Responsive image
 

Bulletin SAF 1896


Télécharger le bulletin 1896

Addition à l’étude sur les fous et folles à la Cour de Bretagne

M. Trévédy

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


ADDITION A L'ÉTUDE
Sur les Fous et Folles à la cour de Beetagne
PUBLIÉE EN 1891 .
En 1891, je vous ai donné une courte notice sur les (0 us et
folles des ducs et duchesses de Bretagne. J'avais cru pouvoir
fixer au règne de Jean V l'irül'oduction des fo~s à la cour.
Mais je dois me rectifier. Depuis, j'ai trouvé à signalee un fou
attaché à Jean IV, et un autee à la cour d'Arthur II. L'ornis-
sion du premier est d'autant plus fâcheuse qu'il est

historique. Nous allons le voir suivre le duc à la guerh, et
contribuer à le tieer d'une situation très critique.
En 1372, Jean IV, tealtre au roi de France et allié au roi
d'Angleterre, avait vu les villes bretonnes s'ouvrir à l'armée
française, et ne possédait plus que Brest, AUl'ay et Con.cal'­
neau. Le 28 avril 1373, vaincu san:3 combat, il s'embal'quait
pOUl' aller chel'chee a3ile en Angleterre,
QUèlqLles mois après (en juillet), il déb:uquait à Calais
avec le dllC de L:lncJ.str8 il la tête d'une at'mse de teente
mille hommes qui devait teaveeser la Franr.e pour gagner
Boedeaux. Apl'ès quelques mal'ches, Jean IV reçut un ceLlel
. afl'ront : Lancastre ILli signifia de se retirer avec l'es quelques
hommes qu'il soudoyait.
Le duc se sépal'a des Anglais avec soixante hommes
d'armes. Que faire avec si peu de monde en pays ennemi?
Jean 1 V prit le pal'ti de mal'cher en avant de l'aemée anglaise,
espérant que, au cus d'attaque, il serait secouru ou recueilli
pal' elle. Cette aventureuse odyssée dura quat1'8 10ng3 mois à
tl'avel'S mille pél'ils. .

On jour, non loin de Sarlat, en Périgord, le duc arrive au
m d'une colline (1): iln 'a auprès de lui que trois hommes

SOIl
et saIl fou nommé Brient. Le reste de la troupe est assez
loin derrière. Dans la plaine, le duc voit un corps d'au moins
!l'ois cents hommes marchant vers lui!
Que faire? Fuir c'est montrer sa faiblesse. Sans hésiter,
héroïquement, le duc attaquel'a; mais au moins lui faut-il
tout son monde. Il charge son fou d'aller cbeI'cher la tI'oupe.
13l'ient COUI't au pIns vite: « Venez, Monseigneur est aux
prises avec tI'ois cents hommes! » Cette nouvelle quelque
peu exagéI'ée hâte la maI'che.
Ses hommes assemblés, le duc leur dit: « Si nous sommes
« pris, nous serons menés à Paris où nous ne serons pas
« admis à rançon. Il faut ici vaincre ou mouriI' ... N'ayez
« peur. Recommandez vous à Dieu et nous serons victo-
« l'leux. »)
A ce moment, les éclaiI'eurs ennemis voient se dresser la
bannière aux hermines de Bretagne et les hommes descendre
de cheval en poussant le cri: Malo et Bretagne!
SUI' leur rapport, les Français se disent que le duc de
Bretagne doit être bien accompagné et peut être suivi de
l'armée anglaise. Se retirer leur semble le plus sage. Le capi­
taine hésite. Mais, quand lui-même il a reconnu qu'il a devant
lui le duc de Bretagne, il se retire au plus vite.

« Le duc les laissa aller )), dit Lobineau. On le croit
sans peine. t( Et il remercia Dieu».
Voilà ce qu'était le titl'e de dllC de Bretagne: même porté
par un prince sans duché. Et voilà comment une fois lau
moins un fou a rendu à son maître un autre service que
celui de l'amuser.

(1) Lobineau. Hist. p. 410 .

Voici le second fl)U omis sur ma liste.
J'ai dit l'affront que reçut un jour Dago, fou d'Arthur II
Un officier, en réponse à une plaisanterie, « lui bailla de
soumets en présence du duc». Heur'eux affront, qui mit al
gTandjour la faveur de Dago, puisque le duc « lui bailla pu
« bliquement de sa main un écu d'or neuf ». Remarquez que
le teésorier a peis soin, peut-êtl'è par la volonté du duc, d(
mentionner ces circonstances (pLtbliqllement et de sa n'tClin)
, très indifférentes à sa comptabilité.
Or, à ce même moment, en novembre 1457, nous tl'OUV()n~
un antee fou il. la COUt' ducale. Il a le sobriquet Ù G :l1.li:itr~
d'/wstel (1).
Celui-ci n'eut pas il. jalouser Dago, puisque lui~11êmE
reçut J'Arthur II {( un cheval ô (avec) son habillement »:
c'est-à-dire un cheval avec son haenachement. C'est ce don
généeeux qui nous a conseevé le souvenir de Maistee
d'hostel.
.Te ne ceois pas que Maistre d'hostel ait été fou en t~tJ'f,
collèguo de Dago. Son surnom même ne permet guère de
le ceoire. Les 1naistres d'hostel étaient des premiers officiers
. de la cour; et il ne se comprendeait pas que leue titee fùt
donné comme sobriquet à ul1 fou de cour, et encore moins
qu'un fou de cour se permît d'emprunter ce titre.
Remarquons-le, d'ailleurs :,les comptes ne parlent pas de
Maistre d'hostel ' dans les mêmes termes que de Brient,
Coquinet, Dago et autres. Ils disent d'ordinaire: Bt'ient rOll,
Coquinet fOll, etc. C'est-à-dire fou en titre. Dago est ainsi
mentionné; et, quelques lignes ' plus bas, le compte emploie
cette formule: « A un fouI, nommé Maistre d'hostel. » Nul
doute que ce changement de titre ne soit intentionnel.
Je suis donc porté à croire que Maistre d'hostel était un
(1) Lobi neau pl'. 1 '~O L -- Mariee, pl'ClI ves IL 1 nJ .

{]li de passage, en représentation à la cour, un fou ambulant
con
château porter leurs nouvelles, leurs chants et leur insou-
ciante gaîté.
Maistl'e d'hostel devait être pourvu d'une gaîté bruyante.
Plus qu'aucun de ses prédécesseurs, le duc Arthur aimait les
farces. Maistre d'hostel procura quelques heures «( d'esba­
tement» au duc et fut généreusement payé. On peut croire

qu'il n'avait pas souvent pareille aubaine . .

La liste des fous des ducs de Bretagne est-elle complète?
Je n'ose m'en flatter. Je n'ai pas hélas! suivi tous les filons
de cette mine inépuisable, les preuves des doms Lobineau
et Mariee .
. De ces inexactitudes que je vous prie d'excuser', j'ose
tirer une moralité que voici: ,
Prendre au sérieux l'avertissement écrit par D. Mariee

en tête des tables de ses preu'ves (T. II, col. 1795) : « Ceux
« qui ne cherchent que des noms propres prend l'Ont la peine
CI. de lire toute la colonne indiciuée dans la table, parce
«( qu'il se trouve souvent deux ou trois personnes de même
« nom dans la même colonne. » •
C'est ainsi (pour ne citer qu'un exemple) que le mot {oul
se trouve deux fois à la colonne 1204 des preuves de D.
. Lobineau, et à la colonne 1723, tome II, des preuves de
D. Mariee. Il est accolé au nom de Daga à une des premières
lignes, et au nom de Maistre d'hostel un peu plus bas. J'ai
eu le tort de m'arrêter à la mention de Daga, et j'ai été puni
de mon imprudente précipitation; quelques lignes plus bas,
moins d'une minute après , j'aurais trouvé le nom de Maistre
d'haste!. Que ma faUte et mon châtiment profitent aux lec-
teurs !

BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. - TOME XXIII. (Mémoires). 3