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Bulletin SAF 1895


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L’instruction publique et les écoles à Brest, avant 1789

Dr Corre

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"..tft(" •
L'Il\STRUCTION PUBLI UE ET LES ÉCOtES A BREST

AVANT ~789.
Il existe très peu de documents anciens relatifs à l'Îns­
tl'uction publique et aux écoles, dans notre région, si l'on
excepte ceux qui concernent les établissements des Jésuite·s,
à Rennes, à Vannes et à Quimper. Ces derniers, ouverts
aux classes privilégiées, surtout destinés à un enseignement
supérieur, ont leur histoire faite. Mais qu'était jadis, dans
les villes et les campagnes bretonnes, et depuis le rattache­
ment de la Province au Royaume, l'instruction des enfants
du peuple et de la petite bourgeoisie? On ne le sait guère, et
pour élucider la question les matériaux d'archives s.ont très.
rares et très dispersés. Je tenterai de mettre à profit les '
documents que j'ai rencontrés aux archives du département
du Finistère (1) et aux archives de la mairie de Brest (2)
pour donner une idée de cet intéressant sujet. Je limiterai
mon étude à la ville de Bl'est.
Je n'ai découvert, à partir du commencement et jusque

vers le milieu du 18 siècle, que des indices sur l'existence
des écoles locales. Evidemment, il y en a déjà un certain
nombre, car, sur les registres de délibérations des commu­
nautés d'arts et métiel's, je constate que beaucoup d'artisans
savent signer e.t que plusieurs peuvent transerire eux-mê­
mes, saTlS raide d'un clerc, leurs remontrances comme pré­
vôts ou les décisions de leurs aSf.emblées, établir leurs
comptes, souvent fort embrouillés : l'écriture est grossière,
(1) Registres des aud iences de police, Brest, fonds non classé, B.
("n Fonds d'avant 1 ï90, registres des délibérations de la communauté
de ville, BU; recueil de divers actes concernant l'établissement des frères
des Écoles chrétiennes à Brest, GG, 4'2; registre des filles de l'Union
(aYec petite liasse élnnexe;, GG, 4'1.
chrétienne

inégale, l'orthographe détestable; mais enfin, cela SlliTit
aux besoins de · chaque milieu pl'ofessionnel. D'autre part,
sur les registres d'audiences, tant de la sénéchaussée royale
que du siège de police, je relève nombre de signatures de
gens du peuple et je ne vois que par exception intel'venir
dans les procès uri interprète pour le langage IH'eton. Même,
chez les potiers d'étain, l'instruction primaire semble déjà fort
bonne : elle l'est bien davantage chez les marchands, qui
remplissaient presque exclusivement, avec les hommes de
1es .charges municipales, ainsi qu'il est aisé de le Jédllil'e
loi,
du plus rapide examen des regist.res de la communauté de
ville. "
. En somme l'instruction des enfants, dans les plus humbleiS
couches, est très rudi"mentaire; l'éducation est à peine
ébauchée : on peut dire que celle-ci se réduit à ce que le
prêtre enseigne au cours du catéchisme et les leçons morales
passagères, accidentelles, n'ont que trop l'occasion d'ètre
effacées pal' le mauvais exemple, au sein de maintes familles.
Dans cette population, en si grande partie ouvrière ou des-
tinéè à fournir à Sa Majesté d'excellents marins et soldats,
les mœurs sont rudes et brutales; la famille est condamnée
à vivre au contact presque permanent des militaires; à une
dangereuse promiscuité avec des hommes de toute prov~­
nance, aux allures peu raffinées et aux sentiments d'ordi­
naire sallS scrupules il n'y a point de casernes et les
habitants sont obligés de partager avec les soldats leur
logis, leur chambre, quelquefois leur lit unique! Les occu­
pations journalières ne permettent guère aux parents de
s'occuper des enfants. Les petites tilles restent à la maison,
où elles grandissent sans être initiées à autre chose qu'aux
menus travaux du ménage, heureux quand elles ne le sont
pas aux habitudes du vice. Les petits garçons vagabondent,
èrrent, bataillent entre eux, font mille polissonneries, eu

dépit des ordonnances ~e police, des peines portées contre

les jennes délillquants et contre leurs parents. Et le lieu­
tenant général J .-B. Avril n'est pas un personnage tendre!
Il n'hésite pas à menacer les uns de la prison. même avec
le fouet trois fois dans la semaine, les autres d'amendes
pour eux ,plus redoutées que la prison (1). II Y a déjà comme
un germe de division entre classes, entre les bambins du
et; ceux de la bourgeoisie: n'est-ce pas du
commun peuple
qu'il est permis de soupçonner à la lecture de l'act.e
moins ce
suivant: (2) •

Le 16 mars 1723, à l'audiance ordinaire de police, le substitut
Roi, 1\1' Yves Millet, remontre:
du procureur du
« Que les jeunes écoliers et autres jeunes enfants du quartier de

l'ancienne paroisse des Sept-Saints font une espèce de guerre à
de la haute-ville, priTlcipallement aux sorties du catéchisme,
ceux
et des écolles publiques (3), ce qui fait que les enfants de la llautte
ville, poussez à bout par CfUX du quartier des Sept-Saints qui sont
la plus part mal é levez, sans éducation et de basse naissance,
pour
de se défandre des poursuites i Ln portunes des enfants
sont obligez
de la bm;se vHIe, tellement que de part et d'antre on les voit tous
l:s jours s'assembler tant sur les glacis du château, sur les rem­
au champ-de-hatl'lille et dans différents autres endroits reculés
parts,

de cette ville pom se bnttre tant à coups de pierre qu'autrement. »
Un enfant de onze ans a eu la jambe ' cassée d'un coup de pierre .
Il est tem ps de mettre fin à ces désordres.
~l. de Kcrsauson, bailli, faisant fonction de juge de police en
l'absençe du lieutenant général, ordonne aux huissiers et sergents

(1) Beg. cles audiences cie police: 9 janvier 1710,30 livres d'amende
contre les parents des enfants qui seront sUl'pris à lancer l'l'es boules de
neige; 2'8 avril 1710, orclre aux sergents de pol ice cie constituer prison­
niers à Pontaniou les enfants qui seront trouvés se livrant à des jets de
piel'res; 30 décembre 171 U, ordre aux sergents · de police d'arrêter les
enfants qui seraient trouvés « faisant ordures auloUl' de l'église de Saint-
, Louis» et de les condu ire aux prisons de Pontaniou, où ils scront fouettés
(f pa r 3 cl dléren tes fois; » elc. .
(2) Rev. de police. ,
(3) Prcuve catégorique de l'existence de plusiml1's écoles à Bre~~,' à cette

epoque.

de police d'arrêter et. de conduire les batailleurs aux prisoIis de
. Pon,taniou, aux parents, curateurs, maîtres d'écoles, précepteurs
de surveiller les enfants dont ils ont la responsabilité, d'emp(~ther .
qu'ils ne s'attroupent, et.c., à peine de B livres d'amende au profit
de l'hôpital. .

Que pouvaient apprendre, en dehors des premiers élé­
ments de la lecture, de l'écriture et quelquefois « du chiffre ,),
le plus grand nombre des enfants: jusque vers la loe ou la
année, époque ordinaire de la mise en apprentissage:
auprès des maîtres autorisés. à enseigner! Ces pi:uvres
diables sont recrutés de façon singulièl'e, clercs sans emploi:
soldats sortis du régiment, etc. Leur bagage e::>t, maigl'e,
leurs conditions sont précaires, et l'on jugera, d'après l'aven-
ture d'un d'entre eux, de la valeur de l'enseignement moral
qu'ils étaient parfois à même de donner (1). Le mail'e de
Brest, M. Poulrinou-Lars: était allé le 25 avril 1720, jour
de la fête (pardon) de saint Marc, en compagnie de l'inten­
dant de la marine et d'un ancien conseiller de ville, {( disnel'
chez le sieur Floch, prestl'e, entien curé de Saint-Marc (2),
au village du Forestou, dist.ant d'un quart de lieu de la
ville. » Le soir, il avait pris les devants sur ses compagnons:
pour rentrer chez lui avant la fermeture de la porte, et il
venait d'atteindre le lieu de Keroriou, lorsqu'il crut entendre

marcher derrière lui: presque aussitôt, il se sentit ( frapé
sur la teste et ayant détourné pour cognoistre celluy qui
l'avoit frapé, il remarqua que c'estoit le nommé Dubois,
maistre d'escoUe de la ville de Brest, lequel dans le moment
luy déchargea un second coup d'une canne qu'il tenoit à la
main, sur le devant de la teste, dont il tomba par terre sur
les ronces et épines. » L'auteUl' de cette agression sauvage,
_. qui prétendait avoir à reprocher au maire de lui avoir

(1) Reg. de la communauté de ville, séance du 26 avrill'i'20, yol. 11, fo 81-
('2) TrèYe dans la dépendance de l'église des Sept-Sai n ts.

envoyé un soldat à loge!', était un personnage de mau­
vaise réputation: on lui avait cependant permis de tenir
école! Quels beaux exemples ne devait-il point . oITl'ir à ses
éfèves !
Il Y a pourtant des maîtres sél'ieux; mais ils recrutent
leurs élèves dans les classes aisées ou riches, tel Antoine
Monjaret, sieur de Kerlocq: ci-devant « maistre escrivan et
d'écolle à Paimpolle, ... et ayant aussi cy devant regenté en
seconde au collège de Tréguier et autres lieux)), admis pal'
le lieutenant général de police « à tenir escolle et classo
public pour enseigner aux ellfrants le latin et à escrire ct
l'arithmétique», à Brest, après avoir prêlé le serment « de
bien et fldellement observer ... les ordonnances, arrêts et

règlements .. , »
degrés, en
L'instruction était donc réglementée à tous .les
dehors des centres universitaires.
Il n'était que trop vrai que les conditions étaient mau-

vaises pour la grandè masse des enfants. La communauté de
ville s'en préoccupait, plus d'une personne honnête en gé­
missait; mais les choses l'estaient en l'état, fauto d'une ini­
tiative. Celle-ci vint d\m vieil officier de marine, qui, sur le
point de mourir, désireux d'accomplir une bonne œuvre, et
eonseillé par ul1jésuite, le p, Aubert (i), résolut de consacrer
une petite partie de sa fortune à la création d'une école de
frères de la doctrine chrétienne (2) ..
(1) Le même, sans doute, CJui, en 17n, fut chargé pal' sa communauté
dc répondre aux commissaires du Parlement enyoyés à Brest pOUl' informel'
de la prétendue captation de la succession d'Ambl'oisl! Guys. Cette in­
croyable affaire, greffée sur celle des démêlés de l'ordre avec la communauté
de ville à propos de la possession de l'église Saint-Louis, n'a été racontée
dans une aucune histoire locale: elle a été résumée dans le dictionnaire
de Larousse, d'après Sauvestre 1 Histoire des Jésnites) mais avec des
apprécialions contraires à la vérité. En cetle occasion, les Jésuites avaient
été les vict imes d'une odieuse machination.
~.('n On trouvera q uelCJues déta i ls SUl' l'i nsta lia tion des frères à Brest
dans l'I/':~I(JI;J'e de Levot, r, III, p. 3j3, et dans la Jlotn(Jf'ajJhie scolaire
de M. Berger (t 889) .

Le 10 rnal's InO , Jean-Louis de Hennot, lieutenant des
yaisseaux du roi , chevaliee de l'Ül'dl'e royal et militail'e de
ùe Saint-.Louis. demeueant à Brest. rue de la Voûte. décla-
l'ait pal' deyant les notaires Jamain et Le Rest, qu'après
avoil' disposé du principal de ses biens . e.n faveul' de ses
héritiers natul'els , il avait « pensé: de l'avis d'un sage direc­
teur, ne pouvoir mieux faire que de consacrer le restant de
ses biens mobiliers à l'accroissement du culte de Dieu et à
l'instruction de la jeunesse de cette ville, qu'il connoit en

avoir besoin ... )} Et il chargeait un ami, M. de Blois, aussi
lieuLenant de vaisseau. de veiller à l'exécution de cette
disposition testamentaire, dont l'objet devait êtl'e rempli pal'
la communauté de ville dans le délai de six années. au-delà
duquel le produit de la vente des biens mobiliers reviendrait
tout entier aux llél'itiers directs du légataire (1).
Les rl'ères de S:lint-Yon, d'origine relativement récente (2L
jouissuient déjà d'une renommée très favorable; ils avaient
des écoles fOI,t appréciées en diverse~ villes du royaume: ils
appol'!aient pOUl' la premièl'e fois dans l'enseignement pl'i­
maire une règle, un pt'ogramme systématique, nettement
( 1) Le 1 f: mars, M. de Rennot mourait; il était âgé de î9
ans extrait

des registres pnroissiaux de Saint-Louis).
('2: Au cours du t je siècle, quelques tentatives avnient eu lieu, en
France, pour l'étublissement d'écoles de charité: celle de PielTe Tranchot,
ancien a\'ocat nu parlement, à Odéans (1 Ü)~), et celle du P. Barré, minime,
à Lyon (ILiX(j', avaient échoué. J. B. de La Salle, chanoine cie Rheims et
fils d'un conseiller au présidial de cette ville, y foncla les premières écoles
gratuites cie garçons en 1ü7~ ;' en 1\j81, il organisait la congrégation des
frères des écoles chrétiennes, dont le succès fut rapide. De La Salle fut
à Paris en 1ü88; il Y établit la maison-mère, trnnsférée à Bouen
appelé
en 1 i'2j. L'OI'dre eut plusieurs succursales en Bretagne, aYélIJt la Révolu­
tion, à Hennes, à Nantes, à Vannes, à Brest, à Saint-Brieuc ( 17,,)G). Les
frères de Saint-Yon ne pouvaient aller isolément, ce qui mettait obstacle
à leul; expansion hOI's des villes. Afin de remédier à cet inconvénient très
sérieux, pour l'instruction des campagnes, M. Deshayes, anc ien curé cie
Saint-G ildas d'Auray, forma, en 1 ~ 16, l'i nslitu t des frères de Ploërmel,
que dirigea l'abbé de Lamennais. \L'abbé Trévaux, l'Eglise cie IJrelagne,

adaptés aux besoins des classes populaires, en mème temps
qu'ils lui dOllnaient, une solilie base éducative, celle des prin­
cipes puisés dans l'idée chrétienne. On ne saurait. nier, sans
Ï1~ustiüe, qu'ils n'assurassent alors aux plus déshérités les
meilleures leçons, et l'on peut se convaincre, d'après la lec~
iure de l'intéressant manuel écrit par leur fondateur (i),
q~'ils s'appliquaicllt ft dégrossir l'esprit et les habitudes
abruptes cIe leurs élèves, moins dédaigneux de la civilité,dite
puérile et hOllnêle, si nécessail'e à applanir et à adoucie les
relations elltre les citoyens ... mème hors de l'âge puél'il,
qu'on ne l'est 8ujoHl'd'hui. Les désirs de :M. de Hennot ne
pouvaient donc rellcontrer dans l'opinion publique qu'un
accueil enthousiaste et la communauté de ville fut bientôt
d'autant plus il l'aise pour y satis1'aiee que, gl'àce au zèle et
à l'abnégation de M. de Blois, la vente des efTets mobiliers
du généreux légataire mit à sa disposition une somme de
livres, au lieu de 4,000, somme de l'estimation pl'e-

mière. Le 5 juillet 17[.12, des commissaires furent nommés
pour. étudier la question de l'installation des frères, et le
février 1743, leur rapport était adopté dans une assemblée
de la ville ct communauté d~ Brest,. tenue à l'hôtel de ville,
pal' M. de Kersauson, conseiller du Hoi, sénéchal
pl'ésidée
et pre,miel' magistrat civil et criminel au siége royal, avec
l'assi::3tance de MM. J'abbé Goueio du Menmeur, recteur d;:>
Saint-Louis, Yiucent Labbé, ~maire, Antoine Raby et
Guillau~11e Labbé, échevins, Le Milbeo, l\leu'teet, Bonneyie,
Simon dl[ Closueuf, Champ (~reault et Jourùain, conseillers,
présen1s M. le pt'ocureue du Roi et M. Betbedat: procureUL'
sindic. L'on y accepta définitivement les conditions, réglées
de concert entre les commissaires et le P. Aubert, porteur
de la procuration du frère Timothée, supérieur général de
1"ol'.:!re, et ainsi formulées: .
(1) Les Rè(Jles de la bienséance et- de la civilité chrétienne .

«( 1. - Que lfls frères des Ecoles chrétiennes seront reçus· à pet-
péttlité pOUl' enseigner les enfans de cette ville, conFormément il
leurs staluts, dont un livre ·imprimé restera déposé entre les mains
de ~Jonseig-" l'Evêque, entre celles de M'le Recteur, ou aux archives
• de la communauté, et une copie à M" le procureur du Roy .
cc 2. ' Que la personne qui traitera pour eux avec laditte com­
munauté pour le su~dit établissement sera porteur de]a procuration
en forme du général de leur ordre pour demeurer déposée aux
arrhives de la vi Ile.
« 3. Qn'on nc pourra renvoyer les dits frères sous quelques
prékxtes que ce soit, tant qn'ils rempliront dignement leur devoir
pom lesd. écoles, et qu'ils se comporteront bien d'ailleurs ponr la
religion orthodoxe et pour toutes les autres choses convenables il
leurs n\gles et il ]rUI' état, et qu'en cas de discution à ee sujet, on
s'en rapportera de part et d'autre à la décision de Mgr notre
cveque.
c( 4. -- Qne la communauté leur foumira une maison conve­
nabl(', tant pour lem logement que pour les dites écoles, la dévense
et ncltat de laquelle se prendra sur le don fait par le dit s" de
IIel1nüt, montant, snivant le dépôt qui en a été fait, à la somme de
six mille soixanle-quinze livi'es 16 sols 4 deniers, en datte ' du
16 llovembre 1741, entre les mains du s' J.-J. La Mothe, appert
aux reconnoissances qu'il en a donné.
« 5. Que cet établissement ne commencera que par deux frères
voir le progrès et le bien qlle produiront ces écoles.
jusqu'à
« 6. Qu'ils seront cependant obligés d'en fournir un pins
grmld' nombre quand la commnnauté jugera à propos d'en de­
mander, en [layant pour les Frnis de leur voyage la somme de
50 . livres pOUl' chaque frère, tant pour les .deux qui commenceront
les dites écoles, que pour chacun ,de ceux qu'on [Iura be:-;oin dans
la suite, bien entendu que quand ils feront des challgemens ce sera
~ leurs frais pour les voynges.
(( 7. - Qùe ln communauté donnera deux cens livres de pension
par nn il chacun des dits frères, tant à ceux quicommenc eront lesd .
ù. étoles QU'ù ceux qu'elle pOllrra demander par la suite, et la
somme de eillC] cens livres une Fois payée seulement pour leurs

habits, Iiuges, batteries de cuisine et généralement pour toutes les

al1lre~ choses qui peuvent ou pomront lenr être nécessnires, S[i11S
qu'ils puissent rien demander de plus, tant pour le présent que
popr l'avenir, quelque augm:mtation que la communauté puisse
demander des dits frères.
« 8. Que la communaut.é fournira aussi sur le dou fait par
le dit s< de Hennot, les tables, baucs et autres ustenciles pour les
d. écoles et trois bois de lit pour l'usage des frère5, sans aucune
le dedaus ni le dehors.
garniture pour
« 9. Qu'clle leur fera payer, tous les premiers jours de
l'an, la somme de 30 livres pour être employée aux prix qu'ils ·
jugeront il propos de distribuer aux enfans écoliers pour leur
de l'émulation, lesquels prix seront distribués dans les
donner
en présenee de M' le Recteur et de tel commissaire qu'il
quartiers,
plaira à la communauté de nommer. '. .
( 10. Que la maison et dépendances qu'il bu!' sera donné
restera toujours en propre à la communauté pour le service
des dites écoles, également que tous les meubles de classes suivant
les intentions dud. feu sieur Hennot, les augmentations qu'on
pourrait y faire par les suites, tant des deniers de la ville que des
dons des particuliers ou habitans, bien entendu que ce qu'on pourra
donner aux dits frères en propre leur restera en le justifiant.
( 11. ' Que la communauté aura droit sur les dites écoles tant
pour faire recevoir les enfans de la ville que pour en faire ex"cIure
Geux qui s'en rendront indignes, ce qui se ' fera de concert avec
les dits frères avec toute la prudence et la discrétion possible pour
que rien n'altère la bonne intelligence qui en doit résulter pour l~
bien et avantage du public. »
Tout aussitôt, sur la remontrancè du maire, la commu­
nauté émettait l'avis:
« De se pourvoir sous l'agrément de 'Monseig< l'intendant de cette
province au Conseil, pour demander qu'à l'avenir il soit pris sur les
deniers patrimoniaux et d'octrois de cette communauté la somme
de 430 livres' par :ln, sçavoir 400 livres pour les pensions de deux .
frères qui viendront pour commencer les écoles chrétiennes en cette
et côté de Brest, et 30 livres pour les prix qui seront annuel­
ville
l~ment distribués aux écoliers, en sus 200 livres par an pour la

pension de chaque frère que la communnuté jugera à propos de
j'nire venir par' augmentation des deux qui doivent vcnir commencer
le dit établissement en celte ville côté de J3rèst, et 50 livres une fois
payée pom les frais de voynge de chaque frère, le tout et confor­
; lequel établissement
[nément aux articles cy-devant arrêtés ...
des dites écoles sera tant pour ce eôté de Brest que de Recou­
la cO~11.nunallté ne pourra demander
vrance, pour lesquelles écoles
pIns de 6 frères, dont le tiers sera destiné il faire les écoles dn côté
de Recouvrance, ponrquoy la communauté fournira une salle snffi­
les ustenciles nécessaires, et cependant les deux premiers
sante et
du côté de Brest, et dans la suite si
frères qui viendront resteront
la communauté juge à propos de faire venir deux autres frères ils
feront les écoles du côté de Recouvrance dans la sa lle qui leur sera
à cette fin destiné par la communauté .... »
Les choses n'allèrent point vite auprès de l'autorité supé­
rieure. Le Conseil d'Etat pourtant reconnut l'utilité de
l'institution réclamée pat' la ville, c( y ayant à Brest quantit.é
d'enrans d'artisans, journaliers et autres ouvt'Ïers, qui, faute
de moyen par leurs pères et mères de les envoyer aux
écoles, errent et vagabondent joumellement dans les rues,
sans qu'on songe communément à leur faire apprendre leurs
devoÏt's de chrétiens, » et il consentit à l'homologation du
traité par arrêt du 21 décembre 1745 : la communauté devait .

d'abord se restreindre à deux frères, et l'école à ouvrit' du
côté de Brest recevrait, avec les enfants de ce côté, ceux de
Hoî donna sa sanction par lettl'es patentes
Recouvrance. Le
du 4 février 1746 (enregistrées le 4 mars au Padement de
Bretagne) .
Il était temps qu'une solution intervint, il n'y avait plus
guère à coürir, pOUl' atteindre le terme des 6 années, passé
lequel l'annulation du legs devait être prononcée.

Les retards n'incombaient point à la Ville; elle avait
même, en attendant que les formalités . administl'ati ves
eusserit abouti à une approbation d'ailleul's certaine, dès le

mois de novembro 174:>, fait l'acquisition d'une maison pour
les fl'ères, au prix 3,813 livl~es, et y avait fait exécuter de
g90sses réparations (cette maison, située rue Charonnière,
dans la dépendance du fief des regaires de Léon à Saint­
Gouesnou (1 ), relevait de la • succession bénéficiaire et
vaccante » de la demI le Anne Lempereur, veuve du sr
Guillaume Jourdain). Le logement pour les maîtres, l'ins­
tallation pour les classes furent bientôt prêts, et le 14 mars
1.746 avait lieu l'ouverture de l'école: l'acte en était dressé
dans la maison, transcrit sur le registre des frères et SUL'
celui de la communauté de ville:
« Nous Jcau-.Toseph-Benoit Duval Soarès, . conseiller du Roy,
sénéchal et premier magistrat civil et criminel au siège royal de
Brest, sllb-délégué de l'intendance générale de Bretagne au départe-
de Brest, scavoir faisons que ce jour 14' mars 1746, deux
ment
heures de rellevée, nons nous sommes en conséquence de la déli­
de la communauté de cette ville, en datte du 11 de ce
béralion
mois, transporté de compagnie avec M' du Menmeur Gonrio, recteur
de Brest, de Messieurs Raby premier échevin et Betbédat procureur
de lad. communauté, ayant pour adjoint maitre Jean-Gabriel
syndic
Glwsnet, greffier ordinaire de notre subdélégation, de lui le serment
au cas requis, ayant levé la main, jusques en la maison acquise
pris
lad. communauté pour y établir les écoles ohréliennes et cha-
par

rilables, sous la direction des frères de la communauté de Saint-
Yon, eSlablie à Rouen, en conséquence des lettres patentes du Roy
et arrêt de son conseil dn 28 décembre 1745 et 4 février dernier,
où estants rendus; nous y aurions trouvés' la personne du frère
de lad. c.omlllllnauté des frères de Saint-Yon pour
Denis envoyé
ü3tte dite ville lesd, écoles, et en effet led. frère Denis
ouvrir en
nous auroit fait entrer dans une salle basse de lad. maison à main
. droite de l'escalier d'icelle, où nous avons vCts et trollvés plusieurs
en fans au nombre de 22 de différens âges de cette ville assis sur

(1) Le Roy, SUl' l'avis cie son Conseil d'Elal, accorda· à la ville l'exemp­
tion des droits d'amortissement, mais le fisc d~s regaires ne consentit pas
à l'abandon des droits d'indemnité. de lods et ventes et autres qui lui
revenaient; il les rédamamême avec quelque âpreté .

des banes le long de cinq tables lon,Jues, aux.quels il enseignoit ft
lire, quelques nns à écriee et à tous les ,premiers principes de lem'
religion, et pour nous faire voir l'utilité de ses leçons, il en auroit
en notre présence interrogé quelques uns d'entre eux sllr les prin-
cipes de religion dont il leur a le matin de ce joUI' donné les pre-
mières leçons, lesquels ont répondu à notre satisfaction. De tout
quo y nous en avons donné acte audit frère D;mis pour lui valoir et
servir d'acte de possession et jouissance de ladite maison pOUl'
lesdites écoles chrétiennes et charitables au nom de la eomnHl-
naute, .... ,)
Le succès fut complet, les élèves affiuèl'ent. Mais les
pauvres enfants de Recouvrance ne pouvaient qu'à gl'and'-
peine fréquenter les classes de Brest. Les communications
étaient alors très difficiles ' et très pénibles entl'8 les deux
parties de la ville: elles se faisaient par bateaux de l'une à
l'autre rive de la Penfeld, un peu selon le caprice des bate­
lier,s ; elles ne constituaient pas seulement un danger par
les gros , temps, mais encore elles étaient à redouter
particulièrement pour des enfants, au point de vue moral,
en les exposant à entendre les propos grossiers ou obscènes
de toutes sortes de gens et principalement des mariniers,
recrutés parmi la lie du peuple et si mal notés, que les arti­
sans ne les admettaient point dans leur congrégation; elles
étaient, de plus, onéreuses à la longue pour de menues
bourses, le prix du passage, à chaque traversée, étant d'un
denier. La communauté de ville demanda donc à l'intendant
l'autorisation d'appeler deux autres frères pour diriger une
-classe à Recouvrance et elle obtint à cet égard un arrêt
favorable du Conseil d'Etat le 2 mai 1747 (1). Toutefois,
l'ouverture de l'école de Recouvranc ne se put faire qu'au '

(1) La vi Ile ne demanda pas « l'adjonction de deux nouveaux frères, don l
desservirait l'école de Rec~uvrance », ainsi que l'a écrit Levol (1. c. 3;):» :

cela eut été contraire aux statuts de l'ordre, qui ne permettaient pas aux
frères de vivre ou d'exercer isolément. La copie de l'arrêt du Conseil est
le registre d'actes de la congrégation.
inserite sur

niois de septembre de l'année 174D, la communauté n'ayant
point trouvé jusque là de local convenable pour son ins.tal­
lat"on: elle loua deux chambres au prix de 120 livres par an,
l'lIe de Hosancoat, et accorda 36 livres d'indemnité aux frères
pour frais de leurs passages (1).
mesure n'était pas suffisante; la population, qui attei­
gnait le e!liffre de 20,000 à 22,000 âmes (2), était en très
gt'ande majol'ité composée d'artisans, les enfants pullulaient
dans les plus pauvres familles, et l'on commençait dans les
plus humbles couches à sentir les bienfaits de l'instructio'n;
du côté de Brest, les classes regorgeaient. Il fallut entre­
prendre des tl'avaux dispendieux à la maison de la rue Cha­
ronnièl'e pour agrandir les locaux et le besoin de nOuveaux
frèl'es s'imposa. Des personnes charitables offI'irent des sub­
ventions pour l'entretien d'un troisième frère; uné dame' de '

Naymont (ou plutôt de Nesmond), fëmme du commandant de
marine (3), laissa en mourant une somme de 1,000livre's
pOUl' cet objet (1752); un ecclésiastique (sans doute M.Perrot,
curé de Brest,) offrit un don anonyme de 600 livI'es, et, grâce
à ces libét'alités, l'on eût pour quelque temps deux t'l'ères
supplémentaires (4). . - .
La communauté de yille n'intervint pas .
. Le 8 mars 1768, le pre miel' échevin Demontreux remontre
« qu'à votre dernière assemblée vous arrêtates que MrsMartr'et,
Blad et Le NOl'mand et le remontrant iroient visiter la maison

des écolles chrétiennes de cette ville, tant sur les réparations

. (1) Registt'e des délibérations de la communauté de ville, n° 17, fos 38 v.,
9a, 1:.12. Le prix d'une traversée, pour bateau portant douze personnes,
il était d'un sou pour ceux qui ne voulant on ne
était d'un denier; mais
pouvant attendre que ., la eharge » fut complète, tirdonnaient de cc poussér JI
et tel était le cas pour les frères. "., ..
m Férand, Notice sur Dresl, donne ce dernier chiffre en 1778 .
(:3) Veuve, aurait-on dù écrire, le chevalier .. de Nesmond étant
mort à
en 17{)1. (Levot et Doneaud, Gloires maritimes, p. 371.)
,Brest
(1) Registre des actes (frères). . .
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. ' TOMB XXII. (Mémoire»1. 11

quia y aurait à y fai~e que pour constater le nombre d'enfants
q~'il Y a actuellement à ces écolles; et par leur recherche
ils ont d'abord vu que le local n'est pas à beaucoup près assé
considérable, vu la quantité d'enfants qu'il y a actuellement
a ces écolles, qui monte à 500,tant pour le , côté de Brest que
de Recouvrance, outre plus de 150 qui ,aspirent et attendent
qu'il y ait des places vacantes; d'après quo'i il n'est pas pos­
sible que le nombre de frères ent[etenus par la communauté
pour les in~tructions puissent suffire. Jusqu'ici des personnes
pieuses avaient procuré au frère directeur le moyen d'entl'e­
tenir deux frères de plus, mais les secours ayant cessés, ils
sel'ont obligés de suprimel' une classe, si vous n'optenez
l'agrément de Mgl' l'intendant de leur accol'der les moyens
de faire vivre ces deux frères qui sont d'ailleurs si néces­
saires. » (1)
La délibération fut remise, et finalement, tout· ce que la
c·Jmmunauté accorda fut le traitement d'un frère servant.
Les frères restent donc au nombre de cinq, quatre chargés
des écoles, à Brest et à Recouvrance, le dernier, des soins
, matériels de la maison, peut-être. avec la mission d'aider à
l'enseignement dans la toute basse classe du côté de Brest.
L'administration locale demeurait bien disposée pour les

. frères. Mais il semble qu'un petit parti d'opposition com.­
mençat à se formel' contre eux, occultement, à l'hôtel de
ville (2). La lecture du registre d'actes laisse pénétrer ce

(1) Registre des délibérations de la communauté de ville, 2~, fo 166 v. ,
('n' Les' frères, vers celte époque, avaient commis une grosse maladresse,
eh supprimant une classe de leur propre initiative.
Extrait des délibérations de l'hôtel de ville, 8 août, 1768 (reg. 21, fo 189 v.)
Le mail'e, Antoine Raby, « met sur le bureau une requête présenlée à
la 'commun'alIté pat Etienne Grimaud et 'plusieurs autres habitants de
cette ville, par laquelle ils se plaignent ' que les frères des écoles chré-
su primés leur basse classe, leurs enfants ont estés renvoyés
tiennes ayant
n'admettent aux deux autres classes que les enfants qui
et qu'ils
(sic) bien lire. 1\1r le maire fait observer à M" de l'Assemblée
sachangent
que ces mêmes plaintes leur ont estés portés verbalement par plus de

mystère en même temps que sa cause. Les frères en furent
eux-mêrnes les provocateUl's inconscients. Gens très sim­
ples) ignol'ants des conventions du monde, prenant pour
des assurances irréfragables les marques de bienveillance
dont ils avaient été l'objet à leurs débuts, comme tous les
pauvres insouciants de la valeur de l'argent ~t convaincus
que les boul'ses devaient êtl'e pour eux inépuisables, ils né
cachèrent pas leurs besoins, demandèrent souvènl et de tous
les côtés et épl'ouvèrent un naïf étonnement quand ils sc
. virent un peu négligés. D'abol'd\ chacun s'empressa de leyr
1 venir en aide. Des femmes' d'artisans leur envoyaient des
provisions, de la chandelle: du linge; des femmes de la
plus haute société (Mlle Aubert, Mlle de Blois, Mlle Fre­
zier: etc.) quêtaient pour eux à domicile; l'intendant de la
marine leur faisait délivrer du port du vin et du bois; un
chirurgien de la marine, M .··Fournier, leur donnait ses soins
gratuits en cas de maladie et une dame Blad fournissait les
remèdes. De 1747 à 1778: ' période pendant laquelle sont
inscrites,sur les registres dé's actes, les charités et offrandes
faites àux frères. par divers pal'ticuliers, la maison reçut en
argent" ou en nature des dons multiples . d'une valeur totale
de plus de 4,000 livres: c'était un supplément moyen d'en-

30 personnes et que pour évitter cet abus il conviendrait que la communauté
de l'état de ces écolles. SUl' tout quoy il prie de délli-
prit connaissance
bérer. .
« ~ •••• La communauté, avant de déHl:)~rer positivement sur lècheff, ·n
nommé pour commissaires Mr. Demoutreux, ,BIad,. Lf,l Normand ét Ber­
mond pOUl' ,"oir laquelle des classes l'on doit suppl·imer. Si de la pl'cmièl'e
qui est réputée la plus fOl'te, en congédiant les enfants assez instruits
du fondateul', et y introduisant d'autres moins instruits,
suivant l'intention
on ne pouroit pas toujours maintenir le même nombre de classe qui ont
, . eu lieu jusqu'à présent. En observant de n'admettre aux dites classes sui­
vant les intentions du fondateur que les enfants des pauvres artisans hors
de donne!' à leul's enfants l'éducation qui leur convienne suivant
d'état
de . la. religion, réservant
leur état el leur apprendre les pl'emicrs principes
sur le rapport desdits commissai!'es de taire tel règlement qu'il conviendra
aux d. écoles. » . .

vi~'on 130 livres par an (1), somme bien minime, quelquefois
dépensée en achats de m.édiocre utilité; un jour,piu' ex~mple,
que les frères avaient reçu . de M. de la TuIlaye, capitaine
de vaisseau, un prés·ent de 180 liv'res, très obérés déjà et

réduits à des emprunts, ils se p~yère'l1t, avec une joie enfan'­
tine,sans n,écessité (les écoles étaient admirabh'lment placées
pour avoir l'heure du port) ..... , « ajoutant un surplus, une
horloge dé Rennes qui revint à 207 livres ». Il fallut, à un
moment, s'adresser à la ville, recourir à sa bienveillance
pour ob~enir des gratifications extraordinaires, destjnées à
solder les dettes les plus lourdes, et surtout un traitement
qui permit à la maison d'en éviter de nouvelles .
Le supérieur général de l'institut, le frère Agathon, se
rendait un compte fort exact de la situation. Il sentait
l'absolue nécessité d'assurer aux siens une existence indé-
pendante, autant dans l'intérêt de l'enseignement. que pO~ll~
la dignité de l'habit des maîtres. Aussi seconda-t-il les
e11'orts du directeur de Brest auprès de la communauté. Le
traitement était insuffisant: ilfallait l'augmenter dans une
p.r;oportion raisonnable. « L'ordre des écoles, celui de \~

maison . des frères, qui est souvent dérangée par les démar-
ches que ceux-ci sont obligés de faire pour se procurer des .
secO,urs,.: écrivait. le supérieur général au maire, votre
tranquillité même, celle de Mrs les recteurs et des personnes
aisées et charitables, qui tous devez être ennuyés des f['é­
4~p1~ndes et sol.licitations des frères depuis leur .
quentes

établissement ·à B['est, et enfin leur profession, qui, en les
obligeant à se livrer entièrement à l'instruction chrétienne .
et gratuite, suppose qu'on leur fournira des pensions sufli­
santes qui les dispensent de contrevenir à .leur état en

mendiànt leur pain, démarches qu'ils ne peuvent ·faire sans

(1) Il faudrait y ajouter, d'après Levot (1. c. 3)6) une rente de 105
livres constituée par M. Madec, recteur de Saint-Pierre-Quilbignon"
pour subvenir à l'instruction des enfants de Recouvrance. .

préjudicier à la régularité : toutes ces raisons, tous ces
pressent également de fair'e ce dernier effort ... »
motifs vous
(Let~l'e de Melun, 28 décembre 1781). Et au directeur de .
Bl'est, le frère Amable : « Persuadez-vous qu'aussitôt une
augment.ation de pension, toutes les bourses vous seront
fermées, parce qu ~il sera supposé que vous au'rez ce qu~il
vous faut. Vous ne serez 'plus écouté à demander de nou­
veaux secours à personne, et vous ne devez . poinCy être
exposé. Vos fonctions doivent vous dispenser' de la quête.»
, Il Y a donc lieu d'insiste!' auprès de Messieurs de 'la ville
' pour obtenir un' traitemeI1t convenable, et d'~spérer que le
maire « vous fera un fisc assez honnête pour n'être plus
dans le cas de l'importuner ni de qüitter votre devoir pour
aller quémander .... » (Melun, 27 janvier 1782) (1). '
Les frères demandaient que la communauté payât leul's
dettes et , portât la pension 'annuelle de chacun d'eu'x à
5001ivl'es, en appuyant 'leurs suppliques sur des états précis
de leul's dépenses et de leurs besoins (2). A l'hôtel-de-ville,
eut l'air d'accueillir leurs requêtes avec empressement;
on leur accorda même des gl'atifications ' individuelles ' de

(i) Registre des acles. Le frère Philippe, secrétaire du supérieur général,
fut envoyé àBrest comme visiteur, afin de suivre et de diriger les reven­
dications de 'la maison.
('2) Elat au Hai des choses de première nécessité au soutien des cinq
blis à Brest : "
frères éla
Chacun 1 livre 1/2 de pain par jour à ~ s. 9 d .... .
3Ci! I. 3' s. •
Chacun 3/ 1 de viande par jOUl', à 8 sous la livre ... .
de vin à 17 sous la bouteille ..
Chacun 'une bouteille G33 2
Beurre, fromage et men ues denrées ..............•.
tflO »
Cinq cordes de bois à brûler, à ~j \iyres la corde .. '. »
80 li vres de chandelle, à Il sous la li vre ... ...... ; .
Pour habits chacun ' jO livres ..... ............... . »

Pour entretien de linge et blanchissage ........... .
Chacun Il paires de souliers et ressemelage, chacun

'21 li'r res .... a ••••••••••••••• • ••••••••••••••••••

POUl' entretien des meubles ...................... . »

Frais de voyages et pOl'Ls de leLtres .... , .......... .

300 livres; mais, soit sous l'influence dissimulée des magis.
trats auprès de l'intendant de la province, soit mauvais
vouloir ou défiance de celui-ci, le nouveau traitement des
cinq frères ne fut autorisé que jusqu'à la limite de 400 livres:
en mai 1783, il fut sanctionné par arrêt du conseil et lettres
patentes. Pour compenser la réduction~ la ville affranchit la
maison de tous droits d'octl'oi et du sou par livre sur le
vin, le cidre et la bière qu'elle pourrait faire venir à l'usage
des frères.
brouillèrent à propos des écoles de Recou-
Les choses se
vrance. •
Le service de ces écoles était pénible; il avai t usé déjà
quelques sujets et les frèl'es, en même temps qu'ils avaient
réclamé une augmentation d'appointements, avaient aussi '
manifesté le désir de voir améliorer la condition des maîtres
désignés pour ce côté de la ville. Quatre fois par jour,
lit·on . dans une requête du mois d'avril 1782, deux frères
ont à effectuer le passage, (( exposés à tous les désag['é­
ments imaginables et à pél'ir, ce qui rebute absolument les
sujets; ceux qui y passent actuellement n'y tiendront tout
au plus que jusqu'au mois de septembre prochain; le süpé-

rieur général .nous mande de vous prévenir, messieurs, qu'il
ne trouve plus de sujets qui veulent s'accomoder de . ce
passage. » Pourtant, ils ne se rebutent point, ils continuent
leur t;âche avec courage; un certificat du recteur de Saint­
Sauveür l'atteste: « Lés frères des écoles chrétiellnes des-
tinés à instruire les enfants de ma paroisse s'y portent avec
zèle, malgré les difficultés du passage ... dans ces te.mps de
mouvements; le mauvais temps ne les arrête pas, preuve de
leurs désirs pour les progrès et l'avancement de ces
enfants qui leur sont confiés; nul autre motif ne peut les

animer. Leùrs émoluments ne me paroissent pas faire face à
,leur vie, quoique très frugale, et au besoin de renouveler
plus qu'ailleurs l~ul's vètements. li s~rait fort à souhaiter:
ici

qU'Oil . y fit attention, car en ne pourvoyant pas à leu'r hon-
nête nécessaire on s'exposeroità les perdl'e et à faire tomber
dan)s l'ignorance de jeunes plantes qu'ils cultivent pour le
ciel et pour le bien de l'Etat. )) (1) .
La question d'émolùments réglée, le parti à prendl'e
c'était évidemment d'établil' à Recouvrance une succursale
de la maison de Brest, où les maîtres eussent possédé un
logement à côté de leurs classes. Il semblait que ce fut l'avis
de tout le monde. Les frères indiquèrent même au maire.
comme maison très à leur convenance, celle « qui servoit
t d'habitation à messieurs les prêtres de la paroisse de Saint­
Sauveur; » mais le mail'e et le conseil de ville, « craignant
d'éprouver des contestations de la part des dits prêtres, »;
estimèl'ent préférable « de suppliel' Mgr l'intendant » d'au­
torisel' la communauté à solliciter, prés du Conseil du Roi,
la permission' d'acquérir un terrain propre à ériger une
maison d'école à Reeouvl'ance. Un terrain est choisi. Les
frères ne s'en accommodent pas: il y a chez eux des hésita-
tions, peut-être suscitées par l'appréhension que manifeste
leur supérieur de voir deux religieux trop isolés de la
maison de Brest, et exploitées contre eux par leurs
ennemis, comme une preuve de leur seerète intention de

faire valoir les fatigues et les difficultés du sel'vice à Recou-
vrance pour l'obtent.ion d'un nouvel accroissement d'hono­
raires. On ne put s'entendre et. les classes furent supprimées · -
une parlie de la ville où les enfànts d'ouvriers étaient ·
dans
cependant très nombreux. .
Je laisse au Journal du frère Rupert, directeul', le soin de
l'acontel' cette histoil'e (2).
La ville a en vue un tel'l'ain, qu'elle cl'oit pl'opre à l'éta-
blissement d'écoles. ' .
(1) Registre des actes.
('2) Registr'e des actes.

1782. ft Jumet 8. M.le n1l'lire,M.Gue.met et M;Besuard,l'ingéuicur,
viennent chercher Ir, frèl'e directeur pour aller il Recourrauce voil' .
si' le terraïn choisi est convenable. M. Le Guen, Kerbresan et F1oth­
Kerembosql1er, commissaires pour cette partie depuis six somaines,
. n'.ont fait aucune démarche. On se propose plusieurs em\d.lcenwnts.
Les trois ci-dessus s'opposent à tout et protestellt (lue les Jrères.scmt
plus nuisibles qu'utiles.
« M. l'abbé de La Pierre fait offrir à ces messieurs une partie de
son terrein gratis pour bâtir les écoles. Toute \'assemblre se trans­
porte chez lui. On fait un écrit double de cette donuation. Le frère
directeur représente à ces messieurs que ce terrain est illsu1llsant
pour y bàtir une maison, des écoles et pour pouvoir y loger les
frères et les y rendre stables. Ces messieUI's sont d'avis d'accepter
ce terraiQ en attendant mieux.
« 13. -- M. La Pierre propose sa maison et ses dépendances
à ces messieurs pour 20,000 livres.
« 15. . Le frère directeut rend une visite il M. La Pietro
(qui), après un enttetien de trois heures et demie, lais~e sa maison
à ces messieurs pOUI' 17,000 livres. Le fr'ère directeur cn fait part
à ces messieurs. Le procureur du Roy (sindic) écrit audit abbé, qui
sa maison à 25,000 livres, Le frère directeur écrit à l'abbé, '
laisse
lui témoigne sa surprise; l'abbé récrit au frère directeur et laissè
sa maison à 18,000 livres. Le frère directeur envoye cette lettre il

ces messteurs.
« 27. Assemblée générale à notre sujet. Après de grandes contes~
tations, il est décidé que pour' r~ndre les frères stables ,1 Recouvrance
la maison il M. La Pierre pour 18,000 livre::,. .
on accepte
El Aoust 2. Le procureur du Roy chargé d'accepter le terrei[J
trouve M. La Pierre changé d'avis et (qui) lui fait sa maison 28,000
livres.

« 16. M. le subdélégué envoye les papiers a notre IllSÇU a
avril (1); 2° la
gr l'intendant, savoir: 1° notre requête du 11
(1) Pour obtenir la maison des prêtres de Saint Sall\"ellr: les ft'!>I'es
avaient découvert qu'elle avait été léguée sous la condilion fori11elle qu'elle
à tenit' des petites écoles; à défaut de l'emplir celle CQUditiou,
servil'ait
reviendrait à l'hàpital des pauvres, '
elle

délibération de ces messieurs du 13 avril (1), 3° la I>errni~sion do
Mgr l'intendant (2) ; 4° la l'equMe de leur avocat an conseil (3\ ;
5° le projet de donnation du p(~li·t terrein de M. La Pierre; 6" le
plan )de la maison qui doit servir de logement aux frères ct deux
Ce terrain est de Î5 pieds de long, large de 28, côté du
écoles.
rempart, el 24 à l'antre bont, formant un trapèzp. M. )Jouard,
ingénielll', par sa leure de juillet, mande que les écoles seront de
. plein pied, [tu 1" étage trois cellules, une cuisine, un salion et nu
Le grcnier sera an-dessus et il restera un jardin ' de . 30
oratoire.
. llÎeels sur 23. Le frère directeur a toujours prote~té coutre l'iusuffi-

sance de ce terraiu et a prié ces messieurs d'attendre, avant 'd'en'-
1 voyer les l)apiers, la répon se d Il su périeur général. -
(c Sur le rapport détnillé de cette 3ffaire au frôre supérieur par
une lettre du 11 aonst, voici la réponse qu'il me fit après en avoir
conféré avec [où::; ses assistanlS .
«Melun, le 18 aoust 1782. La grâce et la paix de notre Sei,gnou!'
toujours avec nous. En réponse à l'honneur de la vôtre dn
soient
11 couraut, nous ne pouvons accepter. le petit ter!'ein proposé ni la
petite maison q[.\'on y projette pour loger les frères de l'autre côté,
le tout est insuffisant. Nou;:; ne pouvons nrn plus approuver que les
fl't'res couchent et mangent il Recouvrance, il se roi t pins difficile de
leur porter la victnaille qu'à eux d'~lIcr la prendre il la maison. Il
s'agiroit donc, 1Il. t. e. f., de [;:ire ch'tider, si en .attendant on
pourroit ~voir des classes au voisinage de la chapelle i\otre-Dame ~{,
où on iroit il la messe, ou an bas de la rue qui ahoutit asscz proehe
de la calle qui rélJond à celle qui est auprès de la màture, pour le
passage duquel la ville faciliteroit aux frères d'être seuls en payant
ce qu'il convieudroit, eela ne diminueroit cependant de guère les
mOllvements dll passage. Si déeidément on ne vouloit plus de frères
à Recouvrance, nous retirerions ceux qui y sont. Faites nous con-
(1) H.ejeL de la requête et résolution d'ach.eler un terrain.

. ("1) D'acheter Je terrain.

(3) Pour l'obtention du droit d'achat. Les choses cie l'admini?tralion
alors bien compliquées! Elles ne le sont pas moins aujourd'hui: .
Noient
les mêmes questions donneraient lieu exa.clement aux mêmes démol'cbcs,
avec des changements de noms clcU1s les juriclielions admil1Ïslrolives.
(~) SlIr le quai de Recouvrance. .

lw.itre ~i C'l'st la résolut.ion de la ville et de suitte les obédiences
wu'ri out. Pressez celle décision ~l1n qll'avant les vacan.ces et les
IIrrulllemenls des ftère ' nOlis S~chio Jil.s s'il y en aura de reste chez
vOll:,"Si~né : F. A.GATH ON.
« Aoust 21. . Ayant com muniqué la lettre c:Î-à sus à ces me '-.
sieu.rs, ils ru 'cn demandèrent [a ('Qpitr cerWiée, en C tillséCI uenee
3!f~embtée générale pauï' le. 3.0 .
cnuvoquèrent une

. (c30. Extrait de la délrbération de la ville et- communauté'de
Brest du 30 août 1782. M' le maire met sur le bureau un extrait de
1;) lettl'e du supérieur général des frères du 18 de ce mois, adressée
au frère Rupert, directeur des écoles chrétiennes de Brest, certillé
(!t signé ce jour par le di t frère Rupert, de laquelle lecture faite, la
communauté voit avec surprise qu'il désaprouve le projet formé
par la délibüration du 10 de ce mois, en conformité de la demande
desd. frcros pour leur établissement il Recouvrance; attendu que
le local céùé gl'atuitement par le s' de La Pierre pour cet eITet est
l'lus quo suf.Iisanl pour remplir l'objet qu'on se proposoit. L'impos­
de trouver mieux ne laisse il la communauté d'autre parti il
sibité
prendre que de consentir il la suppression des dites écoles du côté
de Recouvrllnce; en conséquence, n :Jrrêté que les délibér:ltions
prises pOUl' led. établissement seront regardées comme nulles, sauf
aux dits frères à continuer si bon leur semble les dites écoles du
côté de Recouvrance, comme pal' le passé .•••
f( 31. Envoyé ce jour l'original au frère supérieur.
cc Sept.embre, 11. Ce jour les obédiences des frères de Recou-:-

vratlce arrivent. Ils partent le lende.main et les écoles sont sup-

pnmees.
,,13. Ce jour nous avons remis les clefs des écoles de Recou-
il M. le maire avec lm; huit croix d'argent (1 ). Je lui
vrance

présenterai la requète suivante .:
« Messieurs les maire, écheyins et autr~s officiers municipaux
la ville et communauté de Brest, .

(c Les frères des écoles chrétiennes -établis en cette ville en 17< 16
pllr arrêt du Conseil, à votre sollicitation et sous votre protection,
ont l'honneur de vous exposer, que, par III suppression des écoles,

. (1) Croix d'émtllfltion pour les ~nfants.'

côté do Rccouvrauce, en conséquence de votre délibération du 29
noùt demie!"', ne re~tant plus que trois, côté de Brest, et n'ont de
fixe que 400 livres. Cette somme est insuffisante. Par vos délibéra­
tions des 5 mai 1781 et 13 avril dernier, vous eûtes la b.onté de
promettre 500 livres de pension annuelle, à chacun d'eux, il .
lem'
commencer du 1" janvier 1782. Mgr l'intendant, cenvaiucu de la
justice de leurs demandes, vous a nuthorisé à présenter requête
au conseil pOUl' faire fixer les pensions à 500 'livres (1). En procu­
aux expo::;anls le nécessaire, ce sera l'unique moyen de
rant
conserver cet établissement; reconnu utile à votre ville. Une longue
maladie, <::lIl'YClllle i.t deux d'entre eux, les ont forcés de vendre une

de lenrs meubles et il recourir à des emprunts. Ils restent
Ijartie
1 iuùigence et n'y peuvent tenir .... »
donc dans
Celte requête était malheureuse : elle prouvait, par. son
iuoppodunité, Gombien les frères ignoraient le savoir-faire
qui constit.ue la petite politique des relations officielles) elle
donnait prise aux accusations de leurs détracteurs, aussi .
souleva-t-elle un orage au sein de la commu~auté de
ville: (2) .-,.

(/ Lecture prise de la requête des frères de~ écoles chrétiennes de
celle ville, la commuuauté ne prut se dispenser d'observer à Mgr
l'intendant flue les frères des écoles chrétiennes de cette ville au

mépris de leur:, engagements et malgré les avantages que la ville
u'a cessé de lenr procurer, ont abandonné les écoles de Recou-

vrance depuis la fin du mois d'août dernier, pnrce que la ville n'a

pas jugé à propos de faire nne dépense de plus de 30,000 livres
à Recouvrance et y établir les écoles en
pour loger deux frères
acquenant la maison èt le grand jardin du S'abbé de La Pierre,
et qu'elle s'est bornée à consentir qu'il fut hatti des salles pour les
écolles et des logements pour les frères dans ce terrain que le
S'abbé de La Pierre vouloit bien céder gratuitement pour ces
objet~, ce qu'ils ont refusés' et ce qui autorise à penser que ces
(l) Les frères croyaient l'intendant de la province mieux disposé à
leur
égard qu'il ne l'était en r~alité.

(2) Séance du 1 G octobre, registre 24, folio t37,. , .

fl'èrC'snIJIIs:mt ùe ln circollstance où ils se sont crus d'une nécessité

indbpcusalJle ponr l'éducation dont ils sont chnrgés, ont prétendus
(~tl'C CH droit, au mépris de leurs obligations, de quitter à leur

vfdiHlté dôs l'ilistunt qu'on' tilcllîlit de se soustraire il leur aviqité

saIl':; IJOl'ue. Dans cet 0tat la vïlle doit supplier et supplit) Mgr l'in­
tlllllÎl1Ut d'ordonner aux frères des écoles chrétiennes du côté de

ll;'c:'t de fournir inccssnrnment des sujets pOllr reprendre les écoles
dn cotô dc Recouvrance, à fnute de quoi de t'aütoriser à renvoyer
Ics fl'èi'es du côté de Brest et à les faire remplacer par des sujets
capables d'enseigner .•. »
La réilexion se fit de part et d'autre et l'on chercha des
moyens de conciliation. Au mois d'août 1783, les écoles
fUl'ent l'ouvertes à Recouvrance, dans un local provisoire, et
la ville s'occupa de trouver un terrain convenable pour la

cl'éation d\lI1 établissement définitif: elle allait acquérir, au
pl'ix de 3,055 livt'cs, un terrain dans la rue du Vieil-Hôpital,
et s'occupait déjà de faire dl'esser les plans d'une maison (le
devis estimatif s'élevait à 5,400 livres), lorsqu'elle rencontra
l'opposition formelle de l'intendant. L'horizon s'embrumait,
la politlc}u8 absol'bait tous les espl'its et les administrations
ne pouvaient que reléguer bien loin toutes les aITaires qui
n'o[l't-aiellt pas une relation directe avec le cours des ~véne~
mellts. La suppression des écoles de Hecouvrance fut décidée
l( jusqu'à des temps plus heureux » (17 septembre 1789) et,
quelques jours plus tard (22 sept. ) (1), M. Demontreux ren­
dait ainsi compte à la communauté de l'entrevue qu'il avait
eue uvec le dil'ecteur, Je fl'èl'e Fabien, pour lïnformer de
l'arrêté municipal:
« Mes~iellrs, j'ai ,'honncur ' de "\70115 reudre compte que, sur
l'invitatioll de M. le maire, j'ai inforlné le directeur drs frèrrs de
Saillt-Yon de \'otre délibé'ration, concel'uant les écoles de R('con-
vrmice; que ce respectable religieux m'n yerb31emcnt répondn flue
. l'ordre se trouvnnt hOlluoré de la eouuauce de celte ville, distinguée

(1) Re!5' des délib., 26, fu' 34 et :> i v,

, dans tout lé royaume, aurait vû avec ' ,déplaisir .. partager son rt'
blissemcnt ancien il Brest. Si ce seiltilllellt' d?a'ttachement et d'inlé.-
la jeunesse' est agréable il 'M~1:- les officiers mUlJiCipanx, a
rêt pour
le cher frère direote.lU', nous offrons au moyen de la SUppression
dit
de notre lingerie, de .re,mplir à peu ' près au côté de Brest le service
de Recouvrance. C'est à vous, Mess'ieurs, ,à agréer ou à r~jetter
celle proposition, que je croîs d'autant ' plus acceptable , que la
supresion df\S écoles dont il s'agit n'étoit l]ue provisoire et en atten-
dant l'occasion d'nn local convenable. )) ,

Il ne resta que l'école du côté de Brest~
avee !t'ois l'l'ères;
elle devait être fermée en 1701. (1)

U ne congrégation religieuse s'était consacrée à l'instl'llC-
tion des petites filles, avee l'agrément de ,la communauté,
dès 1695, eelle des Filles de l'Union chrétienne (2), établie
d'abord dans une maison de la rue de Siam, puis, après
l'obtention de lettres-patentes du mois d'août 1698, sur le
où s'éleva plus tard le Petit-CoUDent (3), ' ,
lieu
Je reproduis, eomme doeument historique inédit, la péti-
tition des fondatriees à la communauté de ville (du 30 aoùt

« Messieurs les maire, échevins,
habitans composant
bourgeois et

la communauté de Brest.
« Les demoiselles Catherine-Renée Le Donget de Penfeunteun,
et les autres demoiselles assem-
Vincente Pitot, Henriette Chapelle

(1) Les frères fmen t redemandés à Brest en 1809, 1814, 1817; mais ils
ne reparurent qu'en 18U et ne reprirent une existence officielle qu'en 182 L
(2) La congrégation des lJalne,ç de l'tltiùm chrétienne ou du Sacré-Oœur
avait été instituée à Charonne, en ,· 1631, par un ecclésiastique, M. Le
Vachet, pour servir à la retraite des filles ou lemmes pl'otestantes qui
youdraient se préparer à l'abjuration. Il ne semble pas qu'ellé eut long­
temps à poursuivre son objectif principal, à Brest, où les protestants de­
vinrent très rares, après leul' exclusion des chal'ges et emplois dans la
ma/'ine. Les constitutions ne furent approuvées qu'en '1703.
(3) Voir Levot, Histoire de Hl'est, III, 3i7.
(4) Archives de la mairie de Bl'est, GG, reg. des dames de l'Union
chl'étienne, petite liasse an nexe. '

blées en communauté sous le nom de Cœur de Jésus, prennent la
liberté de vous représenter aujonrd'huy, qu'encore bien qu'elles
soyent toutes de pays fort différends et fort éloignée l'es unes des
mltres, elles n'ont pas néanmoim fait difficulté d'abandonner le lieu
de. leur nabsance, 'dA re'noncer à la douceur qu'elles y goustoient
dans la maison de leurs parans et de s'unir toules ensemble dans
la seule vue d'avancer la gloire de Dieu et de rendre service aux'
abitails de Brest et surtout des pauvres ' gens: en apprenant il Iit'e
et il éc.rire gr'alis et par un pur rnautif de charité il toutes les petites
nlles ~ans en demender ny mesme espérer nutre récompense que
du ciel; q'est pourquoi, eomme ces demQiselles sont persuadés du
zèle, que vous avés de procurer le bien de ces pauvres enfans, qni
faute demeurent pour la plus part dans une ignorance profonde de
nos saints mistères et des principaux dèvoirs du christianisme et

sont mesme exposée au danger de se perdre n'ayant personne qui
les mène dans la piété et qui leur inspire la crainte de Dieu, elles
se flattent ainsy que non seulement vous voudrez bien aggréer
qu'elles s'establissent dans la ville de Brest en communauté sous le
nom du Cœur de Jésus, mais que vous regarderez me3me comme
un bien dési'rable pour les pauvres habitans d'avoir des demoiselles
consacrées à Dieu, qui se chariSent d'apprendre à lire et à écrire il
toutes les petites fiUes, de les élever dans la piété eJl1es instruisant
de tous les mystères de la religion et de tous leurs devoirs, de faire
deux fois par semaine le c.atéchisme' il toutes les petites filles de la
ville qui n'auroient pas le temps dè venir pendant le cours de la '
semaine dans leurs échoIes et de faire des instructions tous les
dimanches aux femmes des artisnns de la ville et aux servantes des
habitans ,sous le bon plaisir. de Mgr l'évêque de Léon et avec l'agré­
ment de MM. les recteurs, de recevoir aussi en pension les filles
des messieurs de la ville, non séulement pour leur inspirer la piété
et à rendre ce qu'elles doiveut ,à nieu et à leurs parans, mais encore
il lire, à esc.rire et généralement tous les ouvrages que l'ùn désirera
et auxquelles les enfants seront propres, en un mot de raire tout. ce
que la bien séance de leur sexe et la vie retiré du monde dont
elles font profession peut leur permettre pour le bien spirituel du
prochain et l'avancement du royaume de Dien dans les personnes

ne l'on conflera il leurs soins .•• 1)

l'Union chl'étienne ne sollicitèrent JamaIs,
Les dames de
ni ne touchèrent la moindre subvention. ,
En février 1732, une demoiselle de Lannion, Jeanne J .... e
Quellec de Restriomirn-Férière, fit savoir à la communauté
de Brest,par l'entremise de Mr de Poussepain, qu'elle tenait
à sa disposition ( 12,000 'francs, sçavoir 9,000 livres argent
comptant et 3,000 en argenterie et toile », à l'effet ( de
procurer à la ville l'établissement d'une communauté d'Ur-:- '
sulines pOUl' l'inst.ruction des petites filles, qui, dit-un, sont
, fort abandonnées sur cet article de leurs parents, lesqllels
n'ayant jamais été bien instruits eux-mêmes ou trop occupez
des besoins de la vie ny n'ont le temps ny ne sçavent,: ny
même ne conçoivent pas la conséquence d,'im~truire leurs
enfants des principes et des devoil's de la vie chrétienne .... »
Cette offre généreuse n'eut pas de suite (Ir.

A côté des établissements religieux, il y avait des écoles
laïques, mais en bien petit nombre et en sitlfation précaire.
Les maîtres ne pouvaient vivre que de la rétribution de leurs
élèves et cette rétribution était plus que modeste pour les

, enfants du menu peuple. Du reste, 'presque tous les enfants
allaient aux frères. ..
Pour les familles à l'aise, il existait des maîtres de spé-
cialités, d'écriture, d'arithmétique, de grammaire, même' de

latinité, chez lesqueb les enfants trouvaient à perfectionner
leur instruction. Mais les salaires étaient aussi bi'en maigres
dans ces classes, et au bout d'un temps très court, la
plupart des maîtres succombaient sous le poids de charges
hors de proportion, avec leurs '·: gains, quittaient la ville,
s'ils n'obtenaient quelque secours de la communauté.
Le samedi, 1" oclo\)re 1757, remontrance du maire, 1\1' Martret
« l]u'il a reçu une lettre ... dn s' Goulier, gramerien de la ville de

(1) Archives
de la mail'Ïe de Brest, GG, carton n° 2 de l'instruction et
du culte.

la Flècl1e, en Enjou, écritte en latin ... , par laquelle il luy marque
a esté informé qu'il n'y avoit point de maUre en cett.e ville
qu'il
la gramaire et les belles lettres aux enfants, ce qui
qui enseignent
cependant très nécessaire et très utille pour une ville comme
est
celle-cy, qu'il offre de venir si établir, poueveu que la communauté
lui assure une pension de 200 livres 'par an, afin dfl se mettre en

état de subsister, au cas qu'il manquat des écolliers et dernande
qne le remontrant ait incessamment a luy faire une répome posi­
tive ~ cc sujet. Il seroit effectivement il souhaiter qu'il y eût en

celte ville un maître qui enseignat la gramaire, car le seul qui en
faisoit profession depuis plusieurs années et dont la ville estoit très
ayant fait de 'très bons écolliers, quoy qu'il n'eùt rien de
satisfaite
la communauté, vient de se retirer de cette ville pour aller résider
en celle de Saint-Renan. Ainsy si ledit Goulier a les qualités re-
il conviendrait moyennant ravis et consentement de Mgr
quises,
l'intendant de le faire venir, mais /auparavant le remontrant croit
de s'informer des vies et mœurs dud. Goulier, de sa
qu'il convient
ca pacité et expériance en la grm;naire et étude des belles leUres ... )
Approuvé.
Le 25 sept. 1761 (2), le maire, M. Kerbizodec-Lunven, commu-
- nique il la communauté ({ un placet que le s" de .Garlantezec, seul
maître de gramaire en cette ville, a présenté .. par lequel il expose
la triste situation dans laquelle il se trouve réduit, tant par' ie peu
d'écoliers qu'il a faute d'endroit commode pour faire ses écoles, '
que parceque par ordre supérieur il . a été obligé de desloger, so~
appartement étant pris pour servir de cazernes aux tl'Oupes (3) ;
son embarHs n'est P:;ls seullement de trouver un autre logement,
d'avoir d~ quoy payer celluy qu'il vient de quiter ct pOUl'
mais
lequel M. le Procureur du Roy (4) a eu la bonté de répondre pour
luy et de satisfaire ,à celluy qu'il pouroit prendre, qu'il prévoit ne
pouyoir payer si ' ia communauté n'a la bonté de le soulager en luy

(1) Regi.stre des dél ibérations de la communauté de ville, 1 D, fo 11 O.
(2) Registre des délibérations de la communauté de ville, 20, fa D7 v.
(3) .On commence à ~tablir ici et là des casernem~nts pour soulager les
h.abitants de l'extrême mullfplicité des logements militail'es ; mais on voit
fi quel prix quelques-uns procuraient à d'autres une réduction de charge •
. (4) François BergeYin •

procurant un logeinent convenable pour ses écoles et eh Illy accor­
dant une somme annuelle pour l'aider à payei' son loyer , et le
meW'e en état de continuer ses écoles qni sont d'autant plus utille
au public qu'il est le seul en ville qui enseigne la . gramaire.
La quantité d'écoliers qu'il a mis en état d'aller en différentes
classes (1) depuis deux ans qu'il est venu s'établir en cette ville et
sa capacité. C'est pourquoy M. le maire
qui tous ex.cellent prouve
MM. de l'assemblée de dellibérer à ce sujet ce qu'elle jugera
prie
Il La cOrl111lunauté eut un bel élan de générosité en
convenahle.
f lui une gratification annuelle de 600 Iiv. ; mais
. vota d'abord pour
t se rappelant les susceptibilités de l'autorité supérieure, elle effaça
ce qui pouvait paraître uue veillité de décision ferme et se borna à
«( supplier Mgr l'intendant d'accorder telle gratification qu'il jugera
à propos audit Garlantezec ... dont. la capacité est connuë de toute
la ·ville ... Il seroit à soubaiter qu'on pelt l'engager à rester en cette
ville, qui en a dans ce tems critique plus besoin que jamais ... »
Le temps critique serait-il une allusion aux souffles alors
si violemment dirigés contre les jésuites dans la Bretagne?
Leurs collèges et leur ordre lui-même y étaient fort menacés,
Malgré que la bourgeoisie, depuis les luttes de la commu-
nauté avec le séminaire, à propos de la possession de l'église
Saint-Louis (2), ne fut point :.sympathique aux Pères: ses
représentants les plus riches et les mieux posés, soit par
conviction sincère de la supériorité de leur enseignement,
soit par entraînement à imiter les tendances du monde aris­
tocratique, envoyaient souvent leurs garçons à Quimper,
Craignit-on, à l'Hôtel-de-Ville, que la fermeture des collèges
de la région n'interrompit le cours des études classiques
pour l'élite des jeunes gens? Dans ce cas, l'on aurait eu tort:
les arrêts du parlement de Rennes du 23 décembre 1761 et
du 28 mai 1762, obtenus par Caradeuc de la Chalotais,

(1) Des collèges les plus proches, Quimper ou Vannes.

("2) Voir Levot, Ilistoire de Brest, I, p. 255 et suivants.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINIS'l'ÈRE. - TOMB XXII. (

s\étaient préoccupés de maintenir. la continuité des classes
. dans ces collèges (1), ' en ordonnant aux procureurs des
sénéchaussées royales de dresser la liste « des ecclésiasti­
ques séculiers' ou des laïques indifféremment qui leur paraî-
tront les plus dignes et les plus capables d'exercer les chaire:;;
d'humanité: de rhétorique et de philosophie, pour y être,
par la cour et par les sénéchaux et ofilciers des sénéchaussées
royales, pourvu à l'instant et par provision; lesquelles nomi­
nations auront leur plein et entier effet jusqu'à ce que les
chaires desdits collèges soient définitivement rernplies par
la voie du concours ou autrement ... » Il devait être payé à
chaque régent, sur les revenus du collège, des honoraires
proportionnés au temps de leur exercice. Un nouvel arrêt,
communiqué au maire de Brest et représenté par lui le
3 juillet 1762 (2), réglait « les honoraires des principaux,
sous-principaux et professeurs appelés à remplacer les soy-
. disants jésuites dans les collèges de Rennes, Vannes et
Quimper. » (3)
. La transformation des collèges eût une conséquence

plutôt heureuse pour les villes de la provinçe. Plus d'une
famille, par préjugé, se refusa à envoyer ses enfants à des
écolils dont elle regrettait l'ancienne direction; peut-être
aussi les études classiques, devenues moins solides avec des

professeurs de recrutement hétérogène, attirèrent-elles un '
plus petit nombre d'élèves. Beaucoup de parents prirent
l'habitude de garder leurs enfants auprès d'eux, les maîtres

d'humanités et les précepteurs se multiplièrent et bientôt
même des pensions s'ouvrirent à Brest.

(1) Comptes-rendus des Constitutions des Jésuites par Louis-René de
Caradeuc de la Chalotais, procureur général au Parlement de Bretagne,
de Paris, 18'l6, p. 380.
(2) Registre des délibél'ations de la communauté, '20, fo 116 v'; ..
(3) Les jésuiLes furent supprimés en France par édit de 176'1 et leur
le pape en 1773 .
ordre aboli par

La communauté s'intéresse aux efforts des maîtres qui lUI
paraissent dignes d'être encouragés; mais elle est presque
toujours erilpêchée de les subventionner par l'intendant.
En mars 1775, requête du « sieur Pierre, prêtre, ancien
professeur et principal du collège de la Guerche », venu à
Brest sous la promesse d'une place d'aumônier sédentaire
de la marine, et qui, (1 fmstré, réduit comme les autres
aumôniers à embarquer à son tour SUl' les vaisseaux du
Roy», a ouvert à Brest « une classe des premiers principes
des langues française et latine » et sollicite un traitement
modique de la ville. La communauté consent à lui accorder
une gratification annuelle de 200 livres. « Monseigneur l'in­
tendant est supplié de considérer que cette ville contient" un
grand nombre d'enfans destinés aux plus hauts emplois,
qu'elle ne renferme aucuns instituteurs; qu'on ne trouve les
ressources que dans les collèges dont les plus près sont à
12 ou 15 lieues, distance tl'Op considérable pour confier à
des soins étwngers des enfants dans l'àge le plus tenclre, et
de vouloil' bien, d'après des motifs ainsi déterminans,
assurer à cette ville la résidence du sieur Pierre en lui
acçordant le modique secours annuel auquel il s'est borné.»
L'intendant donna son autorisation (1); mais, dix ans plus
tard, celle-ci fut éludée pour un autre prêtre, M. O. Le
,HibauIt, que la ville eut voulu fixer « pour enseigner aux
enfants les p'remiers principes de la langue latine et les
mettre en état d'aller au collège et en classe», moyennant
une subvention de 300 livres (2); voici la lettre adressée à
cette occasion à la municipalité par rintenda~t de Bretagne:
« Rennes, 28 octobre 1785.
(c J'ai reçu, Messieurs, l'expédition que vous m'avez adressée de

votre délibération du 15 de ce mois, par laquelle vous proposés

(1) Registre des délibél'ations de la communauté, 23, fuS 59-60 .
m Registre d~s délibérations de la communauté, 25, f" 58, et petîte
liasse trouvée dans le registre des actes des frères. des .écoles chrétiennes • .

d accorder annuellement une ' somme de 300 livres au sieur Le
Ribault, prètre, qui sera chargé d'une école pour la grammaire
de la langue latine. Mais je n'ai pas
française et pour les principes
cru devoir approuver cet arrêté: comme il s'agit d'un nouvel éta­
blissement qui doit occasionner à la ville une dépense fixe et
annuelle, il n'y a régulièrement que le conseil qui puisse l'autoriser.
Il meparoit d'ailleurs que dans une ville comme Brest, un bon
instituteur pourroit se procurer une subsistance honnête aq moyen
du prix qui lui seroit payé pOUl' ses élèves; c'est ce qui a lieu à
Rennes pour un grand nombre de maîtres de latin. » Signé: De
Bertrand.
La même année, le sieur Dereppe obtenait la permission
de tenir ({ une maison d'éducation n, et l'année suivante, le
sieur Bourson, celle « d'enseigner le latin et d'avoir des
pensionnaires l), le sieur Pierron d'ouvrir une maison en des
conditions identiques (t).
A signaler une curieuse tentative d'école mixte, c'est-à­
dire pour enfants des deux sexes (c'était osé pour l'époque);
elle ne souleva point de rumeurs, mais échoua devant l'op­
position pure et simple du siège de police (2).
Le 4 octobre 1783, u.ne double demande est soumise aux magis­
trats, l'une est du sieur Fillon, l'autre du sieur Arrachart (3) : ce
dernier remontre « que ' désirant établir une école publique pour
l'instruction des enfants, tant que l'un et de l'autre sexe, il requIert
qu'il plàise au siège lui accorder de tenir école chez lui, joint son
offre de se conformer à tout ce qui est prescrit par les règlements;
et pour plus grande décence, de faire instmire les demoiselles par
son épouse et de te,nir leur école dans un appartement séparé, et
au cas que le' siège ' se porte à lui accorder sa demande, de lui
permettre de faire imprimer des cartes et de faire une enseigne ... 1)

(1) Regist.re des audiences de police.

(2) Registt'e des audiences de .police .

(3) Le même, à -l'audience de police du 1 juillet · lï8G, sollicitait la
de publier 'Un almanach ayant pour litre Etrennes bl'esloises:
permission
c'est la plus ancienne mention d'nn annuaire général pour la ville (voir
annuaire de 1895, p. 75).

A.près avoir entendu le procureur du Ro' 1 " . .
• ,. 'A l, e senechal fmt droIt
immed13tement a la requete du sieur Fillon' A 'd
• • J • « yant cgar aux
certIfficats de bonnes VIeS et mœurs par lui représentés et notam-
ment à. celui accordé par le sieur recteur de cette . IS' t
' parOIsse am-
Louis), a permis et permet audit sieur Fillon de tenir des 'écoles
pOUl' la jeunes5e ... » Mais il est tardé de prononcer sur le cas
du sieur Arrachart : sans doute il convient de prendre quelques
renseignements sur le personnage. Le 18 octobre, on l'autol'Ïse à
ouvrir école (c parce qu'il ne pourra revevoir que des garçons ou
des filles seulement». .
Les moyens d'instruction ne manquaient donc pas à Brest,
à a veille de la Révolution. Ils étaient suffisants pour les
et les jeunes gens de familles
besoins de toutes les classes
nobles, parmi lesquels se recrutait la marine, trouvaient en
ville jusqu'à des maîtres d'escrime et de manège duement
autorisés. Le supplément d'instruction que réclamait alors
l'éducation d'un. privilégié n'exigeait pas d'ailleurs des
professeurs émérites :. il se trouvait tout entier condensé
dans des espèces de manuels ou de notionnaires qui étaient,
au sommet de l'enseignement, ce que devait-être, à ses
premiers échelons, la civilité puérile et honnête. Là une
mémoire facile s'alimentait des connaissances superficielles
les plus propre a mettre en bonne post~lre) dans le monde;
un sujet intelligent et bien élevé rencontrait un résumé
'méthodique et précis de ce qu'il était nécessaire de savoir
et de ne jamais oublier, sur les sciences) les arts utiles et
d'agrément, les titres et armes des puissances souveraines
et des principales maisons du royau~e, les titres des diffé­
rents états, les principes fondamentaux du droit et de la
religion (1).
(1) Je possède un de ces livres: notiIJnai1'e ou mémorial raisonné de
ce qu'il Y a d'ulil({ et (l'intéressant dans tes connaissances acquises
dr,puis la crélltion du monde jusqu'à présent, par M. de 6arsautt. avec
figllre en tatlte douce. à Pm'is, chez Guillaume lJesprez, imprimew'
ordinaire du Roi et du clergé de fo'rance, 1'ue SaLnt Jacques. à Saint-
Prosper et aux TTois· Vertus, 1761, avec approbation et privilège du .
Roi.

L'âge mûr, à une époque de discussions philosophiques,
d'événements politiques et de réformes économiques, où il
n'était permis à aucun citoyen de demeurer indifférent, eut
à sa disposition les gazettes et les ouvrages en vogue, dans
un cabinet littéraire, ouvert rue d'Aiguillon au mois d'avril
1785. Sans parler des ressources qu'offraient aux studieux
ou aux simples curieux, des librairies en rapport avec celles
de la capitale: Romain-Malassis était imprimeur, éditeur
et libraire; il publiait un état annuel de la marine; ' Le Four­
nier, le fondateur d'une maison qui tient encore la tête des
librairies brestoises, avait, au bas de la gl'ande rue, à
l'enseigne: Au temple du goût, une boutique où l'on pouvait
se procurer « toutes sortes de livres .de théologie, de piété,
de jurisprudence, de philosophie, de belles-lettl'es et arts et
généralement toutes les nouveautés, ainsi que les ouvrages
concernant les mathématiques et la navig'ation. ».
Ainsi, la génération qui eût à prendre part aux gr'aves
événements de 1789 était-elle, à- Brest, bien armée pour se
conduire : le nombre d'hommes distingués qu'elle fournit
aux assemblées locales et à l'administration de la commune
prouve que depuis longtemps, dans le peuple comme dans
la bourgeoisie, l'instruction était ou suffisante ou très culti­
vée, très pratique surtout. La municipalité recueillait ·le .

fl'uit d'efforts soutenus pour l'extension ou le maintien des
écoles et il ne faut pas s'étonner, d'après cela, de la voir un
peu plus tard prendre l'initiative d'une réforme de l'ins­
truction primaire, avant les décrets de la Const.ituante (1),
Dr A. CORRE:
(1) Au bas d'une délibéraLion des professellrs,. mailres de langues,
de géographie et d'arithmétique, du 17 mars lÎ8~, pour ré­
d'écriture,
pondre à l'adresse des jeunes citoyens de Brest qui ont formé pacle
avec ceux de Rennes et des autres villes de la province, et sollici­
d'union
de tQus les corps et communautés, on trouve les
tent l'approbation
signatures de 16 personnes et ce chiUre ne représente pas exactement le
nombre des individus alors voués à l'enseignement dans la ville .

APPENDICE.
Veut-on savoir ce que coûtait, pour une famille du grand
monde et titrée de la région, l'instruction des enfants hors
de la, maison des parents ? J'ai découvert à cet égard des
indications fort intéressantes dans les papiers de la famille
de K.... Le père, officier aux chasseurs de Bretagne, tient
garnison en Bourgogne; la mère vit à Morlaix avec ses deux
plus jeunes enfants. Les aînés sont en pension à Vannes,
la fille, âgée d'environ 14 ans, vers 1789, chez les reli-
. gieuses de N .-D. de la Charité, deux garçons, âgés de 9 et
10 ans, vers la même époque, chez une . dame noble qui
reçoit des enfants de famille, se charge de leur entretien et
de la surveillance de leur éducation, Madame Le Roux de .
Kerpart. .
Au couvent de la Charité, la pension annuelle est de
1,200 li'Tes et se paie à l'avance; mais M. de K ... n'a pas
consentï à ce mode d'arrangement: il fait envoyer des fonds
par son notaire de Saint-Renan, selon que l'exigent les
besoins de sa fille et les réclamations de la supérieure ou de
l'assistante; celles-ci expédient en retour des mémoires
détaillés, d'ou j'extrais les renseignements suivants:
Chaque quartier de pension (trimestre), comprenant le
. logement, la nouàiture commune et les soins généraux,
s'élève à 90 livres 10 sols; la maison fournit une chambre,
mai s non des al'moires; le chauffage, l'éclairage, les ali-
ments d'extra, le vin, les objets de toilette, les livres, le
papier, les crayons, les pastels, etc., etc., sorit payés par
articles, nécessairement aussi les vêtements (une robe d'in­
dienne coûte 22 'livres, un chapeau 13 livres 14 sols; l'enfant
ùse beaucoup de souliers, 4 paires en un mois, à 3 livres la
paiee); une fois, il est payé d'lm coup à la coiffeuse, 46 livres,
et assez fl'équemment se répétent de menus frais pour frisure,

achat de poudre et de pommade (ce qui indique que la

coquetterie n'est point mal vue dans le pensionnat); un mois
de blanchissage monte à 2 ou 3 livres, les étrennes d'une
servante sont de 6 livres et pour la fête de la supérieure il
est marqué 12 livres, etc. Quant auxJecoTls, il y en a 20 par
mois de chaque maître: le maître de chant reçoit 9 livres,
géographie 9, celui de dessin 6, celui de gram!"naire
celui de
5, celui d'écriture 3, celui de danse 4., et celui de clavecin
10, l'instruction proprement dite revient donc à 4.6 livres
par mOlS.
Les garçons, d'autre part, ont coMé du 5 mai 1787 au
5 novembre 1790, une somme totale de 6,380 livres. Pour
chacun, la pension annuelle est de 4.36 livres, puis, à partir
du mois de novembre 1789, de 550 livres; la principale
dépense est celle du linge, des vêtements et de la chaussure.
Les leçons (20 par mois) se paient séparément pour chaque
élève: au maître d'écriture 4. livres, ali maître de grammaire
6 livres, au maître de géographie 6 livres, au maître de
mathématiques 12 livres, au maître de dessin 6 livres, soit,
au total, par élève, une somme de 34. livres pour l'instruction
proprement dite.
11 Y a des frais accidentels, en cas de maladie par exemple.
U ne courte maladie des deux frères a coùté {( en médecins
et autres remèdes »), 30 livres 6 sols; une {( fièvre)) assez ·
tenace, éprouvée par la demoiselle, et qui a exigé une
considérable d'opiats au quinquina, a
consommation assez
donné lieu à un mémoire de 66 livres 13 (les visites de
sont cotées à 12 sols, mais les drogues et les
médecins
manipulations de l'apothicaire font l'objet des trois quarts
de la dépense l'élevée) .