Responsive image
 

Bulletin SAF 1897


Télécharger le bulletin 1897

Analyse du bronze d´un celt armoricain

M. le docteur Le Corre

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


XXVIII,
ANALYSE DU BRONZE D'UN CELT ARMORICAIN .
Possédant quelques spécimens de haches à douille de
l'époque du bronze et du type communément répandu dans
notl'e région (le musée de Quimpel' et celui de Kel'nuz en

renferment de très nombreux modèles), je profitai, ces jours'
derniers, de la présence à Brest d'un ancien collègue, mon
ami, chimiste distingué" M. Chalufour, pour faire analyser
l'alliag-e de l'une de ces haches.
Précisément, M. ChalufoUl' avait eu l'occasion d'analyser,
à Lorient, le bronze d'tm semblable celt, qui faisait pal,tie
d'une collection de 150 haches, découvertes avec leur moule
en pierre, non loin du Pouldu, vers 1889. Il Re rencontra
aucune trace d'étain, seulement du plomb amalgamé au

CUlvre.
échantillon, provenant des environs de Landerneau,
Mon
a présenté la composition sui vante:

Cuivre ... , ... . 666

Plomb ....... .

E ta in. ' , ' . . , , . .

Silice, etc ., et perte "

Le l'ésidu du creuset, fut malheul'eusement jeté par mé­
garde, avant d'avoir pu êtl'e lui-même soumis àdes essais.
Il y aurait eu à s'assurer s'il existait ou non des trace's
d'al'senic.

Ces dernières, si elles avaient été révélées, auraient sans
doute soulevé toute une série de questions.
\, al'3enic se rencontl'e dans le sull'Ul'e double de cuivre et
de rel' ; mais l'extl'uction du cuivr'e de cette pyrite est beau-

coup moins aisée que ce]]e que l'on obt ient des oxydule!! et des
carbonates de cuivre: l'exploi tation et remploi d'un sulfure
auraient donc contribué à rendre probables, chez nos ancê­
t.l'es, des connaissances rnétallùrgiqlles assez avancées.
La pyrite abonde en Espagne. I.es anciens armoricains
l'auraient-ils tirée, par voie d'un commerce maritime plus
ou m'oins régulier, de 10caUtés habitées par leurs frères de
race, les Celtibériens ?
Je n'ai pas à rappelel' ici l'hypothèse des relations avec
les Phéniciens; car, en s~pposant que ces hardis naviga­
teurs aient bien réellement entretenu des rapports actifs avec
les peuples primitifs de la grande et de la petite Bretagne,
il n'y aurait pas lieu de croire qu'ils leur aîent apporté des
métaux dont des gisements se trouvaient à leUl' portée ou
dans leur proche' ,·oisiuage. Tout au plus, ont-ils pu, dans
une mesure, servir d'initiateurs, pour le perfectionnement
,des procédés d'extl'action et de combinaison.
Le cuivre existe en abondance, même à l'état natif, c'est­
à-dire dans la condition qui se prête.le mieux à son utili­
sation pal' des hommes encore au début d'une industrie,. et
en Irlande et dans le pays de Cornwall (voir John Evans,
l'Age du bronze, traduction française, Paris 1882, p, 458).
Il est raisonnable de penser que les Celtes d'Armorique le
recevaient principalement~ sinon exclusi\'ement, des Bretons
insulaires.

Quant à l'étain et au plomb, les premiers les avaient sous
la main.
On l'encontre en efl'et le plomb, comme personne ne

l'ignore: dans le gisement de Poullaouen près de Carhaix,

et l'étain dans deux localités : à Piriac à l'état d'oxyde,
dans des gneiss, SUI' une plage, ù l'embouchure de ]a
et à Villeder, près de Roche-Saint-André, à l'état
Vilaine,
d'oxyde, dans des granits.

. Les analyses précédentes ne doivent pas être interprétées

comme indications moyennes dans l'étude des bronzes

préhistoriques.
Chaque fondeur devait avoir sa formule, sa routine pl'opre'
de là déjà de très gl'andes val'iations dans les types, sous le
rappOl't de la beauté et de la régularité des formes, des
qualités du métal, ceetainement aussi 'sous le rappoet de la
. , composition et de l'homogénéité de l'allliage.
Mais en outl'B, dans chaque opéeation, l'inhabileté de
beaucoup d'ouvriers devait entraîner des résultats très diver-
siflés, dans la fonte d'un gl'êln -l nombre de celts.

M. P. du Châtellier m'écrit. à ce sujet: .
« Les analyses de tels bronzes conduisent à des résultats
tout à fait inattendus. Le mélange des métaux ayant servi à
tout.es ces haches est souvent si imparfait, que, dans deux
haches, prises dans une mème cachette de fondeue: on en
trouve une donnant tlu cuivre avec étain et plomb, et une
autre ne contenant que du cuivre.
« Mieux encore : dans un de ces lingots accompagnant
toutes les cachettes, j'ai vu un de nies amis trouver, dans
une petite partie du lingot, l'amalgame du cuivre, étain et
plomb, et dans une autre partie du lingot, du cuivre seule­
ment.
('{ Les amalgames de cette époque étaient très mal faits. »
J'ai pensé que cette note offrait quelque intérêt: elle peut
contribuer à prévenil' ou à 0carter des opinions fausses, sur
une cel'taine fixité de composition dans les alliages préhis­
toeiques, et solliciter des chercheues à entreprendee de
nouvelles analyses. .
On ne saueait teop multiplier celles-ci .
. Dr A. CORHE .