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Bulletin SAF 1894


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Le couvent de Saint-François de Quimper (suite 2)

M. Trévédy

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. LE COUVENT DE SAINT-FRAN OIS
DE QUIMPER

SUITE' (1)

Quelques épisodes de son histoir~ .
VIII .. , - , . Le couvent, le présidial et la ville (suite).

La communauté de ville, pour sortir une fois de l'obli-
gation de bâtir un palais, le présidial pour être logé, entrè­
rent en pourparlers avec le' gardien et les religieux de Saint­
à la fin de 1657.
François,
Les religieux. proposèrent « un corps de logis au départe­
(2) estant à l'occident du
ment nommé de Saint-Loïs (Louis)
surplus ,de leur logis dont ils peuvent se passér sans trop de
gêne. » Ce département (nous dirions aujourd'hui cet appar­
à deux étages construit par Jean
tement) était l'édifice
Bonhomme. en 1609-1610. L'auditoire du présidial devait
s'installer au premier étage; le rez-de-chaussée était aban­
donné aux hautes justices de Prat-an-Raz, du Quéménet, du
Plessix-Ergué, du Hilguy et de Locmaria (3).
(1) Ci-dessus p. 18. .
(2) Sans doute saint Louis, le cordelier, dont le couvent possédait une
relique. (Inventaire de la sacristie, 1637.) . .
(3) M. de Blois, Eglise des Cordeliers, p. 6. ajoute au présidial:
« l'amirauté et le::; regaires ». L'amirauté, justice royale, oui; mais les
regmres, non.
justICe des regail'es siégeait, longtemps auparavant, dans une dé­
pendance du manoir épiscopal. (Lobineau, Hist. p. 204. Hévin, Questions
/ëoclales, p.9J.) Au dernier siècle, il en était de même. (Rapport du
sénéchal du roi, 1745.) Il dit que le pilier à gauche de la porte de l'évêché
joignait l'auditoire. L'auditoire était donc entre la porte et la cathédrale,
à la place de la conciergerie actuelle de l'évêché. V. ma Promenade dans
Quimper, en 1764. p. 110.
On lit dans un état des auditoi1'es de 1769: « L'auditoire de Quimper
est aux Cordeliers; les gens du roi y ont une bibliothèque et une buvette .
L'amirauté siège dans l'après-midi. Au même lieu siègent le juge de police
et les justices seigneuriales» nommées plus haut. Arch. d'Ille-et-Vilaine,

Cet édifice offrait un avantage : il pouvait être isolé du
vent et avoir une entrée particulière vers la rue Kéréon.
cou ' ".
se met d'accord, et on compte que trois ans suffiront
our l'aménagement; et, en attendant, les cordeliers accor-
tient à présent au couvent. » . .
Ces conventions sont du 22 décembre 1657. ,:
Plus d'un an après, pas un cOllP de pioche n'a été donné:
l'entrée du présidial se fait par les cloîtres: magistrats, gens
du roi, avocats, procureurs, plaideurs, curieux d'audiences,
tout ce monde affairé et br~yant coudoie chaque jour les
religieux. Le cloître est la salle des pas perdus.
Au commencement de 1659, le père provincial de Tours
arrive à Quimper. Il est justement choqué de cette jouis-
sance promiscue; il craint (et les précédents autorisent
cette crainte) que ce provisoire ne dure indéfiniment. Il
pris pour l'aménagement convenu.
demande qu'un terme soit
sa demande, le présidial, la communauté délibèrent; et
chacune des assemblées nomme « des députés». Le 7 mars,
le provincial, le gardiea et les religieux du couvent, les
la communalité comparaissent
députés du présidial et de
devant les notaires royaux (1).
(1) Comparaissent devant MMes Jacques Le Roux et Jacques Le Stang,'
notaires royaux,« n. P. Andl'é de Lombre, docteur en théologie, provincial
cn la gl'ande pl'ovince des Cordeliers de Touraine, et commissaire
généml en ladite province, n. P. Daniel Le Texier, gardien du couvcnt,
couvent; Messire François, chef de nom et
sept prètres religieux audi t
d'armes de Kel'(~oët, seigneul' du Gu illy, conseiller du Roy, président au prési­
dial de Quimper, il avait été auparavant sénéchal et s'était démis de ces
fonctions en HH7, pOUl' devenÎl' président. Messire Pierre, chef de nom et
d'armes de la Marche. seigneur cie Rerfors, conseiller du Roy et lieutenant
at~ siège; escuyer Guillaume de Rerguelen, sieur de Rerbiquet et con­
s~lllel' du Hoy audit pl'ésidial; aulLl'e escuyer Hervé Moreau, sieur de
Ke~I~O?Y, PI:oCUl'eur, du Roy, faisant pour eux, et pOUl' autres messieurs du
Jlresldltll, dune .Pa! t, et nobles gents Germalll Pérard, sieur de Rersulla
p~ocUl·elll·. synùlc au présidial, Julien Furic, sieur du Rhun, Rolland
Billoat, sieui' de Kernevez, Nicolas de Talbouet, sieur de Pel1annech, et

Les parties sont d'accord. On a calculé que cinq années,
au lieu de trois, sont nécessaires pour aménager le palais.
Jusqu'à ce terme, la communauté paiera 300 livres de bail.
Le terme venu et les aménagements achevés, la communauté
paiera une même somme annuelle; mais désormais à titre
de rente censive et perpétuelle.
« En conséquence les cordeliers cèdent dès ce jour à titre
de censye aux sieurs du siège et de la communauté de
Quimper-Corentin, le département de Saint-Loïs, avec deux
chambres au bout méridional, appelées l'une de Saint­
Didier, l'autre de Saint-Antl)oirie, pour lesdits sieurs en
disposer depuis les fondements jusqu'au toict, affin de l'appro­
prier et y construire les départements nécessaires .... ))
Et, comme il s'agit surtout d'isoler cet édifice du reste
du couvent, les religieux t( cèdent au bout nord sur la
largeur du pignon et sur une longueur de GO pieds une
partie du jardin qui sera enclose et deviend['a la cour d'en­
trée du présidial; l'entr'ée du couvent est, tout auprès à
droite; deux portes seront l'une auprès de l'autre et on y
accédera de la rue Saint-François et de la. rue Keréon pal'
le cimetière. »
Ces arrangement furellt approuvés par le définitoire de la
province de Tours, le 15 mai 1659 ; et, le 7 aoùt de la même
année, l'assemblée des nobles, bourgeois et habitans de
Quimper-Corentin, délibèrant sous la présidence du sénéchal
Olivier Salou, « en sa meure (majeure) voix approuva ct
ratifia le contrat et toutes les conventions y rapportées el
promit de s'obliger à l'entière exécution des dicts. »
Voilà un acte singulier. Il est double: 'les cordeliers
louent le département de Saint-Louis à la ville pour cinq
années. Passé ce terme et les aménagements prévus accom-
Eustache Le Chapt, sieu r de la Forest, anciens syndic et dépu tés aux
fins ci-apprès par l'assemblée générale de la ville tenue le second jour de
ce mois, d'auJtre part. »

lis, la propriété des lieux loués sera transférée à la ville et
Mais si la condition de cette translation de propriété ne s'ac­
complit pas, c'est-à-dire si les aménagements convenus ne
sont pas faits par la ville .... 11 est clair que la ville ne de­
viendra pas propriétaire : elle restera loca~aire .... et c'est
ce qui va arrIver ....
Dès 1664, le prix de bail n'était pas payé; les cordeliers
demandent exécutoire sur les amendes de fol appel contre
Launay « greffier
Françoise Ansquer, veuve de Denis de
esté », et assignent en mème temps Me Babin, greffier
la re­
actuel. Le sénéchal Germain L'honoré communique
quête au procureur du roi. Celui-ci « n'a moyen opposant».
l\Iais la veuve de Launay en a un sur lequel elle compte.
SOI1 mari a cessé ses fonctions depuis plus d'un an ; et elle
s'est dessaisie des rôles aux mains de Me Babin (2). Avant
faire droit, le siège condamne le sieur Babin et la veuve de
(1) En Bretagne le mot cens (du moins à cette époque) n'était pas pris
au même sens qu'cn France. Ce n'est pas un lOHage, mais un mode de
translation de propriété. (Poullain du Parc, Coutume, t. II, art. 271,
p. !G3, n° 3·!.) Anciennemcul le mot cens était pris avec la signification
de {éage roturier C'cst pourquoi l'art. 43 de la N. C. reproduisant l'art.
ISi de la T. A. et disant: « métayer ou censier» est inexact au point de
"ue de la jurisprudence ù parti!' du XVIIe siècle. Sur cet article 4:l, La
Bigolièl'e, qui éc!'ivait ayant Poullain, dit que le mot cens est équivr'Jque.
l 'oulwne. p .. 51.
0) La double action con tre la veuve de l'ancien greffier et le greffier
le dépôt des
actuel s'explique ainsi. A celle époque et bien plus tard,
acLes nu greflicr étnit dans sa maison: et le grellie!' entré en fonctions
Il'cull'ait pas tOUjOUl'S en posscssion de ce dépôt encombrant. En preuve
ce 1I0US voyons il (Juimper, en 17G'!, Deux maisons brûlent dans la nuit
du li au 18 juin, il l'angle de la rue l{éréon et de la place Saint-Corentin.
l',h'.lh.iLnLion ,le la dame de ln Hoque !{erandraon, veuve du gref­
I:'une est
du IU"'sldwl cL des regaires .• Jacques Hoyou, successeur de son mari
Il''r
rl('/I/û:~ ''''!~ù:/(I's 1}/~)J:s: n'a pas encore pris possession des actes du grelIe:
et gr'ace ". t'~LLc lIcgl.rgencc, lont est consumé. Le subdélégué évalue le
dUlIllIlngc a. üU(),OOU lrYJ'c~; ct ajlprend que CI le régiment de Berry y a
pcrdu sa cUisse ct ses papIers, ». Arch. d'IUe-et-Vilaine, C. 1470.

son prédécesseur à représenter le rôle dans la huitaine. Nul
dOHte que, sur le vu du rôle, les cordeliers n'aient gagné
leur procès. .
Leur requête était. signée de Me Guy Bongeant, procureur
au présidial. _
La ville étant locataire, il semble qu'il eût été plus simple
de s'adresser directement à elle. C'est ce que les cordeliers
firetlt deux ans plus tard, en 1666.
Deux années de bail sont dues. Les cordeliers assignent
la ville ~ et chose plaisante! C'est Guy Bougeant, le rédac­
teur de lenr rëquête en 1664, gui, çomme syndic de la ville,
va repousser leur demande. Il dit « qu'un arrêt de la cour
des comptes a fait défense de payer ledit louage. )) Mais par
malheur, il ne représente-pas l'arrêt que le siège aurait sans
doute été curi~ux de voit,. C'est pourquoi, passant outre, le

siège, l( néanmoins les choses dites par le syndic, le con-
daJ]1ne à ,payer la somme de 600 livres pour le louage de
deux années du palais, par les voies rigoureuses de justice,
même par corps et emp['iso.nnement de sa personne, et néan­
moins (nonobstant) appel. »
La sentence est du 10 novembre 1666.
En 1681, un arrêt du conseil met le prix du bail au
nombre de~ charges ordinaires de la commullauté ; mais cet
arrêt ne fera pas qu'en 1700 et 1711 les cordeliers n'aient à
procéder de n.ouveau pOUl' obtenir une année restée impairée.
Le bail avait été fait pour cinq ans; en?e prolongeant, il
devenait préjudiciahle aux cordeliers: en effet « les loyers
~vaieI.ilt augmenté; ct louant le département de Saint-Louis
comH?-e greniers, ils en, auraient .retiré plus de 300 livres. »
Tou.tefo.is les cordeliers consentent à ne pas demander
Or voici comment la ville répond à la gl'âcieuseté des
cordeliers. Un jour, en 1722, sans préambule, la commu-

nauté fait savoir au gardien que le prix de bail est réduit à
240 livres ! Aux réclamations du couvent, elle répond que
c'est l'exécution des ordres de l'intenda.nt de Bretagne
Feydeau. .
L'erreur n'est pas possible, et c'est assurément un mau­
vais prétexte : l'intendant a réduit la rente des emprunts
faits par la ville; il a fait ce que nous nommons aujourd'hui
une con'version de rente. Mais il s'agit ici d'un bail, et la
ville locataire sait bien que le prix du bail ne peut être
modifié que par l'accord des parties.
Les cordeliers adressent leurs protestations à l'intendant
qui, le 16 juin 1722 cc ordonnance le paiement de la somme
annuelle de '300 livres, qui sera passée dans la dépense du
compte du miseur ainsi qu'il s'est pratiqué jusqu'à présent. »
Cette ordonnance mit-elle fin à ces interminables, oiseuses
et même ridicules résistances de la communauté de Quimper
s'obstinant pendant plus d'un demi-siècle à ne pas exécuter
les conventions librement acceptées par elle? C'est ce dont
nous nous permettons de doutet'.
Ce qui est certain du moins, c'est qu'un point du contrat
de lü5H, point essentiel aux cordeliers, demeura sans exécu­
tion. Je veux parler de l'aménagement d'une entrée parti­
culière pour le présidial: et, quand le présidial et le couvent
furent supprimés, les cloîtres du couvent servaient encore au
présidial de salle des pas perdus.
J'ai insisté sur ces faits avec quelques détails parce qu'ils
nous révèlent des mœurs singulières et des habitudes admi­
nistratives heureusemeut passées de mode. Le lecteur
recollnaltra que Quimper mél'itait encore au XVIIIe siècle
l'épithète que Moreau lui infligeait deux cents ans aupara-
vant (1). Ce mot, juste, mais pen aimable, MOl'eau l'avait à
(1) Moreau, p. '261.

peine écrit qu'il l'a regretté. Je ne l'écrirai pas: ne voulant
pas m'exposer aux mêmes regrets que le chroniqueur .

En dressant plus haut Œ V, p. 37-38) le budget de Saint­
François, j'ai compris aux recettes une somme de cent livres
« pour la l11eSDe de messieurs les officiers de justice. »
J'ai dit ailleurs (1) que le 14 mai 1660, le présidial avait
été encore une fois saisi par le procureur du roi de la propo­
sition de faire dire chaque jour d'audience, dans l'église des
cordeliers, une messe pour les officiers de justice. Ce qui
était une innovation à Quimper était dans beaucoup de lieux
pratique ancienne; et 10 présidial ne fit que suivre un
une
usage de Paris (2). . .
Le procureur du roi, Jean L'honoré, représente {( qu~il
serait de la bienséance, même très à propos et nécessaire
d'avoir une messe assurée à l'issue et comme la compagnie
désempare, affin que les officiers occupés toute la matinée à
la distribution de la justice et à l'instruction de leurs
affaires, ne se trouvent point privés d'une si sainte et si
pieuse action. »
En conséquence, on demande une messe au grand autel
à 10 h. 1/2, en été, et à 11 h. 1/2, en hiver, une messe basse
(1) Derniers débris du couvent de Saint-François.
("2) Cet usage existait à Paris avant 1509. ln fine des Gl'andeg ch1'on,:­
qlles Bouchard; l'adresse de " Galliot du Pré, marchant libraire », est
« Tenant sa boutique au second pillier "ers la chapelle où
ainsi donnée:
l'on chante la messe de messieurs les présidiaux ». 30 novembre, mil cinq
VIII! (1509'.
cens et
Le palais de justice cie Rennes, bâti dans la première moitié clu XV[lc .
siècle, a une chapelle où se dit encore la messe clu Saint-Esprit.
(3) Il est inutile de rappeler que les audiences avaient lieu le matin,
comme il se fait enrore en été clans cert On allait dîner il midi: ct, quand il élnit nécessnire, on reprenait
France.
C'est de cet usage qu'cst resté le mot audience cle 1'('[ 'vée :
l'audience.
c'est-à-dire aucüence lte l'a/)I' c)s-lil./,Il!:. L'heure des audiences n'cst pas le
seul changement qui se soiL introduit dans les mœurs judiciaires depuis
IGGO.

t.ous les jours « sauf le jour de la Sainl-Yves, où elle sera
solen nellement cha ntée ».
« La somme de cent livres par an est affectée aux hono­
raires de la messe. Cette somme sera payée sur les amendes
de fol appel. »
Les cordeliers se prêtèrent avec empressement au vœu
uu présidial, et, le premier jour de la rentrée après les fêtes
de la Pentecôte, en sortant de l'audience, les « officiers qui
se présentèrent à la chapelle)) trouvèrent au pied de l'autel
« un des pères disposé et préparé à dire la messe»; et en
avant, « des aecoudoirs avee tapis et coussinets pour rece­
voi,' les officiers (1 ). »
Je ne veux pas supposer qu'il y ait eu aucune faute à
imputer au présidial; mais les pauvres cordeliers jouaient
de malheur. La somme de cent livres devait « leur être
« dOllnée et mise en mains par chacun au. lorsque le rece­
« veul' se présente pour prendre le rôle des amendes de
« 1'01 l\ prel ». Le service de la messe avait commencé en
juill lOGO; cn février 1667, six années étaient échues,
« une seule avait été payée et les cOl'delieJ'::; étaient contl'uints,
pOUl' oblenir le paiement des cinq aütres, de s'adl'esser au'
t.I'ésOl'iel' de France, général des finances de Bretagne à
Nantes)) .
La l'{''POIISC Ile se fit pas attendr'e : « Vu la requête cy­
dessus et les ades .... Nous avons or'donné et ordonnoùs que
les suppliants sel'Ollt payés à l'avellil' de la somme de cent
livl'cs SUl' los amende . .; de fol Hppel du siège présidial de
Qnimpcl'-tin, et mèmc des arrél'ages de cinq années, si tant
cst. qu'ils n'aient pa:; été payés, et qu'à ce faire les receveups
ct. f'cl'miel's serOllt cOllti'l1inls. cu cas de rerus~ comme pour
10:-; pl'opl'es dCllil'l's el arrail'cs ÙU Roi: enjoint au procureur
du Boi dudit Jjeu de tenir la1llai:l à l'exécution de la présente

ordonnance et à ce que les deniers des amendes ne soient
divertis ailleul's qu'an profit de S. M. et au paiement des
charges étant sur. Fait à Nantes, 7 février 1667.»
IX. Le couvent, le prieur de Locaman et les Pères
jésuites du collège de Quimper.
J'ai dit plus haut que les cordeliers contraints de plaider
si souvent avaient gagné tous leurs procès. Nous avons
~nregistré nombre de leurs victoires, et nous en enregistre­
rpns d'autres. Est-ce l'habitude de vaincre qui les engagea
pal' trois fOLS dans une lutte des plus maladroites? ... et
contre qui ?... Contre le prieur de Locaman et les pères
jésuites de Quimper. Trois fois, en 1608, 1650 et 1703, ils
ont montré la même morosité .
Le lieu de Saint-Laurent, près du Mont-Frugy, dépendait
du prieuré de Locaman (paroisse de Fouesnant). Locaman
appartenait ol'iginairement à l'abbaye de Sainte-Croix de
Quimperlé; mais des lettres de septembre 1681 déclarèrent
ce prieuré « uni et annexé )) au collège de Qu:mper, en
faveur des pères jésuites.
Or de Saint-Laurent dépendait un parc (champ) de la rue
Neuve dont jouissaient les cordeliers. Le 14 aoùl 1608, le
prieur de Locaman fut contraint de les assigner en fournis­
sement d'aveu. Les cordeliers constituèrent-ils un pl'OCU­
reur ? Essayèrent-ils une défense? C'est ce qüe les titres ne
nous disent p as. Nous savons seulemeut qu'ils furent con­
damnés à fournir aveu.
En 1650, le prieur de Locaman leur donne encore assi­
gnation pour la même cause; les cordeliers n'en tiennent
compte; défaut est donné contre eux; notification est faite de
la sentence ordonnant saisie et oxécl.ltoiee. L,a saisie va
se faire. Les cordeliers fournissent aveu. C'est par là qu'ils
auraient dû commencer.

En 1703, c'est au tour des jésuites de leur donner assi ....
D'nation pour le même objet. Mais cette fois, en p.l'ésence des
~ouveaux maîtres du champ,' la résistance est plus sériel,lse.
Le procureur des cordeliers, Me Benoist, se constitue et
annonce qu'il fournü;a ses défenses; il ne fournit vien et
laisse prendre défaut. La sentence est rendue le 12 février
1704. Le 28: les cordeliers rendent aveu. Mais: le 2:4 mars"
ils reçoivent notification des frais de l'instance qu'ils au-
raient pu s'épargner. .
Il nous reste à voir les cordeliers aux prises avec les curés
de Quimper et des environs.
X. Les sépultures des Cordeliers. Le couvent
et les curés de Quimper.
Selon le droit canon (( la sépulture des fidèles doit être à
la paroisse pour que, après leur mort, ils soient associés aux
pl'ières de l'église dans le lieu même où ils ont été régénérés
par le baptême (1) ». C'est cette pensée religieuse qui avait
fait placer auprès de l'église, le cimetière, dépendance de
l'église et bénit comme elle (2). Postérieurement, l'usage
s'établit, lentement d'abord et par exception, puis d'une
manière trop générale et abusive, d'enterrer dans l'église
paroissiale et même dans les églises des monastères.
« Les moines ne vendaient pas le droit d'enfeu; mais on
avait surtout confiance en leurs prières; et on se portait
t'acilement à une donation pour obtenir la sépulture dans les
couvents (3). » C'est pourquoi, si quelques chapitres ont
parfois essayé de réagit' contre la multiplicité des sépultut'es
(1) Denisart. V· Sépulture.
(2) Le cimeLièl'e se nommait aussi le Paradis, d'où est venu le mot
l)arois. Le Paradis de Saint-Corentin était la place dont la statue de
Laënnec occupe aujourd'hui le milieu. Le Paradis de Saint-Mathieu était
la place actuelle. La chapelle de N. -/J. du Paradis, annexe de l'église
gardait le sourenil' du vieux nom. •
(3) Lobineau. Hist. p. 72.

qui encombraient les églises, il est permis de croire que les
couvents en créaient le plus possible (1).
C'est ainsi que l'église, ses dépendances et le cloître de
Saint-François se remplirent de sépultures. Il vint même
un temps où la cour fut transformée en cimetière.
On rapporte ordinairement au XIIe ou XIIIe siècle l'usage,
généralisé au moins pour les nobles, de la sépulture dans les
églises. D'après l'extrait ùu nécrologe ancien, cet usage
n'aurait commencé aux Cordeliers que dans la seconde
moitié du XIVe siècle: un siècle après la fondation. Une
dame du Vieux-Chastel est la première expressément men­
tionnée, comme inhumèe aux Cordeliers, en 1353, et après
elle vient un sire de Poulmic, tué à Auray, 1364.
Mais, avant ces dates, plusieurs familles nobles avaient
fondé des services anniversaires, dits obits. La premièl'e
mention d'obit est celle d'Eléonore de Rosmadec, femme de
Bernard du Chastel, morte en 1337. Les mêmes obtinrent
des concessions d'enfeux, et d'autres les imitèrent. L'ancien
nëcrologe nous montre quatorze seigneuries ayant exercé ce

droit avant la fin du XIVe siècle, onze autres dans xv siècle,
et quatre dans la première moitié du XVIe.
Soixante-sept morts rangés sous les noms de ces vingt­
neuf seigneuries sont seuls expressément mentionnés comme
inhumés au couvent; pOUl' les autl'es: au nombre de quatre­
vingt-quatre, il est fait mention seulement du jour du décès
qui marque le jour de la messe anniversaire.
Toutefois, il est permis de penSAi' que la plupart des
possesseurs de ces seigneuries, sillon tous, s'étaient assuré
un enfeu en même temps que l'obit. Et la preuve c'est que
. (1) Cette opposition se manifestait dès le milieu du XVIIe siècle. L'évêque
de Senlis défendait les inhumat.ions dans les églises sans sa permission.
comme d'abus et l'ayocat général Talon concluait au
Il étaIt appelé
débouté. Arrêts de Bl'illon (8 mars lli50). Vo Sépultures, Eglise. T. III,

leurs héritiers ou même leurs acquéreurs posséderont des
sépultures aux derniers sièdes (1).
En l'absence des nécrologes et des archives du couvent,
BOUS ne sommes pas renseignés sur la fin du XVIe siècle et
SUl' le XVIIe. Nous voyons seulement la fondation d'une
sépulture attachée au manoir de Prat-Maria (Ergué-Armel)
par Guillaume de Coettanezre: en 1576 (2).
Comme on le sait, ces sépultuees étaient attachées à la
seigneurie, et, sauf réserve expresse, se transmettaient
avec elle, même par acquêt.
Auprès de ces sépultures seignettriales, le dernier nécro-
100'e en mentionne d'autres qui semblent plutôt des sépul­

tures de famille, analogues aux concessions perpétuelles
(1) Je cite l'ai comme exemple Lanros. Pas un seig.neuL' de Lanros n'est
mentionné à l'ancien nécL'ologe comme inbumé au couvent; et le dernier
néceologe constate l'inhumation dans l'en(clt de Lam'os de Françoise du
Menez, femme de Sébastien du Boisgucheneuc, sieur de Minven. Cette
tombe lui appaetenait par succession de Marie de Lamos, dame de Minven,
mat'iée vers WOO, à Charles du Boisgucheneuc, aïeul de Sébastien. (1683,
21 avril et 28 mai, n° 86 et 108.
('2) CoLe S. 1 et 2. Très anciennement (inhumation de 143(», les Coeta­
nCZl'e, seigneues cles Salles (Kerfeuntun) avaient une sépulture dans le
chœur, d'Olt l'on peut inféreL' qu'ils étaient des premiers bienfaiteurs du
couvent, Guillaume, qui n'était pas seigneur des Salles, fonda la sépulture
de Pl'utmaria. C'est lui qui, en 1576, reprit Concarneau sur Jean de Baud
et Kermassonnet. (Moreau, chap. IV, p. 60.)
Le del'llier nécl'ologe indique une sépulture sous le nom de « enfeu de .
M. de Méros.» Il est Yl'aisemblable que cet enfeu était un ancien enfeu
de Prataul'oux, appartenant aux du ,Juch. Plusieurs seigneurs et dames
de Pl'atamollx ont été inhumés entre 143f:i et 1539. (V. nécrologe a u mot
Juch.) Pratamonx, venu de Clande du Juch à Jean de Band (ci-dessus, § VI,
p. 68) passa ù Jacques de Rosi/y, seigneur de Méros, par son mariage
avec Anne de Baud. Juillet 1504. (Héformation de 1668.)
Le dCl:niet· nécl'~loge mentionne aussi « une tombe dite du Parc» appar­
tenant li la famIlle Gouesnou. En 1661, ceLLe famille avait acquis le
Pal'l~, qui! au ~nc siécle, était aux Coetanezl'C. Mais nous n'avons pas vu
que la sClgne~rlC eût un enfeu. La tombe du Parc semble bien une sépul­
l~ll'e de famll~e,. car après la revente du Parc, en 1(j9{j, pal' Joseph
Gouesnou, ecllll-cl et sa femme Ursule Papias, fnrent inhumés dans cette
tomJ~e (8 ja~\'icr 1713 et 27 août 1710), qui, le 11 septembre 1720, reçut
aussI FI'ançolse Gouesnou.

d'aujourd'hui. Ces sépultures, qui paraissent de création
plus récente, sont indiquées aux actes par ces mots: ( enfeu
de la maison du décédé » ou « tombe de ses parents .... de
ses prédécesseurs ». '
Plusieurs familles nobles de Quimper et des' environs
étaient en possession de ce droit avant 1680.
Je citerai les Penancoët de Keroualle (1), les TréoUl'et de
Kerstrat, les Keratry, les la Marche, les Aleno de Saint-
Alouarn, les Mesnoalet, les du Stangier.
Nous verrons plus tard des familles bOlu'geoises cie
Quimper en possession du même droit.
Les inhumations étant pour le couvent une source de
reyenus devaient, à ce titre même, exciter les jalouses ,
compétitions du clergé séculier, et eUes allaient être l'occa-
sion de plus d'un débat.
U fi acte de 1444, n'ous a conservé le souv8nü' d'un prDcès
intenté par les cordeliers à propos d'une iahumation. Il
s'agit d'un sire de Nevet. Il avait un enfeu dans l'église de
LOCl'on~n dont' il était fondateur,. et il y fut inhumé. Mais il
avait par testament ordonné sa sépulture à Saint-François.
(1) Deux actes n° 217 (3 décembre IG81) et, n° 155 (2-iaoût 1(96). Ce,
dernier acte est relatif à Marie de Penancoët, femme de Jean Troussiel',
de la Gabtière, et tante de Louise de Penançoët, dame de Kel'oualle
comte
de Portzmouth.
et duchesse

]yI. Faty (Une t~nébreuse a (fclire , Bull. XIII, p. 1(5) mentionne une
dame de I{eroualle, demeurant en lGZ>3, au TOUl' du Chatel. Cette dame ne
pouvait être (pIe , Françoise Laurens" fille cie Jacques, sénéchal de Cor­
noùaille (ci-dessus, § VII, p. 70;, mariée, le ?7 septembre 16:'-'), à Hené de
Penancoët. '
Ce sont le père. et la mère d~ Sébas-tien,(père de la duchesse de Portz­
mou.ih) et de Marie, coq1lesse de la Gabtièl'e .. (fJinéalgie de ta 1nlJ,ison
de Ptœuc. p,' 310.) .'
On lit à la , même page qqe René de Penanco~t avait eu pour fenune en
premières ,noces- (l(j.l2) Jul,ienne Emery, ,de Pont-l'Abbé, dame de CIlef-du­
Bois. P. 29,3, l'auteuI' dit que Julienne ~tC!-(t héritière de la maison cie Pont-
l'Abbé (Il) Il veut dire sans doute d'une maison ,à Pont-l'Abhé ..

réclamèrent et obtinrent en jusfice l'exécution du
. f'l'ères
.les
testament (1).
C'est la seule victoire juridique qu'enreg'istre l'extrait de
l'ancien nécrologe; ' mais cet . extrait fait au point de vue
5 écial des recherches du P. du Paz ne mentionne que
entiers et pour l'époque antérieure à la date du dernier
(H>80) , peut-ètre y trouverions-nous quelque mention ana-
100'ue '? Mieux valait en tout cas s'adresser au juge que de
recourir à la violence. . .
C'est le reproche que M. le Men semble imputer aux
cordeliers. Soixante-dix ans plus tard, en 1515, les frères
am'aient été, selo11 lui, instigateurs ou complices des scanda­
leux désordres qui signalèrent le convoi de Guillaume Le
GOal'aguer. Ce maître tailleur de pierres a travaillé pendant
près d'un demi-siècle à l'église de Saint-Corentin, et son
nom doit gal'der sa place dans le reconnaissant souvenir des
QlliJllpérois~ comme celui de notre vénéré confrère, M. Bigot,
atUi était réservé l'honneur d'achever la cathédrale.
uel
Le GOfll'aguèl' mourut en mars 1515; sur la demande de
sa veuvc et pour marquer sa reconnaissance au tailleur de
pil'l'l'CS, le chapitrc lui décerna l'honneur (sans' doute gratuit)
de l'inhumation dans la cattlédrale; et, comme il aUl'ait fait
pOUl' un N eyct ou un Hosmadec, il vint tout entier faire la levée
du corps. Or le cortège se mettait en marche, les cordeliers
précédant la bière: lorsque retentit le cri.de: c( Force au Roi !»)
ct dcs bourgcois, armés de bâtons, à la tête desquels le pro­
cureur (Oll mail'e du temps), se jettent sur les chanoines en
menaçant dc les trainer à la rivière. Les chanoines s'enfuient
et la bière roule sur le pavé (2).
(1) Acle imprimé sous le n" 97. .
(t) ~,~ .. L~ Men, i\1onog. de ,la Cal.hédrale,p. 291 et suiv.L'auteur conclut
~'.l . de.lllllllve que ~eLLe . espece d'emeute à l'enterrement d'un homme
c~ltme de tous devait avou' L1ne autl'e ol'igine qu'une querelle de confl'érie .
.BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXI. (Mémoires). 9.

Une poursuite, dont nous ne savons pas la suite, Com_
mença aussitôt; mais « contre les bourgeois, manans et
habitans ». On ne voit pas que les cordeliers y aient été com­
pris; et, pour mon compte, je n'aperçois pas quelle raison
auraient eu d'intervenir en cette affaire qui ne les regar­
ils
dait pas.
J. TRÉVÉDY, .
Ancien président du Tribunal de Qui:mper.
(A sut'Dre.)