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Bulletin SAF 1894


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Eglise de Pont-Croix

Abbé Abgrall

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EGLISE DE PONT-CROIX
pour décrire cette église: la meilleure méthode est de
suivre le questionnail'e qui a été posé à ce sujet dans le
programme du congrès de l'Association Bretonne de 1873~
Pour êt!'e vieux de plus de vingt ans, ces différents para-
graphes résument parfaitement la question. Ce travail, du
reste, a été rédigé à cette époque et, je n'ai eu à y apporter
que des modifications peu nombreuses .
§ 1 ~I'. Décrire les formes architectoniques de l'église
autrefois collégiale de Pont-Croix.
L'église de Pont-Croix, dédiée à N,-D. de Roscudon
(colline du Ramier), est assise sur le versant d'un coteau
par la rive droite du Goyen, à six kilomètres de
baigné
l'embouehure de ce cours d'eau. Ce monument ayant été
construit par parties, a subi divers ajoutés aux différents
principale; il est donc
siècles qui ont suivi la construction
parfait: comme un édifiee bâti d'lm
loin d'offrir un ensemble
seul jet; mais, quoiqu'il déconcerte l'architecte qui cherche
toujours un vaisseau régulier et commode, approprié aux
Lesoills pour lesquels il a été édifié, il intéresse au plus haut
point l'archéologue, . à cause justement d~ cette variété de
styles, de cette multiplicité ,de caractères qu'il peut y
observer.
Il est bon d'analyser d'abord le bâtiment en général, pour
revenir ensuite snr chaque partie, en indiquer les formes,
en préciser le genre, en relever tous les détails.
L'église de Pont-Croix se compose d'une nef d'environ
21 mètres de longueur sur 5 m. 35 de largeur d'axe en axe
piles; d'un transept à deux branches formant la croix,
des
et ayant même largeur que la nef; d'lm chœur et d'un
sanctuaire mesurant 18 m. 50; puis par delà le sanctuaire,

'l'édifice se prolonge encore d'une travée de 4 mètres d'ouver­
ture. L'église entière a donc environ 40 mèt.res de longueur.
La nef, le chœur et le sanctuail'e sont accompagnés de bas­
côtés. Au nord du chœul' le bas-côté devient double; au snd
du sanctuaire, au contraire, se trouve une vaste chapelle ' se
retournant d'équel're, et mesurant 8 m. 30 de laJ'geur sur
9 de 10nO'ueur. Au bas-côté mél'iclional de la nef sont accolés
un porche saillant et une chapelle renfermant los fonts
baptismaux.
Heprenons maintenant chacune de ces parties, et voyons
l'œuvre de chaque siècle afin de bien suivre la marche de la
construction. L'édifice d-ont il est ici question offre cette
particularité que, si on en considère l'extérieur, surtout au
sud et à l'est, il semble tout entier appartenir à la période
ogivale; si au contraire on pénèt1'8 à l'intél'ieur, on croit à
première vue que l'église est entièl'ement i'omana.
D'après tous les caractères et toutes les apparences, on
peut dire que c'est dans la seconde moitié du Xll siècle que
furent commencés les travaux. Il est même à croire qu'on
construisit dès lors une église entière, tl'ès régulière, parfaite
dans ses formes, et beaucoup plus commode que le bâtiment
actuel, avec les ajoutés des époques postérieures. Cette
premièl'e église, comme généralement toutes celles de ce
ternps, affectait la forme d'une croix, et comprenait la nef
actuelle avec ses bas-côtés, le transept, et ce que nous appe­
lons maintenant le chœur. La nef compte sept tl'avées
divisées par des piles extrêmement Bgères, n'ayant que [15
ou 50 centimètres de diamètre, et formées d'un faisceau de
quatre, six ou huit colonnettes très fines. Les bases de ces
colonnes sont peu élevées, et se composent de deux mem-
bres : 1 d'un socle carré ou octogonal à petits pans coupés,
et dont l'arèle supérieure est abattue par un chanfrein;
2 d'une base prOpl'elYlent dite, offrant une plinthe dl'oite
de 0 m. 07 c'" sllrmonté'e d'un quart-de-rond, et d'un petit .

tore, sans gorge intermédiaire. Ces deux moulures se pro~
filent antour des 'colonnettes.
Les piles mesureI1t 3 mètres de hauteur jusqu'aux chapi­
teaux. Parmi ceux-ci il n'yen a, qu'un seul qui soit orné de
quelques feuilles et de figures géométriques grossièrement
sculptées; les autres afi'ectent différentes formes d'après la
section des piles elles-mêmes: ils peuvent être classés dans
ce genre .de chapiteaux que l'abécédaire de M. de Caumont
appelle cannelés ou godronnés, ou encore cubiques avec la
partie inférieure arrondie; c'est-à-dire qu'au-dessus de
l'astragale les colonnettes s'élargissent 'et montent en
s'évasant, de manière à se' compénétrer et à offrir un carré
sur lequel vient reposer le tailloir. Ce couronnement du
chapiteau est formé d'un certain nom1)re de moulures dans
le bas, et d'un large filet au-dessus. 1.1 reçoit immédiate­
ment les archivoltes sans aucune retraite, contrairement à
l'usage général; le sommier ou l'extrade de ces archivoltes

tombe de chaque côté à fleur de ses parois, et même les
tores qui descendent sur les coins des tailloirs sont munis
à leur pied d'une base ou d\ll1 empattement carré, pour
couvrir entièrement les quatre angles.
Cette disposition a été observée par Viollet-le-Duc, et
notée par lui comme un des caractères du XIIe siècle, ainsi
que cette autre que nous remarquons encore dans les arcades
de Pont-Croix, et qui consiste en ce que le faisceau de mou­
lures formant comme le membre central des archivoltes,
repose en encorbellement ou en porte-à-faux sur le haut
des chapiteaux, et se termine à la base en bec de sifflet ou
en fond d'entonnoir. Pour donner plus d'importance encore
à ces archivoltes, le vieux maître de l'œut re a tl'acé en
saillie sur le nu des écoinçons, un autre tore qui contourne
l'extérieul' des arcades, toujours en plein cintre, comme les

arcades elles-mêmes.
Les archivoltes sont surmontées d'un mur plcin, construit

en moyen appareil et s'élevant à une hauteur totale de
6 m. 40. Dans ce mur supérieur, il n'y a pas de traces de
fenêtres, et cela se comprend, puisqu'il n'y a jamais eu
qu'un toit unique, couvrant à la fois la nef et les bas-côtés.
La nef n'a jamais été voûtée, non plus que le chœur: l'or­
donnance et la légél'eté des piles indiquent bien qu'elles
n'étaient pas destinées à soutenil' une voûte, mais simple­
ment une charpente. Cette dispositioll est encore mieux
accusée dans les bas-côtés. On y remarque en effet à la
hauteur d'environ 5 m. 50, une sér'ie de corbeaux en pieree,
ayant pour objet de port.er la sablièl'e des demi-fermes qui
couvraient cette partie. Cette charpente n'était point, selon
toute probabilité, déguisée à l'aide d'un lambris en bel'ceau,
mais elle devait être apparente, bien œuvrée, et décorée de
peintures éclatantes comme la plupart des monuments de
cette époque, et c'est encore l'usage en Angleterre.
Nous ne pouvons rien d~re de précis sur les fenêtt'es
anciennes; c'est à peine s'il en existe, dans le mur du 1>as­
côté nord, une ou deux qui remontent à l'époque de la pre­
mière construction. Encore ne .peut-on pas affirmer que ce
soient là des fenêtres primitives; il e~t possible qu'elles
aient été remaniées dans la suite. Elles sont tl'ès étroites à
l'extérieur, tandis qu'à l'intérieur elles présentent un ébra­
sement très évasé, dessinant. dans le haut une ogive assez
algue.
POUl' ce qui est. des portes, nous n'en parlel'ons que
lorsque nous nous occuperons de l'extérieur.
Le transept., dont les branches r~ssortent faiblement au

nord et au sud d'environ deux mètres, semble avoir eu quatl'e
piles d'une section plus larg'e que celles de la nef pour son-
tenir un clocher central ou un campanile; mais il parait

qu'au xv siècle on ne les jugeait plus assez fortes ponr
soutenir le puissant clocher qui les surmonte maintenant,
car on les a noyées dans quatl'e autres piles beau.coup plus

massives, proportionnées en efTet aU.yoids immense qu'elles
supportent, mais ayant l'inconvénient de resserrer considé-
. rablement la nef dans cet endl'oit et d'étrangler l'entrée du
chœur. L'espace carré compris entre ces piles est voùté,
avec une lunette ménagée au centre pour le passage des
cloches. Les petites arcades qui servent de passage ent.re le
teansept et les bas-côtés semblent être de la même date; et
sont d\m très bon efTet. Cependant on serait porté à croire
que quelques-unes de ces arcades et quelques parties des
grosses piles auraient été construites au XIVe OU même au

XIII siècle; la coupe des 3.I chivoltes et les feu:lles de quélques"
thapiteaux pousseraient à cette conclusion. . " .
Les 'deux pignons des branches de ceoix ont dù avoir
primitivement une porte et des fenêtres romanes, mais plus
tard le tout a été remanié et remplacé par une porte en style
du XV sièle, et des fenêtres flamboyantes.
Le chœur se compose de quatre travées de 2 36 d'ouver­
ture chacune, et offre par conséquent gm44 de longueur. Les
pi~es sont un peu pIns basses que celles de la nef, et pr'ésen­
tent absolument les mêmes formes. Il n'y a d'autres diffé-
rences à noter, sinon que le tailloir, au lieu d'être orné dans
le bas de quelques moulures, a simplement une gOl'ge sous
le filet droit, et que l'on ne trouve point dans cette partie le
tore saillant qui décore les écoinçons de la nef.
Par une singularité fort remarquable, au nord du chœur,
le bas-côté devient double, de sorte qu'au bout de l'église il
y ci triple rang de colonnes. Ces C01011B.es du double bas­
côté ont le même caractèl'e que celles du chœur et de la nef;
les archivoltes sont moulurées de la même façon, ce qui
ferait croire qu'elles ont été constl'uites' en même temps qne
les autres; mais il y a dans leur disposition et dans leur
plantation une irrégularité et des défauts de construction
tels qu'il faut nécessairement les attribuer à un architecte
tout différent. Les bases de ces piles reposent sur de larges

bancs carrés de 50 centimètres de hauteur, offrant aux fidèles
qui assistent à l'office des sièges assez commodes, mais un
peu froids. Ces sortes de bancs: aux pieds des colonnes, ne
sont pas rares dans les églises de cette contrée. Quelques­
uns des chapiteaux offrent (-.ette différence avec les autres,
qu'ils sont couverts de feuillages, de dents de scie, d'étoiles,
de .têtes plates ou de figures grimaçantes.
Pour revenir encore sur la construction du chœur, il est
bon de faire observer toute l'habileté qui a présidé au tracé
du plan, à l'espacement et à la mesure des piles, à la dispo-
sition des arcades. .
En eITet, au moyen d'un relevé exact du plan et de l'éléva­
tion intérieure, on peut voir que tout ce travail, outre le
mérite de la beauté du dessin et de la pureté des lignes, a
encore celui d'être basé entièrement sur l.es règles de pro­
portion usitées au moyen-âge. Ces différentes proportions
dérivent toujours de la triangulation; elles ont été étudiées
par Viollet-le-Duc dans plusieurs monuments de premier
ordre, et sont parfaitement appliquées dans le chœur, le
sanctuaire, et probablement la nef de Pont-Croix. (Dict-wn-
1wil'e de l'A rchitecture, vol. 7, p. 532. )
Pour ce qui est des piles et des arcades du chœur, la
propol'tion est basée sur le triangle ayant les côtés inclinés
sur la base de 52 degrés: cette inclinaison est souvent
employée au XIl siècle. Je ne donnerai pas de détails tech­
niques sur ces diffél'ents tracés; je me bornerai à dire que
les côtés . des triangles par leurs différentes intersections
donnent la hauteur des piles jusqu'au chapiteau, la hauteur
et la largeur des tailloirs, la liautelll' intérieure des archi­
voltes. La largeur du chœur d'axe en axe des piles donne,
d'après la proportion du triangle équilatéral, la hauteur du
bandeau qui couronne les arcades .
Dans les deux arcades gothiques du sanctuaire, dont nous
aurons à parler tout-à-l'heure, les proportions dérivent à la

fois du teiangle ayant les côtés inclinés de 52 degrés~ et du
triangle iso.cèle rectangle.
C'est au fond du chœur que se terminait, à mon avis, la
première église de Pont-Croix. Elle devait être fermée par
un mur deoit, . percé de deux ou trois baies romanes, et
peut-être d'une rose qui les surmontait. La place de ce mut'
est encoee parfaitement indiquée par l'a1'c triomphal actuel.
, Quatre-vingts ou cent ans après la construction de l'édifice
primitif, on résolut de l'agrandir. Etait-ce besoin d'un espace
plus considéeable, était-ce engouement et manie de bâtir?
C'est ce qu'on ne pourrait guère décider, et cependant la
premièl'e hypothèse est peu probable, à moins d'admettl\e
que ]a population de cette époque fLIt de beaucoup supé1'ienre
Cil nombre à la population actuelle, car l'église romalie
devait amplement suffire aux joul's des plus gl'andes fêtes,
et lors des plus grands concours de peuple. '

Quoiqu'il en soit, on défonça le mur qui terminait le chœur
à l'est, et on le remplaça par une grande arcade en tiers-
point, formant une sorte d'arc-triomphal. Puis on prolonge'à
le chœur de deux tl'avées formées d'arcades ogivales, et
mesur·ant une longueur de huit mètres. C'est ce qui forme
maintenant le sanctuaire.
CorTespondant à ces deux tl'avées, on construisit en même
temps une vaste chapelle se retournant à angle droit vers le
sud. On l'appelle maintenant la chapelle du Rosaire. Le
mur oriental de cette chapelle est percé de trois fenêtres
ogivales divisées par des meneaux. Le pignon méridional
présente une immense fenêtre de la dernière époque du style
flamboyant. Telle ne devait pas être la fenêtre primitive, èt
deux feuilles sculptées formant comm3 chapiteaux à 1 m50 de
hauteur dans les pieds-droits, semblent attester que là
devaient s'arrêter les baies trilobées (lui étaient surmontées
d'une gl'ande rose: comme celle de l'abside de Pont-l'Abb~.
Je n'appuierai point ici sur les caractères et les formes de

chacune de ces parties; il faudra les revoir en détail lorsqu'il
s'agira. de déterminer la date de la construction.
Pour arriver tout de suite à l'extrêmité de l'église, disons
que, vers la fin du xv siècle, ou au commencement du XVIc,
on construisit encore une autre arcade, large et haute dans
le prolongement du sanctuaire. Cet ajouté avait probable­
ment pour but la commodité du service, devant fournir
comme une sorte de déambulatoire autour de l'autel prin­
cipal ; il pouvait aussi avoir pour objet l'élégance extérieure.
En effet, cette terminaison de l'église, quoique fort peu
gracieuse intérieurement, forme au dehors un large chevet
à pans coupés, assez satisfaisant dans ses proportions et ses
détails. Dans cette absIde se trouve une grande fenêtre
flamboyante, à compartiments très simples, reproduisant
presque exactement la fenêtre de la chapelle du Rosaire.
Les archivoltes de cette fenêtre et des deux arcades qui
l'avoisinent présentent les formes prismatiques, maigres et
aiguës de la fin de la période flamboyante, tombant en péné­
tration sur les piles et les pilastres, sans chapiteaux inter­
médiaires.
Revenant sur nos pas, dans le bas-côté méridional du
chœur, nous pouvons remarquer que ce bas-côté a été élargi
au XVIC siècle, et muni d'une large fenêtre en style de
dù entraîner aussi une modification de la
l'époque, ce qui a
charpente et du système de CÙt1verture.
Dans le bas-côté méridional de la nef, correspondant aux
déux premières tl'avées à partir du transept, on trouve une
chapelle de 2 mètres de profondeur sur 5 de longueur,
portant toutes les traces du style du xv siècle. L'entrée en
est formée par une large arcade surbaissée; elle est voùtée
en pierre, avec ses arcs croisés et arcs formerets.
On y trouve une piscine ou crédence assez élég'ante, ornée
de contr: forts et de clochetons, et couronnée d'une accolade
d'après l'usage de l'époque .
munie de crosses feuillagées,

Cette chapelle est éclairée par une feriêtre à quatre baies,
tympan offl'e un bel ensemble de compartiinents
dont le
flamboyants, avec redents à la base, ce qui indique assez

bien le XV siècle. C'est là que sont placés m~intenant les
Lem' place ancienne était à l'extrêmité
fonts baptismaux.
sud: ce qui en fait foi,
ouest de l'église, au fond du bas-côté
c'est le foyer qui fut construit en cet endroit au XV ou au
XVIe siècle, et qui servait à chauffer l'eau baptismale, ou du
moins l'eau dont se lavent le prêtre, le parrain et la marraine
après l'administration du sacrement.
Avant de visiter l'extérieur de l'église, jetons encore les
sur quelques objets dig'nes d'attirer noh'e attention.
yeux
Premièrement au haut du bas-côté méridional du chœur,
on trouve un petit autel en pierre offrant un caractère assez
, ancien; il repose sur deux colonnes ornées de torsades et
ayant pour chapiteaux des écussons blasonnés. A côté de
cet autel est une piscine dont les jolies colonnettes et les
arcatures paraissent être du XIVe siècle,
la chapelle du Rosaire, tout près de la porte
. A l'entrée de
·la sacristie, se voient deux petites armoires creusées
mur, à la hauteur de 1 m. 70. Il est probable qu'elles
dans le
servajent autrefois au dépôt des reliques, ou plutôt des
saintes huiles. .
Au fond de cette chapelle du Rosaire et dans le bas-côté
signaler.
nord, trois autres piscines à
Dans la branche nord du transept, on a aussi opéré des

siècle .
modifications, dans le courant du xv
Au bas du mur qui forme pignon, on a pratiqué une sorte
grand enfeu ou de large niche, peut-être pour servir
d'emplacement à un autel. Cette niche est couverte par un
par une accolad~. Des
arc en anse de panier, et couronnée
sont deux· culs-de-lampe feuillagés. On pourrait
deux côtés
encore observer de petits bénitiers -en pierre, incrustés dans
plusieurs des piles de l'édifice: ces bénitiers n'indiqueraient-

ils pas le voisinage des tombes où sont ensevelis les anciens
chanoines qui desservaient la collégiale?
Après avoie vu assez en détail l'intérieur du monument,
il l'este à l'étudier au dehors. . .
En commençant par le côté nOl'd qui est le plus simple,
on remarquera d'abord que le terrain est très élevé dans
cette partie, et qu'il a fallu pratiquer une tranchée ou saut­
de-loup pour dégager le mue dans toute sa longueur. Les
c,ontreforts ou éperons, qui arment les angles de la branche
ùu transept, au lieu d'avoir au bas de leur glacis un larmiet'
ordinaire taillé èn coupe-larme, c'est-à-dire à vive arète,
~nt ce larmier taillé en boudin avec une gorge intermédiaire
pour l'isoler du parement inférieur. Ce caractère. avec quel­
autres dispositions adoptées dans le rampant du gable:
ques
peut très bien servit' à préciser la date de ce pignon comme
étant du XIIe siècle.
On trouve les mêmes contreforts au portail occidental, au
transept sud, et au pignon méridional de la grande chapelle
du Rosaire. Pour ce' qui est de cette partie, il ne reste plus
. qu'à jeter un coup d'œil sur les fenêtres étroites déjà men-
tionnées, et sur une porte basse en plein cintre, sans linteau
horizontal.
Au portail occidental, bien des choses encore ont été
modifiées. La porte géminée et les fenêtres romanes ont
disparu, pour faire place à une lourde porte prétendue
toscane ou dorique, surmontée d'un fronlon triangulaire, et
a une mauvaise fenêtre rayonnante.
Et cependant on trouve encore d'un côté de la porte
actuelle les vestiges des moulures de la porte ancienne, et
plus haut, quelques claveaux de l'arc de décharge qui la
courQrinait.
Le .rampan.t de ce pignon, qui est absolument semblable
.-à celui de. la chapelle du Rosaire, offre en profil la forme
d'un faisceau de trois colonnettes. Cette forme, qui est

commune au XIIe siècle, continue à être employée dans les
du pays jusqu'à la fin du XIIIe siècle, si elle ne
monuments
va pas même au-delà, car on la trouve à Pont-l'Abbé, à
Plougasnou.
pignon est couronné par une croix de fer;
Le sommet du
il ne semble pas qu'il y ait jamais eu d'antéfixe. Comme il
n'y a qu'un toit unique pour couvrir la nef et les bas-côtés,
et ,que le pignon doit suivre tout du long cette pente, afin
de cort'iger la monotonie d'une trop longue ligne descen­
rampant arrivé vers le milieu de sa course fait un
dante, le
ressaut hOl'izontal, puis descend verticalement pour re-
prendre encore son inclinaison; et parvenu au bas du toit,
il fait de nouveau le même mouvement pour retomber en
saillie sur des cal'iatides bizarres.

Sur la façade sud de l'édifice, le premier objet à étudier
c'est le porche placé en avant-corps vers la quatrième travée:
morceau réellement curieux par son originalité, l'heureux
effet de ses découpures, la complication de ses rosaces. Ce
porche donne accès dans l'église par une porte simple,
est vraiment remarquable
cintrée en ogive, sans linteau (il
comme on se passe de linteaux à Pont-Croix, car nous
pou~'rons encore observer cette absence dans la porte du
transept et dans celle d'un bas-côté nord). '
A l'intérieur, ce petit édicule mesure environ 2 mètres de
profondeur sur 3 mètres de largeur; les murs sont tapissés
d'arcatures trilobées que surmonte une frise de feuilles
chapiteaux des colonllettes
diverses. Cette frise-contourne les
qui séparent les arcatures. Chose singulière et en contradic-
au moyen-âge,
tion avec la logique si ordinaire cependant
n'est pas sur ces chapiteaux, mais sur le milieu des petites
arcades que tombent les arcs-ogives et les arcs-doubleaux
la voûte. Aux points de croise­
qui forment les nervures de
ment de ces nervures sont sculptées deux clefs couvertes d'e
beaux feuillages. Le cintre de la porte est entouré d'une

ce'inture' de quatrefeuilles et couronne d'une ' petite niche
renfermant une statue de la sainte Vierge.
est formée d'un gable très élevé et
La façade du porche
très aigu flanqué de deux autres pinacles secondaires. Le
gable priricipal a pour couronnement une effigiè assez gros-
façon très archaïque le Christ en
sière qui représente d'une
.croix, ou le Christ ressuscité adossé à la croix. Sur les pina­
cles latéraux sont deux anges pOl'tant la lance de la passion
et la couronne d'épines .
rampants sont garnis de grandes feuilles en crochets.
. Les
Toute la façade est couverte d'une véritable dentelle de
par une gTande rose centrale, d'autres
pierre, formée
roses secondaires, des trèfles et des quatrefeuilles taillés
dans le granit, rondement.' moulurés et présentant une
magnifique décoration géométrique. Au-dessous de ces roses
un arc suspendu dans le vide supporte d'mItres
aveugles,
compartiments rayonnants complètement évidés et découpés
jour. Au bas des pieds droits des pinacles sont creusés

deux bénitiers, servant comme de support aux arcatures qui
ornent les parements .
Tout dans ce porche est traité avec talent et avec granùeur:
. les moulures, les feuillages, les colonnettes, les profils des
sont largement dessinés et sculptés finement, malgt>é .
bases
la rudesse du grain; c'est l'œuvre d'un architecte de goût
et d'un excellent appareilleur. .
En quittant le porche on trouye immédiatement le pignon
de la chapelle des fonts baptismaux. La fenêtre flamboyante
l'éclaire est accompagné à l'extérieur de deux niches
qui
surmontées de dais. Les culs-de-lampe de ces niches portent
des écussons qui, s'ils n'avaient pas été martelés, auraient
pu nou.s indiquer le nom du fondateur.
jeté un COl,lp d'œil sur le transept sud, sur la
Après avoir
sacristie, œuvre tout-à-fait insignifIante, et sur le mllr qui
termine la chapelle du R~saire, dont le gable et les contre-

forts peu saillants offrent les mêmes particularités que ceux
du portail de l'ouest, on peut passer immédiatement à l'abside
du côté de l"est.
Cette abside est fOl'mée de tl'ois pans coupés: deux petits
qui forment le fond biais des bas-côtés et un grand qui a
toute la largeur de la nef. Ces pans sont couronnés par des
pignons ornés do feuilles de choux; les angles sont munis
de contreforts ajourés à leur sommet en quatrefeuilles et
surmontés d'un toit en bâtière.
Terminons par le clocher l'étude de notre . édifice. Nous
avons déjà dit que les anciennes piles romanes de la croisée
du transept avaient été fortillées par des placages, ou plutôt
encastrées dans de nouvelles piles très épaisses, dans le cou­
rant du xv siècle. C'est bien la date qu'on peut assigner à
cette œuvre d'après tous les ' caractères qu'on y observe,
le pl'ofil des bases, la section des colonnettes terminées en
dos-de-carpe, les feuilles et la forme des chapiteaux, les
nervures de l'archivolte, même la voûte qui couvre le carré
~entl'al. .

La base du clocher, par conséquent, ne peut être anté­
rieure à cette époque, quellef:i que soient les hypothèses qui

tendept à l'attribuer au xu ou au XIIIe siècle. Il est vrai
qu'elle n 'oUre aucune pm'licularité qui serVir a pre-
pUlsse
cisel' l'époque de sa cOl1sb'uction .
C'est une masse calTée, lourde, sans aucun ornement,
dépourvue de contreforts, percée seulement sur chaque face
d'une baie longue, évasée, terminée en plein cintre, et garnie
de maigres moulures dans ses ébrasements. (On sait que .
cette tour sei'vit de refuge et comme de citadelle aux habitants
de Pont-Croix, lors du sac de la ville par La Fontenelle. )
Mais, dès qU'Olt arr-ive au heUroi ou au ' clocher propre­
ment dit, l'œuvre change complètement d'aspect. C'est alors
une ahondance d'ornements, de moulures de toutes sortes,
aV~LETlN ARCUÉOL. DU FINISTÈRE. - TOME XXI. (Mimoiresl. ~5 .

d'arcades, de frises feuillagées, le tout largement cnmpris,
parfaitement distribué.
Au-dessus d'une balustrade en quatrefeuilles règne une
haute galerie trilobée, servant comme de cage au beffroi qui
prend dès cet étage la forme octogonale. Puis à)'étage supé­
rieur court encore une autre balustrade solide et légère à la
fois; des quatre angles partent quatre clochetons octogonaux,
formant avec les lucarnes
bien ajourés, bien proportionnés,
des faces une belle ceinture à la magnifique flèche qui prend
naissance à cet hauteur et qui s'élève à 67 mètres au-dessus
,du pavé de la nef.
du niveau
o Cette flèche, admirable dans ses proportions et son élé­
gance,est ornée sur ses arêtes de crossettes saillantes qui se
sur le ciel et découpée sur ses faces par des baies
profilent
à jour et des roses à six feuilles surmontées de petits fron­
tons aigus. Le distingué et vénéré architecte des clochers de
Saint-Corentin de Quimper, M. Bigot, n'a pas cru devoir
la flèche de Pont-Croix, et
copier de meilleur modèle que
tout le monde lui donnera raison.
§ 2. Marquer les différences par lesquelles le style de
tranaition employé dans l'église de Pont-Croix
s'écarte de celui qui a été généralenlent en usage.
On ne peut guèro e répondre directement à cette question,car
j'espère prouver dans le dernier paragraphe qu'il n'y a pas

réellement de style de transition dans le monument de Pont-

Croix, que la nef et le chœur sont en véritable style roman
de 'la seconde moitié du XIIe siècle, tandis que le sanctuaire
et la chapelle du Rosaire sont de la fin du XIIIe.
o Le style de transition se dénote généralement par l'emploi
simultané des o~nements romans et de l'arc aigu ou en tiers­
point; mais cette particularité ne s'uberve pas dans l'église
o en question: partout où l'ornementation est romane, les
le sont aussi, et là où les formes princi-
formes principales

pales sont gothiques, les détails revêtent aussi le même
caractère. .
est vrai que le style roman employé à Pont-Croix ôffre
des différences très notables avec le style usité dans d'autres
monuments presque contemporains, comme Kernitron de
Lanmeur et Sainte-Croix de Quimperlé .

Dans le premier de ces édifices on trouve les ornements
géométriques de l'école normande, les zigzags, les méandres,
les bàtons rompus .... ; dans le second~ les chapiteaux sont

couverts de feuillages et d'enroulements empruntés aux monu-
. ments des bords de la Loire; à Pont-Croix, au contraire,
.on peut dire que ]a partie romane n'a point, pour ainsi dire,
d'ornementation sculptée .; toute la décoration est due .à la
richesse et à la beauté des moulures. Cela ne doit-il pas être
aUl'ibué à la nature des matél'laux mis en œuvre, au grain
rude et gl'ossier de la pierre qui se refuse aux sculptures
déliées et qui se prête volontiers aux larges profils, aux
gorges profondes?
Dans ce cas~ les deux premiers édifices auraient été le
résultat d'une influence étrangère, tandis que l'église de Pont­
Croix serait le produit naturel du sol; une idée née dans le
pays même et exploitée conformément aux propriétés des
matériaux qu'on avait entre les mains.
§3. Constat3r le rayonnement du style de l'église
de Pont-Croix sur les contrées voisines .
Sans pouvoir affirmer précisément que les parties an­
ciennes de l'église de Pont-Croix aient exercé ulle véritable
influence sur la construction dans le pays circonvoisin, on
doit noter cependant que les mêmes caractères se retrouvent
dans d'autres éditlces de second ordre, tous dans le rayon
de ce monument principal. La belle chapelle de Kerinec, en
Poullan,une travée dans l'église de Mahalon, le chœur de

l'église de Peumerit, la chapelle de Penhars en Pouldreuz:c,

et la chapelle maintenant en ruine de l'ancien prieuré de
Languidou ou de Saint-Guy, en Plovan, semblent avoir été
par le compas du même architecte.
dessinés
l'œuvre du même homme, ou d'une
Ces édifices sont-ils
d'ouvriers? ou bien ont-ils été construits
même corporation
par différents maîtres, mais suivant le même courant d'idées?
C'est ce qui serait difficile à déterminer; toujours est-il
que, ayant très peu de rapports avec les autres églises

romanes de la même époque, ils ont entre eux beaucoup de
points de ressemblance, et paraissent sortir du même moule.
Ce sont partout les mêmes piles légères, le même groupe­
ment des colonnettes, le même agencement des archivoltes.
prieuré de Saint-Guy, en particulier, ont les
Mahalon et le
Pont-Croix,
mêmes colonnettes, les mêmes chapiteaux que
les mêmes archivoltes en encorbellement. Kerinec, qui a
servi de modèle à Peumerit, est un travail encore plus
soigné, plus heureux dans ses pl'oportions.
• 0 luxueux, plus
bâtiment soit plus restreint, l'œuvre est plus
Quoique le
largement traitée qu'à Pont Croix; les chapiteaux sont cou­
arcades ont
verts d'une belle ornementation végétale, les
plus d'ouverture, les piles sont plus solidement assises, on,
respire plus à l'aise. A voir ce bel ensemble, on serait
porté /à croire que le vieil architecte s'est appliqué à cet
ouvrage avec une prédilection toute particulière, qu'il ,y a
avec amolù', qu'il s'est attaché à en faire son bijou,
travaillé
son petit chef-d'œuvre.
D'autres églises présentent les mêmes caractères, mais
Plozévet, les chœurs de
avec des imperfections: la nef de
Pouldergat et de Pluguffan, trois travées de l'ancienne église
de Penhars, Lambour à Pont-l'Abbé et Notre-Dame de
Châteaulin, le chœur de Treffiagat, sans compter quelques
et travées de Cléden-Cap-Sizun, Landudec, Poul-
piles
dreuzic, Tréogat et Languivoa, en Plqnéour. Il est à noter
que tous' ces édifices, sauf Notre-Dame de Châteaulin,

rayonnent autour de Pont-Croix et font pai,tie du Cap-Sizun
et de ce qu'on est convenu d'appeler: c( la Baie ». .
~ 4. Reconnaître l'époque à laquelle se rapporte la
construction de l'église de Pont-Croix.
pour résoudre cette question, toutes les sources historiques
font défaut, et l'on ne peut" se baser sur aucune donnée écrite.
Les archives de Pont-Croix ne renferment aucun renseigne­
ment antéri~ur ' au XV siècle qui puisse aider dans ce pro­
blème, et les hypothèses faites jusqu'ici sont loin de reposer
sur des bases solides. Il faut donc avoir recours au raison­
nement, comparer les différentes parties de ce monument
avec les autres constructions antérieures et postérieures, et
peut-être parviendra-t-on ainsi par induction à en déterminer
l'âge avec assez d'exactitude.
Il existe dans le pa~Ts des édifices dont la date est connue,
et qui peuvent servir comme point de repère. L'église de·
Loctudy a été bâtie en 1132, celle de Fouèsnant doit être
contemporaine. Ces deux édifices ont leur genre à part, leur
système de construction déjà avancé; on voit que l'art a fait
du progrès depuis la construction de Loc-Maria de Quimper,
de la vieille église de Scaër et de nef de Meylars, qui sont
des travaux du XIe siècle. Or, depuis Loctudy et Fouesnant
jusqu'à la nef et au chœur de Pont-Croix, la marche de l'art
est encore très sensible. L'architecte n'est plus si timide, il
est sùr de son œuvre, il s'est un peu affranchi des vieilles
traditions, eta adopté un genre nouveau, plus en rapport
avec les idées d'émancipation qui régnaient chez les artistes
à la fin du XIIe siècle. C'est donc à la dernière moitié, -et
peut-être au dernier quart de siècle que nous devons attri­
huer le monument qui nous occupe; et quo;que le style de
tl'ansition règne alors dans les autres contrées, nOlis ne
ne pouvons pas ·donner ce nom au style de Pont-Croix,
puisque le génie roman y préside toujours. On pourrait faire

une objection et dire que cette constrllctionpeut parfaite-
ment dater des premières aimées du XIiIe siècle, que ' les
traditions romanes ont pu se perpétuer dans notre pays,
pendant que le style ogival primitif était déjà en vigueur
dans les provinces plus rapprochées du centre d'où partait
le mouvement. Mais on répond que cela n'est giIère pro­
bable, et que l'influence de la nouvelle école gothique s'est
fait sentir de très bonne heure dans notre pays comme dans
les autres; témoin le clocher de La Martyre, le chœur de
Bénodet, la porte occidentale de Meylars, la nef de Saint­
Pol-de-Léon, l'abside et le chœur de la cathédrale de
Qüimper.
Pour les deux travées du sanctuaire, la difficulté est plus
grande: les chapiteaux de l'arc triomphal, le bandeau hori­
zontal et le tore vertical qui courent sur les murs du si:mc­
tllaire, ainsi qu'une tête en cariatide qui décore un des
chapiteaux de cette partie l sembleraient indiquer la
période de transition. NIais, d'un autre côté, les archi-
voltes et les piles ont beaucoup de rapports avec le style de
la fin du XIIIe siècle; les feuilles des chapiteaux, particuliè­
rement les feuilles de fraisier employées dans l'un d'eux,
offrent tant de ressemblance avec les feuillages sculptés
dans les fenêtres de la chapelle du Rosaire, qu'on est obligé
de conclure que ces deux parties ont été construites en même
temps'. Or, la chapelle du Rosaire est évidemment de la
seconde moitié du XIIIe siècle. Pour le prouver, on ne peut
se baser que sur un seul principe, mais il est suffisant.
Dans le mur oriental de cette chapelle se tl'ouvent trois
fenêtres ogivales; deux d'entre elles n'offrent aucun carac­
tère particulier, parce que les meneaux en ont été changés.
Celle du milieu conserve toujours ses meneaux primitifs qui,
par leurs tOl'es gras et arrondis, leurs quatl'efeuilles p'ar­
fpitement dessinés, indiquent très bien le' milieu du XIIIe
siècle; on voit qu'ils sont antérieurs au, porche méridional,

~t contemporains de la chapelle absidale de la cathédrale de.
est bien de la date dont nous parlons.
Quimper, chapelle qui
Après cela, les caractères des différentes parties de l'édi­
fice assignent pour date au porche méridional le commen­
du XIVe siècle, à la chapelle des fonts-baptis-
cement '

maux, ainsi qu'au clocher, le xv La flèche, à ne considérer
que ses moulures, ses arcades et ses roses ajourées, sem­
blerait appal'tenÏJ; au XIVe siècle; mais si on veut bien re­
marquer ses frises ornées de feuilles de vigne, on voit que
c'est là le travail du siècle suivant. ,
Pour ce qui est de la nef et du chœur, un document, que
j'ai découvert il y a un an, permet d'en préciser la date. La
chapelle en ruines de Languidou, en Plovan, offre absolu­
ment les mêmes caractèr~s que la partie romane de l'église
de Pont-Croix: mêmes colonnes, mêmes chapiteaux, mêmes
arcades. Or, sur le tailloir d'un chapiteau écroulé et gisant à
terre au côté nord de la nef, on lit cette inscription:
GV1LLELMVS: CANON1CVS: ET: 1VO: DE: REVESCO:
AED1F1CA VERUNT : 1ST AM : ECCLESIAM (le chanoine
Gtlillawne et Yoes de Re'vesco ont fait bâtiT cette église. Or le
est mentionné dans le cartulaire de la
chanoine Guillaume
cathédrale de Quimper aux années 1162 et 1166. L'église de

Pont-Croix a-t-elle ét~ construite avant ou après Langui-
dou ? Les deux édifices sont de la même école et il ne peut y
avoir qu'une très petite distance entre les deux constructions.

§ 5. Décrire le ,mobilier ancien.
En commençant par le bas de la nef, du côté nOfd, nous
tribune d'orgue, portée sur des corbeaux
trouvons une ,petite

en pierre et deux potelets de bois surmontés de chapiteaux.
tribune, dans le style de la dernière periode du
Cette
gothique flamboyant, se compose en façade de huit pan-
neaux à dràperies godronnées, séparés par des montants en
saillie formant colonnettes ou contrèforts ornés de torsades

simples ou perlées, écailles imbriquées; iosanges feuillagés;
pointes de diamants, et surmontés de pinacles à crosses
végétales. En haut et en bas courent des bandeaux formés
de feuilles sculptées et d'animaux monstrueux. Il y a environ
six ans, on pouvait voir encore l'ancien buffet d1orgue,
datant très probablement du règne de François. 1 , et orné
de sculptures en pal,tie gothiques et en partie renaissance.
Contre les deux gl'osses piles qui terminent la ner sont les
statues Ilssises des saints Crépin et Crépinien, martyrs,
patrons des cordonniel's. Ces deux saints ont encore leurs
images dans l'église de Notre-Dame, à Châteaulin: et dans
celle de Lambour, à Pont-l'Abbé, où ils étaient honorés,
comme à Pont-Croix, par la corporat iOTl des ouvriel's en
CUIrs.
, Dans le transept nord se trouve l'autel de saint Pierre,
dont le l'étable à colonnes corinthiennes, genre xvu siècle:
. contient d'abord une statue de saint Pierre-aux-Liens, assis
dilns sa prison, les m'ains liées par des chaînes scellées dans
une colonne. Au-dessous quatre has-reliefs représentent:
saint Pierre marchant sur les eaux, . la tradition des clefs,
, saint Pie1'l'e les clefs en mains et la tiare à ses pieds, -
saint Pierre pleurant son péché et le coq chantant .
. Au milieu de la frise, dans un cartouche, on lit:
Mre 1 : H10V : F .
. Plus haut, dans une niche est la statue de saint Jean­
Baptiste portant un agneau sur un livre, et au sommet, la
représentation de la sàint.e Trinité : le Père, coiffé de la
tiare, avec le Saint-Esprit sur son épaule, et tenant sur ses
genoux le corps inanimé de son Fils.
Au fond du double has-côté nord, devant une fenêtre
houchée, 6n voit un petit l'étable d'autel comprenant, ent.re
deux oolonnettes torses, un bas-relief de N .-D. de Pitié' : la
Sainte-Vierge au pied de la croix du calvaire, assistée de deux
anges, recevant sur ses genoux lé corps de Notre-Seigneur .

L'un des anges tient la COÜl'onne d'épines. Dans le fronton',
en médaillon, la Véronique présentant le voile de la Sainte­
Face; et plus haut: deux anges pleurant et ' un ange en
prIere.
Au-dessus de ce l'étable est une grande statue de N.·D. de
Pitié, remarquable de style et d'expression.
Plus loin, sur un cul-de-lampe en pierre, est placée une
statue de sainte Ursule provenant, ainsi qu'une statue de
saint-Augustin que nous verrons ensuite, de la chapelle du
petit-séminaire, autrefois chapelle d'Ursulines.
On peut r~marquer au fond de l'abside les statues de la
sainte Vierge, saint Joseph, sainte Anne ét saint Joachim, '
qui formaient autrefois un même groupe avec la statue de
l'Enfant-Jésus, surmontant l'autel du bas-côté sud.

Sous la fenêtre absidale est l'autel du Saint-Sacrement,
très remarquable travail de sculpture du temps de Louis XIV.
Après avoir passé en revue la frise chargée de festons ët
de coquilles de saint Jacques, les panneaux à cadres feuil­
lagés, les volutes et consoles renversées, les anges drapés
et les ttêtes de chérubins, on admirera tout spécialement là
Dernière Cène, représentée sous l'autel et dont chacun des
personnages est une statuette détachée, avec une expression,
une attitude, un fiui de dessin et de draperie qui décèlent
le plus grand art.
Aux deux côtés de l'autel sont deux statues pleines de
style de l'Ange-Gardien et de saint Sébastien. Ce derniel
rappelle d'une inanière frappant~ le saint Sébastien que 1'01'
voit dans l'église de Guiclan entre deux archers qui le per­
cent de leurs flèches.
Dans la chapelle du Rosaire, de chaque côté d'un autel
moderne, saint August.in et saint Jacqües. Ce dernier assis,
coiITé d'un chapeau orné d'une coquille et tenant un livre,
une besace et un bourdon .
. Au pignon midi de cette chapelle est un grand vitrail

renaissance dont le bas et le haut ont disparu. Dans le bas
existait un soubassement soutenant les scènes que nous
partie:
retrouvons encore en
1. Saint Evêque, présentant un chevalier donateur.
2. Adoration des Mages, comprenant 4 panneaux.
3. Saint Jean, l'évangéliste, 'présentant une donatrice.
Deuxième rang:
4. Annonciation.
5. Adoration des bergers et anges jouant de la musique,
4 panneaux. .
Fuite en Egypte. La sainte Vierge portant l'Enfant­
Jésus sur un âne. Saint Joseph recevant dans son chapeau
des pommes jaunes et rouges que les anges y jettent du
haut d'un arbre.
Les dais qui couronnent ces panneaux se composent
d'arabesques variées dans lesquelles juchent de petits ange-
lots; ils sont absolument du même dessin que les dais d'un
des vitraux de N.~D. du Crann, en Spézet, qui contient
aussi l'adoration des Mages et l'adoration des Bergers. Le
vitrail de Spézet n'est pas daté, mais deux autres verrières
de la même chapelle portent les dates de 1548 et 1553 .

Les panneaux que l'on voit maintenant au bas de la
grande fenêtre qui nous occupe proviennent de l'ancienne
maîtresse-vitre et comprennent différentes scènes de
Passion: Notre-Seigneur devant Pilate, le Couronnement
d'épines, la Flagellation, le Baiser de Judas.
Au-dessus de la porte de la sacristie est un tableau du
Hosaire, du temps de Louis XIII, représentant outre la
l'Enfant-Jésus donnant le Rosaire à saint
sainte Vierge et
. Dominique et à sainte Catherine-de-Sienne, le pape saint
Pie V et un cardinal, le roi Louis XIII, la reine et différents
personnages de la Cour.
mur du bas-côté midi, près de la branche du
Contre le
transept, est appliquée une grande niche en bois, à colonnes

torse', ancien l'étable d'autel, abritant une belle statue de
sainte Anne, debout et tenant un livre. Cette niche est
entourée de 4 médaillons en bas-relief, réprésentant: un
ange annonçant à sainte Anne qu'elle sera mère de la sainte
Vierge, la rencontre de sainte Anne et de saint Joachim
sous la porte dorée, la Visitation, sainte Anne, ins­
truisant la sainte Vierge enfant.
Sous le second médaillon on lit: F: MANSEA V:F : 1673 .
Cette date de 1673 est celle du vœu des Arzonnais proté-
gés miraculeusement par Sainte-Anne-d'Auray dans un
combat naval contre les Hollandais, le 7 juin 1673. Cet
événement a-t-il eu une influence sur la confection du
l'étable de Sainte-Anne à Pont-Croix? Il était bon, du moins,
de noter la coïncidence. .
Dans la chapelle cles fonts-baptismaux se trouve un autel
à l'étable, très chargé de sculptures, mais un peu lourd,
dédié à saint Nicolas. Au-dessus de la cuve baptismale est
, un bas-relief du baptême de N. -S. par saint Jean, surmonté
d'un baldaquin fort original et cl'henreus.es proportions. .
Dans le tl'ésor de l'église il n'y a à signaler qu'une seule
pièce ancienne: une petite croix de procession en bronze
doré, remolltant au xv siècle. '
En terminant cette monographie, disons que l'église de
Pont-Croix est classée comme monument historique et que
de$ travaux de restauration et de mise en état vont y être
commencés sous la direction de M. Just Lisch, inspecteür, .
et de M. P. Gout, architecte; c'est une garantie d'exécution
, bien étudiée et consciencieuse.
20 juin 18\H.

.J .-M. ABGHALL,

Chanoine honoraire .