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Bulletin SAF 1896


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Les chirurgiens d’amirauté

Docteur A. Corre

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LES CHIRURGIENS D'AMIRAUTÉ

P,1.H LE DI' A. COllHE .
A côté des chirul'giens âppelés à servir SUI' les vaisseaux
du Roi: il existait autrefois' une classe de môdest~s prati-
ciens qUI rendaient' des services moins appréciés peut-être,
mais non moins grands, sur les bâtiments 'particuliers.
Les premitrs ont, depuis Colbert, lentement conquis ' une
honol'able, à la suite des officiers de marine, sans
place
se 'mêlel' toutefois dans leurs rangs aristocl'atiq~.1es, tolérés
auprès d'eux comme des auxiliaires utiles, plutôt qu'acceptés
comme des assimilés : leur histoire a été magistralement
éCl'itc pal' A. Lefèvre, ancien directeul' du service de santé
au port de BI'est (1), Les seconds sont restés ignorés et
pourtant ce sont eux qui ont accompagné nos hardis cor­
saires, aux époques de 'lntte où la marine royale était
amoindrie ou effacéc, qui ont donné leurs soins aux nombreux
malades des navires marchands, armés par . de simples
commerçants ou par de puissantes compagnies, pour aller
fairo le nèg'oce aux plus lointains pays: ils méritent donc
qu'on leur accorde un souvenir, et c'est avec l'idée de rem­
p] il' une œuvre de justice, que j'ai fouillé parmi les docu­
ments de l'ancienne amirauté de Brest (2), afin de recons­
tituer leuI' rude existence.
Les chirurgiens relevant des amirautés, juridictions,
comme on le sait, destinées à surveiller et administrer les
aITaires de la marine marchande, li. défendre les intérêt.s de
SOIl personnel, etc', , formaient deux catégories di-stinctes :

(1 ) flis(tlil'e dll service de santé de la marine (~t des écol~s de méde-

cine navale, 1863-18G5.
(2) Conservés aux nrchives cie la mairie.

1 les chirurgiens-jurés d'amirauté: ils représentent la tète
de la corporation; ils sont attachés aux officiers d'amirauté
pour éelairer leurs jugements dans les ' questions l'hultiples
où l'art et la science de la chirurgie sont susceptibles
d'apporter quelque lumière; ils assurent auprès d'eux
l'exacte exécution de certaines .prescriptions qui intéressent
le service chirurgical à bord des bâtiments, décident de
l'aptitude des personnes qui sollicitent d'~tre chargées de

ce serVIce; ·

. 2 les çhirurgiens-embarquants, dont la qualification incli~
que a~sez le rôle et la fonction. .
L'ordonnance de 1681 (1) oblige les capitaines et armateUl'S
de tout navire faisant voyage de grand cabotage ou de long
cours, avec un effectif d'équipage d'un minimum déterminé,
à avoir à bord un bu deux chirurgiens {( eu égard à la qua­
lit.é dès voyages et au nombre des personnes ». Les chirur­
giens sont recrutés un peu au hasard, parmi tous ceux qui
se présentent munis d'une recommandation, même 'ù défaut
de tit.res professionnels bien nettement établis. Cependant,
'il est dit qp'ils doivent être examinés .c et trouvés capables

par dèlJ'X. maUr'es . chirurgiens)) et il est fait défense aux
capitaines « 'de recevoir aucun chirurgien pour servir dans
leur vaisseau sans avoir copie en bonne forme· des attesta­
tions de sa capacité ,». Mais, dans la peatique, surtout dans
les moments de presse, on se montre très coulant sur le
choix des sujets. Le chirurgien doit fournir « les instru­
ments de sa profession», l'armateue un eoifre c( garni de
drogues, onguens, médicamens et autres choses nécessaires
pour le pansement des malades,» cofIre visit.é avant le
(1) Ordonnance de la. marine . du mois d'août 1681. Elle règle tous les
détails de la juridiction de l'amiral de France, au nom duquel les ami-
rautés administrent et rendent la justice. La charge d'amiral de France a
. été ['établie en 1üü!:l ; elle est réunie au gouvernement de Bretagne en 1094,
sur la personne du comte de Toulouse. '

départ par les plus anciens maîtres chirul'gien et apoticaire
du lieu .
Bientôt. avec les exigences de la guerre de COUt'se, la
nécessité d'embarquer, sur les navil'es armés pmu celle-ci
et. pourvus de plus ou moins gros équipages, des chirur­
giens d:instruction sllfllsante, amène plus de sévérité clans
les conditioTls du recrutement. L'on assure la bonne exécu­
tion de l'ordonnance en confiant la visite des coITres à des
chirurgiens jurés, nommés par ramiral~ qui en " même temp~,
sont chargés (\ cie faire les visittes et rapol't.s de chit'Ul'gie »
l'equis pal' les " officiers d'amirauté (levées de cadavres,
expertises judiciaires, etc.) : 1708. Les dellx chirurgiens en
titl'e au port. de Bl'est sont les sieurs Voisi n et Ciron, déja
chil'ul'giens-jUl'és de la ville. Mais il était bien plus urgent
d'avoit' chez les chil'lll'giens embal'quants, des garanties de
capacit.é réelles. POUl' atteindre à ce but, la mesure était
tout indiquée: c'était de confier leur examination aux maî­
tres officiellement reconnus, asserment.és~ dont. la religion
ne saurait être ni a"c1wtée ni slll'prise, par les capitaines, les "
armateurs ou les candidats eux-mêmes, et dont l'indépen­
dance était ren':lue pI'obable, sinon certaine, par la notoriété
de leur honol'abilité et l'intime attache à une juridiction
spéciale. .
Le règlement du 5 juin 1717 crée des chirurgiens exami-
nateurs, nommés dans les ports principaux du royaume par
l'amil'éll de France et pris clans le nombre cles chirurgiens
jurés; ils prêtent serment ~ l'amirauté. Eux seuls ont le
droit de délivrer les attestations de capacité aux chirurgiens
destinés à embarquer sur les vaisseaux particuliers, après "
un examen pour lequel les maîtres reçoivent de 3 à 5 livres,
selon l'importance des navires; les droits d'examen sont
réduits de moitié pOUl' les chirurgiens qui embarquent en"
second. Le cofl're continue à être visité par les chirurgiens
et apoticaires commissionnés à cet efi'et et qui, pour cette

visite, reçoivent chacun la somme de « vingt sols »). Pour
toute navigation cc qui n'est point cabotage )), les bâtiments
sont tenus d'avoir un chirurgien « au~dessus de 20 hommes
d'.équipage »), et (1 pour ce qui est des . vaisseaux destinés
pour les voyages de long-cours même pour les pêches»,
il Y,aura un chirurgien jusqu'à 50 hommes, 2 si les équi_

pages dépassent ce chiffre.
A la suite de la pr,omulgation de ce règlement, les maîtres
. chirurgiens jurés Ciron et Lubet sont choisis comme exa-
minateurs, et le maître apoticaire Lafond dit Bonnevie leur
,est ·adjoint. pour la visite des coffres (1) .
Les maîtres choisis pour remplir de telles fonctions n'ont
par eux-mêmes aucune supériorité professionnelle sur leurs
autres confrères. Les charges sont obtenues à la faveur et à
prix d'argent. Il ne faut 'pas s~attendre à rencontrer chez les
(1) La commission de Ciron, enregistrée à l'amirauté en janvier 171U,
·est .demeurée dans les papiers du greffe. Elle est sur parchemin et conserve
encore le sce'au de l'amir.nl sur cire rouge.
« Louis Alexandre de Bourbon, ' comte de Toulouse, duc de Penthièvre,
de Châtenuvillain et de Hambouil'et, gouyerneur et lieutenant général
pour le Hoy en sa pro\'ince de Bretagne, amiral de France, à tous ceux
qui ces prësantes lettres yerromt salut. Savoir faisons, le Roy ayant par
son r!)glement du 5" de juin 1717 ordonné qu'il sera étably dans tous les
ports du Hoyaume des chirurgiens et des apoticaires pourveus de commis­
sions de l'amiral de France pour examiner les chirurgiens qui s'embarquent,
ensemble les colTres cie chirurgie, et estant pleinement in formé des bonnes
yie et mœurs cie François Ciron, de ses sens, suflisance, capacité, eonnois­
saoce et expérience au fait de la chirurgie, refigion cat.holique, apostolique
et romaine, Nous, conformément au présent règlement et en vertu du
pouvoir à nous attribué ù cause cie notre charge d'amiral, avons ledit
Ciron commis et estably et pal' ces présantes commeLLons et élal)lissons
chirurgien au port de Brest pour en ladite qualité faire les foncLions
ordonnées par ledit règlement aux droitz y attribués. Mandons et ordon-
. nons aux officiers de l'amirauté dudiL port qu'après avoir pris et receu

dudit Ciron le serment en tel cas requis et accoutumé, ils ayent à enre-
gistrer ces présentes au greffe de leur siè:'e et du contenu d'icelles le
faire jouir et user pleinement et paisiblement conformément audit règle­
ment. En témoin cie quoy nous a,;ons signé ces présentes, icelles [nit
;. sceller clu sceau de nos armes et contresigner pal' le secrétaire général de
la marine, à Paris, le 1 jour cie juillet 1718, » L.-A. de Bourbon, et, SUl'
.Ie repli, pal' son· altesse sérénissime, de Valincourt.

titulaires une instruction exceptionnelle. Lours rapports ne
distinguent pas de la plupart de ceux que délivrent, à '
Brest et dans l'ensemble de la région, les maîtres jurés de
toutes juridictions, ou les chirurgiens ordinaires requis à
leur défaut; on y découvre l'indice d'une médiocrité moyenne
qui est comme la marqne du niveau intellectuel dans le mi­
lieu, en dehors des centres tl'ès importants. Mais cette
médiocrité s'adapte aux exigences de la population et des
magistrats. L'amirauLé a compétence au criminel sur cer­
tains lieux, tels que les grèves et les quais; il en résulte de
fréquentes expertises (coups et blessures, homicides, infan­
ticides ou expositions de nouveaux-nés, etc.); les rapport.s
ne sort.ent guère de la banalité, mais les juges ne sont'pas
très difficiles et ne discutent jamais les conclusions des hom­
mes « de l'art )). Les levées de cadavres de noyés, surtout,
sont communes; elles donnent lieu parfois à de singulie:s
documents . .Te n'en citerai qu'un échant.illon. En '1727,
Jacques-Louis Jourdain, lieutenant général de l'amil'auté de
Brest, Y. Millet., procureur ùu Hoi au même srège, et. les
chirurgiens jurés Jacques L1.lbet et Le Marié se tl'ansportent
à Ploumoguer pour la levée du COI'pS d'un noyé. La compa-
gnie a gl'ande peine à t'e faire indiquer l'endt'Oit précis où
git le cadavl'e. Enfin une jeune fille les g'uide, les met sur la
bonne piste, en vue de ro chers sinistl'es ; il convient de
laisser parler les doctes voyageurs en face du spectacle offert
à leurs yeux. « Nous avons remarqué en effet,étant. SUl' un
rocher au-desslls de ladite grè"e, un rest.e de cadavre en
fOl'me ronde de la grosseur d'une boule de quille dnquel
, sortoit plusieurs boyaux trainnns contre les rochers estant
au bas de ladite grève, lequel ne pouvant approcher attendu
qu'il estoit en un précipice affreux et entre des rochers
inaccessibles où néanmoins la mer 8voit flux ct reflux, les­
quels sieurs Lubet et Le Marié ayant pareillement veu et
remarqué nous out dit et rapporté que les dits restes du

cadavre leurs paroissoit à la peau et à la structure estre le
bas-ventre d'un corps humain et qu'il leurs estoit 'pàreille_
lement impossible d'en approcher de plus près pour en faipe
une visite plus exacte par leurs sens, et ayant cherché et
perquis des yeux si nous n'eussions point veu quelques
autres parties dud it cadavre, nous n'avons rien l'emarqué ... »)
Que dire de cette expertise ... à longue portée de vue! Les
magish'ats ne sont point trop mécontents d'avoir pu remplir
à distance une aussi désagréable besogne; ils n'empêchent
point que d'autres aillent prend,re ces pauvres débris humains
s'ils le veulent tenter, ou les recueillent en cas que la mer les
sur un endroit plus accessible de la grève, et ils
rejette
permettent au sieur recteur de les faire enterrer.
Nécessairement, dans les examens qu'ils ont à diriger, les
maîtres ne sauraient demander aux candidats au-delà de ce
qu'ils sont à même de bien comprendre. Ce sont des gens
d'expérience, habiles de la main, dans une sorte de routine ,
est, après tout, le plus clair du bagage' médico­
acquise, qui
chirurgical de l'immense majorité des praticiens dans nos
campagnes et d't1l1 grand nombre dans nos villes, à l'heure
actuelle. Ils ne s'embarrassent pas des t.héories, ne cher­
chenl 'pas à étendre leur science et leur art en dehors

du cel'ele COUl'ant des intel'ventions habituelles. Les examens

se maintiennent SUl' un terrain restl'eint, presque exclusive­
ment 'pratique. Tel est d'ailleurs i'esprit de l'ordonnance. Le
limité à un petit nombre d'opérations
savoir-faire, même
très usuelles, ne vaut-il pas mieux que les belles phrases
sur le champ immense des doctl'incs spéculatives, si dé-
cevant.es !
Comment les choses se passaient, le petit dossier de la
réception du sieur Joseph Hivalon va nous l'apprendre (1 ).

(1) Amirauté de Brest, 1701-

A. - , « A messieurs les juges royaux de l':'HlJirauté de Léon
étably à Brest.
« Suplie très-humblement le sir,ur Joseph Rivoilon, chirurgien,
disant qu'il est de la religion catholique. apostolique et romnine, et
a fait apreutisage de 3 ans dans l'art de la chirurgie chez un
qu'il
sieur Lecnier, l'un des maîtres chirurgiens de cette ville. Il a fait
deux voyages en qualité d'aide-chirurgien sur les vai~seaux du
Roy Le duc de Bourgogne, commandé par 1\1. le c.ornte de Blénac,
et l'Etoile, commandée par M. du Chillau, el qu'il a de plus ~ervy
en qualitè d'aide-chirurgien pendaut deux <.Ins, taut dans les hôpi­
militaires de Brest que de Saint-Renan (1), et en dernier lieu
taux
en qualité de chirurgien-major sur le vaisse:.lU .l\'ourclle-Eloïse, de
la place de Nantes. En conséquence, le supli[lnt se trouve en état
de remplir et faire les fonctions de maître ch irurgien pour les vais- .
saùx particuliers. A ces causes il a l'honneur de requérir, ee
considéré,
Qu'il YOUS plaise, messieurs, voir cy joint les pièces justifica­
de l'exposé cy-dessus, y ayant égnrd recevoir le suppliant,
tives
maître chirmgien pour les vnisseanx particuliers, joint son otTre de
subir interrogatoire par les mnitrcs chirurgiens ordinaires ou de la
marine, et ferez justice. ))
Signé: RlvALoN, et M" FLOCH (procureur) .
La rcquète communiqnée RU procurel1r du Roi de l'am irauté et
aP9ronvée par lui, le lieutenant du siège renvoie le ctmdidat devant
les maîtres chirurgiens Georges Dcsrnontreux et Papoul Antony,
qui, après l'avoir interrogé, donnent leur rDpport.
B. « Nous Georges Demontreux, maître cn l'art et science de
la clürurgîc, lieutenant de M. le premier chirurgien du Roy pour
(1) Maigre recommandation, car ces « hôpitaux », plutôt des infirmeries,

étuient dirigés par des chirurgiens de piètre valeur, ·en général. Je possède
la copie d'un mémoire officiel, qui 8. dlÎ être adressé vers 177.ï su com-
mandant militaire de la région, où l' « on demande s'il est possible de
charger les chirurgiens (des troupes) d'autres maladies que les vénériennes
et la galle, et quels sont les précDutions à prendre il. cet égard, en paix
cornille en guerre ». L'exposé de l'ignorance lie ces professionnels est des
plus calégorique. Dans Je cas particulier', le service s'est trouvé dirigé, à
Brest, par un chirurgien-ciyi/ attaché à la 'place, doué de quelque talent,
le sieur Desmoutreux.
1\RCH
DU FINISTERE '

Ja ville de Brest et dépendances, et Papoul Antony, aussy maître eu
J'art et science de la chirurgie, chirurgien de son altesse sél'(;,
ni·ssime Mgr If' duc de Pentbi(:wre, au siège royal de l'amirauté de
Brest, demennllJts séparément rue de Saint-Yves et sur le Pont di'.
TerrA, paroi~se de Saint-Louis, nous sommes assemblés ce jour 13'
septclnbre chez l'un de nous pour prc.céder à l'examen du nommé
Joseph Riyalon, natifT de la ville de Brest, en conséquence de 1'01'_
donnauce de M" les juges de l'amirauté ..... tendant à examiner et
recevoir en cas de .capacité ledit Rivillon en la qualité de maître
chirurgien navigant sur .les vaisseaux particuliers et après avoir
pris lecture des lettres d'amJrentissage qhez l'un des maîtres de
celte COmnHlJHluté, cerlimcat de 2 années de service en qual ité
d'ilide-chirnrgien d~lns les hôpitaux militaires de cette plélce signé
Dcmolltre~1X, uu 2' ccrtiGcat de voynge en ladite qualité sur les
vai:'\seaux du Roy signé Dupré, un 3". certifIicat en qualité de second
chirurgien sur les vaisseallx du Roy signé Du Tailly, et finallement
nn 4" certificat en qualité Ùf~ cbiriIrgien- major. snr le vaissean
particulier signt5 La Cour, capitaine, nOllS avons procédé à l'examen
du susdit, et nprès l'avoir interrogé sur les principes de ln chirurgit\
sur la snign(~e, l'application des vessicatoires, des ventouses et de~
coterrcs, sur les traités des tumeurs, des plaies· simples et compli-
quées, sur les fractures, les luxations et les oppérations chirurgi­
do ml\rl0 sm les rcmèdes simple et composé et gélléralle­
call('s,
ment sur tontes les pilrtics qüi ont trait à ln chirurgie, il. quo)' le
susdit nons aymll répondu il suffire, olltre qu'il est à notre connois­
sallcc qu'il exerco ledit lIrt depuis sept aunées avec connoissance et
application, nous l'avons en coméqucnce reçu et recevons maître
en·chirurgie pour servir sur les vaisseaux particulier., sans que les
préseutcs puissent Illy servir pour être reçu dans les grandes villes
où le grand ehl'fdeuYl'c est ordonné pal' les statuts (1), ne pouvant

:11 Passnge à noter. L'admission aux diplômes spéciaux, ou plutôt à des
commissions spéciales ne compOl'tait pas litre de maîtrise en chirurgie.
les peLites villes et les campagnes, partout où il n'existait pas
Mais dans
de communaute régulière, on tolél':1il l'exercice de ia profe sion, au civil,
pour des individus sans brevet de cOll1lllunaul.é ou d'école, jugés d'aptitude
su(JisanLe, d'après leurs services auprès> de maltl'es, dans un corps de
troupes ou sur des vaisseaux .

lu)' servir que comme certificat et preuve de son application, à
Brest le joUI' et an que devant ». Signé: Antoni, Demontreux.
c. « Vu par nons Yincent Jou T'tl l'ordre du Roy, son couscillel', son liouLOWlut général civil et ùe
police, lieutenant criminel, commissaire cuquêteur, examinateur et
garde-scel au siège royal de l'arnir:lllté de Léon établi à Brest, la
reqneste nons présentée ùe la part d.u sieur Joseph Rivalon, do luy
signée et de son procureur, tendente :'t être reçn mllÎtl'8 chirurgien
sur les "aissea nx plll'ticuliel's, u 0 tre soi t co mmuniq u é, les conclu­
sions de M. le procureur du Roy teudente il ce qu'avant ledit sieur
Joseph Rivalon soit examiné sur l'art de la chirurgie, le certiffieation
aU bas des sieurs Montreux et An1ony, maîtres chirurgiens en l'art
ct science de la chirurgie, justiffiant la cal:Jaeité et expéri8uce dudir
sieur Rivalon sur le fait duùit art de la chirurgie, OUj~ le consente­
ment du sieur substitut de M' le procureur du Roy, no.tls avons
reçu et 3dmis leditsienr Joseph Riva lon maître cl1il'Llrgicn à pon-
voir monter sur les vaisseaux particuliei's pour fairc tontes sortes
de voyages en ladite ql1alité de m:1Ître chirurgien, orqolln6 CJII'il
sera reconnu pour tel par tout ou besoin sera, (llw l'expédition qui
luy sera délivré de la présel1te luy vaudra la lettre de maitrise,
qu'il y soit ajolltté plus do foy le sceaux du sil'ge et le cachet
pour
de nos armes y serout apposés, après nvoir prèté le serment de se
bien et fidellement comporter en ladite charge, ce qu'il a prolllis
faire en l'endroit, ayant la main levée en la manière accoutulllÛl',
qu'il observera les ordonnances, arrêts et règlements de la mal'iwJ
concernant la chirurgie, ce qu'il a aussi en l'endroit promis fnirc.
Fuit et al'retté en la chambre du conseil de l'ordiuare il Brest, cojonr
13' sept~rnbrc 1764. » Signé: Jourdain 111s (éVices 4 Iîvres, 1\!ÇlleS
dn greffe), Lunven de Coatiogan (procureur du Roi, reçu 2 livres
13 sols 4 deniersl.
Les chirurgiens, à Lord des bâ.timents particuliers, al'Inés
pour la course Ou pour les grands voyages commerciaux ou
pOUl' la pêche à Terre-Neuve, ont une- lourde responsabilité,
une tâ.che non moins importailte que celle de leurs confrères
de la marine royale sur les vaisseaux de Sa Majesté. Beau-

. coup de ces navires sont de force et comportent un équipage
D'un autre côté, les navires que le Roi prête auX.
nombreux.
particuliers, commerçants ou intéressés de toutes catégories,
vaisseaux, frégates ou flutes, sont ~rmés dans les mêmes

conditions que pour le compte de l'Etat. Malgré qu'ils soient
alors: le · plus souvent, commandés par des officiers de la
marine royale, ils recrutent leur monde à la manière des
corsaires, et ce sont des chirurgiens civils ou
simples
n'appartenant p'us a la marine, qui assurent le service de
santé à leurs bords. Ce s8nice n'est pas insignifiant. A une
l'hygiène laisse à désirer, parmi des hommes
époque où
entassés sur des bâtiments mal aérés, soumis à un régime
que la cupidité des armateurs rend maintes fois défectueux,
scorbut sont communes et elles éclatent
les épidémies de
avec intensité apl'ès quelques semaines de croisière: ·Ù plus
forle raison jettent-ellés sur les cadres une proportion énor­
me de malheureux marins, après plusieurs mois de campagne
hors d'~Ul'ope. En Amél'ique il faut lutter contre la fièvre
jaune, à la côte d'Afeique contre les fièvres de marécages et .
la dyssenterie: et, à la suite d'un comLat meurtrier, les
encombrent le faux-pont. Le labeur est gl'and pour
blessés
le chirurgien: un seul même eût été incapable d'y sufTire ct
il faut lui adjoindre des aides. Les capitaines ont à se préoc­
cuper d'avoir à leur bord assez de pratieiens pour faire face
à tous les besoins, et les armateurs, lorsqu'ils sont intelli­
gents, ne doivent pas regarder à quelyues salaires de plus,
pour assurer des soins convenables aux hommes chargés de
leur acquérie la fortune. Mais les règlements sont peu précis:
ils· disent seulement que 2 chirurgiens seront embarqués sur
les navires au-dessus de 50 hommes d'équipage, ils n'éta­
'blissent aucune répartition proportionnell(' au-delà de ce
chifTr'e et il y a des vaisseaux comptant jusqu'à 500 hommes.
C'est laisser trop large latitude aux armateurs. Toutefois,
je constate à l'inspection des rôles, que dans l'immense ma-

jorité des cas, les armateurs d~ notl'e région ne lésinent guère
sous le rapport des dépenses que réclament le service de
santé. Il Y a même, assez fl'équemment, un chirul'gien à bord
de navires destinés à naviguer d'uu port à un autre du
royaume où jusqu'à un port étranger peu éloigné, et qui ont
moins de 20 hommes d'équipage:
En 1693, la Légère, de 60 tonneaux et 8 canons, allant

pOI'ter du blé à Mal'seille, avec un équipage de 16 hommes,
a un chirurg'ien, le sieur' Etienne Lamare, de Recouvrance;
En 169.2, l'Avant'ure, de Btest, allant à Lisbonne avec un
chargement de diverses marchandises, a, pour 16 hommes,
un chirurgien, le sieur Cassidy, irlandais;
L'Uzante, 'de Saint-Malo, de 200 tonneaux, 18 canons,
25 hommes, allant de Brest à la Roc;lelIe, a pout' chirUl'gien
le sieur Mony, de Québec.
Pour la grande pêche, il y a cependant des navires dé­
pourvus de chirurgiens, malgré les pl'escriptiollS des orJol1-
nances. Passe encore pour quelques bâtiments, comme
l'Alexandre, de Beest, de 100 tonneaux, allcll~t au Chapeau~
Bouge, avec 13 hommes d'équipage; mais pOUl' la Marie­
Louise, de 80 tonneaux, armée par le sieur Hubac de Ker­
maïdic, à Brest, et destinée à Terre-Neuve avec un équipage
de 29 hommes, la contravention est flagrante.
Pour les voyages aux îles de l'Amérique ou à la côte
d'Afrique (traite des noirs), dans lesquels l'imprévu de la
ou des rencontres suspectes oblige à donner quel­
maladie
que force aux équipages, il y a toujours un chirurgien, quel.
quefois deux :
La Mignonne, de Brest, armée pour le compte de MM.
A uffl'Oy , de Paris, et destinée à une opération de traite, à la

côte occidentale d'Afrique, sous le commandement d'un sieur
Fuchtembert, a, pour 31 hommes, un chirurgien, le sieur
Le Quin (1698) ;

Le Saint-Yves, armé par le sieul' Le Gac de Lal'mol'ill , ù
Bl'est l pOUl' les Antilles, sous le commandement de l'un de
ses fils, Gabriel Le Gac, a 77 homm(!s et un chirul'gien, le
sieur Jean Lacoste, du Béarn (1704) ;
Le Saint-Hubert, du même port, équipé en 1705 pour Un
voyage à Saint-Domingue, sous le commandement du sieur
La POl'te Le Maîstre~ avec 102 hommes,_ a deux chirurgiens,
les sieurs Pierre Chéty et Jean Chatelet. 0
Quant aux corsaires, les plus petits ont toujours un chi_
rUl'gien et même quelquefois deux. L'effet moral est à Consi_
dérer dans les armements de cette sorte: des hommes qui
savent rencontrer de bons soins en cas de maladie, d'accidellt
ou de blessure, sont plus zélés à bien remplir leurs devoirs,
et les al'mateur3 ne l'ignorent pas. Sur les bâtimenis plus
grands, il y a plusieurs chirurgiens, un major, qui fait partie
des ofliciers-majors, un second, qui tantôt prend plaee à C<Îlé
du premier et tantôt est relégué avec les officiers mariniers,
jusqu'à 2 ou 3 aides, l'un remplissant parfois les fonctions
d'apoticaire, et un ou èe o .Lx fr'atel's, simples infirmiers, dont
les connaissances tiennent plus de la barberie que de la
chirurgie; ces auxiliaires sont placés à la suite des oflîciel's
mariniers, où ils coudoient d'ol'dinail'e les cuisiniers et les
domestiques. Je vais dounel' quelques exemples de la répal'-
tition des chirürgiens à bord des navires de course: ils ser­
viront à tirer de leur obscurité de très humbles hommes,
après tout dignes de figurer dans le corLège des militants
dont ils ont partagé les périls, quelques-uns même avec le
double titre de chirurgien et d'officier combattant, car il y
en a qui cumulent les fonctions de leUl' p·ro[ession ol'dinaire
et celles de lieutenant ou d'enseigne. Par exception, dans le
premier al'mement officiel de Duguay-Trouin il y Cl mention
d'un chirul'gien spéç;ialement attaehé à la personne du capi-

taine.

Vaisseau du R8i l'Entreprenant, al'mé à Bi'est

de Vernse; clllrurgien-ma.J Garem, de Toulon. _
1692. Fiute du Roi le Profond, Brest, 243 hOll).mes,
capitaine Duguay-Troùin; chirurgiens, le sieur Le Moine,
le sieur Astl'uS « pour le capitaine»; deux fra,ters origi-
naires du Maine, les sieurs Duval et Poirier; frégate la
Reine-des-A .. nges; de Roscof 63 hommes, capitaine prelauné-

Le Pappe; chirurgiens Geffroy et Pitard; frégate le
saint-Joseph, réarmée à Brest, 166 hommes, capitaine Hubert
du Clos, de Saint-Malo, 5 chirurgiens : premier Jean ...

Baptiste Morbec, 2 Pajoly de Grasse, en Provynce, 3 Y.

Icart, de Saint-Malo, 4 Duplessis-Pal'leau, de Nantes, 5
Bernard Le Blanc,de Calais; fIute du Boi la Favorite,Brest,
158 hommes, capitaine M. de Bussy, chirurgien Mich'el
Bora1.
1693. Vaisseau du Roi l'Hercule, Brest, 235 hom"mes,
capit.aine Duguay-Trouin; chirurgien-major Gautier; aides
ou fraters, Foucault, Bourcher et Jean Deshourty; fiute
l'Entreprenante, Bt'est (Saupin, armateur), 309 hommes,
capitaine Honilor',ü .J ulien, de Toulon; chirurgien-IIl:ajor
Lamalle, de Pal'is ; second chirurgien Navié; fraters Boüer,
o ffray et Verdet. ,
1694. Corvette la J)iliJente, de Boscof, _ 3.4 hommes, .
capitaine Desaudrais Lossieux, chirurgien Delangle; ,
caiche le Pèchenr du Roy, Brest, 61 hommes, capitain~ Neuf-
ville, du Havre; chirurgiens . Guillaume M~hays et Obeyt

Fort.
_. Fiute du Roi la Tro'rnpeuse, Brest, .~08 hommes,

capitaine '\Vhite (iI:landais, commissionné de Jacques H);
chirurgien français Dupré, chirurgien irlandais Belly; -
v-aisseau du Hoi le F01'tu·né, B~est, 377 hommes, cllpi~.~~ne
M. de Beaubriant-Levesque; chirurgien-major p~lon ; , aide
Jacques Le Bourcier; fIute le Fattco.n, .de Saint-Malo,
129 hommes, capitain{ de laYille-I;lllchet, de .Sain~:-Ma,lo,
BULLETIN ARCIIÉOL. DU FINliTÈRE. - TOME XXIII. (Mémoires). 1~

la l\'lartinière, de Blayes ; , tlute ù
chirurgien Michel de

Roi le Marin, Brest, 187 lommes, capItame \.ichal'd C·
rardin, chirurgien-major 8e1lart., second Combaut; __
flute le CheFd'Œtt'IJre, de Hoscof, 109 hommes, capitaine le
sieul' de la Jannays-Pocquet., chirul'gien La Ruë .

1696. FJnte le Berger, de Brest, 116 hommes, capitaine
de la Vallée-Poitevin, de Saint-Malo; chirurgien-major le
sieur de Deaumont; aide Barbot; , flute la Princesse dl'
Sa'voie, 131 hommes, capitaine Guérin; chirurgien-majol'
Lamalle, de Paris; aides Jacques Martin et Louis Le Vail_
lant; flnte la Marie-Gab1'ielle, de Roscof, 55 hommes
capitaine le sieur de Kerizllr-Levenas; chirurgien Navie, ..
flute la Claude, de Brest, 69 hommes, capitaine de lu
Prise-Chaillou, de Redon; chirurgien de Lacroix-Reneau
de Hennes; , le Comte de Léon, de Roscof, 63 hommes,
capitaine le sieUl' de Keradenec-Siohan; chirurgien Re­
nouard.

1702. . Vaisseau du Roi le lttste, Brest, 495 hommes,
capitaine M. de Beaubriant-Levesque ; chir'urgien-major de
Beaumont; aides Mathurin Duportail, de Narites, François
Houssel, Thomas Le Galois, de Grandville.
1703. Flute la ,tlartiale, du Havre, réarmée à Brest,
165 hommes, capitaine M. du Herosboc ; chirUl'gien le sieur
Delamotte; le Saint-Jacques, Brest, 50 hommes, capitaine

Dapres de Blangy; chirurgien Le Brun; , vaisseau du Roi
le Furieu.1:, Brest, 440 hommes, capitaine Desmarais-Herpin;
chirurgien-major Duchesne; aides Guillaume Dupuy, Jean
Fabre, Jean Lignard, tous les tl'ois de Saint-Malo; frater
Le Pelletier; flute du Hoi le Bienvenu., Brest, 233 hom-
mes, capitaine' Desmal'ques; chirurgien-major Germ-ain;
second chirurgien Devillars, de MOl'h1Îx; apoticaire Picl'l'c
Février, de Villegoust; frater Berna,rd Alexandre, de Becst,;
.' ,vaisseau du Roi l'Eclatant, Brebt, 527 hommes, capitaine

Duguay-Trouin; chirurgien-major Gautier; aidès Hamon
Lhe('mitte~ de Toulon, et Maurice Floch, de Lannion.
1705. . Flute l'A mazone, de Saint-Malo, 246 hommes,
capitaine J-:,a . Huë, de Saint-Malo; chirurgien-major Dela­
porte; aides Joseph Latour, de Bagnères, Raoul Berthein,
de Dinan, Joseph André, de Saint-Malo; Flute la Renée,
de Brest, 66 hommes, capitaine Dutertre Daniel, de Saint­
Malo; chirurgien Philippe Bel'nique, de Dijon; fIute la
. Fortune, de -Brest, 28 hommes, capitaine le sieur de Saint-
Jean; chirurg'ien Lacroix, de Recouvrance.
1708. Flute la Dauphine, de Roscof, 87 hommes~ capi-
taine Du Bois Lamarque, de Roscof; chirurgiens Toussaint
Malbec, de Tréguier, ei Desboulais, de Morlaix; flute la
Petite Anwzone, de Brest, 22 hommes~ capitaine Gaultier, '
de Recouvrance; chirurgien Sauvée, de Landerneau.
1746. Flute l'Elisa~('th, capitaine Pierre Bart; chirur-
gien-major Larive; flute la Galaf hée, capitaine Louvel;
chirul'gien-majol' Latouche; flute le Z'éphir', capitaine
Thierc~lin; chirllf'gien Doizé.

1756. La Sauterelle, Brest, capitaine Mélissant de Beau-
regard; chirurgien-major et second lieutenant Joulain ou
Joulin.
1761. Corvette la Gelinotte, Brest, capitaine Duclos-
nal'd ; chirurgien-major Billou.
Des abus s'étaient glissés, de plus en plus fréquent~ et
pemicieux, sous Louis XV, . dans l'armement des bâtiments .
particuliers. Armateurs et capitaines s'entendaient pour .
au rabais des chirurgiens quelconques, et les chirur­
avoir
giens jurés, par intérêt, se faisaient. leurs complices en se

montl'ant tl'Op fac :les dans la délivranee des certificats d'ap-
titude. Même on s'abstenait quelquefois d'embarquer aucun
chirurgien sur des navires longs-courriers. Une déclaration
du Roi du 9 novembre 1767 vint rappeler â l'exécution dés
ordonnances et l'èglements, et statua de façon très explicite

Sur les conditions à exiger des chirurgiens embarquants (l) :
« •.• Enjoignons anx offider;, des sièges d'all1irnlté de ne laisser
embarq~ler aucun chirurgien pour en faire les fonctions sur Uu
navire" qu'il n'ait fait un apprentissage, ce qu'il ser:1' tenn de jns-
titfieren repré$entant son brevet ou contrat d'apprentissage et qu'il
n'ait été examiné et reconnu capable par les chirurgiens de l'ami­
rauté du lieu de 'l'armement et du départ du navire, qui en donne_
l'ont ' leurs altestations, lesfluelles seront enregistrées au gretTe de
l'a mira II té •
« Seront admis il .l'examen ceux qui jnstifieront de kur apprell-
tissage chès tous chirurgiens jurés ù (lui il sera libre e11 consé _
q.ll~nce d'avoir des élèves pour la navigation et en tel nombre qu'ils
pouront en instruire, et ce nonobstant tous statuts, règletnens Ou
uzages contraires .... Entendons au suqJlus qne ledit aprentissage
ne ' puisse servir' aux dits élèves flue pour pouvoir s'embarquer
seullement lorsqu'il n'aura pas été fait conformément aux règles
établies pour pouvoir ·exercer la profession de chirurgiens dans les
lieux où lesdits élèyes voudront se fixer et demeurer.
.« Voulons anssy que tous ceux qui à detfaut de ra porter un
brevet ou contrat d'aprentissage chès Hn maître chirurgieu justif-
fieront qu'ils ont npris et exercé la chirurgie pendant 2 ans dalJ~
les hôpitaux de, la marine ou dans les hôpitaux militaires et à la
snitte de nos armées, soyent ndmis à l'examen; et ils l aportcrol1t
à. ce.t efTet un certitncat signé du chirllrgien-major ,sous lequel ils

auront travaillés, qui constatera la durée de leurs services et la
,manière Çlont ils se seront cO:llportés », duement visé par les admi­
nistrateurs ou chefs supérieurs chargés de la police de CES hôpitaux.
« Seront égallement admis il l'examen ceux qui, après avoir
et exercé la chirurgie pondant 2 nns, soit dans les hôpitaux
apris
dans lesquels ils voudront embarqner, soit dans les hôpi­
des lieux
taux de la ville de PaTis, rapporteront des CBrtitflcats » signés du
chil'l1rgien-major de l'hôpital et yisé par deux administrateurs.

' Même condition pOlll' l'admission [1 l'examen des candidats qui
auront travaillé dans les hôpitUllX des villes du royaume ":llItrl'ii
1 que .. ci.,.dessus ».

(1) Contt'esignée par le ministl'e Choiseul, duc de Praslin .

cc Aucuu chil'nrgien, antres que ceux pourvlls de commission de
l'amiral, ne pourra donner le::; attestnlions (d'aptitnde) ... sons peine
de lIullité- et de 300 livres d'amande », s:\llf cas de mort, mnladie,
abseuce ou récusation des ellil'llrgiens cornmissionnés cc auquel cas
le juge d'amirauté pourrn en désigner d'office ».
Un chirnrgien déjn reçu linos une amirnnté autre que celle du
lien de son embarqucllwJjt ne sera pdmis à embarquer qu'après
[lyoir été cxnminé ct reconnu capable par les cllirurgiens jurés de
J'nmir:mté dndil lieu daut il prodllirn certifient, délivré gratnite-
ment. Les cbirurgiens examinateurs ne reC8\'!'( nt :meune rétribu-
li on quelconque des candidnts sous peine de restitution du qlladrn'ple
cL de 100 livres d'amem]e.
cc Tout chirurgien ell,barqné sur Hn bàtimenl. lllar'Chand tiendra
exactement un livre journal SllI' lefJuel il écrira toutes les maladies
qu' il mIra traité dans le cours du voyage et les remèdes qu'il adlllillistré et ce h peine de no pouvoir jamais servir cn ladile
C]ua:ité sur lesdits bàtimeuts marchands », journal visé par ·Ie
capilniue (lU retour et sou:llis il l'examen et an vi~n des chirurgiens
jnrés de l'nrniranté an lieu dn désarmement.
An rctom de chaque voyage, le chirurgien sera tcnu de trnvailll.f
dnlls les hopitallx soit du lieu de désarmement ou de sa résitlf'uce .•
et obligé lors de son nouvel embarquement de ra porter des certif­
Oeats du tems qu'il y [ll1ra travaillé aux chirurgiens de l'amiraùté
du lien où il voudra s'embarfJuer, of avec le journal et le cerlifficat
Ide bonno conùuite) du capitaine» relatifs à son précédent" embar'-

Cl1lCnJUIl t.
Cette déclaration marquait un progrès très réel dans les
conditions du recrutement des chirurgiens destinés à servir
sur les navires particuIlel's. Mais elle consacrait une exi­
gence difficile à satisfaire, celle de fournir un chirurgien à
tons les navires qui effectuaient de simples voyages de grand ·
cabotage ou de courtes traversées des mers du Ponant dans
les ports français de la Méditerranée: toujours à suffisante
proximité des côtes pour être à même d'éyacuer sur la tel're
malades. en cas de nécessité. Une lettre du' Roi du 6
des

juillet i 774 accorde la dispense d'une telle obligation.

Une ordonnance du 29 septembre 1787 attribue un uni_
forme aux chirurgiens jurés d'amirauté,afin d'augmenter leur
prestige vis-à-vis de leurs confrères ol'dinaires, leur au torité
vis-à-vis des candidats qu'ils ont à examiner.
La réglementation dont je viens d'exposer les grandes
lignes subsista jusqu'-à ]a suppression des sièges d'amirauté
(1791) : elle eut d'ailleurs sur quelques points des survi_
vances (on recrute encore, pour embarquer sur les navires
terre-neuviens, à défaut de chirurgiens diplômés, des élèves
pourvus d'uu certain nombre d'inscriptions aux écoles ou
dans les facultés de médecine, et munis d'un certificat d'ap_
titude -des professeurs). -

J'insisterai sur certaines particularités du recrutement et
l'existence des chirurgiens embarquants.

Pour un assez· grand nombre, la l1avigation est une car­
rière définitive et même quelques-uns de ces routiers de la
mer cherchent à quitter la lancette pour le sabre, en cas
d'armements de cOl'saires, ainsi que je l'ai rappelé dans une
étud e antérieure (1).
Mais une partie de ces professionnels n'est destinée à
passer sur les bords qu'un temps provisoire.
y a parmi eux d~ tout jeunes gens qui ne sollicitent ou
n'acceptent le service au marchand que pour attendre l'âge
de se fixer en bon centre de clientèle, après avoir amassé

des économies; des hommes déjà mlÎrs d'expérience, non
situation pécuniaire d'acquérir une maitl'ise dans une

communauté, des chil'ul'giens de la marine, auxiliaires ou
entretenus, sans occupation ou découragés pal' le défaut
d'avancement, licenciés ou hOI's cadres.
cette dernière catégorie appartient le frère d'un chil'ur-

gien brestois, dont la vie scientifique .devait jetel' g,'and
(I) Un corsaire brestois sous Louis XV, Bu Il cl in dd la Société d'ar­
chéologie du Finistère, 1895.

édat : Coulven Keraudl'en, fl'ère puiné de Pierre-François
I{eralldl'en, mort en 1857: à Paris, inspecteur général du
~e['vice de santé de la marine et membre de l'Académie de
médecine (:1). Au lendemain de la guel'l'e d'Amérique,
Goulven, déjà, bien que fort jeune, depuis assez longtemps
aide-chil'ul'gien et sans espoi!' d'obte~ir un grade plus élevé, ,
faute de vacances entl'cvueS c( dans le calme de la paix », se
décide c( à passer ce moment au service des bâtiments du
commerce, de l'agrémeni de ses supérieul's »; une place de
premiel' ehirul'gien lui a été proposée ({ pOUl' l'Inde' » et il
requio!'t, afin d'êlt'e admis à la remplir, la réception par
devant l'amirauté: après examen (j ,wvier 1789).
Aux diverses époques: il y à ,une proportion notable de,
chirurgiens uavignant au commerce après avoi!' servi sur
les navi,res et daus les hôpitaux de la marine royale. Licen-
ciés npr'ès avoir été levés ou agrées comme auxiliaires, ils
doivent cherche!' de nouveaux moyens d'existence. Quelles
que soient l'impol'tanüe et la durée de leu!'s services, ils ont
ft se sonmettre ù la fOI'malité de l'examen devânt les jurés de
l'amirauté. Je relève en tels cas: '
En 1717: Jean-Bapt.iste Foët (ou Fouët), dit Dupré, cc ser­
vallt clepllis 'LO ans sur les vaisseaux de Sa 'Majesté en qualité

de chil'urgien-major (2) » ;
En 1720, René Cochon ou Couachon, cc qui navigue su'r

les vaisseaux tant de guerre que marchands, depuis 28 ans, '

(1 ) Tous deux sont les fils d'un chirurgien ordinaire de la marine;
Picl'l'e-FrRllçois a pOUl' pat'ain notre ancien capitaine du corsaire la Sau­
tercUe. Pierre Bcauregard, « pilolte cntretenu ». '
('2) 11 convient de faire remarquer que la fonction a toujours été dis-
, tincle du gracie, dans la marine. Un ch irurgien embarqué seul sur un
petit navire était chirurgien-major, aussi bas que fût son grade. A mes
débuls dans la médecine navale (18 il), le corps se recrutait par examens
spéciaux ' aux 3 écoles de Brest, Rochefort et Toulon, et sans que l'on
exigent au(~un diplôme des facultés, en dehors des baccalauréats; un
chirurgien de :Jr classe, dont l'examen portait sur' des matières à peu près
équivalentes à cell es de l'examen des chirurgiens d'amirauté, pouvait être
embarqué comme major sur des canonnières.

en qualité de second sur les vaisseaux du Roy et de premier
sur les vaisseaux marchands» ;
En 1789, Charles Mittrécé, «( cy-devant chirurgien de
levée au service du Roi », muni d'un certificat eonstatant
« qu'il a servi dans le département de la marine de Brest,
en qualité de chirurgieh, tant dans les hôpitaux que Sur les
vaisseaux, l'espace de 8 ans, assisté aux cours publics faits
aux écoles et suivi avec exactitude le traitement des malades
et blessés ... » ; François'-Etienne Maréchal, qui a servi en
conditions identiques pendant 9 années (1), etc.
Beaucoup de chirurgiens viennent d'autres ports où ils
n'ont point trouvé d'emploi: ils ne sont pas dispensés nOn
plus de subir l'examen à leur nouveau port d'embarquement .
Les débutants sont fournis soit par des apprentis dont
l'éducation s'est faite avec plus ou mo:ns de succès auprès
de maîtres de la région, soit par des élèves de diverses
écoles du royaume, de Paris, . d'Orléans: de Rennes, etc. ;
quelques-uns étrangers. Ils produisent des certificats de
nature variable, selon leur origine. Ceux qui arrivent des
écoles sont généralement pourvus de pièces signées de pro-
fesseurs (quelques-uns célèbres, j'Hi lu les noms de PetiL
de Louis, de Sue, sur des certificats d'élèves de l'école de
c'lirurgie ~e Paris), pièces d'après lesquelles il semblerait
que leur ,instruction fut très supérieure à l'instruction
moyenne des j.eunes gens de la ville de Bl'est,; mais les
examens' démontrent d'ordinaire qu'entre les uns et les autres
le savoir et la pratique n'offrent pas de différences bien
sensibles.
De tous temps, la clientèle a été difficile à former, le gain
donné 'par les meilleures aléatoire. Nombre de prat.iciens,
(1) Les deux postulants présentent des certifIicats signés par le premier
médecin Lapoterie,le chirurgien major Billard et le démonstrateurd'nnatomic
DUl'et · de l'école de Brest; ils sont examinés par les maîtres jurés de
l'amirauté Laporte et Dumonteuil, pour la forme, car le procès-verbal de
leur admission est des plus sommaires.

faute de vacances dans Ulle jurande ou d'argent pour l'acqui-
sition d'une maitrise dans une communauté, sont heureux
de ~rouver un refuge momentané dans un milieu qui leur
assure au moins l'existence; ils attendront ainsi l'heure
favorable pour aborder l'exercice civil de la chil'nrgie avec
chances de réussite sérieuses. Pour un assez grand nomhre,
d'ailleurs, dont les rêves sont modestes: la navigatior~ fait
miroiter l'espérance 'd'un établissement u~térieur en quelque
petite ville privée de communauté ou dans une campagne
isolée, où la concul'rence et les 'tracasseries des importants
de la profession ne seront 'pas à craindre : le brevet de
chirurgien au marchand (pas plus que celui ùe chil'urgien
de la marine royale ou de troupes) ne confère titre de mai-
trise; il n'a de valeur que dans le milieu où il mentionne le
droit à l'exercice, mais il confère une tolél'ance à la pratique
de la chirurgie dans les endroits où il n'y a pas d'autres
chirurgiens, et ce n'est pas une fin trop à dédaigner pour
d'humbles professionnels, lorsqu'arrive pour eux la fatigue
à la suite des rudes voyages ou le désir bien légitime de
jouir d'une famille.
A bord <;les bâtiments particuliers, l'on n'acquied pas la
Au moins peut-on mettre quelque argent de coté.
fortune.

On ne reçoit rien des gens de l'équipage pour les soins qu'on
leur prodigue; mais on est autorisé à demander rémunéra­
tion pour tous ceux que l'on est appelé à dO:1ner hors du

bord ou même, en certains cas, à des passagers, et, dans
les voyages purement commerciaux,on ajoute aux salaires les
bénéfices de la vente de diverses marchamliscs. Les chil'Ur­
giens emportent avec eux de petites pacotilles, dont ils font le
tl'afic aux colonies, et dont ils partagent. le produit, au retour,
avec les négociants qui les leur ont confiées. Sur les naviI'es
de course, ils ont dl'oit à des parls proporlionneHes Ù leul'
hiél'archie : le pl'emieI' tonche ordinairement 4 parts, quol­
quefois 6 ; le second 2 parts; les autres une ou une et demie .

Les salaires fixes sont " faibles, mais peu différ.ents des
soldes accordées aux chimrgiens des vaisseaux du HoL Il
n'est pas très aisé de les déterminer. Malgré l'abondance
des documents où l'on pourrait espérer à priori rencontrel'
"leur indication, je ne les ai trouvés mentionnés qu'excep_
t.ionnellement, il propos d'avances faites aux " débuts d'une
campagne (les équipages: au moment du départ, reçoivent
de 2 à 3 mois d'avances, à rembourser sur leurs salaires
ultérieurs ou sur leurs parts de prises) :
En 1710, à bOl'd de ]a corvette la Gene'IJiè"Ve, de Brest
faisHllt partie d'un armement particulier pour la côte de
Guinée (traite d~s nègres) et Buenos-Ayres, sous le com­
mandement de 1\'1. du Coudl'ay, capitaine d.e ,raisseau, Fran­
çois Houssel, chirurgien-major, a 50 livres par mois et
touche 120 livres d'avances; Augerac, son second, a 30 livres
par mois et touche 90 livres d'avances;
En 1711, Philippe Le Merle, de Brest, embarqué comme
chirurgien sur le Saint-Joseph, armé à Brest pOUl' un voyage
« en marchandises » aux îles d'Américlue, a 40 livres pal'
mois, et reçoit 120 livres d'avances; en 1705, un second
chirurgien, sur un navire destiné à Saint-Domingue, tou-
chait 27 livres par mois;
En 1718, Jean Maillard, sur l'An,ge'Nque, bâtiment armé à
Brest pour les îles d'Amél'ique, toucbe 120 livres pour 2
mois d'avances au moment du départ.
Les chil'urgiens sont un peu mieux rétribués à bord des
gl'ands oavir'es de course, où ils ne participent pas aux parts
de prises. SUl' l'Elisabeth (C'.apitaine Piene Bart), le chirur­
gien-mRjor l'eco"t, 100 livres pal' mois, un chirurgien en
second GO, un apothicaire l.l:O et un aide-chirurgien 30 soule­
ment. C'est bien ma igre !
Mais en 1780, les allocatiolls ont. sellsiblement angmenté :
SUl' un navire marchand de Nantes, l'Emile, de 350 tonneaux ·
et de 26 hommes d'équipages, allant de Brest à Hochefort,

le chirurgien a 100 livres pour un mois; à bord d'un cor­
saire de Dunkerque, en relâche à Brest, le chirurgien-major
est payé selon le tarif ofliciel de janvier 1780: qui accorde
aU premier chirurgien, sur chaque navire armé en course,
lôO à 180 livres, au second chirurgien 120 à 140 livres.
pareils gains acquièrent plus d'importance de l'étude
des conditions communes de l'existence à l'époque où ils
sont obtenus et de la eomparaison avec les salaires des
autres pt'ofessions. La vie d·autrefois était moins dispen­
dieuse que celle d'aujoul'd'hui, et, dans la plupart des mé­
tiers, on arrivait à l'aisance avec ce qu'on estimerait autuel-
lement à peine suflisant pour ne point tomber dans l'extrême
misére. On sacrifiait moins au luxe et au superflu: il en
résultait meilleure satisfaction des besoins nécessaires, et
ceux-ci étaient assurés par des profits médiocres. Sur les
navires particuliers, à l'exception du capitaine, les ofliciers
majors ne touchent pas dèS salaires beaucoup plus fort.s que
le chirurgien, avec le titl'e de premier ou de second lieute­
nant; à la mer, point de logement ni de table à payer, la
solde rentre presque toute entière dans la réserve des
prévoyants. On n·est pas astreint d'aut.re part à de g·1'os
débours pour la représentation et l'on peut jugel', d'après
les inventaires des effets des 1I0mmes que l'on dressait à
bord après chaque décès, du maigre bagage constituant la
garde-robe et l' c( avoir J) des marins d'autrefois (1). Point
(1) Dans la dernière ITloitié du règne de Louis XV, les inventaires
dénotent plus de confortable dans l'équipement des officiers et même des
Himples matelots des gros navires marchnnds ou de course. Voici celui
« des efIets du sieur Dutailly, chirurgien-major, decédé il ['isle du prince ",
à bord de la !lute l' !t'ourdie. de Brest, nu mois de février t7li!) : un
brevet d'al'moirie, un extrClit baptistaire, acte d'engflgernent et di\'ers
papiers; 75 \iv·res d'argenl en espèces; un chapeau avec un gal'On d'or,
1"l serviettes à demi usées, 30 chemises dont une pnl'tie plus ou moins
usées, 30 mouchoirs de poche, Ij ('hcmises « Lleuf 1), 13 paires de bas cie fil
ou de coton, plusieurs vestes et culoLtes de diverses étoffes, deux habiLs,
un drap de \it, • 3 teste d'orillé » ,taies d'oreillers), .) pnires de bas de

d'uniforme obligatoire, ou seulement quelques marques
distinctives imitées de certaines parties de l'uniforme de~
chirurgiens en~l'etenus de la marine royale. On s'arroge 10
dl'oit à l'épée (sllr la Sauterelle, le chirurgien-major est armé
d'un couteau de chasse), mais en dehol's des dépendances
du royaume, et. les jeunes qui ont la naïveté de prendre au
une tolél'ance t.rès limitée, nécessaire même à bOl'd
sél'ieux
des corsaires où chacun, à un moment donné, peut devenil'
un combattant, sont durement rappelés au respect des
ordonnances, à terre, par les juges d'amil'auté, à la pl'emièl'e
plainte des officiel's de la place ou de la marine (sur les

registres de police, en 1783 et 1784, il est fait mention de
plusieurs condamnations de chirurgiens pOUl' port illégal de
l'épée).
Au point de vile hiéral'chique, les chirurgiens des bâti­
ments pal'ticuliers étaient peut-êt.re mieux pal't.agés que
leurs confrères de la marine royale. Ceux-ci, il est vrai,
étaient admis à la table des ofTieiers majors et avaient,
comme eux, cabine à l'al'rière; mais au prix de combiell
d'humiliations, ce rapprochement d'une caste aristocratique,
si orgneilleusement fermée à la roture! Les autres vivent
dans un milieu de leur classe et de niveau éducatif égal au
leur: ils jouissent pleinement d'une élssimilation CO!isacrée
par l'usage; le premier chirul'gien et quelquefois le second
sont officiers-majors; les aides et les fraters sont mis à la
suite des officiers mariniers; parmi des gens souvent gros­
siers, mais toujours francs et cOI'diaqx dans les reléltions,
les chirul'giens, eux-mêmes d'assez basse extraction pour la
plupart, ont une existence très supportable, sinon agréable,

soie, plusieurs paires de souliel's; honlons, boucles, fourchette et tabalièl'e
en argent; une vieille robe rie chélmbrc, une ll'ousse garnie portative, une
paire ·de pistolets, (j liHes de chirurgie, etc. La vente des elfets produit
f:iû6 livres U sols g deniers.

ct ils sont assurés d'une estime bien en rapport avec leur
dévouement .
Le service de santé, à bord, répond aux exigences de
l'époque. Il est rare qu'on rnarehande au chil'uI'gien le
matériel quïl réclame : on lui l'OUl nit les instruments, les
médicaments, le linge, les appareils en nombre, quantité et .
qualité calculés d'aprè!S la nature du voyage et l'effectif des
équipages. Il y a un minimum ·d'approvisionnement qu'on
ne dépasse point et les jurés de l'amiraut.é examinent le
cofFre aux remèdes avant le départ du navire ; s'ils constatent
son insuffisance, ils peuvent s'opposer à la mise à la voile
jusqu'à ce qu'ils aient réfél'é du cas aux officiers de l'ami­
rauté : c'est ainsi qu'en 1720, les maîtres Ciron et Lubet,
visitant le coffre du vaisseau lè Rttby, ell rade et prêt à
partir, sous le commandement du capilaiue Cariou, et
l'ayant « trouvé en estat à -la réS81'VC de 20 livl'es de vieux
linge propl'es pour les bandages en cas de uesoin et de
combat, sans mes me des draps à bord pour y supléer », se
refusent « à signer le certificat aucltirul'giell du bord») ; .. ils
adressent requête au juge d'amirauté pOUf' qu'un huissier
soit envoyé à bord, afin de « se saisir dudit coffl'e et le
rendre à terre, le rendre complet et prévenir les accidents
qui pouront survenir dans la campagne, et ce aux frais des
armateurs, lesquels pour leur refus seront condennés en
telle amende au profit des pauvres de l'hôpital qll'il plaira
au siège Ol'donner et aux dépens)). Une selltence l'ail droit
à cette juste requête.
Il ne paraît pas qu'il y ait eu de règle fixe pOl~r la com­
position du coUre: chaque chirurgien-major semble l'arrêter
à sa guise, après entente avec un apoticaire, aussi les états
. de « remèdes » qu'on trouve dans les liquidations d'arme­
ments sout-ils des plus variables. J'ai l'eproduit intégrale-
ment la composition du coffre du corsaire la Sauterelle (1) : je
(1) Bulletin Société cl'archéolog ie du Finistère, 189"5, p. 3G2. .

ne crois pas inutile de donner ici celle ùu cofi'l'e de la Si1'ène
autre navire corsaire de Brest, de plus grande force que le
précédent, successivement commandé par les capitaines
Gomain et Louvel, parce que la nomenclatul'e marque coml1le
une tentative de classement scientifique ot un léger pt'Ogrès
clans l'exercice de l'apoticairerie :
Estat des remèdes que jay fournit pour la frégatte du Roy la
Sirenne, commandée IJar 1\:1". Louvel, enseigne des vaisseaux du
noy, pour 3 moi~ de campagne il trois cents hommes d'cs<]uipagü .
Sca voir :
Cordiaux
TheriafJue, 2 li v. et demie .. ; ...........•....

Confection d'hyacinthe, une liv ......•.......
Extrait de genièvre, une liv ..........•......
Diascordium, une liv . " ................. .
Conserve de roses, une liv. . . . • . .. . ....... .
de ql1inol'odon (Cynorodon), 8 onces.
Conserves
h .lrgatif.s.
Pillllllcs mercurialle,' une liv ............... .
Cotholicum fin, nue livre.. .. ......... . ... . 15 »
Sirops.
Sirop de capillaire, 2 liv ................... .

2 liv ..................... .
Sirop de limons,
Sirop d'althea, 3 li v ...... '" ............... .
d d', d ') l'

Irop e (clCO e, '""' IV ••..•.•••....••.••.•..
Siroj) de nerprun, une liv .................. .

de meures, 2 liv ..................... .
Sirop

iUiels.

Miel ros3t, 2 liv ........................... . :3 1.
Miel violat, 3 liv... . . . . . .. . ... 4 10

Miel de Narbonne, une liv ................ . 2 10
Miel commun, 6 liv ......... ~ ............ .
Ongllents.
Onguent basiliel.Jm, 2liv ........•........... 5 1.
Onguent populeum, 1/2 liv ............•..... 1 5

Onguent pomp:lolix, une liv ................ . 3

Onguent de la mère, 3 liv. . . . .. ., .......... .

napolitain, une liv ...............•..
Onguont 2
Jlllilles.
Huille d'amande clonce, 4 liv ............. '" 24 1.

Huille rosat, 4 liv .....................•....

11I e oc noIX, ;., 1V ••••..••••••••••••.••.••

Huille de camomille, 2 liv.. . . .....•.......

. Huille de ly~, une liv ...... " . ............ .

Beaumes .
Beaume d'm'ceus, 2 liv ............. 0 •••••••

Beaume du com mandClll', 8 011 .•••..•.......
Beaume de ~ouphre, llJ1e on ................ .

Eaux el esprits,
Eau vulnéraire espiri tueuse, 3 liv ........... .

Eau dé mélisse espiritueuse, 8 Oll •...•...••••

Eau theriaqualle espiritlleuse, 4 ou.. . .. . ... . 2

de canelle espiritueuse, (1 on ........... . »
Eau
Eau de rose, une liv ....................... .

E~u .de plnntin, une liv ................... .
2 li v ...........•...•......• ' ..
Eau cordialIe, »
Eau de chardon béuit, une liv. .....••.... . 1
de vin, une liv .....•..•.•..••••.....•
Esprit 4
Esprit de vitriol, 4 on ...................... .

Esprit de coclearia, 4 on ...........•.......

Eau-de-vie ca mphrée, 12 pots ............•.. .

Chimiques.
Laudanum, 4 gl'os ........................ .

inferna Ile, 2 gros ................... .
Pierre
Mercure doux, 2 on ..•..................•..

Sel de nitre purifié, 2 liv.. . . . . . .• .• .. . .... .

Cristal minéral, une liv .................... .
Sel d'Ebsum (d'Epsom), uue liv .. ~ ......•... »
Sel ammonine, une liv ..................... .

Drogues simpl~s .
Grninc de lin, une liv .......... " ........... .

Manne ·tIne, 6 liv. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . ..... .

Quinquina, 8 on . . . . . .

RhnLwrbe fine choisie, une liv ....•..........

Reg li sse, 8 li v . . . . . . . . . . . .. . ............. ~

Snfnlll fin, une on. .. . .................... .
SqllÎne, 8 on .......... ................... .

Saxafras, 8 on ....•..... , .... . .......... .

Gnyac rDppé, une liv ..................... .
Semence froides, 2 liv. .. . ................ . 3
Semen-contra, nue on ..................... . »

SOllné, une liv ..... .............. . 0 •••••••••

Suc de re,slisse, 8 li v ...................... .

Sncrè candy blnllc, 2 li v ................... .

Tamarin du Levant, 3 liv .................. .

Therebeotine, 6 liv

Call1phre, une ·on ................•....•....

CDpillaire du Cauadn, 8 on ............. " ... .

Amnnde douces, une liv ................... .

Ra ppurre de corne de cerf, 8 on ............ .

Rapnrre d'yvoire, 8

.Jal~p en poudre, 8 on . . . . . . . . .• . . . .. . .... .

.Mercure crud, 4 on .... ' .' . . . . . . .. . ........ .

Casse en uaton, 5 liv ...................... .

Poudre résolutive, 6 Iiv .................... .

Huille d'anis, une on ..................... .

Huille de gérolle, 4 gros

Entplastre.'i •
Emplastrl's de Bethonica, 8 on.. . . . . . . . . . .. .

Diachillum gommé, 8 on. . . . . . . . . .

Ulle liv ......................... .
Diapalme,

Cérat de Galifo, 2 liv ...................... .

Estollpes finf, 4 liv ........................ .

mains de papier gris ..................... .

de grand papier blanc. ............. .
8 mains

cartons fin .. ~ ............................. .

18 bonteilles de prises... .... . ........... .

L 15 livres d'estoupes pour bourrer les coffres, à

un sol 6 deniers la livrè ..............•...

Total: 487 livres 11 sols.

J'ay recuë. de monsieur Alldifrais les remèdes mentionné, atid .
mémoire bons et valable ayant été visité par M' BOl1ne'vie, maître
apoticaire de larnirauté, à Brest, ce 2' décembre 1745.
FnABO ULE.T •

J'ay receu de monsieur La FOllrcade et La .Ruë (les correspon:-
dants des arma leurs) la somme de quatre _cents vingt cinq livres
pour le contenu au présent mémoire, à Brest, ce 10' décembre 1745 •

. AUDIFFRET •

Remarquer la légère réduction sur la note que l':apoticaire
accepte . au moment du règlement .: c'est .une, chos~ assez
habituelle et qui montre que. pour les armateu,rs il n.'y av~it
point de peÜtes économies à dédaigner .
Les fournitures de médicaments sont d'ailleurs assez é1e­
vées pour produire de très beaux bériéfices à MM .. lesapo­
ticaires, aux époques d'armements: le coffre est renouvelé
ou complété à chaque relâche, et je trouve, à la liquidation
de la campagne de l'Elisabeth (1746), une dépense de plus .
de 3000 livres pour les médicaments.
La caisse ou boîte d'instruments de chirurgie est livrée
par les maîtres couteliers de Brest au prix de 150 livres.
Les chirurgiens sont à même de faire face aux éventualités
courantes d'un voyage ou d'une course, avec les ressources
de leur bord. Mais, dans les relâches, ils tl'aîtent les malades
à terre, chez une hôtesse, ou bien les évacuent, après auto­
risation de l'interidant, sur l'hôpital de la marine, où ils sont
traités aux frais de l'armement: la journée d'hôpital revient
à près de 20 sous. .
En somme. avant la Révolution. le service de santé: à

bord des bâtiments particuliers, est l'objet de la vigilance
de l'autorité maritime. Les marins du commerce sont assu­
rés de soins en cas de maladie tout comme les marins des
classes: et la qualité des chirurgiens, si elle n'atteint pas, à
bord dos navires marchands, un niveau aussi élevé qu'à
bord des navires de l'Etat. est au moins suffisante dans la
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINlSTÈRE. - TOME XXIII. (Mémoires). 14

moyenne. Des examens très pratiques sont uné garantie de
capacité, comme les certificats exigés des postulants en SOut
une de leur moralité.
Il est encore d'habitude trop ol'dinaire de ne .s'attacher,
dans les recherches historiques, qu'aux faits de bruyant
retentissement, aux hommes et aux institutions de notoriété
, méritée ou non, mais fondée par l'opinion, si souvent mal
inspirée. On ne daigne point pénétrer dans les humbles
catégories sociales d'autrefois: bien qu"on ait-toujours à la
bouche les flatteries à l'adresse du peuple. J'avoue ma pré-
dilection pour l'étude de ces catégories et je n'ai pas cru
inutile d'apporter une contribution à l'histoire de l'ancienne
chirurgie navale: elle formera un chapitre bien inédit, à la
suite de l'ouvrage de Lefèvre, unif{uement consacré à l'évo-
lution du corps de santé officiel de la marine .

Dr A. CORRE .