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Bulletin SAF 1896


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La place Terre-au-Duc de Quimper

M. Trévédy

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I.JA PLACE TERRE-AU-DUC
DE QUI~PER
La rivière de Steil', qui coupe en deux la ville de Quimper,
. Dl'ait autl'efois deux villes : la ville de l'Évêque, close et
et plus tard du Roi, successeur de nos ducs, à dl'oite de la
rivière. Cette dernière ville, ouverte, plus étendue mais
J110 peuplée que la ville close, formait la paroisse de
ins
Saint-Mathieu, qui vers le nord-ouest comprenait une
campagne appartenant aujoul'd'hui à la commune de
vaste
Cet important faubourg se nommait la Terre­
penhars (1).
au-Duc.
Le nom subsista avec cette signification jusqu'à la fin de
y a cent ans, l'usage le restreignait
l'avant-dernier siècle. Il
SUI'tOllt à la place qui, appelée pendant la Révolution place
de la Nation, est redevenue et est aujourd'hui la place Terre­
au-Duc (2),
Mais, avant 1700, la place ne semble pas avoir pOI'Lé ce
nom d'une manière certaine et constante . . Le procès-verbal
de la réformation de 1539 la nomme Place des Laboureurs
locatifs. Dès cette époque, comme de nos jours, la place
rassemblement des journaliers qui, à l'époque
était le lieu de
de la moisson, viennent là aux premières heures du jour
chercher à louer leurs services (3).
(1) Les villages de Pontigou, le Moulin-Vert, Prateyer, Keroach, Ker­
golven. M. LE MEN (Monog. de la Cathéd,' p. 51) ajoute I{erlezanet,
el Kereyen; mais ces villages ne sont pas compris dans les
Kermabeuzen
quartiers de la ville, par le rôle de la capitation de 1750.
(2) Le plan de 17G'[ porte: Place au Duc.
(3) Je crois celte explication plus plausible que celle qu'on trouvera dans
ma Promenade à Qllilll}Jer (188)) chap. IV. Faut-il ·rappeler que
l'usage était le même en Judée, au temps de Notl'e-Seignem? Temoin la
pat'aboie du maîtl'e de t:l vigne. Saint Mathieu. XX. ,

D'autre part, des actes du milieu du XVIIe siècle donnent
à cette place le nom de place de la Vieille-Cohue. Voici
sans doute pourquoi : Anciennement la cohue du Duc,
devenue cohue du Roi, était située vers la rue Vis; d'où le
nom de la rue qui y conduisait: rue de la Vieille-Cohue, dite
aujourd'hui rue Laè'nnee,
. La cohue menaçait ruine~ quand, vers 1503, le roi Louis XII
et la reine Anne en firent bâtir ulle autre avec auditoire et
prison, sur l'emplacement qu'occupe aujoUl'd'hui l'îlot de
situé .entre le Steir, la rue du Chapeau-Rouge et la
maisons
Terre-au-Due. Ce nouvel édifice fut abattu par les
place
bourgeois de Quimper quand le maréchal d'Aumont menaça
leur ville (octobre 1594); mais le souvenir de la cohue
subsistait un siècle et demi après sa destructiori: de là le
nom de la place en 1646 (1 ).
n'y avait de communication entre les
A cette époque, il
deux villes que par le pont du Parc e~ le pont Médard, C'est
seulement en 1845 qu'un troisième pont fort utile fut cons­
tl'uit entre les deux premiel's vers le milieu de la ville.
Eh bien! passons ce pont et at'rêtons-nous un moment de
l'autre bord de l'eau, au coin à gauche. La place nous y sera
plus sûre que pour le maréchal d'Aumont: c'est en cet endroit
même qu'il manqua d'être frappé d'Ilne arquebusade (2).
Regardons devant nous ... Voilà, à partil' du coin de la rue
Saint-Mathieu (autrefois du Rossignol), deux maisons (au-'
jourd'hui nOS et 4) qui ont le fnême·aspect extérieur qu'elles
avaient en 16[.1:6, bien plus! eri 1539. La m9.-ison suivante
(n° 6) a été rebâtie à la moderne, il ya un ,peu plus de cent

(1) POUl' plus de détails sut' ces divet's points, voir P,'ol1wnade à
Qllimper sUt' le plan de 1761. On n'y trouvera pas la date de 150:3,
qU'HL~VIN vient de me fournit'. Qucstions .. p. 31)9.
(2) La Li'gu~ en Bretagne paL~ le chanoine Moreau p. ~U, en note. Où
l'éditeur a-toi! trouvé ce renseigneLnent? C'est ce qu'il ne dit pas .

. quand un arrêt du conseil du 5 décembre 1766, con-
nUS, . b A • 1 d 1
ant les maisons atIes en wrse, or on na que es façades

raient reconstrmtes en pierres (1). .
lil'e en fils des magistrats au présidial de QuiJnper.
de nombreux enfants (2). Les registres de Saint-Mathieu
mentionnent six baptêmes en cinq années (de 1629 à 1634).
Les registres des années suivantes manquent; mais nous
savons par ailleurs qu'il naquit encore un fils nommé Fran­
çois. Celui-ci devint . notaire royal ; il est qualifié sr de
Kersividic : il eut pour femme Michelle Marquier dont il eut
une fille, Louise-Marguerite, et un fils, Joseph (3) .
Louis Cordon habitait cette maison avant 1681; cette
année même, il eut un procès terminé par transaction avec le
propriétaire de la maison voisine (nO 4) que nous nommerons
bientôt; et, le 3 février 1687, il mourut chez Cordon un gen­
tilhomme natif de Paris, Christophe Forest, sieur de Me-
reuil, qui fut inhumé au chœur de Saint-Mathieu.
Le 23 fé\Ticr 1690, NIe Cordon maria sa fille à noble homme
François-Jean Bertrand, sI' de Créchunan, demeurant à
Carhaix. L'acte qualifie la mariée dame de Penterf; il

(1) Arch. du Finistère. E. 2.
m Je pe~se qu'il faut lire LiSf. Il y a eu, au XVIl~ siècle, un docteur
en m€decine de ce nom, dont la veuve, Françoise Capitaine, a été inhumée
dans la chapelle des Cordeliers en 1(j()O. Nécrologe conservé à la mail'ie de
Quimper. On trouve la signature Marie-Thérèse Lizé il un acte de baptême
de Saint-Malhieu. 31 aoùt Ili9't.

(:.l) Joseph Cordon est parrain le ~ novembre 1681 ayec Thérèse de Kerléan,
da me de Ker nerien; el, le 1 er juin 1085, Lo u ise est marraine à Sain t­
Malhieu.

est signé de Ja mère et du fl'ère; le père ne signe pas (1).
Un mois après, jour pour jourd~_~!~}-ci recevait la sépultul'e
aux Cordelièrs. Il était ùu tiers ordre de Saint-François.
il était l'ami et le conseil du couvent (le syndic) ; les fl'ères
out soin de rappeler ces circonstances en constatant Son
in.!,li,I.!Ila..!'!pn dans la chRpelle dite du Juch, qui formait l'aile
droite du chœur (2).
Cinq ans après, la dame ~e Créchunan était elle-même
déposée au même lieu. (30 aoùt 1695.)
En 1609, son fl'ère Joseph Cordon était prêtre ct faisait
un pèlerinage à Rome. Le 17 juillet de celle année; sa mère
comparut devant notaires pOUl' passer reconnais::;ance a\l.
nom de son fils d'une rente. de trois livres anciennement due
aux Cordeliers sur la maison Cordon par les héeitiers de
Jean Prévost (3). Dix ans après, la veuve Cordoll était à SOn
tour inhumée par les cordeliers, dans leur église. (lI! juillet
Son fils était entré au couvent; il en devint procureur; et
il veina pieusement sur ]es tombes de son père, de sa mère
et de sa sœur, jusqu'au jour où il vint prendre sa place auprès
d'eux. (15 janvier 1718.)
Mais passons ... Je ne veux parler aujourd'hui que de la
maisoll

Celte maison, avec ses deux pignons en pointe, est de
ancienne. Elle était assurément bâtie en
construction très

1539. Je n'ai pu la retl'ouver au procès-vcl'bal de l'MOI"

(1) Saint-Mathieu.
(2) Cette inhumation et celles qui suivent nous sont apprises par le
demier nécrologe conset'vé à la mairie de Quimper.
(3) Titres des Cordeliers. Arch. départementales du Finislère .

'on du domaine royal dressé cette année même (1)_ Mais

entence de reformatlOn de 1682 ne laIsse aucun doute
une
sur ce point.
A la fin du XVL siècle, cette maison appartenait à la ,
famille Larcher ou (selon l'orthographe du temps) Larchier.
Cette famille était, je crois, nouvellement venue à Quimper.
elle devint nombl'euse et prospéra, enrichie par le travail
et l'ordre. Plusieurs de ses membres remplil'ent souvent des
charges municipales. Un Larchier, sr de Kerguélen, fut
syndic de la ville en 1690; sa fille Marie-Thérèse épousa
Guillaume Huchet, Sr de I\erourain, qui fut maire à son
tour; et elle maria sa fille Jeanne-Catherine à Michel Laen­
nec, avocat, qui devint maire de la ville, et devait avoir pour "
petit-fils l'illustre docteur Laënnec (2). _
Aux premières années du XVIIe siècle, la maison était la
propriété et l'habitation de Jacques Larchier, notaire royal
et procureur au présidial, et de Françoise Moro ou Moreau,
sa femme, sieur et dame de Kerguelen. Françoise Moro
appartenait, selon toute appal'ence, à une famille que le
procès-verbal de réformation mentionne plusieurs fois comme
propriétaire aux envÎl'ons de la Terre-au-Duc.
Les époux Larchier eurent au moins sept enfants, dont
deux fils les ainés (3)_ '
Jacques Larchier mourut en cette maison, le 13 mars 1624,
et sa veuve continua d'y résid,er. Elle maria six de ses

(l) Il faut que la copie déposée aux Archives dépaI'tementales contienne
une omission. Les ma isons de cette partie de la place ne s'y trouvent
pas. '
('2) Sur les Laënnec rai publié: La maison natale du IJr Laënnec. -
ilhchel Laënnec ou t' "'tl/q l/ enee académique ct Quimper an dernier'
sùlcle . - Le doclcll?' Laëll7l ec lut-il ëlèl'e du collège de Quimper?
Tltéophil() -Marie I.aënnf'c fpère du docteur;.
(3) Je dis art moins; car je trouve, en 1631, Jacques Lat'chier vicaire
du couvent des Cordeliers, et, en 1614, un autre cordelier du uom de Fran­
çois Larchier. Le 19 août 16'14, Françoise Larchier, esf inhumée à Saint­.
Il se peut que tous trois soient des enfants de Jacques Larchier.
Malhieu.

enfants; et la dernière, nom mée Louise, restait seule à pOUr­
voir en 1646 (1).
L'aîné des fils, Allain, sieur de ' Roclleuil1e, était rnarié
avant 1629. Il avait pour femme lVlarie du Stangiel', d'une
famille distinguée de Quimpcl' qui allait 'être reconnue nohle
d'extraction par arrêt du 2D jnillet 1670. Il fit baptiser deux
fils à Saint-Mathieu en IG30 et 1631. Il mourut jeune; et sa

veuve, bientôt remariée, était, en 16 16, femme de L,ouis Ker-
léguy, sieur de Kerl'ioul.
Le second, Guillaume, sieur de Kerincurf, avait épousé
Jeanne Hozerc'h, dont il eut plusieul's enfants, notarnment
un fils nommé' Jacques (2). Guillaume avait succédé à son
père dans l'office de prOCUl'eUl' ; il mourut le 7 mai 1644; et

sa veuve, non remariée, était tutrice de ses enfants en 16 16.
Enfin, la fille aînée, Marguerite Larchier, (wait épouse
Guillaume Picquet, sr dé Kervir ; et elle était décédé0 avant '
1646, laissant plusieurs enfants mineurs.
Le 18 novembre 1645, Françoise 1\101'0 mourut dans cette
maison où, comme mère, elle avait eu tant de loies et de

douleurs; et le lendemain elle fut inhumée à Saint-Mathien(3).

(1) Elle fut pournle le ;21j avril IG'!8: elle épousa Michel Horellou, sieur
de Trossouarn, d'une fam ille de procureurs au présidial et notaires royaux.
, (! Le nom de Roserc'h se trouve plusieurs fois au procès-verbal de
réforma lion de r:'d\).
(:J) J'ai insisté SUI' celle généalogie parce qu'il serait bien sur­
prennnt qu'il ne restât pas à Quimper quelque descendant de cette
honnête famille. Quelques-uns de ses membres avaient quitlé notre ville.
Ainsi Jean Larchier, petit-fils de Jacques, demeurait à Douarnenez (lli,jK) ;
ainsi Jacques (de KerinculI , son neveu, revenait cie Brest en lu8'1, pour
se marier à Quimper Saint-Ronan, 1:3 février). Il épousait Vincente Guil­
laume, dame de la Villeneuve, Ainsi Julien Lflrchier, de, Lanvellec, mar­
chand de draps ct soies à Rennes, paroisse de Toussaints, dont une fille
est inhumée à Quimper (Saint-Julien, '1'1. mars 1 Î'I'I ). Mais, en 171 J, nous
trouvons à Saint-Mathieu le baptême ' de Jean-Thomas-Mathieu, fils de
Nicolas Lat'chier et de Louise Lanné (baptême du '11 février;. Une
de lle Lat'chier vivait à Quimper, rue des Capucins, en 1 ï50. (Rôle cie la
capitation. ' Arch. déP:)

Il Y a lieu de procéder au partage entre les sept têtes
d'héritiers ; et, aux termes de l'article 591 de la Coutume, la
présence des héritiers mineurs, fils de Allain, de Guillaume
et de leur sœur dame Picquet, rend nécessaire la nominat.ion
de (( trois prud'hommes non suspects» comme priseurs ou
81'bitres (nous dirions aujourd'hui experts) pOUl' former les
Jotties.
héritiel's sont, à ce qu'il paraît, assez impatients,
Les
puisque, huit jours après le décès de la mère, les priseurs
sont ehoisis : ils se nomment René P ittoys, Mathia,s Hamon (1),
Pierre Gouesbier. Ils ont à par·tager, avec les successions
des époux Larch:er, deux successions collatérales, savoir:
celle de Louis Larchier, sieur de Kel'goulen, et celle de Jean
Larchier, recteur de Penhars. Louis et Jean sont-ils frères
de Jacques Larchier père? C'est assez probable; mais l'acte
de partage ne le dit pas (2). .
Mais te partage des biens, même confondus en une seu1e
n'est pas chose aisée. Il y a quatre maisons en ville,
masse,
quatre manoi1's OÜ villages à la campagne, des domaines et
des rentes. Or, d'après la Coutume (art. 591), il faut faire le
partage en nature et composer chaque lot de biens de même

espece.
Le revenu totéll est de 908 1. 16 s. tourllois, déduction
faite d'une rente de 24 sols tournois pour préciput aux
enfants de l'aîné. Il faut donc sept lots d'un revenu égal de
129 1. 16 s. 6 d.: comprenant meubles et immeubles.

(1 ) Le prem ier appartenan là ' une fam ilIe considérable clon t le nom est
Pitloys, Pilois, Pitouays, etc. En 1.')94, un nolaire de Quimper,
écrit
nommé Etienne Hamon, était parmi les ligueurs de Quimper. Moreau,
(2) Jean Larcbier, recteur de Penhars, avait été en 1631 parrain du
second fils de Larchier, sieur de RocheuilIe,

Les tl'ois al'bitres se mettent courageusement à cet.te·
ingrate besogne. Dix mois après, le 13 septembre 1646, ils
déposent leur procès-verbal. Ils ont fractionné les maisons
et les biens de la manière la plus fâeheuse: ainsi la maison
de la Terre aH Duc est coupée eri deux loUies: et ehacune
t( a la moitié de la montée (l'escalier), de la cour et du toit )) .

l\'lalgl>é tous ces al>tifices, l'égalité n'est pas obtenue; et il
élaLlil' des retours, des rentes de Il liv., de 3 liv., de 16
faut
sols, à payer pal' un lot à un autre!
ComLien notre loi est plus sage! Un trîbunal d~ nos jours,
saisi de ee padage! aurait déclaré qu'il ne pouvait être fait
commodément, c'est-à-dire d'une manière utile aux intérêts
bien entendus des parties, et aurait ordonné' la licitation.
Enfin voilà les sept louies faites égales ou à peu près!
• Il faut maintené lIlt non les tirer au sort mais les choisir
(art. 591). Chaque héritier choisit .par rang d'âge. Marie
du Stangier, tutl'ice des enfants représentant l'aîné, prend
pout' eux la première 10ttie comprenant la moitié de la

maison place Terre-au:-Duc. C'est à qui n'aura pas l'autre
moitié comprise au second lot; et, comme personne ne l'a
choisie, la demière des filles, Louise, devra s'en contenter.
Elle ne la gal'dera pas longtemps; mariée en 1W18, elle
mourut jeune laissant un fils unique qui mourut enfant: et
en 1659, celte partie de la maison appartiendra aux héritiers
de sasceur la dame Picquet.
Dans le troisième lot est comprise une maison ainsi
décrite: t( donnant du midi sur la rue du Rossignol (aujour­
(C d'hui Saint-Mathieu) au coin de la venelle qui va au four
(C dn Roi (la venelle du Pain Cuit) avec cour et une parle

t( ouvrant sur le jardin de la seconde lotie. ))
Cette maison existe; elle porte le nO 12 de la l'ne Saint­
Mathieu: visitez-la, dites-vous qu'en 1646 elle ·était l'habi­
tatioll de Marie du Stangier, dame de Kenioul; et vous
reconnatrez que la haute bourgeoisie de Quimper était en

1646 moins difficile que nous ne le sommes aujourd'hui.
Chose à peine croyable! Allain et Jean Larchier, pro­
priétaires de la première lottie, vont trouver moyen de
subdiviser la moitié de la maison. C'est ce que nous révèle
un acte du 2 janvier 1658.
Par cet acte, Jean Larchiel', sieur de Kerbasquiou, marié
à Anne Madec et habitan! pOl't-nhu, à Douarnenez, vend sa
pal't divise de la maison à Michel Despinel, et nous ,;errons
tout à l'heure son frère Allain, qualifié 'comme leur père
sieur de Rocheuille, vendre l'ault'e part.
Mais auparavant, qu'était-cc que Despinel ? Il était, je.
originaire de Quirnpel'lé. Il vint à Quimper, vers 1650,
crois,
our faire le commerce. Vel's 1653, il avait pris pour femme

Françoise Perrin qui lui donna dix enfants en quatol'ze ;
années (Saint-Esprit 1655 et Saint-Mathieu 1656-1668). Les .'
époux Despinel habitèrent d'abord la paroisse du Saint­
Esprit, c'est-à-dil'e le faubourg de la rue Neuve, de l'autre
bOl'd de l'Odet, puis ils vinrent demeurel' à la Terre-au-Duc.
Depuis 1656, ils habitèrent la maison aujourd'hui nO 1 de la
rue Laiùtnec, qu'ils allaient acquérir quelques années plus
tard. Ils virent leurs aITail'es prospérer; ils purent élever
leurs dix enfants: fairf..de l'aîné un avocat au parlement, et
acquérir des maisons en ville el des maisons à la campagne,
notamment la terre de Keruhel (par. de Saint-Evarzec).
L'avocat au parlement, Michel comme son père, eut une i
singulière destinée; il épousa de'Ltx fois Marie-Corentine '
Furic, sans avoir pourtant divorcé avec elle! Un premier :
mariage avait été célébré en 1680. Six enfants étaient nés '.
dont trois sunivaient. En 16DB, Despinel fut pris d'ml :'
scrupule qui n'est pas clail'ement expliqué, et demanda une

nOllvelle bénédiction nuptiale,qui fut donnée cc d'abondance » '1
]e 3 décembre 1696, par le recteur de Saint-Mathieu. J
A la fin de 1658: M. Despinel avait cc subrogé dans ses
droits » sur sa partie de la maison lYpl'e Jean Le Nobletz,

conseiller du Roi et juge criminel (juge d'instruction) au
présidial.
Le 12 aoùt suivant (1659), NI. Le Nobletz acquérait des
hérit.iers Picguet la moitié de la maison qu'ils avaient
recueillie de la succession de leur tante Louise Larchier. -
Enfin le 21 du même mois, il acquérait de Allain Larchier.
sI" de Rocheuille, mari de Marguerite Crocq, la seconde .
moitié de la première lotie du partage de 16 .l:6 (1).
1\1. Le Nobletz avait ainsi toute la propriété ayant appar­
tenu aux époux Jacques Larchier ; le prix des trois acquisi­
tions est de 5.036 1. 10 s. 3.009.},:.",pour la première part
2 .. 036 1. 1q s. pour les deux autres.

III.

La famille Le Noblelz était noble d'extraction; et Jean,
I{ dont nous parlons, allait, à la réformation de 1668, faire
i preuve de huit générations. Mais cette famille avait une

toule autre illustration: elle venait de produire Michel, ce

« merveilleux apôtre 1) (2) qui pendant cinquante-deux ans

avait évangélisé la Cornouaille et le Léon, et gui venait de

mourir (5 mai 1652). Michel Le Nobletz était l'oncle propre

:. de J ea n Le N obletz (3) .
Le père de Jean Le Nobletz, cadet d'une famille de onze
enfants, Tl 'avait pas' pu transmettre beaucoup de biens à son .
mais celui-ci se maria richement; et il allait acquérir
fils;
les seigneuries du Bois, de Poulguinan (près de Locmaria

(1 ) Au milieu du siècle, il y éiyait à Quimper un chanoine nommé An-
du Crocq (Saint-Ronan 13 mai 1 ü4H. DapU
toine
('2) M. Le Men. Monog. de la Cathédrale, p, 1'21.
(3) Hen'é Le Nobletz, Sr de Keroclem, et Fran\(oise cie Lesguern ont eu
onze enfants au nombre desquels: 1 Jean, 50' cie Kerguyoo, marié à Marie
Mahé, dont Jean, sr' du Bois, '2 Michel (le missionnaire). V. Note in fine p. '29 .

de Quimper), et de Lescuz, gl'ande terre en Plomodlerri;
avec nioyenne justice (1).
Jean Le Noblctz est qualifié écuyer et seigneur du Bois
mariage du 29 août 1649. Ce jour il épou­dans son acte. de
à la paroisse Saint-Sauveul', Marie de Kerguelen,
sait,
dame douairière de Keraval. En 1655, les deux époux ache­
Sylvestre de Charmois, seigneur de Keraret, le
tèrent de
manoir et la terre de Poulguinan.
Il ne paraît pas qu'il soit né d'enfant de cette union: du
J110ins aucun ne survivait à la mort de Marie de Kel'guelen.
Jean Le Nobletz, devenu conseiller du
Le 5 février 1658,
Roi au présidial et magistl'at criminel (juge d'instruction ),
Françoise de Kernaffien, douairière de Roc'hantec.
épousa
. Les deux sœurs de Mme Le Nobletz étaient femmes: la
première de Jean d'El'nothon, sg l' de Pratglas, et la seconde
Kersulguen, sr de Kergloff (2).
de Hervé de
Les époux Le Nobletz habitèreut la maison de la Terre­
au-Duc, aussitôt après la prise de possession; et, le
juin 1659, ils présentèrent au baptème, dans l'église de
Saint-Mathieu, 'leur fils aîné, né le 7 novembre précédent. Il
tenu sur les fonts par illustrissime et révél'endissime
fut
René du Louet, conseiller du H.oi en ses conseils d'Etat et
privé, évêque et comte de Cornouaille, et par sa tante mater-
nelle, la dame d'Ernothon. L'évêque donna à son filleul son
prénom de René.
Saint-Luc, alors député du Finis-
(1) Je dois ce renseignement à M. de
tèTe.
Lescuz avait el] pendant plusieurs siècles des seigneurs particuliers. Jean
de Lescuz tué à la bataille d'Auray fut inhumé aux Cordeliers de Quimper
(l3G'I). Cent cinquante ans après, Marie de Lescuz porta la seigneurie
dans la maison de Lezongar par son mariage. Ses deux fils moururent
sans hoirs et sa fille devenue héritière. porta la seigneurie à son mari
' Allain de Kerloeguen (1582). C'est son petit-fils, Jean de Kersulguen,
seigneur de Créch'eusen, qui vendit Lescuz à Jean Le Noblelz.
Cl) Partage du 27 mai 11542, sur lequel nous aurons à revenil'.

Jean Le Nobletz est depuis vingt ' ans propriétaire de la
la Terre au Duc. En 1676, le Roi ordonne la réfor­
maison de
mation de son domaine de Quimper. Il est temps; elle n'a
pas été faite depuis 1539, 137 ans. Le 15 juin 1678, Jean Le
Nobletz passe sa déclaration devant les notaires royaux.
Il déclare sa maison et SUl' elle « une rente de 6 sols mon­
naie, avec obéissance et suite de cour »; c'est-à-dire qu'il
reconnaît devoir obéissance au Roi comme seigneur, ce qui
soi, et qu'il se soumet à la juridiction des.i uges royaux.
va de
Or, le conseil du Roi a nommé Charles Bougis commis­
saire c( à la confection du papier terrier)) (1) ; et Bougis est Il Il
terrible homme, fiscal comme pas un et qui ne laissa jamais
le grain dans la paille. Mieux instruit que ' le conseiller
il a lu dans la réformation de 1539 que la maison et
du Roi,
ses dépendances doivent une rente non de six sous mais de
neuf. Et puis l'obéissance et la suite de cour, sont-ce là les
doit au Roi?,.
seuls devoirs féodaux que la maison
Le procureur du Roi, averti par Bougis, impllnit la décla­
ration et assigne Le Nobletz. Il conclut à la réformation,
demandant c( qu'il soit dit que les déclarants tiennent les
deux maisons prochement et roturièrement du Haî, à foi, '
hommage, devoirs de chambellenage, ventes, lods et
rachapt (2), quand il y échet, devoirs de cour, four et moulin,
et que la rente est de neuf sols au lieu de six»,
Les arrérages des rentes se prescrivent par trente ans; les
et ventes par quarante ans. Bougis demande le paie-
lods

(1) Arrêt du 19 mars 1678 et les lettres patentes des 3 août 1680 et ?.7
juillet 1ti~1 ont nommé poul',eommissaires Mire François Martineau, sei­
gneur de Princé, maître en la Cour des Comptes de Nantes, et Mire Dondel,
sénéchal de Comouaille.
(2) Lods el ventes, droH de mutation au cas d'acquisitions d'héritages
Ce droit était très variable. Le droit de 1'achapt (rachat) ou
roturiers.
1'elù~r est un dr'oit de mutation pour les successions èollat~rales; il NaiL
du l'eYenU d'une. année.

uf sols de rente depuis vingt-neuf ans avant ]e
des ne

cr 'anviel' 1676, date de l'ouverture de la refol'matlOn, et le ·
1 J , . d ' " d 1658
des lods et ventes a raIson es acqUIsItIons e
aiem
ent
Le Nobletz lui-même. Il va sans dire qu'il conclut aux dépens,
h l'exécution par provision et, dans la huitaine, ce qui est de
droit. .
Bientôt Bougis sera armé d'un arrêt du conseil du 2 mai
16.82 qui déclare les héritages situés au fauboul'g de la
'ferre-au-Duc sujets aux lods et ventes.
Que va répondre Me Doucin (1 ), procureur de Mire Le
Nobletz? Rien de sérieux: il dit que les titres d'acquisition
de son client « ne font mention ni des rentes, ni des lods et
ventes 7), ce qui est vrai, ·et il infère de ce silence une pres­
cription de quarante ans! On ne 'discute pas un pareil argu­
ment. Doucin oublie, d'ailleurs, que l'acte de partage de 1646, .
produit par M. Le Nobletz, fait mention expresse des rentes,
sans parler, il est vrai, des lods et ventes .
Ses conclusions sont rejetées; et M. Le Nobletz est con-
damné à payer les neuf sous de rentes depuis le 1 CI' jauvier
1647. Ces trente-cinq années, échues font un total de 54 liv.
8 s. 1 d. C'est une vétille.
les lods et ventes dus depuis 1658 et 1659 ont plus
Mais
d'importance. Les commissaires les comptent à raison du
denier 8 de la somme de 6036 livres 10 sous, prix principal
des trois contrats, et ces droits sont arrêtés à la somme
de 817 liv. 1 sol.
Il est bien entendu, d'ailleurs, que, si les commissaires ne
prononcent que la condamnation au paiement de 817 liv. 1 s.,
cette somme devl'a être payée deux fois: la première pour
l'acquittement du droit, la seconde comme peine du retard
apporté au paiement.
(1) Doucin, nom d'une ancienne famille de procureul's au présidial jusque
la Révolution. Nous n'avons pas les conclusions ; mais nous trouvons plus '
tard cct argument dans la bouche de Jean Le Nobletz lui-même •

contester : c'est de deoit, et 13ougis; oti
Il n'y a pas à
ne manquel'a pas de réclamer le double
peut y comr>ter,
droit.
Mais ce n'est pas tout. Le 21 juin 16ï8, 1\'1. Le Nobletz a
passé une seconde déclal'ation à propos d'ulle maison sur le
quai. Celte maison appartient à sa femme en vOI'lu d\lIl
pal'tage du 27 mars 1()l12 (1),

(1 ) Partage des Liens de noble homme Allain de KernafIlcIl , sr de I\erc­
ben, ct Françoise Gil'audeau, entre:

'1 Al lain de Kel'llafflen, s' de Rereben, écuyer;
io Andrée, femme de Jean Ernotlton, sgr de Pl'atglas, morte le '2..i juin
1 ü8J (SL-J ulien) ;
J" Anne, femme de Hervé ue Kersulguen, sr de RCl'gofT, mOl'Le ~:1n;;
enfants uvant [(j;H;
4,' Françoise sous la tutelle de SOlI beau-frère M. ErnoLhon.
Celle dernière est allotie d'une maison SUl' le quai donnant clu Ill.Îdi SUI"
le quai, d'orient aux héritiers Largant, d'occident aux hériliers Co"Llléanl,
uu nord sur pré au s' de Longraye.
Queillues années plus tard, Fruuçoise épousa Je Allain KernafIlen était, eu lJ(jS, créancier de la communauté de Qu imper
pou l'une somme de 1,80J li r. 1 AITêt du conseil a ux Arch. dép. ville de
Quimper, E. Î .). Il avait pOUL' femme Marie Furie. (Hapt. 8 février HiG\
St-.Mathieu) où Louise Ful'lc, veuye du sénéclla'1 Ollivier Salou, est
marl" Ernolhon est qualifié en Hi18 seulr.ment sieur de PraLglas.
. Jean

En 10;)(j, il est qualifié écuyer, conseiller et secrétaire du Hoi, maison .
de France et de ses tinances. (St-Ronan, bapt. 1 j mai 1 0l~ ct
et couronne
7 avril /(j,)ü. ). (Le Litre d'écuyer est de trop puisque la noblesse n'allt.lit
lui être acquise que pal' Yingt ans d'exercice de la charge de secrétaire uu
Hoi, ou pal' sa mort en charge.) Sa veuve est, au J décembre lli(j7,
qualifiée .clouairièl'e cie Pratglas. (St-Ronan, baptême.) Il avuit un frère
nommé Bènoist, qualiflé sr de Keriagatu, (SL-Honan, bapt. 18 mai 10'18),
Jean d'Erl10UlOn eut pour fils François-Joseph, conseiller du Hoi en ' Ious
ses couseils, maître des l'equêles de son hôtel, qui, avant lLio ,~), éll:quil dl!
marquis de Richelieu la baronnie de Pont-l'Abbé.
La hal'onnie passa il. son fils aîné, de mêmes noms, conseiller au parle­
cie Paris. Il mourut sans hoir's, laissant la baronnie ci
Illent
Son frère ,Jean-Théophile, mestre cie camp: il rendit aveu au Roi le '29
septembre JI,;!. (An:l!. clu l<'inisLèl'è. ) Celui-ci moul'ut sans hoirs et la
baronnie passa il .
Sa sœur C:\lll~rïnc , femme di! Louis d'Argouges, mal'quis cie Hannps,

m ,lI'l~ehal cie camp. J)2\'CllLle. "cuve. clle vendit' la baronnie, ent l"G 1 J,) 1 el
1,j 1,6 M. 1311ude, cltjjà acquél'eur cie la b,Honnie cie HeLz .

Or il a déclaré sur cette maison une rente d'un sol; et le
l'ocèS-verbal de la réformation de 1539 porte huit sols.
16GS, ni auparavant au nom de sa femme. Bougis réclame
et obtient la condamnation au paiement des vingt-neuf der­
nières années de la rellte de hu't sols: soit 13 liv. 5 s.6 d.
De même 1\1. Le Nobletz n'a déclar-é que la suite de cour;
etl sentence de réformation dit: comme pour l'autl'e maison,
qu'il doit les autres droits féodaux et notamment les lods et
"entes. Heureusement pOUl' 1\1. Le Nobletz, les partages ne
donnent pas ouverture à ce droit de mutation .
Toutes ces condamnations sont pi'ononcées, on peut le
contre les '/nuisons lnêlnes, en ce sens que les déten­
dire,
teurs, même les locataires, peuvent être contraints à l'exé­
cution (( pal' les voies les plus rigoureuses, et par provision,
nonobstant opposition ou appellation quelconque, comme.

deniers royaux. ». C'est en vertu de ce principe que les lods
et ventes dus sur le contrat du sI' Despinel sont mis à la
charge de Jean Le Nobletz. .
Le . magistrat était condamné aux. frais de l'instance; '
mais, à ce point de vue, à cette époque, c'était plaisir que de
plaider! L,es deux sentences contiennent l'une onze rôles,
l'autre dix; les frais d'expédition sont de 3 livres 11 sols et
3 livres 7 sols. La feuille double de timbre est de un sou; elle
nous coûte aujourd'hui 1 fI'. 50, trente fois plus. Comme
vous voyez, nous sommes en pl'ogres.
Penseriez-vous que M. Le Nobletz va s'exécuter de bonne
grâce?., Vous vous tromperiez. L'appel lui est ouvert; mais
il n'usera pas de cette faculté; seulement il n'exécutera pas
la sentence (26 juin).
Elle a été notifiée à procureur le 2 juillet; la semaine
accordée pOUl' l'exécLltion . passe, les mois suivent, une
autre année va commencer. Il faut pOUl'tant a.voir raison d~

cette inertie.... '.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. - T9ME XXIII. (Mémoires). 2

Aux premiers jours de l'année 1683, Bougjs entl'e en
campagne. Il marche sur Quimper escorté de Charles Le
Breton, sergent général et d'armes au parlement (1). Il n'a
pas voulu requérir un sergent au présidial d'instrumenter
contre le conseiller, lieutenant criminel: il craint que les
sergents au présidial, se troublant devant leur juge, ne
commettent quelque nullité! '
Mais, dira-t-on peut-être, qu'est-ce que ce sergent général
et d'armes?
Les sergents généraux et d'armes se prétendent les suc­
cesseurs des sergents d'armes qui portant la masse escol'tent
le premier huissier marchant devant le Roi quand il entl'e en
lit de justice, (.( et qui pouvaient instrumenter par tout le
royaume, même contre les princes». En tout cas, ils en sont
les successeurs amoindris .
Ils sont établis devant les parlements et les présidiaux et
ils peuvent instrumenter dans tout le ressort de leur juridic­
tion en concurrence avec les sergents bailliagers, c'est-à-
dire attachés aux sénéchaussées royales inférieures. Ce pri-
vilège leur est accordé à la condition qu'ils fassent gratui­
tement les actes fi la réquisition du ministère public (2) .
Ajoutons' que leur transport hors de la sénéchaussée de leur
résidence est payé par celui qui les requiert (3) : la partie
adverse ne verra passer en taxe que les frais du sergent
royal établi sur les lieux. Disons aussi que le sergent g'énéral
( 1) Charles Le Breton se dit établi à Foug~l'es et résidant pour les alIait'es
till
du Roi en la ville de Quimper , " hôtellerie de la Croix de Malte Il. Cette
hôtellerie n'existait plus en 1750. (Rôle cie la capitation.)
p) C'était une commission très onéreuse. En févl'Îer et août 1653, le
parlement dit qu'ils ne sont pas tenus, hors ' du siège auquel ils sont atta­
chés, d'exécuter les commissiot1s des juges. Duparc-Poullain, 1., 00.
(3) Arrêt du 10 ·août lG84, Duparc-Pollllain, Coutume tie lJ/'ctag '7e .
1., 90. Il est bien juste que celui qui veut se ([onner le luxe d'un sergent
~énéral paie les fl'ais de transport extraordinaires.

êrn Parlement n'a pas concurrence avec les sergenis

la ville close de Quimpel', fief des Regaires, Bougis n'aurait
u donner à Quimper le spectacle d'un sergent général ins-
Pd" , " 1 l' d f
tl'nrnentant e mantere a l11ecllee a co ere e son ougueux
mandant, et la risée des mo'ndres clel'cs et de toute la ville.
Le 17 janvier, le serg~nt g0néeal notifie la sentence, « par-
lant à la personne de Mil'e Jean Le Nobletz )); le 16 février, il
reçoit l'ordre de faire commandement à fin de saisie des
JIleu bles. '
sergent ne soit bien informé de ses' règles;
Nul doute que le
et on ne peut attribuer qu·ù.la crainte révérentielle tontes les
qu'il va commettl'e. Il entre dans la maison du
maladresse3
conseillel' uu l-bi, non sans émotion; il l'aborde avec forces
je suppose; et lui ra:t sc>n compliment, je veux
salutations,
dire son « commJ.ndement de payer pl'ésentement les som-
mes portées à la sentence )). Il ne doute pas du succès
du gr'and mot commandement même prononcé d'une voix
d'émotion; et il se flatte que le magistrat va
tl'emblante
meu­
recule!' devant la menace .d'une vente publique de ses
hIes au pied de la croix au milieu do la place Mauuert (2),
et qu'il va ouvrir' sa bourse si Lien garnie.
Trompeur espoil' ! M. Le NobleLz prend la parole et répète
l'argument que j'ai mis plus haut dans la bouche de son
à payer les lods et ventes
procureur. Il se refuse absolument
du contrat Despinel ; il réduit, de son autorité, le chifIre de
à 629 1. 11 s. 3 d. ; il dit qu'il ne doit pas le double
sa dette
droit, et déclare qu'il ne paiera même pas la somme de
629 livl'es, dont il va demander et dont il espère bien obtenir
décharge.
(l ) Pour plus amples l'enseignements, je me pel'mets de renvoyel' à mon
élude: Sergents j'éuités. sergents généJ'aux et d'arlnes. etc. (1889).
("2) C'était. la place Ms ventes mobilières SUl' saisie. P; V. du G avril
1712, Arch. du Finistère, E. 7. Arts et métiers.,', Chan. Moreau,' p. 21.2.

Le général et d'armes n'a pas à écouter ses raisons; il
déclare « qu'il va procéder à la saisie et prompte vente » •
Mais, pour opérer la saisie, il faut des témoins, des re­
cords; et le sergent général se croyait si sùr de l'effet
du commandement qu'il ne s'est pas as~uré de ces indis­
pensables auxiliaires.
Affolé, il sort en hâte pour chercher des témoins. Il peut
se promettre de n'en pas manquer. Son enh~ée dans la mai­
son du juge a fait scandale; la place est pleine de bourgeois.
Le sergent général en interpelle deux: dont l'un est juste-
ment le sr Despinel : Le sergent les ,« somme d'assister à
l'exécution ) ; « ce qu'ils ont refusé ), ajoute ingénumen t le
procès-verbal. Je le crois bien et chacun de nous eût fait
comme eux.

« Nonobstant» le général va faire sa saisie; c'est-à-dire
qu'il se résout à faire une saisie qui sera nulle. Il est clail'
que le pauvre sergent d'armes a perdu la tête.
Ce beau parti pris, il saisit « les espèces de meubles » qu'il
énumère dans l'ordre suivant: (e Six chaises g'arnies en bou-
« gl'ain, une grande armoire de cuisine: une douzaine de
« plats d'étain, deux douzaines d'assiettes aussi en étain:deux
{( chevaux, un poil bai, l'autre blanc (On dirait qu'il les
« a trouvés à la cuisine) deux tables de bois, une gal'l1iture
« de lit de drap 'bleu avec sa frange, deux douzaines de
« draps et deux douzaines de serviettes de toile de lin. »
Le général d'armes s'arrête: il juge que la vente de ces
objets 'assurera le paiement, et il annonce qu'il va « déplacer
« les meubles et emmener les chevaux pour en faire la
(J. vente. »
M. Le Nobletz se ravise et offre au général de venir avec
lui ChèZ le receveur qu'il va payer. Le général saisit cette
ouverture: il a tout intérêt , à ,se montl'er clément puis-
que $a saisie' est nulle. M. Le Nobletz paie la c11efIl'ente

'e'rée et la somme arbitrée par lui-même pour les lods et ·

,'entes; et un reçu lui est donné; mais un reçu à-compte, car ,
'1 se refuse à payer le double droit. Il paie en outre le coût
de]a notification du 17 janvier et de l'acte nul qui vient d'être
fait, .
« Mais, se dit le général d'armes, mon mandant ne peut
se contenter de cette demi-exécution. A quels reproches me .
exp~sé! » Par bonheur, en route, il a rencontré deux
suis-je
sergents; il s'empare d'eux comme témoins, et il constate
(ce qui ne raccorÎ1moderait pas l'acte nul) que « copie a été
remise en leur présence et qu'ils ont signé l'acte ». J'ai
l'acte sous les yeux; un des témoins retardataires et impro-
visés en désespoir de cause n'a pas signé, et la nullité de
saute aux yeux. En vérité, le général et d'armes joue
l'acte
de malheur (1 ).
Mais ne nous méprenons pas: ne voyons pas dans la résis­
une pensée de fraude qui n'y est pas;
(,ance de M. Le Nobletz
mais seulement une erreur de droit soutenue avec l'obstina­
tion d'un vieux breton (2).
C'est ainsi sans doute que son attitude, qui nous paraît si
étrange, fut appréciée de ses contemporains; et les meil-
leurs juges en fait d'honneur lui gardèrent estime et respect. '
'Je n'en veux d'autre preuve que la solennité de ses obsèques .
Le 18 janvier 1687, ft cinq heures du soir, son cercueil sortit
de la maison pOUL' être déposé à Saint-Mathieu, dans la

(1 ) J'ai tort de plaisanter ce pauyre général et d'armes si respectueux
d'un juge. Il y a quelques années, lors de J'épuration de la magistrature,
quelques-uns de mes collègues ont reçu par huissiers notification des
décrets qui les ad'Iie t lù'nt Jisez les con:lamnûcnt) à la retraite. r.es
notifications ont élé fuiles aVéC des marques de respect qui étaient une
leçon el.e conyennnce pOUl' les commettants des huissiers .

("2) Les acles d'acquèt de [(i.')S et tG)\) ne men tionnen t ni les rentes ni
les lods el. "entes; mais le [l possible que Le Noblelz n'ait pas pris soin de recourir à cet acte?
D'autre pnrl, le receveur du Roi avait en mains le procès-verbfl.l de la
réformation de j :JJ9 i et Le Nobletz pou\'ait en prendre communication .

tombe élevée du Perennou, en la chapelle de la Madeleine.
{( La levée du corps fut fait.e par le vénérable chapitre de
Cornouaille tout entier: messieurs du présidial en corps et
toute la noblesse fnisant cor1ège (1) ».
Qu'est-il advenu de la demande en décharge que M. Le
dû présenter? C'est ce que nous ne s'avons pas et
Nobletz a
ce qui n'importe guère .
Quel désordre dans les finances nol.1s révèle cette afTaire !
Et Colbert est ministre depuis vingt ans! Qu'état-ce donc
ayant lui? Peut-on s'imaginer un receveur du Roi ayant en
mains le rôle de 1539, fur lequel sont portées les ren1es dues
par les maisons dont nous venons de parler, et ces rentes
restant impayées de temps presque immémorial! A pparem­
ment qu'il en était ainsi de beaucoup d'autres. Avouez qu'il
eût été plus simple et plus juste de faire rentrer exactement
toutes les rentes dues au Hoi que d'imposer de nouvelles
taxes, comme par exemple celle du papier timbré qui allait
soulever ' des émeutes sanglantes suivies de ces exécutions
sans pitié dont plaisantera IVlmc de Sévigné!. ..

A Cl ui l'a fa LI te? Elle est moins aux déhiteurs de rentes
qu'aux rece\'eurs du Hoï ! Que dirions-nous d'un percepteur
'des finances, cl'un receve~lr de l'enregistrement s'ohstinant
à ne pns fuire rcntl'er les contributions ni, par exemple, les
droit~ . de mulntion ? Faute impossible à commettre aujour­
d'hui et tl'ès heureusement ;' mais qui fut fl'éqllente autrefois,
et dont la sentence de 1682 apporte une nouvelle preuve.
Bougis arrive, il fait payer les rentes arriérées; mais apl~ès
.lui le désordre ancien recommence de plus belle. J'ai sous
les yeux des quittances de 1703 données pOUl' cinq années
reçues ensemble. Le 26 février 1758, nu nom du duc de
Penthièvre, a.ITéagiste du Roi, assignation ' était donnée en
(1) Acles de Saint-Mathieu.

due sur la maison dont no~s nous occupons. .

Le 9 novembre 1683, René Le Noblet.z avait atteint sa
"ingt-cinquième année, âge requis pour devenir conseiller
aU présidial: c'est sans doute à cette époque qu'il fut pourvu
de ce titre; et moins de deux ans plus tard il était pré-
sident (1).
Dans l'intervalle, il avait obtenu la main de Marie-Renée­
Agnès du Chastel de Kerlec'lJ, fille de Claude de Kerlec'h, sei­
gneur deLangalla(Plouarzel), et de Marie de Plœuc deKerharo,
issue de l'illustre maison qui, plus de deux: siècles aupara-
. vant, avait donné à la France les deux fameux Tanneguy dù
Chastel: le premier, prévôt de Paris pendant la démence de
Charles VI, qui une nuit arracha le Dauphin aux mains des
Bourguignons, SUUYélllt ainsi la fortune de la France; le
second, ami du roi Charles VII, resté fidèle au Roi mort, et
employant 50,000 livres de sa Lourse à la célébration de ses
obsèques auxquelles Louis XI ne songeait pas.
Vers 1270, Bernal'd, fils puîné d'lm autre Tanneguy., troi­
sième aïeul du prévôt de Paris, avait épousé l'héritière de
1\e1'lec'h à ]a condition de prendre ce nom. Trois cents
ans plus tard, la branche aînée du Chastel s'éteignait;
(1 ) Conseiller au présidial était-il déjà, ou devint-il plus tard, en même
temps que président au présidial, lieutenant général civil et criminel de
l'amirauté et président des fermes du Roi en l'évêché de Cornouaille? -
L'acte cie mariage de sa fille mentionne ces demiers titres (St-Ronan,
30 juillet 1 iO'l.)
C'est au titre de président au présidial, que le 12 juillet 1685, il prési­
dait l'assemblée de la communauté en l'absence du gouvemeur Hyaci'nthe
de Visclelou et du sénéchal Charles Dondel. Il fut député ' aux États qui
allaient s'ouvrir à Dinan; et, le 30 août, il rendait compte à la commu­
nauté cie ce qui s'y était fnit.
Ne pas confondre le président au présidial avec le sénéchal. Celui-ci,
sauf de rares intervalles, fut le premier magistrat et le chef de la coin­
pagn ie.

et Claude, baron de Kerlec'h, chevalier de Saint-Mi_
chel, obtenait de HeTIl'i III l'autorisat.ion de repre.ndl'e
le nom du Chastel~ {( af1n~ disent les lettres de pel'pétuer le
«( nom comme un nom connu par de grands senices. rendus
« à la couronne ». Jamais ordonnanee ne fut plus justoment
motlvee.
était ]a dixième descendante de Ber­
Marie-Renée-Agnès
nard de Chastel. Il ne parait pas que des fils soient. nés du
mariage de ses parents. Etait-elle ainée et principu10 hél'i-
tière? J'en doute; car jevois sa sœur, Anne-Hélènc-Mai'ie,
prendre le titl'e de Langalla, la principale seigneUl'ie clu
père: quoiqu'il en soit., c'était un grand bonneur pOUl' René
Le Nobletz que d'entl'er clans la maison du Chastel même en
épousant une cadette.
Le mariage n'a pas été célébré à Quimper et jïnrère la
dat.e de 1684 des actes de baptême suivants que fournissent
les registres de Saint-Honan et de Saint-Sauveur.
1 ° Françoise-Renée bapt.isée le 21 octobre 1685; elle a
'POUl' marraine son aïeule maternelle Françoise Kernamen .
2° Jean, baptisé le 7 avril 1686; il a pour parrain Jean Le
Nobletz, son aïoul paternel, et meurt le len~emain de son
baptême.
3° Hené Claude-l\lichel! baptisé le 19 avril Hl89.
4° .lean-Nicolas, baptisé le 25 avril 16D1.
5° Un ellfald \lé et 1110l't le 19 décembre 1692.
U') ne né-y \"os, baptisé le .15 févriel' 16D5 .

7 Tltérèse-Geneviève, baptisée le 6 janviel' 1GD7.
(Saillt-Sauveur et Saint-Julien. )
Dans le second de ces 'actes, Jean Le ~obletz n'est plus
qualifié ~onseiller du lloi ; il avait sans cloute renoncé à ses
fonctions de magistrature quand son fils était enlré au pré­
sidial. Les actes donnent à Hené Le Nobletz le titre de
seigneur de Lescuz, que ses parents lui' avaient abandonné
en le mariant, et le titre de cheyalier, que son père ne pre-

nait pas de son vivant et que ne lui donne même pas son
acte de sépulture (1).
Les deux derniers actes nous révèlent un humble et tou­
chant usage souvent suivi à Quimpel'. Les parrains et mar-
raines des deux derniers enfants sont des pauvres; et ils
donnent leurs noms à leurs nobles filleuls. Ce sont eux qui
tiennent sur les fonts ces enfants auxquels font cortège des
seigneul's et dames de Plamc, du Chastel, de Visdelou, tout
ce qu'il y a de plus distingué clans la Cornouaille. Un des
actes prend soin de dil'8 que « la cérémonie s'est faite en .
présence de pauvres ».
La veuve de Jean Le Nobletz lui survécut longtemps: elle
vit naître tous ses petits enfants. Peut-être eut elle le mal-
heur de survivre à son fils. .
Le 23 aVl'il 1697, elle était marraine de la fille jumelle
« d'un manœuvrier}) (Saint-Mathieu) ; en 1703, ililli es't donné
quittance de la che[frente due au Roi, pour les années 1701,
1702 et 1703 ; mais elle ne signera pas au mariage de sa
petite fille, en 1705. Elle est donc décédée un peu avant ce
mariage; mais son acte d'inhumation ne se trouve pas aux
registt'es de Saiut-Mathieu (2). Je n'y trouve pas non plus
l'acte d'inhumation de son fils qui se place avant les premiers
mois de 1705. . .

Françoise-Renée Le Nobletz était une riche héritière (3) :
elle avait vingt ans en 1705; et le moment était venu de la
(1) Les commissaires à la réfol'lnation de IGG8 et annees suivantes
avaient « décoré les ai nés de cerlaines familles du titre cIe chevalier })
comme hèl'r;dilrul'C. (V.· sur ce point les justes proLestations de M. de
CoufIon de Kerdellec'h. Recherches sur la chevalerie en Bretagne, l, ch. IL )
D,nis l'usage, au dernier siècle, le tilre de chevalier passa aux eadets des
familles noot ." s.
cz; L'obituaire du r.hapitre mentionne deux messes par mois, dites pour
Fr'ançoise de Kerna!flen, 10 janvier. Ce jouI' est sans doute le jour du
décès; mais l'obituaire ne mèntionne pas l'année.
(3) Elle paraît être restée seule ou du moins sans frère .

mariel'. Le 29 juillet de cette année, la juridiction des
Regaires l'émancipa; et le lendemain, par permission de
l'évêque, elle fut mariée , dans la chapelle de la maison
prébcndale de la rue Verdelet. Elle donnait sa main à cc Guil­
laume-Jean-Baptist.e-François Becdelièvre, chevalier, sei­
gneur dudit lieu, fils aîné de haut et puissant Mire Jean­
Baptiste, marquis de Becdelièvre, chevalier, seigneur de la
Br-unelaye, conseiller du Hoi en ses conseils et son premier
président en la chambee des comptes de Bretagne, et de
dame Renée de Sesmaisons, dame de la Bmnelaye (1). »
Les paeents du marié ont eu l'honneur de recevoie Mille
de Sévigné à Nantes, au printemps do 1660. Malheur à eux!
voici le poetl'ait qu'elle fait de ses hôtes (lettre du 27 1ai).
Le prernier président c( est un jeune homme de ,:ingt-sept
cc ans, fUl,t joli. Il est 'devenu magistrat par son crédit, et il
c( a acheté toute l'expérience nécessaiee ... Il a depuis épousé
c( une fille que je connais fort ... Ils sont revenus pour moi
c( de la cam~)agne où ils étaient. .. » Voilà ces deux. jeunes
époux bien récompensés de s'être dérangés! Ils ne soup­
çonnaient pas comment Mme de Sévigné payait trop souvent
les sel'vices rendus .

La vérité est que ce cc joli petit jeune homme » était un
digne et grand magistrat très loué de d'Aguesseau et très
estimé du roi Louis XIV; et Mme de Sévigné a manqué une
fois au moins de prévoyance. Quant à la première prési­
dente, il suffisàit .d'ouvrir les yeux pour la juger: c·ét.ait, au
dire de Mme de la Fayette, « la plus belle femme de son
c( temps, avec une vertu égale à sa grande beauté. » Puisque
Mme de Sévigné la c( connaissait fort c(, elle aurait pu nous
renseigner SUl' ce double point; mais il était plus facile à
Mm e de la Fayette de dil'e la vérité : elle n'était. pas mèl'e de
(1) Le titre de marquis est donné un peu hâtivement, en liOJ, à M. de
Becdelièvre. La vérité esl quc son fils (et non lui; obtint en 1717 scule-
l'érec~ion en marquisat c1'une terre venant de sa mr.rc. .
ment

Mille de Grignan, que Mme de Sévigné croyait, sur-la parole
de son cousin Bussy-Rabutin, « la plus jolie fille de France. )}
Voilà en qu'elle noble famille entrait Mlle Le Nobletz (I).
Guillaume de Becdelièvre devint à son tout' premier
)J'ésident de la cout' des Comptes. Il obtint l'érection en
qu'il tenait de sa mère, et c'est là qu'il mourut,
rande,
avant son père, le 7 novembre 1733. Son fils fut aussi
premier président de la cour des Comptes et transmit à son
Jlls cette charge devenue comme héréditaire ; Mlle Le
Nobletz fut ainsi belle-fille, femme, mère et grand'mère d\;
premiers présidents de la cour des Comptes.
Veuve, Mme de Becdelivre résida à N'Entes: c'est de là
qu'en 1745 et 1746 elle louait la maison paternelle: les bou- ,
100 li v. chacune, le premier étage auparavant occupé
tiques
par l'vI. Gazon, receveur des fouages, 165 liv. ; enfin une
petite partie de cet étage éta it loué comme pied à terre et
moyennant L 5 liv. à M. et l\t des Landes, sgr et dame de

Kenem (Pluguffan). Il semble que ce prix de location soit
ainsi réduit c( parceque il ne sera: pas logé de liqueurs ni
« ~oissons en barriques ou en tierçons.)} Singulière con­
dition !

Le '28 mai 1753, Mme de Becdelièvre vendit sa maison de
Terre-au-Duc, pour une somme de 7,900 liv. à Mire Allain
Gent il , sgr de Rosmorduc, de Kerazan, de la Ville-Frioul'
, (év. de Saint-Br:ieuc), lieutenant des vaisseaux du Roi et
chevalier de Saint-Louis. M. de Rosmorduc habitait

d'ordinaire son manoir de Kerazan, et la maison de la Terre-
c' " . _,,,,, __ · _.~ '. __ "_'-"_ L",_". __ , ____ L ._~ ... _ • • , __ ,, ___ • : __ ._.&_. ______ _
( 1) Nous retrouvons les jeunes époux à Quimper l'année qui suit leur
mariage: Le 9 novemhre 170(;, M. de Becdelièvre tenait sur les fonts à
Saint-Bonan, avec la dame du Châtel, sa belle-mère, un fils de Jean
ne trouvons plus traces de leur séjour
Lehon, maitre traiteur. Après, nous
à Quimper.

au-Duc devint son pied· à-terre en ville. Il avait quitté le
service de bonne heure, probablement après les vingt ans
nécessaires pour obtenir la cl'oix de Saint-Louis: il n'avait
que quarante-deux ans. Il fut nommé capitaine général de la
capitainerie cie Pont-Croix.
M. de Rosmorduc avait un enfeu dans l'église Saint­
Mathieu, entre le grand autel et celui des Trépassés: il ne
songeait pas à en prendre POss ~)ssion par lui-même; et, le
25 décembre 1753, quand mourut son ami et voisin é.cuyer
Paul Mascarenne, sgl' de Hivière, de la Coudraye, Lessol
et autres lieux, M. de Rosmorduc autorisa son inhumation
dans cet enfeu.
Quatre ans après, lu~-même y venait prendre place
(2G novembre 1757) . .
- Si M. de Rosmorduc fut marié ce qui-ne paraît pas-
il ne laissa pas d'enfants; et son frère René-Hyacinthe le
Gentil~ fP' de Rosmordllc et de Kerazan~ ancien capitaine
au régiment de Béarn, fut son principal héritie"r .

Celui-ci, marié à Catherine-jeanne-Agathe Fleuriot de
Langle, habitait son manoir de Kerazan et donnait en loca-
tion sa maison de la Terre-au-Duc. Il mourut en 1759,
laissant pour hérit.ier Allain-Marie le Gentil de Rosmor-
duc (1). .
Quelques années plus tard~ le 6 juin 17G8, celui-ci vendit
la maison de la Terre-au-Duc pOUl' la somme de 8,000 francs
à Catherine-Charlotte Tacren du Let y, de la Ville-Seigneur,
demeUl'ar1t rue du Salé, à Quimper.
Celle-ci était fille de Joseph-Char-les Tacren, sr du Léty,
avocat en par-Iernent: et de dame Thél'èsc-Olive LinoëL En
mourallt, elle laissa sa succession à ses deux sœu r's l\Iarie­
Rose, mariée au sr Le Goaeue de Toulgoët, et Oli ve~ femme
(1) Sa succession devait être assez considérable. V. minus fournis au mar­
• de Carman et aux se igneuries de Tromenec, de Kerengard, de Tro­
quisat
de l'enregistrement de Quimper. 14J, fo Il v· e~ 1 2. 1'0,
melin. Reg.

dn sI' Moullin, demeurant ' à Concarneau, La maison échut
cn partage aux consorts Le Goaezre,' qui, par acte du 29
mai 1839, l'ont vendue à M. Eloury, architecte.
Depuis, la maison a passé, vers 1866, à M. et Mme SeigneLte
qui, depuis ce temps l'habitent, et, plus avisés que beaucoup
d'autres: garùent soigneusement leurs titt'es. , '
titres, qui malheureusement ne remontent pas au-delà
Ces
du partage de 1646, m'ont été obligeamment communiqués';
ils m'ont permis, avec quelques renseignements puisés dans
les registres paroissiaux et aux Al'chives dLl Finistère,
d'écrire l'histoire de celte maison.
dira-t-on? - Cette histoire ressemble à celle ,
A quoi bon,
de toutes ses voisines : elles ont vu naitee, se marier et 1
mourir; elles ont été témoins de joies et de douleurs.
- Je vous l'accorde; mais un fait pourtant est à retenir
dans l'histoire de la maison, et c'est pourquoi j'ai éCl'it
cette histoil'e : c'est la condamnation portée contre le
au présidial et les faits qui l'ont suivie. Mais si
conseiller
Le Nobletz revenait eu ce monde et qu'il daignât lire
Jean
ces pages, ne dirait-il pas mélancoliquement ce qu'on a dit des
peuples: tC Heureuses les maisons qui Il'ont pas d'histoire! »

J. THÉVÉDY,
Ancien Président du Tribunal de Quimper.

NOTE DE LA PAGE U.

5 mai 1Gj~, date de la mort 'de Michel Le Noblelz. Il faut s'en tenir Il
cette date que notre confrère le chanoine Peyron a relevée SUl' les registres
paroissiaux de Lochrist ,aulrefois, comme Le Conquet, trève de Plougon-
yelen). Kerdanet (Notu;es chrono log iq ues. p. i!1Î ) don ne la date
5 mai 1 (j 5 4. qui a éle sou ven t répétée. Levot (lJiog . Bret II. p, 28'2),
- par une év idente transposition des rhiffres 5 et a, donne la date 1502.
. Le 'Men (Monog. de la Cath. de Quimper, p. 78) indique la date de
1662, ... etc. .