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Bulletin SAF 1896


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Documents pour servir à l’Histoire de la torture judiciaire en Bretagne

Dr A. Corre

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VII.

DOCUMENTS
Pour servir à l' histoire de la TorLurej lldiciaice en Breta
PAR LE Dr A. CORRE .
A la réunion des Sociétés savantes des dtSpal'tements à
Sorbonne, en 1895, l'érudit archiviste d'Ille-et-Vilain
M. Pad'ouru, présenta un mémoire sur la Torture jwlicia
dans l'ancienne province de Bretagne. Je n'ai pris con na'
sance de ce mémoire que par le compte-renclù du « Jour
officiel ). J'y ai cru remarquer q1le certains points de détai
avaient peut-être besoin d'être élucidés ou complétés. Moi
même, et dans le mémoire que j'eus l'honneur de soumett
à notI'e Société. sur les P1'océdures criminelles en Basse-Bre
tagne (1), et dans l'ouvrage publié récemment avec la col
bOI'ation du Dr Aubry, la Criminologie l'étro~pective (Bretagne
17 et I8 siècles) (2), j'avais eu à émeLtI'e sur la matière
appt'éciations trop écourtées. Je saisis donc l'occasio
que me procure le dépouillement de nouveaux dossiers, cet
fois empruntés à des juridictions maritimes, pour reveni
sur un sujet bien sombre, non dénué toutefois de quelqu
intérêt historique.
Les procès-verbaux de torture sont infiniment moins corn
muns qu'on ne le suppose, et ils sont une exception dans les
affail'es criminelles des ressorts de l'amirauté de Brest, de
l'intendance ou de la prévôté de la marine, établies au même
lieu. J'en ai découvert quatre, dont deux appartiennent à la
même affaire. Ce sont ces documents que je vais l'epl'odnire .

(1) Bulletins, 1891, t. XIX.
(2) . Stork, éditeur, Lyon, 1895.

1. .. _ Crime de baraterie, amirauté de Brest, 1701.
Vincent Le Cam, âgé de 34 ans, né à l'île aux Moil}es, et
ulÎll'e d'une barque de cet endl'Oit, le Saint-Jacques, qu'il
"J'chandises à Nantes, pour le compte de nég' ociants de

Morlaix et de Saint-Malo. Il a prémédité un mauvais coup,
caf, après avoi,r vendu le long de ·la côte une partie des mar­
ch/ludises Gonfiées à sa bon ne Coi, il en transborde le restant
6 uue barque, qui se trouve à jour fixe à l'île des Saints (1),
pour l'aider à accomplir cette vilain'e besogne. Il perce
ensuite une large ouverture dans sa propre barque, la coule,et
vient, sur la barque de son complice, déclarer au bureau d'A u­
dierne (( qu'il a tousché sur les roches basses fl'oides ». De
là, toujours avec la barque du complice, et accompagné de
deux matelots, dont la peur a paralysé la langue, il passe
en Angleterre pour essayer d'y vendre les mal'chandises
soustl'aites. Il revient en France sans avoir réussi dans son
dessein, et c'est alors que, sur des soupçons éveillés par l\m
des négociauts affréteurs, la vérité se découvre ..
. Le Cam seul a pu être arrêté.
Par sentence des jllges de l'amirauté de Brest, il est
condamné à êtl'e pendu. •
Mais rappel est de droit. En Cour de parlement, à Rennes,
où le misérable a été amené, la sentence est confirmée, avec
aggravation de ]a question ordinaire ct extraord:naire
(( pour avoir preuve des complices. »
Le Cam est ramené à Brest.
POUl' l'exécution de l'arrêt, le 28 llovembre 1701, dans la
matinée, J.-B. Avril, conseiller du Roi, l'un des juges de
l'amirauté, se transporte aux priso.ns de Pontaniou, acçom-

(1) De Sein.

pagné de Me Yves-Joseph de POlllmic, CI escuyer, sieur dUdit
lieu, un des avocais qui a\lr~it assisté au jugement deffinitiff
au defTaut des antres juges de ce siège »), de Mc Yves 'de
Keroullé, faisant fonction de conseiller adjoint au proct1['etll'
du Roi, du greffier, de deux huissiers et d'un sergent.. Ces
derniers demeurent hors de la chambre où pénètrent les
magistrat.s.
Le geôlier y amène « un homme d'assés haute stat.ure,
portant barbe et cheveux brun, vêtu d'une camisolle bleuffe
auquel estant teste nue et à genou a esté pJ'ononcé ledit
arrest de la Cour ... , ensuitte fait assoir sur la sellette estans

en la chambre joignant de la chapelle desd. prisons et S01\
sermant pris ayant la main levée et iceluy juré et promis de
dire vérité, 'Il on procède à son interrogato'ire.
un imperturbable sang-froid, Le Cam persiste à
Avec

dire qu'il est innoncent de toute faute; il raconte avec
précision comment il a fait naufrage; il ne sait ce que sont
hommes de son équipage et le maître du bateau
devenus les
qui les a sauvés.
Puis, brusquement, il détruit lui-même l'échafaudage de
C'est qu'il a deviné, à quelques mouvements
sa défense.
d'un siuis'tre et muet personnage, aux soins que celui-ci
apporte à ravivel' un feu de charbon allumé dans la cheminée,
qu'une heure d'angoisse est venuè. Il espère la prévenir.
Erreur! L'aveu ne le sauvera pas du tourment.
On lui lit SOT) interrogatoire.
«( Ce fait, ledit Le Cam ayant esté pieds nuds attaché à la
manière accoustumée sur un affus de canon, Iuy avons fait
reitérer le sermant de dire vérité et en cet estat a dit après
luy avoir repetté les interrogats ci-dessus qu'il a de son
gré et malice de concel't avec ledi't François Daniel coullé
bas saditte barque sans que les gens de son équipage y
fussent consenians, au contraire, mais que ledit Daniel

"a à l'i~le des Saints a!)rès luv illterrog'é par le hazard
em ... (1) ... » etc. .
ent
MeU .
· « Après quo y le questionnaire a poussé pour la premièl'e
fois ledit Le Cam au feu allumé pour cet effet dans la ehe-
oliné de ladite chambre, icelluy Le Cam a repetté ses pré-
cédantes et dernières déclarations. .
« p~ur la seconde fois ledit Le Cam poussé au feu il a dit
et l'epetté et demeuré d'accorù de ses susclittes déclarations,
" persis tel'.
• « pour la 3 fois ledit Le Cam fait poussé au feu, et
icelluy int~lTogé: a dit ne scavoir où peut estre a. present
ledit François Daniel pour n'avoir eu aucune nouvelle de luy.
« Ensuitte ledit Le Cam ayant esté détasché et autté de
dessus le tOUl'mant et fait assoir pour une seconde fois sur
la scellette après serment par luy pretté de dire vél'ité (2) et
ipterrogé s'yI n'est pas vray que sa esté luy personnellement
quy a pel'sé sa barque .....
« A dit n'avoir autre réponces à faire que celles qu'il a
desja dit. .
· « Lecture faitte audit Le Cam de ses intelTogatoires a dit
ses premièl'es réponces contenir vérité, y a percisté et dit ne
sravoir signer quoyque de ce requis suivant l'ordonnance.
« Ce fa if, ledit. Le Cam a est.é mis ès mains de l'exécuteur
du présidial de Quimper exprès arrivé ce matin, environ les
8 heures, pour exécuter lad i I.e sentence et arrêt confirmatiff
d'icelle et de tout ayons dressé ce présent notre procès­
vei'bal en ladite chambre des prisons cedit jour 28 novembre
1701. » (Suivent les sigllatures des magistrats et, au pied de

(1) Poinl douteux, car Le Cam avait déjà débité le rong de la côte une
des marchandises de sa cargai~oD, et résel'Yé le meilleur bien
parlÎe
re avec le complice sur la meilleure fa\~on de
probablemenl pour s'entend
s'en défa i l'e.
('~ ) Ces répétiLions de serment, poussées jusqu'à l'abus, n'itaient pas
obi ilfa loi l'es

la dernière feuille le constat de la mise à exécution de l'arrêt
l( au lieu patibulaire désigné », signé du greffier et d'lin
huissier) (1).
II. Crime d'espionnage, tribunal de l'intendant
de la marine" 1707.

Il s'agit ici d'une affaire que Levol a racontée sons le tilre
la Maison, de l'Espion. Le récit de Levol est excellent: je ne
lui reprocherai qu'une omission, celle de la mention des
trames antérieurement ourdies contre Brest, presque tou~
jours par l'intermédiaire de pers9nnes de la religion réformée
ou prétendues converties (la conséquence falale des odieuses
persécutions ordonnées par Louis .xl V !) et que l'on suit da Us
les correspondances des secrétaires d'Etat ministres de la
marine, sans interruption, depuis Seignelay. Comme l'his~
toire, par elle-même, reste en dehors de mon sujet, je l'envoie
(1) Donnons, en passant, un document dont l'espèce est des plus rares.
Pour le bien comprendre, il faut savoir que les prisons de P .. ntaniou
étaient alors situées tout en bas du versant du plateau où l'on a Mti
depuis les nouvelles pl'isons de la marine et les casernes des marins, au fond
de la petiLe crique où furent plus tard creusées les formes diLes de
PonLaniou, sur la l'iye droite de la Penfeld ; et que la place du marché était
Sil r l'a u Ire ri \'e, en dehors, bien en tend u, de l'arsenal. Le llassage se
faisait par bateaux.
« Ordre que. doivmt tenir les officwrs qui sel'ont presans à t'exécu­
tion de ta sentence de mort contre Vtncent Le Cam.
« De l'ordonnanee . de M. Avril, conseiller du Roy, juge de l'amirauté
de Léon à Brest, rcnduë sur les conclusions de M. le. procureur du Roy
du mesme siège, ordonné que le passiant sera conduit par le rnoien d'un
batLeau du passage depuis les prisons jusques à la calle de l'IL l'inlendanL,
auquel lieu les officiers cy après monteront il cheval en suivant l'ordre
cy apres.
« Savoir, .
« En teste les deux sergents de police,
• Ensuitte le passiant,
R Après le patiant Bonfort et Le Corre (huissiers) à sa gauche, mar­
cheront ensemble el lesquels feront faire place au greffier qui les suina.
ft Et de cette manière iront à la place publique du grand marché auquel
le jugement exécutLé ..... ))
lieu sera

_ hulletins de la Société académique de Brest (1) ceux de
~Hl~ . . A
qUl la voudraIent connattre.
ecteurs
!lOS
Il y a eu « jugement souverain et en dernier ressort II (2),
par l'intendant, M. Robert, assisté, selon la règle, de
rendn
',_ (J'l'aduéS (juges de la sénéchaussée royale, de la J'uridic-
tio seigneuriale du Châtel et de l'amirauté), contl'e un
Jlommé Marq uis, suisse :d'Ôl'igille, peintre de profession, qui
aurait « ab.iu~'é )l à Dunkerque avant de venir à Brest, et
('outl'e Jean Jouslain; originaire de Niort, chamoiseur, établi ·
du côté de Hecouvrance, « convel'ty en la religion catholique
depuis 23 à 24 ans»: l'un et l'autre convaincus d'avoir servi
d'intermédiaires pour procurer aux Hollandais des renseigne-
ments sur la situation de l'arsenal, et condamnés à être
pendus apl'ès avoir souffert la question ordinaire et extraor-
dinaire. · .
Le 25 mai 1707, les condamnés .subissent séparément le
interrogatoire et la question, aux prisons de Ponta­
dernier
Iliou, devant « escuier Claude de Basserode, sieur de Bré­
tigny, séneschal et premier magistrat civil et criminel du
siège royal de Brest )l: rapporteur de la procédure, assisté
de l\l Edme-Vincent Bergeret, avocat an parlement. l'un des

assesseurs, et du grellier de la prévoté de la marine, Gau-
thier.
Les choses ~e déroulent comme dans le cas précédent.
L'un après l'autre, les condamllés sont introduits dans la
chambre criminelle; à genoux, tête Hue, ils écoutent la lec-
ture de l'arrêt, après interrogatoire sur la sellette. « Ce fait
(chaque) accusé a esté déshabillé et mis sur le siège de la
questioll par le questionnaire et après avoir esté attaché par
les bras et les jambes à la manièl'e accousturnée ) , son ser­
ment pris de dire vérité, il èst poussé au feu .

(1) Bulletins de 18j8-60, t. J.
('2) C'est l'analogue d'un j ugemen t rendu prévotalemen t, voir Gdmino-
IU(Jie rétro)}J!3ctive, p. 9 à 13.

MUI'quis est amené le premier devant les commissaires .

« .... Le questionnaire a po~ssé pour la pl'emière fois ledit
Louis Marquis au feu allumé pour ce st effect dans ladite
chambre, ) L'accusé persiste en ses déclarations: qui tendent
à rejeter sur des complices, non arrêtés, la plus lourde part.

de son C['ime ; aussi à la 2 approche. .
« Pour une 3() rois ledit Marquis. poussé au feu, après
plusieurs cris et serments de véritté ll, répète que ses
. réponses sont véritaLles, que sa femme n'a jamais eu Con_
naissance de son commerce ....
« Après quo y , procédant à la question extraordinail'e ... , Il
à la première approche, Marquis répète qu'il a dit vérit.é, il
la seconde, « que quelques loul'mens que nous luy fassions
souffl'ir, sa conscience ne luy permet pas de nous dire autre
chose que la véritté et n'avoir rien à adjoutter aux l'éponces »
qu'il a déjà faites; à la 3 même déclaration.
Jean Jouslain, lui .aussi, a ulle femme; mais · il n'a pu lui
cacher qu'il recevait de l'argent du dehors; comme illa
battait souvent et rudement, il eùt craint qu'elle le dénonçât,
si elle n'elH. été int.éressée à se taire; elle l'a vu écrire des
lettres « avec de l'eau d'aleun )) (1) ; toutefois elle n'a jamais
su que sa correspolldance fut criminelle et lui-même n'en
appréciait pas la gl'avité. Jouslain affirme qu'il n'.a pas de
complices; puis à la 4 approche du feu, la premièl'e de la
question extraol'dinaire, il avoue avoir eu cOl'l'espondance
avec deux individus dont les noms reviennent fréquemment
au COUl'S du pl'ocès. Sa femme: ajoute-t-il, soupç,onnant
quelque chose de louche, a Illy a dit quelquefois qu'il eût
deu quitter ce commCl'ce en luy repl'é~entant qu'elle crai-
gnoit la suite ... ) .
Les accusés sout confl'ontés l'Lm à l'autl'e. Le procès-verbal
du demier interrogatoil'e de ehaclill d'eux clos et signé des

(1) Encre sympU,lhique,

'OIllIYIifsail'es (avec la men1 io.n des vacations à toueher par

. G livres au SIeur de Basserode, 4 livres à Me Bergeret
4 livres au greflîel'), Marquis et Jouslain sont remis aux
nHlins de l'exécuteur (1).
III. Crime de vol dans l'arsenal, prévôté
de la marine, 1731.
François Lejar, dit :Malouin, matelot journalier, s'est
introduit de nuit, par escalade et effract.ion, dans la forge
(lUX ancres, « au Parc du Roy. et y a volé (c des fers appar­
tenant au Hoy )). Il a été arrêté tout aussitôt. Son cas est
déféré au prévôt de la marine et des galères à Brest.
Le prévôt de la mar'ine, qui, cl'ordinaire, n'exerce ,que
des fonctioris de police, et, dans les procès criminels, soit
de la juridiction de l'intendant., soit des conseils de guerre,
joue simplement le rôle d'enquesleur, rend ici un jugement
en son Ilom, c'est-à-dire ]7révôtàl et en dernier ressort (2 ).
(1) .... « Perrine Blanchard atteinte et convaincue d'avoir eu connois­
sance du commerce criminelle dud. Jean Jouslain son mary avec les
ennemis de l'Estal, sans l'avoir revellé, ... condemnée d'assister ledit
Jean Jouslain son mary au suplice au pied de la potence et d'y estre
pr('sante pendant son exécution et en outre l'avons bannie et bannissons
à perpétuité du royaume dont elle se reLÏrera dans ·Ies 3 mois et gardera
son ban sous les peines portées par l'ordonnance .... ses biens meubles
(lequis et confisqués au Roi ..... )l La peine fut commuée en internement
perpétuel au Hefuge des filles pénitentes, à Brest.
(2) Criminologie Tétrospectivf', p. 13.
Le prévôt de la marine est un équivalent du prévôt des maréchélux dans
son département; mais il intervient moins so'uvent que celui-ci comme
juge. Le prévôt des maréchaux est lui-même réduit au minimum d'action
le présidial de la région, qui a connaissance des cas
judiciaire par
prévôtaux. Les ordonnances ont voulu cette sorte d'annihilatir.D d'hommes
d'épée, que l'on n'a pu évincer d'une façon absolue des justices, mais que
l'on a reconnus plus capables d'un rôle policier que d'un rôle de ma­
gistrat. Le prérôt de la marine, comme celui dés maréchaux, ne juge au
criminel qu'assisté de G gradués. "

Ce. pl'évôt pst M. de Gaumont, et il a eu pOUl' assesseurs
l\les Yves de Querremar, Jacques-Louis Jourdain, René_
Claude Mittern, Yves Le Gallo, Jean-Nicolas sr de Lezernan .
et. Hervé-Allain Prigent, sr du Cosquer, (( tous avocats an
Par·lfment ».
51.11' les conclusions· du procureur-du Roi de la prévôté,
Le Jal' est condamné à être pendu après avoir été appliqué
à la question ordinaire et extraordinaire pour avoir révéla­
ses complices.
tion de
Le 20 juillet, à une heure de l'après-midi, le prévôt s'est
transporté aux pl'isons de Pontaniou avec le rapporteur,
Mc Yves de Querremar, et Prigent du Cosquer, assesseur,
le greffier de la. juridict.ion de police, Pierre Senec, et. Joseph
Lecoz, greffier ordinaire de la prévôté « comme interprète
breton en tant que besoin », et des archers de la prévôté de
la marine; deux de ceux-ci SOllt laissés à la première porte,
les autres sont (( posés le long de l'escalier jusques à la
porte de la chambre OI'dinaire à donner les tortures ll.
L'interroga10ire de Le Jar est trop caractéristique pour
que je le résume brièvement: on y voit un c['ime, en somme
d'importance relativement minime, d'après la valeur des
objets dérobés, châtié avec une rigueur excessive, sans que
la miEère, son triste mobile, ait é1é prise en cohsidération.
Ne serait-ce pas la raison d'un dénouement prévu, que, dans
sa conscience" il estimait troublant, qui aurait porté l'inten­
dant à abandonner l'affaire au prévôt, contrairement à l'usage
ordinaire? Peut-être. La loi est inflexible, le Roi seul a
pouvoir d'amoindrir sa sévérité; mais il ne fera pas grâce,
car il s'agit de prévenir, par l'exemple, des crimes q~i ont
trop de tendanœ à se reproduire dans l'arsenal. Hélas! les
petits paient très cher de menus vols ~ de plus gros larrons
se tirent nets de leurs vilenies. Que de révélations à cet
égard m'a déjà fournies la lecture de diverses archives!

Le geôlier amène l'accusé, qui prend place sur la sellette.
Son serment pris, l'on procède à son interrogatoire à la
rnanièl'e accoutumée. .
François Le Jar est âg'é d'environ 30 ans, matelot-jour­
nalier, natif de Recouvrance, fils d'un tonnelier, de la reli­
crion catholique, marié.
(C •••• Pourquoi il ne logea pas chez luy la nuit du 9 au
10 juin d ? ... [Bépond] . qu'estans dépourvu de pain,
, ~iilnde, argent, bois et autre chose nécessaire pour la vie: il
(ut tenté d'aller prendre quelques ferrailles dans la forge aux
ancres, comptant de vendre ce qu'il aurait pu prendre au
premier venu pour avoir du pain pour Iuy, sa femme et ses
enfants .... » Après avoir examiné les lieux, il Cl'ut aisé de
s'empar'er de (( quelques rognures de f~r .... , tellement que
la nuit du même jour, après que sa femme estoit couchée et
mesme endormie, il sortit et prit une corde qui estoit tendue
dans la cour d'tlll de ses proches voisins)); il s'en servit
pOUl' escalader la muraille du pal'c: s'introduisit par une
fenêtre dans la forge, et en ressortait, un sac rempli de
morceaux de fer, lorsqu'il fut surpris et al'rêté. Il ne com­
muniqua point son projet à sa femme, (( au contraire, il fit
qu'il put pour luy cacher son dessein)). Il n'a eu
tout ce
aucun complice .
. :Mis à genoux, le malheureux reçoit lecture du jugement
d'après lequel il doit subir la question.
« Ce fait, l'accuzé a esté déshabillé et mis sur le siège de
la question par le quest.ionnaire, et après avoir esté attaché

paI' les bI'as et les jamlJes à la manière accoutumée,luy
avons fait réitérer le serment de dire véI'ité, et apl'ès luy avoir
fait repetter les mesmes interl'ogatoil'es que dessus, l'accuzé
a dit qu'il a reconnu par les réponses qu'il a faittes à nos
interrogatoires la vérité et n'avoir autre chose à nous dire ..
. «Après qnoy le questionnaire a poussé .pour la 1 rc fois

ledit F'rançois Le Jar au feu allumé pour cet eITet dans ladite
chambre. . Ledit François Le Jar a dit- et déclaré qu'il a
dit la vérité.
« Pour la seconde fois ledit François Ce Jar poussé au feu
a-dit Mon Dieu, mon Dieu, t'etirez-nwy, . je diray 'Défi té, et
cependant retiré n'a voulu rien dire.
« Ledit François Le Jar poussé pour la 3 fois au feu,
après plusieUl's cris, a pareillement dit n'avoir autre chose à
nous dire et qu'il avoit dit la vérité et que c'est la force du •
feu qui luy a encore fait dire Je diray la -vérité, et qu'on le
pousseroit 50 fois au feu qu'il dil'a toujours Je diray la vérité,
mais cependant il n'a .rien autre chose à nous dire que te
qu'il a dit par ses interrogatoires et qu'il ne peut dire autl'e­
ment à moins de se damner.
« Après quoy pl'océdant à la question extraordinaire, à
laquelle ledit Le Jar a esté· condemné par le jugement pré­
yostal et en dernier ressol't vers luy rendu ce jour, luy avons
repetté tous nos précédents interrogatoires et fait pousser
pOUl' la Fe fois au feu par le questionnaire. .
« Ledit Jar, après plusieurs cris de Jésus-Ma'ria et de Dieu
et serment de dire vérité préselltement, ayant esté retiré à
d'abondant, dit qu'il se damneroit s'il se dédisoit de quelque
chose qu'il a dit dans ses itlterrogatoires n'ayant dit que la
vérité dans touttes sès réponses et que ce n'est que la force

du mal qui luy fait dil'e qu'il dira la vél'ité en le retirant .
« Ledit Le Jar, poussé pour une seconde fois au feu, a dit
et repetté n'avoir autre chose à nous déclarer que ce qu'il a
déc1al'é par ses réponses aux interrogatoires qu'il a ~ubis
devant nous ce jour . .
/1. Ledit Le Jar, poussé pour la 3 fois de l'extraordinaire,
a dit et fait les mêmes réponses qu'il vient de nous faire et

que comme il a dit toujours la vél'ité il Y. pel'sistera, devroit-
il estre brûlé vif. . '. .

a dit
(( l .. eclure faite audit accuzé de ses
llltel'rogatoires

e seS réponses contiennent vérité, y persister et ne scavoir
1 crI)
SO dl· d . ( )
L'exécuteur pren a ors possessIOn u patient 1 .

SUI' tout ce que je viens de rapporter, je n'ai pas l'inten­
tion d·élever aucun plaidoyel' plus ou moins philosophique.
QL1C dil'ais-je sur la question judiciaire, en général, qui n'ait
été éCl'it, qui n'ait donné lieu aux discussions les plus'
ardentes, aux opinions routinières des uns poussées jusqu'à
la férocité, aux opinions sentimentales des autl'es, poussées
jUsqu'au larmoiement ridicule, par lïgnol'ance involontail'e
OU voulue des circonstances de temps et de milieux où cer-
taines pratiques s'imposent, si différemment jugées par des
générations que des siècles s~parent? La question n'était
pHS intimidatrice du crime, pas:plus que les supplices raffinés;
le était une survivance barbare; mais nous n'avons pas le
droit de jeter la pierre avec trop de jactance à nos pères qui

l'ont admise, si nous songeons à d'autres survivances contem­
poraines (l'instruction, telle que la prescrit notI'e code, n'est­
elle pas une manière tortueuse d'arrachel' des aveux à un
accusé par le tourment moral ?), et nos pl'océdés de préven­
tion diI délit par l'extrême indulgence n'ont pas précisément
réussi à mieux faire que les vieux, procédés d'extrême
rigueur.
(1) Le Procureur du Roi a conclu à ce que le condamné, après avoir
subi la question, fut conduit par l'exécuteur. soit à vis de ladite forge,
soit sur un ponton dans le porL,» pour y être pendu et étranglé à une
potence y dressée à cet effet.
Dans la marine, en FI·allce comme en Angleterre, les jugements à
mOlt étaient souvent exécutés à bord des vaisseaux ou sur des pontons,
dans le port ou en rade. Celle cou tume persiste jusque vers l'époque de
l'installation du Tribunal réYolutionnaire à Brest: presque à la veille de
celle-ci, un chirurgien et·plusieurs matelots sont guillotinés sur un ponton,
en ralle, à la suite d'un jugement rendu par le tribunal criminel du dépar-
tement. .

J'arrive fi des oùservations r~ue je tiens à laisser SUI'. le
terrain histOl'ique.
La quèstion, chacun le sait., était préparatoire ou définitive
Dans le premier cas, elle avait pour but d'obtenir do l'accus~
l'aveu du crime: l'accusé en sortait aùsous s'il n'avait l'ion
avoué, ou ne pouvait plus être condamné à un supplice
capital, s'il y avait eu réserve de preuves. Dans le second
cas (auquel répondent les exemples qUe j'ai reproduits), III.
question devenait une véritable aggravation de peine, C'était
un supplice greffé sur 10 suprême supplice, sous le prétexte
d'extorquer au dernier moment au condamné la révélation
de ses complices.
La-question se donnait pal' le feu', dans toute l'étendue de
notre ancienne province de Bretagne. Voilà le fait pl'illCipal
bien acquis.
Mais, dans le mode d'application, il y a peut-être moins
d'uniformité qu'on ne le pourrait croire à pl'iori.
La ri'gueur s'est accrue à mesure que la loi s'est reconnue
puissante contre le crime, dans la déplorable conyic­
moins
tlon où se sont maintenus les magistrats, qu'il fallait aug­
menter la souffrance, l'amener jusqu'au point culminant,
d'arracher des a veux aux accusés: les aveux n'étaient­
afin
pas l'abri derrière lequel se reposait la conscience des
ils
juges, après la sehtence rendue! De l'excès devait jaillir la
protestation, issue des répugnances d'un milieu plus afIiné
et d'une meilleure entente de la justice. Louis XVI eut
l'honn~ur de rabolition d'une pratique aussi atroce qu'inutile.
Au 17 siècle, il n'y a que 3 applications de feu (voir
Thomin, Moncontour, 1632, dans notre Criminologie
l'affaire
rétrospèctilJe) (1). Au cours du 1S il y a 3 approches à
l'.ordinaire et 3 à l'extraordinaÏl~e (dans l'affaire Le Jal',
en 1731, l'on ne dépasse pas encore ce nombre). Plus tard,

ro : sont de 6 à l'or linaire et de 9 à l'extraordi­

Ure ,
' s les Bttlletins de cette société de 1892) (2).

En général, le patient a les pieds chaussés d'escarpins
de cuir SOUfl'é, ainsi que l'a si nettement démontré M. Par­
fouru . Mais la règle n'est pas sans exception, et, dans les
3 affaires qui font l'objet de ce mémoire, on a la preuve
d'nne approche directe des pieds nus, d'un brasier allumé
da /ls une chambre des prisons, réservée à ce genre d'opé:'"
rlllions.
Cette manière de procéder était-elle particulière aux juri-
dictions maritimes? Je ne saurais le dire.
Etait-elle à interpréter comme une mitigation ou comme
un raffinement? Je ne'saurais le dire non plus.
Toujours est-il que les cas où elle apparaît sont intermé­
d i~ires à d'autres où l'on a employé les escarpins, et plus

anciens (affail'e de piraterie du milieu du 16 siècle, r~latée
dans notre Criminologie rétrospective) (3) et plus récents.
Le patient est assis. Le siège varie selon les moyens des
lieux. Pour l'un .des pirates, dans l'affaire à laquelle je viens
de renvoyer, c'est « une planche préparée pour souffrir la
question », une sorte de banc improvisé; pour Le Cam,un
affùt de canon, til'é de l'arsenal; dans le cas des espions
Marquis et Jouslain, il est parlé d'un « siège de la question».
Les accusés sont déshabillés, partiellement sans doute,
attachés solidement par les bras et les jambes. La
position suppose un siège facile .à déplacer devant un foyer
fix.e : il par.aît bien que le feu soit allumé dans une cheminée,
ce détail est même tl'ès explicite dans notre pl'emière affaire.

(l) P. 317 et suivantes.
(i) P. 250 à 253.

BULLETIN ARCHÉOL" DU FINISTÈRE. ' TOME XXIII. (Mémoires). 7

ait été couché sur une de ces tables lourdes, longues, étl'Oi ...
tef;>et basses, appelées tourments, dont on rapprochait Un
large réchaud à distance convenable des pieds.
Le foyer est au charbon de bois. La fournitul'e de celui-ci
rentre dans la catégorie des petits bénéfices .... aecidentels
du geôlier (1).
Le questionnaire est sans doute quelque valet subalterne
des prisons. Il est désigné d'une façon tI~op distincte dans
les procès-verbaux, pour pouvoir être confondu avec le
bourreau. .
n'est pas nécessaire, pour une application à la question

de posséder une grande expérience dans l'art de faire SOllr_

frir un être humain (2). 1
Cet art, acquis par la pratique, conservé par la tradition
dans certaines familles, on ne l'exige que de l"Exécuteur de
haute justice. Comme il est d'autant mieux entretenu que
les occasions de se faire le cœur et la main sont plus
multiples, il se perfectionne à mesure que la concen­
tration des fonctions se fait pIns étroite (conséquence,­
non d'un ealcul à interprêter dans le sens de sentiments
charitables plutôt que de sentiments inhumains, l"autorité
étant soucieuse d'assurer l'expédition rapide et sure des
condamnés, d'éviter des accidents tragiques susceptibles de
transformer l'exemple à donner aux foules en spectacle
apitoyant: - mais de vues d'économie à réaliser -dans les
. frais de justice).

(1) On lit dans l'inventaire des archives cI'Ille-et-Vilaine, I, C, à propos d'un
élat des prisons de Quimper, qu'il est passé au geôlier « pOUl' la question
dl} feu ... G ll.vres, à raison cIe 3 livres la barrique de (charbon) pOUl' cIeux
qui s'y emploien l. /)
(Z) Les commissaires dictent le moment précis de l'approche et du
retrait, un chirurgien est présent, prêt à cIemander l'interruption du
supplice, si l'application dépasse la résistance cIu patient •

Jadis, toute haute justice avait ou pouvait avoir son bour-
puis les juridictions seigneuriales ont recours au
l'NIl!. '
olll'l'eau des sénéchaussées royales. Plus tard il n'y a plus
W l'" l' " 1
sümble que on att tente ete n en aVOIr qu un seu pour toute
1<.1 province, C'est ce qu'aiTirme le duc d'Aiguillon dans un
assage de ses mémoires (1) : « Ce n'est pas l'usage en
}tennes, il n'y a point de bourreau dans l'intérieur de la
pl'ovince. ;J Vers l'époque où se passe l'affaire qui a pro­
voqué cette réflexion (un crime d'infanticide), nous voyons
eu effet le llègee Jean Mor amené de Brest ft Rennes, pour
son appel, soumis à la question et brùlé vif au même lieu,
en présence du sénéchal et du procureur du Roi de la
sénéchaussée de Brest et des cavaliers de la maréchaussée
requis, pour l'escorte à Landerneau,
Areêtons-nous un instant sur ce point,
Trop d'exemples d~exécutions, au lieu même où le crime
a été commis, se trouvent dans les dossiers des archives,
pour qu'on accepte comme catégorique l'affirmation du duc
d'Aiguillon, D'une part, l'appel de toute sentence portant
condamnation à peine corporelle est de droit, lorsqu'elle a
pro noncée par ulle juridiction ordinaire; il est très vrai
été
que, par mesure d'économie, l'usage est « de ne pas 1'en-
voyer devant les juges qui ont prononcé la condamnation." »
et que « le jugement s'exécute par. le juge supérieur ... » (2) ;
jurisprudence n'est point exclusive à la Bretagne, et
cette
l'usage, pas plus dans cette province qu'en d'autres, n'a
force de loi, il com porte des exceptions plus ou moins nom­
breuses, D'autee part, dans les juridictions spéciales, dans

(I ) Pal'is, n!H, p .. 13.
(2) Commentaires à l'ol'c1onnance de 167J, par ••• conseiller au Présidial
d'Orléans, Paris, 1763.

les cas de jugements prévôtaux, où l'appel n'existe pas '1

faut que, selon l'ordonnance, ce Jugement soit « executé dUt)
le même jour où il a été prononcé)). Il importait donc d'as ..
SUl'er de telles exécutions par la conservation d'un bourreau
en titre dans chaque centre de juridiction présidiale et pré ..
vôtale. Quimper a son bourreau, que Brest lui emprunte Q
l'occasion, et qui, sans doute: en raison d'un chômage
habituel, est devenu très mal habile, car, vers 1780, mandé
pour le supplice de quelque misérable condamné par la j ul'i~
diction militaire, il s'attire les très vifs reproches de Mt· de
Lusignan, major des ville et château de Brest (i).
D'ailleurs: il faut bien avoir sur place ou dans une ville
centrale un bourreau pOUl' mettre au earcan, promener par
les rues et fouetter, pénalités réduites qui deviennent sans
raison d'être si elles sont exécutées loin des lieux où elles
doivent servir d'exemple, d'après la recommandation tou-
jours expresse des magistrats qu'elles aient- leur adminis­
tration à des jours de marchés (2) .
Dans les trois affaires que j'ai résumées, les choses se
passent exactement selon les prescriptions de l'ordon­
nance de 1670. La question est donnée en présence du ma­
gistrat rapporteur au procès, assisté d'un autre juge et du
greffier: le prévôt, quand il est intervenu comme premier
juge, y assiste de ' droit.
(1) Inv. des archives d'Ille-et-Vilaine. 1. série L 1102.
(2) Le bagne avait son bourreau spécial, un forçat. En 1751, c'était un
nommé Jean IJillet. Il avait droit à « la ration de mer au lieu de celle
du pot't )J, louchait « 150 livres d'entt'etien pàr an ", et de plus. pour
chaque exécu tion : .
Pour rompre, 30 liv. par homme.

POUl' pendre, 15 Ijv.
Pout' fendre les oreilles, ;) li v.
Pour marquer .... , 5 liv.
Pour efIigier . ... , 4 liv. 10 sols.

Pour faire faire amende honorable, 3 liv.
Pour attacher un jugement au poteau, 3 liv. . .
(Ordonnance de M. Hocquart, intendant cie la marine à BI'est) .

Les commissaires peuvent 11wdérer le supplice: c'est ce
"}s ont fait 'dans le cas de Le Cam, après ses aveux

exlraor maIre.
tion

{Je procès-verbal de torture clos et paraphé, le patient est
remis entl'e les mains du bourreau, et, sans désemparer,
conduit au lieu où il doit être exécuté. '
Je terminerai par une remarque inattendue, pour beaucoup
de personnes, qui s'imaginent qu'autrefois la tOl'ture était
chose courante, banale. Sans doute, lorsqu'on parcourt les
ouvrages consacrés à l'histoire des anciennes justices, à la
cl'iminologie rétrospective,' on découvre presque à chaque
page des mentions de supplices plus ~u moins terrifiants.
)lais il est bon d'observer que, dans ces livres, on a recherché
pour l'étude et la mise en relief les affaires les plus cal'acté­
l'istiques, d'ordinaire celles qui portent l'empreinte de la plus
haute criminalité et appellent les plus fortes rigueurs de la
loi. En somme, la peine capitale n'est pas d'application très
commune, surtout dans la juridiction de l'amirauté et dans
celle de l'intendant de la marine, à Brest, où l'on sent comme
l'influence directe ou indirecte d'un homme honnête, bien­
faisan t et sage,le comte de Toulouse!grand amiral de France,
dont le fils, ]e duc de Penthièvre, garde les traditions et les
tendances. Les procès-verbaux de torture sont des documents
relativement rares: l'cm n'abusait point de ce terrible pro-
cédé judiciaire, qui répugnait même aux magistrats le plus
enclins à le déclarer nécessaire et à en défendre la conser-
vation.
Dl' A. CORRE.
Brest, 7 mai 1896'.

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