1), et celui .
d'un maÎtl'e couvreur, Pougny, figure sur la liste des comités
l'onsE)il permanent de 1789. Mais dans une pièce imprimée,
du 18 mars de la même année, le nom de Pougny est compris
(l) Voir mon étude sur les comptes de M. de Balleroy, Revue de Bretagne
el Vendée de 18()(j

dans un groupe de signataires qui s'intitulent « entreprè­
neurs des couvertures en al'doises de Brest » (1).
Sous Louis XIV, d'immenses travaux sont exécutés à
Brest, p.our former un arsenal de premier ordre. On élève
des magasins et des ateliers, un hôpital, on enserre le port
entre des quais magnifiques, on établit des cales de cons­
truction et de radoub, on creuse les formes de Troulan .
tout un système de forLifications sort des plans de, Vauban,
et une cité se développe, avec des églises et des chapelles,
des couvents, des hôteI's, des maisons de commerce et d'ha­
bitation, selon les besoins d'une population qui s'agglomère.
D'innombrables ouvriers furent attirés des points les plus
reculés de la Bretagne et même des provinces voisines:
tel'rassiers, maçons, charpentiers, forgerons, etc .... Après
cette époque de création, les travaux éprouvèrent nécessai­
rement un ralentissement; néanmoins ils se maintinrent à

(1) Je rappellerai une curieuse particularité. concernant leli couvreurs.
D'après la très ancienne coutume de Bretagne, celte profess:on est regardée
comme infâme (ch. 15'j) : ({ Ceux sont villains nattes de quelconque
qui s'entremettent de villains métiel's, comme être
lignaige qu'ils soient,
écorcheurs de chevaux. de villaines bêtes, gal'sailles, truendai lles, pendeurs
de lan'oris, porteurs de patez et cie plateaux en tavernes, crieurs de vin,
de chambres coïes, faiseurs cie clochers, couvreurs de pienes .... 1)
c.ureurs
Hévi n (Coutumes générales du paîs et duché de Bretagne, Ren nes, 1745,

I. 460) tire d'Aristote la raison de l'infamie CI cle's couvreurs cie clocher ou
d'arcloise IJ. C'est qu'ai nsi cloï vent être réputés,
Qui lucelli causâ magna subeunt cliscrimina. .
Et, en eflet, les gens cie lelle profession jouent leul' vis pour bien peu
de chose ! Mais combien d'autres également, le maçon, le marin, le
soldat, elc! .
J'émettrai une autre explication J'ai lu quelque p1l't que nos jolis
sans doute qu une réminiscence cI'architecture
clochers bretons n'étaient
des croisés avaient amené en Bretagne des
orientale; qu'à leur retour,
ouvriers musulmans (probablement des captifs),' habiles à construire cles
minarets, et que ces ouvriers auraient clonné aux maçons-architectes cie
notre région, les premières leçons clans ce genre de construction. La répro­
à l'état de captif infidèle n'aurait-elle point rejailli SUI'
bation attachée
toute une classe de professionnels, obligée cI'abord à vivre à leur contact
à s'instruire de ces mécréants '?

tm degré qui comporta l'exigence presque continue de nom­
breux ouvriers. Sous Louis XV, on creuse les formes de
Pontaniou (1756-57), on bâtit des casernes (1732-1766) et un
bagne (1750-51), on construit le théâtre de la mari ne (i 766),
etc. Sous Louis X VI, on recule le port de guerre bien au­
delà de ses premières limites, on augmente les fortifications,
sur les plans d'ingénieurs militaires et du marquis de :Lan-
geron (1). Les maçons, les charpentiers) et, dans une
moindre proportion, les couvreurs ne cessèrent donc d'affiuer
dans la ville de Brest. Mais, dans chacune de ces profes­
sions, la qualité ne répondit point à la quantité; le plus
grand nombre devaient être moins des ouvriers, très dignes
de ce nom, que des journaliers, et, venus de pays divers plus
ou moins éloignés, de valeur et d'intelligence inégales, sans
attache et même sans certitude de séjour prolongé sur les

lieux, ils étaient incapables de s'organiser en corporations.
Ils dépendaient d'entrepreneurs, précisément intéressés à ne
point dépendre eux-mêmes de jurandes et opposés, sinon
ouvertement, du moins occultement,à la création de celles-

ci. Toutefois, il y eût quelques bons ouvriers de chaque
profession qui surent se faire une clientèle civile, indépen­
dante, vécurent sous les règles traditionnelles des corpora­
tions de leurs métiers, prirent même le titre de maîtres;
mais ils ne semblent pas avoir cherché à obtenir des statuts
propres (la pétition ' des maçons. très tardive, est une
dénia l'che isolée). Eux-mêmes d'ailleurs devinrent chargés

d'entreprises et finirent par associer leurs intérêts ft ceux
des gros entrepreneurs, sans origine professionnelle définie,
possédant l'habitude de direction de personnels complexes
et assez riches pour suffire à de fortes avances, qui exécu­
taient les travaux de la marine et de la ville .

('1) Voir la note que j'ai publiée SUl' un atlas du fonds Langel'on
(hiblioLhèque communale de Brest), dans le 2" bu lletin de la SociéLé des
EtuLies hist. eL géog. de Bretagne (1897).

Le seul guide à consulter, pour se faire une idée des
groupements professionnels dans le milieu, en l'absence de
documents spéciaux, c'est la capitation. Je n'ai eu garde
d'oublier , une source de renseignements aussi précieilse.
Mais, pour Bre'st, elle ne permet pas d'arriver à uh résultat
précis, parce que, pour les charpentiers, if n'est établ i aucune
distinction entre ceux du bâtiment et ceux de marine, de '
la 'ville, de la marine de commerce et de l'arsenal. Il est
évident que les charpentiers du bâtiment et de ville ne doi-
vent comprendre qu'une très minime portion des ouvriers
compris sous la dénomination générique.

D'une manière générale, le taux des impositions indique-
rait, dans l'ensemble des catégories, une moyenne d'aisance
très satisfaisante. Dès le 17 s iècle, les salaires de ces catégo­
ries se sont élevés; à Brest, ils oscillent de 18 ou 20 sous à
30 sous et même plus (1) ; plusieurs maîtres retirent d'entre­
prises" des bénéfices plus ou moins considérables, et sont
propriétaires des immeubles qu'ils habitent.
Voici ce que j'ai relevé sur les rôles de la capitation rotu­
rière d8 Brest de l'année 1750, sous les titres professionnels

qui répondent à l'objet de ce mémoire.
a. ' Du côté de Brest, répartis principalement dans les
.quartiers des Sept-Saints et de Keravel, les rôles compren­
nent :
Charpentiers ou journaliers charpentiers imposés

à 2 livres, 2 1. 10 et 2 1. 15 ............. '.
Charpentiers ou journaliers charpentiers imposés
à 3 1. et 3 1. 10 . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . 11

Charpentiers imposés à 41., 5 1. et 6 1. .....
Contre-maîtres charpentiers, à 4 1. et 6 1. . . . .

('1) Le salaire d'un maçon était de 30 deniers par jour en été, et de 18
en hiver, au 14" siècle; de 7 à 10 sous, au 1(je siècle; celui d'un char­
pen t ier, de il2 et 2'~ d~niers, au 'l4" siècle.
('l) Un a '1 compagnon.
(3) Un dont la femme tient une auberge.

Scieurs de long, à 2 1., 2 1. 10 et 4 L ..... . 4
et journaliers maçons, à 2 1. et 2 1. 10. . .
Maçons

Maître-maçon, à 4 1. 10 ......... : ... .
Piqueurs et tailleurs de pierres, à 2 1. , 3 1. et 4 1. 8
Couvreur d'ardoise, à 1 1. . . . .. . . . .. . . . .

Couvreurs ou journaliers
couvreurs, à 1 1. 15,

Couvreur, à 6 1. 10 . . . .

Maîtres-cou vreurs, à 3 1. 10, 5 1. et 6 1. . . . . .
b. Du côté de Recouvrance, disséminés dans les · di-
verses rues, mais plus particulièrement dans celles du
Petit-Moulin, de Bel-Air et de Pontaniou (où il y a plusieurs
entrepreneurs) :
Charpentiers imposés de 1 livre à 21. 10 ..... 29
Charpentiers imposés de 3 1. à 3 1. 15 . . . . . .
Charpentier portionnaire (3), à 3 1. . ... . . . .

Charpentiers imposés de 4 1. à 5 1. ...... .
Charpentiers imposés à 6 1., 8 1. et 9 1. . . . . .
Contre-maîtres charpentiers, à 3 L, 41. et 4 1. 10.

Contre-maîtres charpentiers, à 5 1. et 6 1. ....
Maîtres-charpentiers, à 6 1. et 8 1. . . . . . . .

Scieurs de long imposés de 1 1. à 4 1. . . . . . .
Maçons imposés à 2 1. 5. . . . . . . . . . . . . .
Piqueur de pierres, à 3 1. . .. ....... .

Couvreurs, à 2 1. et 4 1. .' .....•......

('1) La femme tient une cantine.
(2) Ce chiUre prouve qu'il s'agit sl!rtoul de charpentiers cie la marine .

(3) J ouissan t d'une pension .
(4) Un dont la ferpme tient aul)erge .
(5) Un dont la femme tient auberge, un autre propriétaire de la maison
qu'il habite.
(G) Un avec une servante.
(7) Un avec une servantf'.
(8) Un propriétaire de la maison qu'il habite .

J'intercalerai ici un document inédit très intéressant,
susceptible de donner une exacte idée du prix des matériaux
et de la main-d'œuv~e, dans les grandes constructions, vers

la fin du 17 siécle. C'est le devis des travaux à exécuter
pour la construction de' l'église paroissiale, d'après les plans
l'architecte Garangeau (1).
« Devis des ouvrages de fouille et deblays de terre,
maçonnerie, sculture, charpenterie, couverture, menuiserie;
serrurerie, vitrerie, plomberie, gros fer et inpresion (sic),
que le Roy veut et ordonne estre fait à Brest pour la cons­
truction de l'église paroissialle, laquelle doibt estre située
sur la hauteur en veue du port et de la rade dans le lieu
appellé Keravel. )1
L'église doit avoir « la forme d'une croix avec quatre
chapelles dans les angles de la eroisée dans l'une desquelles
on fera la sacristie » ; une longueur de 34 toises, une largeur
de 7, et, « dans la croisée », une longueur de 18 toises et
et une largeur de 6 toises 4 pieds. A l'une des extréri1ités,
au-dessus de la principale porte, «( on fera deux estages de
jubé ... .' sur arcades de pierre de taille dont celle du milieu
ser\'ira à porter la tour du clocher». On' accède ra au jubé
par 2 escaliers de pierre de taille à vis. L'église pourra
contenir aisément 2900 personnes.
« On elle vera les murs de 7 toises 1/2 de haut, depuis le
rez-de-chaussée du dehors jusques au-dessus de l'entable­
ment, au-dessus duquel commencera la voutte, qui sera

('1 ) Acte passé pal' devant M" Corre, notaire royal à Brest, entre l'en­
trepreneur Perrot et l'intendant de la marine, du 2 juin 'l6g7. J./église
devail ètre élevée SUl' la montagne {{erave!. Les travaux furent inter-
rompus et l'ég lise constwite à proximité du séminaire des Jésuites, sur
l'em placement actuel de l'église Sa int-Louis (les plans primilifs avaient
éLé Ull peu modifiés) Archives municipales de Brest, fonds modeme, M,
CarLon de l'église Saint-Louis.
Jusqu'alors la peLiLe église des Sept-Saints avait tenu lie4 d'église
paroissiale.

de charpenterie faitte en ance de panier, revestue de plan­
ches par le dessous ou lambrissée à lattes, jointures recou­
vertes avec mortier de chaux et sable .... On donnera à la

face du portail 10 toises 4 pieds de large et 9 toises de haut
jusques au-dessus du timpan du premier ordre, affin de
cacher le comble de l'église»: et au-dessus de cette hauteur
on commencera l'élévation de la tour (celle-ci doit avoir
18 toises 4 pied de haut).

Fouilles et déblais.
Les' lieux aplanis, « on fera les tranchées des rigolles
pour les fondements des murs, jusque sur le bon et vif fond
et de 5 pieds de large .... Ces tranchées estant faittes et bien
écaries, on les remplira de bonne ét solide maçonnerie de
5 pieds depois (d'épaisseur) à lél réserve de celle du portail
qui aura 7 pieds 1/2 .... »
[Suivent les détails ti'ès minutieux de la disposition des
murs, des croisées, des -reto.urs et des entablements.]
C'est la pierre de taille dite de Plouarzel qui doit être .em­
ployée, ou, pour les « piédroits )) (1), appuis, claveaux, la
pierre de Taillebourg ou de Caen.
[Suivent les détails de la construction du portail et de la
tour, où l'on doit ménager l'emplacement d'une horloge
« dont le cadran sera veu de quatre faces ); ; de la cons­
truction du jubé et des escaliers, etc.]
Le chœur sera pavé « avec c'areaux de pierre de Caen
blancs et noirs posés en lozanges.... Paver le reste de ·
l'église et chapelles de grandes pierres de taille en forme
de tombe posez sur forme de sable le plus proprement qu'il
se pourra. Faire les ~3 pérons au devant des portes d'entrées
comme ils paroissent sur le plan avec grandes pierres de
taille de PlouarzeL ... ))
(1) Jambages des portes et des fenêtres. •

Charpenterie.

( On fepa la charpente des combles suivant les proffils
garnie de fermes espacé,es à 10 pieds de distance les unes
des autres, iceJles garnies de jambes de force ou montans,
de leurs grands et petits entraits, poinçons (1): liens: esse­
liees, cont.l'efiches,j ambettes" sept COurs de pannes ou sablières
en :re ,toize., .. ? les pannes peuplées de chevrons, coyaux
ct. ... ? espacés à l'ordinaire et les croupes garnies de leurs
aireliers, coyers, arbalestI'iers, chevrons de croupes et les
enrayeurs de liernes, le tout bien assemblé à tenons et mor­
taises et des longueurs et gro~seurs nécessaires pour la
solidité et bonté de l'ouvrage et suivant les eschantillons et
seront donnés par l'ingénieur conducteur.
mémoires qui en
Du dessus de l'entablement au dessoubs du grand entrait

on revestira de courbes de c.harpante pour recevoir les
lambris qui seront assemblés dans les sablières, liens et
entraits, et on les espacera de 2 pieds en 2 pieds. Faire
le bef'roy des cloches (2) de bons assemblages de bois de
chaisne garny de potteaux, sablières, croix Saint-André .. '.
Faire les planches de la tour et du jubé avec. pareil bois et
des grosseurs et longueurs' nécessaires. Tous les bois
cy-dessus seront de chaisne bien escary, bon, loyal et mar-
chand, sans aubier c.onsidérable, roulente ni vantl1re. »

Couverture

CI. On couvrira tous les combles de bonno ardoise fine et
sans tache, bien escanée par le dedans, assise sur planches

('1) La ferme est un assemblage de charpenle, fail au moins de 2 forces
ou pièces de bois, sou lenues et réun ies par u ne maîtresse pièce ou en trai l,
et portaut le poinçon ou aiguille, pièce debout, destinée à l'assemblage cie
moindres pièces ou cie pièces cIe fail.e. Je suis obligé de renvoyer aux
dictionnaires d'architecture pour l'explication des autres termes, dont
plusieurs ont disparu de la technologie.
(2) Le heHroi n'était pas, comme on le croit trop généralement, la tour
qui renfermai t les cloches, ma is 1 a charpen te qui sou Lena i t celles-ci.

de sapin resciées, dont on garnira tous les combles, ces
planches sel'ont bien clouées sur les chevrons et les ardoises
sur les planches de 2 cloux chaquune, observant le pavea u
à l'ordinaiee: c'est-à-dit'e qu'en chacque ardoise soit recou­
verte des teois-quaets de sa longueur et qu'il ni ait que
l'autre quart qui paroisse. » ,
fJi enuiserie.
( Il faudra lambrisser toutte l'église et chapelles avecq
planches de Pruce (1) de sapin reciées en reignure les unes
daus les autres et faire les planchers des jubés avec planches
épaisses aussi en reiueure et blanchies des deux costées. -
Faire la menuizerie des cinq tables d'autels, des retables et
du tabernacle du grand autel tous ornés de colonnes, pilas­
tres, entablement, frontons, cadres et attique au-dessus;
faire les marchepieds, gradins et crédences, lambris à costé
du grand autel avec pilastres et cadre, chaire du prédicateur,
balustrades, portes d'entrées et porches, le tout suivant les
dessins et devis particuliers qui seront faits. ))
Gros fers.
( On garnira tous les vitraux de l'église de chassis dor­
meurs de gros fer plat pour recevoir les paneaux de verre
qui y seront posés avec des liens et verges pour les atacher.
Les aiguilles des combles seront garnies de bons estriers
de fer qui embrasseront les entraits et boulonnés par le haut
'avec une clavette par derière .. ,. l)

Plomberie.
« On garnira les faites des combles de tables de plomb
aïant 20 poulces de large et une bonne ligne d'espais, les
noues (2) et airetiers aux endeoits nécessaires et les aiguil-

(1) De Prusse. On tirail beaucoup' de bois du Nord. '
(2) On appelle noue l'endroit OL! deux: combles se joignenl en angle
rentrant. .

lettes qui sortiront hors les combles, de vazes, pieds et croix
et autres amortissements convenables; gamir pareillement
les poteaux du clocher de la sacristie d'une laütcrne et cor~
niches là où il sera besoign. ))
Sculpture.
« Faire enfin la sculpture des armes du Roy dans le
timpan du portail de l'église, de deux figures aussi de pierre
de taille, aussi bien que les testes de chérubins, festons et
vazes, même la sculpture de bois des chapiteaux des colon­
nes et pilastl'es, des festons, modilons et autres ornements
marqués par les dessins. »
Conditions du toisé.
L'entrepreneur, dans l'exécution des travaux, se confor­
mera strictement aux plans et devis; il fournira tous les
matériaux nécessaires, les outils, les échaffaudages, etc. ;
il fera travailler sans di.§continuation et emploiera u'n nombre
d'ouvriers suf11sant pour que la construction soit achevée
dans le délai pl'escrit. '
« La fouille, deblays des terres, sera mesuré à la toize
cube de 216 pieds. . . . . . . . . . . . . . . .. 2 1.
« La maçonnerie de tous les fondements des
mûrs à toize quarrée de 36 pieds sur leur épais­

seur, porté parle devis. . . . . . . . . . . . . .
« La maçonnerie de l'élévation des mûrs au­
dessus desdits fondements suivant le devis, aussi
à toize quarrée, mesuré tant plain que vuide, la
pierre de taille comprise et sans saillie, archi-

tecture nI corps comptes. . . . . . . . . . . . .
« La maçonneri e de la face du portail, tour,
clocher et dôme, aussi des épaisseurs portées
par le devis et sans saillie ni architecture comp~
tées, comme a esté dit, aussi à toize quarrée. ' ,'

« Les vouttes de pierre
de taille des Jubés à
toize quanée . . . . . . . . . .. ....... 41
« Les corniches ou entablements du dehol'S et
dedalls de l'église à la réserve de ceux du portail,
à toir,e conrante ........ , ....... " 15
( Le pavé de pierre de taille à toize quarrée
aussi hien que les pérons et marches d'iceux. .. 24
« r .es escaliers à vis seront mesurés à .toize de
hauteur sur leur pourtour tant cages que marches. 90
cc Le bois de charpenterie employé et mis en
œuvre au cent de pièces aux uz et coustumes de

« La couverture aussi à toize quarrée compris
les planches reciées servant de lattes au-dessous. 91.10s.
« Le fer non limé au cent pezant mis en œuvre. 16
l{ Le plomb aussi au eent pezant mis en œuvre.
IY A. CORRE .