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Bulletin SAF 1897


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Sur la baronnie de Pont-l´Abbé

J. Trévédy

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XVI.
SUR LA BARONNIE DE Po~rr·L'ABBÉ

.J e viens de lil'c llll volume publ"é en 1894, fi. la g-loire de
pont-l'Ahbé. L'auteur aime· la Bretag-ne et la COl'llouaillc .
A ce titl'c! il méi'ite notee sympathie. Il la ,mérite encor'e
parce qu'il aime la véeité. Il éçrit (p, 22:3) .:

(c Avecl'econnaissance j'aeeeptel>ai toutes communications
et observations a li sujet de ce livee et y donnerai suite, s'il
y a lieu en co,'rigeant dans la Pl'ochaine éd ition les er l'eU I'S
qui auraient pu se g-lisser dans mon tl'avai1. »
Voilà une dédHt'ation qui honol'e l'aHteur et lln engag-e­
ment qne d'aulr'es Lle pr'endr'u ient pas.
Breton el Quil1lpét'ois de cœUl', je voudl'ais bien répondl'c
complètement au d(!sil' de i'auteur. Mais le dirai-je avec une

sincérité toute bl'etollne? Son li"l'e rend la tâche cl iflicile :
il contient tant d'erreul's et dïnexHctiludes qu'il me faudl'ait
pour les rectifiel' plas de temps qne je ne puis donnel' il ce
travail.
Toutefois il y a deux phrases qu'il n'est pas permis de
laisser passel'. On lit, p. 125 : .
« La barol1llie du Pont envoyait aux Etats: mais elle
{( n'avait qu'une voix avec celle de Pontchùteau, parce que
( les deux ensemble ne l'oemaient qu'une baronnie ayant
« voix alter'natives (sic). ))
Et p. 177 : «( C'est par cette alliance (celle de Jean II de
« Pout avec lVIal'g-ueeite de Host l'enen) .... pl'obabl'8ment que
(( la seÎg-nelleie de Pontchù.teau se teou và 1 iée à la baronnie
« de Pont-l'Abbé de façon à n'en constituel' qu'une seule
«( ayant voix alt81'I1êüives (encoi'e nu pllll'iel) aux Etats de
1.( Beetag-ne. )

Pas un 'mot dans ces lignes qui ne soit une erreur! J'éta­
blirai quelque jonl' la vérité sur ce point. Mais cette , rectifi_
cation demande qtlclqueétude; et je ne puis tenter en ce

moment un t!'avail qui serait incomplet. ,
Aujourd'hui je veux seulement démontre!' la vérité de
p!'opositiolls que l'auteur a signalées comme erronées, et
redl'essec quelques inexactitudes qui touchent HU même
sujet. .

On lit: p. 201 : « Je suis en opposition flagrante avec plu­
« sieurs savants; mais je cro is utile de ne pas accepter de

« confiance une eneur formidable passée à l'état de dogme.
« et qui n'a que twp trouvé créance jusquïci. »
L'erreu!' formidable consiste (qui l'aurait jamais cru ?) à
dire que la baronnie de Pont-l'Abbé passa d'Armand-Jean
de Richelieu à un autre Richelieu .
Il Y aurait fatuité à prendre pour moi le reproche de l'au-
teur; mais je partage l'erreur des « savants» auxquels il
s'adl'esse: j'y persiste, et c'est pourquoi je prends la liberté
de présenter leur défense en même temps que la mienne (1).
L'autenr a bien raison de ne pas suivre la méthode chère
aux biographes: copier religieusement ses prédécesseurs.
Mais son scepticisme ne peut aller jusqu'à refuser foi aux
actes authentiques. Or voici de quoi le convainere.
Qu'il veuille bieu passpr' aux Archives du Finistère: et
cherche!' , section B, reg. nO 22: folio 93: il trouvera là un
jugement du présidial rendu, le 17 juin 1682, pl'ononçant
l'appropriemeut de la baronnie en vertu d'acte de démission
passé le (j juillet lG81, par Armand-Jean, duc de H.ichelieu,
au profit de Loui::;-Armand, marquis de Hichelieu.

))leCeS que nous
(1) M. du Chatellier (qui avait sous les yeux des
n'avolls pas) est un des savants que cembut l'auteur .

Quel est ce second baron dLt nom de llichelieu ? ,- ' C'e~t
1'..) l1(we u du duc, fll.; aillé de son fc èl'8 pu in é, Jean-Baptiste
Amado,', qu i fut le pl'emiel' marquis de Richelieu, mort en

Donc Al'lTIémd-Jean, duc de Hichelieu, entré enposse$sion

llt-~ la bUI'onlJie le 13 janvier 167 ! (2), eut pour successeur
L'omfl1e baron de Pont-l'Abbé, LOLlis-ArrmlOd, marquis de
Hi c.holi on .... L'el'rCUI' j07'lnida.ble s'évanouit; et l'autenr en
crée une auLl'c absolument certaine !

Il me faut me défendre sur un autee point.
J'ai imprimé que « en 1685, Joseph d'Ernothon, acquéreur
de Pout-l'Abbé, éta it en possession ». En l'absence de
l'acte, je n'avais pas donné cette date pour celle de
l'acquêt.. Il se peut 4 ue l'acquêt se soit fait entre l'appeo­
pl'iemo ll t ÙO 1682 cill) plus haut ct 1685. La date de 1685
n'avait pas été imaginée par moi; ja l'avais teouvée dans

(1) Celui que l'auteur signale (p. 200) comme « la· tige des ducs. d'Ai­
guillon ". J ea n-Baptiste et son fi ls ne furent que marquis de Richelieu.
Ce fut le fils de celui-ci, Armand-Lou is qu i, après la mort de la duchesse
d'Aiguillon, sa gran de tanLe (1675), hérita le duché. Il fut père du duc
Emmanuel-Armand, commandant militaire en Bretagne (1750), et non,
on le dit sou venl, gou vemeu r de Bre tagne.
comme
Dans mes Lettres sur ha Bm'vnnie de Pont-l'Abbé (1888, 4.,. lettre). il a
été imprimé LOllis-Armnncl fils de Armand-J ean; mes notes portent {1·è1'e.
Le P. Anselme que je "iens de consu lter me démontre mon inexacti~ude
que je m'empresse de recpfier. Louis-Armnnd éta it l.eveu propre du duc
Armand-Jean.
(:2) L'auteur dit ici: « D'après M. le président Trévédy; ce scra it le '1J
jan vier Hiï4, qu'il (Armnnd) nurait succédé à sa mère; et il aurait rendu
ayeu l'n nn ée suivnnte. » La dnte est donnée non pnr moi, mais pal' le
P. Anselme, et l'aveu est visé (au tant qu'il m.'en souvient) dans l'a veu de
la baronnie de '173:2. .
En même temps qu'il héritait la baronnie cie Pont, le clue de lUchelieu
la vicomté du Faou. A sa mort, en 1715, clic passa à son {ils •
héritait
Louis-François-A rmand, duc de Hichelieu, qui, le 21 août 173(i, la vendit
à Louis-~Iarie Bretagne Dominique duc de Bohan.
BULLETlN AUCHÉOL. DU FINISTÈUE. TOME XXIV. (Mémoires). 20

l'aveu de la baronnie
passe en
173'2: et elle est donnée par
M. du Chatellier (1).
L'auteur écrit (p. 204, note 1) : (c La date 1685 indi-
« quée par plusieurs comme cene de la vente de la
II. baronnie est erronée. Je n'ai pas retrouvé l'acte de vente;
CI. .... en revanche, j'ai trouvé (2) un acte de 1676 dans
« lequel le baron de Pont est désigné sous les noms et titres
cc sUlvants : François-Joseph Dernothon (sic), seigneur de
(C Hennebont, conseillel' du (sic pOUl' au) parlement du Hoil et
« maître des requêtes honoraires (sic pour ordinaires) de

« son hôtel, ... époux de Marie-Henée de Fresnay l fille de
« Sébastien de Fresnay l seigneur hai'on dn Faouët. )
De quel acte est extraite cette cita tion ? Où trou ver cet
acte? Voilà ce que ne nous dit pas l'antenr et ce qne nous
aurions intérêt à savoir. Nous avon5 besoin de voir l'acte,
non assurément pour contrôler la véracité de l'auteur: elle
n'est pas en cause; mais pour vérifier l'acte lui-même et la
lectnre qui en a été faite. Quel est cet acte? Est-ce un ori­
ginal ? une copie collationnée? une copie de copie?
(que de maùvais tours ont joués les copies dé copies! )
Et la lecture' est-elle exacte? Ser'ait il écrit.. le conteste
de l'acte permettl'ait-il de lire 1686 au lieu de 1676? Nous
serions d'accord. .
Or je me défie de l'acte ou de la lecture faile quand je vois
les mots que j'ai soulignés : du au lieu de au, honoraires au
lieu de ordinaires ; quand je vois surtout ce titre donné à
François:..Joseph d'Ernothon, seigneur de Hennebont! (3)
('1) La Baronnie de Pont-l'Abbé, p. 22, ::l7, 44.
(Sl) J'ai trouvé .... Il faut s'entendre. L'Clu(eur n'a pas décollve1,·t cet acte,
puisque M, du ,Chatellier le mentionne. La baronnie de Pont-l'Abbé, p. 36
et in, avec la d~te' 'l(H~5.
(:3) M. du Chatellier mentionne aussi le titre Je seigneur de Hennebont.
Ce qui semble prouver que la lecture du mot lJennebont est bonne (p. 37).
. Il donne en même temps 'll:17G pour la date de la bénédiction d'une
cloche qui a pour marraine la duchesse de Hichelieu (p. 59).
Mais il ne faut pas dire que la cloche datée de 1676 fut un cadeau

Mais la sèigneurie d'Hennebont, dont le Blavet était la
limite vers l'ouest, était devenue ducale sous Jean 1 le
XIll siècle; elle était au Hoi en 1676. En face de
Roux, au
la ville close d'Hennebont, chef-lieu de la seigneurie, était
le vieil Hennebont, fief de la vicomté de Léon, passé au
xv siècle Jans la maison de Rohan (;uémené (1); elle y
était encore en 1676 ; et) au dernier siècle, lors de la fonda­
tiOll de Lorient, 10 prince de Gl1émené céda l'emplacement
SUl' lequel rut bâtie la ville, en y réservant ses droits sei-
o'néurlaux.
Cette seconùe seigneurie ne portait pas d'ordinaire le nom
d'Hennebont. Comment M. d'Ernothon en aurait-il été sei-
gneur ? ,
En pl'ésence de ces renseignements comment pourriQns-
nous admettre comme démentant l'acte solennel d'appro­
priomcnt de 168'2, un acte qu'on ne produit pas?

III.

Voilà ma l'épouse aux objections faites par l'auteur à des
opinions qui sont miennes. Qu'il me permette dé lui signaler
à mon tour des erreurs que. je ne nommerai pas formidables:
mais que je démontrel'ui certaines.
L'auteur nous représente Armand-Jean, duc de Richelieu:
1 Comr.ne baron de Pont f.!t de Rostrenen (p. 200) ;
2 Abandonnant la seigneurie de Rostrenen pal' transac­
tion à une date non indiquée (p. 200) ;
3 En 1676, sinon avant (disons entre 1682 et 1685), ven­
darü Pont-l'Abbé à François dï:;:mothon (p. 204) ;
de Fronsac, cadeau d'adieu avant qu'il revendit la seigneul'ie au conseille!'
d'EmoLhoIl (p. 3b'1). '
('l) En 1.1,82, Louis de Rohan Guémené fit construire au chef-l ieu cie la
seigneurie, nommé TrMaven « un bel et somptueux édifice» qui est
encore aujou\'cI'bui la poutll'ière de LOl'icnt. M. de la BOl'dcl'ie, GéoJ.
féodale. p. '110 •

,*0 Enfin _. (mais ceci est en dehors de l'étude du fief)
connu sous le nom de duc de Fronsac. et
comme (( plus

par ses nombreuses aventUl'es g'alan~es ))
célèbre surtout

Quatre erreurs faciles à démontrer :
1° Jamais le duc de Richelieu n'a été seigneur de Ros­
trenen. Il n"est devenu baron de Pont-l'Abbé qu'à la mort
de sa mère, la dame de Pontcourlay: 3 janvier 1674; et là
seigneurie de Rostrenen ne se troll vai t pas da n8 la suc-
ceSSIOn; .
2 Cette seigneurie était sortie des biens, de la dame
de Pontcourlay, en yertu de la tl'ansaction que men­
tionne l'auteur et qu'il ne date pas .... mais que nous aUons
dater.
La süccession d'Hélène de Beaumanoir donna lieu il. des
débats interminables, selon la mode du temps. Après plus
, de trente années, les parties finissant par où elles al:ll'aient.
dù commencer, tl'ansigèrent en 1670. L'arrêt du . parlement
de Paris homologuant la transactioll est du 4 septembre de
cette année; et, le 25 novemb'I'e suivi:lnt, Florimonde de
Keradreux, dame douairière du Croseo, fut mise en posses­
sion de Rostrenen. Les parties qui transigent sont la
dame du Crosco et la dame de Pontcollda-y: le duc de
Richelieu était étranger à cette affaire (1).

('J) Mme la comtesse du Laz a publié un important fragment du procès­
yerbal de la prise cie possession: Ba'ronnie de Rosl1·enen. Pièces justif
IX, p. 142 et suivantes. Nulle mention du duc tle Richelieu; au conlraire
plusieu['s mentions de Fl'ançoise de Guémadeuc sous le nom de cOllllessc
d'Auroy (OU d'Orrouer), nom de son second mari. MIO., du Laz dit que le
duc de Richelieu s'est intitulé, avant et même ap1'ès 1670, bm'on de
Rostre-hen; mais rien ne nous apprend qu'il eût l'égulièl'emenL cc LiLl'c
avant, et il ne lui nppartenait cel'Lainement plus a]wès la t['(lnsacLi , n
• exécutée tlu vivant de sa ll1~·e. AHssi Mm. du Laz. exacte comme à 1'01'­
tlinaire, a=l-elle Lrès bie. fait de ne pas comprendre le duc tians la lisle
tles barons de HosLrenen.

30 Le duc de Richelieu, qui s'est dépossédé de Pont­
l'Abbé en 1681-1682 en faveur de son neveu le marquis de
Richelieu, Il'<1 pas vendu la bal'onnie à M. d'Ernothon vers
1685. Le marquis de Hichelieu seul a pu consentir cette
vente .
4° Armand-Jean, qui mourut en 1715, s'il reparaissa:t en
ce monde, aurait le droit de dire à l'auteur: .
.« Vous m'avez confondu avec mon fils Louis,-François­
Al'mand né, comme vous dites, le 13 mars 1696; c'est lui
qui, tout jeüne homme, fit une si sémillante entrée dans le
monde sous le nom de duc de Fronsac, qui fut le Hoi de la
mode, entra à vingt-quatre ans à l'Académie Française,
sans autre li tr\) litt\~ t'tlil'8 que le nom du grand cardinal, fut
célébré comme vaillqlleur de Fontenoy et de Mahon, et que
Voltaire, q [land ils étaient sexagénaires tous les deux,
chantait plaisamment en petits vers sous les noms d'Alci­
biade, d'Achille et même d'Ulysse. »
1. TRÉVÉDY.
(A ~ui ·tlre) .