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Bulletin SAF 1895


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Les stone-cists

Halna du Fretay

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tES STONE-CISTS

préhistùr;ques et le début de l'ère chrétienne} zncmeratlOl'is
et inlzwnatio'ns, qu'il ne fallait admettre en aucune fa?on les
CITeUl'S profondes de deux publications récentes attrlbuant
à ces coUres en pierres oll Earcophages une dale très ancienn~;
1'I1ne disant qu'ils avaient précédé les dolmens, l'autre qu'ils
élaient Je l'âge de bronze, c'est-à-dire de la fin de la période
néolithique. J'ajoutais que les auteurs de ces mémoil~es se
condarnnaient eux-mêmes en ayouant avoir trouvé dans ces
des cadavres admirablement conservés, avec des
coffres '
restes d'étoffes, de vêlements et de coiffures adhérents aux
ossements.
Je croyais la question jugée pnr ce seul fait qu'en dehor.s
des causes chimiques de conservation on ne pouvait admettre
qu'une durée tl'ès limitée pour les cadavres: tissus el tous
les produits oJ'ganiques déposés clans le sol, et je concluais
en disant que ce rite de sépultures, continué presque jusqu'ù
. nos jours, était absolument chrétien et n'<'l,vait pas une ori­
gine antérieul'e à notre ère.
Il n'en est rien, la question est toujours pendante en ce
sens qu'elie est jugée tout autrement par quelques hommes
peu sérieux et pas du tout observateurs.
J'ai lu hier sur ce sujet le travail de l'un d'eux, et je crois
qu'il est de mon devoir, dans l'intérêt de la science: non pas
de répondre à un travail aussi erroné, mais de parler une
dernière fois de cette question qui doit être enfin jugée défi­
nitivement.
Le rédacteur de cette note s'étonne d'abord des dimensions
réduites de ces sépultures, comparées aux grandioses et

im posants monuments caractéristiques de l'âge de la pierre
polie, et il cite quelques rares signataires de mémoires, ne
pal'lant bien entendu q'ue de ceux dont les conclusions
r'entl'ent plus ou moins dans ses idées; mais il ne faut pas
. oublier ce que j'ai dit dans un de mes ouvrages à propos de
ces publications du passé, presque toutes erronées et copiées
unes sur les autt'8s, bonnes en un mot pour tromper tous
les
les lecteurs non prévenus.
L'inventeur de cette thèse hésite ensuite un moment de­
vant l'opposition d'un de ses collègues qui venait de déeou­
vrir un certaill nombre de ces stone-cists · sur plusieurs
points aux environs de Quiberon, et qui, dans une séance
relatée au bulletin de la Société polymathique/du Morbihan,

2 semest re de 1890, pages 62 et 63, disait:
(C Ind<"pendamment des différences de construction, un .
« fait nous frappe; dans aucun de ces stone·cists on n'a
« signalé la présence de haches en pierre, de celtre, ces
« objets l1'lystérieux et en quelque sorte sacramentels des
« sépultul'es dolméniques.
« Il y a donc lieu de garder une certaine réserve dans
« l'appréciation de l'âge des stone-cists de Quiberon, aussi
« bien que sur la question de la race qui y est ensevelie.
(c Si on n'a pas démontré que les stone-cists étaient anté- .
« rieurs aux dolmens, on n'a pas démontré davantage jus-
• qu'ici qu'ils étaient contemporains et qu'ils avaient été
« constl'uits par les mêmes hommes. Il est bon que dans une
« société comme la nôtre dont on ne saurait discuter la
« compétence, des voix s'élèvent pour réclamer des supplé-
« ments de preuves aux classifications systématiques et aux
« conclusions prématurées. »
Ces réserves ne découragent pas le signataire de la note
trois stone-cists près d'un tumulus
qui cite la découverte de
démoli et reconnaissable seulement aux restes du dolmen
. qu'il avait recouvert, mais il indique l'emplacement, c'est au

bord de la falaIse abrupt de l'Océan et tous les habitanls
par l'effet du vent.
)Ce sable se solidifie et se COUvre même de végétations sur
bien des points. et cela ressemble à une suite de tumulus.
H.ien d'étonnant donc de tl'ouver dans un pareil endroit
un stone-cists enfoui à 2 ou 3 mètres de profondeur. La
sépulture a d'abord eu pour base le sous-sol creusé assez
et ie vent s'est chargé d'élever le tumulus.
pl'ofondément
Je ne m'arl'ête pas à quelques appréciations de l'auteur
s'appuyant sur l'emplacement de ces stone-cists découverts
à peu de distance du tumulus, de dolmens ,ou de menhir·s.
La réponse est trop facile. Le Morbihan comme toute la pres­
qu'île de Bretagne a été constamment habité depuis l'époqtie
la plus reculée et on est bien forcé d'admettre que les popu­
lations se succédant dans les mêmes localités ont obéi suc-
cessivement à leUl's usages et à leurs rites religieux sans se
préoccuper des preuves pouvant exister aux environs, témoi­
gnages du séjour de leurs ancêtl'es ou du passage de d ~autres
familles.
L'auteur cite ensuite à l'appui de sès dires,la petite crypte
contenant (dit-il) des ossements à côté du grand dolmen de
Mannè-Lud-Morbihan, et quelques autres. .
J'ai déjà répondu d'avance à toutes ces erreurs dans mon
ouvrage intitulé: Etude sur les ouvrag6s des écr-iDains qui
m'ont précédé paru le 15 mars 1890; et faisant la réfutation
absolument concluante de toutes les conclQsions à propos
des fouilles de tous les grands monuments mégalithiques
du Morbiban; les auteurs ont toujours dit inhumation et
moi avec leur propre texte, j'ai tiré la conclusion absolument
contraiFe et pro\lvé de la façon la plus indiscutable l'inci­
nération.
J'ai dit dans ce mémoire que les auteurs s'étaient absolu­
ment trompés et qu'il y avait eu parto.ut dans cette immense

tombelle de Mannè-Lucl l'in.cinération la plus caractérisée et
non l'inhumation. Je l'ai absolument prouvé.
. Comment venir chercher encore comme argument, la
petite chambre accessoire à côté du grand dolmen rempli de
cendres en disant bien haut: il y avait des ossements, c'est
un stone-cist. Le texte même de la narration de la fouille
indiquait bIen là aussi l'incinération, qui n'est pas du reste
toujours complète. .
Si on s'arrêtait un moment à des théories aussi fantai­
sistes, on en arriverait bientôt à dire que les deux rites
étaient simultanés sous le même tumulus, incinération et
urne déposée dans l'immtnse dolmen et inhumation du

cadavre entier replié dans le très petit sarcophage ou coffre
en pIerre. .
. L'auteur espère que la galerie à faiee par l'état acquél'eur
de la Gl'ande-Tombelle de Saint-Michel, en Carnac, pour
permettre de donner aux visiteurs une idée exacte de ce
monument, fera découvrir de nouveaux coffres,
splendide
par lui stone-clsts, à la base.
appelés
présent sur le passé, déception de l'avenir, si
Illusion du
sépultures accessoires, ce que j'ai vu bien
on trouve . des
y verra les preuves de l'incinération,comme dans
souvent, on
la sé pultl.l re prin ci pale. . .
l'auteur termine en disant que ces coffres de pierres
Enfin
contenant des cadavres appartiennent dans l'ordre chrono­
logique des sépultures préhistoriques à l'âge de la pierre
polie qui a précédé le beonze et le fer, il conclut à la con-

temporanéité, c'est sa propre expression, des dolmens et
des coffees de pierres, et leur attribue la même origine et les
mêmes constructeurs: c'est une vérité désormais acquise à
la science, dit-il, et il bravera les arguties et l'incrédulité
des savants .
Il ne craint pas de dire que les stone-cists sont les sépul-
tures des vaincus, victimes sacrifiées aux mâmes d'Il Grand

Chef qui avait seul dl'oit à la grande sépulture dans le
dolmen et au mobilier funéraire, il y a là vraiment un trop
gl'and effort d'imagination.
t'auteur admet donc ainsi l'inhumation dans les grands
dolmens, hérésie pl'ofonde, je l'ai prouvé, et de plus il sépare
les époques de la pierre polie, du fer et du bronze. .
S'il avait souvent fouillé les dolmens non violés, il se serait
n'en forment réellement qu'un seul; c est ce que J al toujours
dit avec les preuves les plus nombl'euses à l'appui:
L'auteur parlant ensuite d'un grand dolmen, rappelle un
grand cists, je tl'Ouve ce terme anglais moderne tout à fait
excessif quand il s'agit de désigner un véritable monument
mégalithique et il ne doit s'appliquer qu'à ces tombes peu
anciennes et relativement rares du reste, représentées par .
quatre piel'res plates dressées sur champ et recouvertes ·
d'une cinquième circonscrivant une cavité sépulcrale de petite
contellant un squelette
dimension complètement close et
dans l'attitude repliée. L'ardeur de cet antiquaire, dont les
et récits ne m'occupel'ont plus désormais, est telle que
faits
sa propre plume ne suffit pas. Illuî faut des articles non
et des écrivains anonymes qui s'embusquent derrière
signés
les colonnes des feuilles locales pour tirer des extraits de
ses récits des conclusions inadmissibles pour tous les lec­
tetn's sérieux.
On est d'un tout autl'e avis à la Société Polymatique du
dans le bulletin de 1890,
Morbihan, voici ce que .je lis
page 74 : .
Un savant qui nous a précédé, M. Arrondeau, disait en 1R68
(bulletin de la Société) : « l'analogie de ces sépultures fer­
« mées, proportionnées à la grandeur du corps qu'elles
« devaient recevoir, avec le mode de sépulture usité dans
« les .temps historiques, et qui s'est propagé jusqu'à nous,
« semble-t-eHe pas une induction plausible en faveur de

« l'âge plus récent de ces tombes; en tout cas les différences
« profondes qui distinguent les dolmens et les coffres de
« pierre ne permettent pas de faire d'assimilation; les
« dolmens sont d'ailleurs répandus à profusion sur tout le
« territoire tandis que les coffres forment une exception. l)
Je lis encore, même bulletin: page 111: « La question de
« contemporanéité des dolmens et des coffres de pierre reste
« pendante et le doute sera justifié, tant qu'on n'aura pour
« autoriser des conclusions générales absolues que des fails
« particuliers en très petit nombre, d-'unè interprétation
« obscure avec des hypothèses sans aucune preuve. J)
Je regrette de ne pas voir émettre des conclusions plus
fbrmelles et plus décisives encore par une société qui a per­
pétuellement à son ordre du jour un tra~fil sérieux sur
toutes les questions pendantes, contiuuant ainsi la g'loire du
passé et la réputation d'un musée d'une richesse inouïe .
. Cette collection vraiment splendide et si complète a été
formée entièrement dans le Morbihan couvert partout des
plus beaux monuments mégalithiques du monde et four­
nissant à chaque pas des documents si nombreux et si pré-
cieux pour l'histoire préhistorique. .
L'inventeur de l'utopie des stone-cists précédant ou
accompagnant les dolmens, aurait dû suivre un conseil que
la prudence seule peut donner, c'est-à-dire de travailler et
de réfléchir avant d'écrire. Le papier, il est vrai, supporte
sans se plaindre toutes les élucubrations, mais le lecteur ne
pardonne pas à celui qui a parlé sans savoir et qui se fait
baUre par celui qui a été patient et n'a écrit qu'apl'ès

avoll' apprIs,
J'ai déjà eu l'occasion de dire que je n'avais commencé à
écrire qu'après tl'ente années de travail assidu et de fouilles
continuelles sur toute la presqu'île de Bretagne; ce qui m'a
permis de réunir des preuves indiscutables et un nombre
considérable de faits historiques constatés par des usages

constants: en même temps qu'une collection des plus utiles
ail point de vue scientifique, et supérieure cer'tainement,à la
maJjorité des musées. .
La colleetion des pierres taillées seule compte plus de
douze mille types de premier ordre et tout le reste est à
l'aveuant.
Cette collection est mon œuvre personnelle, tout ~ été
trouvé daus mes recher'ches ; c'est ainsi que l'on arrive à des
certitudes qui restent des points historiques acquis. Des
hommes de génie comme Boucher de Perthes, de Caumont,
et d'autre~ encore n'ont pas procédé autrement; ils ont tra­
vaillé, vu et profondément réfléchi avant de parler. Aussi
leurs œuvres impérissables seront toujours vraies pour leur
gloire et pour la science.
dernièrement d'un de mes savants collègues,
Je recevais
M.l'abbé Abg.eall, un mémoire accompagné d'une lettre où
une question m'était posée:
« Doit-on admettre comme appartenant à notre· ère les
« squelettes trouvés associés aux armes en bronze et les
« squelettes trouvés dans les grands Goffres en pierre sous
« tumulus. » .
J'ai répondu:
Je me prononce absolument en réponse à votre question.
Les squelettes avec armes en bronze et même en pierre
trouvés dans de grands coffres en pierre sous tumulus appar-
tiennent à notre ère. Rite chrétien. J'ai parlé des tumulus
païens des me et IVe siècles.
antél'ieure le christianisme avait déjà fait
A une époque
des progrès dans la Gaule, et vers cette époque les deux
rites ont été simultanés dans des localités différentes.
. Dernièrement dans quelques publications jai vu la théorîe
de peuples différents, les uns inhumant les autres incinérant
leurs morts à la même époque.
Pour moi il n'y a à proprement parler qu'un seul peuple
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINI$TÈRE. TOME XXII. ( moires). 10

slavançant toujours vers l'ouest et s'augmentant par les émi­
grations continuelles de l'est où l'on a incinéré dès le début.
Le résultat a été un certain moment la succession de
familles sur place avec conservation momentanée des mêmes
usages, des mêmes monuments, et en même temps des rites
de religion et de sépultul'e tout à fait différents .
CONCLUSION .

En résumé, les stone cists se trouvent à une certaine pro-
fondeur dans la terre. les constructeurs avaient donc d'ex-

cellents outils et l'époque est peu éloignée. .
La conservation des cadavres indique un âge relativement
récent, et on ne peut admettre la conservation des corps,
vêtements et coiffures pour une dUl'ée de quatre à cinq mille
ans. Ce ne sont donc pas les premiers dolmens dont ils
diffèrent absolument comme forme, dimension, épaisseur des
pierres; les premiers dolmens sont très gl'ossiers, pas rec­
tangulaires et posés à fleur de terre. D'autres dolmens, à
mesure que l'outillage est devenu plus parfait, ont été ' plus
profondément incrustés en terre, mais toujours de grandes
dimensions avec le rite invariable de l'incinération.
A quelle époque précise préhistorique et pour quelle cause, .
ces inventeurs veulent-ils placer l'inhumation dans ces
stone-cists réduits ? Pourquoi ne pas juger définitivement
. la question d'après les données certaines de la science
acquise? .
La loi chrétienne a ordonné à ceux qui se convertissaient

à la foi religieuse nouvelle, l'inhumation, mais il fallait tenir
compte des usages du passé, la pierl'e avait servi, on en a
encore usé et les coffres en pierre de dimensions restreintes
ont précédé les coffres en bois:
Pour les grands personnages seulement, il était possible
de creuser le sarcophage dans le granit avec la forme du .
corps.,

Je n'ai jamais trouvé aucun stone-cists sous' un tumulus et
j'ai toujours fouillé jusqu'au sous sol primitif, mais il ne
SCfYdit pas impossible d'en trouver sous un petit tumulus du
commencement de notre ère. J'ai cité des tumulus païens du
IVe siècle, pourquoi n'y aurait-il pas des tumulus chrétiens
de la même époque. ,
Je peux dire avec une certitude absolue et par mes propres
décou vertes que sOus un grand tumulus renfermant un vél'i­
table dolmen ou une allée couverte, il y a souvent des'
petites chambres ou coffres accessoires; quelquefois ils
touchent le dolmen, souvent ils en sont séparés et on les
découvre au bord du 'tumulus sur le même niveau que la
base du monument. Cllaque fois que j'ai fait cette consta-
tation, j'ai eu la certitUde que ces sépultures accessoires
étaient de la même époque que le dolmen, et que le rite
funéraire avait été partout l'incinération et jamais l'inhu-
mation.
25 mars 1890 un de mes collègues de la
A la séance du
Société Polymathique du Morbihan, cite avec beaucoup de
raison les tombes découvertes près du grand dolmen de
Gavr'inis datant incontestablement du XIIe siècle, et aussi
les' poteries des stone-cists de Beker-will notablement diffé­
rentes de celles qu'on rencontre ordinairement dans les
dolmens et il croit pouvoit' dire dès à prèsent que les dolmens
et les stone-cists ne sont pas contemporains.
Voilà la vérité .

J'ai fait ailleurs la chronologie des monuments préhisto-
riques, tumulus et do~mens, et je termine ce mémoire en
disant de la façon la plus catégorique:
Les stone-cists sont les tomheaux du début de l'ère chré-
tienne et la coutume de ces coffres en pierre a subsisté
pendant un grand nombre de siècles.
Ils n'ont pas précédé les dolmens, on ne, peut l'admettre

un moment, ils ne les ont pas accompagnés et on ne peut
admettre non plus l'al~ernement.
Les différences sont trop tranchées pour la construction
comme ' pour le rite; la conclusion s'impose: ils ont suivi
et tumulus du IVe siècle de l!Otre ère .
les derniers dolmens
L 'histoire préhistorique vraie sera · toujours le résultat
d'une profonde expérience, et si les nouveaux ap.prouvaient
intégralement ce que leurs aînés ont constitué, ne recon­
naîtraient-ils pas d'une façon implicite l'inutilité de leur
venue en ce monde. .
Baron HALNA DU FRETAY.
Château du Vieux-Châtel (pat· Quéménéven (Finistère).
3 Septembre 1890.