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Bulletin SAF 1897


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Le souterrain de Rugeré (Plouvorn, Finistère)

M. le comte de Kerdrel

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xxv,

LE SOUTERRAIN DE RUGERE
(P,LOUVOHN, FI~TSTJ~ fi E.)

Au mois de janvier 1870, les froids exceptionnels do
l'hiver déterminèrent dans raire de la ferme de Hugéré, en
Plouvorn, une gerçure par laquelle les eaux pluviales

s'écoulèrent subitement. Les habitants de la ferme, surpris
de ce phénomène, élarg:rent cette première ouverture et
découvrirent l'orifiee d 'une cavité profonde dans laquelle un
homme put descendre, On pénétl'a ainsi dans une chambre
soutenaine haute de 2 mètres sur 4 mètres de diamètre,
, irrégülièrement circulaire, creusée dans un schiste mou à

l'aide d'un instrument t.ranchant.. Cette , chambre figurée
en A sur le plan donnait accès à deux ouvertures: l'une
d'elles, B, haute seulement de 1 mètre, semblait avoir été
par une porte qui avait laissé dans le schiste la
fermée
marque de ses gonds et s'appuyait par le bas sur un
simulacre de seuiL En rampant à quatre pattes, on s'engagea
dans cecouloir et on y distingua à droite une niche Cn) un
peu semblable à celles où les paysans bretons placent leul's
cruches; puis le cQuloil' s'élargissant un peu sans se relever,
à droite et il gauche de petits bancs (b) creusés dans
on vit
la piene, l'explorateur était al'l'êté en F par un éboulement,
et, en revenant SUL' ses pas, trouvait en face de la niche que
nous avons sig,nalée , une ouverture C, par laquelle il péné-

trait dans une chambre' plus petite que la premièl~e (2 mètres
'de long sur , 1 m. 80 de haut), mais taillée dans lè schiste
en calotte sphél'ique parfaitement régulièro. Cotte salle

avait une autre issue ell K pal' laquelle on se retrouvait
en D dans le premier appartement découvert. Les voùtes
des deux salles étaient constellées de petits trous percés à
raide d'une tarière et qui semblaient destinés à iutroduire
l'air extérieur dans le souterrain.
Sauf les terres qui avaient été jetées dans la première
chambre pour permettre de s'y intl'oduire, l'aire était par­
faitement nette et il n'existait nulle part trace de perturbation
antérieure; mais on ne découvrit aucun objet qui indiquât
l'âge et la dest.ination de ces galeries .
Nous . avons déjà dit que le couloir était bl'usquement
intenompu en F [leU' des tenes rapportées qui semblaient
dues à un éboulemellt ; e'est de ce côté que se podèrent les
premières recherches. A u mil ieu de ces terres on découvrit
bientôt des fragments de briques cannelées, des charbons, .
des tessons d'une poterie rouge très fine ornée d'un filet
avec lesquels on put reconstituer des urnes: puis des lances
en fer, naturellement très oxydées, enfin des ossements qui

conservaient encore la marque du feu.
On se trouvait donc en face d'un monument funéraire, et
l'incinération, la fOl'me des lImes, le métal des armes ne

laissaient aucun doute sur sa date : il appartenait bien à
l'époque de l'occupation romaine. . .
Après avoir enlevé des terres où tous ces débris étaient
. accumulés pêle-mêle, on retrouva le couloir voùté en schiste
qui se relevait brusquement et semblait conduire à l'issue
naturelle du souterrain .
A une époque qu'il est impossible de préciser, cette
sépulture a donc été violée : on a opéré au milieu du
couloir une tranchée, ce qui prouverait que l'entrée du
souterrain n'était pas connue. On a enlevé les objets précieux
et les débris sans valeur ont été rejetés dans une fosse
eOl11mune.

Ce qui peut paraître intéressant dans cette découverte,
c'est la disposition et l'architectul'e des galeries; il n'est
pas en effet à notre connaissance qu'il existe rien de pareil
en Bretagne, et cependant · pendant les quatre siècles qu'a
duré leur occupation, les Romains ont laissé de nombreuses
traces de leur p.assage. Nous parlons ici plus particulière­
ment de la rég'ion extrême qui a conservé le nom de Léon .

Des étymologistes veulent voir de ce nom de Léon une
contraction du latin Legio.
Nous leur en laissons la responsabilité.
D'après eux Legio, devenu Léon, indiquerait de nombreux
établissements dans la contl'ée la plus fMtile de l'Armorique.
Toujours est-il qu'on y retrouve des tr'onçons de voie
romaine partant de Vorganium (Carhaix) pOUl' aboutir à
,l'extrémité de la péninsule; des bomes miliail'es dont
une très remarquable enfouie dans un talus qui borde
la route départementale de Landivisiau à la mer; un camp
romain avec fossés en tene, douve et porte sur le territoire
de Plouzévédé. Dans bien <.le.3 champs, le soc de la charrue
soulève tous les ans ' des bl'iques à crochet qui attestent
l'existence de villages importants. M. Edmond Puyo a fait
connaître les nombre lises urnes funéraires qu'il a tt'ouvées
intactes dans sa pl'opriété de Bagatelle~ près de Morlaix, et
a donné l'inventaire des bijoux pl'écieux qu'elles contenaient.
Si les romains n'occupèl'ent pas militairement le Léon, il
est bien certain qll'ils y établirent une colonie agl'icole fort
importante; mais au lieu d'y appol'tel' la richesse, on sait
qu'ils n'ont laissé derTièl'é eux que la. J'uine et la désolation.
Pal' suite de leul's exact.ions, la dépopulation fut telle en
Ai'morique qu'un siècle apl'ès leur départ, quand saint
Paul Aurélien débarqua dans la lJetite Bretagne, il eut à
traverser un vaste désert avant de parvenir à l'ile de Batz
où résidait le chef qui commandait à cette contrée; il ren- ·
un château d'antique structure, un oppidum en ruine,
coutTa

éJl

dont les murs de 1e1'1'C avaient jadis été une forteresse gallo-
romaine. Mais la garnison était remplacée par une laie qui
allaitait ses ma.rcassins, par un essàim d'abeilles, par un
taureau sauvage, par un ours.
Le saint apôtre' chassa les bètes sauvages, et, sur les
ruines de l'oppidum , il fonda un monastère autour duquel
devait s'élever la ville épiscopale de Léon. .

C',e DE KERDREL.

N.-B. Un petit 11Iodele en terre cuite du soute/Tain de

Rugé1'é a été offert pal' tes explol'aten1"s ait mnsée de Quirnpe1'
oib on peut encore le 'voil'.