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Bulletin SAF 1895


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Etats de l’armée royale en Bretagne (1594-1610)

M. Trévédy

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VII.

ÉTATS
L'ARMEg ROYALE EN BRETAGNE ..

Quand le roi Henri III nomma des gouverneurs à la Bre-

tagne, il n'eut pas la main heureuse.
En 1582, le duo de Montpensier meurt: il a obtenu la

survivance pour son petit-fils le prince de Dombes, qui n'a

pas dix ans. Le Roi ne peut, sans manquér à sa parole,
refuser à celui-ci le titre de gouverneur, sauf à donrier le
à un lieutenant général. Au mépris de sa .
commandement
parole, le Roi résistant à son conseil, nomme au gouverne- .
le duc de Mercœur, époux de Marie de
ment son beau-fl'ère
Luxembourg. héritière de Penthièvre'.

L'ambitieuse duchesse va rêver la souveraineté de la
Bretagne et encourager les regrets et les vœux séparatistes
des vieux Bretons comme le sénécha-l d'Argentré.
Ses gl'âces et son esprit charment tous ceux qui l'appro­
chent; elle gouverne son époux, et à son instigation celui­
ci, pour obtenir le concours armé des Bretons, se fera chef
de la Ligue en Bretagne (1 ) ... Voilà ce que le Roi n'a pas
voulu comprendre en 1582. .
Mercœur est un fait accom­
Mais en 1589 le rébellion de
pli: il est maître de Nantes, et « presque toutes les villes
Bl'etagne se déclarent pour la Ligue (2). » .

Le Roi le destitue; mais il faut opposer à un ennemi si
fortement organisé un homme de guerre d'une capacité et
(1) Voir le discours que la duchesse tînt aux bourgeois de Nantes pour
les encourager à la garde du chàteau (mars 158CJ). D. Morice, II, p,' 365.
('2) Id., id .

d'une fidélité éproll\'ées. Le Boi se souvient alors de la sur-
vinulCe accordée autl'efois au prince de Dombes; et donne
10 tit./'e de lieutenant génél'al à cet adolescent qui ent.re dans
sa dix-septième année (7 juin 158U), aussi étourdi qu'il était
Drave ct ne sachant pas la guerre.
Le prince fit son entrée à Rennes le 13 août., douze jours
après la mort. du Hoi Henri III. .
L'arr.ivée du prince détermina MerCŒur à lever 10 siège
de Vitré, qui, sous la garde de Montmartin, demeura au
Hoi; mais ce fut tout. La présence du nouveau lieutenant
général n"arrêta pas le mouvement vers la Ligue qu'avait
accéléré l'avènement du roi de Navarre; et, le 28 septembre,
Quimper sc déclarait pour :Mercœur (1).
Le prince de Dombes avait amené quelques troupes et
obtenu un secours anglais. Aux premiers mois de 1590,
pour resserrer Mercœur dans Nantes, il va assiéger Ancenis;
mais la IJlessure mortelle de Toussaint de Beaumanoir,
q li commandait l'infal~tel'io, détermine la retraite (2f;

et DOl11brs' so retil'C si pl'écipitamment que du coup il perd
Chùtcuubl'iaut (8 mars ) ; et au même moment les ma­
louins ligueurs se saisissent du château de Saint-Malo (11
mars). Le prince va, il est vrai, s'emparer d'Hennebont
(2 mai) ; n'1ais par représailles :Mercœur lui enlève Blavet
(11 juin) (3), où il va faire entrer les Espagnols (octobre) ;
et~ avec leur secours, il reprendra Hennebont (22 décembre) .
inquiets de ce début, les Eta(s demandent au Roi de ren­
voyer en Bretagne La Noue comme conseil du prince. La
(1) Voir le chap. III de Moreau.
de Beaumanoir, vicomte du Besso et du Faou, baron de .
( :) Toussaint
Pont, de Rostrenen, .etc, maréchal de camp, mort à Rennes, le 12 mars
1.,)HO, à 36 ans.
(:3) Blavet se nommait autrefois Loc}lé/'al1. En ceL endroit D. Taillandier
écrit LocrentJ,n Olt {J[rwel. P. 380-390, etc. Erreur typo~Taphique certaine.
Locrenan ou Locronan est le nom d'un bourg du, canLon de Châteaulin,
auti'efois Saint-Ronan.

Noue revient au commencement de 1591..) et, en même tempS,
Anglais débarquent en Bretagne,
) Le prince entre dans le duché de Penthièvre. La trahison
lui ouvre Guingamp (8 juin); mais il échoue devant Lam­
balle, où La Noue est blessé mortellement. Dombes parcour't
et foule la Bretacrne avec une armée dont l'indiscipline fait
une troupe de bl'igands (1); trois fois, il se tl'ouve en pré-
sence de Mercœur sans attaquer; et,quand il revient à Rennes
et qu'il rentre au Parlement, au lieu des félicitations qu'il
attend sans doute, il reçoit les remontI'ances paternelles mais
sévères du premier Président, parlant au nom de la com­
pagnie (2).
En 1592, il se promet de prendl'e une revanche éclatante.
avec le prince de Conti, qui commande en Anjou
D'accord
habileté que lui-même en Bretagne, il résout
avec la même
le siège du château de Craon. Le 22 mai, quand les princes
le croient à Nantes, Mercœur arrive à deux lieues de Craon
avec sept ou huit mille hommes, dont quatre mille Espagnols
aux ordres de Juan d'Aquila. Le lendemain, sans qu'il leur
soit tiré une arquebusade, Mercœur, et d'Aquila passent la
rivière d'Oudon, sur un pont que les princes ont fait cons­
truire et qu'ils ne songent pas à faire rompre. Il faut battre
en retraite sous le feu de l'ennemi. Les Espagnols font
basse sur les Anglais. L'al'tillerie, les bagages,
main
trente-cinq enseignes restent aux mains des vainqueurs (3).
Ce n'est pas tout : Château-Gontier, Mayenne, tout le
tombent au pouvoir de la Ligue. Si Juan
Bas-Maine

(1) Lire sur ce point les doléances des Etats sur les pillages et les dé­
des soldats: les calvinistes de l'armée l'oyale et les Anglais pro­
bauches
les églises et « foulent aux pieds les saints sacrements. » Morice.
fanent
Pl'. III, col. 15)7. V. aussi Moreau, ch. XIX, p. 138, et Marice, II,
('2) Lire cette paternelle allocution dans Rosnyvinen de Piré, p. 190
et suiv. V. aussi Pichart MOl'ice, Ill, 11'25. "
(3) Le calviniste-royaliste Montmartin vqit dans -ce désastre une punition
des 'sauvages inhumanités de l'armée sur le pauvre peupl'e. P. CCXCV •

d'Aquila avait consenti à suivre . Mercœur, celui rentrait
vainqueur à Rennes .

de retour en cette ville, le prince de Dombes re-
A peine
cevait l'ordre du Roi qu.i lui enlevait tout commandeluent

militaire. Décision biElU méritée, mais insuffisante.

La mort de son père (8 juin) venait de faire le prince de
et gouverneur de Normandie:
Dombes duc de Montpensier
il fallait le renvoyer à son gouvernement; le Roi lui laissa
le titre de lieutenant-général (1); le prince reste en Bre­
tagne; il rêve de gloire, il prend sur lui de demander à la
reine Elisabeth 5,000 Anglais auxiliaires, 7 canons et 50,000
livres de poudre; et il promet à la reine la place de Morlaix,
«( qu'en un mois on peut, dit-il, rendre imprenable, et très
bon port; 1) et il aurait pu ajouter: « qui rapportera à la
reine un revenu annuel de cinquante mille écus (2). »

Promesse étourdie qui va, deux ans plus tard, causer. de
grands embarras au roi Henri IV, et dont l'inexécution le _
privera avant l'heure des auxiliaires anglais!

Le désastre de Craon marque l'apogée de la Ligue en
Bretagne. Si Juan d'Aquila, au lieu de s'enfermer à Blavet,
avait consenti à assister Mercœur, toute la Bretagne eût été
conquise. La retraite de l'Espagnol fut une vraie trahison ...
que suivront plusieurs autres.
La folle expédition de Craon avait mis au grand jour l'in­
habileté du prince de Dombes. A la première nOlJ.velle, le
remit au
Roi lui enlevant le commandement militaire, le .
maréchal d'Aumont avec le titre de lieutenant général.

. (1) Le Roi fit plus; il lui confirma le titr~ par provisions du 9 mars
1593. Morice. Pro III, 1558-1561, en le comblant d'éloges. Le Roi lui
sa sœur Catherine, depuis duchesse de Bar. La présentation avait
destinait
eu lieu peu clUparavant à Saumur. (Montmartin, CCXCII). .
('2) Lettre du maréchal d'Aumont (de Quimper avant le 18 oetobre 1591).
Morice, Ill, 1613.

En même temps, la place de lieutenant général, vacante
par la mort de René de Tournemine (janvier 1592), fut donnée
à François d'Epinay de Saint-Luc (~2 août) ; et René Marec,
seigneur de Montbarot, gouverneur' de Rennes, fut désigné
pour commander en l'absence des deux lieutenants généraux.
Peu après l'orO'anisation militaire de la Bretagne fut
complétée. La province fut partagée en trois lieutenances.
Montbarot fut lieutenant du Roi dans l'évêché de Rennes (28
septembre) ; le marquis de Coetquen, dans les évêchés de Dol,
Saint-Malo, Vannes et Nantes (3 octobre); René de Rieux;
seigneur de Sourdéac, gouverneur de Brest, eut ùans sa
lieutenance les évêchés de Léon, Cornouaille, Tréguier et
Saint-Brieuc (1). ,
Mais, pour le malheur de la Bretagne, les ordres du Roi
He reçurent pas une exécution immédiate. Saint-Luc n'allait
entrer à, Rennes qu'au mois de juin 1593 et le maréchal
encore plus tard; pendant ces , duuze mois, le commande­
ment appartient à Montbarot; mais le lieutenant du Roi en'
l'évêché de Rennes n'a pas sur les deux autres lieutenants,
ses égaux en titre, l'autorité d'un li~utenant général; et
pendant ce temps ce qui reste de l'armée royale est comme
sans chef en présence de l'ennemi.
Mercœur profitait des circonstances; avec les Espagnols il '
Rennes, faisait des prisonnieI's
occupait les avenues de
jusque dans les faubourgs et menaçait la ville. C'est alors

(1) Saint-Brieuc n'est pas nommé dans le texte donné par D. Morice.
(Enreg. au Parlement, Pro III, 15;>1. Je l'avais hypothétiquement rattaché '
à la lieutenance cie Rennes (:-Jiège de Cr'ozon, p. 28, note :l). Je m'étonI!ais
de voir Sourdéac venir donner des ordres et même combaUl'e à
pourtant
Saint-Brieuc, notamment le 8 aoCit 1592. J'étais dans l'erreur. Je lis dans
les conditions du séjour' des Anglais, arrêtées entre Saint-Luc et le général
Norris: en septembre 1793, que « Sourdéacest lieutenant du Roi au pays
de PaImpol et Lanvollon », c'est-à-dire dans l'évêché de Salnt-Bl'ieuc.
(Documents sur la Ligue, p. 147. Bibl. Bretons.) Nous le ven'ons en 1610
ayant enCOl'e Saint-Brieuc dans sa lieutenance •

que le maréchal dépêcha devant lui Saint-Luc, qui entra à

Rermes le 17 juin 1593 (1) .
Mais le maréchal ne venait pas de sa personne, et ses
lenteurs désespéraient les Etats: le parlement et les bour-
geois de Rennes.
D'Aumont ne·s'était pas soucié d'être le mentor d'.un prince

du sang; mais le nouveau duc de Montpensier était enfin parti,
le 14 février 1593, chargé des malédictions de la province.
Après ce départ, une autre considération arrêta le mal'é­
chal. Il savait qu'il ne trouverait pas d'armée en Bretagne;
et il craignait de compromettre sa vieille renommée dans
une lutte que le défaut de moyens pouvait rendre inégale.
Il restait dans la Touraine et l'Anjou, recrutant et rassem-
blant du monde. .
Mercœur lui-même détermina d'Aümont à entrer
Enfin,
en Bretagne. Au mépris d'une trève, Mercœur menaçait
Moncontour; tout à coup: il apprit que le maréchal, sans .
prendre le temps de faire son entrée à Rennes, marchait sur
lui avec 4,500 hommes. Mercœur se retira, et le maréchal,
vainqueur sans combat, revint sur ses pas et entra à Rennes,
le 29 aoùt.

"III.
Avisé " politique, autant qu'habile homme de guerre, le
maréchal annonce que le Roi renvoie faire la guerre pour
conquérÎt> la paix; mais qu'il espère obtenir la paix sans la
guerre. Il suit en grand apparat toutes les processions
solennelles pour la paix. Il entre en relations avec la reine
Louise, veuye de Henri III, venue à Ancenis pour essayer
de vaincre la ~ruelle obstination de son frère.
Les circonstances sont fàvorables. Le Roi a abjuré (25
juillet) ; les villes se détachent de la Ligue; Lyon ouvre. ses
portes (Cévrier 1594) ; puis Orléans et Bourges. Le Roi est

(1) Picha rt. col. 1734. · .

sacré à Chartres, le 27 février: il entre à Paris, le 22 mar~,
Rouen se l'end à lui, le 27.
Ces événements ont leur contre-coup en Bretagne : l...e­
zonnet, gOllverneur de Concal'neau, Talhouet, gouverneur
de Redon, conseillent la paix et menacent Mercœur de
l'abandonner; et les Malouins négocient la reddition de leur
ville.
Les nouvelles de France, célébrées à Rennes par des feux
de joie et des Te Deum, sont par les soins du maréchal por­
tées dans toute la Bretagne. En même temps, il répand (et
les popul<1tions affolées de paix le croiront) que pour obtenir
de bonnes conditions, Mercœur IX abandonnerait les Espa­
O'nols à la boucherie ».
Chasser les Espagnols c( les mortels ennemis de la pro-
vince. .. qui veulent engloutir la Bretagne» (1), voilà le

premier but que les Etats montrent au maréchal. Le!:j
Espagnols ne se soucient plus de Mercœur et songent à ~eurs
propres intérêts. Ainsi, ils ne se contentent plus du port
de Blavet que Mercœur leur a ouvert; il leur faut Brest!
Malgré Mercœur, qui voit enfin clair dans le jeu de ses
perfides alliés, n'ont-ils pas commencé, en mars 1594, ' sur
la pointe escarpée de Roscanvel, dans la presqu'île de
Crozon, un fort qui fermera l'entrée de la rade?
Mais Crozon est loin de Hennes! Le maréchal n'a q~epeu
de monde : il n'a plus que 600 Anglais. Ceux qui ont
échappé à la main des Espagnols dans le désastre de Craon
ont péri victimes de leurs débauches (2). Un renfort de 1,500
hommes est pl'omis avec le général Nords. Force est de
l'attendre.
Le mois de juillet va finir: il est grand temps d'entrer en
campagne: le départ de la flotte anglaise est enfin annoncé .

(1) Expression des États. Lettre à d'Aumont. Morice Pr.· III.
(·6'26. A la

reine d'Angleterre. Id. 157J. etc. .
(Z) Montmartin. CCCl.
BULLKTIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRK. TOMB XXII. (Mémoires). 8.

Le maréchal se met en route. Jamais expédition ne fut plus
hasardeuse. Pour formel' sa petite armée, le maréchal a
rassemblé toutes les troupes de Haute-Bretagne; et il
emmène Montbarot, le gouverneur de Rennes, qu'il ne ren­
verra à Hennes qu'à la fln de novembre (1). Chose à peine
croyable, Saint-Luc est en ce moment aupr.ès du Roi et il ne
rentrera à Rennes que le 1 décembre (2). L'absence de
Bretagne
Montbarot, qui devrait le suppléer, laisse la Haute-
sans commandement.
Et ce n'est pas tout. Qu'est-ce que l'armée du maréchal?
_. «( Il s'embarquait sans biscuit, dit Montmartin; car il
n'avait que six à sept cents Anglais, deux mille horprrv'ls de
et trois cents chevaux, en tout trois mille
pied français
hommes (3) J) ; et il s'attend à trouver devant lui Mercœur et
Juan d'Aquila avec les sept ou huit mille hommes qu'ils
avaient à Craon.
C'est avec cette poignée d'hommes que d'Aumont marche
. résolument vers la Basse-Bretagne.

En arrivant à Saint-Brieuc, il passe en vue de la Tour de
Cesson que Mercœur tient depuis le mois de novembre .
1592 (4) ; il se promet de venir quelque jour la prendl'e ; mais
à faire en ce moment .
il a mieux
(1) Pendant le siège de Crozon, Montbarot garde Qnimper avec 1,500
hommes. ,
("l) Le 18 octobre, les Etats supplient Saint-Luc de rentrer en Bt'etagne.
Morice, Pt'. Ill, 1011. Le 10 et le 1'2 novembt'e, le Roi annonce son retour.
Morice III, IG21-IGU. Le ID novembt'e, lui-même écrit de Sainl-Germain­
en-Laye WU. Le 10, de Nonan, 16'2'1. Le 30, il écrit du camp d'Ernée,
16'21) ; il vient d'apprendre la prise de Crozon. Le 1 décembre, il rentre
à Rennes. Pichart, 1743 .
(3) Montmartin, p. CCCI.
(et non Dinan
(j) Mercœur en avait fait une très forte place. Cesson
qui soit restée
comme on le répète) a été la demière place de Bretagne
à Mercœut'. Nous verrons cela plus loin. '

Il rend son expédition populaire en imposant à son armée
une discipline rigoureuse à laquelle la population n'est pas
a~coutumée ; et, pour montl'er qu'il vient rétablir la sécurité
des campagnes, il détruit auprès de Guing'amp les repaires
de deux brigands (dont un mestre de camp de l'armée royale)
qui rançonnent le pays; et il ne dédaigne pas, lui maréchal
de France, d'aller de sa personne le menacer d'un siège.
Le 23 aoùt, il accorde une capitulation à Morlaix, et, pour
créer un obstacle il la remise de la ville aux Anglais, il
prend soin d'écril'e qu'il ne sera nommé pour gouverneur
qu'un « gentilhomme catholique et du pays» (1). Mais il faut
assiéger le château dont la famine seule aura raison ... et les
Anglais n'arrivent pas. Surviennent au contraire Mercœur
avec 3,000 hommes et J uall d'Aquila avec' 4,000 Espagnols.
Les officiers conseillent la retraite. Le maréchal s'obstine.
Pal' bonheur, le colonel espagnol, mécontent de Mercœur
qui lui a refusé le pillage de la ville, et craignant peut-être
d'être abandoriné par lui, refuse de combattre (1). Pendant
.ces débats 1,500 Anglais arrivent. Les Espagnols lèvent leur
camp. Mercœur ne pouvant rien sans .eux part pour Quimper.
Le château, vaincu par la famine, capitule le 21 septembre .
. Norris ne manque pas de réclamer le gouvernement de
Morlaix; mais le maréchal, lui opposant la capitulation,
nomme gouverneur Pierre de Boiséon, 't( catholique et du
pays (1) ». . .
(1) Art. IIJ. Morice. Pl': Ill. 1COI-WO· 2. ' Le roi' modifia cet article et
écrivit: « Y sera pourveu au contentement des habitans Il. Cette note est
dalée du 2l aotît 1;)9;). Morice. Id. l(jO~.
(1) Rosnyvinen cie Piré dit (II. p. 48) que d'Aumont avait êcrit . au' duc
de Mercœur une lettre de sa main, cachetée de ses armes, où il le pressait
de tenir sa promesse de s'unit' à lui pour avoir raison des Espagnols; et
que cette ieltre, adroitement égarée, fut remise à D.· Juan .... Aucune
allusion à ce fait dans aucun historien.
(1) Il ,ne lui donna que le gouvernement da la ville, et nomma de Mont­
gomméry, sieur 4e Corbouzon, capitaine du château. En l'absence de
l'elui-ci, en mars 1;)96, Boiséon se saisit du château (Pichart, 1748); et à

II part pour Q~im.per : il ne peut croire que dans sa route,
par Braspartz et Châteaulin, il ne soit pas attaqué .; mais
d0I\ Juan est rentré à Blavet, Mercœur èst en route pour
Nantes; e~ l'armée royale arrive devant Quimper le 9 octobre;
le 11, le m~réchal y entre par capitulation (1).
· Qu~lques jours après, il écdt aux Etats qu'il part pour
Crozon, entreprise« d'où dépend, dit:.il, un monde d'af­
(2) 'fi. Il était devant le fort espagnol avant le 25 octobre
faires
3-,700 hommes franç:;lis et les 2,000 AnglaIs de Norris.
avec
Sur cette pointe élevée et battue des vents, il va falloir
Iu.tter pel.ldant un mois entier sous des pluies continuelles qui
engendrent une terrible contagion; et, pour emporter la
place, il faudra trois assauts qui dureront une demi journée

(17 novembre) (3). .

Des 5,700 hommes que d'Aumont avaient a~enés à Crozon,
il ne testait que 800 hommes valides (4); et Juan d'Aquila,
parti trop tard de Blavet, est à trois lieues avec 4,000 hommes.

Que \e lendemaÏll il entre dans la presqu'île de Roscanvel, il
jetterq l'armée royale à la mer. C'est pourquoi, par un pro-
Ge q~'il pa,raît, en ful fait capitaine. (Chevaliers de Saint-Michel, p. 33.)
Le Sr de Corbouzon (Blaisois) était neveu de GabI'iel qui blessa 1110rtelle-
ment Henri II. .
(1) C'est en route ou pendant son séjour à Quimper que le maréchal
apprit la soumission spontanée de Saint-Malo. 1 er octobre.
p) La date p'est pas donnée; mais les Etats délibèrent sur cette lettre
à Hennes, le tR octobre. Morice, Pr. III, t (j 13. Il a été imprimé Rednn
au lieu de Crozon.
(3) 17 nov.embre es~ la date vraie. Montmartin dit 18 novembre. L'édi-
t~ur de Moreau ~mprime (p. 25.0) dùc sept novembre, et (p. 252) 1.5 nove~­
bl'e. D. Taillandier dit J 5 novembl'e. Le maréchal a donné la date: le '20 .
novembre, il écrit qu'jl a emporté le fort le jeudi pl:écédent. Morice Ill,
tû'2·L Le jeudi ét~il le 17. · .
('i) Montmartin, p. CCCV. Moreau, p. 253, '25j, est d'accord avee lui.
ya quelques années, en creusant les fondations d'unebattede un peu
en avant de l'enceinte espagnole, on tl'Ouva une grande quantité d!osse­
ments amoncelés. C'était sans doute les l'estes des Espagnols et des morts
des assauts du 17 nQvembre 159i, « plus de 400 Français ou Anglais .,
dit Montmartin. CCCV. \

dige d'audace, qui est un acte de prudence, dès le '18 au
matin, d'Aumont marche aux Espagnols. Le 20, H campe â
quinze kilomètres du fort, deoant le bourg de "Crozon ... (1')
Mais qu'adviendra-t-il de sa poignée d'hommes si . ;Juan
d'Aquila, choisissant sa position, se tient à chev-al sur l'uni'­
t]lle route que le maréchal puisse suivre?
Chose à peine croyable! le colonel espagnol, appTenant la
prise du fort, se retire en hâte, comme s'il était suivi par un
ennemi supérieur en nombre. Tournant le dos à une vIctoire
qu'il pouvait espérer comme certaine, il passe la lieue de
grève où il pouvait envelopper l'armée royale; et, dès le 20
novembre, quand d'Aumont campe à CrozoFl, il a déjà
dépassé Locronan et marche sur la route de S-caër (2,).
Grâee à Juan d'Aquila, le maréchal put ramener à Qu,im­
per ses troupes que la maladie décimait, et il1es y d'e(')osa
jusqu'à la fin de janvier 1595. .
reprit le ohemin de la Haute-Bretagne:
A cette époque, il
passant devant Corlay, il somma La Fontenelle qU'ufi corps
espagnol venait défendre, et il obtint la re(ildition de la place
aux premiers jours de février.
C'est là que Norris, méco'l1tant des obstacles que le maré­
chal apportait à la remise de Morlaix, annonça son rappel
et quitta l'armée avec ses Anglais, pour se retirer à Paimpol
et prendre la mer.
(1) C'est de là qu'il écrit aux Etats. Morice, Pro lIT, 1-61 l,
('1) Le maréchal dit sept lieues d'tCi. Il s'agit de lieues de Bretagne,
4,800 mètres, 33 kil. 6no. Locronan est à 31 kilomètres de Crozon .
Que Mercœur, abandonné des Espagnols à Morlaix, n'ait i)as risqué seul
une partie inégale, qu'·il n'ait pas voulu coopérer avec ·Jean d'Aquila à la
levée du siège de Crozon, cela se conç.oit sans peine. .
Mais comment, sachant la Haute-Bretagne dégarnie et sans commande­
ment, est-il resté immobile à Nantes?
Comment surtout, Juan d'Aquila est-il parti de Blavet si tard que faisant
une extt'ême diligence il arrive la veille du demier assaut à trois l·ieues du
f-art; et comment avec 1,,000 hommes de troupes fraîches ne dispÜ'te-t-H
pas le passage à 800 hommes! Il est vrai qu'il sentait Montbarot derrière lui .

Le maréchal avait encore besoin des Anglais : .il voulait
mener au siège de Cesson; il avait annoncé ce projet au '
les
Roi; et Henri IV en ' faisait part à la reine d'Angletel'l'e,
la suppliant de lui laisser N orris (1). Le mal'échal comptait
que la lettre du Roi déterminerait un contre-o.I~clrB; c'est
pourquoi il se tenait entre Cesson et P...a-imp01, à port.ée de
rune et l'autre-place : nous le tf-ouvans le 20 février à Bour­
briac, le 27 et le 28 avril à Quintin et à Guingamp (2) ; il
~ttend la réponse de la reine' d'Angleterre.

, C'est à cette époque que se rapportent deux actes officiels
qui nous éclairent SUl' la situation de l'armée royale en Bl'e-
tagne. .
Le premier est un cc Etat des garnisons royales en Bre­
tagne, » daté de Quimper, le 16 février 1595. et dressé sur
l'ordre du maréchal, pal' François Miron, trésorier des
guerres.
L.e second est un , « mandement» signé du maréchal, de
Saint-Luc et de Miron, à Bourbriac: le 20 févl'ier 1595 (3).
(1) Lettres missives de Hcnri IV. T. IV, p. 308-31 '2. H février.
('?) M orice. Pr. III. 1036.
(3) Ces deux pièces ont été publiées in extenso par la Société des
Bibliophiles bretons dans lJocuments inédits sur t'histoil'e de la Lig Lle,
Miron avait eu de fâcheuses mésaventures. Lorsque les boùrgeois cie
Nantes se saisirent du château (mars 1589), plusieurs de ceux qui éLa ient
lidèles au Roi y furent enfermés et n'eu sortirent qu'après avoir payé de
. grosses rançons. Miron fut de ce nombre. (Morice. Hist. Il, ]J. 36.).) L'an­
née suivante, il était soupçonné d'intelligence avec Mercœur.
« Le 2° jour clu mois de septembre auclict an (1.~)~O), M. Miron,
général cles finances cie Bretagne, fut mis prisonnier et baillé entre les
mains du capitaine cles gardes de M. le prince à cause que, le joue pré­
cédent, on avait pris des leLtres que leclict . Miron escrÎyoit aux dames de
Mercœue et cie Martigues, cl Nantes (clame ete Mal'tigues. ll/c.ll'ie de Beau­
c ûre, veuve de Sébastien de LuxembourrJ (15 GD', mère de l'1 dllcltes~e de
JIler(:œLlr), par lesquelles il se voit qu'il a accez et conférence avec Mon­
sieur de Mercœur; et y_ avoit plusieurs. lettres, ente'autees une padallt

Ces deux pièces ont été dressées en exécution d'une lettre
royale du 30 janvier, approuvant un « État des forces et
maréchal d'Aumont, le 10 décembre 159 1, à QUImper (1).
Voici les prévisions du maréchal: -
1 14 régiments composés de 6 compagnies de 44 hommes
faisant en tout 3710 hommes. .

Solde par mois (2) :
66 écus 2/3
Mestre de camp ...... .
33 écus 1/3
Capitaine. . . . . . ' .' . .
20 écus.
Lieutenant.. . . . . . . . .
18 écus.
Enseigne.

ecus

Sergent. . •

4 ecus.
40 soldats.

Dépense de la compagnie, 262 écus; d'u régiment,
1638 écus 2/3 ; des 14 régiments, 22941 écus 1/3.
Il s'agit ici de régiments d'arquebusiers à pied.
2 Un régiment de suisses composé de 1200 hommes, à
4 compagnies de 300 hommes (par estimation), 1500 écus
par compagnie: 6000 écus.

de melions lui envoyés par les d. dames qu'il disoit estre meilleurs que
CIilUX cie pat' deça : aussi qu'il souhaitoit d'estre avec Mr de Mercœur pour
le faire l'ire des bons comportemens des clames de Hennes; et qu'il lui
UYOlt escrit de c.e que lee!. Sr lui avoit commandé. Et fut mis depuis
en la Feillée (l'ancien châteatl ducal à Rennes, dit aussi et
prisonnier
jIlSqll'a.1l nt "[ù'u d.: ce siècle rrison Saint-Michel), et de peur de quelque
il fut mené prisonnier à Vitré par le Sr de Meneuf-Bourgbarré,
surprise
qui en fit faire la conduite aud. Vitré ». \Pichart. Morice 11. 1718).
Il fut détenu huit mois.
« Le lundi lU may arrivèrent à Rennes M ..... ensemble M. Miron,
général des Finances, auql1el a été remise par le Boy la faute dont il est
parlé cy-dessus. » Pichart. Moriee II. p. 17U.
(1) Morice.Pr. III. 1 G!G-'!7.
("2) En lisant ces chifTres, il ne faut pas oublier que pour avoir la valeur
cie notre monnaie actuelle, il faut les multiplier par 4 au moins. Ainsi
1 écu .-.- 3 livres x 1 -' U francs de nos jours. (jG écus 'lr1 ou 66 écus
? livres _....: 200 livres x 1 ~ 800 livres. .

3° 300 chevau-légers en six compagnies de 50 hommes (1):
Capitaine. . . . . . . . . . .. 50 écus.
Lieutenant. . . . . . . . . .. 25 écus.
Cornette. . . . . . . . . . .. 15 éclls .

Maréchal-des-logis. . . . . .. 12 écus.

Chevau-lég'ers. . . . . . . .. , 10 écus.
Pour les six compagnies, 3308 écus '(2) .
4° 400 arquebusiers à cheval, en huit compagnies de
50 hommes: .

Capitaine. . . . . . . . . .
33 écus.

Lieutenant ........ .
20 écus .

16 écus') /3
Sergent (deux) ...... .
-6 écus .
46 soldats. . . . . . . . . .
Pour la compagnie, 345 écus 1/3 ; pour les huit, 2263 écus.
5° 400 pionniers en quatre compagnies:

Capitaine ............ .
8 écus 1131
Enseigne ............ .
6 écus.

P10nnler.. . . . . . . . . . . . .
J: ecus .
Compagnie, 385 écus 213 ; les quatre, 1542 écus 2r3.

6° Frais et dépenses de l'artillerie: c( Conduite de huit
canons avec attirail de 250 chevaux, 15 sols chaqtle jour de
cheval: 2,881 écus.
7° Officiers des vivres, leurs frais de charroi, etc ... :- 1,400
ecus. ' .
8° 20,000 pains de munitions par jour, rné/J",oire: « A
prendre sur la somme totale ordonnée pour la guerre )). .
(1) Chevau-légers. L'éta t du 16 février que nous a lions étudier les
nomme « hommes de guerre montez et armez à la légère». Les chevau­
légers, de création récente, furent ainsi nommés par opposition aux
gendarmes pesamment al'més de l'ancienne cavalerie. On les nomme quel­
quefois carabin.s. ou carubiniers; mais par extension. Le carabin est
proprement « le chevau-Iégel' armé d'une petite arme à feu » , dite
carabine.
(Z) Le compte de la compagnie n'est' pas établi: il est de 562 pcus, ce
qui porte le compte des six compagnies à 3371 écus, au lieu de 3308,
chitIre imprimé.

90 «( Parties (comptes) inopinées, voyages, blessés, radoub
et remontage des canons et autres menues dépenses: 800
écus. »

10 Les gages des officiers de l'armée: le général, lieute-

nant général du gouvernement, deux maréchaux-de-camp,
deux intendants, l'un de la justice, l'autre des finances, et
autres peuvent monter pal' mois à 4,600 écus (1). » ,
Ainsi, d'après les prévisions du maréchal, l'effectif de
l'armée pour l'année 1595 devait être de 5,610 hommes sans
compter les piollniel>s, 400 hommes, les canonniers, officiers
des vivres et même les officiers supérieurs.
La dépense générale était de 46,316 écus par mois, soît
pour l'année 555,792 écus; soit en livres 1,667,376, monnaie
du temps et 6,669,504 francs, monnaie act,uelle. '
Le 30 janvier, le roi approuva l'état et ordonna de dresser
un état des garnisons de Bretagne, et de répartir entre les
évêchés brelons la somme à laquelle il fixait la contribution
de ]a pl'ovince aux dépenses de guerre.
L'état. des garnisons modifie en plus d'un point les prévi­
sions de l'état. du 10 décembre. C'e~t ce que' nous'allons voir.

, L'état du 16 février nomme 28 places (villes ou châteaux)
sièges de garnisons royales (2) : Hennes, La Guerche, Le
Bordage (par. d'El'cé), Châtillon, Vitré, Hédé, Québriac,
dan Iffs), Broons, Ploërmel, évêché de Saint-Malo; Pontorson,
Combourg, Coetquen (par. de Saint-Heleri), évêché de Dol;
-Malestroit,évêché de Vannes; Clisson,évêché de Nantes;

(1) A la suite du dernier chiffre 4,600, il est imprimé Uv. (livres'. Erreur
certaine: le compte a été établi jusque là par écus; plus loin, le total e~t
donné en écus; et le chiffre de 4,600 livres n'atleindr(lit P(lS ce total porté
par le maréchal à 46,116 écus, (lU lieu de 4, 1,73,), chiffre exact.
(2) L'état ne range P(lS les places en cet ordre. J'ai réuni ensemble
les pluc'es de ch(lque évêché.

Moncontour, cbâteau de la Latte (par. de Plévenon),
par. de Pléneuf, Bréhat (1), évêché de Sainl­
Verdelet,
Brieuc; Guingamp,évêché de Tréguier; Primel (par.de
Ploug.asnou),Mol'laix,Brest:évêché de Léon; . Concarneau,
POlit-l'Abbé, Quimper, Corlay, évêché de Cornouaille (2).
Sur ces 28 places, 16 seulement ont un gouverneur. Trois
de ces places, Rennes, · Brest, Vitré, ont un lieutenant du
gOllverneUl', parce que leurs gouverneurs Montbarotà
H.ennes, Sourdéac à Brest, sont lieutenants du Roi, que
Montmartin à Vitré est maréchal de càmp; et, que, à ce
titre, le service peut les appeler hors de la place. Dans ces
et dans six autres (Clisson, Malestroit, Guin-
mêmes places

gamp, Moncontour, Morlaix et Quimper), il y a auprès du
gouvernenr un sergent-major qui, en cas d'absence, supplée
le lieutenant ou·le gouverneur lui-même (3).
L'élut nOllS fournit d'intéressants détails sur l'armement,

la composition et la solde des troupes. . '

. (1) L'Ile de BI'éhat,à l'embouchure du Trieux, était une enclave de
l'évêehé de Dol dans l'évêché de Saint-Brieuc. Il ne peut faire de doute
que sa situation ne plaçat Bréhat dans la lieutenance dont faisait partie
l'évêché de Saint-Brieuc: celle de Brest.
('~) Saint-~lalo, une des premières places de Bretagne, ne figure pas SUl'
celte liste. La yllle ne recevait pas de garnison: .« Nous ne voulons autre
garnison ... que 'la bonne YOlonté et afIection que les habitans ont en notre
service. " C'est le roi Henri IV qui parle. Edit de capitulation, octobre 159~,
art. 1 J. i'l'Jorice, pl'. III. 1 G07. Le marquis de Coetquen n'était pas encore
gouyerneul' d,e Saint-Malo, le '26 novembre 1.)9,), ainsi qu'on le voit par
ce jour pOUl' recevoir ses preuves comme chevalier du
l'enquête dressée
Saint.-Espl'Ît. Mol'ice, pl'. III, HH8 pt suiv.
(3) Sergent-major. Il ne s'agit pas du sous officier ainsi nommé au-
jourd'hui; mais de l'officier nommé aussi sergent de bataille: « hE\ut
ofTicier qui sert à cheval, qui a soin des exercices ». Nous allons le voir
assimilé pour la solde « au gouverneul' de la place », au lieutenant « qu'il
supplée au besoin Il. Au XVIIe siècle, quand le Roi créa des gouverne­
ments achetables moyennant finances, il les composa en <:ertaines villes du
gouverneur, lieutenant et sergent-majol' ou mnjol'. '
Ce sens ancien du mot SCI gmt major a échappé au savant Chéruel.
Viel. ltistul'ique des Institutiuts. p. 1152. '

L'état divise les troupes en salades, chevau-légers, arque­
busiers à cheval et arquehusiers à pied. Le maréchal dans
s'On état du 10 décembre ne mentionnait pas les salades;
dans ce second état, il en signale dans presque toutes les
places importanles (1). .;
plus haut que les arquebusiers à pied
Nous avons vu
seuls étaient fOl'més en régiments. L.e premier état
comptait les régiment.s à raison de 6 compagnies ~e. : 50 ,
hommes; dans le second état, les régiments apparaissent
formés i1'régulièrement de 7, 8 ou même 10 compàgnies de
50 hommes.
Les compagnies de salades sont d'ordinaire de 50 hom-
. mes, celles des chevau-Iégel's souvent de 30 hommes, celles
d'cu'quebusiers à cheval varient de 50 à 30 hommes.
Auprès d\ll1 régiment ou de plusieurs compagnies d'un
régiment réunies, il y a d'ordinaire une compagnie de
chevau-légers ou d'arquebusiers à cheval, qui, apparem­
ment sel'vent d'éclaireurs à l'infanterie.
Une des garnisons les plus nombr'euses est celle de
Quimper. Le maréchal Il'a qu'une demi confiance dans la
vïle, ligueuse encore la veille; 11 redoute, lorsqu'il aura
toul'né le clos, que les Espagnols de Blavet n'y tentent un coup
main; il laisse 1,OGO hommes pour tl'availler aux nou­
vellesfol'tifications don.t il a donné le plan; mais, quand ces
travaux serout achevés, il appellera à lui une O'rancle partie
de cette garnison. Après Quimper, Guingamp compte parmi
lus places ayant Ulle nombreuse garnison (702 hommes).
Guingamp n'est pourtant pas menacé comme Quimper. La
(t ) Les sal'ldes : compagnies qui .avaient conservé l'usage du casque
espèce de bonnet de fer.
dit salade,
Le chanoine Moreau nomme souvent les salades. ,Ex. ]1. 1 i3,' C'est de
même qu'il nomme 1'ondüchcs des hommes cie guerre qui conservaient
~nc.orB l'usa,ge du bouclier dit Tond,tche, et qui, d'après ce qu'il dit,
etaient armes de pied en cap. (1 édition, p. 171.)

phlpnrt ùe ces hommes sont tenus en réserve pour le siège
de Ce~son; de même les 517 hommes logés à Moncontour,
qùand il n'en faut que 50 dans le chât-eau . .
tes lroupes disséminées Jans les 28 garnisons royales
montent au chiITI'e total de 7,313 hommes, au lieu de 6,000

enviro'n prévus dans l'étai du 10 décembre. '-....
L'état ne mentionne pas les soldes des lieutenants géné­
ranx , lieutenants du Roi, maréchaux de camp, mestres de
camp. Nous ,Terrons un état postérieUl' de quinze aRS porter
la solde des lieutenants généraux à 300 livres pal' mois
(3,600 liv. par an), celle des lieutenants du Roi à 200 livres
par mois (2,4'00 liv. par an), et nous avons vu l'état du lO dé­
cembre allouant aux mestres de camp 66 écus 2/3, 200 livres
par mois (2/100 liv. par an), comme aux lieutenants du Roi.

. Quant à la solde des gouverneurs et d'hommes de guerre
de tout grade, l'état l'indique et la voici:
Quelle gue soit l'importance de la place, qu'il s'agisse de
Brest, de Hennes ou d'un château', comme Corlay, la solde
est la même, 33 écus et un tiers, soit 100 liv. par mois et,
par année, 1,200 livres. La seule différence entre gouver­
neurs, est que celui d'une grande place commande d'ordi-­
naire une compagnie et reçoit à ce titre 63 écus et un tiers,
soit 190 livres par mois et, par année, 2,180 livres.
Salades (compagnie de 50 hommes, y compris les officiers.)
Capitaine. . . . . .. 63 écus 1/3 190 livres.
Lieutenant.. . . . .. 31 23 sous 4 d. 94 3 s. 4 d.
Enseigne. . . . . .. 24 26 8 73 6 s. 8 d .

Guidon ... , . . .. 24 26 · 8 73 6 s. 8 d .
Maréchal des logis.. 17 ·et demi 52 10 s.

. Salade.. . . . . . .. 13 écus· un tiers 40
Compagnie de 50 hommes, 27·61 écus 6 sols 8 deniers.
Chevau légers (compagnie d'ordi-naire de 33 hommes, y
compris les officiers).

100 livl'es.
. Capitaine. . . . . . . . 33 écus et 1l~

Cornette . . . . . . .. 16 . V
) Maréchal-des-Iogis. . . 12
Chevau-légers . . . . . 10
Compagnie de 33 hommes 362 écus.

Harqttebusie18 à eheoal : (1)
100 livres.
Capitaine. . . . . . . . 33 écus 1/3
45 ou 54 liv,
Lieutenant. . . . . . . 15 0\1 18 é.
30 livres.
10 écus.
COI·nette.. . . . . . . .
19 ou 25liv.
6 1/3 ou S 1/3
Sergent. . . . . . . . .
241ivres.
·8 éçus.
Harquebusier .. . . . .
Harquebusiers à pied:

100 livres. .
33 écus 1/3
Capitaine ....... .

Lieutenant. . . . ., .

Enfin nous tl'Ouvons mimtionnés à Guingamp. « un ingé-
nieur » nommé Langevin, qui, « pour son entretènement
d'un mois )l, ~ouche ~O écus ou 60 livres; , à Guingamp
encore, deux canonniers ayant une solde de 8 écus 1/3 fJU
25 livres, et à Concarneau un canonnier qui rie touclle que
6 écus: 18 livres .

f 5 e t. !l 'C o r

(1) On les nQmmait aussi aJ'[l:olflets. Moreau, p. 303-. ~( Il (la Fonte-'
nelle) fit 'monter toutes ses troupes à chevé.l1, tant argQulets que chevau-
légers. li Mezeray prend ces deux mots comme syponYJlles .

On aura pu remarquer que dans les compagnies de
salades, de chevau-légers et de harquebusiers à cheval, il
n'est mentionné aucun instrument de musique. Les compa­
gnies de hallebardiers à pied ont seules le tambour et le
fifre, qui règlent le pas. Comment croire que les compagnies
à cheval n'eussent pas quelques instruments analogues,
p'our règler le pas ; du moins pour assembler la com-
sinon
pagnie ? Nous osons conjecturer qu'un des hommes comptés
dans le rang était en même temps trompette sans recevoir
haute paie. Aussi bien nous voyons le 'tambour et le
une
fifre, quel que puisse être leur art, payés comme le simple

soldat (1).
Si la solde des officiers est modeste, celle des simples
élevée:
soldats semble relativement

Salades. . . .. . . . . . . 1 livre 10 sous par jour.
Chevau-légers ....... ' 1 livre
à cheval . . 16 St)US
Hal'quebusiers
Harquebusiers à pied. . . . 8 sous
Suisses. . .. . . . . . . . 10 sous
Ce n'est pas sans quelque surprise que, après la solde si
gouverneurs de places chargés pourtant d'une
réduite des
si lourde responsabilité, on lit ces lignes.
c( Pour les taxations des commissaires et controlleurs qui
c( feront les monstres et revues des d. gens de guerre, par
« mois 200 écus.
« Pour celles du trésorier général extraordinaire des
ct guerr(;s ou provincial d'icelles en exercice et qui fera
c( les d. payements, par mois 400 écus.
c( Et à M. François Castillon, contrôleur provincial des
« d. guerres au pays de Bretagne pour tenir les registres

(l) En 1597, . Kerollain m'rive de ' Concarnea-u à Quimper avec six
cavaliers, parmi 'lesquels un trompette .... et qui sonne si bruyal)lment que
la Fontenelle prend ce peloton pour l'avant-garde d'une grosse troupe.
Chan. Moreau, p. 313.

IL des montres e~ revues .... par mois 16 escuz 2 tiers. ,"
IL 50 livres. »
) En somme, pOUl'les contl'ôleurs, trésOl'iers, etc, 616 écus
2/3 1850 livres. Plus que le total de la solde des 16 gou­
verneurs des places réglée à 100 livl'es pal' mois! Plus que
la solde des trois lieutenants de Roi qui se partagent la
général est payé plus cher que les lieutenants generaux
tarifés à 300 écus!
On voit que le trésorier général ne s'oubliait pas. , .
La somme totale de l'état est de 35392 écus 53 sols II de-
niers par mois ou ·106178 livres 13 sols 4 deniers. Soit pour

les 12 mois de l'année 1,'27 i,143 livres 16 sols 8 deniers, au
lieu de 1,667,376, prévu par l'état de ' décembre; mais,
remarquons le, cet état des garnisons ne prévoit pas certains
articles, par exemple les pionniers, le transport de l'artil-

lerie, le service des vivres, les « gages » du gr~nd état
major, etc.
est à pal'tager entre le trésor et la pl'ovince,
Cette somme
ou dn moins la partie de la province" soumise au Roi. Selon
quelle règle ce partage se fait-il ? C'est c~. que nous ne
pouvons dire tl'ès clairement : nous voyons seulement en
plusieurs endroits de l'état des. garnisons: « De ces compa­
« gnies, tant seront payées sur les deniers levés poUl' l'en­
« tretènement des garnisons, et tant sur les deniers des
cs. trois écus par feu aŒecMs pour la dépense de l'armée. li
Et l'état ne comprend que les cornpagnies de la première
catégorie. .
Comme nous allons le voir, la contribution de la. province
dans le budget de glterre était bien lourde à porter.

VII.

Quatre jours après la dàte de ce pr.em~er état, le 20 fé-
vrier, le maréchal signait à Bourbriac, avec Saint-Luc etles
trésoriers Miron et Cornulier, un mandement ponr le paye­
ment p~r l'évêché de Tréguier de sa part dans la somme qùe
le Roi ~vait fixée, le 30 janvier, pour l'entretènement des gar-
111sons.
Le Roi a considéré que mieux valait fixer d'une fbis la
contribution de la province pour l'année entière que de cam-
mencer par faire uue taxe partielle qu'il faudrait ensuite
eompléter. Il a fixé cette somme annuelle à 321,500 écus.
Cette somme comprend les frais de perception et même (les
trésoriers n'oublient rien) « 150 écus pour les frais ordinaires
et envoi des lettres royales ».
Cette somme devra être c( assise et esgaillée sur les con-
• tribuables manans et habitans affranchis et non affranchis,
CI exempts ou non exempts, refusanls ou dilayans, sans
« qu'ils puissent s'en prétendre exempts, fors les gens d'é­
« glise résidons en leurs cures et prieurés et les nobles
CI extraits de noble lignée, vivant noblement. »
o Il s'agit du foua.ge de trois écus par feu (somme bien
lourde) mentionné dans l'état du 16 février. 1 -
La répartition se fait entre les neuf évêchés, puis dans
chaque évêché par paroisse, puis en chaque paroisse par
habitant, c( le plus justement et également que faire se
c( pourra, le fort portant le faible.» « Pour cet effet,
« pourront les deux ou trois plus aysés de chaque paroisse
Cl estre contraincts au paiement de la taxe entière d'icelle,
« leur. recours réservé vers les autres habitans, et, ce par
« toutes voyes, comme pour les propr.es deniers et affail'es
« du Roy. »
Fort bien! Mais c'est un vieil adage que là où il n'y a rien
le Roi perd ses droits. Cet adage sera trop vrai pour les

deux ou tl'ois contribuables ayant payé pOUl' une parOIsse.
Combien étant cc des plus aisés» avant le payement, n'au-
ront plus la même qualité, après le paiement fait! (1)
jours d'aoùt, et de septembre.
Les fonds encaissés par le receveur particulier des fouages
en chaque évêché devront être apportés ou envoyés en ]a
recette génél'ale établie à Rennnes. Le receveur général des
finances les délivre au trésorier général des guerres.
Ainsi, SUI' un budget de 1,667,376 liv., la province soumise
au H.oî paie 964,500 li v.; en monnaie de nos jours, plus de
quatre millions. C'est une lourd~ charge après des années
de guerres et de ravages exercés par les auxiliaires anglais
du Roi, les auxiliaires espagnols de Mercœur, et même des
chefs de guerre, comme la .Fontenelle et La Mag-nane parmi
les ligueurs, du Liscoët et La Tremblaye parmi les officiers
du Roi.
Tant de garnisons sont-elles donc nécessaires? N'est-ce
trop de places à garder? C"est depuis longtemps la
pas
préoccupation des Etats de Bretagne.
Le 28 décembre 1590, ils suppliaient le prince de Dombes
de faire démanteler les forteresses où il n'entretena it pas de
garnison. Le même jour, c'est-à-dire s~n~ avoir pris conseil
et sans aucune réflexion, le prince rendait une réponse favo­
rable (2) ... mais rien heureusement ne fut fait.
En 1593, les Etals suppliaient le Roi de réduire au nombre
de treize los places de gal'l1ison, savoir: Rennos, Brest,
Vitré, Clisson, Ploërmel, Montfort., Malestroit, Moncontour,
Guingamp ~ Paimpol, Tonquédec, Derval, Montmuran j et
(1) La con ll'ibution pour l'évèché de Tréguier, qui eompl'enait 109 pa­
(Ogée, Tréguier, II. 50. p. 919) est fixée à 37.300 éeus en moyenne,
roisses
soit 31 '~ ~cus ou 1.0· 2G livres par paroisse, monnaie du temps; aujoul'd'hui
près de 5 fois plus, au moins 5.000 fmnes.
(2) D. Mariee, III, p. 40'2. .

BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. - TOME XXII. {Mémoirtli). 9 .

demandaient au Hoi d'ordonner à ses lieutenants généraux
de faire ouvrir et démolir les autres places (1).
Mais le Roi n'entendit pas de cette oreille: la raison de
guerre l'emporta sur la raison d'économie, et les places furent
maintenues avec leurs garnisons: c'était une nécessité .
l'armée royale pendant la campagne
Mais les succès de
de 1594 font naître aujourd'hui une autre objection. Cette
contribution de 321,500 écus est justement celle de 159'1.
A quoi donc ont servi les victoires de d'Aumont, la soumis-
sion de Concarneau, Saint-Malo, Morlaix, Quimper et toute
la Basse-Bretagne? Est-ce que le premier résultat de la
du pays ne devrait pa~ être le « dégrèvel11.ent du
. pacification
peuple? »
Les signataires du mandement de Bourbriac ont prévu
l'objection, et la réponse leur a été bien facile. Oui, les
affaires du Roi sont en meilleur état qu'au début de 1594.
Oui, la réduction de villes comme Saint-Malo et Morlaix fait
entrer dans le trésor du Roi des revenus qu'il ne percevait
pas l'année précédente; mais les villes à . garder sont plus
nombreuses, et il y a nécessité d'entretenir des garnisons
dans toutes. La prise de Crozon a ruiné les espérances de~
Espagnols sur Brest; mais les Espagnels ne renoncent pas .
à prendre pied en Bretagne: loin de là! Le Roi a déclaré la
guerre à l'Espagne (17 janvier 1595). Les navires espagnols
amènent continuellement des renforts à Blavet pour main­
tenir leur effectif à 4 ou 5,000 hommes, et, dans leur propre
intérêt, ils peuvent le dépasser.
Tout cela était vrai. Si « la recette des deniers ordinaires
royaux était augmentée », les dépenses de garnison avaient
aussi augmenté; et une SOl'te de compensation ainsi établie
exigeait le maintien de la contribution de l'arinée précédente .
Y a plus: dans les mois qui vont suivre, de nouveaux .

(1) D. Morice, Pro Ill. Col. 15;)7-15)8.

succès ùu maréchal d'Aumont allaient augmenter le nombrè
place:; il garder et par conséquent les dépenses de gar-
des
VUI .

Aux premiel's jOUl'S de mai, Norris et les Anglais parten:.
D'AumonL ùoit moùifiel'le plan de campagne. Sans les Anglars
il ne peut songer an siège de Cesson. Il y renonce; mais il
va s'empal'Cl' de la ligne entière de la Vilaine, enfermer
Mercœur Jans l'évêché de Nantes) le couper de Vannes et de
Blavet vers le sud, et au nord de Diuan et de Cesson. Le
maréchal va fortifler Quimper, situé trop loin pour recevoir
du secours et qu'il faut prémunir contre un retour offensif

des Espagnols de Blavet, et Saint-Luc va opérer sur la
Vilaine.
Dès qu'il se montre avec du canon, Saint-Luc obtient la
Mal'zelière (par. de Bain) et de Fougeray.
reddition de la
1\. la fin de juin, le maréchal partit de Quimper. Sur la
ùemande de Saint-Luc et avec des moyens insuffisants, il
assiéger le château de Comper, qui commandait la route
alla

de Nantes à Dinan passant sur le pont de Messac.
.Quelques jours après, au camp devant Comper, il recevait
Talhouet, gouvernenr de Redon. Celui-ci
la $oumission de
rendait la place avec mille hommes de garnison et, ce qui
l'unique pont au-dessous de Messac,
importait encore plus,
sur la Basse-Vilaine. :
juiUet, le maréchal frappé d'une arqueb~lsade était
transporté à Montfort; et, la semaine suivante, Saint-Luc,
apprenant la prochaine arei vée de Mere :Bur et des Espagnols,
levait précipitamment le siège de Comper.
Mercœul', revenant sur ses pas, courut à Redon; mais
Saint Luc pressentant son pl'ojet y avait jeté un renfort et de
mettaient la place à l'abri d'un coup de main;
l'artillerie qui

et Mercœur appela à lui les Espagnols qui étaient à quel-
ques lieues. ,
Le maréchal tl'ansporté à Hennes s'empressa de dépêcher
un courrier qui trouva le Hoi à Lyon. '
Le château de Comper, fut surpris le 5 novembre 1595 ; et
c'est à ce moment que fut dressé un ét~t supplémentaire
annexé à celui du 16 février et: qui, aux 28 garnisons
ci-dessus nommées, ajoute les six places suivantes:
Château de Tonquédec (év. de Tl'éguier), La Marzelière
Bain, év. de Hennes), Foug~ray, .Ancenis (év. de
(par. de
Nantes), Hedon (év. de Vannes), enfin Comper (év. de Saint­
Malo) .
Cet état indique une dépense supplémentaire de 5259
écus 2/3 46 sous 8 deniers par mois ou 15781 livres 6 sols
8' deniers. La garnison de Hedon seule, ma,intenue à l'effectif
Talhouët, compte pour' 2536 écus 46 sols 8 deniers,

7610 llvres 6 sols 8 deniers. Ce chiffl'e de dépense, qui égale
celui de la garnison de Brest, montre assez l'importance que'
attachait à 'la ville et au pont de Hedon.
le Hoi
montre mieux encore la place que la ville et
Mais ce qui
le pont de Bedon tenaient dans les préoccupations du Hoi,
c'est le fait suivant,
Henri IV avait jugé nécessaire la publication d'un écrit con­
tre Mercœur. Du Plessix-Mornay avait rédigé ce manifeste et
n'avait pas ménagé Mercœur ni les Espagnols. Le Hoi avait
tout approuvé et la publication allait se faire. C'est à ce mo­
ment que d'Aumont annonça au Hoi le siège de Hedon. Le Hoi
craignit que le manifeste, en excitant la colère de Mercœur
et des Espagnols, n'opérât entre eux un rapprochement et
ne déterminât une action commune contre Redon; il ordonna
à du Plessix de ne rien publier, sacrifiant à la conservation
, de Hedon la publication qu'il avait jugée nécessaire (1 ).
(1) Lettres missives de Henri IV. Lyon. 24 août 1595. T. IV. p. 393-D5. '

Quand le Roi écrivait cette lettre de Lyon, le 24 août,
il ne savait pas que la Bretagne pleurait le maréchal. Celui­
ci t}tait mort le 19 aoùt.
Les regrets de la Bretagne étaient justifiés; non seule-
ment le maréchal d'Aumont avait, comme dit un historien,
« commencé à débarrasser la province dujoug espagnol» (1);
jugeant que la liberté du pillage et la remise de Morlaix
étaient un trop haut prix de la présence des Anglais en Bre­
tagne, HIes avait empêchés, malgré le Roi, de prendre pied
à Morlaix, et avait ainsi déterminé l'ordre de rappel de la
Reine.
il fallait suppléer à leur absence. Le maréchal
Mais
pressait le recrutement dans les provinces voisines,
recevait des renforts du Maine et de l'Anjou, il
en demandait d'autres; il conseillait au Roi une trève
qui lui permit de les attendre (2). Et l'héroïque sep­
tuagénaire, animé d'une ardeur juvénile: se voyait déjà,
sur la parole des chirurgiens, guéri de sa blessure, montant
à cheval, infligeant une défaite décisive aux Espagnols dé­
sormais séparés de Mercœur, entrant avec ses troupes
vitorieuses dans le Nantais, resserrant Mercœur de proche
en proche dans la vill~ de Nantes. dont les bourgeois
soühaitent ]a paix et qui ne peut tenir une semaine contre
l'arli1lel'ie; et justifiant le titre dont les Etats avaient salué
le vainqueur de Crozon: cc Vray père et restaurateur de la
Bretagne! » (3) ..
Il ne peut faire de doute que, si le maréchal avai~ survécu,
la paix n'eùt été signée avant le 29 mars 1598. Mais ses
successeurs ne surent pas poursuivre l'exécution de ses plans
de campagne.
J. TRÉVÉDY,
Ancien Président du Tribunal de Quimper.
(A suivre.)
(1) D. Taillandier, JI. p. '1'17. ..
(:2) Cela, résulte de la lettre de Henri IV, Lyon, '211 août.
(3) Les Etals au maréchal. 25. novembre 159~. Morice. Pr. III. 16'14 .