Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes
xxv
LES Al\ ClENNES CORPORATIONS BRESTOISES
Toute l'organisation du travail.
détruite d'hier, est plus inconnue
de nos jours que les mœurs int.i
mes des Babyloniens d'Assyrie
ou qUEl les Castes d'Egypte des
Pharaons_
Maurice LE PRÉVOST.
Les Perruquiers, Barbiers,
Baigneurs, Etuvistes.
Nos pères n'étaient pas des délicats. Ils s'accommodaient
fort bien de « confier le soin de leur tête à des mains sentant
le pus et l'onguent (1) » et qui, à l'occasion, savaient guérir
les rudes taillades reçues dans les rencontres particulières
ou à la guerre. Barbiers et chirurgiens étaient pour eux de
pratique équivalente et ils admettaient qu'ils ne formassent
qu'une confrérie. Pourtant, 101'sque lés mœurs s'affinèrent,
commença à trouver l'alliance des occupations un peu
choquante et même préjudiciàble « outre l'incommodité; ))
il Y avait à craindre, au cours de manipulations très intimes,
de recevoir communication de « quelque mauvais mal», et
la communauté des barbiers-barbants fut créée. Mais pour
les besoins du beau monde et de la bourgeoisie, d'abord,
car chez le menu peuple on continua longtemps à s'adresser
au barbier en cas de saignée nécessaire, de dislocation à
remettre ou de plaie à traiter, dans les campagnes et les
petites villes, et nombre de chirurgiens en situation très
modeste nÊ3 dédaignèrent point de « faire le poil )) aux pra
tiques qui voulaient bien avoir recours à leur rasoir. L'édit
de création de la nouvelle confrérie est de 1637. Il fut renou
velé en 1659, puis en 1673. La mode des perruqués est d~ns
(1) Les lois de la galanterie, code du bon ton, cité par Franklin, Vie
privée d'autrefois, les soins de la toilette, p. 32.
son plein : la barherie passe au second plan et la jurande,
dont les privilèges Ont été augmentés du droit exclusif de
tenir bains et étuves, s'intitule communauté des maîtres
perruquiers-barbiers-baigneurs-étuvistes, On se préoccupait
un peu tard de la netteté et de la propreté du corps, l'on
sentait « qu'il était bon de se laver de temps en temps )), et
l'on ne pouvait qu'applaudir aux facilités que des éta'blisse-
ments -spéciaux devaient assurer sous ce rapport (1), A ceux
qui s'étonneraiant d'une telle observation, s'imaginant
qu'autour d'Anne d'Autriche et du jeune roi Louis XIV, les
dessus brillants du costume répondaient aux dessous, je
m'empresse d'indiquer la lecture du livre de Franklin, Les
soins de la Toilette (2) L'édit de 1673 est ùu reste assez
explicite : « Nous avons reconnu dès il y a longtemps,
déclare le Roi, que l'usage de faire le poil et de tenir des
bain.s et étuves et les soins que l'on apporte à tenir le corps
humain dans une propreté honneste estant autant utile à la
santé que pour l'ornement et- la bienséance, nous aurions
ordonné, par nostre édit de décembre 1659, l'établissement
d'un corps et communauté de barbiers-baigneurs-perru
quiers.", pour en faire profession particulière, distincte et
séparée de celle des maistres-chirurgiens-barbiers., .. (3) ))
Voici donc l~s perruquiers en possession d'une existence
légale. Ils ne sont pas absolument affranchis de toute
dépendance vis-à-vis des chirurgiens: ils relèvent du pre
mier chirurgien du Hoi; mais celui-ci n'intervient que pour
veiller à l'exacte délimitation des droits et des privilèges de
l'une et de l'autre corporation, nommer les agents chargés
(1) Non qu'il n'existat déjà des bains et étuves, mais ces établissements,
de débauche, n'étaient guère fréquentables à tout le
véritables lieux
moncle. "
(2) P. 37 et suiv. ".
(3) Franklin, L c. p. 35-36.
d'exercer juridiction en son nom sur la frairie nouvelle,.
laissée libre en ses allures, sur le terrain des statuts
concédés.
A Brest, l'organisation de la jurande est entourée de
quelque obscurité. La plus ancienne mention de la corpora
tion se trouve sur des registres de police de 1704 (1). 5 tU'
l'un, malheureusement incomplet, plus particulièrement
consacré à l'enregistrement d'actes divers, il est question
d'un édit, qui modifie celui de 1673, ou plutôt le rapporte .
. Cet édit, du mois d'octobre 1691: délimite plus étroitement
les droits et privilèges des chirurgiens-barbiers et des bar
biers-perruquiers ; fixe le nombre de ces derniers à 100 pour
la ville de Paris, à 10 pour chacune des priacipales villes
du royaume ayant Parlement ou Cour supérieure, et à 6
pour les aut.res. Brest n'aura que 6 barbiers-perruquiers.
Les offices sont héréditaires. Dès 1701, l'édit est annulé:
un autre reprend l'ensemble des dispositions générales pré
cédentes, établit règlement pour les communautés provin
ciale~ jusqu'à ce qu'elles aient obtenu des statuts propres.
Brest a 10 maîtrises au lieu de 6. Le concessionnaire pour
la vente des offices est un sieur Ferrand, bourgeois de Paris.
Le prix d'un office est de 500 livres (plus une taxe de 2 sols
- par livre). .
D'autre part, les registres des délibérations de la commu
naute nous fournissent quelques indications sur ses origi
nes ... , très rétrospectives, car le premier a disparu.
On apprend, par le second (2), que des lettres de provi-
(1) Archives départementales, B, fonds de Brest.
(2) Chiffré et millésimé le 28 nov. 1720 « pour l'inscription des délibé- .
rations et affaires de la communauté des maîtl'es perruquiers-barbiers
cie la ville dc Brest », par Y. Millet, substitut de M.
baigneurs-étuvistes
le pl'. du Roi à la police. Les .documents que j'ai mis à contribution sont
les registres cie la communauté, conservés aux archives de la mairie, à
Brest, et les aneiens registres d'audiences de police de cette ville, conservés
aux archives du département, à Quimper. Les premiers sont au nombre
sion ont été accordées à divers individus de Brest, portant
)w8vet de maître (à Bertrand Madec, en 1705, à Jean
Depierre, en 1706, etc.), et que de nouveaux édits concer
nant la corporation furent publiés en 1722 et 1725. Les
maîtrises sont toujours ' obtenues du Roi à beaux de
niers comptant, ' achetées à des . propriétaires qui ne les
veulent plus exercer, ou prises à bail pour une durée varia
ble, car la location du privilège est autorisée et ceux qui
l'obtiennent, sous le titre de privilég iés, forment la seconde
classe des perruquiers-barbiers pratiquants, la première
étant · constituée par les maîtres. Tout le monde peut être
propriétaire d'une maîtrise, en posséder plusieurs, ou seule
ment une portion en commun avec d'autres personnes; mais
pour exploiter directement une maîtrise, faire acte de métier,
il faut passer par les étapes de l'apprentissage, subir un
examen de capacité, après information de bonne vie et
mœurs, être admi~ au serment de se bien et fidellement
comporler dans la profession, et devant les chefs de la
commuuauté et 'devant le magistrat de police .
Y a sans doute plus d'un intrus parmi les privilégiés et
les maîtres. Car, vers 1724, le subdélégué exige que la
communauté présente une liste de ses membres, avec pro
duction de leurs titres, pour servir à la répartition des impo
sitions. La mesure donnera lieu à bien des débats. L'entente
semble rare au sein de la petite corporation; elle semble
s'agiter dans une sorte d'état an?rchique, n'obéissant à
aucune règle certaine, courant sur de vagues traditions ou
des habitudes contractées selon les nécessités d'un moment
et gaI'dées pal' inertie. De statuts, il n'est question ni cure,
malgré que des lettres-patentes de 1725 en aient imposé de •
communs ft toutes les confréries de perruquiers du royaume
de 7 : 5 de délibérations (le registre an térleur à 17'20, et un autre, concer
nélnt la période 1751-1 Îü 1, manquent), 'Z d'enregislrement d'actes (baux de
privilèges et contrals d'apprentissage).
qui n'en possédaient point, jusqu'à ce qu'elles en eussen t
sollicité de spéciaux. Ün les ignore, ou du moins les fortes
têtes de l'association les dissimulent soigneusement aux
confrères plus jeunes ou plus naïfs. On s'abandonne à la
direction de prévôts, qu'on doit renouveler tous les trois
ans, mais que l'on s'obstine à laisser en charge. aussi long
temps qu'ils ne réclament pas l'intervention du siège de
police, pour être débarrassés de leurs fonctions.... plus
hérissées de tracas et d'ennuis qu'honorifiques. On se réunit
sans régularité. L'on n'a pas même une chambre : les
assemblées se tiennent dans une salle bénévolement prêtée
à la corporation par les R. P. Carmes, dans leur couvent,
salle ·ouverte à tout le inonde, et qui sert de passage aux
religieux pour se rendre au réfectoire. On reconnaît ce
service en payant chaque année aux Pères une somme de
20 à 25 livres, pour la célébration d'un service solennel, à
la Saint-Louis, et d'un service pour le repos des âmes des
membres décédés, le lendemain .
Le 19 aoùt 1728, les prévosts en charge, Lheureux et
Chevalier, remontrent (( qu'il a toujours esté d'usage et de
pratique entre lesdits maîtres perruquiers de faire chanter
une grande messe en l'église des Révérends Pères Carmes
le jour de la feste de saint Louis, patron desdits maîtres, et
une messe le lendemain pour les deffunts ; c'est pourquoy et
attendu la présence desdits maîtres perruquiers et privilé
giés, ils remontrent et requièrent qu'il plaise à lad. com
munauté leurs marquer s'ils sont d'avis que ledit service
solennel se fasse comme au passé, car au .cas qu'ils veuillent
que le service solennel se fasse, qu'ils ayent à leur mettre
présantement des fonds en mains à ce sujet, ~'autant qu'on
est rapproché de la feste de Sain-Louis, qui est le 25 de
ce mois. C'est sur quoy ils sont priés de délibérer. »
Il s'agit d'une contribution très minime, 15 ou 20 sous par
membre. Cependant, on se sépare sans répondre. On laisse
les prévosts faire à leur guise, on finira par leur payer la
cotisatlon en rechignant; et la réunion de la Saint-Louis est
la seule où l'on évite de manifester aucune dissidence!
On se rattrape amplement sur les autres: elles n'ont
guère trait qu'à des questions d'argent et de procédure, et
l'esprit étroit, frivole, irréfléchi de la communauté s'y révèle,
à côté du caractère hargneux de quelques-uns et de la situa-
tion besogneuse du plus grand nombre.
joyeua: avènement d'un nouveau prince ne réjouit guère
les jurandes! C'est l'occasion d'une perception de taxes
extraordinaires, qui portent lourdement sur elles, et que
prétend fort ingénieusement compenser par la création
l'on
sans doute profitable à quelques inté
de nouveaux offices,
ressés, mais plutôt redoutable à l'association par l'accrois
perruquiers barbiers sont fort
sement des concurrences. Nos
émus par une réclamation d'arriéré de payement à satisfaire
en pareille circonstance, et sur laquelle vient se greffer une
répartition de capitation : les choses traînent, avec des péri
péties singulières, de 1725 à 1730; il faut non seulement
ouvrir sa bourse, mais encore montrer des titres authen-
tiques, faire la preuve de réception à maîtrise ou de location
de privilège à dates exactes, etc., et, pour toutes ces raisons,
la communauté éprouve quelque gêne.
12 mars 1726. Remontrent les prévosts «( Que Me Jean
Sever, commis à l'exercice des greffes de la juridiction de
police à Brest, leur a donné avis que le sieur Jean Kerillau (?)
chargé du recouvrement du droit de confirmation pour le
la couronne, a fait signiffier à
joyeux avènement du Roy à
la dame de La Carrière, greffière, un extrait d'arrêt du
11 décembre 1725, avec sommation conformément
conseil du
à icelluy de se faire fournir des estats contenant le nombre
des maîtres qui composent 'les différentes communauté des
marchands et d'arts et mettiers et jurande, leur nom, surnom
et la datte des sentence de réception et prestation de ser
ment; c'est pour quoy led. Sever s'est adressé auxdits pro
vost pour la communauté des mes perruquiers, lequel menace
de les faire signiffier faute de satisfaire à l'extrait de l'arrest
du conseil cy-devant datté ..... »
26 juillet 1730. Le Sr Rederre, actuellement à Brest, a
fait bannir et publier à son de tambour que les maîtres
perruquiers de cette ville ayent à lever entre eux et à lui
payer une somme de 240 liv ~ et en outre 2 sols par livre pour
le droit de confirmation, autrement joyeux avènement. -
.... « Sur les représentations cy-devant faittes aux dits
maîtres par les sindics en charge, ils ont délibérez, avant de
parvenir à aucune répartition de présenter une reques~e à
Monseig l'Intendant de la province pour le suplier d'avoir
égard qu'au sujet de ces deniers que l'on demande Sa Majesté
a créé quatre places pour cette ville et par conséquent il~ '
doivent estres déchargé ou soulagez dans cette demende et
c'est à quoy les sindics observeront jusques à la réponse de
laditte requeste .... »
3 aoùt. « Les maîtres et privilégiés, au péril et fortune
des absants, les sieurs Despierre, Malinière, Chevallier,
Laporte, Lemaître, Labbé, Roussel, Sandrier, Tréguier,
Marion, Plantec, Lavallé, tous présents à la présente assem-
blée, sont d'avis de présenter requeste à Ml' Le Gallo,
substitut de Mgr l'Intendant de la province, pour demander
à estres déchargez du dit droit vu la surcharge des 6 lestres
ou place qu'il y a d'augmantation à ce sujet ou telle modé
ration que sa justice verra bon estre fait .... )
14 aoùt. Les prévôts syndics ont mis requête devant
Le Gallo, subdélégué, pour obtenir la décharge sollicitée.
cc Mais par l'ordonnance de M. Le Gallo du 10 de ce mois,
un rolle de tous ceux qui exercent la
il a ordonné de faire
profession soit comme propriétaires, soit comme locataires
des privillèges, à l'exception de ceux qui sont pourvus en
vertu des édits de 1722 et 1725, et l'on a modéré la taxe de
à deux années de ce qu'ils ont payé
chacun contribuable
pour leur capitation pour l'année 17~8, dans lequel rolle
n'entreront lèS propriétaires non exerçant, Jaquelle requette
et ordonnance ils représentent en l'endroit avec l'extrait du
rooUe de capitation de l'année 1728, offrants de travailler aH;
ro11e incessament et demandant que la communauté aye à
nommer un receveur dudit roolle. » (1).
La communauté se soumit et paya .
Et tout ce monde, si fort geignant à propos desimposi-
tions, est sans cesse monté sur ses ergots, prêt à lancer des
instances, à plaider au sujet des contestations les plus futiles.
La discorde est à l'ordre du jour: pas un maître ou privi
légié, peut-être, qui n'ait été d'avis de poursuivre un confrère
et n'ait été à son tour l'objet d'une poursuite! L'on perd à
ce jeu plus qu'on ne gagne, même en obtenant des sentences
favorables. Aussi les discussions tournent fréquemment à
. l'aigre, heureux quand elles ne sont pas entravées par les
procédés ... tumultueux d'un membre « espris de vin» . .
29 nov. 1729. Les prévôts sindics remontrent que les
par le procès contre Quellec et HE:rvieux
frais occasionnés
(deux maîtres) s'élèvent à 27 1. 6 s." 3 d.; ceux du procès
contre Marion Dutemple (privilégié) à 10 1. 6 s. 10 d. ; qu'en
outre l'assig'nation à Madec (maître) a couté 4 L 14 s. La
délibération est ouverte, mais elle n'a pu se faire, « attendu
que Goulven Tréguier, l'un des privilégiés, s'étant présenté
espris de vin, a commencé à jurer et blasphémer contre un
chacun .... de manière que lesdits Lheureux et Moyes (les
ont été obligés de quitter tout et d'aller tous deux
prévôts)
au chateau pour s'en plaindre à M. de La Reinterie (com-
(1) L'extrait suivant, du rôle de capitation pour 1730, que j'ai relevé
mes notes, donnera une idée de la taxe à laquelle la communauté
dans
Ile rôle ne cliŒèl'e guère 'de celui de 1728). L'extrait ne com
était réduite
prend que les perruquiers du côté de Brest.
Rue Traverse du Vieux-Escalier. Jacques Quellec, 2 1. 4 s. ; Rue de
Siam, Pierre Fraval, me perruquier, 3 1. 6 s.; Chevalier, 3 1. 6 s. ; Labbé,
2 1. 4 s; Rue Saint-Pierre, Pierre Berry, 3 l. 6 s.; Sulpice Lemaître,
10 s,; Lheureux dit Valois, ;) 1. 10 s.; Rue du Quay, Madec, 31. 6 s.,
1. 2 s., une servante, 1 1. 2 s. ; Lafosse, privilégié, 2 1. 4 s. ;
un garçon, 1
veuve La Sauvagère, couell'euse, 41. 8 s.; Marion, perruquier,
- Grande-Rue,
3 1. (j s.; Mauduit, me perTuquier, 3 liv. 6 s.; Tréguier, 6 liv. 12 s. ;
Sandl'ier, 21. 4 s.; La Vallée, 2 1. Il s.; Molinière dit Julien Cordière,
1. 10 s. ; Rue Kel'avel, Desnoier, barbier, 1 1. 2 s.; Briand, barbier,
mandant'les ville et château de Brest) qui leur auroit donné
un fusilliel' pour emmeller .ledit Tréguier au chateau, et
M, de la Reinterie luy ayant deffendu de faire à l'avenir de
pareils troubles et vaccarme sous peine de punition et de
prisons, et croyant par là qu'il n'auroit pas davantage aucun
bruit: ils se rendirent encore de compagnie dans la salle des
Pères Carmes où estants led. Trégui~r nonobstant les def
fenses auroit encore comme au passé fait aussi grand bruit
et vaccarme qu'un chacun a esté (obligé) de s'en retirer sans
pouvoir dellibérer.» Au fond, personne n'en était fâché:
cela retardait le moment de l'ouverture des bourses!
U ne aventure montre plaisamment de quelle façon me.len
contreuse nos perruquiers, dans leur âpreté à revendiquer
leurs droits, entendaient les intérêts de la communauté.
Un maître perruquier de Qllirriper, Laperelle, était venu
à Brest. Il apportait une perruque destinée sans doute à une
. autre tête· qu'a la sienne, e~, soit qu'il ait essayé de la vendre,
soit qu'il eût parlé de son intention de s'en débarrasser: il
avait été dénoncé aux prevôts de la corporation brestoise.
Quel empiètement sur le droit exclusif de celle-ci de fabri
quer et vendre perruques dans le petit domaine de sa juri
diction! (1) Vite les prévôts se mettent en campagne, certains
d'être soutenus, en pareille circonstance, par tous les mem-
bres de leur communauté.
28 avril i 727. . « Slll' la représentation faite par les
prévosts du procez-verbal de saizie qu'ils ont fait faire par
ministère d'huissiers d'une perruque neuve 1 sur le nommé
Laperelle, me perruquier de Quimper et sindic perpétuel, le
25 de ce mois, les soussignés, aux périls et fortunes des
absents: sont d'avis de poursuivre l'effet de lad. saizie afin
(1) J'ai pourtant trouvé, dans un registre de police, une ordonnance du
lieutenant général J.-B. Avril, du 7 mai 1,'20, qui autol'ise (( tous mar
de perruques des villes prochaines, à en exposer
chands forains et faiseurs
de la ville cie Brest », afin de forcer, par la concur
aux foires et marchés
les perruquiers cie celte ville à foumir au public des perruques de
rence,
meilleUl'e qualité,
BULLETIN ARCHÉO~. DU FlNIsTÈlm,· TOl\1E XXI. ( ).25 .
de faire confisquer lad. perruque et faire condemner led.
Laper('llle en 500 liv. d'amande pour la contravention par
luy commise, et avons nommés pour conseils messieurs
Jourdain, Mittern et Gallo, par les avis desquels lesd. pré
comporteront et pour procureur Me Vincent Labbé,
vots se
que lesd. prévots poursuivront les défaillants de se trouver
en la présente assemblée, pour leur faire pratiquer l'amande
suivant les précédentes dellibérations. » J. Depierre, Julien
Cordière,Moiès, Pelot, Dupré,Quellec, Rousselle, LeMaitre,
Labbé, Lebrun, Pierre Berric, Treguier, Laporte, contre
marque de pre Lemoine, Lheureux, Chevallier (à la marge,
controlé à Brest ce 6 juin 1727, reçu 12 sols, Varsavaux ).
2 mai. Les prévots réclament une somme de 46 à 471iv.
pour poursuivre l'instance. '
29 juillet. cc Lesquels prévots ont remontré à rassem-
blée que, par sentence de la juridiction de police du 17 juin
dernier, l'on a déclaré la perruque saisie sur Gilles Bréard
Laperelle, sindic des perruquiers de Quimper, acquise et
confisquée au profit · de la communauté des pei'ruquiers de
cette ville et aux dépens, laquelle sentence sur velin, ils
représentent en l'endroit et dont lecture a été présentement
faite, requérant que la communauté aye à délibérer si on la
signifira sous la réservation de se pourvoir contre. »
. La sentence n'a contenté personne. Les perruquiers de
Brest, déçus dans leur espoir de gros dommages et intérêts
à partager, font appel à minima, et Laperelle, furieux d'une
condamnation à son avis imméritée, porte son cas devant le
Parlement. Il faut avoir à Rennes procureur et avocats,
passer par tous les détours qu'indiquent les gens de
chicane, subir leurs exigences, fournir à leurs demandes
d'argent réitérées, écbanger des mémoires qui embrouillent
la question, nommer des experts pour savoir si la perruque
saisie était neuve ou avait été déjà portée, car en ce derniar
cas, sontenu fort habilement par l'avocat de Laperelle, celui
ci ne tombait point sous le coup d'une contravention. Les
choses vont très mal pour la communauté brestoise, à
laquelle sO"n procureur, Cassard, las sans doute d'explica
tions trop compliquées par lettres, demande d'envoyer l'un
de ses prévots à Hennes, afin de fournir des élucidations
corporation est en désarroi et
nécessaires. La belliqueuse
une sentence, accompagnée d'énormes frais à 'solder, achève
.... à plus d'humilité. Laperelle a triomphé et
de la réduire
il a obtenu des dommages et intérêts considérables, qu'on
peut lui payer qu'en implorant sa bienveillance, des
délais, etc.
19 août 1732 ..... « Sur la remontrance faitte par les Srs
Cordière et Quellec, prévots en charge, qui ont en landroit
présenté une signification d'arrêt à eux fait, dont les espices
et retrait monte à 631. 17 s. 3 d., et pour éviter à plus grands
frais, laditte communotté en la personne des Sl'S Despierre,
Lheureux, Moiès, Chevalier, 'Labbé, Tréguier, Lemaitre, .
Laporte, Houssel, Marion, aux périls et fortune des absents,
sont tous d'avis de payer leur part et portion qui doit sauff
erreur monter à 4 1. 75, que l'on paira au provot en charge
sous dimanche prochain pour tous délais, et qu'ils poursui
vront pour ledit payement et les deffaillants à payer, le tout
leur restera à leurs risques, ' périls et fortune; de plus du
même jour les provots par l'avis de lad comté ont été au
conseil chez Ml' Girart, avocat à la cour, qui ont raporté sa
consulte par écrit poUl' que lad comté ait à prendre les me
sures qui sera nécessaire pour le procès contre Laperelle, de
Quimper, dont ils ont chargé les provots descrire ou faire
escrire à Laperelle pour infortmer à combien monte ses frais
pour éviter la taxe qui seroit un grand soulagement pour la de
comté, à quoy les prévots veilleront tant à escrire qu'à donner
touchant... »
avis aux maîtres ce
9 octobre. Laperelle a signifié la taxe des dépens. Le pré-
vot Quellec représente « le sac où sont les papiers au sujet
du procèz ... II On écrira « au SI' Cassard, pl'. à la cour, pour
le pl'ier de faire retarder pour peu de tems la taxe et qu'il
ait pour agr~able, s'il est possible, que le Sr Cassard nous
fasse réponce du moutant des l'l'aïs deubz à notre partye
adverse pour que nous soions en état de faire tenyr les fons
pour éviter ladite taxe... »
21 avril 1733. Demande de nouveaux délais au SI' Cassard.
24 avril. Les membres assemblés (c sont d'avis que led.
Quellec écrira par l'ordinaire de demain au Sr Laperelle
pour le prier de suspendre ses suittes à la cour à fin d'exécu
toire, et luy faire entendre que l'intention de la comte est de
est deub pour les dépans luy adjugé
le satifaire de ce qui luy
et qu'actuellement ils prennent les mesures nécessaires pour
lever des deniers, c'est pour quoy de luy écrire et de le prier
d'écrire à son procureur à la cour pour qu'il ait à régler av~c
Me Cassard, pl'. de la de comte à la cour, sur la taxe dressée,
sans prendre exécutoire pour éviter à frais, passé duquel
règlement qu'on le satisfera sur la lettre du Sr Cassard,
comme aussi d'écrire à ce dernier et lui mander qu'on a écrit
ce que dessus à Laperelle, le prier qu'il ait à faire le règle
ment de lad. taxe aveq Je procureur dud. Laperelle et de
mender à la comté combien ils auront convenu ensemble,
déclarant lad comté avoir fait la présente délibération sans
nuire ny préjudicier à l'estat de l'instance ... »
15 mai. Les prevots cc ont receu deux extrait de lettre
d'avis au sujet de Laperelle' touchant l'advertissement de
tenir l'argent prêt qui luy est deub pour le protez qui a été
adjugé ... »
«( Ce jour 18 may 1733, avant midy, la communotté des
maîtres perruquiers s'estant assemblée par l'advis qui leurs
a été donné par le Sr Jacques Quellecq, dissant avoir été dans
la part du Sr Laperelle,
moment signifié au nom de la comté de
de Quimper, pour le procez qui a été jugé contre lad. comté le
,2 aoùt dernier: que ledit Quellecq a pressanté lad significa
tion garantie par Keruel, pl'. huissier de la cour royalle,
montant les fl'ais deubz suivant la demande dudit Laperelle
à la somme de 618 1. 3 s. 9 d., laquelle somme il faut payer
,suivant lade sommation dans huitaine franche, de' tout quoy
comté délibère .... , lesdits maîtres (présents) sont tous
lad.
d'avis de lever ce même jour chacun une somme de vaingt
livres et d~ les remettre entre les mains du Sr Cordière pour
les remettre en celles de Ml' de Kersalaün, qui aura la bonté
de les remettre ' audit Laperelle pour éviter à plus grands
frais, et demander du tems pour le reste, de laquelle somme
de vaingt livres nous promEHons charger ledit Cordière en .
ce j our pour tous délais... ))
. 618 livres 3 sols 9 deniers à
payer (sans parler des hono-
l'aires dus aux hommes de loi !) pour une perruqu"e de la
valeur de quelques livres!
. On conçoit que de pareilles histoires, fréquemment renou.;..
velées, le spectacle d'un désordre permanent, l'absence de
toute sécurité pour la conservation des titres et de toute sau
vegarde des intérêts majeurs, dane une communauté ainsi
abandonnée au caprice de chacun, dussent inspirer de tristes
réflexions aux membres susceptibles de raisonner avec sang- •
froid. Il n'en existait guère! L'un se révéla tout à coup. Ce
fut Quellec. Vainement, à son entrée dans la communauté
des maîtres, il avait sollicité la communication de statuts
qu'il prétendait avoir été promulgués: il n'y avait aucun
cahier pour l'enregistrement des actes! Il attendit avec
patience son tour de prévôté, et, une fois en possession d'une
charge qui lui donnait quelque autorité, il mùrit son plan, de
concert avec son- collègue Cordière, qu'il avait initié à ses
projets ct jugé digne de le seconder. Il sut choisir son heure
pour accomplir sa petite révolution: cette heure coïncida
avec le mécontentement général amené par les résultats de
l'affaire Laperelle.
Le 11 septembre, la communauté est convoquée: Cordière
remontre que son collègue, Jes Quellec, (( a obtenu un arrêt
le 23 aoùt dernier, qui ordonne que les lettres patentes de sa
Majesté du 6 février 1725 seront enregistrées ' au greffe de
police à Brest, et ensuite sur le cahier de délibération des dits
• maîtres perruquiers de ladite ville, ce qui a été fait audit
greffe de police en exécution d'ordonnance y rendue le 31
dmEt mois d'aoùt.» Quellec paraît aussitôt et représente
« lesdites lettres patentes en forme de statuts, l'arrêt de la
cour et la requête sur laquelle il a été rendu, même l'OI'don
nance du siège de police de cette ville qui ordonne l'enre
gistrement desdites ·lettres patentes, arrêt de la cour et
requête, et l'assignation donnée à sa requête de ce jour,
même le certificat du g['effier d'avoir enregistré SUl' son
registre les dites pièces; » il demande acte du dépôt et
réclame le payement des frais qu'il a du faire pour l'obten
tion de ces actes. Les maîtres présents sont tout effarés. Le
doyen, Depierre, vieillard atrabiliaire et gTincheux, essaie
de protester: à lui et à ceux qui essaient de l'appuyer dans
son opposition, Quellec ferme la bouche, en revendiquant
très haut l'obéissance « aux ordres du Roi ». Au milieu de
colères mal dissimulées, l'enregistrement des documents
représentés est décidé. J'en reproduirai deux, qui ont une
grande valeur pour l'histoire corporative de la communauté,
l'un in-extenso, l'autre résumé {il.
A. Requête.
« A nos seigneurs de Parlement.
« Suplie humblement le Sr Jacques Qllellec, me bal'bier
perruquier, l'un des sindics et prévôts en charge de la com
munauté des maîtres barbiers-perruquiers de Brest, disant
que depuis qu'il est du nomhre des maîtres barbiers et per
ruquiers de la ville de Brest, il a fait son possible pour
s'instruire et pour sçavoir si la communauté étoit en règle
et si elle avoit quelques statuts particuliers pour s'y con
former luy même et. pour sçavoir comment et de quelle façou
être observés, et quand on y contrevenoit ; mais
ils devoient
illuy a été impossible de le faire pendant qu'il n'a eù que la
simple qualité de maître, sa communauté ayant refusé de
luy donner la moindre instruction, sous le spécieux prétexte
(1) Je m'appliqua, non pas à écrire un tableau de nos anciennes con
fréries d'arts-et-métiers en subsLltuant ma rédaction aux papiers originaux
troU'vés dans les archives, mais à faire reviVl'e de lem vie propre nos
vieilles institutions d'après les matériaux eux-mêmes qui ont servi à les
édifier. Il n'est pas inutile de le répéter.
qu'il n'y avoit que les sindics de communauté, quoy qu'il
soit des premiers principes qu'il suffit d,' être membre d'une
communauté pour pouvoir obliger cette communauté à se
mettJ'e en règle soit en justice réglée ou autrement, l'action
qu'on luy peut fournir à ce sujet regardant également chaque
membre de tout le corps que le corps même, et étant de
celles quce eompetunt cuilibet e populo.
« Quoy qu'il-en soit, le supliant, ayant enfin été élu pré
vôt et sindic de sa communauté, croyant qu'on ne pouvoit
ses demandes après avoir prêté
plus luy opposer l'effet de
serment en cette quallité devant le sI' sénéchal de Brest,
faisant les fonctions de lieutenant de police (1 ) en l'absence
dernier, 'le 16 juillet 1832, il comm~nça par demander
de ce
à sa communauté et aux prévôts qui sortaient de charge,
comme le justifie sa remontrance du 1 aoùt suivant, la
remise du registre sur lequel on inséroit les délibérations de
sa communauté et les ressaississements de tous les titres,
papiers et effets qui luy pouvoient appartenir, du nombre
desquels devoient être les statuts de cette communauté.
« Mais ceux qui la composent, dont une bonne partye n'a
aucune quallité ny aucune maîtrise, au lieu d'acquiescer aux
demandes du supliant, se contentèrent de consentir quJon
lui délivrât le registre c.ourant sans parler des autres chefs
de sa remontrance, sur lesquels ils ne voulurent nullement
délibérer. Cet injuste l'dus obligea le su pliant de se pour
voir devant le sr sénéchal de . Brest, devant lequel il y a
pendante et appointée entre luy
-actuellement une instance
et sa communauté au sujet des abus de cette dernière, qui,
suivant tout.es les apparences, ne ponna être sitôt décidée
par raport au gl'and nombre de partyes qui y sont intéres-
. sées et au nombre ùes contestations qu'elles se sont respec- .
tivement fournies.
« Ce qu'il y a toujours de certain dans le fait à cet égard
est que cette communauté n'a aucuns statuts particuliers, et
qu'elle eùt par conséquent dù suivre ceux portés dans les
lettres patentes ùe sa Majesté du 7 février 1725, enregistrées
en ce parlement le 23 aoùt de la même année, portant des
(1 ) Concurremment arec les oiiiders J1lunicipaux, un pel} plus tard.
statuts provIsoires pour toutes les C0111mUnautes des barbiers
et perruquiers qui n'en avoient point de particuliers, lettt'es
patentes dont le supliant vient d'avoir connoissance et qu'il
n'a encore pu scavoir jusques icy si elles avoient été enre
gistrées à Brest, ou si elles ne l'avoient pas été, ce qui fait
qu'en l'état s'agissaat de l'exécution de l'arrêt de la COllt'
du 23 aoùt 1725, portant l'enregistrement desd. lettres
patentes, il seroit bien fondé à requérir comme il fait ,
« Qu'il 'fOUS plaise, nos seigneurs, voir à la présente
attaché l'acte de prestation de serment du supliant en qua
lité de· l'un des sindics et prévots de la comté des mnUres
perruquiers de la ville de Brest du 16 juillet 'l732, sa remon
trance et la délibération en conséquence de la même corn tŒ
du 1 aoùt suivant, avec les lettres patentes de sa Mtj don
nées à Marly le 6 février 'l725 'et l'arrêt d'enregistrement au
pied d'icelles du 23 aoùt 1725, en conséquence y ayant égard
et à ce que dessus ordonner que par provision les statuts
portés dans les dites lettres patentes seront bien et deument
exécutés et suivis par la communaté des maîtres barbiers et
perruquiers de la ville de Brest et sous les peines portées, à
laquelle fin elles seront enregistrées si fait n'ont été tant
sur "le registre de lad comté qu'au greffe .de police de la
même ville et autres qu'il sera veu appartenir, regardant
au tout l'adhésion de Ml' le procureur général du H.oy .... ))
(Sur le rapport favorables du pl' général, arrêt conforme
à la requête est rendu, en aoùt 'l733).
B. Lettres patentes dl), Roy portant statuts pour les
communautés des barbiers et perruquiers, données à Marly
le 6 février 1725, registrées en Parlement le ·23 août 'l725 ('l).
c( Louis, par la grâce de Dieu roy de France et de Na
varre, a tous ceux qui ces présentes vel'ront, salut.
cc Par la déclaration du 21 janvier 17'l0, notre premier
chirurgien a été maintenu dans le droit d'inspection et de
jurisdiction sur les barbiers, perruquiers, baigneurs et étu-
(1) Comparer avec les statuts de la corporation parisienne, in Franklin,
p. 110. Les prem iers sont de 1U74 : ils ont dû être imités par la
ouv. cite,
corporation des perruquiers bres tois, car il est question d'armoiries accor
dées à ceux-ci en 1698. Les statuts de '1674 furent renouvelés en 1718 .
vistes des communautés du royaum'e, avec pouvoir d'établir
un lieutenant et greffier dans chaque communauté pour y
exercer sa jurisdiction en son absence; ce que nous avons
confirmé par nos lettres patentes du 21 jailVier 1716; ensuite
nous avons accordé à la communauté des barbiers perru
quiers de not1'e bonne ville de Paris des lettres patentes en
statuts le 26 avril 1718, par le 1 article desquels
forme de
nous avons assujety nôt1'e premier chirurgien à choisir pour
lieutenant l'un des anciens qui auroient passé par les
charges et désirant faire garder le même ordre: nous avons
par notre déclarat~on du 10 février 1719, réglé la jurisdiction
de not.re ter chirurgien sur les barbiers, perruquiers, bai
gneurs et étuvistes dans toute l'étendue de notre royaume,
à l'instar de la communauté de Paris. En conséquence, nous
aVQns ordonné par arrêt de not1'e conseil du 2te juillet 1722,
aux lieutenants qui seront par luy nommés de faire assem-
bler les maîtres barbiers et perru luiers, baigneurs et étu
vistes des lieux de leur établissement pour d1'esser incon
tinent des statuts convenables à l'état de ces mêmes lieux;
mais nôtre 1 chirurgien q'ayant pli conformément à nôtre
dite déclaration du 2J. janvier 1710, engager les anciens
syndics et maîtres de remplir les places de son lieutenant,
sur ses représentations permis par arrêt du
nous luy avons
conseil du 19 avril 1723 et nos lettres patentes sur iceluy
nommer et commettre pour
du 3 may suivant, de choisir,
ses lieutenans dans 'toutes les communautés des barbiers
perruquiers de nôtre royaume', telles personnes de la
profession qu'il jugeroit à propos, et comme nous sommes
informés .qu'aucunes des communautés des barbie;'s pel'ru
quiers des villes de province sont en demeure d'exécuter
notre déclaration du 10 février 1719: par raport aux statuts
qu'elle leur enjoint de dresser, au moyen de quoy ils excluent
les lieutenans de notre 1 chirurgien de présider leurs
assemblées et le privent des droits qui leur sont dùs, et que
d'ailleurs elles refusent de déférer à l'arrêt de nôtre conseil
du 19 avril 1723 et lettres patentes du 3 may suivant. sous
prétexte qu'il n'y est point derrogé à l'art. let' de nos lettres
patentes en forme de statuts, uniquement rédigés pour les
maîtres barbiers perruquiers de Paris,
communautés des
du 26 avril 1718, et qu'il n'y est point défendu aux maîtres
communautés de troubler lesdits lieutenans dans les
des
fonctions de leur profession de barbier perruquier, mais
dans celles (le lieutenant; à ces canses, de l'avis
seulement
nôtre consell et de nôtre certaine science, pleine puis
sance et authorité royale, nous avons dit, déclaré et ordonné
par ces préselltes, sig'nées de notre main, disons, déclarons
et Ol'donnons que ladite déclaration du 21 janvier 1710, nos
dites lettres patentes du 21 janvier 1716, la déclaration du
10 février 1719, l'arrêt du conseil du 19 av~il 1723 el lettres
patentes du 3 may suivant, soient exécutés selon leur forme
et teneur. En conséquence nous avons permis et permettons ·
à nôtre 1 chirurgien de choisir, nommer et commettre telles
persollnes de la profession qu'il jugera à propos pour ses
lieutenans dans toutes les communautés de barbiers perl'u
baigneurs et étuvistes des villes et lieux du royau
quiers,
me, défendons à tous sindics, anciens et maîtres desdites
d'aporter aucun empêchement à la réception
communautés
et instalation de ces dits lieutenans sous quelque prétexte
qne ce soit ny de les troublel' dil'ectement ny indirectement,
1ant dans leurs fonctions de lieutenans que dans l'exercicè
barbiers perruquiers, pendant qu'ils
de leurs professions de
seront pourvus de leurs offices, à peinne de deux cents
livres d'amande et cent livl'es de dommagoes et intérêt.s
envers lesdits lieutenans; defendons pareillement sous les
mêmes peinnes aux sindics, maîtres et anciens desdites
procéder ou faire procéder à la réception
communautés de
d'aucuns des maîtres pendant six mois à compter du jour de
publication des présentes, clans lequel temps nôtre 1
chirurgien sera tenu de nommer lesdits lieutenans, que les
dites communautés recevront et installeront, à peine de
nullité de la réception desdits maîtres, de toutes les délibé
rations qui pouroient être prises dans leurs assemblées et
de restitution des sommes payées par les aspil'ants ; à l'effet
maÎtl'es
de quoy enjoignons sous lesdites peines aux sindics,
et anciens de 11l~T fournil' dans la huitaine de la publication
des présentes, une liste des maîtres qui composent lesdites
l'extrait de leurs réceptions certiŒé
communautés, ensemble
par les prévôts sindics en charge, voulons que par provision
seulement et en attendant qu'en chacune des communautés
des barbiers p'erruquiers des villes et lieux de nôtre royaume,
ou il y en a d'établis, il ail été conformément à nôtre décla
ration du 10 février 1719, dressé des statuts approuvés par
nôtre 1 chirurg'ien, les articles qui en suivent soient exé-
'cutés selon leur forme et teneur, le tout à l'exception des
villes des généralités de Roussillon, Auch et Pau, Chalons, .
Franche-Comté, Alsace et Maubeuge,
Montauban, Dijon,
jusques à ce que par nous il ne soit autrement ordonné. ))
Art. 1. Sont maintenus tous les privilèges précédem-
ment accordés au premier chirurgien, « chef et garde d~s
ehartres, st.atuts et privilèges de la chirurgerie et barberie »
du royaume, avec cc droit d'avait' toute inspection, jurisdic
tion et connoissance du fait de la barberie sur les maîtres
barbiers, perruquiers, baigneurs, étuvistes et tous autres
exerçants lad profersion ou partye d'icelle l), d'avoir en
sa chambre de juridiction et de faire exercer
tous lieux
celle-ci par lieutenants et greffiers à sa nomination.
2. Chaque communauté se composera d'un greffier et
lieutenant du 1 chirurgien, d'un doyen, des prévôts sindics
et gardes, des anciens sindics sortis de charge et des autres
maîtres reçus. .
3. « Tous les registres, titres et papiers de la commu-
nauté, à l'exception des registres courans qui demeureront
entre les mains du greffier ... , seront mis dans une armoire
particulière sous trois différentes clefs, lesquelles seront
remises, sçavoir l'une entre les mains du lieutenant ... , l'autre
en celles du greffier et la troisième entre les mains du plus
ancien des prévôts sindics en charge. » ,
4. Tous les ans sera dressé un catalogue des maîtres
et des locataires de maîtrises (privilégiés), avec indication
de leur demeure, lequel sera c( mis dans la chambre du
bureau de la communauté et distribué à tous les maîtres
d'icelle par les prévôts sindics et gardes, dans la première
visite qu'ils feront chaque année immédiatement après la
fête de saint-Louis » ~
5. Tous les ans, du 25 août au 8 septembre, il y aura
élection, à la plu!'alité des voix des maîtres assemblés, des
prévôts sindics et gardes et aussi d'un receveur .
G. Les prév6t.s élus entreront en charge le 1 lundi
« d'apr,ès la Nôtre-Dame de septembre», et exerceront leur
charge pendant deux années consécutives (1), ils prêteront
serment par devant le lie'ut.enant, et l'expédition de leur
réception et prestation de serment, -dressée par le greffier, '
par le lieutenant, leur tiendra lieu de commission.
visée
,Chacun paiera, en recevant cette expédition, 4 liv. au lieu
tenant et 2 liv. au greffier. Ils pourront faire enregistrer
leues commissions au gl'effe de police.
7. A l'expiration 'de son année c( de recette », le rece-
veur rendra ses comptes devant ]e lieutenant., les prévôts
sindics et gardes en charge et les maîtres ayant passé
le sindicat.
« Toutes les assemblées pour les affaires de la com-
munauté, élections de prévôts et receveurs, redditions de
comptes ou réceptions de maîtres seront faites dans la
cham bre ou bureau de la communauté », sur billets ou
mandements du lieutenant: toute assemblée non convoquée
par ce dernier ou sur son oedre sera tenue pour nulle.
n. Dans les assemblées, le lieutenant aura la première
place, ensuite les prévôts sindics et gardes, le doyen, les
anciens et t.ous' les antres membres mandés, suivant leur
rang dans le catalogue « èt porteront honneur et respect au
aux · prévôts sindics en charge, au doyen et à
lieutenant,
tous leurs anciens, à peine d'être exclus des assamblées,
privés des émoluments et condamnés en telle peine qu'il
appartiendra. » ,
10. cc Après les propositions faites par le lieutenant ....
ou par le prévôt qui présidera en son absence, chaque maîtl'e
ne pourra parler qu'à son rang et ' lorsque son nom sera
appelé par le greffier, le tout à peine de 31iv. d'amande pour
(1) Pour compl'endl'e la liaison de cet art icle avec le précédent, il faut
le plus anc ien prévôt sOl'Lait cie charge et était
savoir que, chaque année,
remplacé par un nouveau; celui-ci se trouvait initié aux afTaires pal' le
prévôt en continuation, et, grùce à cette alternance, la communauté ne
risqullitpoint cie vo ie la direcLion cie ses intérêts compromise, faute d'une
. compétence sumsanLe chez ses prévots sinllics, comme cela aurait élé à
craindre il la suite de renouvellement cn bloc, Lous les deux ans. En
généraf, le prévôt SOl'tan t Mai l l:hoisi comme trésorier ou receveur.
la première fois et d'être privé pour toujours des entrées dll
bureau en cas de récidive. ))
11. « Le lieutenant ... , les prévôts sindics, le doyen et
le gl'eflier et tous les anciens qui auront passé les charges
s'assembleront tous les mardys de chaque semaine, deux
heures de relevée, pour délibérer sur les affaires communes,
et discipline qui concerneront les maîtl'es, veuves,
police
aspirans, locataires, apprentifs, garçons, ouvriers et tous
ceux qui seront soumis à la communauté; mais s'il survient
des affaires urgentes, ils s'assembleront extraordinairement
sur le mandement du lieutenant ... au jour et à l'heure qui
leur seront indiqués, et ce {Jui sera arrêté dans ladite assem
à la pluralité des voix sera exécuté, comme s'il avoit
blée
été délibél'é de toute la communauté, à la réserve des em
prunts et obligations pour_ deniers qui ne pourront être
délibérés ny résolus que dans une assemblée généralle où
tous les maîtres seront mandés. )) ,
12. La communauté aura une chambre ou bureau pour
s'assembler, en tel quartier qu'elle jugera bon, cette cham
bre sera choisie par le lieutenant et les prévôts sindics.
13. « Auquel lieu toutes les marchandises concernant
ladite profession tant forennes qu'autres qui arriveront et se
débiteront en gros et en détail ès ville et faux bourgs seront
apportées dans vingt quatre heures, pour y être veües et
visitées par lesdits prévôts sinclics; avant qu'elles puissent
être expozées en vente, à peine de c.onfiscation des dites
marchandises et de cent livres d'amande. »
. 14. « Lorsque les maîtres, veuves de maîtres et tous
les autres soumis à la communauté seront mandés par le
lieutenant et les prévots sindics en charge pour se trouver
aux 'assemblées, ils seront tenus de s'y rendre sous telle
qu'il appartiendra. » ,
peine
15. Tous les ans, à la Saint-Louis, chaque membre
paiera 15 sols .à la confrairie pour le service que feront
célébrer les prévôts et gardes.
16. · Ce service sera céléb~é en telle église que 1e's pré-
vôts et gardes trouveront à propos, il consistera « en pre
mières vêpres la veille de Saint-Louis, une messe solennelle,
vêpres et salut ledit jour de Saint-Louis, . et un service le
lendemain pour le repos des âmes des défunts confrères,
auquel service lesdits sindics et confr'ères serons tenus
d'assi~ter. »
17. «( Aucunes personnes de quelque condition qu'elles
soye nt ne pourront exercer ladite profession ès ville, faux
bourgs et ressorts, soit en boutique, chambre ou autre
lieux particuliers ou privilégiés, sous quelque prétexte que
ce puisse être, s'ils ne sont membres de la communauté. ))
18. Nul ne sera reçu maître (( s'il n'est de la religion
et romaine.» ,
catholique, apostholique
19. Defense à quiconque n'est pas maître d'avoir aucun
apprenti ny alloué, « à peine de nullité de l'apprentissage,
de 20 liv. d'amande et de 100 liv. de dommages et intérêts. »
20. (( Les apprentifs ne . pouront être reçus dans les
barbiers, perruquiers, baigneurs et étuvistes,
places de
qu'ils n'ayent fait apprentissage de 3 ans, chez l'un desdits
maîtres, sans s'absenter, et qu'ils n'ayent travaillés chès les
maîtres l'espace de 2 années consécutives après leur appren
tissag'e, avant de pouvoir être reçus en charge, desquels
services », ils rapporteront certificats des maîtres, visés par
les prévôts sindics. '
21. Pour prévenir toutes fl'audes, les brevets d'appren .
tissage seront apportés en la chambre de la communauté
dans la huitaine de leur , «( passation », et enregistrés;
l'apprenti paiera pour cet enregistrement 3 liv. au greffier,
et versera en même temps 20 liv. au receveur (( pour le
profit de la communauté» .
Un maître ne peut avoir ( qu'un apprentif à la
fois, et ne lui sera libre d'en prendre un second que deux ans
après qu'il aura le premier, à peine de 20 liv. d'amande et
de 100 liv. de dommages et intérêts ».
23. (( Les fils de maîtres et ceux qui auront épouzé une
fille d'un des maîtres seront reçeus en faisant une simple
et, ne payeront que la moitié des honnoraires du
expérience
droit que les aspirans payent et que celle des droits du lieu
tenant .... et grefiier. »
24. ~ Les aspirans qui auront fait apprentissage chès
l'un des maîtres de la communauté et satisfait à l'art 20 .. "
seront reçûs en faisant le chef-d'œuvre qui sera cy après
expliqué, en payant les droits et honoraires à tous ceux qui
ont droit d'assister à leur réception. »
25-26. L'aspirant à la maîtrise doit être présenté par un
« conducteur », ehoisi parmi les anciens qui auront passé le
sindicat,' et ce conducteur l'accompagnera dans ses visites
sortis de charge « appelés pour la
chez les anciens sindics
réception de l'aspirant».
27.-28. L'aspirant donnera requête au lieutenant, re-
quête signée par lui et son conducteur, et à laquelle seront
joints l'extrait baptistaire, les certificats de religion catho
lique et des services de l'aspirant. Le lieutenant y répondra
par un soit communiqué aux prevôts sindics en charge, qui
donneront leur avis sur les qualités, bonnes vie et mœurs de
l'aspirant, après quoi celui-ci « poura faire ses visites et
suplier le lieutenant, .les prévots et anciens sindics de se
trouver à l'assemblée» à jour indiqué pour la réception.
29-30. Le lieutenant fixera ce jour et délivrera les billets
de convocation, et poUl' ce l'aspirant paiera 3 livres au lieu
tenant et 30 sols au greffier. Ne pourront assister à la
réception, outre le lieutenant, les prevots sindics, le gref
et le doyen, que les anciens sindics sortis de charg'e.
fier
31. Les aspirants « seront tenus de faire en deux jours
le chef-d'œuvre que les prevots sindics leurs ordonneront,
et quand ils seront jugés de bonnes mœurs et capables, ils
seremt reçùs pal' le lieutenant et les prevots sindics en charge,
et sera payé par chacun des aspirans au lieutenant et aux
prevots sindics à chacun la somme de 3 livres, au doyen de la
comté et au greffier à chacun 30 sols, et 15 sols à chacun des
autres anciens. »
32. Aussitôt après leur réception, les aspirants prête-
ront serment entre les mains du lieutenant, en présence des
et du doyen; il en sera délivré acte, qui sera
prévôts sindics
enregistré au greffe de la comté, et chaque récipiendaire
paiera au lieutenant 100 sols, au greffier 30 sols, à chacun
prevots et au doyen 15 sols. ( Ensuite pourront lesdits
des
nouveaux maîtres reçus faire enregistrer leur acte de récep
tion au greffe de la police... » .•
33. Les prevots sindics tiendront « la main à l'exécu-
tion des présentes; à l'effet de quoy ils auront veuë inspection
sur tout le corps desdits barbiers, perruquiers, baigneurs,
étuvistes, et auront droit de visite sur toutes les marchan
dises, circonstances et dépendances duclié art et profession.))
« Et voulant que lesdits barbiers, perruquiers, bai-
gneurs et étuvistes ayant des marques visibles de leur art
poUl~ la propreté et ornement du corp humain, nous leur
permettons d'avoir des boutiques pèintes en bleu, fermées
de chassis à grands carraux de verre, sans aucune ressem
blance aux montres des maîtres chirurgiens, et de mettre à
leurs enseignes des bassins blancs pour marque de leur pro
fession, et pour faire différence de ceux des maitres chirUr
giens qui en ont de jaunes, avec cette inscription: Barbier,
perruquier, baigneur, étuviste, céans on fait le poil et on
tient bains et étuves (1) ; défendons aux maitres chirurgiens
(1) La boutique, sans doute, n'était pas obligatoiee; cal', sur un rôle de
milice, je trouve des maîtres perruquiers établis dans une chambre, au
de peLites maisons. Le même rôls initie à la modeste instal
premier étage
lation de la 'Plupart, qui n'occupent q1l'une boutique ou une boutique avec
cabinet ou cuisine. Et il fallait loger dans ces pièces, olt l'on travail
où l'on déposait des objets de vente, la famille, l'appeenti, un
lait,
Cela ne la isse guèee supposer des habitudes l;aflinées chef les pra
garçon!
tiques. Mais les geos bourgeois, les ecclésiastiques, les gens de eobe et la
attitrés, qui se rendaient chez eux à
noblesse avaient leurs perruquiers
jour fixe ou lorsqu'il en était besoin. Le mobilier répondait au logement.
On en peut lire des exemples dans quelques baux de location de privIlèges
de saisies. En 1735. Le Brec, maître perruquier, étant ·
et procès-verbaux
décédé, sa femme, tutrice d'enfants mineurs, lou~ son privilège à un gae
çon perruquier avec la boutique, garnie de ses meubles et ustensiles,
« scavoir le chassis et les pannaux, trois testes et deux pieds, une teste à
montet', une paire de cadres, deux barres de (?) et les batons, une pierre à
repasser, des razoirs, une table et un estàux »; mais il est convenu que
le nouveau mari de la veuve, aussi perruquier, aura le deoit de repeendee
ou emprunter la pierre à repasser, s'il en a besoin. Chez un bai'bier, on
saisit "1 un plat à barbe, deux rasoies et une pierre à razoir, un cuir et
à barbe ,,; chez un -autre « un plat à barbe, quatre razoirs
deux linges
avec la trousse et un cuir, une J)oite à poudre et la touffe, et un morseau
de savonnette avec une pierre à razoir », etc.
Les chassis viti'és faisaient-ils partie du mobilier? La question fut posée
en 1735, à propos d'une süisie rend ue exécu toire contre un maître, Cheva
à ne point 'payer des amendes et diverses cotisations. On n'a
lier, obstiné
renconLré .chez lui « que les meubles prohibés )J, c'est-à-dire le lit et autres
et tous autres de faire .peindre leurs boutiques en bleu: ny
d'avoir de semblables chassis à ceux des barbiers, ' et aux
. barbiers d'avoit' des montl'es semblables à celles des chirur
giens, à peine de 20 li vres d'amande et de 100 livres de dom
mages et intérêts contre chacun des contrevenants. »
35. « Faisons aussy deffenses à tous ouvriers deI ladite
profession n'ayant quallité, de s'établir et l'exercer dans les
prétendus tels: sous quelque prétexte
lieux privilégiés ou
que ce puisse être; et à fin de connoître les contraventions
qui se commetront au présent article, les prévôts sindics et
gardes pourront se transporter dans lesdits lieux en vertu
de leurs commissions . en se faisant assister d'un commis-
saire ou d'un huissier, pour ensuite faire raport a~ lieute-
nant de police: qui, outre la confiscation des effets qui y
seront trouvés sujets, condamnera les contrevenants en
300 liv. de dommages et intérêts envers la communauté et
en telle amande qu'il appartiendra .... » .
36. « Pouront les prévôts des maîtres chirurgiens aller
en visite I)Qur fait de contravention chés les barbiers, perru
quiers, baigneurs et éÙrvistes, en se faisant àssister de l'un
des prévots sindics desdits barbiers perruquiers, comme
aussy pourrorit les prévôts syndics desdits barbiers perru
quiers aller en visite pour le même fait chés les chirurgiens,
en se faisant assister de l'un des prévôts des chirurgiens, et
en cas de refus par les uns ou les autres passé outre après
une simple sommations aux refusans, le tout en se faisant
assister d'un commissaire ou d\m huissier. » .
37. Les prévôts sindics et gardes donneront avis au
lieutenant des saisies qu'ils auront faites, des abus, malver
sations et entreprises qu'ils auront découverts: et en feront
rapport au lieutenant de police dans les vingt-quatre heures.
38. Quatre fois l'an, au moins, ils feront visites chez
meubles que la loi ne permet pas d'enlever. Les prévots consultent trois
« pour savoir si l'on pouyoit, dans le cas ... faire enlever tant les
. avocats
chassy:; il ver dl} maîtres que les autres llstancilles, meubles .et ellets
». SUl' l'u\'is u[lirrnal.if des avocats, la communauté donna ordre à
propres
ses prévôts de faire enleyel' par ministère d'huissiel' et vendre les châssis,
efIe ls et ustensiles du l'écalcitrant, (( comme des aut l'es qui refu
meubles,
de payer. »
seroient
BULLETIN ARCHÉQL. DU FINISTÈRE. ' TO~1E XXI. (Mémoires). 26 .
leurs confrères, assistés d'un huissier « pour voir si les
perruques et cheveux qui seront exposés en vente au public
sont bons et valables, et s'ils ne se trouvent pas de la quallité
requise, le tout sera confisqué au profit de la communauté.
Sera payé par chacun confrère, veuve ou locataire, à chacune
visite 15 sols, auxdits sindics et à leurs profit, auxquels tous
les maîtres, veuves etlocataires seront tenus de déclarer
alors les noms de leurs apprentifs, garçons et ouvriers, et
si lesdits garçons et ouvriers sont au mois ou à l'année, à
leur pain et gages et leurs demeures, à peine de 20 liv.
d'amande »). .
39. Les maîtres perruquiers barbiers et leurs veuves
peuvent louer leurs privilèges sans être tenus de demeurer
chez leurs locataires, à la condition qu'ils ne pourront tra
vailler « en aucune maison que ce soit de leur profession»,
à peine d'être déchus de leurs privilèges et d'une amende de
100 liv. ; les locataires devront passer leurs baux par devant
notaires et les faire enregistrer dans la huitaine à la com
munauté, payant au receveur pour le profit de celle-ci 4liv.
et au greffier, pour l'enregistrement, 20 sols, sous peine de
20 liv. d'amende.
40. Les locataires ne peuvent sous-louer leur privilège
sans le consentement par écrit des propriétaires, et la cession
sera enregistl~ée, comme précédemment le premier bail.
pouront (1 lesdits maîtres, veuves ny locataires
travailler ny faire travailler de leur profession en diférents
àtteliers ny maisons à peine de 20 liv. d'amande et de 100 liv.
dommages et intérêts .... »
42. « Nul maître, veuve ou locataire ne pouront retirer
ny se servir d'aucuns garçons ny ouvriers sans un consen
tement par écrit des maîtres de chés qui ils seront sortis, à
peine de 10 liv. d'.amende et de 50 liv. de dommages et
intérèts; ... »)
43. (( Aux seuls barbiers, perruquiers, baigneurs et
éluvistes appartiendra le droit de faire le poil, bains, per
ruques; étuves et toutes sortes d'ouvrages de cheveux, tant
pour hommes q_e pour femmes, sans qu'autres puissent s'y
entremettre, à peine de confiscation des ouvrages, cheveux
et ustancilles, et de 100 liv. d'amande, sans préjudice du
ùroit que les chil'Urgiens ont de faire le poil et les cheveux,
et de tenir bains et étuves pour leurs malades seulement. »
44-45. . Les pl'évôls sindics et gardes et anciens sortis
de charge choisiront un clerc pour garder la chambre ou
bureau, et les notaires, procureurs et huissiers dont les offi
ces seront nécessaires à la communauté.
46. - Tous dommages intérêts encourus pour contraven
tions et prononcés par les juges seront mis dans le coffre de
la communauté et le receveur en tiendra compte.
47. Voulons que s'il survient quelques contestations
au sujet des présents articles ou oppositions, soit en exé
cution d'iceux, tant de la part d'aucuns des maîtres barbiers,
perruquiers, baigneurs·, étuvistes ou autres particuliers,
même du chef de quelque autre communauté ou de personnes
privilégiées ou prétendues telles, même par raport à l'étendue
de leurs privilèges, soit personnels, soit réels, ou de terri
toiré, que les partyes se pourvoyent en première instance
par devant le lieutenant de police du lieu .... et par appel aux
cours et juges qui en doivent connoitre, sans aucune déro
g?-tion néantmoins aux' droits de nôtre premier chirurgien,
de scs lieutenans, greffiers ou commis, lesquels droits seront
conservés en leur entier, conformément à nos lettres patentes
des 21 janvier 1710,25 aoùt 1715, 21 janvier 1716 et autres
rendues en conséquence. » .
Les présentes seront enregistrées en Parlement à Rennes.
Donné à Marly le 6 jour du mois de février l'an de grâce
Signé Louis, et plus bas, par le Roy, Phelipeaux.
(Enregistrées à Rennes, le 23 aoùt 1725.)
Imposer la reconnaissance des règles à une commu
nauté très indisciplinée, c'était UIl beau succès. Mais il était
plus diflicile d'obtenir de gens au caractère lèger, volage,
impondéré, l'observation des statuts. Quellec y réussit pour
tant, malgré les oppositions, malgTé une accusation d'abus
d'autorité et une instance pour obtenir sa destitution, lancées
contre lui à l'instigation de quelques meneurs (il gagna
d'ailleurs son procès et la communautél fut trop heureuse
qu'il consentit à une transaction pour le compte des frais à
lui payee). Tout d'abord il était nécessaire de choisie une
chambre où l'on put déposer les archives, recevoir les veuves
ayant droit d'entrée aux assemblées, et les autres femmes,
mandées devant les prévôts et les maîtres, en diverses occa
sions; la salle des Carmes ne convenait point à tous ces
égards; on établit le bureau dans une çhambre louée en
ville (on en changea souvent !) Il fallait reconstituer les
archives, avoir des registres pour inscrire les délibérations,
enregistrer les actes, les co~trats d'apprentissage, les baux
de location de privilèges, les provisions des maîtres, etc:
l'on s'occupa sérieusement de ce soin (1). Puis on eut un
coffre, pourvu de 3 serrures, pour renfermer les registres et
tous les documents relatifs aux affaires de la confrairie, l'ar
g.ent pcrçu par les prévôts ou par le receveur; car on nomma
sans tergiverser un receveur ou trésoeier et même,' à quelque
temps de là, un clerc, qui fut chargé, entre autres besognes,
de porter les billets de convocation (cette commission avait
regardé jusqu'alors le dernier maître reçu, mais elle était
maintes fois très mal remplie ou avec beaucoup de mauvaise
humeur). L'élection des prévôts sindics et la durée clEi leurs
fonctions (2 ans) furent ramenées à la lettre des statuts, et
(1) Déjà, lorsqu'il s'était agi de dresser le catalogue de la communauté,
à propos de la répartition de la taxe de joyeux avénement, et après la
disparition du premier cahier ou registre, on avait eommencé l'enregis
trement des provisions; celles de Madec, de Depierre et de quelques autres
n'laUres sont mentionnées sur le second registre. Voiei, à titre de spécimen,
l'enregistrement concernant Julien Cordière, 2 mai 1127 :
« Lettres de provision en parchemin de la place de perruquier, baigneur
et étuviste dudit Brest, en datte du 8 avril 1713, signé sur le reply par
. le Roy, Adevin; , quittance de finance de lad. charge de permquier du
1 cr février fi13 portant 400 li v. Signé, Bertin, aussy sur parchemin;
autre quittance dud. jour, 1 février 1713, sur papier, des 2 sols pOUl'
livres de lad. finance, signé Ferraud; sentence en vell in en datte
du 3 novembre 1713, portant la réeeption dud. Cordière en lad. place
de perruquier et sa prestation de serment, signé en la dellivrance,
Sever, commis juré. »
la tenue des assemblées reformée : les privilégiés, qui y
avaient été tolérés et même s'y étaient arrogés des droits
égaux à ceux des ni.aîtres, en furent exclus, sauf en quelques
circonstances où leur présence était utile, selon l'appré
ciation des prévôts; les maîtres et les veuves de maîtres
durent assister aux réunions ou, s'ils ne pouvaient produil'e
motif d'excuse l,égitime, payer une amende de 3 liv. L'on
commença à s'occuper des apprentis et de la police de la
profession. " .
Quellec a si bien entraîné son monde, qu'à sa sortie de
charge la réorganisation de la jurande s'achève d'elle-même,
ses succeseurs n'ayant qu'à suivre l'impulsion donnée.
En 1738, la communauté" qui décidément à pris consis-
taHce, songe à ses armoiries: . ,
21 janvier. « Lesdits prévôts représentent en l'endroit
un estampe acordé à la communoté des maîtres perruquier
de (cette) ville de Brest par ordonnance rendue le 19 du
mois de décembre 1698 par Mrs les conuriissaires généraux
du conseil, députés sur ]e fait des armoiries, ainsy demailde
lesd. prévôts que le dépôt qu'il en font desdits armoiries soit
porté sur le cahier de la commnnotè affin que ceux qui les
remplassercint en soit de mêmes chargés pour les représenter
tous fois et quand sera requis. »
Ces armoiries ne se retrouvent plus sur les cahiers; mais
on sait, par Delabigne-Villeneuve (1) qu'clles étaient D'ar
gent à une perruq ue de sable couronnée cl'azur,
Elles étaient sans doute figurées sur le cachet que, la
même année, les prévôts avaient « fait faire pour l'utilité de
la communauté » et dont l'un d'eux devait « demeurer saisy
pour s'en servir lorsque besoin sera pour le bien de lad
comté quand on l'a11ra fait reconnaître en justice ».
'V er~ cette époque, on lit sur le verso de la couverture du
regislre des délibérations, l'état suivant des rlwîtres perru-
(1) COHl. nn Congrès cie l'rlssociation bretonne, B octobre '1855,
quiers et proprietlaires des maUres perruquiers (1) de la
communauté de Brest suivant l'ordre et datte de leurs
prestations de serment~ sçavoir :
Nicolas Made (ou Madec), prévôt en charge.
Jean Labbé prévôt en charge.
Jean Despierre: doyen (2).
Julieu Cordière sous-doyen .
Jacques Lheureux, A. (ancien).
" Jacques Quellec A.
Mathurin Moës (Moiès). A.
François Lefaour Dupré.
Goulven Tréguier, A.
Pierre Berric (ou Be~ry ) .
Jean Roussel.
Nicolas Hervieux .
Louis La Porte.
Jean Duhot Dutcrtr'e.
Caradec .
. Propriettaires,
Anne Macé, veuve du Bret (ou du Brec) .
Anne Macé, veuve id.
Jean-Maurice Pottonière.
Godefroy Du-ruisseau.
Mathurin Moës.
Garn, faisant pour Estienne Gourmelon, mineur.
Pierre Beric.
lle
Mad Valois (Lheul'eux).
Prl"vilég iés.
le 1 Cl' avril 1736, finis-
Jean-Gail Salliet, bail commençant
sant à pareil jour 17 ... (3).
Jean Lehir, 1 janvier 1738 1741.
Laurens Plantec, 1 octobre 1732-1737.
Boismort, 28 mai 1736 1739.
. (1) Propriétaires de maîtrises ne les exerçant pas.
('2i On a porlé en marge, mort en septembre 1737 .
(3; Dale effacée SUI' la feu i Ile.
Françoise Loarec, femme de Beaubois, caporal,
1 JUill
Laurent. Lemoign, 11 juillet 1737 1740.
Julien Lemaître, 11 novembre 1737 1739 .
Il semblerait que Quellec, après les services qu'il avait
rendus ~ la communauté et que celle-ci reconnaissait impli
citement, puisqu'elle le renomma prévôt-sindic pour
l'exercice 1741-43 et le continua dans ces fonctions pour le
suivant, eùt dù s'attendre à profiter lui-même d'une
réforme heureuse, être appelé à la lieutenance à créer. Mais,
dans tous les temps, l'intrigue, la protection et l'argent ont eu
plus de chances que le véritable mérite. Quellec n'avait sans
doute aucun client susceptible de lui procurer bonne recom
mandation auprès du premier chirut'gien du Roi et ses
moyens étaient faibles. Un autre plus habile ou mieux appuyé,
surtout plus capable de payer finance, sournoisement solli
cita la place et l'obtint, Moiës. Pour comble, ce fut Quellec
qui procéda à son installation! (1). .
lC vos non vo lS ...•
Du 3 décemhre '\743. ({ Comme pourvù de la charge de
lieutenant da 1 cr chirurgien du Roy pour la communauté des
maîtres barbiers, baigneurs étuvistes et perruquiers de la
yille de Brest, j'flY donné connoissance le jour d'hier au
s" Qucllec, l'lm des provots sindic en charge, de faire con
voquer une assemblée généralle de tous les maîtres, pro
priétaires et ceux à leurs defTauts qui peuvent avoir droits
de jouïr ou remplir leurs places, pour aujourdhuy 2 heures
de l'ellevée, et sur ledit advis à eux donné se sont rendu en
ma demeure égard que la de communauté n'a pas de bureau
(1) Probablement le pauvre Quellec éprouva uu coup terrible de cette
déeepLion el sa femme, la seule confidenle de ses peines, le·parlagea. Six
mois' plus lard, le prthOl Lefnoul' annonçait la mort des deux époux et
demandait que la communauté fil célébrer pour eux un service funèbre .
ou chambre commune pour pouvoir s'assembler en génél'al (i)
et en l'endroit leurs ay présenté mes provisions, lettl'es pa
tentes, les déclarations que Sa Maj esté a bien voulu accorder
à son pr chirurgien, médecin consultant, etc., et à son
absance à $es lieutenants dans toutes les villes du royaume,
droits et privilège y att.aché, les arrêts rendu en conséquence,
tant en privé conseil qu'au Parlement pour différentes villes
qui ont contesté ou voulu faire les bonneurs, juridictions et
. droits y attribués, dont j'ay présenté le tout audits général
de laditte communaut.é et auffert la lecture publique, après
quoy les ay intei'pellez en l'endroit. de raporte!' sur le cayer
des délibérations et déduire leurs raisons, pour'après s<.;avoir
s'ils acceptent d'observer et garder les articles y inséré,
comme aussy de faire attention à la remontrance cy-dessus
pour après enregistrer sur le cayer mes dittes provisions,
et pour être en état de remplir mes fonctions et exercer clalls
laditte communauté les quallitez y attaché, comme aussy do
me payer la reconnaissance attribué à mon avènement ù
ladite lieutenance. conformérnent à la déclaration du Hoy. et
autres à l'advenir deubz et raisonnable, de plus à déclarer
s'ils s'opposent à l'enregistrement de mesc1ittes provisions
sur le cahier et a deffaut de
et installations, en ladite qualit.é
le faire je proteste prendre vers lad. communauté toutes les
protestations y attachez. ») (Suit l'enregistrement.)
Quel superbe pathos! Le ton est haut, impératif: c'est
celui du maigre parvenu qui se travestit en grand oŒcier !
Moiès tiendra sa place une dizaine d'années; il sera rem
placé par Fabre: les façons de parler a ux confrères ne
changeront point, même le nous se substituem quelquefois
au pronom singulier. Il faut bien singer les graves magis-
trats, quitte à se faire humble devant eux, reparaître sous
les allures timides du simple maître aux audiences de police
dans les cas de contestat ions.
(1) Il a falI li revenir momen tanélllen taux Carmes, pOli r les assemblées
ordinaires. Noler qu'aprés J'abandon clùilnitif des Carmes, le service
anlluel de la Saint-Louis se eélèbrc il lu paroisse de ce nom.
La nomillation d'ml lieut.enant appelait celle d'un greffier.
Comme ]a place est aussi achetée, elle n'échoit pas toujours
à qui est le plus apte à la remplir (il se rencont~e même un
geeffier qui sait à peine écrire!) Mais ce Ilouveau personnage
se prend au sérieux, comme la doublure du premier, et il •
renforce la note en associant à la vanité d'Lm fonctionnaire
sottes prétentions du plumitif demi-lettré ...
les
Comme il me faut choisir dans une énorme masse de docu
ments, je vais m'attacher à reproduire les côtés les plus sail
lants de l'existence corporative des perruquiers ' bI'estois,
après la réorganisation de .leur communauté.
. Les apprentis se recrutent parmi les enfants du menu
peuple~ paemi les jeunes garç~)Ds en service dans les mai
sons ri('bes~ que les maitres veulent préparer aux fonctions
d'excellents valets de chambre à leur usage~ saellant rasee
et « pl'(parer») les perruques (M. Rochon: l'astronomc (1),
place un pet.it nègre chez Condé, 1770; M. Hector, major
général de la marine, lll1 petit domestique chez Fabre, 1772),
ou qu'une maltresse compatissante se préoccupe de pourvoir
. d'lm mdier. La plupart des contrats sont sous-seing privé
SOllt al'rêtés entre personnes peu à l'aise et qui cheechent
(ils
à' dimilluer les frais; sur ce point, on passe outre aux statuts,
d.'après lesquels les actes devaient toujours être notariés).
La question des intérêts pécuniaires cll.1 maître y tient la plus
grande place; les intérêts matériels, professionnels et moraux
de l'appf'entif ne sont guère spécifié avec quelque détail
qu'en des contrats où l'aIl reconnaît l'intervention d'une
main féminine, mère ou protectrice (2). La durée de l'enga-
('1) Connu sous le nom de l'abbé Rochon. Voir Levol el Doneaud,
GtniTes mariti1?7eS de la F'Tanc(', p. !t45.
(2) Spécimen de contrat:
(( Dudit jour 4 aOl1st 1712, il eslé [nit l'enregistrement cy npl'ès.
« Par devant les DoUaires royaux héréditaires dLl siège royal de Brest
sOLissignanLs, avec-. sonmission eL pl'ol'o!Zntion de jnridiclion and. siège,
gement est de 3 ans au minimum, quelquefois plus (4 ans),
quelquefois moins (1 an) lorsqu'il s'agit d'un complément
d'illstl'Llction commencée chez un autre maître. Le maître ne
doit, avec l'irl.3tl'Llctio:l pi'ofessionnelle, que ]e logement, le
blanchissage et la nourriture à l'apprenti. Celui-ci est entre
tenu de linge et d'effets pal' les siens, qui paient au patron une
somme variable selon sa renommée locale ou leurs propres
moyens (72 liv., 150 liv., 200 liv., 223 liv,) et à la commu
nauté un droit fixe de 23 liv.
furent présents clame Marie-Henriette Aubert de Courserac, veuve de
Messil'C François-Félix Desbordes, seigneur de Soligny, en son vivant
lieutenant g'néral des armées navalles du Roy, commandeur de l'ordre
royal et mil itaire de Saint-Louis, demeurant . en son hôtel . à Brest, pa
roisse de Saint-Louis, d'une part, et le sr René Bl'Uère, maître-perruquier,
hal'bier, haigneur et étuviste des ville et faubourgs de Brest, y demeurant
Grande-Hue, paroisse de Saint-Louis, d'autre part, laquelle ditte darne
de Soligny a déclcll'é qu'elle ü l'intention de pourvoir Mathurin Demeuré,
!ils de feu Guillaume Demeuré et de Louise Henry, sa mère, demeurant
en cette yille de Brest, d'un meltier qui le met en état de gngner sa vie,
sa lllèr'e ne se trouvant pas en estat de le faire, et que ledit Mathurin
Demeuré ayant témo igné du gout et des dispositions pour le métier de
perruquier, lad. da me cie Sol ign y la proposé pour apprentiH aud. Bruère
qui la accepté aux points, clauses et cond itions cy après.
« Scavoir, de prendre led. apprentiIT chez Iny, Illy fournir la pensiol),
logement et blanchissDge, Illy aprendre son estat de perllquier sans luy
rien cacher, au contl'a ire lu y montrer et enseigner touttes les parties duc!.
méLiel" à mesu re qu'il y fera quelque progrès, de fa~on cl en estre instruit
suflisament sous l'expirat ion du tems de son flpprentissagc qui ne pourra
estre que cie J Dns au mbins suirant les disp08ilions des statuts de la
communauté des perruquiers cie cetle ville, cie traiter sonclit apprentilr
avec douceur, charité et humanité, veiller sur sa conduite, l'obliger cl
bien emp loyer son tems et remplir s::)s devoirs de religion, le tout pour et
Illoyenan t la som me de '1)0 li v., à valluir à laquelle som me lad. dame de
Soligny a présantell1ent et il vuë de nous dits no'" payé, réalizé et dellivré
nucl. Bru~re la moitié faisant 7~ li"., dont icy quitance d'autant, et
faisant pareille som me de 7.) liv. sera payable dans 18 mois
l'autre moitié
à compter cie ce jour, même en sus la somme cie '21 Iiv. pour rembourse
ment et toute indemnitô aud. Bruère, qui flU moyen promet et s'ob li ge de
foumil' sondit apprantiH de tous les outi ls convenables aud. métier, de
faire enregistrer sur le registre et de [élire reeonnaÎtre Iecl . aprentifI à la
communauté des perruquiers ct clcllivrcr ilinsy qUJ clc raison et justice
un certificat en bonne ronne, avec son brevet d'apprentissage audit appren
tif]', pour luy valloil' et servir au besoin, sans difliculté, et sans qu'aucun
Les garçons (1) proviennerlt de sources multiples. Les
uns sont des apprentis formés sur place ou en d'autres loca
lités, aspirants à maîtrise ou condamnés à rester toute leur
vie dans la domesticité du métier, les autres des militaires,
autorisés à travailler en ville, des fràter de la marine en
expectative ù'embarque.ment, des individus gui ont pr:s
l'initiation d'une partie professionnelle exclusive (la barberie)
et ne songent à autre chose qu'à gagner leur pain chez
autrui ... s'ils Ile le peuvent gagner en contrebande. Il y en
a beaucoup, à Bl'est, "eolls de tous les côtés, avec l'espoir
de trouver de l'emploi dans les boutiques ou à bord des
navires; mais un petit nombre peuvent s'engager, dani? les
tems ordinaires, car les Pl'ivileg'iés et les maîtres n'ont guère
plus ù'un garçon, et ils Il'al'rivent pas à la trentaine. Il ya
donc encombl'ement fréquent. :Mais d'autres fois, il y a
pénul'ie, comme aux époques cl'a1'l11ement : les malins de la
COl'pJl'ntion chel'chent alor.3 à accaparer les garçons ou à
les elltraîne!' fi mal faire, pour obtenir leur expulsion de la
l;as lad. dame Soligny puise estre reéherchée par led. Bruère pour autre
chose sous prétexte que ledit Demeuré auroit mal employé son tems ou le
quiternit avant l'expiration desd . 3 années qui commenceront dès ce jour,
mais LIU contl'aire luy ciel livrera toujours un certiflicat du tems qu'il
pomoit avoir fait, sans clitIicullé.
« Tout ce que deyant a esté ainsy voulu, consent y et requis respective
ment, et à ce tenir se sont obligés sous obligation ... (?) Fait et passé à
Brest, à l'hôtel de lad. dame cie Soligny, au raport de Picaud l'un de
nous, l'autre présent, sous les seings des parties, après lecture et les nôtres
nO" 8, ce jour j -'1 :iuillet 171'2, du matin, signé sur la minutLe Courserac de
Soligny, Bruère, Gourhaut. no" royal, et Picaud, no'O royal registra Leur,
Duement controlé à Brest le 17 clesd. mois et an. Heçeu :W sols, signé
Vinay, et en la grosse en vellin, signé Picaud, no'O royal.
« Duquel elll'egistrement j'ay soussigné greflier raporté acte led. jou r et
an que devant. Laniant, grefner. » •
(1) Il Y a, dans la corporation, cles garçons et des ouvriers, point de
compagnons. Ceux-ci occupent un rang dons une jurande; ils ont tous
passé par un stade d'a pprentissage rég ulier. Il n'en est plus de même des
garçons, chcz les perruquiers. I.es ouvriers s'entendent des indiyidus qui
au travail des cheveux postiches .
s'adonnent spécialement
ville, afin de nuire à leul's confrères; cela donne lieu à des
échanges de papier timbi'é !
Les garçons sont en général des individus fort grossiers,
sans grande moralité, sans grands scrupules .vis-à-vis de
leurs patrons. Ceux-ci d'ailleurs ne se comportent pas tou
jours vis-à-vis de leurs garçons . par des procédés plus
honnêtes.
Comment se fait I.l n engagement ... et comment il se tient:
Le 27 juillet 1762, le lieutenant Fabre remontre aux
maîtres assemblés « que samedy dernier il se seroit présanté
chez luy un garçon perruquier arrivant, lequel promit à
l'épouze . et aux garçons du remontrant qu'il donnoit sa
PHl'ole d'honneur et d'assurance, comme quoy il leur promoit
ùe travailler le lendemain dimanche (1) et de ne point pro-
meUre ny s engager envers ql.ll que ce soIt, et sur sa pro-
messe ru Il garçon dud. s" lieutenant sorti pour luy présanter
la bouteille d'arrivanee à la manière accoutumée, et dans
llntervalle estant arrivé che;r, la mère des garçons perru
quiers (2) ce seroit trouvé le nommé Le Breton. garçon
perruquier, 1ravaillant chez le 5" Bréard l'aîné (lequel j auroit
par ses discours débaucbé leqit arivant et solicité de ne p.oint
travailler chez ledit lieutenant et l'auroit porté et engagé à /
travailler che;r, .ledit Bréard, et sur l'advis donné audit s"
lieutenant par son garçon de la mauvaise façon d'agir dudit
Lebretoll de s'être porté à débaucher son garçon arrivant.,
raison qui a portée ledit sI' Fabre à se transporter jusques
et en la demeure dud. sI' Bréard le lendemain pour luy
représenter que ce garçon arrivant auroit promis à son
. épouse et à ses garçons de travailler chez luy, qu'ainsy il ne
pouvoit l'attirer à luy sans contrevenir aux statuts et aux
peines y portées, et que même led. Le Brelon arrivant en
(1) La profession de perruquier est cie celles dont il faut tolérer le travail
les dimanches et fêtes, le matin, ayant les oJJices .
(n Il y a, dans chaque ville et pOUl' chaque eor-pol'fll.ion, une maison
recommandée aux compagnons el garçons faisant leur tour de France;
l'hôtesse s'uccupe des arrivants, les luge, pourvoit à leurs premiers besoins,
leur [ait créclil il J'occasion; on l'appelle ta mà·e.
rentrerait, ledit lieutenant luy fit une semonce comme 'il le
méritoit en présence des sl"S Bréard, Guiard, sur quoy ledit
Le Breton esmuë' de colère pl'oféra en leur présance des
invectives audit sl" lieutenant et dit à ce dernier qu'a'lItant
auroit peû ill'auroit privé d'avoü' aucuns garçons, et
qu'il
cela dérivé de la plainte (portée précédemment contre le
garçon perruquier Befouton) ... })
Les querelles sont communes à propos d'événements fu
tiles, où la femme du patron intervient parfois pour enveni-;
mer les choses et les aggraver. Les afTaires sont soumises
à l'assemblée des maîtres, naturellement enClins à donner
raison à leurs collègues , à moins qu'ils n'aient quelque
arrière ran cune à satisfaire contre un rival trop bien acha
landé, ou elles arrivent au siège de police, où il se rencontre
plus d'équité, mais avec une tendance manifeste à soutenir par
principe, l'autorité, c'est-à-dire le maître, pour peu qu'il
allègue des raisons vraisemblables.
Audience de police du 27 nov. 1784 (1). « En l'endroit,
M. le procureur du -Roy a rencontré que le jour d'hier le
nommé Mathurin Ferlo vint lui porter d,es plaintes de ce
que le sr Fabre, chez lequel il étoit garçon perruquier, lui
et que sans motif ni raisons plausi
avoit donné son congé,
sibles, il luy refusoit une permission de travailler chez les
autres maîtres perruquiers de cette ville; que sur cette
plainte il avoit fait venir le sr Fabre, lequel lui expoza que
le garçon l'avoit menacé d'enlevel' ses pratiques, et l'ayant
interpellé de prouver cette menace de son garçon, ledit
Fabre déclara n'avoir point pris de témoins de ce fait. Sur
ce deffaut de vériffier ses griefs contre ce Mathurin Ferlo,
le remontrant auroit été a même de donner une permission
à ce garçon de travailler chez d'autres maîtres. Mais il a
référer aujourd'huy au siège et en conséquence
préféré en
fait mander le sr Fabre cy présent à cette audiance, pour
déduire de nouveau ses motifs de refus de donner une per-
(1) Hegistres de police, arch. départir., B, fonds de Bmst.
mission de travailler en cette ville audit Ferlo et d'admi-
nistrer toutes preuves à cet égard et à signé .
BEHGEVIN fils. .
« Le siège a décerné acte de la lecture de M. le procureur
du Hoy faite en présence dudit sieur Fabre, de ce que ce
dernier ayant été interpellé de donner les motifs de son
refus de délivrer audit Ferlo la permission de travailler en
cette ville, il a déclaré que son refus étoit fondé sur ce que
garçon perruquier lui avoit manqué de respect au point
ledit
de le menacer luy et sa femme de les maltraiter; que c'est
ce qui l'a engagé à le mettre hors . de chez lui; qu'à l'instant
où il lui a donné son congé, ce garçon l'a menacé en outre
de luy enlever ses pratiques; que ces faits peuvent être
vériffié par les autres garçons de sa boutique, et a le dit
sieur Fabre signé -
FABHE.
« Le siège ayant égard aux déclarations du sr Fabre a
chargé Me Guesnet (2) de vériffier les motifs de plainte de
ce dernier et dans le cas de la sincérité desdits motifs, l'a
autorisé à punir ledit garçon perruquier de 24 heures de
prisons et à le faire vuider la ville, et-dans le cas contraire
a autorisé Me Guesnet à accorder audit garçon perruquier
la permission de travailler en cette ville. ») .
Suivent les dépositions de deux g'arçons : Ferlo est rentré
en retard pour dîner; le maître lui a adressé des reproches,
Ferlo a répondu avec arrogance et une discussion s'en est
élevée; le garçon congédié a tenu des propos insolents à la
femme du sr Fabre.
« Le siège, ayant égard aux dépositions cy-dessus et les
conclusions du procureur du Hoi, a ordonné 'que le ne Ferlo
sera à la diligence dudit sr procureur du Hoy emprisonné
pendant 24 heures et ensuite renvoyé hors ville, ' avec def
d'y rentrer sans l'ag-rément de la communauté des
fense
mallres perruqlllers. »
Signé : F, Leguen aîné, premier échevin; Michel l'aîné
et le Bronsort, cO~lseillers.
1'2) Avocat et procureur du Roi à l'hôtel-de-ville, chargé des fonctions
de eommissaire de police .
Elle n'est point enviable, la situation des garçons, vérita
bles parias dans la confrérie. Ils sont très maigrement
payés (de (3 à 8 li v. par mois), très maigrement nourris et
non toujours logés. On exige d'eux beaucoup de travail, un
respect, une obéissance, une soumission de tous les instants, .
étendus aux moindres personnes de la famille et â propos
des choses même extra professionnelles. S'ils commett~nt
un manquement, il faut qu'ils paient une amende, retenue
sur leurs gages, on les emprisonne, on prononce ou l'on
obtient contre eux l'expulsion hors de la ville pendant 3 mois
ou définitivement. Comme les pauvres diables doivent pro
duire certificat pour entrer chez un nouveau maître, comme
les principales communautés de la province se sont enten-
dues pour ne recevoir, ~armi les arrivants, que les individus
munis d'un bon certificat, et qu'elles ont même obtenu divers
arrêts, tant des sièges de police que de Parlement ou du
Conseil, à l'effet de maintenir les g'urçons pliés sous une
discipline sévère, c'est une sorte d'excommunication majeure
qu'on lance contre les délinquants, une intel'diction du travail
et du pain, une condamnation à l'oisiveté et à la misère,
deux mauvaises conseillères! Enfin pour se mettre mieux
en garde contre toutes surprises, on établit un bureau de
placement, avec un buraliste choisi par la communauté, à la
poigne solide (il est fait mention d'un ex-capitaine d'armes),
bien plutôt que capable d'écritures (;I est parlé d'un autre
ne sachant point écrire! ) bureau ou tout garçon sera
obligé de s'inscrire à son arrivée à Bres t, d'indiquer le
maître chez lequel il va travailler, rapporter les dates d'en
trée et de sortie à chacune de ses mutations, etc. Les g'ar
çons, qui ne reçoivent aucune amélioration de leur condition
en échange de ces multiples exigences, essaient de résister;
ils se réunissetlt subrepticement afin de discuter leurs intérêts;
mais ils sont surveillés de très près: le 3 juin 1763, les pré
vôts dénoncent à la comté des maîtres « un n Fremont,
garçon perruquier, qu'on a supozé avoir esté chell' de la
caballe passé ces jours cy, ... » En 1765, on assiste à une
tentative . de grève avec coalition; mais les temps ne sout .
marqués pOUl' le tri,omphe de ce moyen de
po int encore
revendication: une sentence de poliee, qLlelques expulsions,
et la résistance est enrayée .
Du mardi 26 nov. 1765. ( Assemblée généralle de la
comté des maltres barbiers, perruquiers, baigneurs et étu
vistes de ]a ville de Brest, convoquée de la part de Ml' le
lieutenant d'icelle par billet du jour d'hier; a esté remontré
par Ml' le lieutenant, que non obstant tout ce qu'il a pû et la
communauté faire pour mestre des bornes aux contraven
tions qu'apportent journellement les garçons perruquiers
aux dispositions des statuts.,., l'on n'a pu jusques à présent
y parvenir, au contraire le dit lieuteRant et la communauté
se voyant dans la dure nécessité d'implorer l'authorité de la
justice contre les désobéissants aux statuts de leur comté ~
des quelles il semble que les garçons perruquiers veuillent
un mépris marqués; en elfet, pour se soustraire à la
faire
règle prescritte pour leurs entrées chez les maîtres, s'atrou
pent journellement, tant dans les cabarets, oberges, que
dans les ruës et hors les portes ,de cette ville et.forment
entre eux complots, soit de n'entrer aucuns d'eux chez les
maÎües, soit de quiter ceux chès lesquels ils sont et de les
laisser sans garçons et d'abandonner les ouvrages qu'ils ont
commencés, ce qu'ils ont coutume de faire surtout les jours
de festes et de dimanche; que cette conduitte de la part des
garçons perruquiers est trés préjudiciables à tous les mem
bres qui composent la communauté, premièrement parce
que d'un côté la plus grande paetie des maîtres ne pouvant
se passer de garçons, sont obligés d'abandonner leurs pra
tique3; secondement parce que les garçons et perruquiers
étrangers al'rivants en cette ville méprisent de se faire enre
gistrer au bureau de cette communauté contre les disposi
t ions des statuts et rriestent par négligence le buraliste ho1's
d'état de po LlVOÏl' présenter aucuns garçons et aucuns des
maÎl1'8S ; troisièmement les garçons perruquie1's par la déso-
béissance la plus formelle et la plus' journallièi-e, entre eux
s'avisent de devancer les garçons qui viennent d'ailleur en
cette ville et de ·leur inspirer les mêmes déréglements que
ceux qu'ils professent eux mesmes ; quatrièmement enfin, et
ce qui est de plus et préjudiciable à la comte, est que tout
les contrevenants à ses statuts s'émencipent à la vuë de
chacun des m~îtres en particullier et du public en général
de travailler de l'estat de perruquier barbier et perruquier
dans les chambres particullières et de servir des pratiques
en ville. Touts ces déréglements troublent non seullement
l'ordre de la police de la communauté, mais encQre celle de
la .police parce que la comté ne peut certiffier aux magistrats
de cette ville qu'un garçon non enregistré soit un garçon
perruquier et parce qu'elle ne peut veiller à la conduite de
ce garçon, qui par là vit dans l'indépendance .... »
Naturellement, des garçons aussi bIen traités, si fréquem
ments réduits à cesser tout travail régulier, de parti-pris ou
par nécessité: contractent des habitudes de contrebande.
Nombre de garçons se livrent à ce qu'on appellerait de nos
jours l'exercice illégal de la profession, et à côté d'eux des
gens detoutes espèces, des femmes, des soldats, des jour
naliers du port (ces derniers dails l'intérieur de l'arsenal
comme en ville) ~ rasent, poudrent, frisent, des clients enlevés
par le rabais des prix aux privilégiés et aux maîtres. Ces
contrevenants sont désignés sous le nom général de cham
(individus travaillant en chambre). La communauté
berlans
leur fait une guerre acharnée, ordonne saisie sur saisie, non
toujours avec le droit pour elle; aussi perd elle à 'ce jeu
presque autant qu'elle y ga"gne. Mais les échecs ne la rebu-
tent point. Et ce qu'il y a de cùrieux à remarquer, c'est que,
parmi les garçons poursuivis, beaucoup acquièrent privilège
ou maîtrise avant que reur contravention soit encore jugée,
èt tout aussitôt sc montl'ent aussi ardents, aussi âpres que
leurs nouveaux collègues contre ceux de la veille. Bizarre
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTiŒE. ' TOME XXI. érnoires). 27 •
exemple ùe le contradiction humaine, petite manifestation
d'ordre psychologique dont on observe l'analogue chez les
et de tous degrés!
parvenus de toutes formes
Pour anêter la fraude, chez les soldats et les journaliers
du port, la communauté s'adresse aux commandants de la
place et aux intendants de la marine (1), avec des succès
variables. ·
Contre les autres contrevenants, elle requiert sentences de
pour justifier les saisies exécutées sur l'ordre de ses
police
prévôts, obtenir l'autorisation de faire vendre, à son bureau,
au plus enchérissant: entre ses membres, les perruques ' et
les ustensiles séquestrés, et surtout des dommages et inté
rêts élevés; elle transige souvent avec les timides ou ceux
à des
qui redoutent les frais excessifs; parfois elle a affaire
outrés de ne pou
individus d'une certaine situation sociale,
voir confier leur tête à qui bon leur semble, mais trop
heureux de pouvoir réparer les effets d'une colère compro
mettante en se soumettant aux exigences de la confrairie.
5 août ·1771. {( En l'endroit les sieurs Le Moing et
Lehir, prévôts, ont remontré ... que veillant à la conserva
tion des droits de la communauté et aux fraudes qui
se commettent contre les dispositions des statuts de la
communauté, et de l'arest de la cour qu'elle a obtenu,
ayants eu avis que le sr Dumonteuil, chirurgien à Brest, se
faisoit razer et acomoder par un soldat, ils se transportèrent
le deux de ce mois du matin, accompagnés de Me Prigent:
huissier, de deux assistants et du buraliste de la commu
nauté en la demeure dud. SI' Monteuil, où estant ils trouvèrent
réellement led. sr Dumonteuil, qui se faisoit acomoder par
le nommé Branche d'or, soldat au régiment de Cambresis,
huisier ayant vu et s'étant mis en devoir de
ce que ledit
représenter au sr Dumonteil qu'il avoit tort de contrevenir
( 1) Encore aujourd'hui, les perruquiers de la ville se plaignent de la
concurrence que leur font les journaliers du port, rasant aux heures de
repos, dans l'arsenal, pour un ou deux sous (l'ancien tarif!) les ouvriers
qui demandent leurs soins.
aux statuts de la communauté des perruquiers et aux arests
de la COUl', ledit sI' Desmonteil, loin de recognoistl'e sa faute
non plus que le soldat qui l'acomodoit, s'émurent de collère
et maltraitèrent de coup et de parolles, tant lesd. sl'S prévots
que led. huissier, ce qui les nécessita de se retirer et de
raporter leur procès-verbal, une grosse duquel lesd. Sl'S
prévots ont remis aux mains du greffier pour en être donné
lecture à la communauté, ce qui a esté fait. En l'endroit
après quoy lesd. sl'S prévots ont aussy remontré qu'ils ont
est.és men dés chez M. D'argence (1) qui les a chargés d'en- _
gager la communauté à traiter favorablement led. sr Des
monteuil: et leur a fait entendre qu'il en seroit reconnoissant,
et qu'il protégeroit la communauté vis-à-vis des contreve
nants à ses statuts ... )) La communauté, pour être pgréàble
à M. D'Argens, est d'avis de traiter favorablement le sr
Dumonteuil, elle ILLy fait remise des amendes par luy encou~ .
rues « parce que néanmoins il fera sa soumission de ne point
retomber en pareille faute et qu'il payera les frais faits par
la communauté ... ))
Une autre forme de la concurrence, c'était la location de
privilèges pour la ville par des adri1inistrations en poss~s
sion de privilèges particuliers: l'hôpital des pauvres avait
un barbier, et les administrateurs prétendaient avoir le droit
de louer le pl'ivilège pour l'exercice dans toute l'étendue de
la ville; la Comédie avait son perruquier, pour accommoder
artistes dans les loges; mais ce perruquier, après avoir
les
pris l'habitude de coiffer les pensionnaires en leur domicile
. privé, ne tarda pas à raser et à accommoder d'autres per-
sonnes en ville, et le directeur soutint qu'il avait pouvoir de
l'y autoriser. De là de nouveaux conflits.
Vers la fin du règne de Louis XV, et sous le règne de
Louis XVI, la perruque tend à se simplifier; même la mode
incline à la consel'vation des cheveux naturel':), portés longs
(1) M. le chcyalicl' d'AI'gens, brigadier des armées du Roi, commandant
la ville et le château de Brest. '
èt réunis sous la nuque en élégante queue plus ou moins
enrubannée, chez les hommes. Mais dans le monde féminin,
la coiffure se complique et revêt les formes les plus extra-
vagantes (1). Alors commence à s'ér:ger une branche nou-
, velle de l'art. Il y a des coiffeurs et des coiffeuses de femmes,
annexés à la communauté des perruquiers-barbiers. Il en
existait bien auparavant, mais par tolérance. En 1773, la
communauté de Brest est appelée à reconnaître un arrêt de
la cour du Parlement de Rennes « portant l'enregistrement
des lettres patentes de Sa Majesté du 12 décembre 1772,
pour ce qui concerne les femmes et filles coueffeuses ... » La
première qui se présente pour exercer la profession est une
fille du lieutenant.
• 30 mars-1773. « En l'endroit s'est présentée en commu-
. nauté demoiselle Marie-Perrine Fabre, fille de M. le lieute-
nant de la présante communauté et coeffeuse de femme de
aux dispositions des
proffession, laquelle se conformant
lettres patentes de Sa Majesté, du 12 décembee 1772, due
ment enregistré au Parlement de cette province, a déclaré
jour proffesser sondit estat, joint son
qu'elle entend de ce
offre de se conformer auxdittes lettres patentes et de payer
les droits deubs en conformité d'icelles.»
loi ~'~
Il est une partie des privilèges de la corporation que l'on
est surpris de ne voir jamais mentionnée: je fais allusion à
l'exercice « des bains et étuves». Ne se lavait-on donc, à
Brest, qu'aux époques caniculaires: et ne prenait-on des
bains qu'à la mer, sur les grèves de Porstrein et de La Ninon,
ou aux cales du Passage (2 ) ? ou bien quelques-uns se con-
(1) Voir Lacroix, Duchesne et Séré, Histoire de 12 co/'ffure, Paris 18.)'1-
5~; Franklin, ouv. cité p. 1~a es suiv.
('2) Sur une curieuse estampe que je possède (1750), des hommes pren
des bains au niveau du passage de Brest à Hecouvrance ; plusieurs,
nent
qui ' s'apprêtent à se jeter à l'eau, sont nus, san,s la moindre vestiture:
cela n'oITusquait alors personne.
tentaient de l'immension forcée que la coutume imposait à
chaque nouvelle installation de maire, le 1 el' janvi~r, aux per
sonnes mariées, établies en ville ou ayant fait construire une
maison, dans l'année (1) ? En 1697, simple permission de
tenir bains et étuves avait bien été accordée au chirurgien
Salasse; mais il ne parait guère qu'il y ait été donné suite (2).
En 1776, seulement, un autre individu songe à créer des
bains publics; mais il ne le peut faire sans la permission
expresse de la communauté des 'perruquiers:
12 décembre 1776. « Le sieur Courtois, musicien de la
marine, a entré à l'assemblée, a exposé à Mrs de la 'com
muuauté qu'il a été sollicité par divers officiers de la marine (3)
d'établir en cette ville des bains pour l'utilité publique et
qu'il désire seconder leurs vues; mais qu'il ne peut le faire
parce que cest objet est une dépendance de l'état .de perru
quier qui réunit sur lui celui de bain et étuves, qu'il faudroit
conséquemment qu'il eùt ou l'agrément de la commtùlauté
ou l'un des 29 privilèges d'icelle. Il est un moyen bien simple
de remplir cet objet, ce seroit à la communauté de louer à
l'exposant un des privilèges pour une somme quelconque,
ou à consentir que le Sr Courtois jouisse pendant un tems qui
seroit fixé de la faculté de tenir seul des bains publics en cette
ville, sans préjudicier toutefois des· droits particuliers de
chaque membre de la communauté. Pour cet effet, il offre de
payer à la communauté de lui payer la somme de. 75 livres
par an pendant le tems de 9 années, sur quoi il prie l'assem
blée de délibérer.
(1) La coulume dite le S ~lllt à la mer.
('2) Extrait des at'chives de la marine:
A Versailles, le 8 may 1697.
, « ..... Elle (Sa Majesté) ne veut pas accorder au Sr Salasse, chirurgien
entretenu en ce port, le privilège exclusif qu'il demande pour l'establisse
ment des bains et estuves. Il peut cependant faire cet establissement si
~ela luy convient, mais sans aucun privilège. »
PONTCHAHTHAIN.
(Lettre à l'intendanl de la marine.) .
faisait surtout sentir dans
( :~) Le besoin cl'un établissement spécial se
les classes élevées. .
« L'assemblée composée des soussignants, les Srs Cheval
Raillard, Lehir, Laurant, absents par billets
lier, Condé,
d'excuse, dellibérante sur la demande du SI' Courtois, est
unanimement d'avis et consent qu'il tienne à l'avenir bain et
étuves seulement pour l'utilité publique et ce par tolérance
jusques à ce que la communauté ne lui ait fourni l'un des 20
privilèges, lequel tems sera de 9 ans et ne pourra l'excéder
sans une nouvelle concession, et ce parceque ledit S" Cour
tois payera entre les mains du trésorier de la communauté
une somme de 90 livres payable par moittié par 6 mois et
d'avance, et parce qu'au cas ou la communauté fournisse au
Sr Courtois dans les délais cy-dessus un privilège, il ne
pourra s'en servir que pour bain et étuves seulement, ce que
ledit Courtois a accepté. »
Ainsi en règle vis-à-vis de la corporation des perJ'uquiers,
Courtois installe son établissement rue du Bois-d'Amour,
dans une maison dont. il a grand'peine à deITendre les appro
ches contre « la malpropreté des voisins» (1) ; il n'a d'abord
que quelques baignoires, alimentées d'eau que l'on transporte
à bras; l'année suivante, il obtient de la municipalité la con-
cession d'un filet d'eau (1). . .
Les affaires de la communauté prennent plus d'activitl~ .
Les deux. prévôts ne suffisent plus à leur tâche de surveil-
lance, de poursuite contre les contrevenants. En 1778, on
leur adjoint deux gardes ( pour veiller aux droits exclusifs
de la communauté» concurremment avec eux. C'est que le
tempérament des membres est demeuré très tracassier, très
procédurier. Il survient même un moment critique où, à
force d'avoir recours aux hommes de .loi, la confrairie se
voit acculée à des dettes (près de 1,500 liv.) qu'elle ne sait
comment acquitter. Elle pense à un emprunt, que le premier
(1) Le 14 décembre 1776, une sen tence de police fait deJIense aux voisins
du Sr Courtois de déposer des ordures coptre sa maison.
(1) Registre des délibérations de la communauté de yille, BH, '2.3, fo 167 .
chirurgien du Roi lui interdit de faire, et elle réussit péni
blement à se libérer, à coups de cotisations payées en rechi
gnant par ceux-là mêmes qu ont le plus impétueusement
poussé aux procédures. '
En 1780, une liste établie par la communauté porte le
nombre des maîtrises à 29 et leur valeur moyenne à 600 liv.
Une maîtrise de Me perruquier, baigneur et étuviste, pos-
sédée par la veuve du sr François Laurent.
Une par le sieur Louarn, maître et exerçant.
Une par Jacques Berland~ maître non exerçant.
U ne par Jacques Haillard, maître exerçant.
Une par Jean Pierre Chevalier, maître exerçant.
Une par Edme Guiot, acquéreur.
Une par le sr Grimaud, acquéreur.
U ne par le sr Nicolas Laurarlt, maitre exerçant.
U ne par Gilles-François Condé, maître exerçant.
Une à la veuve Guiard.
Une par les enfants dud. Guiard.
Une par Edme Forjou"maître exerçant.
Une par Jn_Bte Lehir, exerçant.
Deux par la veuve de Jacques Taupin.
Deux par les enfants dudit Taupin.
U ne pHI' François-Marie Coatlosquet, qlaître exerçant.
U ne par Hené BruMe, maître exerçant.
Une par Jean-Marie Thomas, maître exerçant.,
Deux par Jn_Bte Salou, maître exerçant une des charges.
Une, par le sr Edern: acquéreur.
U ne par la demoiselle Lerret, veuve Béchénec.
Une par les héritiel's Tl'éguier.
U ne par la demoiselle Hem.
Une par le sr Péché dit Latour.
U ne par l'h,ôpital et l'hôtel-Dieu de cette ville.
par le sr Louis Rolain, maître exerçant.
Une
Mais, dans cette liste, je ne vois pas figurer le lieutenant
Fabre, qui possède 'au moins une maîtrise, et, sur les actes
d'enregistrement des acquêts , les chiffres de la valeur des
charges sont de heaucoup supérieurs à la moyenne déelarée
par la eommunauté (à l'occasion d'un rôle de capitation) :
en 1765, une maîtrise est acquise des époux Fabl'e, pal'
Guiard, au prix de 912 liv.; en 1767, Lehir paie une
maîtrise 700 liv., Duh'oussaye une autre 650 liv., Vandnmer
une troisième 900 liv. ; en 1768, Groselle achète celle de
lle
la d Le Brez, veuve, pour 1,500 liv. ; en 1769, Bmèl'e en
acqüiert une du sr Largeteau contre 1,000 liv. ; le sr Curyert,
bourgeois de Brest, achète celle de Laporte, pour 1,050 li v.
et Quintin celle de son père, en 1773, pour 1,200 liv., et.c.
Quant aux prix des simples locations, ils varient depuis
30 jusqu'à 90 livres.
La fin.st terne.
En 1788, Fabre meurt. Son fils présente à la communauté
des lettres de provision qui lui accordent la lieut.enance
depuis 1776, mais qu'il n'a point voulu produire plus tôt pal'
égard pour son père. Le nouveau lieutenant ést un ivrogne, .
dont la communauté est contrainte' de sollicit.er la destitution.
Arrivent les événements précurseurs de la Révolution.
On s'aperçoit des préoccupations de la confrérie à la rareté
et à 'la briéveté des délibérations. Elle disparaît avec les
autres jurandes, sans éclat, en 179t.
J'arrête là mes extraits.
Je viens d'esquisser la pe.inture d'une corporation moins
relevée que celle des orfèvres,ma:s donnant mieux que
celle~ci une idée de la vie un peu étroite et mesquine de
nombre de jUI'andes~ Les corporations ne valent d'ailleurs
que par les sujets qui les composent, et. les hommes sont
différemment façonnés selon les hahitud~s de leurs profes
sions. Les perruquiers-barbiers sont des gagne-petit sans
éducation; pour eux le combat vital est rude, et ils sont ·
âpres à débattre leurs droits et privilèges, très égoïstes. Ils
ne voient pas au-delà d'un c( art )) limité à la manière d'ap-
prêter les pelTuques et de faire la barbe, selon les lois de
la mode: était-ce là un hOl'izon assez large pour donner aux
. individus et à l'association un entendement perfectionné?
Partis d'une situation tout aussi humble, mais poussés par
l'aiguillon d'lm objectif plus noble, les chirurgiens, au
contraire, étendliont le champ de leurs opérations~ arriveront
à conquéril', par le travail et la science, un rang à côté des
orgueilleux médecins.
paraît intél'essant de faire revivre tous ces petits :
Il me
sont les mieHes de notre vieille société, et je crois bon de
les sauver de l'oubli.
Je continuerai donc à fouiller les archives de nos anciennes
corporations et je n'aurai de dédain pour aucune.
Dr A. COHHE .