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Bulletin SAF 1897


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Sur la baronnie de Pont-l´Abbé (suite)

J. Trévédy

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XIX.
SUR LA BARONNIE DE PONT-L'ABBÉ

(Suite J.

L'auteur mentionne les Baude, successeurs des d'Erno­
thon à Pont-l'Abbé et qui ont possédé la baronnie jusqu'à
la Révolution. Il semble les connaître assez peu; du moins,
après M. du Chatellier, les nomme-t-il par leur nom de
Baude, et non par ces noms méconnaissables de pel'ebaud et
de de Beudes qu'on trouve au dictionnail'e d'Ogée (1).
Au commencement du XVIe siècle, nous trouvons un Baude
établi à Saint-Servan : le 13 septembre 1527, Michel Baude

fait baptiser son fils nommé Lancelot. CehlÎ"-ci a un fils
nommé Henri (IcI' du nom) baptisé le 15 décembl'e 1568 ;
qui fait baptiser, le 18 novembre 1599, un fils nommé J ean~
('1) Le rédacteur du dictionnaire avait écrit M. de PérébalUl, de Saint­
Malo; l'annotateur le corrigeant écrit Al. de Beu(les. . La mèmc
note dit : « Pont-l'Abbé passa dans le XVI" siècle il la maison de Hohnn
puis de celle-ci dans la famille ùe Richelieu. » Voilà des erreurs que notre
auleùr pourrait appeler formidables. Ogée, II, p. 373-374-.
J'ai puisé plusieurs des renseigne1ll2nLs qui vont suine dans la Généalo­
lO(J'ie de la maison de l'aUwllët que jl~ dois à une obligeante comll1uni·
cation de 1\I. Ic marquis de 'falhouët-H.oy M. de Talhouët descend
directement des Baude: son bisaïeul, Louis Céleste de Talhouët-Bonamouf",
a épousé, le 12 juin 1 i8:J, Elisabeth-Françoise, fille de Etienne Baucle,
marquis de la VieuYille, dont nous pal'lerons plus luin.
D'autres renseignements m'ont été J'ournis pill' MM. l'èlbbé Paris-Jilin
bCl't, Je patient écliteUl' des Acles lJaro,;ss':allx. et Saulnier. conseillet' à
la COUt' cie Rennes. Le nom de ·mcs deux correspondan L 3 sera une gal'lllllic
d'exact i Lude.
Je donnerai in fine un extrait de la généa logie des Bauùe deessée au
moyen de la Généalogie de la maison de 1'alll.onët et des renseignements
Cl-dessus •

qualifié sieur des Bois. Jean a pour fils Henri ' (Ile du nom)
bapt:sç le 9 novembl'e 1631, alloué de Saint-Malo, en 16G8.
Ici arrêtons-n ::ms ... Cet emploi judiciaire révèle l'aisance
sinon la richessf-~; on peut supposer SlinS témérité que les
Baude comme les Le Fer, Danycan, Magon et tant d'autres,
s'étaient honol'dblement enrichis dans le commerce de
mer' (1).
Mais, à . cette époque, sans prétention à la noblesse, ils
prenaiellt ou se laissaient donner le titre de noble honune
qui avait remplacé celui d'hunorable homme, et était alors .
. un titre pUl'ement bourgeois.
, Devenus riches les Baude fUl'ent pris de l'ambition com- '
me à la plupart des . familles bOlll'geoises enriohies aux
del'niers .,iècles : ils asp,irèrent à la noblesse (2).
La noblesse n'avait jamais été une classe fermée (3) : au
dernier siècle surtout, elle était grande ouverte; et s'y
acheminer était bien facile.

( 1) « La famille Baude arma, dit-on, pOUl' la course contre l'AngletelTe)),
M, du Chatellier, p, 2~, note 1,
(~) C'était, 01\ pClIt le dire, la règle. Excmples :
l' Les d'Emothon, prdd~eesseur5 de.'; BJudtl il Pont-J'Abbé: Jean, bour­
geois de Pari:;, SiCUl' de Pl'atglas, devient secrMail'c du Roi en 1650; et
François acquiel't la baronnie de Pont.
son tils
2" Les Danycan : Noël établi à Saint-~1alo (1640), Son fils, Noël,
~evient secrétaire du Hoi (1695), acquiert (Hi'J7) la seigneul'ie de Rieux,
comté (16H7), pOUl' Ht nl'i ùe Guén ,~gaud, lui-mème fils de secré-
érigée en
taire d li R.oi. .
3" Les Magon: Quatre secl'~taires du Roi depuis 'l674, anoblis en 1695;
le aù aoùt '1760, Nicola5 Magon, seigncul' de la Gcrvezais, acquiet't des
héritlel's du duc de Rohan, lui-mème acqu~reul' du duc ùe Richelieu (21

août 173G), la vicomté du Faou aVèC la chitcllenie d'Irvillac, etc. En 1765,
terres ac,qui5es jointe:; à la Gervezais sont él'ig~es en marquisat de la
les
Gervezais,
4" Les Lefer: Deux seer~taires du Eloi en 17tl et '1764.
(3) J'ai exposé cela dans Sei{Jneurs nobles et seigneurs roturiers (18 ~6;,
réponse à cette singu lièrè atlirmalion p03~e en axiôme pal' M. Lavisse:
u Tous les se-ilJnew's étaient nobles, tous celt.r; q tÛ n'étaient ]las seigneurs
étaient des l"otuJ'iel's, » J/istoire de Il'rance, Premièl'e année, Uo édition,

Quand il .mourut, en 1685, l'alloué de Saint-Malo laissa
deux fils : Henri (Ille du nom) dit sieur du Val et Fl'ançois-'
Joseph dit sieur de Saint..,Tual.
Chacun d'eux s'empressa d'acquérir une de ces charges
nommées outrageusement « savonnettes à vilains») la charge
de secrétaire du Hoi, sinéeure qui coûte cher et rapport.e
principal émolument la noblesse après vingt ans
comme
d'exercice. Henri était pourvu avant la naiss,ance de son
second ·fils (en 1713) (1 ); san frère François pourvu à son
tour, le 12 février de cette année, était encore en fonctions
après vingt-six années, le 27 février 1739. Cette année mème,
. des lettres d'honneur furent délivrées à un Baude. secrétaire
duHoi (2). .
Mais il ne suffisait pas de l'acquisition d'une charge pou­
vant procurer la noblesse. Il restait quelque chose à l'aire ,
Au dernier siècle, le bourgeois devenu secrétaire du Roi,
en même temps qu'il acheminait lui-même ou ses enfants à
noblesse, cherchait une terre noble à acquérir ayant. s'il se
pouvait, haute justice et un titre (3). La possession de la
terre noble et dll titre donnera l'apparence publique de la
noblesse non encore acquise.
Henri, sieur du Val, avait deux fils : Henri (IVe du nom)
juin 1711, et Etienne-Auguste, né le 9 mars 1713 ;
né le 6
continuant l'œuvre de leur père, ils allaient acquérir <:les
terres nobles et titrées.
Il y avait non loin de Saint-,1\1alo, une seigneurie nommée
('1) Dans l'acte de publication de son mariage, 10 février '1755, le second
fils de Hend, Etienne-Auguste est dit « fils de écuyer Henri Baude, sieur
du Vul, conseiller secrétaire du Roi... "Cette indication se l'apporte à
l'acte de baptème dLi \) mars 1713. Le ti tre noble d'écnyer est donné, comme
il se faisait souvent, avant la noblesse acquise. .
(2) Je ne sais auquel des deux frères. Peut-ètre' aux cieux en même

temps. En Lous cas, il n'est pas douteux que les deux les ont obtenues ,
(3) Sur ce point, d'Argentré dans Duparc-Poullain. C01lllt.me de B1'e
tagne, t. III, p. 510-511. Seignelws nobles et rotw'ie1·S. .
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXIV. (Mémoires). 23

Châteauneuf, s'étendant sur 25 paroisses (1) ayant autrefois
appartenu il une branche cadette de la maison de H.ieux.
Jacques-Louis Beringhen, premier écuyer du roi Louis XIV,
y joignit plusieur~ terres voisines, notamment Saint-Père
Marc-eIl-Poulet (2) ; et, en' 1702, il obtint l'érection du tout

en marquisat sous le nom de ChâteatÎneuf. En 1740) le
marquisat fut à vendre, et Etienne-Auguste Baude en
devint acquéreur. A la vérité le titre du marquisat est éteint..;
mais il peut revivre. Cinq ans plus · tard, en juin 1746,
Etienne-Auguste, alors oIDeier aux Gardes Françaises, qui
s'était signalé dans la guerre de Sept-Ans, notamment il
Dettingen (1743), àllait obtenir la confirmation du marquisat
sous le nom de la Vieuville .
Lors de son acquisition, Etienne Baude avait détaché de
Châteauneuf la seigneurie de Saint-Père Marc-en-Poulet,
à laquelle l'usage dontlait le nom de baronnie, et l'avait
vendue à son frère Henri (3) .
Mais ce n'est pas tout. Avant de mourir, le 9 mars i 754 (4),
Henri, sieur du Val, qui est inscrit avec' ses fils au rang des
(1) M. de la Borderie, Gécy. féodale, p. S9.
(2) Trompé par une fausse indication, j'ai imprimé en plusieurs endroits
en Retz. Erreur certaine.
Saint-Père
(3) Ce qui précède est extrait des lettres royales de juin 'l74-(-i (Anvers).
Gén. de Talhouët, pièces j ustifica tives, 11 51, p. 3:38-3\:1.
La Vieuville était une seigneurie contiguë à Châteauneuf et faisant
partie de l'acquêt.
A la fin d'un court article sur Baude de la Vieuville, La Chesnaie des
Bois renvoie au mot Vieuville (II. 494). Aurait-il supposé qu'en prenant
le titre de la Vieuville, M. Baude aurait essayé de se rapprocher de .
de la Vieuville? Il n'y a aucune apparence.
l'ancienne maison
officier aux Gardes Françaises (I74G), devint
Etienne-Auguste, dit
CI colonel d'infantel'ie et lieutenant-eoloncl aux · Gardes Françaises». Acte
d'acqu~t dn 9 septembre 1753 que nous allons trouver.
Henri prend le titre de seigneur de Saint-Père dès le 5 novembre t 74G
(acte de baptème de sa fille ;. Sa prise de possession de Saint-Père est

du 1 avril 1750 (Abbé Paris-Jallobert )). Dans cet acle, il est
seulement
dit seigneur de Saint-Père, cl u Colombier, Lanvallay, etc., et lieutenan t­
colonel dc la garde-côte. Nous lui trouverons d'autres titres .
(4) C'est la date donnée par M. du Chatellier, p. 22.,

nobles, se voit maintenir avec eux par arrêt du Conseil d'Etat
et même par lettl'es patentes de 1750 (1) ; enfin il va voir
ses deux fils acquéreurs d'ulle ancienne baronnie de Bre­
tagne, . ,
En L763 , la baronnie de Pont·l'Abbé est à vendre. Or,
quelle bar IIllie d'ancienneté et d'Etats comme est la baronnie de
PouL dont les heureux possesseurs ont préséance aux Etats
de Bl'etagne et les ont même présidés! (2)
Heuri 'et sbn fl'ère ne laissoront pas échapper l'occasion.
Le n septembre 1763, ils achètent ensembJe la baronnie: ils
la paient, 522,000 livres, somme qui représente un million
vakur actuelle; et ils ne croient pas avoir payé trop cher

la perspective d'honneurs qu'ils ouvrent sinon à eux-mêmes,
du moins à leurs descendants (3) .

(1) Courcy. Généalogie de Talhouët.
(2) Des lettres de Charles .vIII et de Louis XlI avaient mis Pont-l'Abbé
au nombre des baronnies de Rretagne, pour prendre rang après Quintin.
14.D2, '1505 ou 1506. Morice, P1', III. 7~9-Î50 et 876.
Ont présidé les Etats : En '15ti7, Toussaint de Beaumano:r, baron de
Pont. En Hî51, le comte d'Orrouer, second mari de la baronne, Françoise
de Guémacleuc, douairière de Pontcpuday, mère du duc de Richelieu.
(.3) Acte d'acquêt. Arch, du Finist.ère, E. '157. Baude de Saint-Père.
Voilà la date ce1'laine cie l'acquèt enfin publiée grâce à notre confrère
l'an]}é Peyron ! ,
L'acte nous apprend de plus que, bien que l'on aiL ~lt jusqu'ici, CaLlle­
rine-Cilaetotte et'Ernothon (mariée le 1~ noyembre nos, à Charles d'Ar- .
gouges, marquis ete Rannes, veuve depuis le 15 août 1748) n'était pas seule
venderesse. La marquise cie Hannes avait eu une· sœur, Marie-Thérèse,
de Lescouët, vicomte du Boschet (Bou'l'g-des-Comptes), et
mariée à Eugène
décédée la issan t pour héri lière sa fllle Héléne-Thérèse, mariée
qui étai t
en 'lI5l à Joseph ete Kernezne, marquis de la Roche-Goun'laret (Saint-Thoix).
Celle-ci comparait avec , sa tante à l'acte « comme ayant droit dans les
successions de ses eteux oncles et'Ernothon pour un tiers des meubles et
biens nobles d'acquêt, et pour la moitié de tous les biens roturiers, tant
comme hérilière que comme représentant sa mère. »
Dans cet acte Henri est dit seigneur de Saint-Père, comte de Hays, (en
ploubalay, érigé en comlé, [()SO), seignem du Plessix-Balisson, du Colom­
bier, Lanvallay, etc., conseiller secrétaire du Hoy, maison et couronne de
France, contrôleur en la chancellerie établie près le Parlement de Bretagne,

Mais pour présider les' Etats, il faut y avoir entrée. 0 ' le'
descendants de l'anobli de 1739 n'entreront aux F Lats UJ
Bretagne que en 1839, après cent ans de , noblesse el de
gouvernement noble (1). C'est la disposition foem,cl de
l'édit du 26 juin 1736. Mais la noblesse bretonne pr l'a
contre cette rigueur. Deux arrêts d II conseil de 17 7, .\ 30
mars 1768 les adouciront; et, vers la fin de cett
après trente ans environ de noblesse, les Baude
la porte des Etats s'ouvrir devant eux (2).
J. TH.EVEDY. ·
(A :sui'ore) .

demeurant alternativement en son hôlel en la ville de Saint-Malo, 'Il !

Chartres, et en son châte~u cie la Touche, paroisse de Lanvallay. 1) ,r '~}l
ne garda pas longtemps le titre de secrétaire du Roi: pourvu le .4
1753, il était remplacé dès le .4 septembre 1754, (M. Saulnier)
• (1) A supposer que ce soit Henri qui ait reçu ses lettres de
après vingt ans, en '1139.
(2) De Courcy. Etienne-Auguste Baude siègea aux Etals de
Çénéalouie de 'l'alhouët; et son fils Auguste-Joseph Baude de la V ~ u
de 1789. M. de Barthélemy. Cataloune des gent s,
siège aux Etats
etc., p. '32.