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Bulletin SAF 1895


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Notre-Dame-du-Mur et la confrérie de la Trinité à Morlaix

Abbé Peyron

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XIII.
NotIre.-Dame-àu- ur et la confrérie de la Tl'inité
A MORLAIX
Le venG'redi 28 ma,ps 1806 s'écroulait à Morlaix la tour de
l'église de Notre-Dame-du-Mur. C'était le dernier mor­
ceau (i) de ce magnifique bâtiment élevé par la piété des
ducs de Bretagne, et entretenu par la généreuse et singulièl>e
dévotien des habitants de Morlaix pour leur sainte Patronne.
M.ai,ntenant encore cette dévotion est des plus populaires
dans toute la ville. Aussi avons-nous pensé que dans cette
année 1895, qui est le sixième anniversaire centenaire de sa
fondation, il serait intél'essant de rappeler dans notre Bulle­
tin quelque chose de l'histoire de cette importante collégiale.
I. Origines et importance de la collégiale
de Notre-Dame-du-Mur.
Le pape Innocent XI (l676-1689) (2), clans la bulle par
laquelle il reconnaît à Notre-Oame-clu-Mur le titre de collé­
giale, constate non sans amertume que les actes primor­
diaux de la fondation ducale aussi bien que la bulle pontifî-
(1) Notre confrère M. l'abbé Abgrall nous fait remarquer qu'il resl~
encore, dans l'intériêur des maisons construites sur l'emplacement de la
collégiale, quelques pé\ns de mur et des enfeus qui donnent une idée du
caractère architectural de l'édifice. Il rappelle également qu'au moment
de la chute de la tour un enfant de trois ou quatre ans demeura enseveli
sous les décombres pendant plus d'un joUI' et n'en sortit vivant que par
de la divine Providence. Cet enfant est entré plus
une protection évidente
les ordres sacrés.
tard dans
0) Arch. dép. du Finistère. G. 185. .
« Plurimi Britanniœ loci ab Anglis miserandum in modum sœpius
fuerunt devastati, ipsaque rationum camera regia in urbe Nanetensi, ubi
et arca actorum ejusdem provinciœ, fuit combusta ... ipse Mons relaxus ab
'eisdem anglis pIura expertus fuit incendia in quibus fere omnia loci acta
et instrumenta certum fecere naufragium et verisimile est ereclionis
qure nec in bullario etiam incendiato reperitur, perisse in Lam
bullam
communi excidio, »

cale qui l'a confirmée ont péri, soit par l'incendie de la '
chambre des comptes de Nantes, soit par suite des incursions
des Anglais SUl' les côtes de Bretagne, et tout spécialement ·
à Morlaix, soit par l'incendie du bullaire lui-même. .

En revanche, à partir du 16 siècle, les documents abou- ' .
dent aux Archives départementales du Finistère sUl'cettè
église dont l'histoil'e est étroitement liée à celle de la ville
de Morlaix.
Comme le cléclaee Innocent XI dans la bulle déjà citée,
cette église fut fondée par les ducs de Bretagne dans 'l'en­
ceinte du château de la ville de Morlaix pour leur service
plrticùlier ( dicta ecclesia Domina Maria de Muro fuit
fundata ab antiquis Bl'itanniœ ducibus pro suo domusque
sua servitio intra castelli Montis relaxi muros ». C'est donc
à cette circonstance qne cette chapelle doit son nom du Mur,
et ce n est qu apres coup qu on a pu VOIr une certame ana-
logie entre ce mot mur et le mot breton meur, et tradllil'e
Notee-Dame-du-Mur pal' Sainte-Marie Majeure, à raison de
la prééminence que possédait cette chapelle sur toutes les
églises de la ville de Morlaix; Albert le Grand l'appelle il
e3t vrai « N.-D. -Le-Meur )), mais outre qu'au XVIIe sièele
on éci'vait me ur pour mur, comme esleu et receu pour élu
et reçu, nous possédons un acte de deux cents ans antérieur,
qui, comme l'acte pontifical, traduit Notre-Dame-du-Mur

pal' « capella B. M de Muro)), et cet acte émane de MgL ' Jean
de Coatqllis, évêque de Tréguier, le 7 maes 1454 (i).
Le fondateur de Notre-Dame-du-Mur fut Jean II, duc de .
Bretagne (ùe 1286 à 1305), qui moueut à Lyon écrasé par la
chute d'une muraille le jour même de l'entrée du pape Clé­
ment V en cette ville (2). La fondation fut faite en 1295, pour
(lin. G. 300.
(!) Leltre d'Innocent XI, déjà citée.
cc Lugcluni occubuil sub cujusdam parielis casu
in ingressu Clementis
papae felicis mernoriœ. e

8 chapelains auxquels fut assur.ée une rente de 200 livres
240 livres tournois, équivalant à cette époque à
monnoye ou
une somme de 24.000 livres. S'il faut s'en tenir à l'estimation

des chanoines du Mur dans un mémoire de 1752 (1).
pose de la premièl'e pierre Je la chapelle de Notre-

Dame··du-Mul' se célébra solerinellement le jour de l'Assomp-
tion , 15 aaûl1295, comme- nous l'apprend Albert Le Grand (2),
p1'0SenCe de Mg!' GeITL'OY Tournemine, évêque de Tl'é-

guier, Guillaume de La Roche-Tanguy, évêque de Hennes,
Heuri (de Calestl'ie), évêque de Nantes (originaire du diocèse
de Tréguiel'), Thébaud de Maréac (de Pouancé), évêque de
Dol, et Guillaume de Kersauzon, évêque de Léon.
En même temps le duc Jean transféra dans cette chapelle .
confrérie de la Tl'inité pour les fabricants et marchands de
étnblie dans l'église priorale de Sàint-Mathieu,
. toile, déjà
et dès 101's une partie des revenus de cette confrérie, dont
nous parlerons plus tard, fut affectée à l'entretien des cha­
pelains et à l'augmentation du service divin dans la chapelle
du Mur.
Cet édifice ne fut achevé qu'après plus d'un siècle et
demi de travail. Albert Le Grand nous apprend (3) que ce
(, frère Even Begaignon,de l'ordl'e des fl'èl'es prêcheurs du
fut
couvent de Morlaix, devenu en 1360 évêque de Tréguier, .
à la position de la premièl'e pierre du magnifique
qui ofIicia
portail de l'église collégiale de Notre-Dame-le-Meur, où le
duc Jean IV, assisté de plusieurs princes, barons et sei-
gneurs, mit la première pierre le jour de l'Assomption Notre-
Dame l'an 1366. ))
Ce ne fut qu'en 1426 que l'on commença la construction de
la tOlll', et seulement en 1431 que sur des instances du duc
Jean V, les huit chapelains furent réunis sous la présidence

1'2) Catalogue des évêques de Tréguier.
(3) Catalogue des évêques de Trr,guier .

d'un prévost pour former 'un ~éritable collège « si bien que
cette ég1ise qui n'était qu'une simple chapelle fut érigée dès
lors en sainte chapelle et église collégiale ,( 1) ». Cette érec-
tion en collégiale fut faite par le R. P. abbé de Daoulas,
Etienne Petit: qui reçut à cet efTet une délégation spéciale
d'Eugène IV (2).
La dédicace de l'église n'eut lieu qu'en 1468, le 25 avril,
jour ou Mgr Christophe du Chastel, de la mais'on du Chastel
Tremazan, en Léon, consacra solennellement l'église collé­
Nolre-Dame-du-Mur.
, g iale de
L'érection en collégiale de Notl'e-Dame-du-Mur (1431)
donna occasion aux chapelains de pl'étendl'e à la préséance

dans les peocessions et cérémonies de la ville, préséance qui
jusqu'à ce moment pa l'ait avoir appartenu aux religieux de
Saint-Dominique, des contestations s'élevèrent à ce propos
entre les frères prêcheurs et les chanoines du Mur, et néces­
sitèrent l'intervention de l'évêque de Tréguier, Jean de
Coatkis qui, par une ordonnance du 7 mars 1454 (3) , concilia
les deux partis en prescrivant qu'à la suite de toutes les
autres croix marcheraient de front les deux croix des frères
prêcheurs et' des chanoines du Mur: celle-ci à droite, celle-là
à ga uche (4).
(1) Bulle d'Innocent XI. « Instante Joanne VO,octo capellanos addito ,sub
nomine prepositi, capite eos in collegium rite erectos esse, sic que prefata
ecelesia qua prius vocabatur capella postmodum el'ecta est in sanclam
capellam, ecclesiamque collegiatam.
(l ) Loc. cil. prebende dicU collegii... erectae sunt pel' Rev. patrem 8le­
·phanum monasterii B. M. de Daoulas abbatem ad hoc delegatum a prede­
cessore nostro felicis recorationis Eugenio IVo ... (1431- /.'14 7).
(3 1 Il est à remarquer cependant que Mgr de Coetquis ne prit possession
de son évêché et encore par procUl'eur que le 1 (j mars 1154. La chose s'ex­
pliquerait en entendant la date du 16 mars 14.)'1 (selon le nouveau slyle"
c'est à-dire 16 mars 1454, et la date du 7 mars 14j4 (ancien style), c'est­
à-dire 7 mars 1455 ( nouveau style).
('1) Arch. départ. T. G. 500. '
« Quod de cetero in processionibus et aliis clel'Î congregationibus solèm­
nibus crux capella B. M. de Muro et crux religiosorum O. predicatorum)
simul' ac pariter incedant, una earum aIiam non precedente, seu etiam
sl,lbsequente, sic quod et ineedat crux dicta capella a dextra, iIIa vero
crux dictorù religiosorum bajuletur a sinislra,quacumque alia cruce easdem
ambas Cfllces in processionibus predictis more solilo precedentibus. »

Mais la collégialé du Mur ne devait pas tarder à établir sa
pl'épondérance sur toutes les églises de la ville, ses préten­
tions alla:ent même jusqu'à vouloir présider, non seulement
lors des processions génél'ales, mais encore aux enterre­
ments. En 154.0, maître Léonard Fabri, vicaire perpétuel du
recteur de Saint -~Iathieu, voulut s'élever contre une pareille
prétention, et obtint le 15 février 1541, de l'évêché de Tré-
guier, une orJonnance favorable à sa cause (1) ainsi conçue:
« N OIlS, vicaire général de révérend P. en Dieu, Louis,
pal' la miséricorde de Dieu cardinal de Bourbon. du titre

p!'8sbytéral de Sainte-Sabine et évêque de Tréguier.
cc Ol'Jonnons à tous les chapelains, prêtres ou curés de
ne se mêler ni directement., ni indirectement de l'ad minis­
tl'ation çles saCI'emellts aux panissiens de Saint-Mathieu au
pl'éjudice de m,1Ître L60nard Fabri, vicaire perpétuel et
redeur de cette pal'oisse, sans son exp l'es consentement,
leur défendons de conduire à "'la chapelle de Notre-Dame-du­
l\'l l1r aucun caùavre ou d'y célébrer ses obsèques ou même
des se l'vices sans que le dit vicail'e ,ou son suppléant ne '
soient convoqués; défenùons pareillement aux chapelains
de Not!'e-Dame-du-Mur, d'emnêcher le vicaire de Saint-

Mathieu de faire porter aux enterrements la croix de son
église, élevée sur sa hampe, devant le cadavre, comme aussi .
lea!' est interdit de troubler et de molester le dit vicaire

dans la perception des fruits et émoluments qui lui appar-
tiennent comme recteur de la dite paroisse, sous peine de
suspense pendant" trois jours et de 100 livres d'amende, à
moins qu'ils n'apportent devant nous, vendredi prochain, de
justes moyens d'opposition à notre présente sentence.
« Donné à Tréguier, le 15 février 15l1:1. ))
L'opposifon ne se fit pas attendre, Cctr le 23 février 1541
nous voyons « Philippe ,Cl'émeur, comme procureur des

nobles bourgeois de Morlaix, appeler comme d'abus de
cette sentence à la cour de Parlement de ce pays et duché)).
Mais pendant qu'on plaidait de part et d'autre, la mort ne
suspendait pas pour cela ses coups, et chaque enterrement
était une nouvelle occasion de troubies, les deux partïes
craignant par une concession semblel' faire un abandon de
ses droits. De là des conflits incessants qui dégénéraient
souvent en scandale. Le 23 novembre 1543, une enquête fut
dressée « contre les violences et troubles . scandaleux que
causait Messire LéOnard Fabri, tant aux processions qu'aux
1 enterrements, au sujet de la marche et préséance », en
conséquence le vicaire de Saint-Mathieu fut décrété de prise
de corps, mais élargi le 21 janvier 1543 (1544 n. s.) s'ous le '
cautionnement des bourgeois de Morlaix: Jean Langlois,
Guillaume du Plessix, Vincent Quintin et Pierre Le Diou-
guel qui se portèrent caution de 200 écus d'or sol et promi-
rent de 'rendre et représenter et trouver M. Léonard Fabri,
et d'iceluy répoudl'e devant Vincent Kedeo, official.))
Les violences du vicaire de Saint-Mathieu nuisirent sans
doute à la bonté de sa cause, car la nouvelle sentence de
l'évèché ~e Tréguier, le 2 décembre 1543, qui régla l'ordre
·des préséances' aux processions et enterrements, fut beau­
coup moins favorable au vicaire de Saint-Mathieu que celle
. du 15 février 1541.
Cette lutte pour les préséances continua jusqu'au moment
de la révolution entre la collégiale et les vicaires ou recteUl'S
des troi's paroisses de la viHe; mais cette église était re­
connue par tous comme le lieu de réunion pour les manifes­
tations publiques du culte de la communauté de ville. .
Dans le principe, et avant la construction d'un hôtel- de.,.
ville, c'était à Notre-Dame du-Mur que se réunissaient ·les
bourgeois pour délibérer, sur les affaires de la ville. C'est
ainsi qu'en 1570 (1) l'assemblée de la municipalit~ se tient

« au lieu dit l'œupvre du Mur». Ce lieu était sans doute le
'porche donnant sur le perron de l'église. Comme semble
l'indiquer la mention suivante (1) « le 16 may, congrégation
générale des nobles, bourgeois, manans et habitans de la
ville et fauxbourg de Morlaix, congrégés à son de campane
en forme de corps politique sur l'œuvre et perron de Notre­
Dame-du-Mur, lieu de tout temps immémorial accoustumé
auxdicts bourgeois de s'assembler pour traiter de leurs
affaires ». .
Nolre-Dame-du-Mur était donc pour la ville de Morlaix
ce qu'était pour Quimper Notre-Dame-du-Guéaudet, une
sorte d'église m.unicipale.
C'était à Notre-Dame-du-Mur que se chantaient les Te Deum
d'usage lors des réjouissances publiques, pour la naissance
des princes, les victoires remportées sur les ennemis du
Roi, comme pour fêter le roi du papegault. .
Le 20 août 1548~ lors de son passage à Morlaix, Marie
Stuart assista au Te Deum chanté en l'église de Notre­
Dame-du-Mur; et au siècle dernier la- délibération suivante
des chanoines du Mur nous montre que leur église était
toujours à la disposition de la municipalité pour la manifes-
tation publique de ses sentiments patriotiques. : .

4 septembre 1721. ('2).
Ci Avant vêpres, M. de Forville, procureur en charge, étant
entré en la grande sacristie, lieu accoutumé à tenir le cha­
pitre, et y ayant trouvé Mrs de Fouiller, de Querjean, Le
Roux, de Queravel, tOus chanoines, a remontl'é que le son
des cloches ne contribueroit pas peu à rendre plus solennel
le feu de joy et autres réjouissances publiques, que la com­
munauté fait faire ce jour pour l'heureuse convalescence du
Roy, ce qu'elle n'avoit pu faire lorsque le Te Deum a été

chanté 'en cette église pour le même sujet, n'ayant pas encore
reçu l'ordre,pourquoy il requert de la part de ladite commu­
nauté qu'il plaise à MM. du chapitre qu'il permette qn'on ,
sonne lesdites cloches pendant qu'on mettra le feu au
bûcher, sur quoy MM. les chanoines délibérants ont permis
qu'on sonnât lesdites cloches et qu'on mît des des pots à feu
et autres illuminations dans la tour. »
II. La psallette de Notre-Dame-!du·Mur.
Poür répondre à la pieuse intention du fondateur qui était
d'assurer le service divin dans la chapelle de son château de
Morlaix, la collégiale était composée d'un premier dignitaire
nommé pL'évost, de huit chanoines, d'un diacre et d'un sous­
diacre d'office~ d'un sacriste, de deux suppôts ou chantres,
d'un maître de psallette, de quatre enfants de chœur, d'un
organiste et d'un bedeau.
Ce fut la duchesse Anne qui, par acte du 4 octobre 1504,
confirmant la fondation de Notre-Dame-du-Mur, porta à
quatre le nombre des enfants de chœur qui jusqu'à cette,
époque, n'avaient été que deux.
Le premier organiste dont nous trouvions mention sur les
registres' fut le sieur Tanguy Guéguen, prêtre chanoine de
la collégiale (1592-1626) ; il reçoit par an 36 livres de gage.
En 1574 (1), Guillaume Le Lay: chanoine, cumuleles fonc­
tions de doyen de la collégiale et de maître de la psaIiette.
Le 15 décembre 1644 nous remarquons au reg,istre des
délibérations « que Me Pierre Deucaff, musicien, demande
12 écus pour enseigner les enfant.s de chœur et 8 écus de
distribution parce qu'il assistera au chœur en habit, en atten-
dant que de lui faire la grâce d'être admis aux ordres sacrés.»
En 1644, René Cantin, organiste de Saint-Mathieu, de
Morlaix, prêtait son concours à la collégiale et se qualifie de
, joueur de basse à Notre-Dame-du-Mur. -.

Le 31 janvier de la même année .1644, le registre des déli­
bérations nous montre quelle importance. on attachait à la
bonne exécution des offices. « Est ordonné que pour l'exer-
cice des musiciens du 'collège (de la collégiale) l'on fera, tous
les jeudis incontinent après vêpres, concert, où l'on chantera
ce qui se devra dire le dimanche sni vant, .comme .aussi la
veille des grandes fêtes on fera de même, et celui qui y I11an-

quera perdl'a le gain de toute la j\Jurnée.
(c Il est aussi enjoint à Me Yves Eucat d'apprendre la musi-
que, et lui a-t-on baillé un mois pour apprendre sa partie,
passé lequel temps, s'il ne sait chanter, il ne gag!1era rien à
toutes les distributions de musique. Est pareillement ordonné
à tous les autres de se perfectionner parfaitement pour. le
chant parce que ceux qui ne pourront chanter leuI' partie à
livre 'ouvert n'auront aucune distribution jusques à l'avoir
apprIse. »
Au mois d'octobre 1649, Jean Pehirin, prêtre de Quimper,

est reçu chanoine de Notre-Dame-du-Mur en considération
« de sa boq.ue vnix et capacité pour le chant et la musique,
ayant déjà servi en qualité de musicien au Chapitre de
Vannes, à la place de Guillaume Moalic. )
La qualité de musicien était de fait Ulle condition rigou­
reuse d'admission, car nous voyons l'année suivante, le 27
mai, le prévôt de Notre-Da~ne·du-Mur, le sieuI' Yves de Cal-
loet, faire la déclaration suivante: . .

« Considérant que la disposition des places vacantes de
cette église nous appartenoit de plein droit en sorte que
toutes les réceptions faites en notre absence et sans notre .
consentement sont nulles jusqu'à ce qu'elles n'oient notre
approbation, et plusieurs s 'étant faites en notre absence
. depüis quelques années, nous les avons jusqu'à présent
tolérées et différé les approuver ou de les refuser.

« Approuvons aujou!,d'hui Olivier Bouillon, prêtre, et
Marc Diseul, diacre, comme ayant de bonnes voix et 'capa-

cité, mais refusons Jean l\'laout et Yves Bideau n'ayant ni
voix ni capaci.té en musique, ni disposition aucune pour
l'acque!'Ir. . .
« Ayant grànd office à faire nous ne pouvons souffrir
pel'sonnes qui ne peuvent desservil' elles-mêmes. Mais ~~
peUl' qu'on ne croie qu'ils sont remerciés pour d'.autres raI­
sons, leUl' permettons de garder l'habit de chœur et de
desservil' en l'église jusqu'à ce qu'ils soient pourvus d'autre
bénéfice. » .
Mais le zèle pour la bonne exécution du chant dans l'église
n!était pas, à' Morlaix, l'apanage unique de la collégiale du
Mur, cal' nous voyons à cette époque l'église paroissiale .de
Saint-MathieU, de Morlaix, s'efforcer d'attil'er de son côté
quelques bonnes voix, même au détriment de la collégiale
du Mur qui prend la chose de haut, et le 6 may 1650 (1)
obtient sentence du présidial de Quimper « contre le vicaire
de Saint-Mathieu pour avoil' subo('né et débauché Théodore
Le Moine, enfant de chœur du Mul', pour aller à leur église».
Mais autant les chanoines de Notre-Dame-du-Mur tenaient
à conservel' les sujets utiles à la bonn~ exécution du service
divin, autant étaient-ils empressés à remercier ceux des
musiciens qui mont!'aient de la négligence ou de la mauvaise
volonté dans l'accomplissement de leur' devoir. On pourra
s'en convaincre pal' l'ext!'ait suivant du registre des dél~bé­
rations du chapitre, en date du 2 juin 1654 (2).
« En chapitre extl'aordinail'e, absent M. Le Pl'ovost,
présents tous MM. les chanoines, SUl' la remonstrance qui a
esté faicte que Missil'e Guillaume Martin, prêtre, ayant été
reçu en qualité de musicien! tant pOUl' jouer du serpent que
chanter musique et enseigner les enfants de cœur avecque
ir~unction de se bi~n et deubmerü acquitter de ce soin, porter

BULLETIN ARCHÉOL. DU FINlnÈRS. ,. TOMS XXII. (Mémoires). 15

respect au chapitre, il aUl'Oit esté si négligent que les en ..
fants scavent pré~entament moins l'art- de ehanter que
lorsqu'il se chargea de leUl' enseignement; ayant été aussi
démonstré qu'il auroit veu souvent MM. les chanoines en
petit nombre faire l'office avecque beaucoup ·de paine sans
les vouloir soulager et chanter une seule notte de plain
chant et qu'il estoit d'un humeur si peu acoete et si capable
de causer du désoedee que estant convié de chanter pOur la
gloire de Dieu et pour l'ordre de l'office, il feroit tout au
contraire et mesme commenderoit quelques fois aux enfants
se retirer quand il n'est pas en humeur de chanter,

«( Sur la remonstrance les dits délibérants ont tous esté
d'advis de donner le congé au dict sr Martin, de fait'e infor-
mer des insolences, qu'il a dict et raict dans la dite église
pour l'en faire punir par la rigueur de justice, de pourvoit'
de pet'sonne sage èt de bonne mœurs pour enseigner avec
assiduité les enfants, et ont chargé M. Le Maoult, l'un des
chanoines de la dite église, d'advertil' ]'v1. le Procureur en
chal'ge de ne luy donner aueun argent.
« Faict ce jour et an que dessus en notre sacl'istie, lieu
ordinaire de notre chapitre. Délivré copie au dit Martin pour .
lui servie comme il voin avoir affail'e, et à cette fin qu'il

n Ignore,
« Signé dans l'original.
-, Yves
« SULGUEN, doyen. . ROnIN. - J. LE MAOULT .
BIDEAU. LE DIZIEUX .
« Yves BIDEAU
(C Pour le Greffier. ')
Ce qui p'eut SUl'tOut nous donner l'idée de l'impOI'tance
. que l'Oll attachait à la bonne exécution du service divin à
Notl'e-Dame-du-Mur, c'est Hntervention de l'autoeité royale
elle-même, pour y assurer le ·choix judicieux de chanoines
qui soient « bons chantres et habiles musiciens », comme
nous l'apprend la lettre suivante signée de Louis XIV encore

enfant, par laquelle on fait appel au généreux concours des
habitants de Morlaix, pour faire bon accueil aux chantres et
chanoines dont on a fait choix pOUl' la collégiale.
25 octobre 1682.
{( De par le Roy,
te Chers et bien amés, le soin que nous avons apporté
jusques à présant pour le rétablissement du revenu de notl'e
église collégiale ee N.-D. du M., nous conviant (ensuite des
' bonnes résolutions que vous avès prises sur ce subjet à nous
• appliquer avec la mesme application à y remettre le service
divin dans' le mesme estat qu'il estoit lors de sa fondation,
nous avons donné l'ordre au sI' Calloet, provost de la ditc-'
esglise,de faire soigner sa recherche de bons ecclésiastiques,
bons chantres et habiles musiciens, gens de probité, bien
entendus, dans les cérémonyes de l'esglise et en fin capables
de bien remplir et au chœur pour le chant et en tous autres
lieux par l'honnesteté de leurs mœurs, les places de cha­
noines que nous avons appris y estre vacantes pour les
menel' apl'ès SUI' les lieux et les y établir, et pal'ce que ce
dessein est de soi si louable qu'il n'y a pas personne qui ne
doibve contl'ibuel' à le fail'e l~éussir et que nous sommes
particulièrement obligés d'y prendre part, l'égise nous
appartenant et estant la propre chapelle du chateau d,e nos
prédécesseul's les ducs de Bretagne, nous avons bien voulu
vous faire celte lettl'e pour vous ordonner que vous ayès à
bien recevoir les dits chantres et chanoises", et d'autant
que nous avons appris qu'il y a quantité de droits apparte-
nant à la dite esglise qui ont esté usurpés pendant le long-
temps que .l'on a 1 égligé son administration, nous désirons
que vous vous appliquiez incessamment à en faire une exacte
recherche ... n'y faicte donc faute, car tel est nostre plaisir.

{( Donné à Paris, le 25 jour d'octovre 1662. '
( LOUIS. » •

La collégiale av.ait depuis longtemps des orgues, :mais au '
milieu du XVIIe siècle elles étaient hors d'usage; aussi la

communauté de ville qui nommait les pl'ocureurs du tem-
porel de Notl'e-Dame-du-Mur~ délibérant en 1656 (1) « sur
la repré3entation des dits pl'ocur-eurs SUl' le défaut d'orgue
à Notre-Dame, demande (pour cl'éel' de.::; ressources afin d'en
acquériL' au plus tôt), qu'on fasse payer 35 sous par chaqüe
son de cloche pour les morts , vote 600 livres pour rachat
d'une p.aire d'orgues, et que mal'ché sbit fait avec Harisson.
On placera les orgues devant la gl'ande vitre en ' bas de ,
l'église et la chambre des soumets sera au-dessus du l'eli-
quaire qui est daùs l'œuvl'e de l'église». ,
Par' délibél'ation du 1er féVl'ier 1672 (2), le chapitl'e. SUl'
des lettres de recommandation des Augustines de Lannion,
reçoit pour enseigner les enfants de chœur « Jean RoulleL
à Saint-Malo, prêtre~ ma,itre musicien et organiste, et

d'autant qllli s'est par dévotion engagé d'assister le plus
ordinairement (Ju'il poul'ra à l'office cann::mial, lui a été
de pOl'ter' ' le sUI'pli::; et le petit capot, et auea 10 sols
pel'mis
de distr'ibution pour les enterrements. »
Le3 orgues de 1653 fur'elll réparées en 1G82 P) par Michel

Madé, facteUl' d'orgues, mais nem sans provoquer les plaintes
du sr Dizeul, doyen du iVLll', qui avoit pl'is celle restaUl'ation
à sa charge, comme on le voit pal' son testament daté du
19 novembl'e 1695, dans lequel nous lisons: (4)
« Déclare avoir passé acle avec les habitants de Morlaix
par lequel il laisse 600 livl'es pOUl' la réfection qu'il a fait
des orgues du Mur, à condition que la fabrice t'el'a dire
faire
à perpétuité un ser'vice à chant les premiers lundis de chaque
mois sur l'ant~l de la Confrérie du Saint-Espl'it pour quoy
paiera 30 sols au e)wpitr'e par service. » ,
elle •

Cl) R. G., 484. ,

Citons une dernière libéralité « pour l'augmentation du

servIce divin » à Notl'e-Dame-du-Mul' (1).
Par testament du 18 septembre 1722, le sr François

Corolier déclarait « rondel' en l'église de Notre-Dame":du-:­
Mur la subsistance d'un chantre qui puisse dans les otlices
qui s'y disent, rendre tous les jour:s à perpétuité des actions
de gràce à Dieu pOUl' tous les biens que j'ai reçus de lui,
pour attirer 8a bénédiétion sur ma famil1e et pour cet effet
'je donne 3,000 livres à placer; entendant que le cha~tre que
. je fonde soit d'augmentation sur le nombre de chal1tres lJue
• le dit chapitre pouna et devra avoir, »
. N'est-il pas naturel. de penser que ce zèle pour la bonne

exécution du chant et de la musique à la col1égiale de Notre-
Dame-dn-Mur, n'a pas peu contribué à mettre en honneur à
Morlaix, peut-être plus qu'ailleurs en nos contrées, l'art de
la musique; toujours est-il qu'au 17 siècle la ville de Mor-
laix avait sa musique municipale, et que le 15 juin 1654,
lors de la bénédiction de la première pierre de la chapelle
des Ursulines, « les religieuses étant au chœur chantèrent
le Te Deum.et la mus;que de la ville répondait alternative­
ment (2) ))"
Maintenant encore si la ville de Morlaix est à bon droit
renommée pour le talent et le grand nombre de ses artistes
amateurs, peut-être le doit-elle, pour une part, à l'heureuse
influence et aux bonnes traditions dès musiciens de son
a Iltiq ne collég iale N otre-Dame-d u -Mur,
-III, De quelquEs événements dignes de remarque dans
l'histoire de Notre-Dame-du-Mur.
Lol's' de l'invasion des Anglais qui saccagèrent Morlaix en
1522 et brùlèrent les tit.res de la collégiale, Albert Le Grand(3)

('2) Annales des Ursulines.
(3) Catalogue des évêques de Tréguier.

remarque « que deux seules personnes se mirent en défense

(une servante, dont il . raconte l'histoire bien connue) et le
recteur de PJoujean, èhapelain de Notre-Dame-le-Mel1I',
lequel ayant levé le pont de la porte de Notre-Dame monta
dans la tour d'où à cour de mousquet il versa en poudre
plusieurs des échauffés, mais-Hn~b il fut miré et tiré. )
Pendant la Ligue la tour et le clocher de Notre-Dame­
du-Mur furent sur le point d'ètre détruits, car, comme nous
raconte Albert Le Grand le maréchal d'Aumont s'étant

emparé d.e Morlaix le 25 août 159[1:, pour réduire le château
que tenaient encore les ligueurs, établit une batterie sur la
plateforme de la tour de Saint-Mathieu, non encore achevée,
et une autre batterie, encore plus voisine du château, « en la
haute guérite de Notre-Dame-le ·Meur, d'où dès le samedi
27 août les mousquetaires incommodèrent extrêmement les
assiégés du château, car aucun n'osait se montrer SUl' les
remparts et bastions qui ne fut miré et tiré; pour se tirer
cette épine du pied, le dimanche 28 août, ils (les ligueurs
. assiégés) pointèrent leur canon contre cette tour et la batti­
rent tout le jour de quatre canons foudeoyants les tourelles
et guérites et ébranlant bien fort l'aiguille, ce que voyant les
habitants et craignant la ruine de la dite tour et de l'église , .
ils prièrent Ml' d'Aumont de fatre changer cette batterie, ce
qui fut fait» .
trouvons mention de cet événement dans les comptes
Nous
de Notre-Dame-du-Mur (1) .

« Au mois d'aoùt 1594 en fit une tente de toille d'é oupe en
l'environ de ladite église pour couvrir les gens de peur d'être
vus des gens de guerre de M. le maréchal d'Alunont, qui
approchait de la ville coût 38 sols. » . .

Le comptable ajoute: « Il est à noter qu'au mois d'août
1594 M. le maréchal d'Aumont entra à l\1or'laix pOUl' le Hoy,
-----_____ = .===~ . ~ . . = __ '. f $ .... C .. _ E .. . . . J, ._ _.: _)

dont les gens de guerre du parti de l'union, qui ét.aient dans
le château tirèrent des coups de canon contre l'église et ]a
ruinèrent, occasion qu 'il fallut fail'e plusieur's frais.
« Et d'autant que les comptables auroient été ayertis que
M. l'évêque de Tréguier étoit en délibération de faire décla­
rer l'église du Mur interdite à cause du sang qui en avait été
infusé dUl'ant ces derniers troubles ils assemblèrent MM. de
Plogastel (L), Ploujan, Plougonven, NI. Yves Larcher et
aU'Tes pour délibél'er ce qui restait faire, auxquels donnè­
reut à dîner qui coûta 42 s. 6 d. »
Les comptables remarcjuent, non sans quelque amertume,
qhe l'église « fut rétablie des deniers qu'on amassa par les
quêtes et des dons que les -particuliers firent sans que jamais
la communauté (2) y ait contribué ».
En 1618 (:3), « le jour de saint Bamabé au mois de juin
(dans la nuit du 11 juin) .( 4), il Y eut à Morlaix une si horrible
toul'mente d'éclairs, de tonneree et de foudre: qu'on pensait
la fin du monde êtee venue et la foùdre tombant sur la tour
de Notee-Dame-le-Meue abattit quelques brasses de la pointe
de l'aiguille ». On eut encore recours aux quêtes pour faire
face aux frais de restauration.
Albeet Le Crand nous rapporte un accident, qui aeriva de .
son temps, et 'qui n'eût pas de suites fâcheuses gTâce à la
pl'otection de Notee-Dame.
« L'an 1628, dit-il , au mois de novembre, le sacriste
de régI ise ùe N Jke-Dame-le-Mellr s'étant pr'ésenté à
la fenêtre de la tour, olt demeurent les saceistes de cette
église, tomba à bas SUI' le bord du fossé de la rivière de Kef­
leut, à vue de la poterne du Spernen, sans ayoir aucun
membee rompu ni déI11is, mais seulement le corps meurtri de

(1) C'est-à-dire l'arellidiacre de Plogastel, et MM. les recteurs de, etl~.
Cl) Il s'agit ici de la communauté de ville .
(3; Albert Le Grand. Catalogue .
(fI) G. 187. Compte de FH9, .

. . la chute qui fut au moins de 20 pieds de haut. Présérvation
miraculeuse qu'à bon droit tout le monde a ttribua à la sin';.
gulière protection d~ la maîtresse qu'il servait, dévotement
honorée et réclamée er;t éette église.» . '
terminons par la relation d'un fait analogue de la pl'otec_
tion de Notre-Dame én faveur de la ville de Morlaix. Il est
rapporté en ces termes sur le registre .des délibél'ations
de la collégiale du Mur (1). .
5 mars Wi2 .

« Sur la remontrance faite par M·. le doyen que dans
l'incendie nouvellement arrivé en cette ville: le danger fut
si grand que le feu ayant passé d'une maison à une autre

vis-à-vis et pris à une image de la Vierge, to.ute la ville éto't
menacée d'un embrasement universel, IOl'sque quelques
personnes d'une singulière piété, se ressouvenant que cette
sainte Dame étoit révérée en cette église comme patrone et gal'­
dienne des ville et pays de Morlaix sous le titre de N .-D .-du­
Mur, ne lui eurent p~s plus tôt fait vœu sous ce nom que
l'on vit les flammes passel' au-dessus de la maison où l'image
de cette glorieuse et miséricordieuse pl'Otectrice étoit atta­

chée, si bien que dans un embrasement si surpl'enant où il a
péri jusqu'au nombre de six personnes, par un secours
manifestement céleste le feu ne put passer plus loin que la
maison où il avoit pl'emièrement pris et pal' cette pl'otection
mil'aculeuse qui mérite des reconnaissances éclatantes et
magnifiques, cette ville a été préservée des désolations que

l'on a vues, non seulement dans les Etats voisins, mais même
dans quelques-unes des meilleures villes de la province, et
d'autant que les prières publiques sont les plus agréables à
Dieu, et qu'en cette église qui est celle du public et la mère
de toutes les autres églises de la ville, il se fait journelle­
ment un sacrifice de louange ordonné par les anciens ducs
Le E

(i) R. G, 484.

de ce pays "Pour la prospérité de l'Etat et du commerce et

la conservation de cette ,ville qu'ils ont mis sous une Si
,aug,uste -Pl'otection ... On chantera ici tous les jours après
vêpres l'antienne SlJ.b tuum, en att.endant qu'il He trouve
quelques personnes assez zélées pour fonder celte dévotion
à perpétuité ... en l'honneur de Notre-DaIl1e gardienne de '
cette ville. ») •
La pièce suivante démontre encore comment la chapelle
de Notre-Dame-du-MllI' était un centre renommé de dévotion .

27 juillet 1666.

; Devant les notaires gardes nottes du Hoyau Châtelet,
Messire Henrv de la Mothe Houdancourt, commandeur des
Ordres du Roy, archevêque d'Auch, grand aumônier de feu
· Sérénissime et très Auguste dame Anne d'Autriche, reyne
mère de S.I-M.: d'une part, et 1\'1. Yves de Colloët, prévost
de l'église collégiale royale, de Notre-Dame-du-Mur, étant
de présent à Paris.
Lequel archevêque a déclal'é :
« Que S. M. non conteute des témoignages de tendresse,
zèle et piété pour.la mémoire de ladite Dame l'eyile sa mère
qu'elle a fait paraître par le gr'and nombre 'd'aumônes, cha-
rités, pi'ières et sacl'ifices que depuis le jour de son décès
incessamment fait faire pour le repos de son âme,
elle a
ayant J'abondant ellcure souhaité de faire dire pour elle le
Hombre de cinquante mille nouvelles messes dans les plus
célèbres ég'lises de l'Europe et de son royaume, et pl'incipa­
lement en celles qui sont dédiées à l'honneùr et culte de la
T. S. Vierge. Comme celle de la collégiale royale de Notre-
Dame-du-Mur à Morlaix est de ce nombre, S. D. M. Y en
·auroit destiné le fonds de mille pour estre employé partie en
messes basses annuelles et le reste en célé-
fondation de 6

bration de 520 autres messes à l'effet de quoi elle luy auroit
destiné une somme de 750 livres. Mais corllme letl. SI'

Archevêque a appris qüe lad. église est pauvre et ql1 'illuy
est plus avantageux que tout cc fond soit employé cn fonda-
dation; en sorte qu'il est plus de l'intérêt de ladite église de
convertir le fonds desdites 520 messes en accroissement de
fondation desdites 6 messes annuelles pOUl' de basses seule- ,
ment qu'elles étaient les fondel' à perpétuité à haute voix.
lt POUl' cet effet. sur les 750 liv!'es fondées. on dira au
maitre-autel de la Vierge 6 messes hautes à diacre et sous­
diacre avec un Ltbera et un De profundis pour ladite l'cyne ;
la pl'emière le 20 janvier, ' jour de son décès; les 5 autres
tous les lendemains des 5 fêtes l~s plus solennelles de la
Saillte-Vierge, qui sont la PUl'ification, l'Annonciation:
l'Assomption, la Navitivité et la Conception. »
IV. ' Revenus de la collégiale.
Nous ne saul'iol1s mieux faire pOUl' donner un aperçu des,
revenus de la collégiale que de reproduire le mémoire sui­
vant (1 ) que les chanoines adl'essèrel!t en 1752 au Roy, pOUl'
obtenir une augmentati.on de reSSOIlI'C<;l. API'ès avoir parlé
des 2[10 livres assig'n~es aux chapelains par Jean II lors ùe
la fondatioü, en 1295, les suppliants ajoutent:
« Cette somme qui suŒt à peine aujourd'huy pour payer les
gages d'un suppot du bas chœur, faisait subsister honora­
blement, au temps de la fondation, tous les membres qui ,
composaient le chapitre ou qui en dépendaient. L'intcntion
du fondateur était que le service di vin fut célébl'é ùans cette
église comme es ég'lises cathédr'ales, ce qui fait pl'ésumer
• que la prévosté fut rentée comme los premières digriités des
, cathédrales et les canonicats à proportion. . ' .
« D'ailleurs, il est certain que la somme de 240 livres, au
temps de la fondation, était très considél'able, la preuve s'en
ti,l'e de la valeul' qu'avaie'nt alOl's les espèces, cal' on estimait
dans ce temps que la pension et entretien d'un homme, était

EL ' 'il"

d'environ 100 sols tournois ; o~, dans cette supposition, qui
est démontrée vra.ye par l'histoire des temps dont. il s'agit, . .
la somme de 240 livres en 1295 est éO'ale à celle de '24.000

livres en 1752, en estimant aujourd'hui la pension~.t , entee;
tien d'un homme, 500 livres. Ceci est encore mieux pl'ouvé

par l'exemple de l'église du Folgoët, fondée par le même
duc Jean IL Elle .ne fut composée que d\m doyen et tl'ois
chanoines et jllui fut assigné 80 livres dont l'assiette fut faite
SUt' des biens de campagne, et vaut aujourd'hui 8,000 livres
de rente, ce qui prouve que si la fondation de l'église du
Mur avait été faite de la même manière. elle monterait

aujourd 'hui à 24,000 livres. .
« L'augmentation de 2,400 livres pour le ehapitt'e et ùe 200
p'our l'église, accordée par I.e roy Louis XIV, est si
livl'es
pouvoit' suflire au plus simple nécessaire, dès'
éÎoignèe de
21 personnes établies par l'acte de fondation, et à l'entretien .
l'église, qui est un des plus anciens monuments et des .
plus beaux édifices de la province, qui. tombera en ruine

faute de réparation.

« Le prévot, qui est la Fe dignité à la nomination .du HQY

et le iCI' bénéfice d'une des plus considérables villes de Br'e-
tagne, ,n'a que 450 livres de revenu, assistances comprises,
et les seules dépenses extraordinaires auxquelles la bien­
séance oblige dans cette place, absorbent au-delà du revenu
du bénéfice. Les recteurs de Saint-Mathieu. de Saint-Me-
laine et Saint-Martin retirent au moins chacurl 1,500 livl'es
leur paroisse; le prévot du chapitre qui est en possession
pl'écéder p~rtout, n'a cependant que le tiers de leur
de les •
revenu, et les chanoines n'en ont pas le qual't. Ces considé­
rations firent tolérer dans les troIs derniers siècles la jouis':'
sance d'autres bénéfices incomparables avec la prévosté. ))
L'an 1486. Pierre de Penhoat était pl'évot du l\1ur et

Çlrchidiacrede Plougastel.

L'an 1504. - Guillaume de Guizconou, prévot et chanoine '

. e reguter.

,L'an 150'6. -:-- Richard Henry, prévot et recteur de Garlan. '

Tanguy Le Barbu, 'prévot et recteur de
L'an 1533.
Saint-Martin, M.

Ponmerot, pr'évot et recteur de
L'an 1543. - Charles

Plouëzol.

L'an 1594 . Nicolas de La Bouessière, pl'incipal et

archidiacre de Plougastel.

L'an 1598. François Le Levier, prêtre et recteur de
Ploujan.
L'an 1(->09. Pierre de Calloët de Troros, prêtre, grand
archidiacre el vicaire général de Tréguier.
L'an 16'12. Yves de Calloët, prévot et chanoine de
Tréguier.
L'an 1686.
René Oriot, de la vi.lle basse, prévot, aîné
de la maison, riche de 4,000 livres de rente de patrimoine.
L'an 1709.
Hyacinlhe de Cal1oët, prévot et prieur de
l\Iontfort..
L'an 1715. - Jacques René de Calloët, prévot.
L'an 1740. Georges-Yves de Kerret, prévot-prieur de
Saint-Mathieu,
et nommé par le Hoi au prieuré de Saint-

Martin.
L'an 1749.
Guillaume Duval Le Mal'ant, recteur de
Plemeurgautier, nommé par le Hoi à)a prévoté dont il donne
sa démission pour s'en tenir à sa paroisse.
L'an 1750. Pierre-Guillaume Le Franc des Fontaines,
prévot actuel, vicaire général de Tréguier .
Cette longue suite de prévots du Mur ·qui ont posséJé, en
même tempe d'autres bénéfices · incoinpatibles, prouve l'im-
possibilité d 'occuper' décemment cette place, sans d'autl'es
biens d'églises ou de patrimoine. .

Les r'evenus des can.o.nicats so.nt également insuffisants.
En vo.ici un bref état: 1

Do.ns des ducs de Bretagne lo.rs de sà fo.ndatio.n.
du Ro.i Lo.uis XIV, du 1/4 des denrers
Do.n

d'octroi de Morlaix .....•.............. ~ ... ," ,
. Do.n du mème, de 2 so.ls pal' pièce .de toIle
vendue à Mo.rlaix, le 10 octo.bre 1656, mais sup­
primé pOUl' ne point gêner la liberté du commerce.
Cet al,ticle aurait suffi pour rétablir la fo.ndatio.n

s'il avait subsisté.
Les fondàtions de divers particuiîel's, 800 liv.
argent et 50 qual'tiel's de fl'o.ment, évalué 61iv.
le qual'tiel', année commune, le tout. ..... j ••••• 1.100
Fo.ndatio.n de la messe de cinq heures, spécia-
lement-annexée au sacristain qui la dessert. .•. ; 270

To.tal. • . . . . .• 4.010 lîv.

. Charges sur le revenu du chapitl'e :
AM. le pl'évo.st, po.ur pl'éciput à raison de sa

l g n l ..............•..............•.•.••...

1 . o.ur eClmes et su ventIOns ..... , ......... . 341
Pour gages de 2 chantres o.u suppo.ts ..•.....
Po.ur le diacre et le so.us-diacre d'office qui ne
so.nt tenus au chœur que po.ur les gl'and'messes. 200
Pour l'instructio.n des enfants du chœur qui

so.nt no.urris chez leurs parents, l'église n'étant
pas en état de remplir à cet égard, les interitio.,ns
d~s fondateurs. .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Pour réparations ...................... '. . . . 36

Po.ur partie des gages du bedeau, la fabrique
donnant le rés te. , ' ~ ...... . ... .-............ ~ : .. :. . 30

Po.ur le sacristain chargé de la messe de 5 h. . 270

. To.t~l. •••.•••
1427liv .

1~27 liv. déduites du total, reste 2582 liv., qui

donne à la prévosté, y compris le préciput de .
150 liv .................................... .
A chacune des autres prébendes ............ . 285

Revenus de la fabrique:
200 li v.
Don cIe Lottis XlV ........................ .
Fondations de divers particuliers .......... .
Total. , ..... . 8501iv.

Charges:
A l'organiste ............................ .

A u sacrIstaIn ... 1 ' 1 ' , ' •• ' •••••••••••••••••••••
J.\..ll bedeall ........... . ' ................... .
Pour l'huile des lampes et l'horloge ......... .

Pour la cire ............................. .
En réparations, pour les biens de fabl'ic[lle.. . . 40
Total. . . . . . . . 77 L
c( Il ne reste à la fabrique que 79 liv. pour réparations et
entretien de l'église, gui manque actuellement d'OI'nements,
dont le pavé rompu ' a besoin d'être renouvelé et dont plu-
sieurs grandes vitres menacent ruine.
c( C'est cette nécessité extrême qui encourage le chapitl'e
de Morlaix à présenter au Roy l'indigence où il est et celle

d'une église, 'où les pal'oisses même d'un autre diocèse,
Saint-Mal,tin, s'assemblent pour les cérémonies publiques ,

. et où l'on prêche exclusivement le sermon de la dominicale ,
. pendant toute l'année. -

, Cette église est d'ailleurs considérable par ses édifices;

elle a une tour à laquelle peu de morceaux d'architectul'e
dans le royauine peuvent être comparés... .
Feu M. de Kel'vers, évêqlle de Tréguier, s'employa en
1738, pOUl' obtenir un secours du Roi plus considérable que
celui de 2,400 livres :;' U' était sur le point de l'obtenir lorsque

son retour de Paris et la mort de M. de Calloët, prévôt, en
empéchèl'ent le succès. . .
« MM. de la communauté de Morlaix, ch:irgés en partie de
. l'administration du temporel de cette église, ont travaillé
depuis 200 ans avec plus de zéJe que de succès à procurer
son rétablissement. Les charlOines demandent en consé­
quence au Hoi un secours pOUl' prévenü' la ruine entière de
l'église.
Le Franc des Fontaines, prévôt, vicaire général de
Tréguier.

Jouy, doyen .
de Kerven.
Durechou, Moisant de Kerouriou,
S.-J. Jouault des Préaux, chanoines.
V. Confrér le de la Trinité .
Ce qui conLribua à donner de l'importance à la collégiale
de Notl'e-Dame-du-Mur et à lui venir en aide pour son entre­
tien, fut la tL'a:13lation en cette église p:lr Jeal1 Il à la fin du
13 siècle, de la confr'érie de la Tl'inité déjà existante
en l'église priorale de Saint-~athieu depuis près de deux
siècles.
Voici comme s'exprime à ce sujet Albert Le Grand dans
son cati:llogue des évêques de Tréguier: « Sous le pontificat

de Haoul, 1098-1117, l'an 1110, fut fondée en l'église prio-

l'ale monastique de Saint-Mathieu, es-fauxbourg de Morlaix,
la confrail'ie de la Sainte-Trinité par concession de ce prélat,

de Hamon, vicomte de" Léon, seign propriétaire de Morlaix,
et de Daniel, abbé de Saint-Mathieu, comme il appert par
ce mémoire afilché au premier pilier du coté de l'Evangile,
. . hors le chœllr de l'église collégiale de Notre-Dame le Meûr
à Morlaix escrit sur velin l'an 1486 à ]a diligence de Guil'-

laume Rolland, Yves Kervoualch . et François ProufT,101'5

abbés de la dite confr~Ï1'ie, . et.raJraJchi 'an 1547, dont voici

la teneur:

. « Hœc sunt nomina fratl'um de confratel'nitate, qua COllS- ,
tituta fuit afllant{'l 'spil'itu sancto, apudMontem relaxt~m,in
honorem Stœ Tl'initatis et Sti Matthrei apostoli et evangelistre
anno millesimo centeslmo decimo ab incarnatione Domini,

concedentibus ~adulpho trecol'ensi Episcopo, Daniele abbate
S. Matthrei et Hoarvre::> vice comite», puis su·ivent les noms
des conrreres :
1 mprimis monachio : -:
H:lemo m::machus S. Mathrei et ejusdem Castelli et con­
prior. HervœJs monachus Su Melanii; Bili
fl'aternitatis
monachus Su Jacuti (c'est St Jacques au bout de la halle d,u
dit Morlaix). '

Sacerdotes : Daniel Halcuin, Yvo, etc.

. La'ici: Herveus vice comes, etc.
Mulieres: Adevisia, Orven, etc.,
puis suivent les conditions de cette soeiété et confrail'ie
qUI
sont telles :

« Horum autem fratrum inter se tales sunt conditiones :
quatenus dicti. monachi et cleric~, ipsi et omnes suae posses­
tutèla sunt et deffenslone Hel'vœi vice comitis et
slones in
aliorum fratrum laïcoI'um sub juramento constituti : ipsi
vero Herveus viceco01es et onmes laïci patres, in ordinibus
et beneficiis monachorum et clel'icorum fratrum recepti
. sunt : ipsi vero iuter se laïci sic in pace permanere affil'ma­
vel'unt ut nuUi alteri foris faeiat dolo vel tl'aditione. Cum
vero unus de confraternitate illa mortuus fuer~t, iili debent
monachi et clerici mis~am annualem, et laïci aliam i> (1)

(I~ Albert Le Grand, catalogue p. 311.
« Les conditions de cette confrél'Îe sont ainsi établies: Les moiiles et
clercs ainsi que tous leurs biens sont constitués sous la foi du serment,
en' la garde et protection du vicomte Hervé et des autres frèœs la'iques.
En retou r le vicomte Hervé et tous les trères laïques sont reçus à la par­
ticipation des biens des moines et des clel'CS et agrégés à leur ordre. De
p]us les laïques .entre eux s'Ê lll '!agent à vivre en paix et à ne se cherche!'
chicane ni par fl'aude ni par trahison »

D'après ces . statuts sommaires.' la confrèrie de la Trinité
ne semble avoil~ étê dans son origine qu'une sorte de société
de secours mutuel, tant pour les intérêts temporels .que

pOUL'. les intérêt.s spil'ituels des con.frères; dans la suite,
sans perdre son caractère de confrérie, cette association eut

un but plus précis quant. à ses intérêts matériels, ce fut la
proteûtion du commerce de fil et de toile qui ne tarda pas
à devenÎl' une source de véritable richesse pour la ville de
Morlaix. .
. Dans une supplique au Parlement, le prévot de Notre-
Dame-du-Mur délul'e .en effet en 1680 « que la dite confrérie
de la Tl'inilé fut établie par "les vicomte de Léon, dès 1110
ans, et depuis pal' les ducs de Bretagne en l'église de Notre­
Dame-du-:Vlur (en 1295) pour le bien du commel'ce, avec
pOI.l:voir de nommer tous les ans trois abbés experts en l'art
d~ texier pour faire les visites des toiles qui se débïtènt 'au
dit Morlaix. » .

Mais avant de parler des règlements qui furent portés
pour maintenir la bonne réputation du marché de toile de -
Morlaix,. nous allons citer in extenso une ancienrie pièce,
qui tout en nous donnant les noms des fabricants de toile

des trois paroisses de Morlaix au . commencement du 16
. siècle, nous montl'era en même temps l'impOl'tance que les
confrèl'es atlachaieht au lien religieux qui les unissait jusque
dans la mort.
· 31 mai 1507 .
« Corp.me d'anciennetté et dantiquité eust esté et soit bien
et honorablement ent['etenue une confrairie appelée la frairie
de la Trinité, sçavoil' principalement en la ' chapelle de la
Trinité de Notre-Dame-du-Mur et m esmes en aultres églises
de ceste ville de Moul'laix par les ouvriers en l'art de texier,
et en laquelle chapene, au-dessus l'aultiel' de la Trinité, ceulx
confraires ont faict mecLre et poser une bell~ vitre en laquelle
est en escript « celle vitre appartenant à ladite confrairie

BUT.T.ETIN ARCHÉOL. DU FINIS"TÈRK. ' , TOME XXII. émoires), 16

pûur icelle cûnfrairie l'avûns réédifié 0 la fenestre de pierre
de taille d'icelle vitre, et y sont et apparaissent les insignes
et mel'ches de laditeconfl'airie et y estoinct au temps précé­
dent et de l'antiquité CJm:n 3 en e.3t chose notûire, ce que
d8note l'ancieneté d'icelle, désirant ceulx cûnfrail'es aug_
m 3ntel' et adnotler C0 que ensuit à leul's statuts anciens.
POUl' ce du jûurd'hy en notl'e court de Mourlaix devant
les notoires soubscripts furent en droit présents et person­
leQ1ent e3tablis à ce jûur de 11lndy, lendemain <.le la Tl'inité,
deuxième jour de may l'an 1507 : .
, Yvûn Pal'tevaux, J ehan Le Mdguer, Guyûn Le Mûign, -
Denys Labbé, Bedrand Floc'h, Guillaume Maillard, Paul
'. Guyûmarch, Hervé Barazer, Guillaume Parte vaulx, Henry
Sec'h, Jehan Le R)ux, Michel Tavel, Jehan Léon, Piel'l'e
Guillemot, Yvon Nicolas, Yvûn an Lan, Hervé Ménez, Jean

Tanguy, Hel'vé Paul, Philippe Le Mal'ec, Pierre Le Gué-
guen, Vincent Quéré, . desmoul'ants en la parûisse de
Saint-Mahé.
Alain ' Bihan, Françûis Guéguen, Salomon Le H,egarat,
Jehan Barazel', Yvûn Bonyon, Tanguy Guyon}arch, Guil­
laume Le Gatl'ré, Charles Le Gaffré, Jegqn Biût, Jehan
Quéméner, Tudgual Guillûu, Yvon Le Mal'ec, Jehall Le
Cûrreûc, Tanguy Guillûu, Jehan Le Jûlis, Hervé Cûrre,
Thûmas Auffl'ay, Philippe Boulbin: Jehan Mûrvan, Jehan
Simo.n, Jehan Le Cillaut, desmourants en la parûisse de
Saint-Melaine.

Françûis Le Jeune,. Yvon Le Boullûuc' ~J, Paul le 8arbarin,
Alain Mahé, Yvûn Cûrûller Le Du, Jehan Quéré, Jehan

Voull, Jehan Guéguen, Jehan Marc, Gilles Keryel, Jehan
Garin, Yve)ll Garin, Jehan .00.1, Gabl'i'el QUél'é, I1eI'vé .
Mehuhere, Jehan Guillûu, Yvûn Balanen, Jehan Le Mûigne,
Hervé Cûziau, Guillaume Gûurchant, desrnûurants en la
parûisse de Saint-Martin. - .

Guillaume Corre, Guillaume Moal, Yvon Le Citaran,
Yvon Le Lansque, Paul Corre, Yvon Bihan, Yvon Le Mail­
lal·t, Tanguy Folcalvez, Yvon Penzenec, Yvon COI'oller,
Michel Le Citaran~ Oliviel' Kermal'hec, Alain Hamon,
Estienne Laurens, .J.ehan Guyonvarch, desmoUl'ants en la
ville neuf've, en la dite pal'oisse de Saint-Mai'tin. Lesquels ....
ensemble plusieurs autl'es confl'ère3 de la dite confroirie
estant prelldl'e leur réfect·ion et disner chez Martin L'Honoré
Oll estoit leut' yvel? et bannière, auquel lendemain et disner
d'iceluy jour S~)I1t les dits confl'ères accoustumés de traicter
et ad viser des affail'es et négoces touchant leur universï"té,

ont cogneu et cognoissent avoir en ce · jour délibél'é, statué
et ordonné ... d'un commun accord sauff décret si mestier est
que dOl'esl~3.vant à loes que deceix ad viendra a nul d'eulx de
leul's femmes et daultl'es leurs confl'ail'es et leurs femmes
pl'ésents et advenir successeurs en la dite confr'airie, ceulx
confraires en suyvant l'œuvre de chal~ité en l'advenir temps
pOUl' eulx et leurs dits successeurs sont et seront subjets de
leurs peJsonnes, ils ou leurs femmes, sil n'y a excusation
légitime, se trouver et rendl'e pour accompaigner le corps en
entel'rement du fl'ère ou sœur à qui ledit cas de deceix
adviendra et se tenir au service qui se fera pour l'âme du
tl'épassé tansdits que le dit corps soit mis en sépulture a
paine d'une livl'e de cire paiable en nom de paine en cas et
pour chacun deffault, qui sera mis et converty pour aider à
l'entretènement des cierges flambeaux et lumières de la dite
confrairie et en cas du dit de1:fault ils et chacun d'eulx ont
donné faculté aux abbés de présent et du temps advenir de
leur autorité propre sans mestier de justice de povoir faire

exécution en lèurs biens de la vall€lu' et pris de lad. livre
de cire, sçavoir en la maison de tel qui sera constitué aud.
deffault, pourvu que premiér soit faict a scavoir dudit deceix
effoiz et quantes qu'il eschoira, auxd. abbés . qui de présent
sont et le sel'ont ·au te.mps advenir en lad. confie respect et

'successivem et que ceulx abbés en leùr inessaige amprès
lad. notification leur faicte scavoir comme dict 'est, advel<'
tissent ce que soinct subgiects faire cèulx confraires qui au '
temps sel'ont en vie se troubver a~d. enterrem de là forme '
et manière que dict est ~t de l'heure ,d'ice-luy entereemant ;
Scavoir les confraires des mourans en lad. paroisse de
Saint-Mahé, en l'enterrem de leur frère ou seur décédé en
lad, pa'l'oisse sans estre suhjiect aullrenient que de leur
plaisÎl' d'aUe.' à l'enterrem d'aultre leur fi'èi'e ou seur tré­
passé en daulcune aultre paroisse~ et pareillem les confrail'es
desmourans en lad. pal'oisse de Saint-Melaine ainsy le feront _ '
pour ceulx qui décéderont en leur d. paroisse et à l'esgard
des confrèl'es de présent et en l'advenir desmourans en la
paroisse de Saint-Martin: tall~ ceulx de Bourret que des
forbourgs et bornes duel. Saint-Martin et mes mes ceulx
à la fois que deceix adviendra à leul'
de lad. Ville-Neufve
ou seur, soit de la Ville-Neufve ou d'aultre endroit de
fl'ère
paroisse de Saint-Martin, sans passer lese!, bomes,
lad,
semblablemt, seront tenuz le fail'e pour leur fl'ère ou S'éLU'
trépassé ... Ce que ont stipulé et accepté Yvon Quemener, '
Hervé Lancien et Jehan Le Garin, ahbés de l'an présent
aujourdl1UY choesis pour et en lad. confl'airie et fut faid et
gréé en l'hostel de la demourance dud. l'Honoré en la rue de
l'Ospital fauxbourg dudit Morlaix lee!. lundy dernier jour de '
may 1507. »

Les abbés élus par la confrérie avaient un rôle important
à exercer, pour maintenir la bonne qualité des toiles qui se
vendaient au marché de Morlaix: ils devaieiIt examiner si
elles étaient confectionnées ,dans les conditions de largeur et
de quantité de fils exigées nar les règlements. P~llr cela ils
,en faisaient la visite et prélevaient, au profit de la confréri9
'de la, Trinité, 2 sols sur qhaque pièce de cent aulnes, la ville
ensuitE) apposer un sceau qui était la consécl'ation
y faisait
sa bonne qualité. Dans ' la pratique, ce droit ùe yi::;ite .

pouvait peut-être gonner lieu ft quelques abus,' mais toujours
est-il qu'il était un peu gênant pour les fabricants et les
marchands; toutes les toiles ne se fabriquaient pas à Mor­
laix, mais comme c'étaient les toiles de ce marché qui
étaient en rép'utation, tous ceux qui les fabriquaient
dans le pays voisin, avaient intérêt il les y rendre pour
les 'V'endre à l'étrang~r commè toile de MOl']aix; or
il arrivait qùe pOUl' g'agner davantage, des texiers peu
sCl'upuléux fabriquaient des toiles qui n'avaient pas la laisé
réglementaire et, pour éviter la visite des abbés de la con­
fI'érie, ils se gardaient bien de les exposer au marché de
Morlaix, mais les confiaient à des entremetteurs ou commis­
sionnaires qui trouvaient le moyen de les empaqueter et de
les embarquer sans les soumettre au droit de visite et de

s.ceau. Cet abus devait nécessairement entraîner la dépré-
ciation des toiles de 'Morlaix à l'étranger, et c'est contre cet
abus que la confrérie de la Trinité lutte pendant tout le 17
siècle comme on pourra s'en convaincre par les nombreuses
pièces que nous allons rapporter à ce sujet. Ce droit de
était en effet pour les confrères non seulement une
visite
sauvegarde des intérêts de leur commerce, mais aussi une
source de revenus pour l'entretien de la confrérie, de sa

cllélpe]c ,de la Trinité et même de l'église de Notre-Dame-
du-J\luI' elle-même, qu'ils cousidéraient un peu comme la
leur et qu:ils entretenaient en grande partie à leurs frais .

C'est ce qui résulte de la requête présentée au Parlement
par les prévots et abbés de la confrérie au mois d'août 1631.

Aux seigneu,'s du Parlement,
Supplyent humblement les prévots
et abbés
esleus
de la cOllfrairie de la Sèlinte-TI'inité,
establie à Mor-
laix par les ,ducs de ' cette province et successivement
par les 1'oys de bOllne mémoire, et confirmée par Sa Majesté
régllunte ... en possession immémoriale du droit de la visite

des toiles qui s'apportent et s'exposent en vante en la dite
ville, tant aux marchés d'icelle que par les maisons des
vandeurs et achepteurs: marchants: commissionnaires et
tisseI'ands suivant les droits et privilèges qui leur ont esté
octroiés par les lettres de leurs Majestés: pour voir et sca­
voir comme experts, sy les dites toiles sont de la bonté,
maison, quantité de filz, manufacture, laize et longueur
ordonnées par les dites lettres et statuts de la dite confeairie
affin qu'il ne se commist aucun abus par les tisserands et
ouvriers, ny par les marchands vandans et acheptans les
dites toiles ny autres qui peust apporter préjudice au trafficq _
et commerce, et là où ils trouveroient fantes, manques ou
vices, de le déférer aux juges des lieux atln de faire adjuger
les amendès qu'ils verroient raisonnables vers Sa Majesté
et une livre de ci.re pour chaque faute à la dite confrairie,qui
a accoustumé d'estre employée en services divins: messes,
prières et œuvres pies pour prier Dieu pour les âmes des
dits princes trépassés et prospérité des vivans et autres
bonnes intentions et le soustien de la dite confrairie.
(( Et ont les dits provost et abbés de temps en temps sy
bien et exactement observé les dits statuts ... que l'ont peut
dire qu'ils ont rendu et amené ce commerce sy florissant et
et sy profitable à toute la province, voir à tout le royaume,
qu'il ne se trouve rien d'èsgal en aucun lieu poUf' ce qui est
d'une sorte de marchandise, pendant qu'ils n'ont pas reçu de
trouble et empêchement sur leurs fonctions, au contra ire de
ce qui est auivé à Pontivi, où l'on a veu autrefois le plus
grand trafficq de toilles de toute la province: qui a esté

entièrement perdu par les abus en la laizé réduite à demie
aulne, un tiers et un quart d'aulne: par chacun à sa volontè,
mais puis quelques années le nommé Jan Jezaguel, paysan,
tisserant de la paroisse de Landiviziau, ayant esté mis
curateur d'un pupille auquel il auroit trouvé bonne somme
d'aller demeurer en un des
de deniers contans, s'adviza

fauhoUl'gs de la dite ville où il a depuis commis et exercé
grands abus qu'il se peut dire au faict des dites
les plus
conseillant et sollicitant les toiliers, tisserands et
toiles,
marchands qui portaient les toiles en la dite ville, de les
plus claires, y mettre moins de filz et moins bonnes, et outre
beaucoup plus étroictes que de coust.ume, et les cachait et
latitoit en sa maison, le débitant dissimullement de sorte
qu'il auroit rendu le commerce à un si grand désordre et
abus, que les toiles ordonnées et statuées par les lettres des
ducs et roys et la cour de trois quartz et deux tiers d'aulne
au mOIns de laize à demie aulne. De quoy il a tiré des
et extraordinaires qu'à moins de 18 ans
profitz si excessifs
il est devenu riche de plus de 60,000 livres de meubles et'cle
3,000 livres de revenu sans aucun hasard du monde, prenant
et cachant seulement les dites toiles chez luv et les reven-
danl, parce que à mesure qu'il faisoit diminuer la quantité
de filz, qu'il les faisoit vendre plus claires et estroites et
moins bonnes, il en avait beaucoup meilleur marché et les
pour bonnes à des anglais et autres du
vendoit t.outefois
pais, personnes peu entendus et intelligents au trafficq, en
estoit fomenté par quelques particuliers, habitans
quoy il
(la la dite ville, la plus part, cori1missionnaire pour aucuns
des dits 3Jlglais et autres étrangers et mesmes pour aucuns
marchands d'autres villes de ceste province et du royame
qui ne voyoynt a l'abus, comme leurs toiles estalltes mises
par leurs commissionnair~sl en grands ballots et paquee1.s
ou pacquetons pour être vendus directement en Espagne,
Angleterre ou ailleuJ's~ et les dits commissionnaires ne se
soucyant guères de ce qui est nécesf:aÎre pour l'utilité pu­
blique et entretien du commerce, ains seullement de fa:re
les bouges ct remplir leurs bourses, f's1ant assez récom­

pansés pour les achapts de mauvaise marchandise comme
bonne, se payans par leurs mains sur les deniers que
de la
l'on leur envoi~ et baille pour emploier audites toiles; pour

les qùelz commis~ionnaires et particuliers le dit Jézecquel
avoit de coustume de faire des achapts moyennant quelque
profilt, dont le désordre fut tel et arriva à ce point qu'une
bonne partie des dites toiles furent amenées à une d.emie
aulne Je Paris de laise qui n'estoit bonne à aucun usaige
que pour serviettes seulement. .
« En sorte que les dits provost.s et abbés: contraints tant
par la nécessité de leur charge que par l\~tilité du comm(;rce,
.. ils firent des visites de toiles en la maison du dit Jézecquel,

qui y feist telle rébellion qu'il fallut y faire condescendl'e les

, juges et ses geans, et, sur leurs procès-vel'baux des fautes
et vices des dites toiles, le firent condamner en des amendes '
au Roy et à la dite confrérie. De quoi indigné, il se pOI'tit
appelant et après longue ennuyeux et fort coutageuse. pro-
cèdure,furent ces condamnations confirmées sans dépens tou-
tefois parce que cestoit la première fois. En quoi la dite con­
frérie fut intéressée comme n'ayant point de fond pour sons­
tenir les longues procèdures. Et ayant depuis le dit Jézec­
quel récidivé et souffert pareilles condamnations, proterve
et opiniâtre, il s'en rendit encore appelant et pratiqua
aucuns des dits commissionnaires et particuliers, apl'ès leur
avoir promis des indemnités pour intervenir afin de faire

empescher que lés dits provots et abbés n'aissent droict de
visite des toiles aux maisons des marchands et achepteurs,
ains des tisserands seulement. Ce quy eust esté le plus
grand des abus, parce que outre que cela est ordonné par
les lettres, privilèges et arrest de la cour, il est vray que en
la dite ville, il ne se faict pas une pièce des sortes de toiles
qui s'exposent aux marchés pour être portés aux pais étran­
gers, ains s'y apportent d'ailleurs des éveschés de Léon,
, Tréguier et la Cornouaille, et la moindre partie passait par
les marchés et presque le tout se portait dissimullement de
jour et de nuict aux maisons des dits particuliel's et commis­
mettre en ballot sans
sionnaires qui les faisoit incontinent

souffrir aucune visite. Aussi la cour confirma les condamna-

dépans contre le dit Jézecquel. »
tions avec
Ils deman~ent en conséquence « à être continués et
confirmés dans h~ur droit de visite sur les toiles, avec ou
sans la présence du syndic: qui étant marchand lui-même
de toiles fautives se refuse d'assister à leur visite » -
D'un autre côté, il n'était pas irnpossible que quelques
abus ne se soient D'lissés dans la levéé de la taxe et dans les
dillel's et collations, dont se gratifiaient de temps en temps
les confrères, comme nous avons pu le constatel" p.ar.l'acte
de 1507, cité plus haut. Toujours est-il que c'était là un
grief que leur reprochaient les marchands soumis au droit
de 2 sols par pièce de cent aùnes de toile exposée au marché

de Morlaix, comme nous l'apprend une curieuse enquête de
1643, dont. nous allons extraire les dépositions du premier
et du demi.er témoins, avec les noms de tous les autres
marchands appelés en ~émoignage.
8 juin Hi43 (1) .
« Enqueste pal' René Pinart, sieur de Caselan, conseiller
du Rayet maitre orùinaire de ses comptes de Bretaigne,
SUI' certains debvoirs que lèvent les pI'évosts et abbés de la
confrérie de la Trinité.
« Pierre Lorans, marchand de fils et de toille de Sizun, .
âgé de 27 ans, dépose que depuis les
village de Kerfenoy,
() ans derniers, il fréquente les matchés et foires qui s'y
tiennent à Morlaix, et que aux dits jours de marché, certains
personnages q ne l'on nomme abbés on prévots de la fl'érye
de la Trinité, lèvent et exigent sur chacune pièce de toille
cent aulnes 2 sols, et au dessoulz en proportion, soubz

prétexte de faire dire plusieurs. prières et messes pour la
prospérit.é des marchands et. entretien de la dite confrér'ie
et église Notre-Dame-du-MuI': où elle est desservie, et
c _ _ " .C _ a
tA . " 2 1 2Li' ct. œ ". . ' li' $.

n'avoir cognai-ssance qu'ils employent les dits deniers aux
effets cy-dèssus, ains qu'il a notamment ouï dire que les
dit~ abbés les divertissent et les employent à leur usage
pndiculier, festins et déhauches ordinaires, et que les mar­
chands font clameUl' de la dite le~ée ct deniers, à cause de
usage qu'ilz ' en voyent ainsi faÏI'e, et qu'ils.paye­
mauvais
raient volontiers le dit debvoir de 2801s par piecze de toille,
était veu et .administl'é ptlr personnes qui l'emploiassent
s'il
utilement à l'entretien des dites J'rérie et église, et dit. avoir
ses prédécesseurs que le dit droit se lève et prend
entelldu de
de temps immémorial. Et est sa d~position, laquelle lui

leue, y a persisté et signé . . .ll
. : .. Pierre LonA~s.
Suivent les dépositions de :
Fl'ançois Guéguen, marchand de fil et toile, de Guiclan,
village de Ker1'ainec.
Tugdual, marchand de fil et toile, de Sizun, village
Michel
de Tyfenez.
Guillaume Guimarch, mal'chand de fil et toile, de Lomenoc,
en Plounéventer. .
Pierl'e GraU, de Sizun, village de Liquendrain.
Guillaume Lorans, de Guimilliau, village de Kervion.
Corre, de Sizun, village de Pouloudu.
Alain
Yves Rannou, de Tréguer, en Plougar .
Yves Briand, de Pemprat, en Taulé.
\ Jacques Prou, de Saint-Sénon, en Saint-Martin, Morlaix.
Hervé Berthélé, de Pencoat, en Plougourvest.
Jan Lorans,' de Kerlan, en Pleiber, Saint-Thégonnec.
Olivier Guen, de Kerbolloc, en Guimilliau .
Auffret tanguy, de Kercoat, en Pleiber, Saint-Thègonnec.
Fiacre Maury et Yves, son frèl'e, de Kerantran, en
. . Lanévret, qui s'expriment ainsi:
( Fiacre et Yves, hantarit les marchés de Morlaix, 4 ans
sont déposent que de tout temps les abbés de la t'rérie de

la Trinité exigent 2 sols par pièce de toille ' qu'ils appor­
teüt au dit marché, sou.s ombre de prières qu "ils ·disent .
faire dire pour eux et pour l'entretien de ]'ég']ise où les
prières se font, qui est Notre-Dame-du-Mur. Que pour -eulx
ils ne scavent sy les dits deniers s'employent au dit entre­

tien, mais que le bruit commun des marchands et de tous
ceux qui ont ouy parler des dits abbés est qu'ils sont divertis
en ' festins, bonne chère, ce quy est cause qu'ils ne donnent
que à regret les dits 2 sols par piècé, attendu l'abus que
1"on en fait, mais qu'ils n'oseraient n'y avoir' manqué, dans
la crainte qu'ils ont que le dit abbé ne leur fasse plus gt'ande .
exaction, arrestallt leui~s toiles et les faisant condamner à
des amendes pour des fautes qu'ils disent estre . el) leurs
marchandises, mais qu'ils payeraient volontiers .les 2 , sols

par piecze, s'ils estaient receus et administrés par p~rs9.nn~s
qui les ,emploieraient suyvant l'intention qu'ils ont 'de
contribuer à l'entretien et m'nement de la dite église ,
de Notre-Dame-du-Mur, en recognoissance des graces
et des faveurs qu'ils reçoivent joul'Ilellement par son inter­
cession, et ont dit estre l'intention de tous les marchands
traflicquanls en la dite ville, clout la plupart se disposent de
nous venir tl'ouver, sachant que l'on faisait illformation ey­
dessus, sans qu'ils en ont été divertis par les menaces des
dits abbés qui menaçaient ('e rnaltl'aiter tous ceuls qu'ils scu­
vaientavoit' rien déposé contre euh etleut'ayantexpressément
défendu de ne point passer par devant la maison où la dite
infol'rnatiou se faisait, ayant sceu qu'on appelait les dits
mal'ehands qui passaient pour les intenoger sur les faits
ei-dessus, que mesme il y avait des personnes aux advenues
de la dite maison pour les ernpescher d'y entrer, les menac-
z,ant de dire leurs noms aux dits abbés s'ils ,y entl'aient, ce
quy aurait. été causeqlle l'on n'en aurait peu ouir en si
grand nombre. »

Cette enquête révélait une telle tension dans les rapports

des difién'nts intél'essés, que tôt ou tal'd elle devait aboutir
à un éclat violent. C'est ce qui ne tarda pas à se réaliser .

comme le constate le procès-verbal dont suit la teneur:
27 mars 1615 (1)
Hené Le Ségallen, seigneur de Mesgouez, ' conseillel' du
Boy et SOli !Jaillir, et lieutenant général civil et criminel du
siège royal de Morlaix, scavoir faisons que le l1 jour de
mars 1645, envil'on les 11. h. 1/2, comme nous sortions de
l'aHditoire ... 'nous. seroient verms trouver Philippe Hamon
et Yvon l .. e Gac, provosts, et esleus l'an présent de la
confl'·ail'ie de la Sainte-Trinité, desservie en l'église de

Notre-Dame-du-Mur, les quel,s nous auroient remontt'é
qu'ils auroient cy-devant désiré et se seroient mis en debvoir
plusieul's foys de faire les ordinaires visites des toilles
suy"ant lr.s privilèges octroyés à ceux de cest.e confrairie
par les leUres patentes des Roys et Ducs. Contenant pouvoil'
de fail'e les dites visites avecq defTense à toutes personnes
de les y tl'oubler. Ce qu'ils n'ont pu effectuer à cause des
rébellions qu'ils y ont trouvé et ont esté souvent battus et
excédés .n:esme leul's prédécesseul's en la dite charge, au
risque et péril évident de leurs vyes, de sorte qu'ils sont
contraints de quitter et abandonner du tout les dites visites,
plaist les, protégel' et mesme fortifiel' de nostl'e
s'il ne nous
pl'ésence. Les quels troubles et empeschement procèdent de
ce que par une trés mauvaise obstination opiniastreté et
monopole des faiseurs, vandeul's et achepteurs des toiles,

il ne se fait vante ni achapt, puis quelque temps d'aucune
toille, qui soient' de bonne manllfectul'e, largeur et longueul'
pl'escrites pal' les lettres patentes de Sa Majesté ... Au con­
traire depuis les derniers règlements de la COUI', rendus SUI'
la laise, longueur, bonté, qu'il faut que les toilles ayent à
peine de confiscation d'icelles ... Ils les ont fait raire, vendues
( 2 5 , • 2'S 2 i:; 22 .112 . :E .ZE
(1) Archives départemen tales.

et acheptées, ' trois fois plus abusivement et fautivement
qu'avant les réglements, auqnel temps bien 'quleHes fussent.
passables et que la plus gl'ande partie se trouvaient bonnes,
toutefois à cause que l'on pl'évoioit que 'les abus qui sY' glis­
s~ient estoient impo[·tants et pouvoient apporter du préju­
dice à l'advenir, la cour auroit voulu y pouJ'yoir", Mais à
présent c'est à gL'ande peine que de cent pièces il s'en
tl'ouve 2 ou 3 de bonnes, ayant desjà réduit les toilles
qu'ils exposent en veute pour trois quarts d'aulne de lai se
à deux tiel's, celle de deux tier;:; à la largeur de demye aulne
d'estoupé; et c'est la cause pour laquelle ni les faiseurs,
vendeUl's, achepteul's et négociateUl's, n'ont voulu souffrir
les visites pour ne subir aucune confiscation ni amende avec
estropier et assasignel' les dits prQvots
menaces d'excéder,
ont fait , les pl'écédant~ s'ils osent et
et esleus comme ils
entreprennent aucune visite, soit au mal'ché ou aux maisons
des particuliers commissionnaires, olt la plus gl'an.de part
des dites toilles se pOl'tent dil'ectement de jour et de nuict
sans les raire exposer aux mal'chés, estant vl'ay que de cent
pièces de toille qui s'aportent en ceste ville, il ne s'expose
pas 13 pièces au dit marché, ce qui cause et fomente extrê­
mement l'abus que les paysans, fai&eurs et vendeul's des
disent hautement qu'ils seroient bien simples
dites toilles,
et idiots de faire leurs toilles d'autre façon puisqu'ils trou'-
journellement la deffaicte d'icelles en la sorte qu'elles
vent
sans doute et dans peu de temps
sont, ce qui donnel'a
subject au cez et perte du traficq, veu que les dites toilles
sont vendues en un tel abus et difformosité qu'elles ne peu-
vent avoir d'emploiz, une grande partie n'ayant pas plus
d'un tiers de laize et la plus grande pal't souoz demi-aulne
Paris; débordement du tout extraordinaire d'avoir réduit

les pet:tes marchandises de 8 ou 10 sol~ l'aulne à' une beau-

coup moindre laise .. que les draps d'QI' et d'argent, vcloul',
panne et aultres étoffes" de 15, 20 ,o~ 30 livres l'aulne ~ , et la

pel'te de ce traficq sera sans doubte suivy incontinent, qui "
causeI'oit la ruine enthière de ceste province, car comIne il
,n'Y' entre et vient or et argent que pour les achapts des dites
toilles, les trettes pour les bestiaux, chevaux et cavalles se
faisant la plus gl'ande part par lettres de change, oultre que
les vins et grains de lin enlèvent 3 fois plus d'argent qu'il
ne s'.en emploict au dit bestail et chevaux, il arrivera indu­
biLable.ment que le traficq venant à cesser, qu'il ne restera
dans deux ans après, un sol dans le pays ni de quo y suporter
, les gl'andes charges qu'il faut contribuer pour les a1l'aires
du Hoy et de l'Etat. Outre qu'il faudra que la plus gl'and e.
part du peuple qui ne scavent faire, atitre labeur que ourdir
et fail~e la toille, filer, blanchir et dévider du fil, meurent de
faim ou deviennent voleurs, occasion que pour aporter
quelque remède à ce grand désordl'e, ils nous ont suplyés
affin d'asseurer les dites visites en quelque faczon de nostre
,présence et ërnpescher le trouble de descendre ce jour en la
maison de ville au marché de toilles pour arrester partie de
ce qui s'y trouvera et estre visitées ... e~ ensuite toutes les
semaines aux , dits marchés, et mes mes aux maisons des
pal,ticuliers, jusques à ce que les dites toiles soient réduites
aux formes prescrites par les dits arrêts et règlements ...
inclinans à laquelle requeste, nous aurions ordonné qu'il sera
par nous descendu à une heure de relevé de ce jour au
marché de toille en la maison de ville et que le procureur
du Roy sera adverty de se trouver avec nous à la dite fin.
« Et la dite heure advenue se seroient rendus en nostre

logis lesd. proc du royet Guy Cam, greflier d'office, duquel
aurions, pris le serment en tel cas requis, et fait mander
Mes Claude Henrion et Jean Pen, sergens de ced. siège; et
, en compagnie des cy-dessus nommés nous nous serions
rendus en lad. maison de ville où estant entrés en la COUI'

d'icelle, dans)a gallerye e,n laquelle se tient les marchés
des toilles Olt ayant trouvé escuyer' Jan CallQet, sr de Los-

tennel'y, advocat et cons desd. provosts, SUI' son réquisi-
toire, nous aurions faict commandem auxd. Henrion et Pen
de fermer les deux. porLes qui donnent SUI' la cour de lad.
maison de ville afin de pouvoir faire visite et arrester les
toilles qui se trouveroient fautives. A quoy obéissant, lesd.
sergens auroient fermé lesdites portes et à l'instant y auroict
aCCOUl'l1 quantité de mal'chands toilliers pour debvoir se
sauver et exempter leurs toilles de la visite, desquels auroient
lesd. sergf~ns arrêté quelques pièces que nous' aurions faict
mettre dans la salle des consulz en lad. mai~on de ville.
De quoy se seroict' soulevé une telle émotion et sédition
parmy tous lesd. marchands toilliers quïlz aUl'oient àgrande
foule aCCOUl'US à la porte qui donne vel'S la pOI'te de NosU'e-
Dame et par force et vioIlance osté la garde de ladite porte
à l'un des sel'gens, à force de l'excéùer de coups-, et auroient
ouvert ladite porte. Et par ce moyen se seroient évadés
plus de ùeux cents personnes avec le':lrs dites toilles, cryant
et jurant qu'il nous t'allaict rompre la teste, ce que voyans,
comme aussi les excès que l'on commettoict à la dite porte
en l'endroit desd. sergens et provosts, nous y serions allé et
saisy d'un que nous aurions trouvé le plus proche de laù.
porte qui les maltraictoit; lequel nous allroict esté arraché
des mains par grande quantité d'autres marchands toilliers
à nous incogneus qui se seroient mis incontinent à jurer et

cryer derechef qu'ils nous romperoient la teste' et à ceux de
nostI'e compagnie et au mesme temps nous auroient si
rudement poussé qu'ils nous aUl'oient jetté pal' terre et se
seroient saizy les uns de sabots, les autres de battouers à
lavander, autl'es de pieds de palles que l'on a accoustumé
d'estaller au devant de lad. porte à jouI' de marché pour
nous en debvoil' assommer; et entre autres l'un desdits
rnarchands toilliers auroict levé la main en laquelle il
avoict l'un des batton.ers, à so~ imitation quaJ;llité d'autres,
sans que aurions esté retiré d'entre ' leurs mai,ns par flostre

dit greffier, qui nous auroict dict que l'un des dits toilliers
avoict levé la main en laquelle il avoict un crocq à pezer

pour nous en debvoir descharger sur la teste. Et noncontans
de ce, n'Ous estans .retirés dans la cour de lad. maison de
ville, en leur remonstrans que ce n'estoict que pour le bien
du pays ce que nous faisions,affin d'ostel' l'abus et tacher de
conserv.er le commerce; lesdits séditieux auroient jetté

grande quantité desd. sa.bots, cuilleres et pierres, tant après
nous pour nous debvoir assommer que pour aussy assommer
nos assitans, ce qu~ils eussent indubitablement faict sans
que pour éviter leur furye nous aurions esté contraincts
de . monter en la gallerye du costé de Léon, de laquelle
nous aurions veu quantité . de paysans jeHer à nostl'e
arrivée des pièces et charges de toille par la fenestre et
lesd. sédicieux qui les . prenoient à mesure que l'on .les
jettoict,
« Et au mesme temps nous seroict venu trouver led. Pen,
lequel, ayant la main droict~ blessée, nous auroict monstrer
un crocq à pezer qu'il auroit osté à l'un des sédicieux duquel
il venoit d'estre blessé, lequel nous aUl'ions ordonné ' estI'e
déposé au greffe, comme aussy le bonnet de l'un des sédi­
cieux nous représenté par led. Henrion et enfin lesd, sédi-
ci~ux se seroient retirés, jurant le saint nom de Dieu qu'il
noQ.s falloict assommer, 'après avoir demeusré à la porte de
plus de deux heures, croyans que nous
lad, maison de ville

eu'ssions sort y .
« Et enfin s'estant retirés, aurions descendu en la salle des
provost et esleus nous auroient fait voir
c.onsulz où lesd.

57 demye pièces de toille tant fine danlais que commune,
lesquelles nous aurio~? faict chiUrer et numérer par nostre
greffier et .réservé de procéder ,à la visite diceux en présence
du syndicq et des jurats à lundy prochain ... et le requérant
led. proc du Hoy et led. provost, avons ordonné qu'il

S~rfl i.nformé d:olllce contee lesd .. sédicieux et. pour ceste,

salt permis d10btenir et faire fulminer lettres monitol'iates
pour, passé de inf'ol'mation, estre procédé vers eux ainsi
qu'il appartiendra, et ce faict, nous nous serions fetirés
après avoir rédigé le présent. »
« Et comme nous sortions hors la porte de lad. maison de
ville, plusieurs vendeurs d'escuelles et sabots se seroient
mis à pleurer de leur fail'e raison de .la perte que leur a
lesd. sédicieux ayant rompu aux uns pour 20 sols, aux
faicte
autl'es pour 12 et à paI'tye à 10, auxquels nous aurions
enjoinct de se trouver en nostre maison pour faire le ra port
de leur pel'te pour passé de ce estre ordonné ce que de

raIson. »

Le 13 a lieu la visite des toilles, et plusieurs pièces sont
reconnues défectueuses ' et les délinquants sont condamnés,

SçaVOll' :
Hervé Le Maudir, de Landiviziau, à 4 liv. de cire ou
4 liv. d'argent.
Jean Guillerme, de Plouegar, à 4 liv. de cire.
François Pouliquen, de Guimilliau, à 12 liv. de cire.
Ollivier Caroff, de Sizun, à 6 liv. de cire .
Tanguy Pouliquen, de Ç-uimilliau, à 9liv. de cire .
Jacques Minossec, à 7 liv. 1/2 de cire.
'Yvon Le Louen, de Sizun, à 4 liv. de cire.
Ollivier Inisan, de Plousidv, à 151iv. de cire.

Yvon Le Stang, de Plousidy, à 11liv. de cire .
Jean Hergouac'h, de Plousidy, à 6 liv. de cire.
Amice Pichon, de Guimilliau, à 5 liv. de cire .
Yvon Kel'boul de Plounéventer, à 13 liv. de cire.
Plusieurs autres propriétaires de pièces de toilles sont
également condamnés à des amendes analogues, mais ils
sont encore inconnus ne s'étant pas présentés pour récl~mer
leur bien.

De plus, les abbés renouvelèrent leurs plaintes au Parle-
ment des abus introduits par les marchands de toile insoumis
BUl-LETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXII. (Mémoires). 17

aux ' règlements et réClamaient son appui pour' les faire
exécuter.
20 novembre 1649.
A Nos Seigneurs du Parlement,
« Remonstrent très humblement Jacques Coant, Pierre ,
Çompaigne et Claude Coloigner, à présent eslus et pl'évost
de la confrail'ie de la très Sainte-Trinité .
.' « Disant que comme ainsi soit que les nommés les S rs de
Launay Coran, de Landerneau, de Querferec, de Lesneven,
et Coatanllen, 'de Saint-Paoul, qui sont les personnes de tout
l'évesché de Léon qui fomentent, pOl'tent et supportent
davantage les abus et dereglements qui se treuvent à présent
aux manufacture's,laises et longueurs de toiles qu'on appelle
<.laulas commun et autres qui se font aud. évesché, pOUl' les
exposer après en ve.nte, pal' les achapts {)l'dinaires qu'ils en
aux dites villes et aux environs sur les champs pOlll' les
font
faire portel' et déchargel' à tous les JOUI'S, voil' à t.outes les
nuitz de la semaine aux maisons des facteurs et commission­
nail'es et achepteurs de toiles de MOl'laix sans les fail'e aucu-
nement passel' par les marchés, visittes et sceau, ce qui a
donné cause à un si grand désordre que les toiles qui sont
exposées en vente par 3r4 à l'aulne de Paris de laize n'ont
que 2r3 de largeul' et celles que l'on vent pour 2[3 à ladite ,
mesure n'ont que 1[2 aulne, ou les plus lal'ges le travers de
doigts de plus, et celles q ,lÎ doibvent, suivant le dernier

arrêt, avoir 112 aulne et 1112 à la dite mesure, n'ont pas 112
aulne et encore une partie de 3 à 4 doigts moins, autres n'ont
pas plus d'un tiers ou qual't 112 de lal'geul' et davantage sont
si clail'es qu'il y manque une gl'ande quantité de fil tellement
qu'elles ne sont bonnes 'à aUCUll usage .
.... Et se seroient en haine de ce que les précédents élus
auroient les dits Coran 'et' autres fait condamner à quelques
amendes par denier au Roy et de cire à la dite confrairie;
advisés, aux derniers états de Vannes en juin et juillet der ...

nier, de rail'e une dérlonciatioll des supposés abus et vexations

et exactions qu'ils disoient avoil' esté çommise par
violences

les dits élus et pl'évosts au pl'éjudice du commerce et auroient
obtenu anêt du 19 juillet dernier par lequel il est dit que
marchands toiliers qui vendl'ont des toiles à Mo~laix ne
les
pourront être cOlltralnts de les pOl~tel' vendl'e en la maison
aUI'ont la libedé de les exposer en vente ,
commune: et qu'ils
en tel lieu et à tel JOUI' que bon leul' semble l'a sans qu'ils
puissent être al'l'êlés pal' les chemins, et la dite Ol'donnance
sera publiée aux diocèses de Léon, Tréguier et Cornouaille, ',
aux JOUI'S des mal'chés et prônes des gI'and'messes. '
Si disent et remontrent les suppliants qu'il y a plus de 206
ans que lad. confl'airi~ , a .esté erigée en ladite ville avec
faculté aux Mes texieI's,' versés et entendus en cet art, à la

diligence desquels elle a été fondée , de faire des visites SUl'
les dites toiles atin de sçavoir si elles sont bonnes: ce qui fut
et confirmé 1 par le duc Pierre le 5 mars 1452, et
octroyé
de uis par autI'es lettl'es de tous les H.ois et enCOl'e par S. M.
régnante autorisant telles visites tant sur les lieux qu'aux
paJ:s étrangel's, où on le:3 fait portel' pOUl' y êtl'e vendus avec
faculté de pl'endl~e par chacune faulte qui \ 'y trouve, une
livre de cil'e pOUl' la confl'ail'ie, qui est apl'ès employée et
convertie aux fl'ais des otlices, prières, services et messes
qui se chantent journellement; et outre leut' est enjoint déférel'
les dites fauItes à la justice pOUl' faire condamner les contre­
venants en amendes vers le Roy afin d'assurer la continua-
tion du tl:afic le plus utile et profitable de toute la pI'ovince
et pOUl' lequel on y apporte or et argent qui se distribuent
par tous les endl'oits et cantons d'icelle.
« Davantaige en l'an 1575, les habitants des dits 3 éveschés

firent leurs remontrances au roy Henl'y 3 SUl' ce qu'ils
voyoient qu'on commençoit à commettre des abus aux dites
toiles 'et à les faire plus claires et moins longues et que cela

causeroit la perte du commerce, comme il est est arrivé au

canton de Pontivi, et énsuite la l'llyne et désolation de la
pl'oviriC8, pOUl' laqùelle prévenil' auraient obtenu de Sa
Majesté, lettres par 'les quelles !L'ès expresses inhibitions
auraient esté faites à tous texiers et marchands, de plus
fai·re vendre et achepter aucunes toiles qui ne fussent de
largeur et aulnoiges portés par les statuts de la
bonttez,
confrairie. Au dit temps les mal'chés pour la vente des dites
toiles estoient en plusieurs maisons de part.iculiers, en la
rue Bourret, aux faubourgs de la dite ville, aux quelles on
à cause qu'il n'y avoit pas d'au-
faisoit les visites d'icelles,
. tres lieux destinés pour les dits marchés, mais en l'an 1603
les habitans obtinrent lettres de deffunt de bonne mémoire
Henl'y 4 portantes permission de faire construire
le roy ,
, une maison commune et en icelle des galeries avec ' des
presses pour y tenir les marchés des dites toiles, aux quelles
presses on devait mettre en garde les dites toiles, attendant
la vente et pour subvenir aux l'l'ais des bâtiments: eurent
permission de lever un sol pour chacun pot de vin et six
deniers pour pot d'autl'e Lreuvaiges, qui se débitteroient
aux hostellel'ies, cabare'tz d'icelle ville pour un temps. Ce
qu'ils ont fait et eontinué jusqu'à pl'ésent, près des quelles
galeries et halles, plusieul's années sont, ou auroit
maisons,
mis et éstabli d'authorité de la court ... le marché des dites
'à 2 jours par semaine, le mercredy et le samedy, qui
toiles:
sont aussi les seub jours aux quels le marché de tout%

denrées ont tenu en cette ville, Au moyen de quoy est
advenu que par plusieurs années, toutes les toiles y é'tant
portées' auraient continué d'estre passablement bonn~s, mais'
les habitanls de Morlaix y ont cessé à faire le traflicq des
dites toiles et d'en faire porter sur mer 'à leurs risques, et
commèneé à exeI'cer des factuI'es et commissions pour des
estrangers, ils auroient fait décharger les dites toiles à tous
'les jours ' mes mes de nuit, directement en leurs maisons,
sâns les faire pa'ssel~ "pal' les marchez, même quelques-uns

auroient changé la route des vendeurs
et voIturIers et Iceux
accompagné avec . armes pour les faire descbal'ger en leurs
dites maisons, de sorte que les esleus et prévots qui étoient
charge y ont faÎt descendre les ol1i~iers du di't Morlaix

en la 'maison d'un particulier, rue Bouret, ou auroit e~té
trouvé un' grand nombl'e de toiles deffectueuses, ils l'auroient
condamnés en amendes vers le Roy et l'a dite confrairie,

dont s'étant rendu appelant, la coùrt par arrest du 7 juin
1629, a éonfirmé la sentence des dits offic:ers et défendu de
faire aucunes toiles de moindre largeur que celle statuée par
les dites lettres patentes. »
(Sur cet arrest, le syndic de MO.rlaix remonstra il la cour
qu'on pouvoit tolérel' une moindre laise). « Une enquête fut
Ql'donnée à ce sujet par la court et exécutée tant il Morlaîx
qu'à Lan,derneau, Lesneven, Saint-Pol, Lannion, Lantre-
guier, Saint-Malo, et la court ayant vu le tout par arrêt du
22 juin 1630, au l'oit réglé les laises des dites toiles à demi­
auJne et un 12 à l'aulne de paris avec defl'ence d'en vendre
à l'avenir de moindre lèze. Mais après, le mesme syndic,
sous pl:étexte qu'il y avoit grande quantité de toiles ja faites
qui n'étoient de cette bonté et longueur, obtint arrest dè la
COut' du 14 juillet IG30, portant délay de 6 mois, pendant

lequel on les pounoit vendre, pendant 'lesquels les toiliers
espérant toujours autre prolongation, auraient fait leurs
toiles beau~oup plus mauvaises que de précédent ... Si que
100 pièces, il n'yen a pas 10 quiayent une demi aulne et
pas une de large. La cause principale d~squels désordres
procède du vOlsiné de Morlaix et des acheteurs des dites
toiles qui ne hasarden t pas une pièce pour eux sur la mer,
mais les achètent pour aut.res de divers lieux éloignés et se
payent par leurs mains de leues faetorfliges, autant pour
les mauvaises toiles que pour les meilleures, et les toiliers
qui les font vendre chez eux ... "ans passer visite, ne se don-
nent pas le soin de les faire meilleure~. » .

(Les visites sont donc nécessaires pour assurer la bonne
des toil~s et l'empêcher de déprécier et ruiner le
confection
commerce) « estant très vray que sans ce trafficq des toiles
l'on ne pourrait subsister dans le pays, parce qu'il ne s'y
l'end aucun denier, or ny argent, que pour les achats d'icelles
et que le provenu s'employe aux achats des fils par tous les
cantons de la basse N urmand ' e et Poitou, où les toilliers
vont exprès les achepter ce qui aide à soustenir le' paouvre
peuple et une infinité de paouvres femmes et familles qui
sans les filleries périraient de paouvreté, ainsi que aux
cantons auxquels se font lesdites toiles, les trois parts du
et n'ont , apRris à faire autl'e chose que
peuple ne scavent
blanchir, dévider les fils, et faire lesdites toiles· et ce com­
merce venant à faillir il est constant qu'ils couvr'iront les
autres caritons de voleurs puisque tous les moyens de vivre

autt'ement leür manqueront et cela s'est vu depuis l'an ou
1 an 1/2 que le commerce auroit diminué,
« Et au contraire en Hollande, Flandre et Allemaigne au
moyen qu'ils ont le commerce libre aux pays étrangers, ils
fais9ient très grande quantité de toiles de bonne manufacture
et largeur qui s'y portent vendl'e et à l'aison de ce, celles de
cette pl'Ovince préprisées jusques-là, qu'aux pays pluséloig'nés
s'y défend l'abord des toiles de France et tout cela provenant
des désordres et malversations qui s'y commettent, dont on
peut espérer remède que de l'autorité de la Cour (ordon­
nant d'observer les anciens règlements sur la confection et
la visite des toiles par les eslus et prévosts de la dite confrérie »
Pour tourner la difficulté les texiers et marchands de toile,fl'au­
deurs, voulurent prétendre à l'élection de prévôts et d'abbés
choisis parmi eux et plus accomodants que ceux de la con­
frérie de la Trinité de Notre-Dame-du-Mur, mais ceux-ci s'y
opposèrent par la requête suivante adressée au Conseil privé
du Roi, '

7 septembre 1657.

nEGISTHE DU CONSEIL I>HIVÉ DU nOy.
« Vu requeste présentée pa:r Jacques et Jan Coant., Yves et
François Guéguen, . Pierre Le Maistre, Pierre Gui1lerm, '
François Lespaignol et René Derrien, prévosts et abbés, et
~yant passé par les charges de la confrérie de la Trinité.; .. ,
tant en leur nom que pour les autres consorts, anciens pré­
vosts et abbés faisant le corps de ladite cOFlfrérie, conteriant
que les droits et privilèges de ladite confrérie sont de visiter
tant aux marchez qui se tiennent en la maison de ville dudit
Morlaix dans les métiers de texiers arti~ans, qu 'aux maga-
sin's des marchands et.dans les navires, toutes les toiles qui
se fabriquent et trafiquent, pour mulcter d'amende celles
trouvent defi'ectueuses, et empêcher par ce moyen
qui se
qu'il ne s'en transporte qui ne soit de la bonté requise suivant
les statuts, afin de maintnnir dans les pays étrangers le
cr'édit du grand commerce desdites toiles qui se fait a~ldit
MOl'laix, qui se ruinerait sans cette police, et de recevoiJ'
pour l'entretien du service divin de ladite confrérie les
aumosnes des marchands qui sont réglés par la coutume
immémoriale à 2 sols par chacune pièce qui se vend 'au
marché, que lesdits droits, et particulièrement celui de
visite et police ayant de tout temps suscité beaucoup d'ennuy
à ladite cùnl'rérie, et particulièrement les texiers artisans
dudit Morlaix qui font les toiles les plus défectueuses, et les
marchands de leur' intelligence qüi les acheptent d'eux, les
dits texiers auraient fait divers procès tant aux suppliants ,
qu'à leurs pr'édéc~s~eurs aux dites charges, pour tâcher de
leur oster la dil'ection de ladite confrérie. et de faire nommer' i
eux-mesmes aux dites charges de prévost et abbés, espérant
s'ils en fussen.t venus à bout de pouvoir par ce moyen
entièrement de toute crainte de visite, et qu'ils
s'affranchir
pourraient faire dorénavant, sans aucune appréhension, leur
manufacture et commerce de maUvaise foi, s'ils avaient pu

devenir eux-mèmes juges de leul's propres fautes, mais que
le Parlement de Bl'etaigne, informé de la mauvaise consé_
1 quence de leurs desseins, et ayan~ jugé qu'il y avait de la
contrariété que les texiers artisans deussent eslire ou estre
eslus visiteurs, puisque c'estoieut eux-mèsmes 'qui faisaient
qu'il fallait pùnir, les aurait toujours déboutés de
les fautes
leurs prétentions, et maintenu les suppliants dans la dil'ec­
tion de la dite confrérie et droit d'élection des dites charges
. d'abbé et visiteurs, avec défense aux dits texiers artisans de
les y troubler, etc'e par divers arrêts: .
Le 23 novembre 1652. Les texiers sont débouiés de
prétendues lettres de maîtrise qu'ils auraient obtenues à
dessein de s'introduire en la dite eonfl'airie ....
Le 23 septembre 1653. Les suppliants sont mis en la
protection de la cour contre les texiers.
1-2 juin 1654. Les texiers sont condamnés à des
aumosnes pour avoir contrevenu aux règlements faits pour
l'élection des abbés le jour de la Trinité, et avoir fait entre
eux une .assemblée et prétendue nomination séditieuse ...
28 avril 1655. Est ordonné que l'élection des charges

de prévost et abbés se ferait par les suppliants en la manière
accoutumée, avec défense de les y troubler, en sorte que
les dits texiers n'auraient jamais eu le moindl'e avantage
dans leurs prétentions jusqu'à ce qu'ayant été protégés par
dés personnes considérables de Morlaix, qui se trouvèrent
si puissants au Parlement de Bretaigne par leurs parents
que les suppliants furent obligés d'évoquer le dit procès ....
le Parlement ayant passé outre, au préjudice de la dite évo-
cation, les dits suppliants et abbés nommés par eux furent
dépossédés, et les texiers établis en leul' place à la dite con-
frérie\ et par arrêt du 29 mai 1656 leul' fut permis de fail'e
entre eux une assemblée et nomination le JOUl' de la Trillité.
Les suppliants, s'étant pourvus en cassation, obtinl'el1t
l'évocation du procès au Parlement de Paris qui le 12 dé-

cembre cassa l'arrêt du 29 mai, et par nouvel arrêt.' de Paris
du 25 mars 1657,-confirmant et expliquant celui .du 12 dé-
cembre, étant ordonné qu'au lieu, jour et forme ordinaire,
il !serait par tous les suppliants, le jour de laTrinité, procédé
à l'élection d'abbés, avec défense aux dits texiersde ..les y
troubler, et de faire entre eu·x 'aucune ass'ernLlée et· Ilomi~

nation.
Les suppliants, en exécütion, nommèrent pour prévost et
abbés G LI illerm, Denien et Lespaignol; mais les texiel's,
au pl'éjudice des deITenses expresses, des éHTêts et règle­
ments de la confrérie auraient par l'appui du sieur Noud
Diouquel, et autres hab'itants de Morlaix nommé des abbés,
soutenu une sédition populaire suscitée par leurs femmes

et enfants, avec force excès chassé les suppliants du marché
de la maison de ville, où ils faisaient leurs fonctions, et se
seraient mis en leur place.
Le 20 juin intervint uu arrêt du Pal'lemellt qui maintint
les tex iers en la nomination d'abbés de la conf['él'ie, avec
défense aux suppl iants de les y tl'oubler, avec défense au bailli f
de publier l'arrêt du Conseil du l'Oyen faveur' des suppliants.
Le ~iO juin les texiel's s'attroupent de grand matin en la
maison de ville avec leurs fauteurs, et, par' violence sédi­
tieuse, avec coups et menaces en auraient chassé les sup­
pliants qui y faisaient leurs fonctions.
A ces eauses supplient sa 'Majesté d'allnuler l'al'l'êt dit
Parlement du 20 juin, et que les arrêts du Conseil du ' l'oy
. soient exécutés, et les suppliants maintenus dans leur droit
de visite. »
Cette supplique des abbés de la Trinité ne fut pas écoulée
et l'arrêt du 20 juin 1657, favorable aux texiers fut main­
tenu. Ceux-ci, sout.envs par la municipalité, triomphaient et
pouvaient se flatter· d'avoir désormais des abbés fort tolét'ants
sur le droit de visite) ils n'obtinrent d~l reste cet appui de la

communauté de Morlaix que graee à des concessions « quan- .
de' déclarations préjudiciable aux droits de la confréri0 ».
tité
Si bien que le commeree de toile moins surveillé déclina
peu à peu et les ressources de la conrl'érie diminuèl'ent éga­
lEmlent au grand préjudice du .bon entl'etien de l'église col-

légiale de Notl'e-Dame-du-MUI'.
PEYRON, Chanoine,
Vice-prh;ident de La, Soc'iété archéoloq-iqu e.

• • J iii#' • ''''-... ~ .