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Bulletin SAF 1895


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Notes sur la commande d’un vitrail à Brasparts

M. Villiers du Terrage

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NOTE SUR LA COJlMA~DE D'U~ VITR \IL A BRASPARTS
EN 1.b43

Les Archi"es départementales contiennent (carton E : 5)

une pièce relative à la commande faite en 154:3 d'un Yill'ai!
pOUl' l'église de Brasparts. Elle est, je crois, inédite, et mérite
de la Société archéologique.
d'être signalée aux membres
Voici la reproduction textuelle des cieux conventions contenues
dans celte pièce.
« Le vingt cinqe jour cie noyembre l'an mil cinq cents

« quarante et troys, noble3 hommes Charles de la Marche,
« SI' du dit lieu et de Bodriec, d'une part, et Giles Lt Sodec,
« peintre et vitrier, de Qui01pel' Corentin, d'aultre part, les­
« quels et chacun d'euh onl fait marché el accord ensemble
{( et par forme que le dit Le Sodee a promis et doibt faire et
« construire une yit.re en J'église parrochiale de Braspers,
« deyers le midy, en laquelle y aura mys et peint les douze
{( appostles tenant chacun un l'ollet contenant les articles du

« Credo et RUSSy y sera le nom de chacun appostle avecques en
« haut d'icelle dite "itre les armes du dit SI' de Bodriec. Est
« le dit marché fait pour lè prix et somme de soixanle li\ï'es
« monnaie et deux escuts d'or a le souleill; en oultre d'ètre
« payé par fe dit St' de Bodriec au dit Le Sodee acceptant.,
« sçavoir : la moilié à la foare de Saint-Corentin prochain
. « venant et l'aultre moitié au prochain sabmedi de la Chan­
« deleul" prochaine, d'illecques en suivant et oultre ce que
« sera le bon ,plaisir dudit SI' bailleur. Ordonner"audit Le
« Sodee après l'accomplissement de ladite vitre, laquelle
« ,yitl'e ledit Le Sodee ll'ouycra pres~e ded1Hls ia feste de Nl'e

.« dame en my mars procha in venRnt, gréé 'et jure par la
c( court du Fou 0 toute renonciation liaison serment soub-
c( mission et prorogation de juridiction, condamnation, etc .
c( En maire forme de contrat et sauft forme en la maison de
« Alain Heart, l'un des not.aires et. tabellions, cy souscrits,
« les jours, an que dessus. l)
c( HEART. l:
Au dos de cette pièce se trouve une seconde convention que
nous reproduisons textuellement.
« Le tiers jour de décembre de l'an mil cinq cents quarante
c( troys, noble escuier Charles de la Marche, Sieur dudit lieu
c( et de Bodriec, d'une part, et noble escuier Louys Ansqer,
c( Sr de la Forest et de Penguern, et aultres, lequel SL' de
c( Bodriec a accordé et consent y que le dit sieur du Penguern
c( mettra ses armes en ladite vitre mentionnée de aultre part ·
c( de ceste, au desoubs de celles du Sl' de Bodriec, parce que
c( ledit Sr du penguern baillera audit Sr de Bodriec pour ayder
« à la mise d'icelle vitre seize escuts d'or souleiIl, scavoir la
« moitié le jour de Saint-Corentin prochain venant, à la
c( maison Johannes Coatnezre, en la ville de Kemper Corentin,
cc et l'aultre moitié au prochain sabmedy de la Chandeleur
cc prochaine, d'illecques en suivant et par aultant qu'il ayt
cc deftault aux dits termes le dit Sr de Bodriec, remboursant
. cc audit dernier terme au dit Sr de la Forest la dite
c( moitié, le dit Sr de Bodriec jouyra entièrement de tout
« la dite vitre. Oultre est conditionné que le dit Sr de
« la Forest aura le gré de.:; parroissiens et en tirera acte
« encontre le dit terme de la Saint-Corentin, à peine de
« nullité de sa demande. A la dite fin grée et jure par la
« court du Fou 0 toutes renonciations, liaison, serment,
« soubmission, condempnation, etc., en la maison de ('1)

(1) Ici figurait le mot maistre qui a été rayé.
BULLETIN ARCl-If:OL. PU FINJSTÈHE, ' TOME XXII. ( émoires). 21

«. Jehan Lemillour, l'un des notaires et tabellions soubscripts
« le dit jour et an que dessous.
« Constat en cautelle maistre, donné comme que dessus.
« LEMILLOUR, HEART. »
Ce vitrail n'existe plus.
Le souvenir que j'avais gardé d'une visite à l'église cie .
Brasparts ne m'aurait pas permis d'être aussi affirmatif. Aussi
ai-je eu recours à l'obligeance de M. le recteur de Brasparts,
la réponse est formelle: « te vitrail des douze apàtres a
dont
« dû. disparaître depuis bien des années. Les personnes âgées
« de la paroisse ne se rappellent pas l'avoir vu. Il n'y a pas
« davantage trace, ni d'inscriptions, ni d'écLIssons des familles

« de la Marche et Ansquer. Les vitraux actuellement exist.ant
« dans le transept sont un don de M, de KeiTeL » M. le
recteur a ajouté, sur ma demande, un renseignement sur
les dimensions de la fenêtre, qui n'ont pu être sensib~e­

ment modifiées depuis 1543, soit 2 50 de largeur sur 4 50
de hauteur moyenne, La surface serait d'environ H 20, ou
105 pieds carrés. C'est le seul élément que l'on puisse aujour­
en regard du prix du vitrail.
d'hui mettre
La somme à payer par le Sr de la Marche est de 60 livres
deux écus d'or au soleil dont la valeur est~ fixée à
monnaie et
xlv t. par le Cry des monnaies publiées à Paris en parlement

le 6 jour d'avril 1511 (1). Les deux écus doivent donc être
. comptés pour 90 sous ou 4: livres '10 sous, et le prix du vitrail

ressort ainsi à 64 livres 10 sous, ce qui fixerait à environ
13 sous le prix du pied carré.
Il est difficile de se rendre compte de ce que représenterait
somme aujourd'hui. La question est des plus complexes.
cette
On peut toutefois admettre que la livre tournois de 1550
. équivaut à quatre francs environ de notre monnaie, ce qui
(1) Voir les Additions aux grandes chroniques de Brctagne d'Alain
Bouchard.

mettrait le prix du vitrail à 260 francs, mai~ on peut encore
moins affirmer que quatre francs aient aujourd'hui la même
puissance libératrice qu'une livre tournois il y a trois cent
'Cinquante ans.
Quoi qu'il en soit, le marché du vitrail de Brasparts est un
document d'autant plus intéressant qu'il doit exister fort peu
de pièces analogues. Les auteurs qui se sont occupés des
vitraux de la Bretagne, M. Pol de Courcy dans ses itinéraires,
M. Lavallée pour le canton de Quimper (1), M. de Barthélemy
le diocèse de Tréguier (2) et M. Auguste André pOlIr
pour
l'ensemble de la province (3) ont surtout examiné la question
au point de vue archéologique et historique. Seul M. de
Barthélemy a donné, avec les noms de qu.elques peintres
verriers de l'arrondissement de Tréguier, un certain nombre
de notes de dépenses portées dans les registres du chapitre;
la plupart de ces articles se rapportant à des travaux de
mais
réparations ne fournissent aucune indication bien précise.
de fourniture de vitre
J'en extrais seulement quelques prix
au pied carré, qui peuvent servir de terme de com-
mesurée
paralson.
s d d
1505. 32 pieds de verre blanc à 4 3 l'un, ci. . . . . 4 3
s d s
150ï. 1 pied et demi, 8 4 , ce qui met le pied à. . 5 6"
1606. le pied de verre peint recuit, y compris pose. t8
le pied de verre blanc. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Les comptes reproduits par M. de Barthélemy mendonnent
les dépenses faites en '1468 et '1469 pOUl' la grande
également
de Tréguier et qui paraissent s'élever à cent livres (4),
vitre
soit environ 600 fI'. de notre monnaie, si on compte à 6 frallcs
la valeur dé la livre tournois à cette époque. Malheureuse-

(1) Bulletin al'chéologiqnede l'Association Brelonne (vol. 1, 4 liv.)
("~) Id. id. id. id .
. (3) De la verrerie et des vit L'aux peints dans l'ancienne province de
Bretagne.
(4) Exactement xcviii livres ix sols, d'après M. Auguste André .

mènt cette vitre a été détruite et on ne peut juger de sa
valeur artistique.
M. de Barthélemy donne aussi le nom d'un certain nombre
de peintres vitriers tous du diocèse de Tréguier. On ne peut
en ait existé également dans les autres diocèses,
douter qu'il
on considère le gra nd nombre de verrières qui on t
quand
échappé à tant de causes de destruction, et que 1'~ rencontre,
non seulement dans les cathédrales, mais encore dans les
plus petites paroisses et clans de simples chapelles isolées
la campagne ("1).
dans
L'histoire de la cathédrale de Quimper, par Le Men, cite
en effet un certain nombre de peintres-verriers qui, d'après
les comptes du chapitre, ont été employés aux travaux de la
cathédrale; mais il s'agit toujours de réparations de vitraux.
Le nom de Le Godec ne figure pas sur cette liste; on le
trouve seulement en 1514 porté par Laurent Le Godec
qui avait été chargé de la peinture d'inscriptions . clans le
reliquaire. On y trouve également Marie Le Godec qui fut
en 1580 dans la nef de la cathédrale de Quimper. Il
enterrée
s'agit évidemment de membres d'une famille quimpéroise
à laquelle devait appartenir Gilles Le Godee.
Ce peintre a probablement exécuté une partie des vitraux
de cette époque qui existent en grand nombre aux environs

de Quimper, mais jusqu'à présent son nom n'avait pas été
signalé.
La seconde convenlion fait intervenir le même Charles de
la Marche qui, après avoir traité avec Gilles Le Godee pour
l'exécution du vitrail, traite avec un de ses voisins, Louys
Ansquer en vue d'un partage de la dépense .

(1) Celte élude n'a pas été faite complètcment dans lc Finislère. Ainsi
l'impol'tant vitrail de Tourc'h a été décrit poul'J a premièl'e fois dans le
Bulletin de la Société archéologique du Finistère en 1893. .

Charles de la Marche était le. chef d'une très ancienne
(1) qui de temps immémorial occupait une situation
famille
prééminente dans la paroisse de Brasparts. Au XVIIe et au
XVIIIe siècle, on la retrouve propriétaire aux environs de
Quimper des seigneuries de Lezergué et de Kerfors, en Ergué­
Gabéric, et de Kerminihy, en Rosporden. Elle a fourni aux
au clergé plusieurs membres distingués, notaml~1ent
armées et
un-recteur (curé doyen) d'Elliant en 17DO et Jean-François,
dernier évêque de Léon, mort à Londres en 1805. .
Louys Ansquer appartenait lui aussi à une famille noble
et s'intitulait écuyer, sieur de la Forest et de Penguern.
Cependant, pour obtenir que ses a1'n1es figurent sur le Yitrail,
il consent à ce qu'elles soient placées « au· dessous» de celles
du sieur de la Marche, et il s'engage . à payer en échange de
cette concession une somme de seize écus soleil, soit environ
40 livres, c'est-à-dire presque les deux tiers du prix du vitrail.
On remarquera dans cette deuxième convention la clause
stipulant« que le sieur de la Forest aura le grédes paroissiens ».
Il paraît en eUet assez singulier de voir établir au profit des
paroissiens de Brasparts ce droit d'intervenir dans une ques- ,
tion d'armoiries el cie prééminence.
T\el'illiniby, cn Huspol'den, octobre 1803-•

(li On croit que. Guillaume de la Marche, écuyer, qui figure aIl _ combat
des Tl'ente, appartenait ù la mème f.amille el purlait les mèmes armes.