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Bulletin SAF 1894


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Temples romains dans le Finistère

Baron Halna du Fretay

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XIII .

TEMPLES ROMAINS DANS LE FINISTERE
Dans l'abécédaiee d'archéologie de M. de Caumont, je
trouve la description de temples octogones ou circulaiees avec
d'un cercle de colonnes
Cella, quelques-uns . entourés jadis
et ayant aussi en avant
. surmonté d'une toiture en coupole
de la Cella, le pronaos ou vestibule, dans lequel était prati­
quée la porte d'entrée; le portique.
Je ne m'arrête pas aujourd'hui aux autres formes pour
arriver ' de suite à la fouille que j'ai faite dails un monticule
étendu et très prononcé, formé des débris de nombreux mues
écroulés, au village de Trougouzel, près de Menez-Peulven,
Ploaré (Finistèeè), propriété appartenant aujourd'hui à
M. Charles I-Ialna du Feetay, ce qui m'a permis
mon cousin,
avec autorisation illimitée, de faire une recherche absolu­
ment com pIète.
Cette ancienne construction, où en déblayant j'ai reconnu
vite le moyen et le grand appareil romain, a dû seevir pen­
dant des siècles à foul'nir des pierres à tout le pays; mais
j'ai pu par une fouille soignée aller jusqu'à la base de tous
les murs et ces substructions parfaites et si bien conservées,
variant entre 1 m. 30 et 2 mètres de hauteur, m'ont donné la
possibilité de refaire, sans erreur possible: le plan de cet
édifice, qui, à n'en pas douter était un temple: et de plus
par la trouvaille sous des
d'en fixer la date de construction
pierres en place dans les murs, de bronzes à.. l'effigie d'Au-
J'en ai trouvé huit.
guste.
D'un côté la tête d'Auguste et au pourtour
CAESAR PONT MAX
c'est-à-dire César Pontifex Maximus .

Au revel'S l'autel et au pourtour
ROMETAVG
abl'égé de Roma et Augustus.
Je ne déerirai pas eet autel dont il est longuement question
dans l'ouvrage de M. de Caumont. '
C'est bien la copie de l'autel de Rome et Auguste, bâti au
confluent du Rhône et de la Saône, quand Auguste vint
trois ans après la bataille d'Actium, à Lyon, ville métropole
des soixantes nations gauloises. ,
L'autel que je vois sur mes médailles, porte les deux
colonnes avec le sommet décoré des victoires ailées; entre
elles les huit trepieds surmontés de pommes ou de figures
ol'biculaires, et deux autres trepieds sur le devant de l'autel,
mais , ceux-là bien plus gl'ands; au centre la couronne de
chêne.
Le temple romain de Trougouzel avait été bâti sur l'em­
placement d'une station gauloise et à côté du ~eulven et des '
menhirs oubliés, les bornes milliaires indiquaient sur les
voies romaines la route à suivre vers le temple.
La nouvelle ère n'était plus à son début et le Chl'ist avait
déjà paru sur la terre au commencement du règne d'Auguste
et au moment où il venait d'ordonner le dénombrement de
tous ses sujets. Deux religions devaient bientôt donner au
monde des directions différentes et l'une d'elles devait au
moment de la décadence de l'empire romain, préluder à
l'aul'ore d'une nouvelle civilisation.
Je viens de parler de la station gauloise qui avait à Tl'ou­
gouzel précédé le temple; mes preuves sont nombreuses et
toutes trouvées à la base des substructions ct à un mètre au­
dessous du sol naturel sous le dallage e'n ciment et en chaux.
U IlC pièce gauloise tl'ès cUl'ieuse et admirablement con-
scrvec.
Plusieurs bois de cerfs, couronnes, merrains, andouillers,
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXI. (Mémoires ). Il.

sciés les uns avec une scie en métal, d'autres avec une scie
en silex; .
Un grand nombre de pierres polies, des usoirs, des fers,
silex taillés, des débris de cuisine en
des bronzes, des
bandes prolongées, coquillages et ossements.
Dans la partie romaine, la fouille m'a donné de nom-
. breuses fusaioles en terre cuite, les unes plates, les autres
plus ou moins bombées, des fibules, des vases ou urnes en
verre et d'autres en terre cuite, échantillons de la plus jolie
céramique romaine. J'en ai trouvé d'autres dans deux autres
temples, que je décrirai tout à l'heure et les planches repro­
duiront une partie de ces spécimens de l'art ancien.
variété de formes ! Quelle perfection de façon
Quelle
dans cette céramique qui a défié l'œuvre destructive des
plus décoratif; surtout ces vases, ces. urnes
siècles, rien de
rouges à surface décorée, dits de fabrique Samienne.
Dix objets sont représentés sur les planches en outre des
plans des trois temples et la légende indique qu'ils sont
trouvés dans les temples romains du Finistère et classés au
musée du Vieux-Châtel.
Une écuelle et deux très jolies petites urnes en céramique
fine et ornée (Samienne); dans l'une, des bandes blanches
alternent avec le rouge.
Un pichet et une petite amphore en céramique jaune fine
et ornée.
Un très petit vase plat en céramique grise.
Deux urnes en céramique noire fine, l'une, grande, avec
ornementation; l'autre, extrêmement petite et sans décora­
tion, mais très jolie de for·me.
urne en verre.
Une
Une lampe en bronze forme écuelle avec trous de sus-

pensIOn.
les débris de deux co­
J'ai découvert aussi dans la Cella
et d'ordre toscan, qui
granit, de bonne façon
Ionnettes en

soutenaient les statuettes des divinités que je n'ai pas trou:'
vées; probablement l'une d'elles représentait Auguste.
Avant de décrire la forme et l'étendue des temples dont
j'ai fait la découverte, je désire entretenir mes lectcurs de
autres formes. .
quelques
du 1Vlorbihan~ dont je fais partie,
La Société polymatique
siO'nalait dans son Bulletin de 1892, la découverte et la fouille ,
aux frais de la Société, à Goh-Iliz, en Plaudren, d'un tem':'
pIe gallo~romain octogone dont chaque côté mesure 6 m. 50
circonscrivant un second octogone plus petit. L'Arena, faite
de cailloux cimentés était à 1 mètre au-dessus du sol.
En 1890, j'assistais au Congrès archéologique de Bretagne
ù Dinan et une excursion nous avait amené à Corseult (Cô­
tes-du-Nord). On y voit toujours les restes d'une Cella aux
murs encore très élevés et autour des substructions indiquant
parfaitement la forme première de l'édifice, carré parfait
avec deux pavillolls en avant et, au milieu: une galerie en­
tOUl'ant une Cella à peu près octogone.
M. Fornier, à qui on est redevable de la découverte de;:;
accessoires, croit fermement que c.'est un temple; M. de .
Caumont le classe parmi les douteux.
Au moment de notre arrivée, M. de Kerdrel, notre prési­
dent, voulut bien me désig'ner pour préciser quelle pourrait
être, sur cette question, la décision du Congrès.
J'ai répondu:
Le doute n'est pas possible, le monument de Corseult est
un temple, et, à aucun point de vue, on ne peut lui donner
une autre désignation.
Un gt'and nombre de temples ont été signalés dans les
découvertes successives des archéologues, les uns de grande
dimension, d'autres de la plus petite.
A Trougouzel, nous sommes en face de ruines imposantes,
le mur extérieur est partout du moyen appareil, intérieur et
extérieur avec l'ejointoyage au ciment et chaque pierre, bjen

échantillonnée a, en moyenne, 0 m. 15
de long sur 0 m. 11
de hauteur; les deux portiques seuls
étaient du plus pur
grand appareil.
A l'intérieur les murs étaient formés de couches Succes­
sives épaisses, de granit taillé de moyen appareil alternées
d'autres couches de petites pierres et de ciment.
avec
Les fondations de 1 mètre à 1 m. 20 de largeur allaient
à 1 mètre de profondeur dans le sous-sol jusqu'au roc, puis
à peu près au niveau du sol, un redan rétrécissait le mur
de 0 m. 10 de chaque côté; les fondations, jusqu'à la base,
étaient faites au mortier de ciment, ainsi que tous les sou­
bassements, puis, à partir de la hauteur normale intérieure,
un enduit fin formant mosaïque recouvrait certainement
chaque pierre échantillonnée, mais le tout était bien dété-
rlOre.
était recouvert de pannes, tuiles à rebord
Enfin, l'édifice
qu'on désigne souvent sous le nom de grandes tuiles plates
à crochet et j'ai trouvé une grande quantité de grosses che­
villes à tête en fer oxydé.
Les soubassements des colonnes soutenant les voûtes

étaient engagés partout d'un côté dans le mur de la Cella et
de l'autre dans le mur extérieur, et il n'y avait pas de doutes
sur la forme, la solidité et les dimensions des voûtes
à avoir
au-dessus des colonnes; j'ai trouvé des dessus de voûte
• entiers tombés au fond de la galerie, mais formant encore
des blocs solides de 2 à 3 mètres cubes; les planches jointes
à ce mémoire portent un spécimen de ces dessus de voùtes.
mètres
Enfin, le temple formait un cercle parfait de 38
de diamètre et le Pronaos entre le portique de l'enceinte et
'celui de la Cella avait pour décoration 2 murs avancés ter­
minés chacun par une demie colonne arrondie, mais laissant
libre de chaque côté l'entrée de la galerie couverte autour
de la Cella.
A peu près à la même époque, j'ai trouvé, en vue de la

mer, baie de Douarnenez, sur la pente de la montagne de
Menez-C'hom, un autre temple, mais bien moins important;
là, il n'y avait ni moyen, ni grand appareil, les murs étaient
composés de pierrailles, d'argile plastique et de ciment.
J'ai bien constaté les deux portiques, celui d'entrée, et,
la Cella; la forme était rectangulaire et
vis-à-vis, celui de
le Pronaos était bien distinct de la Cella avec la même lar-
geur sur tout le pourtour de l'édifice; les dimensions sont .
données sur le plan.
J'ai trouvé, entre autres objets, un bronze de Néron: .
NERO CAESAR A VG .
Néron César Auguste
le dernier de la famille de César et le cinquième empereur.
L'érection de ce temple, postérieure à la construction de
celui de Trougouzel, appartient cependant, . comme on le
voit, à une époque bien rapprochée du débnt de l'occupa-

ttOn.
J'ai fouillé un troisième temple romain, un peu plus loin,
vis-à-vis l'extrêmité nord de la baie de Douarnenez et en
vue de son point de jonction avec l'Océan, entre la montagne
de Menez-C'hom et Crozon; je n'ai vu là ni le grand ni le
moyen appareil, rien que des briques et des tuiles; dans
l'effondrement, j'ai bien distingué tous les murs en briques
et les grandes tuiles de couverture.
Le monument formait cercle et avait son portique d'entrée
sur le Pronaos, galerie circulaire autour de la Cella qui
avait son portique également à l'est dans le même axe.
La Cella avait 15 mètres de diamètre, le Pronaos 5 mètres
ùe largeur et les murs 1 mètre d'épaisseur, ce qui nous
donne 29 mètres pour le diamètre extérieur de l'édifice.
J'ai constaté bien d'autres vestiges détruits et spéciale­
ment près du Vieux-Châtel dans mes bois, les restes d'un
édifice que je crois être un temple; j'ai trouvé là divers ob-

jets, mais les substructions avaient été démolies et les
pierres enlevées à une époque très ancienne.
La reconstitution m'a semblé une œuvre absolument im-
possible, ne pouvant trouver place dans le travail d'lm histo-
rieil dont le premier devoir est le respect absolu de la
vérité.
En résumé, on peut tirer de mes constatations cette
conclusion: que les temples romains ont été élevés dans le
Finistère peu après la conquête; les médailles fixent l'âge
de ces temples.
BAHON HALNA DU FRETAY,
Vice- Président de la Société archéologique du
Finistère, Correspondantd'l(, mi.nisière de
lInstr'uction '[Jubliq'l.le.
Château du Vieux-Châtel, par Quéménéven (Finistère).
l Mai 1894.
(Lu au Congrès archéologique de Frnnce
, en 1894, et inséré au
Bulletin monumental) .