Responsive image
 

Bulletin SAF 1896


Télécharger le bulletin 1896

Rapport adressé par M. le lieutenant Dizot à M. le colonel Penot, au sujet des fouilles et trouvailles opérées au champ des manoeuvres du mont Frugy, par les soldats du 118ème régiment d’infanterie

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


XVII,

RAPPOR1' DE M. LE LIRUTENANT DlZOT .

He CORPS D'AIli\lÉE
Quimpel', le 14 novemb,l'e 1896, ..
22< DIVISION D'INFANTIŒIE

44" BRIGADE

118 RltGIMENT D'INFANT .

,Le lieuten'arit DIZO~ à Moo:sieur le ' Colonêl commandant

le 118 régimeotd'infanterie à Quimper','

RÀ rpOI{T sur la décou'verte .d 'obje~s et d'habitations de la'
gallo-romaine, p'ar le 1 J 8 régiment d'infanterie, .
périodè
en son terrain de" manœu'ore du mO'fl:t Fru;gy, en 1896,

Dès le mois d'août de l'année 189Q, lors d'es premières '

séances de travail pour l'ouverture. d'urie voie d'accès dans

l'angle sud-ouest .du terrain de manœuvre, nous avions mis à
découvert les vestige:- d'une muraille assez solidement établie .
et qui, vu sa profondeur d'enfouissement et les briques très
caractéristiques qui entr9,ieoL.dans sa construction ., paraissait
provenir d'une époque tr.ès reculée et probablement du temps .,'.
de l'occupation romaine en Gaule, . , 0
Au' mois de juin 1896, lors de la reprise sur ce point du \
même travail, dont nous eûmes encore la ' direction, nous
essayâmes d'après cer~ainsalignements, dont n'ous avions ',"
conservé la mémoire, de, retrouver quelques traces de' ces '"
bâ tisses. .'
Le 17 juin 1896,' n,ous ,décQuvrîm~s deux urnes funéraires
pleines de cendres et d'ossements calcInes; sur l'un des frag- '
menls de la première, qui fut brisée.-pendant l'extraction, on o",,
lisait dist.inctement le, mot ANNO; malheureusement la perte '
des fragnlents contigus nous Ôta. le moyen de reconstituer

i'ensemble de l'Inscription. L'autre ume fut retIree intacte 1
elle porte près de l'évasement supérieur l'inscription CAN et
contenait, parmi des ossements, une pièce de bronze d'assez
module recouverte d'une forte paLine de cuivre.
grand
Sur l'une des faces de cette pièce on voit une tête laurée
tournée à droite, et quelques lettres AVG. TR. P. COS. VI :
sur le revers on croit reconnaître un personnage debout
des deux lettres S. C. (?).
encadré
Il existe au Musée de Quimper (no 723 du catalogue) une
pièce de même module, trouvée. a u mont Frugy en 1864, et
classée comme « Auguste de Rome 29 ans avant J. -C. )J,
elle nous paraît être identique à celle-ci.
Le lendemain, 18 juin, nous chargeâmes une équipe de
travailleurs d'ouvrir quelques trallchées dans la masse de
terre au N.-E. de la route que nous construisions. L'un de
ces coups de sonde nous fit retrouver à 1 mètre environ au-
dessous de la surface du sol une partie de muraille que l'on
mit à découvert sur plusieurs mètres de longueur.
La tt;anchée fut approfondie jusqu'à 1 m. 80 et nous ren­
un groupe d'une dizaine d'urnes de divers modèles;
contrâmes
ces urnes, rem plies de cendres etd'ossemen ts, étaien t installées
en quinconces; l'ouverture supérieure de chacune était recou­
verte d'une brique ou d'une pierre plate; 'quatre de ces urnes
les autres se brisèrent
furent enlevées sans trop d'avaries,
penda nt l'.opération .
N.on loin de là était un' amas de débris de poteries, de ver-
. reries et de hagments de ferrailles rongées par la l'ouille:
tout semblait dOllC nous indiquet' que nous nous trouvions "
de l'emplacement d'anciennes habitations .
près
M. l'abbé Abgrall, aumônier de l'hôpitarmixte de Quimper,
M. Lemoine, archiviste du département, membres de. la

Société d'archéologie du Finistère, auxquels nous fîmes part
de ces trouvailles, vinrent sur place étudier ces substructïons

et voulurent bien 'nous orienter dans nos recherches en nons

mettant au courant des fouilles exécutées en 1864 par M. Le
Menn, sur le sommet du mont Frugy, dans la partie sud-est
du terrain ' de manœuvre, travaux qui lui permirent de
déterminer l'emplacement d'un poste gallo-romain en cet
qui amenèrent la découverte d'un certain nombre
endroit et
qui figurent au Musée de Quimper et qui sont ana­
d'objets
logues à ceux que nous venions de trouver .

. Dans les séances suivantes nous trouvâmes, à l'angle sud
de cette habitation (A), une auge en pierre de 1 m. 10de lon­
gueur sur 0 m. 80 de largeur et 0 m. 60 de profondeur, qüeI­
ques poteries usuelles, ainsi que des débris de ferrailles, parmi
on reconnaissait encore des clous, des gonds de porte
lesquels
et des fragments d'inst.ruments agricoles. .
Vingt mètres plus au sud nous rencontrâmes les fondements
seconde habitation (B) ; le long du mur qui paraissait
d'une
la limiter au sud-ouest se trouvait un groupe d'urnes cinéraires
en terre .noirâtre et fine, installées avec plus de symétrie et
de soin que les précédentes; plusieurs ont à l'intérieur
plus
de peLi ts vases en terre bleuâtre très fine, emplis également
de ·petits ossements; dans presque toutes des fragments de
fer (de 12 à 15 centimètres de longueur) déformés par la
rouille se trouvaient mélangés aux cendres.
Les objets trouvés dans le rectangle formé par les murs .
de cette seconde habHation ~ont en général de formes très
les poterip,s, moins frustes que celles décou-
élégantes:
vertes précédemment, sont ornées de filets et cIe petits
les unes sont en terre noirâtre très fine, les autres en
décors;
terre rouge douce au toucher (poteries samiennes); les briques
qui entrent dans la construction sont elles-mêmes plus soi-

gnées et portent sur leurs faces des empreintes de dessins
de circonférences concentriques) .
(notamment

En juillet, nous découvrions sur le même point quelques

vases carrés en verre très épais, de couleur vert pâle, munis
d'anses larges qui se raccordaient au càrps du vase par une
partie"stri'ées'évasant en patte d'oie (aucun de c~s yases n'a

pu~êtTe 'extrait intact) ; nous trouvions ~galement une statuettè
en terre rougeâtre: un trou qùi existe à hal]teu~ des ~pallles
semble indiquer qu'elle figurait comme appliqqe, contre Un
mur ou ' contre 'un 'meuble et ne reposait pas simplement sur
sa base, qui n'est pas plane; nous avons aussi recueilli ' deux
ou trois petits anneaux en yerre de 1 centimètre '1/2 de dia-
mètre; ',qui paraissent provenir d'ornements de toilette ou de
coi Hu re. · ' ,"
Enfin, dix mètres plus au sud, au tournant de la voie d'accès
(point marqué (C) sur le croquis) existait encore une partie de
muraille en ligne' droite de '12 mètres de longueur qui ne pré-
sentait aucun raccord ni aucun angle et semblait n'être qu'un
de soutènement ou un mur de clôture.
mur

Les travaux de construction de notre route étant terminés,
il hous a paru intéressant d'opérer quelques fouill~s en divers
points du terrain de manœuvre, Inotamment pour déterminer
exact de la voie romaine de Vorgiu'Yn à Ci'IJitas­
l'emplacement
Aquilonia (Locmaria-Quimper), grande voie decorn' J11 u nica­
tion dont M. Le Menn avait relevé des traces auprès du poste
romain du mont Frugy. (Bulletin de la Société archéologique

du Finistère. Année '1874).

Sur le sommeL du plateau, à l'angle sud-est du terrain, nos
recherches devaient forcément être-infructueuses, car la couche
de terre arable, épaisse de 0 m. 40 à peine en cet endroit, a
été entièrement défrichée autrefois et longtemps mise en cul­
ture; on ne retrouve dans le sous-sol que les bases de ta lus,
aujoùrd'hui démolis, et'dans la construction desquels entraient
de nombreuses briques provenant sans nul doute des démoli-
tions du poste voisin. .

Au milieu du terrain, s~r les pentes exposées au sud-ouest,
que,lque,s sondages . nous. ont permis ,de. trouver' trace en de
nombreux points (F) de la chaussé.e,. de la,· voie romaine à
o m. 60 ou 0 m. 70 au-dessous de la surface du sol, et de '

déterminer sa dii'ection générale vers la ferme actuelle du
Petit-Méné.
Les habitations que nous avons 'déèouvertes étaient donc
environ à 100 mètres de distance et à 15 mètres en contre-bas
de cette voie de communication. Elles paraissent avoir été
habitées par des gens qui se livraient à la culture, mais qui
avaient le goût d'un certain luxe d'intérieur: témoins èes sta­
tuettes et ces vases d'une certaine finesse de travail qu'on
trouve mêlés aux instruments agricoles .

Enfin, d'après le nombre d'urnes funéraires exhumées (une
quarantaine environ) ou est porté à penser qu'il existait là
une agglomération assez importante. Malheureusement on
n'en trouve.ra guère plus de traces dans la partie des pentes,
au nord-est de notre voie d'accès, qui a longtemps été affectée
aux exercices de travaux de campagne du régiment et a ainsi
subi des bouleversements nombreux .
Au sud-est de cette voie, au con traire, le long du chemin de
Locmaria, la couche profonde des terres amassées au bas de
ces pentes par un glissement ininterrompu a été à peine défri­
chée autrefois.
donc le hasard qui présida à nos découvertes
Peut-être
'archéologiques sur le mont Frugy permettra-t-il encore à nos
soldats, pendant leurs t.ravaux, de rencontrer là quelques-uns
des vestiges de ces habitations qui paraissent avoir été grou­
pées autour du poste militaire de Parc-ar-Groas comme pour
attester, à dix-neuf siècles de distance, la sécurité et l'in­
fluence bienf.aisante que procurèrent aux habitants de la Gaule
armoricaine le contact des soldats que Rome envoyait aux

quatre coins de son horizon avec mission de conquérir et de
civiliser.
Ci-joint: 1° Croquis du terrain de manœuvre; 2° Photogra_
. phies d'objels découverts. _ . :
Lieu tenant DIZOT .

Le colonel dt/; 118 d'in/an terie,

E. PENOT .