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Bulletin SAF 1895


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Les stations paléolithiques de la Bretagne

Halna du Fretay

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X ·IV.
LES STATIONS PALÉOLITHI UES DE LA BRE'rAGNE

Un écrivain de grand talent qui vient de mourir disait quand
il parlait d'un confrère én'lèttant des idées contraires aux

siennes: « Puisque telle est sa pensée, il faut la respecter. »
Telle a été et sera toujours ma devise vis-à-vis de tous. Je
respecte la liberté des autres, mais en gardant pour moi la
plus complète indépendance.
école du passé; j'ai eu le rare
N'appartenant à aucune
privilège de pouvoir dire mon opinion franchement et sans
en ajoutant que mes fouilles et mes excursions
arrière-pensée,
d'années" m'avaient dicté
continuelles, répétées pendant tant
mes conclusions.
m'occupe uniquement dans mon travail d'aujourd'hui
des stations cL ateliers paléolithiques de la Bretagne. Les
écrits de quelques inventeurs en indiquent d'absolument
fantaisistes et malheureusement acceptées trop hâtivement
le Comité des Travaux ·bistoriques.
par
Il n'y 'a que trois stations quaternaires connues à ce jour
dam. toute la Bretagne. Les voici dans l'ordre
et indiscutables
des découvertes.

t Le ·Bois du Rocher ou la Ganterie, par MM. Micault et
à la limite des Côles-du-Nord et de l'lIle-et-Vilaine.
Fornier,
2° Keramouster, en Guengat, par moi.
.3° Poullan, par moi.
L'extrême Bretagne a son histoire écrite par les preuves
depuis les "premiers âges de l'humanité. Cette vérité était

encore inconnue lorsque j'étais déjà en pleines recherches;
bien plus, on croyait qU,e la Bret.agne n'avait eu d'habitants
qu'à la fin des temps préhistoriques parce qu'on n'y avait

jamais trouvé des gisem~nts de silex et seulement quelques
Mes
rares pierres taillées, é\idemment importées, d'ailleurs.

prédécesseurs n'avaient pas su chercher.
Il faut savoir aider le hasard. J'avais déjà trouvé plusieurs
1!éolithiques que j'ai décrits dans mes ouvrages et
ateliers
entre autres les deux stations de Kervogot et de Rulostcoët,
en Ploaré (Finistère), tr~s rapprochées l'une de l'autre; dans
les deux la preuve des gisements de silex n'est pas niable.
côté des objets façonnés, j'ai trouvé des rognons et des
éclats innombrables, avec cette particularité bizarre que le
silex est blanc à Kervogot. et rouge à RulostcoëL
Au moment de l'ouverture de la voie ferrée de Quimper à
j'avais visité les tranchées sur Guengat et Le
Douarnenez,
Juch el trouvé la t.ourmaline en associations minérales très
nuiées. J'ai dans ma colleclion de minéralogie seize types
tout à fait différents et remarquables.
me vint un jour de visiter la vallée de Keramouster
L'idée
au chemin de fer. J'avais mes marteaux et ciseaux
parallèle
de géologue, et après un travail assez long je m'étais assis à
côté du ruisseau: l'eau était claire et je crus voir au fond un
sable très brillant. Je ne m'étais pas trompé; il n'était guère
composé que de très petits éclats de silex et de quartzite.
fixé, et il ne me restait plus qu'à chercher l'atelier.
J'étais
Une montagne élait à peu de distance; ce n'était pas là et
il fallait explorer les bords des deux ruisseaux. J'avais bien-
, tôt trouvé les blocs de quartzite à la surface de la terre et
quelques jours après un · travail énergique en profondeur me
faisait découvrir dans l'argile d'alluvion les rognons de silex
et l'immense quantité des quartziles el des silex taillés.
en présence d'un travail néolithique et j'écri-
Je n'étais plus
vais presque aussitôt à un de mes amis, .dont la réputation

'. -'ij'lll
, iJ Fa

est bien grande, pour lui faire part de cette curieuse décoù-
verte d'un atelier quaternaire à l'extrême limite de notre con­
tinènt. Il doutait; mais il est venu voir et m'a dit de suite:
pas de doutes.
J'ai donné tous les détails de cette longue fouille et de ses
résultats prodigieux dans mon mémoire: La Bretagne anté­
dilu'vienne, silez quaternaires en Guengat (Fmistère), paru
au Bulletin de la Société polymathique du Morbihan, en 1887.
Dans son numéro de septèmbre 1894, la Revue mensuelle
de l'écule d'Anthropologie de Paris donnait le compte rendu
la suite d'un don qui m'a: été demandé et que j'ai
suivant à
le musée
fait très volontiers pour l'École d Anthropologie el
de Saint-Germain.
«, Tous ces types avec taille très caractérisée sont t.rès
« remarquables et cette découverte n'a pas eu tout le reten­
« Lissement qu'elle mérite; la taille des instruments en
« quartzite de cet aLelier est analogue à 'Celle du Bois du
« Rocher, mais au lieu d'être à l'extrémité nord-est de la
« Bretagne, dans les Côtes-du-Nord, cette nouvelle station
« découverte se trouve tout à fait à l'ouest, au bout du

« Finistère, à Keramouster, commune de Guengat, à tl'Ois
« kilomètres de la gare de ce nom et à deux kilomètres du
« Juch, dans la vallée qui aboutit à la baie de Douarnenez.

« Les figures montrent que les coups de poing, les haches
« sont semblables aux échantillons du Bois du Rocher; mais
« ce qui distingue l'atelier de Keramouster, c'est qu'on y a
« rencontré aussi des silex taillés et l'on sait combien on
« croyait les silex rares en Bretagne. Le baron Halna du
« Fretay a trouvé là en effet les gisements de silex à côté du
« granit et des blocs de quartzite. »
J'ai assuré dans mon mémoire que nous étions là à latin
de la période paléolithique; mais dans une autre publication
que j'ai lue au Congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne
(Paris, 27 mars 1894) et ql,li a été ins$rée au Bulletin de la

Sociétë archéologique du Finistère en 1894 : Les cimetières
préht,storiq ues, sépultures sous les roches brutes, je dis au
contraire que sur les ' sommets de Poullan (Finistère), au
mili8u des roches erratiques du tenain primaire, nous avons
à relater le souvenir des premiers habitants de la presqu'île
d~ Bretagne, presque au début de la pél'iode paléolithique .
. On n'avait pas trouvé là encore le quartzite et le silex, et
l'homme devant la nécessité avait taillé le granit pour les

obligations de sa dure existence.
Voilà l'histoire vraie, par les pierres, du Finistère à son
début.
Baron HALNA DU FRETAY,
J'ice-Présiden t de la Société archéologique d Il F inist ère, Corres­
pondant du ministère de l'Instruction publique.

. Château du Vieux-Châtel, par Quéll1éné\'en, 17 juillet 1890.