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Bulletin SAF 1898


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Un Procès-verbal des prééminences et droits honorifiques à Landrévarzec et à Quillinen (1648)

Abbé Antoine Favé

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UN PROCÈS-VERBAL
et droits
à (i8id)
~ et à

PAn . L ABBE AVE . .

Un procès était penJant au Présidial entre Ecuyer Hervé
de Kerguélen, SI' de Kerlès, son fils le SI' de Kerlaouénan,
d'une part; et Messire Sébastien Le Becquer, chanoine de
Cornouaille et Recteur de Kerfeunteun (1). Ce dernier avait,
à la date du 7 novembre 1648, reçu assignation pour se
rencontrer avec la partie adverse, à l'Eglise paroissiale de
Landrévarzec, à l'Eglise trèviale de Quillinen et enfin au
'Manoir noble de Keranroc'h, pour y faire état et procès-
verbal des droits honorifiques et prééminences que la famille
possédait. '.
de Kerguélen .y
Le . rendez-vous est fixé · par le Siège au 16 du même
mois de novembre: à dix heures du matin, au bourg de
Landrévarzec. Hervé de Kerguélen se met en mesure d'y

répondre pOUl' ce. qui le concerne, et ce jour, vers les
huit heures du matin, il se présente chez le Sénéchal
Olivier Salou, seigneur de Toulgoat, bien que l'on fût
au mois de novembre, sombre et brumeux. De Kerguélen
s'est au préalable muni d'"un procureur, Me Philippe Pérard, .
requérant le premier magistrat « qu'i lui rlaise .vacquer
« audit procès-verbal, à quoi inclman » celui-ci convoque à
• l'accompagner Jacques Du Haffont, avocat du Roi; -Yves
l .. eMercier, procureur au Présid ial, « faisant pour Le Greffiel'
(1) Nous n'en avons pu découVl'Îl' le motif dans les papiel's du présidial
de Quimper.

cc d1apeaux et de luy le serment pl'Îns en tel c~ü; requis et
« accoustumez desdits sieurs de Kerlaouénan et Pérard son
« procureur: 1) on monte à cheval et l'on chevauche jusqu'à
l'entrée du cimetière de Landrévarzec, où se trouve le SI' de
Kerlès lequel s~ joint à son fils le SI' de Kerlaoqénan pour
supplier le Sénéchal de remplir sa commission~ ,
Avant toute autre procédure, Me Pérard requiert que l'on
vérifie que le terme fixé de dix heures du matin est passé;
le fait est constaté « par l'inspection du soleil et l'attestation
(c de Messire Jean Donartrecteur de la paroisse. ))
Après cette expertise sur la marche du soleil confirmée
par la haute autorité du recteur de l'endroit, il restait à
constater l'absence du rectelll' de Kerfeunteun : il est requis
qu'il soit fait appel de la pet'sonne de messire Sébastien Le
Becquer: Hervé Le Berre, à cet effet délégué~ l'adjure s'il 'est
là, de se présentel' et de t'épandre. Faute d'écho à cette
sommation, il ne reste qu'à le juget' défaillant, son dé-
faut, vraisemblablement, ne devant surprendl'e personne,
malgré l'assignation et , l'exploit à lui signifié, l'avant­
veille, 14 du même mois, pal' Farcy général et d'armes.
On va donc passer outre. et le procureur pl'ésente ses
conclusions: « Ledit Pérard audit norn Soustien Et mest En
« faict quan laditte parroisse Est sittuez la maison Et manoir
« noble Et seigneurialle de Keranroc 'h possedez de tous
« temps par Les prédécesseurs desdits sieurs de Kerlès et
« Kerlaouénan, Gentilshommes du nom et Darmes de Ker­
« guellen, auquel manoir Est Leut' Souche ,Entienne Et
« maison noble primittifve à cause de Laquelle Eux Et leurs
« prédécesseurs possèdent Depuis Les, deux à trois cents ans .
« Et de tout temps lrnménwrial tes premières prééminences
« Et marque hoiw1"ifique De laditte Eglise paroissialle de
« Landrévarzec comme armes En bosse et Vittl'es, Tombes,
« Enfeus, bancqs, Lissières funèbres et œutres marques de

« fondateurs. ))

Les ayauts-dr'Oit, insistent tout pêll·ticulièl'ement sur
le caractèl'e de temps immémorial: SUI' « les deux il.
« tt'ois cenls ans et plus », de la pretilcription de leurs
prééminences : la raison en est facile à comprendre et se
t.l'ouve dans une note sommaire de Poullain du Parc (La
coutume de la jurisprudence coutumière de Bretagne drtns
leur ordre naturel, art. 282, pp. 141-142.) Pour « les droits
« honorifiques dans les Eglises la possession n'en peut être
« suffisante que lorsque le commencement de la possession
« ne paraissallt pas, elle {(Lit p1'és'Lt11wr 'L(;1W possession imrné­
« 1Jwriale et remontant avant l'ordonnance de 1539 ».
« Justice gist en fOl'malitez )): répétait-on autrefois, au
Palais. Dans le Procès-verbal que nous donnons ici on voit
exactitude pharisaïque,
ces formalités observées avec une
on les voit se suivre et donner l'illusion de la vie, d'une vie
par la sl'lccession mouvementée des fonc­
qui se manifeste
et des actes.
tions
La copie que nous possédons de ce document (1) 'est de
-14 feuillets fidèlement collationnée, le 5 avrÎ'l 1732, par
les notàirQs des Reguaires, conformément à l'original
conservé és mains de Hervé-Louis de Kerguélen, che­
valier seigneur de Keranroch et chevalier des ordres
royaux, militaires et hospitaliers du Mont-Carmel et de
prise pour le compte de Bernard-Marie
Saint-Lazare, copie
de.Kerguélen, seigneur de Pen an jeun, fils de dé.funt messire
François-Marie de Kerguélen, chevalier de l'ordre militaire
de Saint-Louis.
L'enquête à fin de procès-verbal des droits honorifiques
et prééminences est entrep,rise sans désemparer, après les

formalités préliminaires relatées plus haut. Le greffier tend
l'oreille aux déelarations qui sont faites, et dictées les
enregistre au coueant de la plume. . .
vel'sée pal' nous aux Archiyes départemen-
(1) Cette pièce vient d'être
tales . .

« Et entl'és en ladiUe église paroissiale de Landl'évarzeè,
« avons Veus qu'au plus hault soumot de la Grande VitLl'e, au
« pignon oriental, il y a Un ESCllssondes al'mos du roy. Et
« nous ont lesdits Kerguellen fait Voir en la ditte Vistre, du
« costé .de Levangille: Un Escusson portant d'azur'au crois­
« sant d'or, laquelle armoyrie lesdits Kerguellen disent Estre
« celles de la terre de Pen an jeun Launay ,lhét'ittière de laquelle
« nommée Blanchede Launay l'ust mariée ùEscuyer Guillaume
« Kerguellen, seigneur de Koranroc'h, Tryayeul et Tryaeulle
« dudit sieur de Kerlez Kerguellen, père dudit sieur de Ker­
(C laouénan Kerguellen: Avons Veu au cœur de laditt.e Eglise,
« du costé de Levangille, Un Lancq ou accoudouez que lesdicts
« Kerguellen ont soustenus leur appartenir à cause de la terre
« de Keranroc'h ; Et alldevant dudit bancq tirant devers L'ar-

« cade qui sépare le cœur davec la chapelle de Nostr'e-Dame,
(c qui fait Laisle du costé de Lévangille: nous ont lesdits Ker-
« guellen montrez une tumbe platte armoyé d'un Escusson

« empreint de trois fasses surmontées de .quatre Ermines En
« cheff; laquelle Tumbe n'est Distante du Grand autel que de
« trois pieds ou environ; Et au septentrion de laditte Tumbe
(c nous ont lesdits Kerguellen faits encore Voit' trois autres
(c tumbes plattes armoyée et s'entrejoignante, la première
(c estante sous Larcade qui Sépare le cœur de laditte chapelle
« de Nostre-Dame: est armoyée d'un Escusson en bosse em­
(c preint des me$mes fasses et Ermines que lesdits Kerguellen
c( soustiennent Estre les Leurs: et les Deux autres tumbes
« aussy armoyées de cinq Escussons de pareilles armes de
(c trois fasses surmontées de quatee Ermines en cheff; laquelle
« chapelle fait Laisle de l'Eglise du costé de Lévangille, Et ne
« sont lesdittes tumbes que denviron deux pieds de Lautel de
« laditte chapelle. Lesdits Kerguellen soustiennent estres pro­
« hibitives aux seigneurs deKeranroc'h; requérants qu'il nous
« plaise apurer les autres marques honorifiques qui s'y trou­
c< vent, outreLes tumbes armoyées et susmentionnées, Et nous
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. ' . TOME XXV. i émoires). 2

« ont lesdits Kerguellen fait Voir que La Vistre qui est aude­
« vant de Lautel de Iaditte chapelle est composé de deux jours
« au passant d'un soumet qui est au haut d'ycelle ; auquel
« soumet nous donnons pour recognus qu'il y a un ESCUSSOll
«( dargeant à trois fasses de gU6ulle surmontez en chef de
« quatre Ermines de Sable, ledit Escusson timbré d'un heome
« à costé et grillé au boudet componé d'or, Et de pourpre
« suportant pour suivre Une teste de Lion plain lampassé d'o!',
« ledit Escusson, orné de Lambrequins chargez de diverses

« alliances, Entre autres da sur à trois quintefeuillesdargeant,
« que lesdits Kerguellen ont maintenus estres Les armes de la
«( seigneurye de Quistinit appartenant au seig'neur baron du
« Vieux Chastel et des Aubrays, avec autres alliances dazur à
« Trois Mains dargeant accompaigné dun fer despieux posé
« au milieu de Lescusson, laquelle alliance lesdits Kerguellen
« ont maintenu estre de la maison de Kervier, Et en lautre
« Lambrequin avons Veus pareillement dazur au croissant
« d'or, que lesdits Kerguellen ont dit Estre Lalliance de la
« maison de Pen en jeun Laulnay. Et en la mesme Vistre, au
(J hault des deux jours ou passant audessolls du soumet
(c susmentionné, avons aussy Veu deux Escussons, au pre-
« miel' qui est du costé de Levangille, est Un Escartelle au
« premier et dernier dargeant à trois fasses, lesquelles sur­
« montez de quatr'e Ermines de sable, au second et troisiesme
« dazur il trois qui ntefeuilles dargeant et au second, escusson,
« qui est du costé de Lespitre, Il y a un Escartelle au pre-
cc miel' dargeant à trois fasses de Gueulles surmontez de
c( quatre Ennines de Sable au second dargeant, partye est
« coupé d'un fiUet de Sable et cantonné de quatre Loups pas­
{( sants de Sable au troisiesme dazur a une fasse dargeant
« chargé de trois Mollettes de Sable. Ladite fasse accompa
« gnée de trois Pommes de Pin d'or, au quatriesme dazur au
«( Dragon aislé d'or qui est de la maison de Coëtninon et de
« Pont Lez, touttes Lesquelles armoyries lesdits Kerguellen

(l soustiennent estre despendantes de la terre Je Keranrocih,
« et appal'tenir à leurs prédécesseurs du nom et d'armes de
« Kerguellen ;
« De plus avons Veus en la mesme chapelle quau Corbeau
« qui sup~:)l'te limage de Nostre-Dame audessus de Lautel, Il
« y a un Escusson en bosse empreint des mesmes fasses et
(l Ermines, Et que Ion a mis en Coulleur ainsi qu'elles ont
« esté blasonnez cydevant,
« Comme aussy en la mesme chapelle avons Veüs un bancq
« que lesaits Kerguellen ont soutenu est l'es despendants de
« laditte terre de Keranroc'h; Et donnons pour recognus quen
l( laditte chapelle, du costé de Levangille; il ny a aucun Escus­
« son en Vittre ny En bosse, ny Enfeux armoriez ny bancqs
« que ceux qui ont estés mentionnés cydessus que lesdits .Ker-
(c guellen ont maintenuLlS Et dit leur appal'tenil' à cause de
« laditte terre deKeranroc'h ; .

« Et au droit de la lleff du crucifix du costé du septen-
« trion avons Veti. une Vitlre costalle qui donne jour à taute!
. « des saints Cosme et Damian, Et en ]aditt0 Vittre un Es­
(1 cusson plain des mesmes armes de Kerguellen, à Sçavoir
« dargeant à trois fasses de gueulle surmontez en cheff de
(l quattre Ermines de sable, Et finallement le,sdits Kerguélen
« ont fait Voir une Lizière funèbre tant tout autour du hault
« du cœur par dedans que tout autour du hault de la neff
(l aussy pal' dedans Laditte Eglise. Et pareille Lizière autour
« de la Chapelle de Nostre Dame du Costé de Levangille,
« aussy par dedans lesdittes L izières semées denviron vingt
(l deux Escussons paints portant chacuns deux à tt'ois fasses
« de gueulles surmontés ùe quatre Ermines de Sable qui sont
« les armes desdits Kerguellen, seigneurs de Keranroc'h;
« Et de plus nous ont lesdits Kerguellen faits remarquer
« que dans le Bois posez sur les murailles servant de Sablières
« audedans dudit cœur Il y a deux Esèussons en bosse à

II sçavoir un à chaque costé, Et au. droit des deux bouts du

« Grand Antel ; Lesquels deux Escussons sont Empreints des
« mesmes tl'Ois fasses Et quatre Ermines en Cheff; Comme
( pa'reillement nous ont lesdits Kerguellen faits voir deux
( autres Escussons en Bosse, Lun audessus du poisle qui est
« audessus dudit grand autel servant de cleff à la Vouste et
( Lambrissures de bois, et autre escusson au mittant du hault

« dud ict Lambrissage et Vouste de bois dudit Cœur; lesquels
« deux Escussons sont pareillement Empl'eints des dittes tro is
« fasses surmontées de quatre Ermines en chtff, et ayants
« sort ys au eimettière hors de ladite Esglisse, Lesdits Kcr-
« guellen nous ont montrez un Escusson En bosse Et relieff
( En la première pierre du Cheffron du pignon occidental
« de laditte Esglisse du costé méridionnal, portant les mesmes

« trois fasses surmontées de quatre Ermines en cheff que
( lesdits Kerguellen ont dit ,pareillement estre Les Leurs; et
« 'audessus de La porte qui est au pignon occidental De laditte
« Eglisse avons aussy Veüs un Escusson en bosse Et relieff
« portant un croissant que lesdits Kerguellen ont dit estre
« les entiennes armes de Penn an jeun Laulnay de laquelle
« estoit hérittière la tripayeulle (sic) dudit sieur de Penan­
t( jeun, son nepveu, et nous ont lesdits Kerguellen requis
« acte que les Escussons des Kerguellen qui se Voyent en
« Bosse au Corbeau qui soustient Limage de la Vierge Et en
c( la pierre du Cheffron' du pignon occidental, Et les Escus­
( sons des Kerguellen qui sont aux quatre tumbes et aux
( hoissag.es de leglisse paroissaient aussy antiennes que le
« surplus de Léglise, Et que les autres Escussons des armes
« des Kerguellen, qui sont tant aux Vittres qu'aux Lizières
« suspéciffiez paroissent fort antiennes, Ce que nous leurs
« avons donné pour V éritahle ainsy que nous avons peu re­
t( marquer par 'l'inspection desdits Escussons. »
Il est impossible aujourd'hui de contrôle!' les données
inscrites dans ce procès-verbal; l'Eglise vue par les
enquêteurs de 1648 a disparu; rien ne la rappelle, pas un

vestige resté comme un souvenir à déchiffrt~r; à sa place se
tl'OLlVe un édifice propret, dans le style employé dans les .
constructions du culte entre 1830 et 1850.

La visite à l'église de Landrévarzec terminée, accompa­
gnons le Sénéchal au manoir de Keranl'oc'h, situ'é à deux
kilomètres bien comptés du bourg: mais à Keranroc'h,
comme au bourg, toute trace d'édifice est déblayée: nous y
trouvons de beaux rochers, une étendue de quarante jour-
naux de bois taillis, une maison de construction très récente,
mais rien de l'ancienne habitation seigneuriale.
Il nous souvient avec quel enthousiasme communicatif
1'1. le comte de J\lIarsy, lo!'s du Congrès de la Société française
al'chéologique tenu à 'Morlaix-Brest (1896), saluait en saint
Jean-du-Doigt le type idéal d'une église de Basse-Bretagne
avec ses annexes et compléments: son oratoire extérieur,
l'ossuaire, la font.aine, etc .. ,. La description qui fut faite
Keranroc'h, le 16 novembre 1648: par celui qui tenait
la plume ou par celui qui dictait la minute, dénote et
révèle une description exacte de l'extérieur d'un manoir­
bas-breton de l'époque. Le rédacteur du procès-verbal
s'y laisse prendre par la beauté des détails et la ma­
jesté de l'ensemble. S'il s'y connaît, Keranroc'h est bel et
bien un be'au manoir, imposant par son aspec,t ant.ique, SR
cour close, son grand corps de logis couvert d'ardoises, ses
beaux bois, ses belles et antiques rabines, ses beaux mOl1-
lins, ses dépendances!
Ce manoir rentre dans la catégorie de ces édifices et terres
dont le nom désigne, dit M. L. Delisle, (Classe agricole,
p. 213), ( l'ensemble d'un domaine féodal comprenant l'habi­
tation des seigneurs, les terres non fieffées qu'il exploite ~ui­
même et les droits dont il jouit sur les terres fieffées à ses
vassaux )). Comme renseignement d'une exactitude chro-

nologique quelconque, on s'en tient toujours au terme et de
tout temps immémorial. La maison du manoir et les logis
y attenant sont antiques~ mais bien plus doivent le paraître
« les divers logements ruinés )) que l'on y rencontre autour;
ruines du temps de la Ligue ou souvenir du passage des
bandes de Jean de Plouyé lorsq u 'elles allaient se faire exter­
miner à Prat-a1'-MHl-Goff.
L'orgueil de Keranroc'h, ce devait être ses bois et ses
hautes futaies. Autrefois, il n'y avait que le Roi qui eut droit
d'avoir des bois de haute futaie; s'il octroyait à quelqu'autre
permission d'en avoir, c'était à charge qu'il y aurait juridiction
ou sa part et portion dans les coupes. Un bois dont les a['bres
avaient de soixante à cent vingt ans, n'avait droit qu'au titre
de jeune futaie; la haute futaie ne comprenait que des arbres
vraiment séculaires, de 120 à 200 ans et plus. On conçoit que
. ce détail constitutif d'un manoir seigneurial tenait au cœur
du seigneur et était pompeusement relevé, comme il est fait
dans la continuati.on du procès-verbal qui suit:
« Et Ce fait Nous ont lesdits Kel'guellen reqt;t.is de nous
« transporter Jusques au man noir de Keranroch distant de .
« laditte paroisse Denvil'on U II quart de lieLle pour apurer que
« ledit Mannoir qui apartient à Leurs prédécesseur's et aux
« Gentilshommes du nom de Kerguellen de tout. Te:ups lmmé-
« morial Est descorré de beau boy tant de hauste fustaye que
• .« de taillifs et de belles et antiennes rabines. de beaux

« moulins Et de plusieul's appal'tenances qui Thémoigne son
« ·antic·quitté Et particulièrement que les mesmes armoyries
« de Kerguellen sy tr::mvent tant . en bosse quen Vittl'es ;
Ci lnclinants à laquelle H.equeste nous nous sommes rendus
« audit mannoir 'de Keranroch sittuez en laditte paroisse de
« Landrévarzec où Es~ants nous avons veus Une Vieille
« Maison à Lanticque C Hlverte Daedoises aveq Cour Close et
« divers Logemens ruinez: et hors la Cour trois maisons
« Servante aux fermiers des dittes tel'res~ et nous ont fait Voir

« Lesdits Kerguellen audit man noir quelques Escussons en
« bosse et aussy en Vittres 'armoyez des dittes fasses Et
« Ermines semblables aux Escussons que nous avons remar­
« quez en Laditte Eglise paroissiale de Landrévazec; Comme
« aussy avons Veüs, Une grande touffe de Bois De haute
« futay proche ledit lVIannoir Et di verses rabines que sont
« aux arrivez de laditte maison, Un bout de Lune dycelles
« Sont Les Moulins en déppendants, et avons aussy Veüs trois
« bois taillifs joignant ledit . bois de haute futay qui au tout
l( peut contenir neuIT à dix J OUl'naux De terres, Et, La nuit
{( estante survenüe nous aurions estez contraints de Prendre
« nostre Logement audit bou['g de Landrévarzec pour y passer
II La nuit et renvoyer à demain pour continuer ledit Procès­
(l Verbal. »
III,
Le lendemain on se retrouve à l'Eglise tréviale de N otre­
Dame de Quillinen, aujourd'hui dépendant de Landrévarzec ;
rédacteur du procès-verbal n'est pas dépourvu d'instinct
esthétique: il adn'lire à bon droit ce gracieux édifice construit
vers le milieu du XVIe siècle dans un site charmant et il
exprime son appreclatwn en ces termes aUSSI concIS que
bien sentis : {( ou estànts mlons donnez pour recogniis que
{( lwlitte Es(]lise Est superbement bastye de pierres de taille E
« d'un estructure somptueuse tant par dehors que par dedans.»
[l se rencontre parfaitement d'accord avec notre confrèl'e, 1\1
l'abbé Abgrall, qui lui aussi admire et en donne les motifs
plus de développement et sans doute plus de compétence
avec ,
procès-verbal de 1648. Dans son mémoire sur les « Cha··
que le
pelles et Calvaires de Saint-Vinee et de Notre -l1ame de Qui­
linen », publié dans le Bulletin de la Société archéologiqul; du
Finistère, en 1893, il nous dit: « La chapelle de Quilinen
« présente à l'extérielU' une ornementation très riche du côté
« de l'abside et sur la façade midi. Le côté E~t, fO,rmé par

(( l'abside et le transept N.ord., est percé de tl'Ois belles
et appuyé par quatre c.ontreforts surmontés de
( fenêtres
«( pinacles aigus, hérissés de crossettes. Sur la façade. Sud .on
« trQuve trois autres jolies fenêtres , une petite porte élé­
« gante; deux contreforts, dont l'un très massif, renferme
« un escalier qui desservait autrefois un jubé intérieur et
« qui sur la face extérieure contient une niche renfermant
« une statue de saint Pierre, en pierre blanche, maintenant
( dégradée. )) C'est d.onc à juste titre que le pr.ocès-verbal
( dit que laditte Esglise est somptueLLse tant par deh.ors
« q'ue par dedœns )).
Après s'être a'rrêté devant le porche <::IU grande arcade enca­
drant une porte géminée et avoir salué, dans le tympan, une
gracieuse statue de la Vierge à genoux, l'abbé Abgrall nous
montre àl'intérieur l'agréable étonnement qui attend ~ le voya­
« geur surpris de trouver une architecture riche et savante
« dans la partie absidiale, c'est-à-dire une travée de la nef,le
« chœur et la branc11e de croix qui f.orme l'unique tran-
(( . sept au Nord. Des piliers revêtus de colonnettes soutien-
« nent des arcades et des voùtes élégantes, recoupées de
«( nervures moulurées. Quatre écussons forment les clefs à
II l'entrecroisement de ces nervures )). .' .
Ces Ecussons sont re1evés de façon fort compétente dans
l'enquête menée pour dresser le procès-vel'bal des droits
honorifiques: 'nous nous en l'emettons à lui: ce sont les seuls
qui restent de cette pompeuse énumération, et encore sont·ils
empâtés,ellcrassés de badigeon! Qllant aux vitres arm.oriées,
aux images des cavaliers et dem.oiselles agenouillés décrits
plus bas, ils .ont complétement disparu; il Y a sept ans
envir.on, un brocanteur en emport.ait les derniers débris .
Après av.oir admirJ le calvaire s itué à 5 .ou 6 mètres au
Sud-Est de l'Eglise, admirable par le g'r.ollpement si habile
. des pers.onnages, ayant c.omme base deux massifs triangcL­
laires se superp.osant et se c.ompénétrant, avec culs de lampe

en cariatides, fort bien expliqué par l'abbé Abgrall, nous .
. nous rendons ft la fontaine située à 40 mètres au Nord-Est
de l'abside. Sur la façade on voit trois Ecussons: celui du
milieu seul est en bon état et porte le croissant d8s Launay­
Pen an jeun. Notre procès-verbal ne parle ni de la fontaine
ni de ses Ht'l1loil'ics : il est probable que lors de sa rédaction,
elle n'existait pas avec l'édicule qui la surmonte sans trace
d'art. Un aveu (de 1762) des terres que Bernard Gabriel;
chef de nom et d'armes de Kerguélen: seigneur de Pen an jeun,
Enseigne des vaisseaux du Hoy, tient sous Mme de La
Bédoyèt'e Dame marquise de La Hoche porte: « plus appar­
«( tient audit seigneur de Pen an jeun- une maiso n et courtil
« situés proche de l'Eglise de Quillinen et la fontaine dudit
« Qnillinen pour payer par an quatre livres dix sols de
«( rente. »
Laissons au surplus M. le sénéchal continuér l'état des

lieux et procéder à son proeès-verbal et commission.
t< Et Le Landemain Dix Septiesme Jour de novembre mil
«( six cents qual'allte Et huit; arrivez au continüant nostreditte
« Commission, nous nous sommes rendus en suivant lesdits
(t Kergllellen Et Péeard en Leglisse Treffiale de nostre dame
« de Quillinen paroisse de Briec, distant ducEt bourg de
« La11Ùl'évarzec dun quart de Lieu, on Estants avons donnez
«( poUl' l'e[;og[l~iS qtte ladite Esglise Est Superbement basty de
« pierre de taille Et d''U1w Struc ture Sornptueuse tant par de
t( hors que par dedans, Et avons Veü qu'au premier Soufflet
« de la Grande V itl'e audevant du grand autel au pignon
« orriental Il y a Un Escusso t1 Chargé des armes de Bl'etaigne,
« Et plus bas trois Escuss~ns des armes du Seigneur Marquis
« de Laroche Et au-dessous dans Lemesme Soufflet avons
« Veüs Trois autres Escussons. J Je premier qui Est du Costé
« de Lévangille porte dargent à tl'Ois fasses de Gueulles Sur-
« montez en ChefT de quatre Ermines De Sable partye dazul'
« a trois mains d'argent acçompagné dun fer Despieux de

«0 mesme posé au milieu De LescLl quelesdits Kerguellen
« disent Estre Les al'mes des Seigneurs de Kerallroc'h
« Et de Pen an jeun avec lalliance de Kervier; Le Second
(1 Eseusson porLe dazur au Croissant Dol' partye de Gueulle
{( a six annellets Dargent quelesdits Kerguellen disent
« Estre Les al'l11eS d'un seigneur de Pen an jeun du nom de
« Lauluuy avecq lalliallce de H..ocerf Maison très-antienne
« appartenante a pl'ésent au seigneur marquis du Liscoët ;
« Le troisiesme Escusson est dazur au croissant dol'
{( par'tye de gueulle abeisan,ts Et Lozanges dol' que lesdits
cc Kerguellen ont Dit Estl'e Les armes De Ladite maison
« de Pen an jeun, aveq Lalliance de celle du Guermeur
c( Coroar, Et nous ont lesdits Kerguellen fait Voir audevant
(e dudit grand autel, du costé de Lespître, Un bancq à deux
cc 'accouêtouer Denviron quatl'epieds Et demy de Long Et deux
« Et derny de Largeur,dans Lequel banq sont deuxEscussons
(c En bosse Empreints de chacun Un croissant,au costéDuquel
c( banq Il y a une Tombe ou Est aussy Empreint en bosse un
c( Croissallt que lesdits Kerguellen ont dit estre les armes de
(1 Pen an jeun Laulnay, Et nous estants rendus en ,La chapelle
« qui compose une ai,sle du cœur de laditte Esglisse du Costé
« de Septentrion et de Levangille avons Veùs quil y a deux
« Autels En Ladite Chapelle et deux Vittres devant Lesdits
« autels en Lune desquellesVistres à scavoir En l,a pl'ochaine
« du €œur de Leglisse Il y a trois Soufflets au premier, Kt
c( plus haut desquels sont les armes dLl Seigneur Mal'qqis de
t( Laroche, au Second Soufflet 'qui est au Second rallg posé
c( au Costé de Levangille est un Escusson Escal'tellez au pl'e­
« miel' e tdernier tlal'geant à tro is fasses de Gueulles SUl'montez
« de quatl'e Ermines de Sable! au second et troisiesme dazul'
c( à trois quintefeuilles dargent~ et au troisÎesme SOLTmet, qui
« est du Costé de l'Epistl'e sous les annes plain de Kel'guellen
« cydevant blazonnez au bas delaq uelle Vistl'e dans les cleux
cc Jours Et passant dontElle est composée avons Veüs scavoir

« En la passé ' du . Costé de Lepistre un Cavallier armez à
. « genoux En forme de prianL portant une Cotte sur son habit
« de gents darmes, Laquelle cotte darmes est armoyée d'une
« Escartelle desdittes armes de Kerguellen et de Quistinit
« cydessus blazonnés, ayant ledit Cavanier Une Damoiselle
« aussy priante portraite auprès de Luy, Laquelle porte
« En Sa robe Les armes desdits Kerguellen aveq Lalliance
(( dazur au Croissant Dol', Laditte Damoiselle ayante une
(( Coeffure d'une figure très antienne Et anticque, et En
« La Seconde passé De Laditte Vistre, du costé de Lé­
« vangille se Voit le portrait et figure d'un autre Caval­
« lier armé et priant à genoux, ayant en Sa Cotte d'armes
« Les armes plain de Kerguellen cydessus blasonnes avec Un
« Lambrecain dazur de quattre pieds, Lesquels deux priants
« lesdits Kerguellen soustiennent avoir esté leurs prédéces­
« seurs seigneurs ' de Keranroc'h et De Pen an je mi, comme
« aussi 'en la seconde VislreDe Laditte Chapelle. Il y a pareil­
« lement trois Soumets au plus haut desquels sont les armes
« dlldit Seigneut' marquis de Laroche, au second Soumet qui
« est au Seco!ld l'ang ducosté de Lévangille sont les armes de
« Pen an jeun Laulnay blasonnés cydevant partye dazur au Grel­
« lier dargeant, et au troisiesme Soumet qui est du costé de
« Lespitre sont les armes dycelle Maison de Pen an jeun Laulnay
« partye de Bodt'iec I.amarche, qui est de Gueulle au champ
« dargean t et a u bas de la mesme Vistre Il y a deux Jours ou
« passés. En la premièl'e Est la figure dun Cavallier armé et
(c priant à genoux, ayant en sa Cotte DarInes les armoiryes '
,« du dit Pen an jeun La ulna y qui sont dazur au croissant à'or et
« auprès de Luy est le portrait dune damoiselle aussy priante
« ayant en sa robe Lesdits arrnes de Pen an jeun Laulnay avec
II lalliance dazur au Grellier dargeant, Et en la Seconde passé
« de la mesme Vistre du cos Lé de Levangille avons Veüs la
« figure d'un autre Cavallier al'mé et priant à genoux portant
« en Sa Cotte darmes Les armes de pen an jeun Laulnay Et

l( auprès de Luy est le portrait Dune demoiselle portantEll Sa
l( robeLes mesmes armes de Pen an jeunEt en alliance de Gueu­
cc les an Cheff dargeantque lesdits Kerguellen nous ont dit estre
« les armes de Bodriec Lamarche, Nous ont aussy lesdits
« Kerguellen fait rem,'-rquer Un autel au costé septentrionnal
« de la mesme Chapelle desdié à Monsieur Saint-Yves aude­
« vallt duquel autel Est un Escusson en bosse Escartellée ou
(( sont Empreints les armes plains de la maison de Pen an jeun
, (t Launayaveq LalliancedeKervier,leEstantsaubasdeladitte
« Esglisse nous ont lesd its Kerguellen montrez une Vistre au
« pignon occidental eu haut de laquelle il y a deux soumets

« dalls ]a première sous les armes plains de Bretagne, au
« second sous les armes de France et deBretagneEn alliance.
« Et plus bas dans Un autre soumet ~les armes du Seigneur
« marquis de L9.roche, et audessous Celles ete la maison de
« Pen an jeu Il Laulnay blasonnés cydevant, partye dor à la
« bande Lozangé de gueuHe accornpagné au second quartier

u dUIl chasteau dazur gue lesdits Kerguellen ont dit Estre
« Lalliance de la maison de Pacarmon auquel pignon tirant
« Vers le septentrion avons Veüs Une autre Vittre En laquelle
« Il y a Un Escusson desdittes armes de Pen an jeun Laulnay
« blasonné cydevant sans guen Laditte Vistre Il y Est aucun
II autI'e Escusson ; Et Sort ys deladite Eglise nous ont lnsdits
« Kel'guelen aussi fait Voir audessous du pOl'tal occidental Un
II Escusson En bosse Et l'elief1' Lequel pal'oist anticque Et

« aussi antien gue Le Surplus de Leglise armoyez duditCrois­
II sant quelesdits Kerguelen ont dit Estl'e Les armes dudit
« Pen an jeun Laulnay, Et finalement SUl' le portal du costé du
« cimetière, Vers le midy avons Veü Un Escusson en platte
Ct peinture des armes duclit Pen an jeun I,aulnay Escartelle
l( dazur a une macle d'or, »
Les opérations sont terminées, mais, solennellement et
inslamment lesdits Kerguélen protestent encore une fois que
toutes les prééminences relevées et enregistrées sont celles

de leurs prédécesseurs seigneurs de Keranroc'h et de Penan-
jeun « Desquels Ils sont" Issus paL' Succession directe comme
« Ils Espèrent le faire Voir par leurs Titres et ont requis
« qu'ils soit Ot'donné à Me Jean Le Cardinal MaistL'e peintre
« de faire Une figure de Toutes lesdites armoyries susmen­
( tionnées, pour Estre attaché au Procès-Verbal Et servit'
« pour l'intelligence plus parfaite des choses. »
Maître Jean Le Cardinal prête serment de se bien com­
porter en cette affait'e et d'y mettre toute diligence. On
appose au pl'ocès-vet'bal dressé sur les lieux les sigt1atures
des officiers de justice et témoins, dont M. Jean Donnarz, .
Recteur de Landrévarzec.
En marge le sénéchal a inscrit les taxes à payer pour ces
deux journées de vacation: soit 32 livres reçues; quittance
. de même somme de 32 livres payée ù l'Avocat du Roi et
:32 autres livres à M. Jean Bougeant .

Abbé ANTOINE FAVE .