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Bulletin SAF 1893


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Prise et capitulation du château de Kerouséré, 1590

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XXI.
DOCUl\'IENTS INÉDITS
Prise et capitulation du château de Kerouzéré,
novembre

Voici d'abord le chapitre que le chanoine Moreau consacre
à la prise du château de Kerouzeré, dans son Histoire des
guerres de la Ligue en Bretagne) Fe édition, 1836, pages
78 et suivantes, avec des notes et une préface de M. Le Bas-
tard de Mesmeur. Il sera intéressant, croyons-nous, de
comparer cette relation avec celle de François de Goësbriand,
que l'on lira plus loin. .
« En la même année (1590), Kel'ouzéré) 1), château situé
« en Léon, en une lieue de Saint-Pol, appartenant au sieur '
« de Coëtnizan, tenant le parti du roi, fut assiégé par ceux
«: de ru nion, savoir: les seigneurs de Goulaine, de Carné, de
« Rosampoul, son oncle; du Faouët, frère dudit de Goulaine;
« de Kerhir (2), de l'évêché de Tréguier ; de Coutrédrès (3), de
« Kerven, du Rusquec. de Mesle, de Crémeur (4), de Kérom
(1) Le château de Kel'ouzéré, en la pa l'oisse de Sibiril, appartenai t
à pierre de Boiséon, seigneul' de Coëtnisan, en la commune de Pluzunet,
baron de Kerouzéré. Kerandraon était un cadet de la même famille.
Par arrêt du conseil du roi, du 2.;) mai 1 GO'2, le duc de Mel'cœur fut
condamné à payel' au sieur de Coëtnizan 10,000 écus, et le roi y ajouta
3.),000 écus, de ses deniers, pOUl' le dédommager des pertes qu'il avait
souHertes, pendant les guerres de la Ligue. .

(2.) ,Le sieur de Kerhir se nommait Kérousy.
(3) Le sieur de Coatredrès étatt chef d'une famille ancienne et considé­
rable. Le château de Coatredrès est dans la paroisse de Trédrez, arron­
dissement de Lannion.
(1) Le sieur de Crémeur était Carné, de son nom. La seigneurie de
Crémenr se trouvait dans la paroisse de Saint-A ubin de Guérande .

« (1), et de plusieurs autres, avec une grande multitude de
« populace de tout l@ pays de Bas-Léon; et dans le château
« était le seigneur de Coatnisan, seigneur dudit lieu; le
« seigneur de Kerandraon, homme vaillant, mais cruel, son
« parent proche, et pour cette raison était son lieutenant;
« le sieUl' de Goëzbriant et plusieurs autres alliés, sujets ou
« serviteurs, suffisamment pour la garde du château, qui
« était assez bon do murailles, joint qu'ils l'avaient fortifié
« de retranchements, se doutant bien d'y être assiégés, ayant
« tout le pays contre eux fort irrité, à cause des pilleries et
« ravages que faisait journellement ledit Kerandraon sur
u eux. Et par rapport à cela et des cruautés qu'il usait à
« l'endroit des prisonniers qu'il prenait, il était mortellement
« hafdetous. "
« Les assiégeants ayant séjourné quelques jours devant
« le château, sans rien avancer, jugèrent que le canon était
« nécessaire et l'envoyèrent quérir du Brignou (2), maison
« fQrte appartenant au sieur de Plœuc (3), beau-frère des
« susdits seignem:s de Goulaine et du Faouët, par avoir
« épousé MauriceUe de Goulaine et du Faouët, leur sœur.
« L'on députa donc le seigneur de Kerhir, avec une escorte
« et bonnes troupes; il étr.it homme expérimenté aux armes
« et cavalier de valeur. La garnisoQ. de Brest, qui tenait
« aussi le" parti du roi, en ayant eu avis pour aller attaquer
« cette escorte, et ne se trouvant pas assez forte pour atta-
(1) Le sieur de Kerhom, en la paroisse de Saint-Pol-de-Léon, se nom­
mait Kerlouan.
(2) La maison du Brignon est située dans la trève du Bonrblrmc,
paroisse de Plouvien. "
(3) Vincent de P1Œ mc, sieur de Tymeur, fils aîné de Charles de PlŒmc
" et de Mari.e de Saint-Gouesnou, dame de Brignou, avait épousé Mauricelte
de Goulaine. Vincent de PIŒlLlC fut père de Sébastien de PlŒmc, en faveur
de qui la terre du Tymeur fut érigée en marquisat, en 1616. Ce fut Jean
de PlŒmc, frère de Charles, qui épousa l'héritière de !{erharo et du
Guilguiffin. "

« quel' à découvert leurs ennemis, lui dressa une embuscade,
« qui ne se fut pas plutôt découverte qu'un soldat dudit
« Brest, couturier, de son métier, plus avancé que les autres,
10( derrière une haie, dans un chemin étroit, tira une arque­
« busade au sieur de Kerhir et le tua sur-le-champ, qui fut
cc une grande perte au parti, aussi fut-il regretté par tous
c{ ceux qui le connaissaient, pour les bonnes qualités qui
'( étaient en lui. Aucun autre de la compagnie n'eut mal.
« Le canon rendu au siège de Kerouzéré, la batterie com­
cc mença et dura jusques à la brèche. Ce que voyant,les
« assiégés ne voulurent expérimenter le hasard d'un assaut­
« et demandèrent à capituler au chef du camp. La commune
« (le peuple), ne voulait y condescendre, mais menaçait de
« tout tuer, même la noblesse de leur parti, s'ils faisaient
({ aucune composition aux assiégés, et voulait que l'on eût
« tout exterminé. La nobles,se le craignait, quoiqu'ils avaient
« grand désir de faire bonne guerre à l'ennemi, suivant les
« lois de la guerre. Enfin la capitulation fut que les assiégés
« rendraient la place avec les munitions et vivres, et les
« soldats vies sauves. Les chefs, scavoir :- Coëtnisan, Goëz-
« briant, Kerandraon et quelques autres seraient laissés
« libres, conduits en lieu de sûreté, sous le bon plaisir
« toutefois de Monsieur le duc de Mercœur, qui était lors à
« Nantes, distant de soixante lieues. Cela fait, ils commen­
ce cent à sortir, sous la faveur de la noblesse et gens de
« guerre, du camp, qui voulaient de point en point garder
« les conventions de la capitulation; mais la populace, irritée
cc contre ceux de leur parti qui avaient fait la capitulation,
« fit tous ses efforts pour leur ôter les assiégés, pour les
(c massacrer. On eùt bien de la peine, et non sans un ex­
(c trême danger de la vie de la noblesse catholique, de sauver
« Coëtnisan, Goësbriant et un autre, dont on ne sait pas le
c( nom; quant à Kerandraon, s'étant déguisé, sachant que,
« s'il était reconnu, il n'y aurait moyen de le sauver de

« la commune, pour la mortelle haine qu'elle lui portait,
« comme il passait ainsi déguisé avec les autres à la foule,
ft il fut aperçu par certains paysans, qui le reconnurent et
« se mirent à crier sur Kerandraon, et en même temps toute
« cette paysantaille, d'une grande impétuosité, se jette
« dessus, nonobstant l'empêchement des gens de guerre, et
« le taillent en pièces. Et pendant qu'ils étaient acharnés
« sur celui-là, on fit couler sous garde sùre Coëtnizan et
« les autres hors de leurs pattes, avec gl'ande peine et grand
« danger des seigneurs du siège, qui pensèrent être tous
« massacrés. Le sieur de Rosampoul y reçut d'un paysan
« un grand coup de fourche à la gorge, qui passa aux deux
« côtés et lui fit deux plaies de part en part, dont il pensa
({ mourir. Le sieur du Faouët eut un coup de hache sur la
({ tête, qui l'eùt fendue jusqu'aux dents, sans qu'il fut sou-
« tenu par quelqu'un qui était près de lui, qui interposa ses
« armes et rabattit la force du coup. Les autres ne coururent
« . pas moindre fortune, et c'est merveille qu'ils ne demeu­
« rèrent tous sur la place, tant cette cruelle tête de paysan.
« était enragée de ceux qui les avaient pillés et volés leur
« échappassent ainsi. Ils firent plusieurs indignités au corps
. « de Kerandraon, et il n'y avait celui qui ne lui baillât son .
({ coup ou n'en apportât une pièce de son corps, même lui
« coupèrent les parties honteuses, qu'ils mirent ati bout
« d'une lance, et furent par le eamp en faire montre.
« Comme cette capitulation s'effectuait, les assiégeants
« eurent avis par -les espoins que les royaux, ayant fait un
« g'ros, en Tréguier, de mille ehevaux et de deux mille
« hommes de pied, s'acheminaient en grande hâte pour
« lever le siège de Kerouzéré, ne sachant encore rien de la
« reddition, qui fut cause que la noblesse du pays, désirant
« se sauver, et leurs prisonniers avec eux, font toute dili­
« gence pour gagner Morlaix, qui était la principale retraite
« qu'ils eussent en Léon, distant de cinq lieues de Kerou-

« zéré, d'où ils venaient. Et d'autant plus faisaient-ils diIi-
« gence qu'il leur convenait de passer par le même chemin
« que ledit secours venait, et ne pouvaient éviter qu'ils ne
« se rencontrassent, si le secours eut passé Morlaix avant
« eux, et, s'il y eut eu rencontre, il est sans doute que les
« assiégeants eussent été défaits et les prisonniers sauvés.
« Mais le bonheur les favorisa, ce jour-là, d'autant que les
« royaux désirant surprendre les assiégeants à l'improviste,
« ne voulant être découverts par ceux de Morlaix, encore
« que leur droit chemin fùt de passer en vue de la ville,
- « prirent un peu plus haut, devers le luidi, pour retomber
« incontirient sur le chemin ordinaire de Morlaix à Saint­
« Pol. La noblesse du siège, avec les prisonniers, venait
« avec le chemin plus bas, qui est le chemin ordinaire, et,
« sans s'entresavoir, se trouvèrent vis-à-vis les uns des
« autres, à deux traits d'arquebuse, à côté de la ville de
« Morlaix; et en ayant eu avis, de l'une et de l'autre part,
« les catholiques se sauvèrent en diligence dans la ville, et
« ' les royaux, les ayant suivis jusques aux portes, se retirè­
« rent, bien fâchés d'avoir perdu une si belle occasion de
« défaire leurs ennemis, qui n'étaient pas forts, et de recou­
« vrer les prisonniers. Un quart d'heure plus tôt leur était
« assez pour parvenir 1\ leurs desseins. Cela fait voir qu'en
« fait de guerre un moment est précieux. J)
Voici, maintenant, la relation du capitaine François de
Goëzbriant, d'après l'original écrit de sa propre main qui se
trouve aux Archives du Finistère, série E, fonds de Coat- ,
coazer (1).
(1) François de Goëzbriant était fils d'Yvon de Goësbriant et de dame
de Rernee'h, fille aînée de Guillaume de Rernec'h, seigneur
Marguerite
et de Boiséon, et de dame Louise de Botloy, clame de Ker­
dudit lieu
dreauzer, qui avait épousé en secondes noces Pierre de Coatrèdrez. Goëz­

bl'iand était clone cousin, et non beau-frère de Coëtnisan, comme le dit
le chanoine Moreau, clans sa chronique (p. 93 de la 1 édition), et après

« Mémoire du sieur François de Goësbriant au sujet du ·
Cl siège et de la capitulation du chttteau de Kerouzéré, suivi
« de l'inventaÏt'e des pièces que produict devant les juges
« Monsieur Alexandre Faucon, sieur de Messy, conseiller
« du Roy 'et ministre des requestes de son hôtel, commis-
« saire député en ceste partye par Monseigneur le duc de
« Monmorency, pair et connes table de France, et messire
« François de Goëzbriant,' chevaliel', sieur dudit lieu, de­
« mandeul' Cil requoste par luy présantée au Roy et à Mon­
« seigneUl' le connestable, pal' ordonnance du conseil de sa
« Majesté du vingt-neufIiesme de novembre 1599, contre
« Jan de Goullaine, sieur du Faoël, et Fraùçois de Ker­
« sauson, sielll' dudit lieu, défendeurs. La production fète
« (faite) suilvent l'ordonnance de mondit seigneur le connes-
« table du vingt-sixiesme décembre audit an (1599). (1)
lui, Guyot Desfontaines. (Histoire de la Ligue en Bretagne, II, p. '242.) Sa
famille avait contracté avec les Boiséon une alliance plus ancienne, par
le mariage de Margilie de Boiséon avec Françoes de Goëzbriant, en 1461.
La seigneurie de Coëtinisan était dans la paroisse de Pluzunet, évêché de
Tréguier (aujourd'hui dans l'arrondissement de Lannion).

(1) Nous n'ignorons pas que M. Le Men a déjà publié, en 1875, la partie
la plus importante d'une relation de la peise et capitulation du château
de Kerouzéré, qui dilIère peu de celle que nous donnons ici, plus complète,
un petit volume intitulé: Éludes historiques sttr L e Finistère. Mais
dans
ce livre, tiré à un petit nombre d'exemplaires, est devenu fort rare,
aujourd'hui, et peu de nos sociétaires doivent le posséder. Ce document
n'est donc pas complètement inédit, quoique peu connu, et je pense qu'on
saura gré de le reproduire dans notre bulletin. Nous comptons donner
nous
après lui d'autres pièces de la même époque, également extraites
jusqu'aujour­
du fonds de Coatcoazer ou de Goëzbriant, inédites
d'hui, et qui se rapportent à l'occupation du ehâteau de Coëtfrec, près
de Lannion, par la Fontenelle et le sieue de Kerahel, et à l'enquête faite
transporter le sieur de Goëzbriant
au sujet du l'iche mobilier qu'y avait fait
et dont s'étaient emparés Kerahel et La Fontenelle, ce qui donna lieu à
un long procès, après la guerre.
L'ingénieur géographe Ogée, à l'article Siberil de son Dictionnaire
historique et géographique de la province de Bretagne, donne aussi une
relation du siège du château de Kerouzéré, qui est d'accord avec celle du
chanoine Moreau, mais plus concise, et olt il confond à tort, Goëzbriand
n'aient rien de commun .
avec Guébriant, quoique ces deux familles

« oncques il n'en fut, dung violement de foy promisse et d~
« lemprisonement et mauvez tretement fet a ung gentilome
« convenu et donné pour ostage pour lexécution .dune capi­
« tulation contre les lois militeres, contre la foy puplicque
« et le droit des gens.
« Au mois de novembre mil cincq cens quatre-vingt-dix,
« le sieur de Coatinisan, portant les armes pour le Royen
« Bretagne, voulant aler en sa maison et château de Kerou­
« zéré, en la Basse-Bretagne, en lévesché de Léon, requit et
« pria ledit sieur de Goezbriand, demandeur, son cousin,
« qui portait aussy les armes pour le servizce de Sa Magesté,
« de l'asister et luy fère compag'nie, afin qn'il peuIt passer
« nonobstant les forces des garnisons enemies tenant le
« party de Monsieur de Mercur (Mercœur).
« Laquelle conduite et escorte ledit demandeur acorda
« audit sieur de Coatinisan, son parent et amy, et le con­
« duisit aveque douze cuirasses jusques audit château de
« Kerouzéré, où estans arivéset entrés, ilz furent incontinent
« bloqués et asiégés par lesdits sieurs du Fauet et de Ker­
« sauson, lieutenants de Monsieur de Mercure, en Basse­
« Bretagne, lesquelz estoient advertis que la place nestoit
« pas munie de vivres pour tenir longtemps, ramasarent
« incontinent les garnisons voisines de la Ligue avec les
« comunes des vilages, pour fère le siège.
« Lequel siège aiantz soustenus par les pace de cinq ou
« six semènes, les asiégés estans presés, ledit sieur de
« Coatinisan entra en volunté de tréter, afin de se retirer
« aveques quelque composition honorable, estant hors des­
« pérance de secours.

« Et pour ce st efect ledit sieur de Coatinisan et aultres
« asiégés prièrent ledit demandeur et le sieur de Keran­
« drau (1) de sortir pour treter, ce qu'ilz firent, et estans
(1) Le sieur de Kerandraon était un cadet de la famille de Boiséon •

« sortis sur la contrescarpe, ledit sieur du Fauet se califiant
« lieutenant de Monsieur de Mercur et conducteur du ban
u et arrièrs-ban en lévesché de Léon, par lequel avait fet
« somer lesdits asiegez en ceste qualité, ledit sieur de
« Kersausonj les sieurs de Coatrédez (2), Rosanpoul et
« auItres principaux dudit siège y estans assemblez, la capi­
« tulation fut concluc fort adventageuse pour les asiégés,
« ausquielz par ycèle tous les honneurs de la g'uerre estoint
« réservés, come de sortit' en armes, bag'ues sauves, et
« aultl'cs conditions que les gens de guerre estiment ad ven-
. « tageuses.
« Laquelle capitulation estant verbalement acordée, les
« asiégans demandirent des hotages jusques a ce quele fût
« redigée par escript et signée, feignant vouloir delors
« congéer lesdites comunes et fere quiter les tranchées que
« tenoint les gens de guerre, aveques promesse que dans
« trois heures ladite capitulation seroit signée dë la part
« desdits asiegens et que tous les hatages seroillt renduz.
« Sur ceste demande d'hotage, le sieur de Coatinisan leur
« ofrit ledit sieur de Kerandrau, lequel lesdits asiégans
« aceptèrent, mes non seul, et demandèreilt aveque luy en
« hotage ledit sieur de Coëzbriant, demendeur, lequel le
« consantit, à la prière dudit sieur de Coatinisan, son parent
« et amy, et des autres asiégés, et sur lasurence et la foy
« promise par ledit sieur du Fauet et ses compaignons
« que, dans trois heures après, ils seroint rendus en liberté
« et sureté.
« Au lieu de tenir par lesdits sieurs du Fauet et com­
« paignons leur promesse, aientz fetz conduire lesditz hota-

Cl) .~e sieur ~e CoatréUez ét~it allié aux Boiséon, par le mariage de
Marglhe d~ BOlséon avec ,Herve de Coetréclrez, en 1389 ; et aux Goëzbriand,
par le manage de Françoise cie Coëtrédrez avec Françoise cie Goëzbriand
clans la première moitié clu XVIe si~cle. La seigneurie cie Coëtredrez ,étaii
Clans la paroisse de Trédrez, évêché cie Tréguier. (Note de M. Le Men.)

c ges en la maison apelée Kerlan (1) distant d'un quart de
(t lieue dudit chateau asiégé, dans laquele meson estoit les
« logis dudit sieur du Fauet et de Rosampoul, au lieu de
« rédiger par escript ladite capitulation et la signer, ledit
« sieur du Favet s'en retourna aux tranchées et demyeure
« après que les otages furent dans ladite meson de Kerlan,
« ilz furent abandonez, et non seulement abandonez mes
« trahys, car quelques gens de guerre conduisant des co­
« munes y furent envoyés pour les masacrer, et leussent
« esté, sans l'asistance du sieur de Coëtredrez, seul lequel
« garda sa foy et empescha l'entrée dudit logis: jusques à .
« ce qu'il eût fet venir une compaignie d'arquebuziers pour
« les retirer hors la furie du peuple.
« Et lors ledit demandeur fut refusé d'un chanchun de luy
« prester ung bidet ou montui'e pour le porter, selement
« qu'il fut contl'aint de suivl'e quelque temps à pied, et ledit
« sieur de Kerandran: ostage avec luy, coment il monta sur
« ung cheval et ayant à la haste prins par mesgarde le
« manteau dudit sieur demandeur, il fut prins ' pour Illy et
« asume (assommé) incontinent par la commune. Ladite
« trahison et perfldie, . come estime ledit demandeul', ayant
« este Fete pour le m~sacrer, ledit sieur du Fauet estant son .
« enemy, parce qu enViron un an ou · enVIron auparevent
« ledit siège, ledit sieur du Fauet, le sieur de Hosanpoul et
« quelques autres capitaines de la g'arnison de Morlès,
« tenans le party de la Ligue estoint venus aveques sept ou
« huit cens homes de guerre et habitans de ladite vile pour
« piler uu bourg apartenant audit demandeur, de quoy
« ayant iceluy demandeur este adverty, et des voleries et
« violements de fames qu'ilz fesoint, monta à cheval avecque
« quelques gentizomes et ses valetz, et ayant rencontré
(1) Kerlan, en la paroisse de Sibiril •

« lesdites tt'oupes venant ft sa maison (1), les sezit, et la
« fortune fut si favorable audit demandeur qu'il s'adressa
« audit sieur du Fallet, chef ùesdiles troupes, lequel il bleza
« de trois coups d'espée, et tout depuis est demeuré estropIe
« d'un bras; rnès pour tout cela, ledit sieur du Fauet ne se
« debvait pas souveniL' de cest accident ni le vanger pour
Πlors SUl' ledit demandelll', quil avait eu pour hotage de .
« ladite capitulation et auquel il avait promis la foy.
« Après la mort dudit sieur de Kerandrau, ôtage avecques
« ledit demandeur et lequel on avoit cru .pour luy, ung
« soldat de ladite troupe, plus home de bien que ses capi-
« taines, voïand à ses desloyauté, reconoisallt bien ledit
« demandeul', le monta sur ung mescant (méchant) hidet
« et luy donna moyen de se sauver de la furie desdites
« comunes (2).
« Et sestant garent y de ce danger, ledit demandeur fut
« mené par le comandement dudit sieur du Fauet et ses
« compaignons, chefz duditasiègement, prisonier dans la
« ville de Morlès, tenant pour lors le party de la Ligue, et
« fut détenu dans le logis dudit sieur de Quoëtredrez, par
« l'espace de quatre jours.
« Après ceste perfidie, et au préjudice de ladite capitula­
« tion acordée, ledit sieur du Fauvet et ses compaÎgnons
« ayends continuez le siège dudit château de Kerouzéré,
« ledit de Coatinisan, qui se santit presé, fut contraint
« d'acorder une autre capitulation, bien moindre que la.
(1) Le manoie de Rargrec'h, en la paroisse de Plouigneau, évêché de
Teéguiee. C'est dans cette paeoisse qu'était situé le chef-lieu de la seignemie
de Goezbdnnd. Les seigneurs de cette maison étaient, comme ' fondaLeues
les premiees prééimnenciees de l'église de Plouigneau. Ils avaient aussi
des droits honorifiques" dans les églises de Ploujei:m', Plouégat, LanmeUl'
Saint-Jean-du-Doigt, Plouézoc'h, et dans la plupirt des églises et de~
couvents de Moelaix. Le bourg désigné ici est le bourg de Plouigneau .

("~) On voit que le mot commune est constamment employé pbur signifjee
le peuple de la campagne, la paysantaille, comme dit le chanoine Moeeau.
BULLETIN ARCRDOL. DU FINISTÈRE. - TOME XX. (Mémoires). 11.

« première, laquelle fut agréée par lesdits sieurs du Fauet -
(( et de Kersauson, come chefz, par laquelle capitulation
«( novèle, il y eut ung article acordé que lesdits sieurs du
Fauvet et Km'sauson feroint conduire en toute sùreté au
«( château de Tunquédec ledit demandeur, qui leur avoit
« esté baillé en otage d'auparavent. .
« Laquèle dernière capitulation fut ausy bien violée que
« la première, car nonobstant icelle, ledit sieur de Coëdinisan
« fut quatre jours après ledit demandeur mené prisonnier à
« Morlès, où ils furent détenus quelques jours, aveques
(( onze geutizomes de leur suilte, à sçavoir six dudit deman­
« deur (1) et cinq dudit sieur de Coatinisan, et gardés par
«( les soldats desdits sieurs du Fauet, Rosanpoul et Carné.
« Lesdits g'entizomes qui asistoint ledit demandeur perdirent
( leurs chevaux, armes et équipages.
. « Après cela ledit sieur du Fauet, le sieur de Gonlène,
« son frère, les sieurs de Coatrédez, Carné et autres, estant
«( chefz et capitaines audtt siège, conduisirent lesdits sieurs
c( de Coëtinisan, le demandeur et autres prisoniers à Hen­
( bont, trouver ledit sieur duc de Mercur, et dé là, les em­
( barquirent à Blavet (2), et dans le navire où on les mit y
« avait dix-huit arquebusiers dudit sieur de Goulène, père
( dudit sieur de Favet, pour les garder.
( De là, on mena les dits prisoniers à Nantes, dans le
( château de laquele vile le dit demandeur a esté détenu plus
« d'ung an, aveques tous les mauvez et rigoureux trètementz
« qui se (peuvent) dire; les six gentizomes ausy qui
« l'asistointont estés détenus longtemps, et paiés grosses
( SUffies (sommes) de deniers pour leurs rançons et pour leur
(t) Au nombre des gentilshommes de la suite de Goëzbriand prisonniers
à Nantes étaient Jean de Coëtlogon, sien l' de Kerhuël, et Pierre de la
Boessière, sieur de Cosquérou. .
(2) Blavet, aujourd'hui Port-Louis, près de Lorient, à l'embouchure du
Blavet.

« dépance, toutz lesquielz l'l'ès et dépances sunt tumbées sur
« le demandeur, ' ,
« Le dit demandeur ayand ja este longuement détenu prl-
« sonim', au dit château de Nantes, eL ne pouvant sortir, le
« dit s'eur de Mercul' luy fit dire que, s'il voulait estre mis
« en liberté, il Caloit qu'il fit sortit' deux espagnolz, l'un
« apeUé le cOlltador GonLierez (1), et l'autre, dom Martin de
« Gourpidez, autrement dit Vilenonna, gouverneur de Dun­
« kerques, qui estoillt. détenus prisolliers à Rennes par le
« sieUl' de Kel'goumal', beau-fl'ère (sic), des dits du Favet et
« ,du Carné, et que le dit demandeur sortirait en eschange
(1 pOUl' eux, soulz lasurence de laquele promesse le dit de­
I( mandeur se fiant, fit ea sorte de fere metl'e en liberté les
« dits espagnolz, pour la rançon desquielz il doibt e:;cores
« par oubligation la sume de quatre mil escus au dit sieur
« de Kergoumar ; mès pour tant il ne sortit pas encores, et
{( pour estre mis en liberté, illuy falut païer la sume de huit
« mil escus, pour forme de rançon, sept cens qaurant.e deux
« escus pour sos gardes, et cinq cens escus pour la dépanse
« pal' Illy fete au dit château, outre les rançons et dépances
« des six gentizomes de sa suilte, qui avoint estés prins
« dans le dit château de Kerouzéré, et la sume de quinze
« cens escus qu'il avoit renboursé au sieur de Lesmoual,
« lieutenant du provost de Bl'etagne, son amy, lequel estant
« venu le voil', pendant son atliscion, sur lasurence d'uno'
« passeport dudit sieur duc de Mercur, fut volé et fet pri-
« sonier de guerre, perdit ses chevaux et équipages et paia
« mil écus de rançon.
« Ces pertes revienent au dit demandeur à près de trente mil
(1) Il était contad!J1' ou trésorier du roi d'Espagne en Flandres, Par
a.rrH du 12. mars '1591, le duc de Montpensier avait ordonné que ce gen­
tIlhomme .tlendrait prison jusqu'à l'élargissement de Goëzbriand, Lorsque
dom M~rt1l1 de Gourpidès sortit de prissn, il donna ~~l {oy à Goëzbriand
de le faire mettre aussi en liberté.

« escus, et quand au dit sieur de Coëtnisan, sortant du dit
« château de Kerouzéré, il ne fut pas mieulx treté, outre ce
« qu'il païa ausy" rançon, contre la dite capitulation.
« Sa meson (maison) fut rasée et ses boes (bois) coupés.
« Dont s'estant pleint au Roy et présanté requestre à sa
« Magesté, le quatrieme de may quatre vingt dix heuf, afin
« qu'il lui pleut condampner le dit sieur du Favet et de Ker-
« sauson a luy rendre et restituer ce qui avait esté exigé de
« luy, au préjudice de la dite capitulation qui avait esté
« acordée, lors de la rendition de la dite place, ensemble
« les rançons des biens meubles et titres qui lui avoint esté
« prins, et outre luy rendre sa dite meson de Kerouzéré en
« tel estat quele estoit, lors de la dite capitulation, aveques
« les depans, domages et intérestz, les parties aiandz estées
« asignées au conseil et respectivement comparues, la cause
« auroit esté instruite et puis renvoyée par devant mon dit
« seigneur le Conestable, par le jugement duquel, donné le
{( treizième de septembre quatre vingts dix neuf, avecques
« l'asistance de mesieurs les maréchaux de France, ques­
« toint lors en cour et aulchuns de' mesieurs du conseil de sa

« Magesté, lesdits sieurs du Faouet et de Kersauson, défan-
« deurs, auroint estés condamnés solidèrement a rendre et
« restituer au dit sieur de Coadinisan les somaires des de­
« niers qu'il se trouverait avoir paiez pour sa .prétandue .
« rançon, ensemble ses meubles, ' canons, titres, papiers,

« armes, et chevaulx, s'ilz sunt en nature, sinon, la juste
« valeur et estimation diceux, au. dire de gens à ce conois­
« sans, et à luy rendre et restituer sa dite meson de Kerou­
« zere en tel estat quèle estoit, en la dite anée mil cinc cens
« quatre vingt dix, paier la dégradation de ses bois, les dé":'
« pans, domages et intérestz qu'il a eus et souferts à cause
« de ceste capitulation violée.
« En cest instance, le dit sieur de Coëtinisan auroit omis
« a fere mention du dit demandeur à poursuivre son intérest,

« encore que l'action fût sy conjointe qllèle ne pèult estre
Il divisée. C'est pourquoy iceluy demandeur qui désiré ausy
(1 bien poursuivre la justice du tort et de l'injure quy luy a
« este fete de l'avoir prins prisonnier et fet paier rançon,
« contre la dite capitulation, qu'a feL le dit sieur de Coëli­
u nisan pour son particulier, encore que l'action du
« dit dema.ndeur est encores plus favorable, estant ôtage,
« sest ausy adressé au Roy, et a pesenté requeste, le 2g
« novembre quatl'e vingt. neu/' (pour 99), tendant a fin d'avoir
u comission pOUl' fere asigner au conseil de sa . Majesté, ou
« pardevent mon dit seigneur le Conestable, les dits sieurs
«' du Faouet et de Kersauson, défendeurs, qui avoint acordé
« et signé la dite capitulation violée, pour se voir condamner
« solidèrement et ung seul pour le tout à paier au dit de­
« mandeur toutes les sumes et deniers qu'il se trouveroit'
« avoir empruntées et païés pour sa prétendue rançon et des
« six gentizomes de sa suilte, qui furent retenus prisoniers,
« ensemble les chevaulx, armes et équipages, ou la juste
« valeur d'iceulx, avesques les dépans, domages et interestz
« par luy soufertz.
« Et par la mesme requeste auroit requis que cependant
« il luy fut permis d'informer pour forme d'examen a futur
« ùes fetz contenus en sa requeste et autres servantz à la
« décision de la cause concernant les sommes et deniers que
« le dit demandeur a empruntées et paiées pour sa dite
Cl rançon et dépances, et dont il n'a pu retirer quitance,
« ensemble de la valeur de ses chevaulx, armes et équipages
« et autres pertes par luy sousfertes, en conséquence de la
« dite perfidie, et d'autant que lors qu'il estoit détenu pri­
« sonier au château de Nantes, il fut contrain pour avoir
« asurence de sa liberté et fère élargir les dits deux priso­
« niers d'Espagne qu'y tenoit le dit sieur de Kergoumar,
« moyennant la somme de 4,000 escus, dont il fit sa dette et
« oubligation, que' cepe"ndant défance fut faite au sieur de

« Kergoumar, beau-frère du dH sienr du Favet, de pour­
« suivre le dit demandeur pour le paiement de la dite sume
« de 4,000 escus, jùsques à ce que cette instance fust jugée.
« Ensuit, ayant este veue et ra portée au conseil du Ro
« notre sire, mesieurs d'içele ayant encores la memoyre
« frèche du procès du dit sieur de Coëtnisan, auroint ieele
« requeste renvoyée à notre dit seigneur le Conestable, pour
« sur icele estre pourvu come de rèson (1).
« Suilvant lequ~l renvoy, s'estant le dit demandeur pOUl'VU
« par devant le dit seigneur Conestablc la dite requeste par

« luy veue, il auroit ordonné, le Be décembre, au dit an 9g ,
« que les dits sieurs du Fauet et de Kersauson seront asi­
« gnés par devent luy. pour estre ouis et voir ordonner ce
(c que de rèson. .

« Suilvent laquele ordonnance, le dit demàndeur ayant
« sceu que le dit sieur du Fauet estoit en ceste vile de Paris,
« pour abr.éger le temps, il auroit fet asigner le dit de Ker­
« sauson, son compagnon, lesquiels s'eslants présentez, le
« plustard toutefois qu'ils auroint peu (pu), mondit seigneur
« le Conestable vous auroit comis et deputé pour fère raport
« de ce diferand, et ordonné que, dans 3 jours les parties
« meteroint leurs piezes, écrire et produire ce que bon lel1r
(l semblera par devent vous, dans 3 jours, pour leur estre à
« leur raport fet droit come de réson.
« Obéissant à laquele ordonnance, qui sert de règlement
« et apointement en droit, en la cause, lors qu'il ne s'en l'et
.. « point d'autres es causes qui se jugent par le dit sieur
« Conestable, le dit demandeur soustient que les fins et con-
« cIusions de sa requeste sont toutes pleines de rèson et de

« Justice.
« Car le d~fendeur ne peust metre en doute que le dit
« demandeur ne leur estre donné en hotage, lors du dit
(1) Celle seconde partie du factum de Goëzbriand, jusqu'à la fin, est
confuse et moins intéressante que la première.

« siège de Kerouzéré, où il commandait, et que mesme par
« la capitulation que iceulx défendeurs signèrent, come chefs
« du dit siège, et que sera cy-après produit, ils firent un
« article exprès que le dit demandeur seroit mené, en toute
« seureté, au château de Tonquédec, dont les lois militères
« vouloint que icele promesse fût arrestée, et de l'avoir fet
Cl autrement c'est une perfidie, et punisable, s'il y en eut
« jamès, car le nom et qualité d'ostage a esté toujours res­
« pecté de toutes gens, come estant lotage donée. Afedera
(1 sansita firmanda inter inimicos et in fidei pignus divul
(1 comedias. De j ure fisc. f. f. (1)
, « Les Homains ayant donné Scelial (?) dame des plus
« illustres familes de leur vile, en otage à Borzsena (Por-
(1 senna), illa eum ad suos clam tranifugisset, restttuta est,
« come dit Tite-live, quia pignore pacis adempto, [œdus
Il violatum visum esset.
« Ceste perfidie est cause du jugement donné pour le dit
• sieur de Coëtinisan . contre les défendeurs, lesquielz con-
« damnez à luy rendre et restituer ce qu'il avoit perdu en
cr conséquence d'icele et à faute de la dite capitulation non
« gardée, la cause du dit demandeur est préjugée par ceste
« mesme action., voire encore cela dudit demandeur est en­
« core plus favorable, car il estoit ostage et donné pour
(1 sureté entre la foy promise entre les dits défendeurs et le
( dit sieur de Coëtinisan.
( Iceulx défendeurs, pour couvrir leur desloïauté, ont
« vouleu dire que toutes ces choses ont esté abolies par le
( dit fet sur la réduction de mon sieur de Mercur et ceulx
« q~i l'ont .asisté, mès ceste réponse a esté trouvée imper­
« tinente, parceque le Roy na estaint et aboly les actes puni­
« sables entre les personnes de mesme party, or n'y a il
cr point de doubte qu'une perfidie tele que cele dont est
(1) Citation altérée de je ne sais quel auteur.

cc question est punisable entre toutes personnes qui scavent
C( que c'est que d'honneur et honesteté.
cc C'est chose ausy fort impertinente et . grossière de dire
« come les dit défendeurs que la dite capitulation avoit esté
« conclue et s,ignée soulz le bon plesir de Monsieur de
(C Mercur, et non autrement, et que ledit Monsieur de
« Mercur ne l'ayant point vouleu gal'der tele quele estoit
C( signée, elle est pour non adve'nue, car le demandeur,
cs. qui estoit donné pour ostag'e et asurence de la dite capi­
« tulation, debvoit donc estre remis en pareil liberté qu'il
(c estoit avant leur estre donné, et la dite capitulation ne
CI debvoit point estre consacrée à exécuter jusques à ce que
cc le dit sieur de Mercur eut icèle agréé ou désavoué, mès
• que le mesme jour quèle fut accordée, elle fut entièrement
« éfectnée de la part des asiégés et exécutée en partie de la
« part des asiégants, car ils levèrèt leurs gardes et congèrent
Il. (pour congédièrent) les communes et partie de leurs genz
(c de guerre et levèrent le siège, entrèrent dans le château de
c( Kerouzéré, suilvant la dite eapitulation; et apl'ès cela de
« dire que M. de Mercur, questoit a quarente lieues de là, '
« n'a pas vouleu garder la dite capitulation, c'est excuse
« trop grosière et impertinente.
« Le dit demandeur donques, soubz votre corection, mon
Ct dit seigneur, mérite pour le moins 'ung pareil jugement
« que le dit sieur de Coetinisan, et mesme doibt avoir quelque
« préférance par desus luy pour se prendre sur les biens
« des défandeurs, parce qu'îlleur fut donné en hotage et fut
cs. plutôt prins prisonier que le dit s~eur de Coëtinisan, car
« ce fut le demandeur qui sentit les premiers efetz de la
« perfidie.
cc Qu'à la requeste du dit demandeur il requiert trois
« choses : la Fe, comision pour fère asigner lesdits défen­
« deurs pour se voir condampnés à luy rendre et restituer
« toutes les somes et deniers que luy et les gentizomes de

« sa suilte ont paiées pour leur prétandue rançon et dépance,
u pendant leur détention, avecques les dépans, domages
« intél'estz; la 2 qu'illuy fut pet'mis l'ère il1fol'mer par
« fOl'me J'ex:amen à futur des fetz SeI'vans à sa canse ; 3°,
CIl que pendant le procez, dMance fut reste au sieur de Ker­
u goumat', beau-frère du dit sieur du Fauet, de poursuivre
« le dit demandeur pour la some de 4~000 escus qu'il luy
CIl doibt de la rançon des Jeux espagnols lIui furent élargis à
« la prièl'e du dit demandeUl' et pour moyener' sa liberté,
« Pour le 1 chef: c'est celuy qui est àjugel' maintenant sur
• les rançons préaléguées; pour le 2 il n'en est plus à
Cl pt'ésant question, estant préalable rebus ut nunc dispo­
« sitis, que la question de droit soit jugée, et les défendeurs
Il condampnés ou absoubz, car en cas de condemnation, la
« preuve que' le dit demandeur croit estre fete avant le juge­
« ment du pl'ocès se poura fère en l'exécution d'icèle,
« .Mès pour le 3 chef, il est souz corectiol1, il est reso­
Cl nable d'interdire au dit sieur de Kergoumar, atandant
« qu'il soit en exécution du jugement qui interviendra, de
« poursuivre le dit demendeur pour le paiement de 4,000 ,
« escus, parceque la dite sume est debue pour partie de la
(C rançon païée par iceluy demandeur, car on luy fit dire que
« jamès il ne seroit mis en liberté s'il ne fesoit élargir les
« dits 2 Espagnols~ pour le renvoy des quielz il s'obligea de
« la dite sume de 4,000 escus, audit sieur de Kergoumar,
« Et conclut le dit demandeur à ce qu'il pleùt à Mgr le
« Conestable fère entériner sa requeste, condamner les dits
« défandeurs solidèr~ment et ung seul pour le tout, Iuy païer
« et restituer toutes les somes de deniers qu'il se trouvera
« avoir empruntées et paiées pour, sa prétandue rançon et
« des 6 gentilzomes estant aveques luy et qui furent retenus
« prisoniers, au préjudice de la dite captiulation, ensemble .
« les armes, chevaulx et équipages, tant du dit demendeur
« que des dits gentilzomes, ou la juste valeur, aveques con-

(1 demnation ausy de tous dépans, domages et interestz
« souferz et à soufril~ en conséquence du violement de capi­
a tulation, et faire ausy défe!lse au dit sieur de Kergoumar
« de poursuivre le dit demandeur pour la restitution de la
« dite sume de 4,000 escus à luy promis pour la rançon des
« 2 Espagnolz, ofrant fère asigner le dit de Kergoumar à
« l'exécution du jugement qui interviendra sur la présante
c( instance par devant mon dit seigneur le Conestable ou tel
« comisère qu'illuy plera cometre et députer.
« Et pour justifier ce que desus et premièrement l'instance
« du jugement de laquele est question aveques le règlement
« dïcele, produit l~ demandeur la dite requeste de .l'enté­
« rinement de laquele est question. présantée au Roy par
« le dit demandeur et renvoiée au ùit. seigneur le Conestable,
« pour sur icele estre fait droit cament il apartiendra ; 1'01'­
« donance du conseil de sa Majesté estant au bas d'icelle
« signée le 'faneur, en date du 26 de novembre 1599.
« Autee requestre par le dit demandeur présentée à mon
Cl dit seigneur le Conestable, le Se de décembre au dit an 99,
« aux dites fins qu'il luy pleut octroier comission suilvent
« et aux fins de la dite requeste à luy renvoyée, sur laquèle
« mon dit seigneur le Conestable, au raport de vous Mon­
« sieur, auroit. ordonné que les défendeurs seroient asignés
« pal'devant luy, à certain et compétant jour, pour eux ouis
« ordonner ce que de résan, come il apert par ordonnance
« esiant en bas, signé Monmorancy, et plus bas par mon
« dit seigneur Moridat, et au-dessus est l'explet contenant
« l'asignation donnée en vertue de la dite ordononce aux d 'ts
« sieurs du Favet et de Kersauson à comparQir par devant
« mon dit sieur le Conestable, en dabte ùu 10 décembre,
(1 signé du Bois .
« Item produit la dite capitulation d'entre le dit sieur de
« Coëtinisan et les défendeurs, qui fut rédigée par escript
« et par eux signée, par laquèle il y. a ung article exprès

(c que les dits defandeurs prometent fère conduire en tout~
(t seuret(} au château de Tunquédec, le dit demandeur, qUl
« leur avoit esté hailé en otage, et au lieu d'y satisfère,
« le rendirent prisonier et luy firent paier rançon, come il a
(1 e~té Jit ci-dessus, laqllèle capitulation est imprimée, et
« dalls le mesme caLer quèle est,. il y a un factum ausy im-'
« primé du fet et merite ùu procès contre lesdits défandeurs,
(1 lequel sert il la cause, le tout esLant comprins soubz la
« lelre B.
(c Itom pl'oduit le jugement donné par le dit seigneur
« Conestable, du 3 septembre 99, entre le dit.sieur de Coëti­
« ùisan et les dits défandeurs, par lequel jugement iceulx
« defandeurs sunt condampnés solidèrement de rendre et
« restituer au dit sieur de Coëtinisan les sumes de deniers
cc qu'il se trouvera avoir paié pour sa prétandue rançon,
« ensemble ses meubles, titres et papiers, armes et chevaulx,
(c s'ils sont en nature, si non, la juste valeur et estimation
« d'iceulx, au diee de gens à ce connoisseurs, et outre, a luy
«( rendre et restituer sa dite nièson de Kerouzéré, telle quèle
« estoit, en la dite année 90 ; luy poier la dégradation de ses
« bois aveques les dépans, domages et interestz qu'ils ont
« eus et sorifertz, à cause de la dite capitulation, et sauf
« leur recours aux dits défandeurs contre qui ils adviseront
Il bon estre, lequel arest sert de préjugé en ceste cause
({ pour le dit demandeur, l'action duquel est encore plus
({ favorable q.ue cele du dit sieur de Coëtinisan, et procède
« en la mesme capitulation violée, le dit jour, cotée C.
« Item pOUl' fère aparoir par le dit demandeur de partie .
« de ses pertes advenues en conséquence du violement de
« la .dite capitulatïon, et des sumes par luy paiées pour
c( satisfère à sa rançon et de ceux qui estoint aveques "Iuy et
({ de sa suilte et par le dit demandeur empruntées d(:) quel-
« ques particuliers souhz autre cause estant tenu prisonier
« aveques tèle rigueur qu'il n'osoit mesme déclarer que les

« dites sumes fusent pour le paiement de sa rançon, joint que
« pour ceste cause il ne sen trouvoit personne qui luy en
1/. voulit prestir :
• La 1 est une procuration par luy passée à Nantes,
« le 9 de juillet 92, pour laquèle il donne povoir à dame
Cl. Henée de la Marzelière, sa fame, de prendre et de recep­
« voir tons et chacuns ses revenus des fruitz de toutes et
(! chenchunes les sumes des deniers qui luy sont dues, pour
« quelque cause que ce soit, ensemble de vendre et aliener
• ,le tout ou partie de ses biens et héritages ou les ypotecquer
« pour fère de l'argent pour le paiement de sa dite prétandue
(! rançon, la dite procuration escripte en deux feiles et demy
« de papier, signé Grandet;
« La 2 est un jugement donné par M. le duc de Mont­
« pensier, lors gouverneur de Bretagne, en dabte du 2 mars
« 1591, par lequel il est ordonné qun nomès Goutieres tien­
(( dra prison jusques à ce que le duc de Mercur eut consent y
« lélargissement du demandeur a pur et a plein, sans auchune
« rançon ni dépance, et que cependant le sieur de Gourpieres
• seroit somé de satisfère à 8a parole, ]e dit jugement, signé
« Henry de Bourbon, et plus bas: Brasot.
« Ausya produit le demandeur certaine oubligation que les
(( sires Feilleteau et Le May ont obtenue sur ce demandeur,
« le 8ieur de Kerrocheu et Kerautem estant ausy oubligez
« polir la 8ume de 2,500 escus ; et ausy autre acte passé du
« metme jour, par entre le demandeur et les dits sieurs de
l( Kerochou et ~e Kerautfm, Fartant recoIll1oissance du dit
« Goezbriand aux sus dits que ]a dite sume est oit pour
« tourner à t on profit, prometants aux dits sieurs Kerochou
(, et Kerautem les indamni8er vers les dits Le Mayet
« Feileteau du contenu audit oublige. A usy a produit les
« quitances du dit Le Mayet Feileteau, du contenu au dit
l( oublige, et outre avoir paié 200 escus pour le risque des
« dits deniers;

« de KerochlOU avait obtenu sur le demendeur de la sume
Cl qui estoint au Boule. (Le Bouffay, à Nantes.)
(l Ausy a produit la quitance de Galinière, trésorier des
u D'uères du sieur de Mercur, d'avoir resceu la sume de
« 1,200 escus, par les malUS u sieur de Kergoët, à valoir
« en la rançon du dit demandeur, et ce par comandemellt du
u sieur 'de l\'Iercur, le dit paiement fel quatre mois aprés la
Cl la sortie du dit de Goezbriand de la prison. »