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Bulletin SAF 1896


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Le château de Lezarscoët

M. le baron Halna du Fretay

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LE CHATEAU DE LEZARSCOET
Traduction de Lezarscoët : la cour du bois; lez veut dire
cour et ar ~coët, le bois. Les constructions touchent en effet
la forêt.
Le château est situé dans la paroisse de Kerlas, commune
de Plonévez-Porzay (Finistère ), à environ 400 mètres de
l'ancien château féodàl du Vieux-Châtel et à peu près à la
même distance du château moderne, aujourd'hui une des
plus belles résidences de Bretagne.
Dans un de mes ouvrages, paru à la fin' de 1894, j'annon­
çais la publication prochaine des résultats d'une grande
fouille qui m'a permis de mettre à jour, dans une plaine où
à la surface de la terre ne pouvait donner aucune indi­
rien
cation, lessubstructions imposantes et complètes avec salles
souterraines voutées d'un véritable palais, le château du
roi Marc'h aux oreilles de cheval; traduction de rna1"c'h,
lang'ue celte: cheval.
J'ai trouvé le buste en fort relief du roi conforme à la
légeùde, et je l'ai envoyé au musée archéolog'ique de Quim­
per où on peut le voir sur un piédestal dans une des grandes
salles; j'y ai découvert aussi les signes gravés sur les
lettres latines et figures bizarres qui font penser
pierres,
aux Gaulois.
En résumé, tout ce que j'ai vu et trouvé ni'indique d'une façon
palais de Lezarscoët appartient à l'époque
indiscutable que ce
de transition entre la période romaine et les constructions
féodales du moyen-âge; la pl'emière impression le dit vite
à l'observateur; l'édifico est rectangulaire et il n'y a ni tours
ni fortifications et on reconnaît . partout le grand appareil
romain des villas célèbl'es; ce n'est plus le moyen appareil
cubique ordina.ire du Finistère.

Bien des polémiques à diver3es époques ont été échangées
sur ce fameux château et les marques gt'avées sur les pierres
qui en provenaient ou qui se tt'ouvaient encore en place à la
fin du siècle dernier; la démolition date de loin et les der­
nières pierres au-dessus du sol et même au-dessous avaient
pour toutes les constructions du pays depuis
été enlevées
plus de quatre-vingts ans .

. Il m'a fallu chercher à la sonde l'emplacement exact, et la
suite de la fouille m'a donné partout la profondeur eutière
des substructions et leur développement complet sur tout le
périmètre.
Il n'est pas facile de donner à la constl'uction une daie
précise, mais tout fait croire à son ancienneté bien grande
et on peut la déterminer d'une façon presque certaine.
une trentaine de mètres du château se trouve la ferme

de Coz-Maner entourée d'un mur circulaire presque moderne;
Coz-Maner substitué à Lezarscoët indique tou­
ce nom de
jours dans notre pays un ancien établissement romain ou
un dérivé similaire (vetus 11'Wntio, très ai1cienne mention).
quelques pas du village actuel de Coz-Maner, exist.e
un Rutl'e village dépendant aussi du Vieux-Châtel et portant
le nom de Lezarscoët, mais à tort, car sur les très vieux
titres on le nomme T01.!I-ar-Porz, ce qui signiHe : dépen­
dances. C'est l'indicatio.n des communs de. l'ancien château.
J'ai tous les titres de la baronnie du Vieux-Châtel, une
Bretagne. Les restes du château
des plus ancienlles de

féodal imposant existent encore dans toutes les grandes
lignes: quatre to'.1l'S, poterne, chaussées, double enceinte de
murs de 1 m. 40 d'épaisseur, en gl'andes
fortifications avec
et moyennes pierres de taille, séparée par des douves très
larges qui' pouvaient être remplies d'eau par une dérivation
l'étang' dont la chaussée existe encore et touche les murs
du château; il a été démantelé pendant les g'uerres de la
Ligue et il faut r'emonter pour sa fondation au XIe siècle.

Ni à cette époque, ni depuis, il n'a jamais été question de
1 rs comme château féodal, et de tous côtés il est
coët
50 st.yle de construction, d'ailleurs, est bien loin d'indiquer
le moyen-âge et, d'autre part, la grandeur de l'édifice donne
}'intuition d'une importance bien grande, une grande ;villa
du Vile ou du VIlle siècle.
A Coz-Maner et de tous côtés: le terrain est en plaine,
rJlème à une grande distance, et il n'y a aucun~ trace, en
dehors du château: de murs, de terrassements, de douves,
de fossés ou de fortifications, ni en terre, ni en pierre, et
s'il y en avait eu, il en resterait certainement des vestiges.
En un mot; ce monument, loin d'être un château fort du
moyen-âge est un rappel, après deux ou troi~ siècles, de la
légende et des usages romains; c'est la villa, avec qll'elques
idées qui font déjà prévoir les façons de faire des siècles
futurs.
J'en conclus de prime abord que le château de Lezarscoët
Cl été construit et habité par un des premiers rois bretons. '
Ces lettres, ces signes sur les pierres, dont il est difficile de •
comprendre le sens, sont des symboles et des inscriptions
par abl'égé, comme sur tant de monnaies et de pièces com-
mémoratives très anciennes, et faute de texte certain, j'y

vois le palais de saint Even ou d'un des prédécesseurs de
saint Meliau, prince ou roi breton, patron de Plonévez~
Porzay, jadis Plounevez-Portzai.
Les usages romains devaient à cette époque subsister
encore en grande partie: les verreries, les poteries, les
lacrymatoires trouvés dans l'intérieur des salles sont une
indication précieuse.
Les signes gravés ont été découverts sur quelques rares
constructions seulement. Ils auraient été bien plus multi- .
partout et sur toutes les pierres extérieures d'un même
pliés

édifice, s'ils avaient été les ffi'arques des tailleurs de piel'l'es.
pour moi, je ne les ai constatés ' que sur les châteaux de
Lezarscoët et de Moëllien.
Dans l'un comme dans l'autre, j'ai trouvé une tête el)
granit représentant un prince avec une sorte de couronne et
commencement de buste rappelant les satyres romains; les
deux oreilles longues sont celles d'un cheval ou d'un âne,
et la légende de la Cornouaille dit que c'est le portrait du
Marc'h aux oreilles de cheval.
roi
AT' roue Pen-Marc'h " traduction: « le roi aux oreilles de
cheval» .
Cette tête dite royale pourrait être, par sa ' ressemblance
satyres, une œuvre de l'époque romaine que les
. avec les
possesseurs du château de Lezarscoët auraient gardée, et la
légende s'est faite ensuite par la .. \·ue de ce buste sculpté
. d'une façon si bizarre.
dit la légende, de longs cheveux pour cacher
Le roi avait,
ses oreilles de cheval, mais il fallait quelquefois faire venir
barbier, et on ne pouvait dissimuler cette infirmité. Pour
empêch!?r ensuite la divulgation de ce secret, il envoyait le
barbier aux oubliettes, puis en prenait un autre qui était
traité de la même manière. .
Le roi Midas, toujours d'après la légende, avait des oreilles
d'âne.
On ne peut voir précisément, pour le moment du moins,
dans ces signes, un alphabet; il faut chercher ailleurs la
l'énigme et penser que les souvenirs druidiques
clef de
n'étaient pas encore éteints, lorsqu'on se servait des lettres
remarque m'a frappé: c'est que j'ai trouvé ces
. latines. Une
signes bien en place sur les petites pierres non taillées des
bassemen ts.
sou
Après plusieurs autres découvertes du même genre, je
signale d'une façon toute spéciale la déco.uverte dans les
des IIWfS extérieurs ' de trois pierres de moellon
fondation.s

non taillées placées sur la même ligne à côté l'tine de l'autre
et portant les marques -1-T l que j'avais déjà vues sur ' les
pierres taillées avec soin. Il n'y a, d'autre part, parmi les
belles pierres taillées trouvées aussi bien à leur place dans
la construction primitive, qu'un petit nombre de marquées
par des signes, et un seuleinent sur chaque pierre. .
On ne peut sortir de l'hypothèse que ces caractèl'es
avaient pour l'époque une signification Sérieuse tout à fait
en dehors de marques pouvant être faites à ces pierres par
les artisans pour les reconnaître. Ceux-ci les auraient al.ors
toutes marquées.
Ces signes, dont les initiés seuls avaient la clef, étaient
certainement tracés sur commande avec emplacement indi­
qué; ce ne sont pas des signatures d'artistes, des reconnais­
sances d'un travail d'art, la preuve est indiscutable; il faut
chercher ailleurs une toute autl'e explication.
Dans tous les ouvrages anciens, il est toujours question
d'ailleurs de l'alphabet gaulois et particulier du château de
Lezarscoët. Nos pères, à une époque ql..li nous précède de
beaucoup, avaient donc plus que l'intuition; la tradition les
avait convaincus, en leur donnant la preuve de cet alphabet.
J'ai eu dans mes ouvrages sur toutes les questions pré­
historiques l'occasion de dire qu'il fallait tenir grand compte
des traditions légendaires et des symboles. Pour Lezarscoët,
j'ai la même pensée, mais pour quelques siècles seulement,
les signes que l'on voit gravés sur les pierres en ph1s des
lettres sont des symboles, des souvenirs; de nos jours n(.)us
avons encore les ex vota; cette pratique a été celle de tous
les temps.
J'ai trouvé dans une des salles une pierre en schiste gris
qui rappelle par les signes gravés ceux qui ont été constatés
sur les grandes pierres des célèbres dolmens, surtout le
monument dit 'des Marchands, en Locmariaquer (Morbihan).
J'ai retrouvé gravée sur une partie des pierres de granit de

Lézarscoët la reproduction des signes inscrits sur le schiste
déclluvert dans la fouille.
Voilà donc une pt'éUve de plus que ces marques ne sont
pas celles des tailleul's de pierres et qu'il faut voir dans Ce
schiste travaillé un souvenir' du passé, peut-être l'ŒHlvl'e
d'un enfant précieusement conservée de génération en géné­
ration, un talisman sans signification bien précise toutefois
d'un temps disparu et déjà lointain; les lettres latines que
l'on voit à côté de ces càractères celtiques nous indiquent
par leur rapprochement que les traditions séparées par les
siècles ne sont pas encore oubliées.
Je sais qu'il a été jugé, en dernier ressort, dit-on, que
toutes ees marques étaient les signes de reconnaissance des
maçons; j'aime mieux croire, ce qui est la vérité, qu'il y a
eu des dissidents et que la décision sur cette quest.ion a été
d'être unanime; au début de ma fouille, j'hésitais à me
loin
prononcer, mais , les découvertes que j'ai fait(-ls m'ont fixé
définitivement.
Plusieurs des signes trouvés sur les pierl'es de Lezarscoët
ont été découverts aussi dans le Gard, commune de Collor­
gues, sur des monuments mégalithiques signalés dans le
tome V, nO 1 (janvier, février 1894), de l'Anthropologie .
.Je ne saurais trop le répéter, l'hypothèse des marques
d'ollvi'iers tombe d'elle-même; les pierres marquées sont
relativement rares et ce ne sont pas les plus belles et les
plus grandes. .
J'ai eu pour règle jusqu'à présent de n'accepter les asser-
tions des auteurs que sous tontes réserves. Celui qui écrit
le dernier, après avoir pris bonne connaissance des ' écrits
des autres et cherché ensuite lui-même 5es preuves avec
patience, a de grandes chances de ne pas se tl'omper et
d'entt'er dans la voie de la vérité historique.
Dans le procès-verbal inséré au 5 Bulletin ( mai 1895) de
la Société archéologique du Finistère, il est question d'une

nication de M. Le Guay, membre de la SocÎeté. qui

v l't constaté sur les pierres de la plate· forme de la tour de
ava
l'Aquilon, au Mont-Saint-M ichel, des signes analogues à
ceuX: de Lezarscoët, et demandait l'avis des archéologues de
la Société. · .
Je présidais la séance; mais devant écrire plus tard sur
cette question, je suis resté complètement étranger à la
réponse faite à 1\1. Le Guay dans le procès-verbal. Les
pienes marquées vues par M. Le Guay, ainsi que d'autres
reconnues sur quelques rares édifices, proviennent, comme
li Moëllien, dont"je parlerai tout à l'heure, de la construction
primitive détruite; les pierres de la démolition ont servi à
rebâtir, mais elles ne sont plus à leur place. Les pierres
portant des signes sont de l'âge du château de Lezarscoët
et du château primitif de Moëllien; mais les monuments où
on les a encastrées au hasard sont beaucoup plus modernes .
Il y a bien longtemps que les signes des pierres de
Lezarscoët ont été signalés. Grégoire de Rostrenen et dom
Le Pelletier ont donné dans leurs dictionnaires bretons des
séries de lettres qlli n'ont aucune analogie pour ainsi dire,
avec les alphabets modernes et qu'ils ont cru pouvoir attri­
buer aux- druides. Ces alphabets provenaient de relevés faits
sur .des inscriptions curieuses observées dans un ancien titre
de Landevenec, sur une croix de pierre à Plouzané, enfin
sur un grand . nombre de pi erres de Lezarscoët.
Les deux premiers originaux de ces alphabets n'existent
plus. Je ne m'occuperai donc, dans cette étude, que de
Lezarscoët et de Moëllien, et j'y chercherai les lettres et les
attributs de nos anciens Armoricains, en les comparant aux
vestiges laissés par les peuples précédents de même orig'ine ;
j'en signalerai les points de contact eL le grand air de
parenté. . .

pIerres
Campden donne 'une inscription. relevée sur les
d'un monument celte dans le Brecknakshire, connu vulgai-

l'ement sous le nom d'ermitage de Saint-Ildut, quoiqu'il ait
construit par les druides: ces lettres, formées de qua­
été
drilataires et d'étoiles rayonnantes, sont évidemment plus
anciennes que celles de LezarscoëL
Il en est de même des lettres galloises dont Owan donne
un alphabet en tête de son dictionnaire. On trouve cependant
dans celles-ci des formes parfaitement semblables et assez
saillantes pour ne pas constituer la ressemblance vulgaire
qui existe plus ou moins dans les reproductions divel'ses des
figures irrégulières. .
Dans les sépultures gauloises et romaines du Midi, on a
tl'ouvé, comme dans l'Ouest et le Nord de la France, des
pierres sur lesquelles étaient gravés des équerres, des
triangles, des scies, et d'autres outils, dont j'ai vu à Lezars-
coët une réminiscence; ces dernières dénotent, d 'autre part,
beaucoup de demi-ronds, ce qui indique une époque plus
avancée dans l'art calligraphique.
La gl'ande difficulté, que je regarde même comme insur­
montable, pour déchiffrer les marques des pierres de Lezars­
coët, c'est que ces pierres forment depuis un temps très
éloigné un assemblage irrégulier provenant d'un édifice
antérieur à ceux où elles ont été encastrées; dans mes
fouilles j'en ai trouvé un certain nombre bien en place,

malS pas assez. .
Ainsi sur l'escalier en tourelle ou à vis à longue spirale
avec marches autour de la . colonne centrale, continué par
un long corridor conduisant à une salle soutei'raine voûtée,
le . tout en magnifiques pierres de taille, je n'ai pu relever
que dix signes gravés dont quatre sur quatre pierres se

touchant; après et avant: rien. Je les reproduirai avec indi-
cation dans les planches . .
Il n'y a pas là de marques de maçons ni des points de
repère d'ouvriers; . c'est péremptoire. Les quatre signes se
peu de chose près, ils sont très rapprochés
l:essemblent à

des pierres bien en place; mais quel est le sens de
SUl'

}ÏJ1SCI'lptW .
Nfalgl'é ce résultat négatif pour le sens de ces lettres, le
chtü de Lézarscoët est ce que la Bretagne possède de
eau
luS curieux en ce genre, car la question n'est pas nouvelle.
ricains semblable à celui qui nous occupe. .
La géographie du Finistère (Adolphe Joanne, librairie
llachette) parue en 1884 indique avec raison en Plonévez­
porzay les inscriptions en caractères armoricains au manoir
de Lezarscoët; sur quelles preuves impossibles à tI'ouver
se sont donc basés ceux qui ont vu là de vulgaires marques
représentatives du travail des maçons?
Ces mêmes caractères armoricains ont encore été signalés
snI' un vieux calice de l'abbaye de Landévennec; au temple
des faux dieux, en Penhars (Finistèl'e); à Saint-Michel-en­
Grève, à deux lieues de Lannion.
M. le docteur Corre, aujourd'hui vice-président de la
Société archéologique du Finistère, a donné à notre bulletin

(8 livraison de 1893) un mémoire très d~cumenté, dont je
tiens à faire un rapide résumé.
Il parle d'abord du bien réel mérite de l'œuvre de M. le
docteur de Closmadeuc, réunissant la totalité des inscrip­
tions découvertes sur les dolmens du Morbihan, mais en
ajoutant que ces travaux n'effacent pas le mérite de la pre-
mière idée intuitive émise sur ce sujet par des savants trop
laissés dans l'ombre: le H. P. Julien Maunoir, par exemple,
qui en 1659 a publié son alphabet armoricain reproduit dans
le dictionnaire du P. Grégoire de Hostrenen en 1732. .
M. le docteur ajoute que dans la séance de la Société
archéologique du Finistère (27 octobre 1892), on a eu raison
de rappeler ces auteurs au moment où l'on relevait la res­
ressemblance frappante des signes mégalithiques et des
alphabets armoricains. .

be nouveaux documents s'ajouteront, je l'espère, à ceu
par M. le docteur Corre et par moi; ce n'est pas
appOl'tés
du tout une question jugée, ' c'est une étude difficile dont les
bases sont posées et dont les conclusions viendront à leur
heure.
J'ai parlé de l'âge du château de Lezarscoët, et, quoique
n'ayant pas d'autre texte que cette indication d'un palais aux
enviéons de Plonévez-Porzay, où habitait son saint patron,
saint Meliau, roi breton, je n'hésite pas à dire que c'était
Lezarscoët le plus ancien de tous les châteaux de la contrée;
sa construction devait dater du siècle précédent, mais cel',
tainement il a été habité par saint Meliau, né en l'an 692, qui-
refusait en 753 le tribut à Pépin. .
790, le tyran Rivode, comte de Cor~
Nous voyons après, en
nouaille, roi usurpateur, meurtrier de son frère Meliau et de
son neveu saint Melaire ou Melal'.
Rivode est-il le roi Marc'h? Il doit être en tous cas le
constructeur des deux oubliettes de Lezarscoët; plusieurs
archéologues ont nié l'existence des oubliettes à cette époque~
entre autres Viollet Le Duc qui dédarait que ces terribl

cachots existaient rarement dans les demeures féodales d

moyen-âge et qu'il ne fallait pas admettre leur constl'ucti
eu début de cette période.
Ei'reur ! Les premiers siècles après l'invasion romaine ont
vu les oubliettes. et à Lezarscoët le fait est indiscutable:

dans la première oubliette, j'ai trouvé une fourche à trois
branches terminées chacune par une pointe de harpon
incrustée par son pied en fer au centre d'une grande. pic, .
de taille placée au fond.
Dans la seconde oubliette, j'ai trouvé également la pierre
et la fourche en fer de même forme, mais cette dernière était
décomposée et je n'ai pu la conserver comme l'autre; au
fond des oubliettes, et sous les éboulements, il y avait une
matière grasse, noire et très adhérente. J'ai prouvé par cet

, uver'te que la légende du, roi Marc'11 et de son oubliette
dcco L
éW vra18.
Au VIe siècle, saint Even a reçu l'hospitalité au château
de Lezarscoët ; la chape1l0 élevée à sa mémoire dans les bois
dn Vieux-Châtel n'a laissé de nos jours que quelques vestiges,
mais on voit toujours au ·milieu d'une prairie, près du jardin
du château moderne, sa fontaine en belles pierres de granit.
. La légende de saint Even . est toujours on ne peut plus
vivace dans le pays, transmise de génération en génération
et apprise par chacun dès l'enfance. Elle m'a été dictée.
Sainl. Even naqüit à Quimper dans le temps où la Bretagne
était gouvernée par des rois; son père était chrétien; mais
sa mère, païenne et dénaturée, fm'ieuse de sa piété, exigea
son départ de la maison et, lui donnant un peu d'argent (30
écuS d'après la légende), lui dit: cc Partez, ne revenez plus
jamais, vous n'aver, plus ni père ni mère. )) . -
Marchant au hasai'd, il arriva dans un grand bois et, près
de là, fut recueilli comme pâtre au château de Lezarscoët;
de pâtre, par sa 'vertu et sa bonne coriduite, il devint bientôt
l'homme de confiance du roi qui habitait ce palais; enfin,
grâce à son mérite qui le rendait digne de cet honneur, il
épousait la fille de ce grand seigneur.
Un fils naquit bientôt; mais un frère du roi, qui détestait
Even, l'invitant à l'aceompagner à la chasse, -le précipita du
haut des falaises de Lanevry, pensant faire croire à un acci­
dent, mais Even se sauva par miracle et put rejoindre le
rivage; il mourut saintement à LezarscoëL Plus tard une

chapelle lui fut dédiée et construite à la lisière de la forêt,
près de Lezarscoët, ainsi qu'une fontaine qui est toujours
regardée comme miraculeuse. . .
Avant d'aborder la description du château dé Lezarscoët,
je crois bon de parler d'abord de ce que j'y ai trouvé: objets
romains et gaulois découverts dans les salles, ce qui me fait
dire avec la plus grande assurance, étant donné surtout leur
BULLE'fIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXIII. (Mémoires). 4

nombre, qu'il ne faut pas aller chercher là cette vieille
théorie de l'infiltration et y voir au contraire les reliques
du passé avec le culte ùes ancêtres.
En voici la liste:
1 ° Six lacrymatoires; ces petits vases en terre cuite gu
en verre étaient de deux sortes: ouverts aux deux extl'émités
ils servaient à figurer les larmes versées aux funérailles du
mort; fermés en bas, puis déposés dans les tombeaux, ils
contenaient les huiles odorantes dont on parfumait le bûche!'
avant. de l'allumer. J'en ai quatre de la seconde catégorie,
en céramique de la plus grande finesse; les deux autl'CS
sont de la pi'emière catégorie, ouverts dans le bas : l'un est
en céramique très fine aussi, mais un peu plus épaisse, avec
anse tordue; l'autre est en verre de couleur verte et a la
forme et la grosseur d'un œuf d'oie; ces deux derniers sont
des objets de musée des plus remarquables.
2° Un vase très fin., en ·céramique blanche, ' et une lampe
en tel're, coloriée, style romain.
3° Une lampe en bronze, style romain aussi.
4° De nombreux débris de verre et de poterie genl'e
romam.
5° Des rondelles en schiste et en autres pierres simples
ou ouvragées et une autre très soignée, moulée en terre cuite
très fine. .
6° Des fusaïoles en terre cuite, en pierre et en fer.
7° Un poinçon en bronze pour tailler les silex.
8° Une seule pièce de monnaie eù bronie, frappée en
. Angleterre vers la fin du VIlle siècle, et ayant beaucoup de
ressemblance par le genre à ce que l'on a appelé angelot
d'Angleterre. .
go Enfin, une partie d'un cercle en jade orné de deux
cupules et pareil comme forme et dimension à celui regardé
comme unique trouvé dans la célèbre tombelle de Manné­
er-Roe'k (Morbihan). Malgré toutes mes recommandations,

"1 pU tl'Ouver l'.autre moitié de ce splendide bijou qui
011 JI co , "
. 't du être conserve precIeusement par les possesseurs du

AteaU pUIS brIse par les demohsseurs.
CId , .
TouS ces objets et d'autres ericore en grand nombre, des·
)eûts bronzes, des meules en granit, indiquent bien d'une
conservées d'une civilisation précédente, la période romaine.
IJa perfection de la taille des pierres en grand appareil
doline une preuve de plus: le calcaire n'a pas été employé
d'une façon abondante, et il doit provenir du produit de la
combustion des coquilles. Le ciment fait défaut, mais il he
faut pas oublier que plus de deux· siècles nous séparent de
plusieurs procédés romains; c'est ce qui explique l'absence
des c.arreaux, des grandes pannes de couverture que n'em­
ployaient pas les premiers mérovingiens.
Le schiste mal fendu, l'ardoise grossière, très épaisse
encore, percée de grands trous, avait succédé à la terre
Guite et était maintenue par de grosses chevilles en bois.
Je ne parlerai que pour mémoire de .quelques tas de
débris de cuisine, surtout des coquilles; mais rien ne m'a
semblé ~ppartenir à une époque très ancienne, et je suis très
porté à croire que, très postérieurement à la destruction du
château, des individus sans domicile, trouvant des murs
encore en plaee, se sont installés là, sous' des couverts plus
ou moms proVlsOIres.

La construction principale, le châtf:lau, en dehors de quel-
ques édifices secondaires rectangulaires aussi, forme un
rectangle parfait de 58 40 sur 14 90 à l'extérieur, orienté
du nord au sud, avec façade principale à l'ouest en vue de
la baie de Douarnellez, et je fais de suite une remarque qui
a sa valeur,
Aux deux extrémités du château on voit cinq escaliers
dont un au nord, deux au sud et deux à l'est venant des
salles souterraines, dont la dernière marche traverse les

murs extérieurement au niveau du sol en plaine autour château. Cette disposition a été constatée dans un très grand
nombre de villas romaines.
. Les portes ùes salles souterraines avaient. triple fermelnl'e
par verrou en fer, et en bas dans le seuil une armature en
fer dont on voit les traces sur les pierres de taille. La Voùte
d'une des salles en très belles pierres de taille existe encore
grande partie; elle est soutenue par une corniche à

encorbellement et a son cintre à 3 10 de hauteur .
Je n'ai reconnu que deux cheminées, mais monumentales,
dans les salles que l'on pourrait appeler rez-de-chaussée, et
en grand nombre sur tontes les façades conespondantes aux
salles souterraines ou aux couloirs allaiü de l'une à l'autre,
de larges baies doubles ou simples, appels d'air très lal'ges
à la partie inférieure et on ne peut plus réduits à la partie
extérieure, ce qui permettait de pouvoir les dissimuler faci­
lement au besoin .

Ces bouches d'air se font presque toujours vis-à-vis dans
dont la dernière vers le sud a son sol à 111160 en
les salles,
contre-bas du terrain, ce qui, avec la hauteur de la porte
extérieure. devait lui donner une belle hautenr sous
voùte.
Les deux oubliettes avaient 'l'une 4 10 de profondeur et

l'autre 3 80 (elles étaient carrées), et les largeurs en dedans

J e mettl~ai sur les planches jointes à cet ouvrage, et à part,
avec des indications,les signes constatés à Lezarscoël et ceux
Si je n'ai pas reproduit un alphabet complet,je
vus à Moëllien.
represente au mOHlS tout ce que j'al vu, et Je croIs pOUVOll'
assurer en terminant que le château de Moëllien a été une
dépendance créée par les descen~ants des habitants de
Lezarscoët et que le château actuel, qui date de 1643, est
très postérieur au château primitif dont lÇ1. démolition il

fourni les pierres. ,marquées que Ton peut voir aujourd'hui
tians les constructIOns presque modernes.

La tête du roi Marc'h aux oreilles de cheval qui provenait
du premier château n'avait pas été rétablie à sa plac8 elle
pas de là par les cultivateurs et on
a été trouvée à quelques
aujourd'hui au musée du Vieux-Châtel. Cette
peut la voir
à longues ore,'11es, si caractérisée, trouvée là par
tète
hasal'd, prouve hien :
1 La ruine du château primitif. .
2 L'imitation de celle de Lezarscoët, postérieure mais
pas de beaucoup pour le château, d'un prince de la même
famille; sa façon prouve de plus une origine tl'ès ancienne'.
situation des pierres marquées, assez l'ares pOUl' le

et nombreuses dans les écuries et
château actuel de 1642
dépendances pl'ouve qu'elles ont été trouvées avec leurs
marques à destinations sur un chùteau antérieur; je les ai
dééouvertes surtout sur des dépendances postérieures à la

construction de 1642. Les conclusions à en' tirer sont

faciles.
D'uuiTe part, comme je l'ai déjà dit pour Lézarscoët, les
pierres marquées sont relativement très rares, et ce ne sont
pas les plus belles. Les caractères ont 7 à 8 centimètres de
longueur comme à Lezal'scoët, et il n'y a qu'un seul signe
SUl' chaque pierre, sauf une seule 'portant deux chiffres
romains IX.
par une dernière et décisive observation,le nomhre
Je finis
des signes différents gravés sur les pierres de Lezarscoët.
dépasse 80 et certainement, puisque le château était démoli ,
et toutes les pierres au-dessus du sol enlevées, je n'en ai '
relativement qu'un petit nombre.
découvel't
Cela fait vraiment pOUl' un seul édifice trop de points de
trop de tailleurs de pierres ayant chacun sa
repère ou
marque. '

Je cl'ois la démonstration faite et désormais les signes de
Lezarscoët seront regal'dés comme d'antiques caractères
armol'icains dont il faudl'a chercher le sens.
BAllON BALNA DU FRETAY .
Chàleau du Vieux-ChàleJ, par Quéménéven (Finistère),

'20 aoùt 189;:',