Responsive image
 

Bulletin SAF 1894


Télécharger le bulletin 1894

Le couvent de Saint-François de Quimper

M. Trévédy

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


LE COUVENT DE SAINT-FRAN OIS
DE QUIMPER .

Quelques épisodes de son histoire.

Je reviens pour la sixième fois au couve,nt de Saint-Fran-
çois de Quimper; et dans cette étude, qui sera la dernière,
je veux épuiser les, notes prises aux . jours heureux où
j'habitais votre aimable ville. .
La perte presque totale des archives du couvent est irré­
parable. Avec des titres dont le plus ancien (récemment
recouvré) est de 1469, qui pourrait avoir la prétention d'écrire
l'histoire d'une maison fondée deux siècles auparavant?
Essayons seulement de mettre en lumière quelques faits
jusqu'ici inconnus ou du moins oubliés. ,
1. ' Le mur de ville clôture du couvent.
Le couvent de Saint-François fondé en 1232 par Raynaud,
évêque de Cornouaille (1), occupait l'angle formé par les deux
d'Odet et de Stéir, au-dessus de leur confluent. Cet
rivières
enclos, d'un hectare envirt>ll, presque le quinzième de la ville
aux dépendances des maisons
close, confinait, vers le nord,
de la rue Keréon ; à l'est il donnait sur la rue Saint-François;
au sud et à l'ouest il avait pour clôture, le long des deux
mur de ville bâti, du moins en partie, dès 1209,
rivières, le
et achevé avant 1344, puisque, au printemps de cette année,
Charles de Blois y donna l'assaut.
(1) Je crois avoir démontré en fait et en droit, que l'honneur ,de la fon­
de Pont revient à l'évêque Ray-
dation attribué arbitrairement au baron
de l'emplacement du couvent. Bull. 1890.
naud, seigneur
Pour preuve, ne suffisait-il pas de ces mots: Il {undator hujus conven·
tltS » écrits par les cordeliers contemporains sur la tombe de Raynaud?
Mais il y en a bien d'autres.

Le subdélégué de l'intendance disait en 1781 (1), que, an­
ciennement, il avait été rec.onnu aux cordeliers un droit de
mars 1473, par le duc FrançoIs II,
donnance rendue, le 8
prescrivant une information contre ceux qui détruisaient le
mur du couvent.
Nous n'avons plus l'acte de 1473; mais combien la déduc­
lion du subdélégué nous semble téméraire! Pour s'en .con­
vaincre, ne suffit-il pas de remarquer que le mur était la dé­
fense commune de la ville et du couvent; et que le duc, en

assurant la conservation du mur, ne protégeait pas seulement
les intérêts des religieux, mais aussi ceux de la ville ? .
Le subdélégué oubliait sans doute le fait suivant: le 14 mai
Etats réunis à Rennes avaient été saisis par les
1386, les
évêques de Dol, Nantes et Cornouaille et par l'abbé de Saint­
de Redon, de réclamations concernant la propriété
Sauveur
des murs; et, après enquête, les Etats avaient solennellement
jugé que ( toute fortification des villes ecclésiastiques . était
au duc qui en avait la garde. » (2) .; , :
La décision des Etats était d'autant plus significative que
la situation de l'abbé de Redon était plus favorable. ' Seigneur
de la ville, l'abbé (Jean de Tréal) avait reçu Redon ville ou­
verte, et il l'avait rendue close à Jean IV. (3)
mur de Redon faisant aussi la clôture com­
Toutefois, le
mune de la ville et de l'abbaye, les Etats reconnurent à l'ab­
« vue et fenêtres sur le rempart. »
baye une servitude de

(1) Rappol't (20 octobre 178\) SUI' un procès verbal des fortifications
dressé la même année. Arch. du Finistère. .
("2) Morice Pl'. H, col. 5H-525. Lobineau. Pl'. col. ()57. ct. ·M. de la
Borderie. Le 1'ègne ete Jean 1 V. Revue de Bretagne,.... 1893, II,

Cl) Traité de Jean de Tréal avec Jean de Montfort. Morice. Pro col.
t583-8i. Lobineau Pl'. col. 506. Jean de Montiort accorda à· l'abbé le
choix du capitaine de la ville.

Il est probable que l'ordonnance de François II reconnaissait
·au couvent de Quimper quelque droit analogue.
Quoiqu'il .en soit, les cordeliers ont maintenu ce droit de
:propriété ou au moins de possession jusqu'aux derniers jours
du couvent. Eh 1766, le maire de Quimper ayant commencé
la démolition d'un parement du mur de ville, les cordeliers
somma~ion de .retirer les ouvriers; ils invoquaient
lui firent
la longue possession et l'ordonnance du duc François. Le
porter préjudice au
maire 'protesta qu'il n'avait pas voulu
et les travaux cessèrent. (1) Mais, remarquons-le,
couvent
aurait légitimé la réclamation
un simple droit de servitude
et justifierait la prudente abstention du maire.
du couvènt
C'est sur ce terrain que Guy de Thouars, époux de la du-
chesse Constance, avait construit un château. (2) La porte
principale de l'enclos des cordeliers, ouverte un peu en avant
la porte est de la halle, était accostée jusqu'au dernier siè­
cle de deux écussons aux armes de . Bretagne, pleines sur
l'un, écartelées sur l'autre des armes de Thouars. (3) Cette
porte avait donc été celle du château; et le terrain que le
comte de Thouars prétendait occuper dans la ville close,
fief de Saint-Corentin, était celui que l'évêque Rainaud
donna aux cordeliers en 1232 .

Jf Jf
allait être fâcheuse pour le
. La contiguité au mur de ville
couvent.
(1) Enregistrement, vol, 164, 28 septembre. Sur ce qui précède, cf.
Pl'ùmûû;zde{Jans Quimper. Bull. 1885.
(2) Le château de Guy de Thouars démoli sur la demande de l'évêque,
1210, fut repris par Pierre II, après la transaction passée avec Jean de
'Lespervez, en 1452. (Il ne s'agissait aUCllnement d'une habitation ducale;
mais de ,q-uelques défenses particulières). On trouve: Le petit château
(Réform. de 1539). Le château de Saint- François (Compte du miseur
1594). Moreau nomme aussi le châtea'u. (P. 59) .
(3) Ces armes' se voyaient encore en 1i4j. (Réponse de l'évêque au séné-
dû Finistère),
chal. (Arch.

Quimper a subi quatre sièges: en 1344, .1345, 1364.et
1594 (1). C'est toujours contee le mur- des cordeliers que
l'ennemi s'est attaqué. C'est là que Charles de' Blois ouvrit
la brèche au printemps de 1344 (2). C'est au même point que
de Montfort s'acharna vainement en 1345 (3). Après la '
Jean
bataille d'Auray, en 1364, ce mur fut, comme les · autres,
battu par les « machines » qne Jean de Montfort, vainqueur
à Auray: avait fait venir de Vannes et de Dinan (4). Enfin,
mur des cordeliers que tiraient à feu
en 1594, c'est sur le
« les petites pièces de canon et les longues arque­
plongeant
buses » que le maréchal d'Aumont avait fait monter sur le
mont Frugy, près des patibulaires du Roi (5).
« C'était, dit Moreau, l'endroit le plus faible du rempart. »
POUl' fortifier ce point, on construisait un retranchement
derrière, dans le jardin du couvent. Le ga.rdien,· nommé La
Villeneuve, gentilhomme du Léon, y travaillait, lorsqu'une
pied; il ne prit aucun soin de sa blessure,
balle le frappa au
et il en mourut deux mois plus tard.
Toutefois, nous ne voyons pas que le couvent ait eu beau­
coup à souffrir de la guerre; mais, chose plus djjficile à
comprendre,si nous remontons le cours des âges, nous allons,
la Ligue, voir le couvent mis
cent ans avant les troubles de
à sac en pleine paix! .
II. Émeute (1469).
Quelques années avant l'ordonnance de François II dont
(1) Je ne parle que des sièges en règle.
" ('2) Lobineau, p. 335,
(3). Lobineau, p. 337. L'auteur dit: « Il attaqua la ville du côté de
"orient, vers le mont Fougin (lisez Frugy). » Le Frugy -est au sud et non
il l'est; et cette dernière indication nous montre bien que c'est au mur
des Cordeliers, « à cause que cet endroit lui parut le plus faible, ). que
Montfol'l attaqua.
(1) Lobineau, p. :1:37. Lire dans .Ilélanges d'histoire et d'Archéologie
br~tonne.~, I. p. ï7-8"2, les délibérations de la ville à propos de · la capitu­
que D. Morice a donnée en partie, Pro I. 1585-1586.
lation
(5) Chan. Moreau,.p. 216-217.

nous avons parlé, le même duc avait eu à prescrire une
poursuite à raison de violences exercées 'non plus contre le
mur de ville, mais contre la maison et les personnes des
cordeliers. Cette ordonn~nce, du 28 septembre 1469, a été
récemment publiée (1), et il me suffira de résumer en quel-
ques mots les faits qu'elle révèle. ,
Au milieu de la nuit du mercredi, veille de la fète de' saint
Barthélemy 1469 (23 au 24 août), le tocsin réveilla Quimper.
Des cordeliers, les uns étaient au chœur prêts à commencer
matines, les autres se levèrent en toute hâte, croyant à un
, incendie. Une troupe de gens armés, sans respect pour les
armoiries ducales, enfonce la porte de Saint-François et fait
irruption dans l'enclos aux cris: « Mort aux ribauds! »
La maison, la cave, la panneterie sont mises à sac; le jardin
est dévasté; des vases sacrés et des ornements sont enlevés
de l'église (2). Les frères avaient fui, sauf un malade; arrêté
dans le jardin, à demi vêtu, il fut accablé de coups de bâton ,
et même frappé d'épée, jeté à terre, foulé aux pieds, puis
dépouillé de ses vêtements emmené violemment à la prison,
et chargé de chaînes (3).
Comme on le voit, il ne s'agit pas d'un vol à main
armée : c'est une véritable émeute; et les organisateurs
du désordre se croient assurés de fassentiment général,
puisque en sonn~nt le tocsin ils appellent à eux toute la
ville. '
Le dénombrem~nt des émeutiers est curiel,lx à lire. Quatre
sont des gentilshommes, dont les ancêtres furent les ' bien­
faiteurs du couvent, et qui, couchés au fond de leurs tombes,
(1) Bull. de 1890 T. XVII, p. 2.18. Extrait des Archives du Finistère.
Saint· Fmnçois. \Comm. de M. Luze!.)
Cl) Et, détai! curieux, les émeutiers « tuèrent les pans et autres
» En 14GU, les cordeliers avaient des paons, encore obje ts de luxe
oiseaulx.
aujourd'hui!
(3) Il s'agit vraisemblablemen t, comme nous le verrons, de la prison de
l'évêque, haut justicier, la seule qui pût être en ville.

sont restés les hôtes des cordeliers. Ils s~ nomrrümt Ros-
Lanros, Tréanna. Six autres sont qualifiés
dec Tyvarlen,
Ill' .
doms: ce s~:mt sinon des prêtres., du .moins des clercs ayant .
premiers ordres .. Dix sont dits maîtres: ce ~ont des
reçu les
bourgeois de la ville, peut-être de~ hommes deloi, peut-être .
d'ateliers; entons ca~,ils sont autres que les
aussi des chefs
tilshommes, clercs, bourgeoIs ou sImples habItants, se trouve
li un grand nombre d'hommes inconnus aux religieux.)) ...
Trois personnages à Quimper ont qualité pour réprimer
le désordre: le capitaine Jean de Rohan: il a « charge de .
habitants en bonne union et concorde » (1); le .
maintenir les

sénéchal des regaires: il est ri. seul juge de ' police. ~) ; .
l'évêque, seigneur haut justicier de la ville close. Tous s'abs­
expliq~er l'inaction du capitaine Jean de ,­
tiennent. Comment
Rohan et celle de l'évêque, dont le sénéchal a dû prendre les .
ordres? Et l'évêque est Jean de Lespervez dont la belle de-
vise révèle la justice et la charité !. (2) . .
L'évêque (il n'est pas besoin de le dire) déplore et déteste
la foule furieuse; mais il ne s'est pas opposé à
les excès de
l'emprisonnement du cordelier. Selon toute apparence, c'est
ùans la prison de l'évêque, la seule qui soit daÎls la ville ·
close, que le cordelier a été déposé. Or, il y sera encore
après un long mois révolu; et, le -28 septembre, quand le
à la requête de son procureur général Nicolas de Ker­
duc,
meno (3), ordonnera l'arrestation de Rosmadec,deLanros, de
(1) Fo~mule des actes de nomination des capitaines. Bull. XIII p. 51
(1 r. partIe. '
('2) Orphrznn ti;' el'ü arljutnr. Cette devise est inscrite dans un cartouche
liu-dessus des arn~es de Lespervez, au pilier (côté de l'évangile" à l'entrée
du ~hœUl' de Samt-Corentm. Ces armoiries, placées là, pourraient faire
attribuer à J.ean de Lesp.ervez la construction de cette partie de. l'église,
dont on a fmt honneur a Bertrand de Rosmadec. M. Le Men. Monogr. de
la Cathédl'ale, p.
(3) Fils de Guillaume, aussi procureur général. Sénéchal de Vannes
fut un des ambassadeurs du duc pour la ratification du traité
Kermen.o
de Senlis. (1475.)

quatre bburgeois et·de deux autres; en mêm~ temps, il 'pres-
crira «( à ses officiers et- à chacun des officiers de révêque de
Cornouaille (1) de mettre hors prison en Phabit et-état de sa
religion » le cordelier détenu.
La cause de cette émeute ? ' (2) La suite donnée aux
ord'res du duc? C'ést ce que nous ne pouvons dire .

. HI. - Le couvent et le roi -François 1 (1529).
Soixante ans plus tard, le souverain (et ce sera le roi de
Fr.ance) de.vra de nouveau intervenir dans les affaires des
frères,mineurs. Mais il ne s'agit plus d'une émeute de. gen­
tilshommes ; de . clercs et de bourg~ois. C'est un simple
ouyrier de.la rue Neuve qui motivera. l'intervention du roi,
François 1 • . •
Nous sommes. en 1529: le roi est usufruitier du dUGhé: et
en même temps tutèur de son fils, le dauphin François, que
la mort de sa mère, Claude de Bretagne (1524), a fait duc de
Bretagne (3). En novembre, le roi était à Rennes, . et c'est·
là qu'il reç.ut la requête des cordeliers.
Pourquoi faut-il que, de cette procédure nous n'ayons
qu'une pièce, le mandement donné par le roi à son procureur
de Q~imper, le 10 novembre 1529 ?
Quimper s'apprête à voir des eaux limpides réjouir enfin
ses r.ues. Peut-être apprendra-t-il avec quelque surprise
que, dès le XVle siècle (il ya trois siècles passés), la source
de Pen-ar-Stang, sur le flanc du mont Frug'Y' avait été
amenée en ville ?

(1) C'est surtout de ces mots qu'on peut inférer que le cordelier était
dét-enu ,d~lns la. prison, de 1 évêque. S~il eût été détenu dans la prison d'u­
' cale (à' la Terre-au-Due" les officiers de l'évêque n'auraient pas eu à con­
à· sa mise én liberté.
courir
(21 Le cr,i· des émeutiers; « Nous aurons les ribauds!. « fait penser à
quelque accusation de débauche. (cf. ribote).
(3) François fut couronné'duc de Bretagne, .en grande solennite à Rennes,
le 12' août 1531. Il: Ïnourut à Lyon en 1 ,,)'3 l), laissant son frère, depuis
Henri II, héritier du duché.

C'est au couvent des cordeliers que revient l'honnÈnü 'de
cet utile travail. Nous lisons dans l'acte de 1529 que « les
cordeliers avaient depuis longtemps la bonne et pacifique
possession de faire mener et conduire par sous terre par
t.uiaulx d'estain ou plomb» les eaux de Pen-ar-Stang. Ce
qui veut dire que depuis longtemps ils avaient acquis cette
possession après qu~rante années de jouissance. (1) Mais le
couvent n'avait ,pas besoin de toutes les eaux pour son ser-
vice; il les avait « assemblées en un lieu commode tant pour
le couvent que pour les manans et habitans de la ville et
forbours, en un bassin garny d'une pomppe. » ' Ce bassin
unique devait être voisin du couvent. Sans pouvoir en mar­
quer exactement la place, nous pouvons conjecturer qu'il était
près de la porte de Saint-François. (2)
Il semblerait que le droit des cordeliers avait déjà été
puisque la possession leur avait été reconnue pal'
contesté,
sentence de juge.
Un jour d'automne, en 1529~ l'eau n'arriva pas au bassin.
Les cordeliers « envoyèrent des ouvriers à ce connaissans ))
pour rcc:lercher le point où les tuyaux de conduite étaient
rompus et pour les remettre en état. Les envoyés recon­
nurent la rupture dans la rue Neuve, (1 et se mirent en devoir
de faire la réparation nécessaire ».
(1) Art. 142 de la coutume.
possession, juridiquement reconnue et qui va permettre aux cor­
Cette
deliers d'engager une instance, ne peut être le simple usage qu'ont les
habitants d'une ville sur une fonlaine publique. Nous pouvons inférer de
là que l'eau avait été amenée en ville sinon par les cordeliers du moins
le service du couvent qui possédait une rente SUl' la Tourelle et Pen­
pour
ar-Slang.
('2) Il Y a quelques années, Iloll'e confrère 1\'1. Guépin creusant un puils
dans son jardin, entre la rivière et le mont Frugy, a trouvé en terre un
canal de ~lomb. dont il a coupé une section. Ces tuyaux devaient passer au
pont d~ 1 evêche,. remonter 18 rue actuelle el par la ruelle An- /Joual' ou
!Joual ~c (nomlllee au plan de f7G'I rue IJol'de ', arriver devant Saint­

FrançOIs. II y aur.ait lieu de rechercher (ce qui serait facile) la direction
du canal et de rellrel' de terre une section des tuyaux .

Rien de plus simple;
mais voici le fait qui déterminera
l'intervention royale.

Laissons la parole au roi: « ••••• Mais les dits supplyants
« et les oupvriet,s ont été empeschez par un rlOmmé Nicolas
« Lebel, demeurant en la rue Neuffve, forbours de ladite
oc ville, ' par cry de force de sa part levé sur les ditz oupvriers ;
« quoy voyans les ditz se seraient retroez (retirés) par devers
« le procureul' de la cour dudit' Kempercorentin par
« laquelle était le dit cry de force levé, et luy ont fait
« remonstrance de tout ce; et par les ditz procureur et sup- .
« plyans par 'la dit.e Court. a esté celuy Lebel COllvenu pour
« dire causes du dit cry de force et empeschement par luy
« donné aux dictz oupvriers ..... »
Quand on lit ces détails on se croit au premier abord
transporté en plein droit normand. Quest-ce que ce cri de
force, sinon la clamettr de haro, cette expéditive ma.is bizarre
procédure admise en Normandie? .
jugeons pas trop 'vite et examinons en pesant les
Mais ne
termes. La clal1'teur de haro, ou simplement « le haro, a pour
« effet de faire comparoir à l'instant la personne sur laquellele
«. haro est interjeté (levant le juge, sans ordonnance ni per­
« mission du juge et même sans le ministère d'huissier. »
« Nous regardons le haro et ses effets comme extraordi-
« naires et odieux (dit Denisart},sans trop savoir pourquoi: .
« . en effet, en y faisant bien attention, on voit que la clameur
« de haro ne diffère qu'en bien peu de chose du référe. ))
Le référé, pl'océdure simple, expéditive, conservée dans
notre code et qui permet. quelquefois d'appeler devant le juge
à l'heure même et sans assignation d'huissier.
Mais ce qu'il faut remarquer c'est ceci: celui qui crie
haro se fait demandeur devant le juge; et celui « contre
« lequel le haro est interjeté est défendeur. » Ici le contrail'e
se produit: les cordeliers s'arrêtent devaut le cri à la

force; et se retirent devant le procul'eur (1) chargé comme
aujoul'd'hui, d'assurer l'exécution des jugements; et ils sont
porteurs de la sentence qui maintient leur possession; puis,
d'accord avec le procureur, ils appellent Lebel pOUl" qu'il
déduise les causes de l'empêchement par lui apporté à leurs
travaux. Donc Lebel est défendeur. Donc le cry de force n'a
pas produit l'effet juridique du haro et n'équivaut pas à une,
appelant immédiatement à l'audience .
citation
Par conséquent, on ne peut s'autoriser du fait relaté dan~
la requête des cordeliers pour dire que la clameur de haro
mt sous le nom de cri de force admise en Bretagne. Non. Il
arriva, en 1529, à Quimper, ce qui pourrait y arriver aujour­
d'hui. Les cordeliers exerçant un droit, furent repoussés
avec bruit et scandale: ils n'opposèrent pas la force à la
force,et assignèrent devant le juge pour faire lever l'obstacle
de fait mis à l'exercice de leur droit.
Le lieutenant (2): jugea comme aurait fait de nos jours
un Juge de référé; sans préjuger le fond et par provision, il
« licencia (autorisa) les supplians de réparer et mettre en
« estat les dictes rompures et tuaulx, et ce néantmoins (no­
« nobstant) plègements et arrests, appeaulx (appels) contre­
« dits (3), oppositions et autres empeschements. »
L'énumérat.ion est longue. Le lieutenant a cru tout prévoir.
Hélas! il s'est trompé ... Lebel appelle aussitôt; ma:ispeu
(1) Il s'agit du procureur fiscal de l'évêque, comme nous le verrons.
(2) Le lieutenant des regaires. La rue Neul'e se partageait entre le fief
de l'évèque (les deux côtés de la rue jusqu'à Pen -ar-Stang, et au-delà seu-
nord) et le fief de Saint-Laurent dépendant alors du prieuré
1ement le côté
d~ Locaman (Fouesnant) (côté sud à partir de Pen-ar-S tang). Lebel,
être assigné devant la justice d'un de ces fiefs. Il fut
defendeur, devait
appelé d'evant la premièl'e : c'est donc qu'il demeurait en de çà de Pen-ar­
Stang ou côté nord de la rue Neuve au-delà.
(31 Le cuntrecUt est un appel devant les sénéchaux de Rennes ou de
Nante~. François 1 ~Ilait le supprimer pour les barres ducales et royales,
SIX exceptées (aout 153'!). '
sauf

importe! l\falg~é l'appel, les cordeliers commencent 'leurs
réparations :en vertu de la sentence de provision. '
autre chose! cc Quoy voyant Lebel par un
Mais voici bien
« nommé Pierre Soacher, se disant notre sergent général
« (c'est le roi qui parle) s'est avancé sans congié (per'mis­
c( sion) ni auctorité de nous, à faire savoir' plégement et
« arrest auxdicts lieutenant et procureur par l'ordre de rios
« Chancellerie et conseil de non mettre à exécution ladite

« sentence provlslOnnalre. ))
Faire sG'Doir plégernent c'est intenter l'action possessoire,
qui n'eùt pas fait obstacle à l'exécution de la sentence du
lieutenant; mais la notification d'un prétendu arrêt du con­
seil arrête tout: et voilà non-seulement les cordeliers mais
tout un quartier privé d'eau potable « par le faict d'un
« particulier qui icelle eau veult détourner pour son seul
« profict )), et pl'ivés pour combien de temps? Qui pourrait
le dire?
Dans cette situation désespérée, les cordeliers supplient
le roi d'intervenir, non bien entendu ponr juger; mais pour
faire que, dans l'intérêt public, le procès qu'ils ont entamé
contre Lebel puisse recevoir solution, et qu'en attendant
et c( par provision ils puissent user, eux et la ville, de l'eau
« en la manière accoutumée. »
La réponse du roi est curieuse: il s'adresse à son séné­
chal, bailli et licutenant de Quimper: (1)
c( Pourquoy nous) ce que dit est considéré, vC?ullons aux­
« dits supplians en cet endroit subvenir; vous mandons et
« commandons par ees pl'ésentes que, si, parties ' présentes
(1) Le roi prenant l'affaire en mains, la compétence passe du juge des
regaires à la justice royale. .
lJailü souvent synonime cie sénéchal e~t pris ici au sens d'alloué.­
L'alloué est le premier assesseur ou suppléant clu sénéchal, el le lieutenant
le second. Anciennement, Il n'y avait qu'un seul juge. « Les alloués
qui sont lieutenants sont depuis, et le lieutenant de temps encore plus
récent. )) D'Argentré. Rist. p. 231.

« ou appelées, il vous est apparu ou appert de ladicte sentence
« provisionnelle, faittes mettre réaulment (réellemen~) et de
« faict de par nous cette sentence à entière et deue exécu­
« tion sellon sa forme teneur; ce faisant, faictes prohibition
« et deffance de par nous audit Lebel et tous aultres de non
c( y contrevenir en aulcune manière~ ès (sous les) peines per­
e tinentes, et ce nonobstant lesdits plégements et arrêts, cry
« de force ne autres empeschements quelconques. »
Ainsi la rép'aration se fera de par le Roi; mais, la réparation

faite, s'il ya « des empeschements » (c'est-à-dire des récla-
mations), « les empeschements seront envoyés devant, nous
dit le roi» pour dire les causes: et le roi renvoie par
avance l'affaire avec ses sequelles (suites) aux juges royaux
« par briefs jours; 1)
de Kemper qui' devront en connaître
c'est-à-dlre d'urgence: enfin le roi mande « au procureur
« de Kemper la dicte matière poursuivre et conduire pour
« l'intérest des 'dicts supplians, de la chose publicque de
« notre ville ainsin que de la raison. »
, Nous n'en savons pas plus long ... Quel malheur que cette
pièce reste seule! Il eût été curieux de savoir quel était cet
arrêt du conseil qui intervient si à propos, et quel était ce
prétendu sergent général qui notifie cet arrêt. C'est assuré­
ment ce que le procureur du roi avait mission. de rechercher.
Lebel a-t-il supposé un arrêt du conseil? Il est difficile de
hors la prése~ce çles cor­
le croire. Comment l'a-t-il obtenu
deliers? Autant de questions dont l'absence des p:èces, ne
'nous permet pas de voir la solution.

IV. - Personnel du couvent.
Le personnel du couvent était très réduit. Le nombre des
paraît être resté à peu près stationnaire depuis la fin du
fl'ères
XVIe siècle jusque vers le milieu du siècle dernier. Ils étaient
Je relève ces chiffres dans plusieurs actes
de neuf à douze.
rappeler les noms de tous les frères.
qui semblent

Ces noms sont roturiers pour la plupart. Au milieu d'eux
brillent de temps en temps des noms de la noblesse bretonne.
Au XVe siècle, nous trouvons parmi les frères Henri de
Coettanezre, Henri du Juch · et Henri de Lesongar, qui,
ancien lecteur à Orléans et gardien en plusieurs couvents,
est redevenu frère à Quimper pour y mourir (1). A la fin du
XVIe siècle, La Villeneuve, « gentilhomme du Léon », 'est
gardien. Enfin, postérieurement, nous relevons au der­
nier nécrologe les noms de Bégasson, d~ Ménez, Tréanna,
Trédern, Trémie. (2) Dans la même période, nous trouvons
la vieille bourgeoisie quimpéroise: ' Cordon,
des noms de
Drouallen, Larchier, Audouin, etc ...
. . Parmi les frères plusieurs sont docteurs ou bacheliers en
sont dits définiteurs, (3) d'autres
théologie, quelques-uns
même anciens lecteurs (c'est-à-dire professeurs) de théologie:
d'autres sont qualifiés prédicateurs: un des frères, que nous
trouverons plus tard sera théologal et pénitencier de Cor-
nouaille. (4) Presque tous sont prêtres.
Le dernier nécrologe signale d'une manière spéciale :
(1) Extrait des anciens cartulaires : Gall'un de Coettanezre et Azelice de
Kerinizan inhumés aux cordeliers en 1476 et 1490 père et mère de
« notre frère Henri. » Jean du Juch et Marie de Keraoul, inhumés en
1468 et tli82. « père et mère de notre frère Henri. » Enfin, en 1400 in­
humation de « Révérènd père et frère Henri de Lezongar qui fut lecteur
à Orléans et gardien en plusieurs couvents. » . ,
(2.) Nécrologe déposé à la mairie de Quimper.
(3) lJéfiniteur. c'est l'assesseur ou conseiller d'un général ou d'un su­
périeur. Le définiteur est pour le rang au-dessous du supérieur du couvent
où il demeure quand il est dans ce couvent; mais dehors il a le pas sur
son propre supérieul'. Trévoux.
(4) Le théologal est un docteur qui enseigne ou prêche la théologie, Il
yen avait un par église cathédrale; (concile de Bâle, 1431) et une prébende
dite théologale était affectée à cette fonction (concile de Trente). Trévoux.
_ La prébende théologale de Quimper était la paroisse de Carnoët, trp-s
pauvre.
Pénitencier. Celui qui a pouvoir de l'évêque de résoudre les cas réservés
à l'évêque. .

En 1698 « vénérable frère Jean Ba~torel, frère antique de
cette maison, mort à 92 'ans. »
En 1728, cc vénérable père Jacques Drouallen, prédicateur
et confesseur ... ledit père a été gardien de Vannes, Dinan

et Bourgneuf. »

En 1735, « Louis-René de' Trémie, docteur de Sorbonne,
ancien définiteur, custode et père de la maison de P~tis,

religieux d'un raré mérite. »

- Enfin un autre nom est à relever, c'est 'celui de frère
Etienne Maunoir, mort le 8 juillet 1743, qui porte le nom,
étranger au pays, du saint missionnaire Julien Maunoir.

Comme tous les couvents de fra~ciscains, le couvent de
Saint-François avait un supérieur, nommé gardien ou cus­
tade (gardiantts ou Cttstos) (1), un vicaire, « lieutenant du
gardien », un p1'ocurew' chargé des affaires temporelles du
couvent, un sacriste ou sacristain ayant le soin de l'église
et des objets du culte, ornements et vases sacrés.
Quelquefois, mais rarement, apparaît un discret: « C'est
celui qui, dans un chapitre, représente le corps du eouvent,
est comme l'avocat envoyé au chapitre provincial
qui en
poUl' les intérêts du couvent. » (2) ..
Les offices subalternes Je pannetier, celle~i~r, jardinier,
partageaient entre les religieux.
etc. se
Outre les frères, nous trouvons un laïque nommé de proche
dans les actes importants du couvent. C'est,
en proche
semble-t-il, d'ordinaire un magistrat. Ses connaissances
juridiques et ~on expérience pratique ont dû plus d'une
fois être utiles. C'est un ami dont les fonctions sont
assurément gratuites. Il est nommé tantôt syndic ou
(1) Nous trouvons une (ois le titre de pré/et employé comme synonime.
(2) Trévoux.

père syndic des frères, . tantôt procurateur syndic,
d'autres fois, père spirituel ou procurateur et dispensateur des
affaires et négoces séculiers des 1'eligieux. Divers actes -men­
tionnent, sinon son intervention et sa présence, du moins lé
consentement donné par lui. (1)
Enfin dans quelques actes nous voyons mentionné l'avis
d'un avocat, conseil ordinaire du couvent .
De tous les dignitaires, le procureur était assurémeI~t le
occupé: il. percevait les rentes, les aumônes, le produit
plus
des quêtes; il était chargé des recouvrements; il réglait les
représentait le couvent en jus­
dépenses diverses, enfin il
tice. (2) Nous verrons bientôt que, à ce dernier point de vue,
sa charge n'était pas une sinécure.
V. Budget du couvent.
Ce n'est pas aux cordeliers de Quimper que le dernier
siècle aurait pu reprocher leur opulence: ils étaient pauvres;
et voici la preuve authentique de leur indigence : en 1790,
ils étaient taxés seulement quinze livres à l'imposition des
décime~ établie proportionnellement aux revenus. (3) .
. Nous verrons plus loin les causes diverses de cette pau-
vreté.Autrefois, la situation avait été plus prospère. Il
premières années, les · frères vivaient
semble que, dans les
d·'~umônes. Plus tard ils 'reçurent des dons et des legs: c'est
(1) Nous pouvons,à titre d'exemple,nommer les pères syndics qui suivent:
1538 •. -Rolland de Kerloaguen, sieur de Crec'heuzen.
1602. Riou de Kerguelen, sieur de Keranroc'h.
1616-162.9. Jacques de Jauréguy, sieur de Kergouadeles, conseiller du
l'oi au présidial et sénéchal d'es regaÎl'es .
. 1635-1636. Jean Baujouan, conseiller et procureur du Roi au présidial.
t666. François, chef de nom et d'armes de Kergoët, seigneur du Guilly,
conseiller du roi en ses conseils d'Etat et privé, président au siège pré­
sidial.
Auprès de lui se trouve nommé noble homme Yvon de La Fontaine,
siem de Tréodet, avocat ·à la cour, et· conseil ordinaire du couvent.
("2) Cependant on voit le gardien. se présenter en justice.

(3) M. de Blois. L'Eglise des Cordeliers, p. 4, note. _

ainsi qu'ils sont compris au testament du duc Jean II, en
i:~03, pOUl' un legs de cinquante livl'es, envil'on 2,000 francs
de 1l0t.I'e monnaie (1).
Ce legs, fait à charges de pI'ièl'es, ne fut pas le senl de ce

o-enre. Mais c'est seulement vel's le milieu du xn· siècle~
cent ans apr,ès rétablIssement du ~ouvent, que nous tl'ouvons
des fondations de rentes ayant pOUl' objet d'obtenir des
prièl'es suetout pour les morls et des concessions de sépul­
tures'. Nous y viendl'ons plus tard avec quelques détails.
Disons seulement ici que la première inhumation consta t.ée
en tel'mes expl'ès au néct'ologe est de 1353 (2).
Nombre de seigneurs de COI'nouaille ont ainsi mérité le
témoignage reconnaissant exprimé dans besucoup d'actes
du nécl'oloo-e', mais trois surtout ont été les biE'nfaiteuI's
illsiO'nes du couvent: le baron de Pont., les Lezongal' et les
sft'es du Juch.
Le souvenir des largesse;:; du buron de Pont a même égaré
les hi~tol'iens de l'Ol'dl'e. Démentant l"épitaphe de l'évèque
Raynalld, gl'avée en 1245 pal' les fl'èl'es contemporains de la
fondation, ils ont altl'ibné au « magnifique hal'on de Pont»
111OnneUl' et le titl'e de fondj:lleul' que ne réclament pas les
a,"eux de la bal'onnie ! Le hal'oll de Pont avait vis-à-vis
du sanctuail'o une tombe (~le\'ée touchant le balusll'e, où une
pl'emière inhumation se fit en 1383 (3).
Les Lezongae, dont les alliés étaient seigneurs de Le~ongar'
(Esquibien) et les cadets seiglleul's de Pl'atanras (Penhal's),
sont illscl'its à une date l&11 peu postériel.ll'e : il::; avaient deux
sépultlll'es: la pl'incipale appal'tellHllt à Pl'alanl'as compre­
nait quatl'e tombes au milieu du chœur. Les mêmes étaient

(1) l\1ol'ice, Pr, I. col. IISi. Le testament tient six colonnes, lIRE> ù 1 Hll
et nomme, semble-t-il, tous les cou\'ents de BI'etagne. ' •
('!) C'est celIe d'Annelle de Bl'Îzac, dame du Vieux-Chastel.
(3) Voir fondation du couvent pal' I"évêqué Haynaud (BulI, 1890), .
RUU.I<:TIN .~nCH"X>1.. ll(l FI~IST~:IŒ. TO~fE XXI. (Mémoires). 3

fondateurs de la chapelle dite de N. D. de Vertu ou des
Agonisants accolée en appentis au mut' nord de l'église.
Enfin, les sires du Juch, dont un fut inhumé dans l'église
dès 1369, étaient fondateurs de la chapelle dite de leur nom,
qui formait l'aile sud du chceur, et dont la première mention
au nécrologe est de 1462. (1 ) '. ,
, J'ai donné ailleurs la liste des seigneùrs, au nombre de
plus de quarante, ayant 'enfeu aux Cordelièrs avant le milieu
du XVIe siècle. Parmi eux, je remarque les vicomtes . du
Faou, les Nevet, PIceuc, Rosmadec, Tyval'len, Vieux­
Chastel. Tous durent attacher leurs noms à de généreuses
fondations. .
Plus tard, les fondations seigneuriales deviennent rares,
et, je crois, moins généreuses. Exemple: le 30 m!irs 1587,
la dernière des Lezongar, Jeanne, veuve de Jean du Quélénec,

douairière de Bienassis et dame de Pratanras, se dispose à
prendre sa place dans une des quatre tombes dePratanras :
elle lègue au couvent: cc quatre tonnes combles de froment,
autant de seigle, six tonnes combles et foulées d'avoine,
quinze sols tOUl'nois et deux chapons» (2). Son testament
fait, elle ordonna à son fils, Jean du Quélénec, gouve'l'neur
de Quimper, de donner en son nom au couvent cc une somme
(1) Voici les premières dates des mentions relatives à ces tl'ois maisons.
Pon t, décès 1383, inh umation 1383.
Lezongar, décès 140l, inhumation 1140.
Juch, décès 13U0, inhumation 13G9.
Comme on le voit, les seigneurs du Juch sont mentionnés les premiers,
Cordeliers (mais non enCOl'e dans leur
et paraissent avoir été inhumés aux
les sires de Pont et de Lezongar.
chapelle) avant
Nous avons dit que la première inhumation est de 13,)3.
(2) Titres CC. O. Le 8 janvier 1.)88, Jean du Quelenec comparaît
de la demière volonté de sa mère,
devant notaire pour passel' déclaration
« enterrée au chœur ».
En IO:U, Jacques de Guengat, chevalier de l'ordre du Roi, gentilhomme
de sa chambre, seigneur de Guengat, Lezarscoet, Rossulien, Botpadem,
etc., fonde une rente de six livres. C'est lui qui se garda si mal à l'Ile
le prit dans son lit. (Moreau, p. 209.)
Tristan, que la Fontenelle

de cent vingt sols qni sera cOllvertie en une rente annuelle
(Je quelques sous) pour la fondation à ' perpétuité d'une
Illesse mensuelle. »
En 148G, combien Perronnelle de Kermellec avait été plus
énéreuse ! Elle avait donné aux frères une rente de cent
messe perpétuelle, sans doute quotidienne!
Dès le XVIe siècle, des bourgeois de Quimper apparaissent
faisant des fondations concurremment avcc les nobles; et,
à pal,tir ÙU XVIIe siècle, ce SOllt eux surLout qui obtiennent
des prièl'es ou des sépultLlI'es de f(unille. Nous trouverons
plusieul's ramilles de QLtimp 3r eu PO",s8ss ion même ancienne
de ces sépultul'es, lOl'sque s'ouvl'e le dernier nécl'ologe, en

Ellfin, les plus humbles ambitionnent une tombe au cou­
vent, avec les prièl'es des cordelicl's ; témoin: Jeanne Lanyer.
La pieuse fille a ramassé quarante-sept livl'es tOtll'llois, en
pièces de scize ct huit sous. Elle les donne au couvent, le 27
mai It>:U, avec treize autl'es livres qu'elle n'a pas, mais
« payable.; SUI' le plus clait' de sa pauvre succession». Elle
dm;t.ille ces soixante livI'cs « à la réparation de la porte
S(linte-Clail'e, ouvl'ant sur la rue Keréoll ».
Elle aura (1 Hue messe annuellc à chant à perpétuité sur
l'autel de la Tl'inité »~ au jouI' anniversail'e du contrat; « et
une tombe rase daus la mêmc chapelle», tombe « seulement
pOUl' elle et tIn 'elle a elle-même choisie ll, et sur cette tombe
« les religif~llx tielldl'ont une chandelle al'ùente pendant la
dite messe )l, (1)
L'addition des fondations donnorait un total considérable'
(1) !ilres C,C, Il ya d'autres (ondaLions de même genre . .Je choisis
celle-CI c~l~me exemple parce qu'elle signale l'existence et la situation de
la pOlte 8;.llnte Cl~til'e .

mai~ cette prospérité n'était qu'apparente: beaucoup de ces
rentes avaient été rachétées, c'est-à-dire remboursées. Ct)
Ainsi, toutes les rentes anciennes, c'est-à-dir'e les rentes
fondées par les , nobles et les plus considérables, avaient' été
remboursées avant le milieu du XVIIe siècle. Un rentier de
la preuve de ce fait. ~ ' .
1636 nous fournit
Les trois mentions de rentes portées 'à payer' en décembre
sont illisibles; mais le rentier n'indique payables dans, les
onze autres mois que cinquante-huit rentes: des cinquarite-
huit débiteurs de ces rentes quatre seulement sont nobles ~; et
des rentes quatre seulement sont ,de fondation noble '(2).
,Toutes les autres de même fondation ont été ' remboursée,sl ' y
compris celles que nous venons devoir fonder, en 1587,1588
et 1622, par la dame de Pratanras, son fils et le sr de
Guengat.
Deux causes ont concouru à multiplier les remboul'se­
me~lts: 1° ils s'opèrent à un chiffre avantageux pour le débi­
teur, au denier 20; 2° quelque soit la dépréciation progres-
sive de l'argent, le prix du rachat se calculera sur le chifl're .
nominal de la rente. Ainsi une rente de 10 livres constituée
au xv siècle, et qui au XVIIe vaut 40 ou 50 livres, sera rem­
boursée au dernier 20 sur 10 livres soit pour 200 livres.
La dépréciation de la monnaie eut pour le couvent · un
autre inconvenient: c'est que la'rente n'était payée que pour

(1) C'est un principe presque absolu que toute rente foncière même duc
aux églises et couvents est rachetable nonobstant la stipulation contraire.
(Ol'd. de 1441, 1~3J et 15,')3, etc.1
(2) Les débiteurs et les rentes nobles sont:
1 ° Rosily ,de Méros, débiteur de 6 combles de froment dus par Pratanras ;
2° Jean de Kergorlay, debiteur de 100 sols 8 deniers ; 3" François de Pen­
marc'h, sr du Parc-Coettenez, etc., débiteur de 12 livres (fondation de
Marie du Parc);' 4° un bourgeois est débiteur (le la rente de 4 liv. et 4 s.
tournois fondée par Jean Autret, sr de Lezergué ; 5° François de Lezandevez,
sr du Stang, débiteur de la rente fondée pal' ~lain Bruneau, roturier,
et de celle de 3 écus 1'2 s. d'or soleil fondée par Guillaume Le Bail, gardieu
du couvent, pour entretenir d'huile la lampe du sanctuaire.

le chiffl'e nominal de la constitution: ainsi, pour reprendre
l'exemple ci-dessus, une rente de 10 livres fondée au ' xv
siède et qUI au XVIIe vaut 40 ou 50 livl'es ne sera acquittée
que pour dix livres. .'
Les cinquante-huit rentes énumérées au rentier de 1G36
sont évaluées en somme à 550 livres: soit 50 ,livres par niois;
ajout.ons libéralement 50 livres pour le mois de · décembre:
c'est en tout 600 livres (1) ; il est clair que cette somme, qui
représente plus de 7 ou 8,000 livres de notre monnaie,repré-
sentait en 1636 bien plus de 600 livres; mais les débiteurs
étaient libél'és en payant 600 livi'es. .
L'année 1720 fut désastreuse pour les cordeliers. Dans
une supplique adressée à l'intendant de Bretagne Feydeau,
les frèl'es exposent que « près des deux tiers des rentes ont
été remboul'sés en billets de banque dont ils sont restés
saisis, comme le pl'ouve la déclaration qu'ils en ont faite. ))
C'est-à-dire que le couvent a été victime de la dépréciation
subite des billets de la banque de Law. Les rentes ont été
remboursées en billets qui, le lendemain, n'étaient plus que
sans valeur ! 1
des chiffons
Héduisons le nombl'e des rentes, non au tiers, mais à la
moitié, de crainte d'erreur, et arrêtons-nous au total de 300
livres.Si nous ajoutons 300 livres pour la location du présidial,
100 livres pour les honoraires de la messe quotidienne des
. (1) 11 n'y a pas à tenir compte des rentes en nature: il n'yen a que lr'ois:
G combles de froment, 3 sommes de seigle, 8 resnées combles de froment.
Les renles en argent sont som'ent de quelques sous, d'autres sont de
quelques liwes; une ~eule a quelque importance: e'est la fondation de
Alain Br'unenu, pl'ètre, 'H écus d'or soleil payables pal' Liers les 10 avril
'Z5 mai el 2'-) novembre pour diverses causes. '
M. Le Men (Monog. de la Cath. p. 119) mentionne Alain Bruneau
prè.lI·e, inhum~ en 1.'}79 dans la nef ou dans le lransept. Un acte des Cor~
d~I~~rs (29 aUIl I.j!J7. J.) mentionne près de l'autel et image de N. D. de
Pllre la tombe ,d'Alain B~ulleau. Le même acle nous apprend qHe ce prêtre,
« .~m de,~ (:"()/'l.~t('s de Sar~t-?orentin" était originaire de Saintonge au­
rIes d.e La ~o?hellc ~). ~I etaIt possessIOn né dans les paroisses de Loctudv
EllIant, ou Il possedaIt notamment le manoir de Moustouer. ~

officiers de justice (1), nous arrivons au total dc 700 livres;
et voilà le revenn certain et fixe du couvent. Le reste est
indéterminé et purement casuel.

J:ai dit revenu certain; je me tl'Ompe: nous verrous que
les rentes et même la locatio n et les honoraires de la messe
du présidial étaient très irt'égulièl~ement payés.
Les revenus casuels consistaient dans les honoraires des
messes quotidiennes et inhumations et dans le produit des
quêtes. "
Nous ne pouvons apprécier mêm e appl'oximativement les
honoraires de messes. POUl' ceux des inhumations. ils ont été

autrefois une source d e revenus: mais cette SOUl'ce est tarie
depuis la fin du XVIIe siècle . Le dernier nécl'ologe daté de
1681 fait la preuve de ce !"ait. De cette date à l'allnée 1787,
à la veille de la suppression du couvent (lOt) années) les
cOl'deliers n'ont illhumé que 20tl mOl'ts étran'gel's au couvent,
moins de deux par année; et pal'mi c~s mOl'ts plusicur:; sont
des ouvriers employé:; pal'les f1'0r e.'3 ou dl~s pauvl'es auxquels
les frères out voulu faire une del'llièl'e aumône.
Restent les quêtes.
Il existe un tableau, maihelll'eusement sans date, des
« paroisses dépendant du couvent avec les termes des reecl.tes
en nature)). Ce tableau pourrait êtr'e intitulé plus simple­
ment: JOUl'S des quêtes ell chaque paroisse. Cent et une
paroi::;ses y sont déIlOnlllu.')eS, et. il y a, en tout, 237 jours de
quête.
C'est une surprise de voil' figlll'er à ce tableau les noms
de seulement 28 des 173 paroisses de l'évêché de Cor­
nouaille: 13 des ellvirons de Daoulas, 15 des environs de
verrons plus tard la location au présidial et la fondation cie la
(1, Nous
messe.

Crozon, dont une seule paroisse de rarrondissement actuel
de Quimper, Quéménéven. 0
Oh comprend mal que les quêtes ne fussent pas autorisées
auX envil'Ons de Quimper, quand le couvent fondé par un
évêquede COl'Oouaille était resté si cher à ses successeurs,que
deux d'entre eux, 0 Guy de Plonévez, mort en 1262, et Alain
de Lespel'vez, mort en 1455, y choisil'ent leurs sépultures. (1)
Si les cordeliers n'avaient que cinquante-huit jours de
quête dans 28 paroisses de Cornouaille, ils avaient au con­
tl'uil'e l'autorisation de quèter, et, durant 179 jours, soit la
moit ié de rannée, dans 73 des 8t paroisses du Léon, c'est-
à-dire dans presque tout l'évêché.
va sans dit'c que les frères n'auraient pu ramener les
Pl'Odllits en nature des quêtes faites au-delà de la rivièrê
de Landerneau et des monts d'Arrez. Sans doute les ven-
daient-ils, comme ils pouvaient, sur les marchés voisins, et
iIR en l'apportaient ]e prix au couvent.
Nous n'avons aucun renseignement sur la valeur en arg'ent
deR quôt.es annuelles.
(.'1 suivre.)
J. TREVEDY,
Ancien président du Tribunal de Qu'imper .

(1) Alain de Lcspen'cz il été omis dans l'extrait des anciens nécrologes
que nOl1s ayons publié. On tl'OUye la mention de son inhumation dans
l'extrnit de la collection Baluzc. Il était frère mineUl'. (Morice, his!.
II. p .. LXII.) Il fut inhumé, non dans la tombe dite « des évêques », où
repOSllIent Haynnud et Guy de Plonéyez, mais dans une tombe élevée dans
le chœur, appuyée contre lc mur de la chapelle du Juch. On peut voir les
dc~x grands panneaux de cette tombe . au Musée archéologique de
QlIImper. 0
('!~ L'éyê~hé de COl'fiollaille comprenait '/73 paroisses et UO trèves; et
celUI de Leon 8:) paroisses ct G', trèYes. L'autorisation de quêter donnée
pour la paroisse s'étend à ses trèYes.