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Bulletin SAF 1893


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L’abbé Dumoulin, le grammairien

Mgr Graveran

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XVI.
L'ABBE DUMOULIN
(NotescommuniquéesàM.LEvoTparson neveu,Mgl'GnAvERAN,
évêque de Quimper).

Alain Dumoulin, né le 8 novembre 1741 à Lanvéoc, com­
mune de Crozon (Finistère), remplit d'abord les fonctions de
régent ou professeur au collège de Ploug'uernevel, canton de
Rostrenen, .dans l'ancienne Cornouaille, al~ourd'hui dans le
département des Côtes-du.:..Nord. Il était depuis plusieurs
années recteul' de la paroisse d'Ergué-Gabéric, près Quim­
per, lorsque la révolution le força d'émigrer pour refus
de serment à la Constitution civile du Clergé. Il passa une
grande partie de son émigration à Prague (en Bohême),
exerçant l'emploi de précepteur dans une famille princière
du pays. Les ecclésiastiques de Prague admiraient l'élégance
et la facilité avec lesquelles il s'exprimait en latin ~ cela les
étonnait dans un Français·. Une académie littéraire, établie
dans la ville, proposait annuel1ement des prix et des accessits
pour des compositions latines sur divers sujets. L'abbé
Dumoulin obtint une fois le premier accessit, deux fois le
second prix (une médaille d'argent) et une fois le premier
(une médaille d'or),
Le sujet de la dernière composition était: l' Eloge d~ la
que l'abbé Dumoulin traita en vers hexamètres .
Bohême,
L'Evêque de Quimper a vu et tenu entre les mains,
pendant son enfance, la médaille d'or et l'Eloge de la Bohême,
mais il ignore si aucun exemplaire a pénétré en Bretagne.
Pour faire diversion aux chagrins de l'exil, en même temps
que pour satisfaire aux désirs dequelques personnes instruites
et témoigner sa reconnaissance à un ecclésiastique aussi

recommandable par sa science que par sa vertu, l'abbé Du­
moulin avait encore composé, pendant son émigration, une
grammaire latino-celtique, fort rare en France. Elle a pour
tltre :
GnAMi\iATICA LATINO-CELTICA
Doetis ae 0 seientiarum appetentibus viris composita,
ab fllano Dumoulin, presbytero, Encomii regni Bohemiœ
Pragœ Bohemorum 1800, in-8° (1).
authore.
La préface de ce livre, d'une latinité nerveuse et élég'ante,
nous fait connaître le système de l'auteur sur la filiation des
langues. Il y a, selon lui, cinq langues mères: l'Hébreu, le
Grec, le Latin, le Teutonique et le Slavon. Toutes les langues
padées en Europe, en Asie et en Afrique (excepté les idiomes
barbares), en découlent et ont rempli le monde d'une variété
de lang'ues et de dialectes. C'est la langue teutonique qui,
d'après l'abbé DU~l1oulin, a donné naissance au celtique. Le
dialecte qu'il emploie en général est celui de Cornouaille.
Depuis l'époque où l'abbé Dumoulin fit paraître son livre,
l'étude de la langue bretonne a fait d'assez grands progrès,
et les hommes qui font autorité ont adopté (surtout pour la
valeur et la pl'ononciation des lettres) certaines règles qui
semblent justifiées. Quoiqu'il en soit, composé au fond de la
Bohême, où l'abbé Dumoulin n'avait très vraisemblablement
pas emporté de livres bretons, cet ouvrage est presque un
tour de force qui fait honneur à son auteur.
Hevenu en France, à l'époque du Concordat, l'abbé Du­
moulin rentra momentanément dans la paroisse d'ErO'ué-

Gabéric et fut nommé peu après curé de Crozon, puis suc-
cessivement chanoine honoraire, curé de la cathédrale et
vicaire général de Mgr Dombideau de Crouseilhes.
On doit à l'abbé Dumoulin, indépendamment des ouvrages

(1 ) Cette grammaire bretonne dont l'origine est si touchante sera
examinée ultérieurement au point de vue philologique.

déjà mentionnés, un petit livre breton intitulé: Hent ar
Barados, ou le chemin du Paradis (avec un abrégé de la Vie
des Saints de Bretagne). Quimper, Derrien 1805, in-18°.
C'est au sujet de ce livre que M. de Kerdanet a dit de son
auteur (Notes sur les Vies des Saints d'Albert-le-Grand),
qu'après avoir montré aux autres le chemin du Paradis,
l'auteur y est allé lui-même. L'abbé Dumoùlin mourut à
Quimper, le 11 mai 1811. Il était d'une taille médiocre, mais
d'un extérieur très vénérable, qui faisait dire à Mgr de
Crousseilhes qu'il avait la figure la plus pastorale de tout ..
son clergé.