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Bulletin SAF 1893


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Etude précisée sur l’Histoire des temps préhistoriques

M. Halna du Fretay

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ÉTUDE PRÉCISÉE
SUR
L'HISTOIRE DES TEMPS PRÉHISTORIQUES.
Dans un compte rendu de mes ouvrages, publié au Bulletin
de 1890, l'éminent Président de la Société d'émulation des

Côtes-du-Nord, le comte Geslin de Bourgogne, en parlant du
titre que je revendique, d'historien de la: Bretagne préhisto-
rique, dit aussi : « Quelle est · l'invincible conviction
de l'auteur dans ses assertions nouvelles et hardies, mais
des preuves multiples étudiées avec une expérience
basées sur
consommee ».
La Société archéologique du Finistère ne reste pas en
arrière dans cette voie, et il est dit, page XV (Séance du 28
octobre 1891) .:
« Le baron Halna du Fretay communique de nouvelles
les monuments préhistoriques de la péninsule
observations sur
à l'appui de's thèses qu'il soutient avec
bretonne. L'auteur,
l'ardeur d'une profonde conviction, cite des faits nombreux et
Cette étude est le fruit de longues recherches et
concluants.
de patientes observations». .
Dans ce nouvel ouvrage, je serai encore plus précis, comme
l'indique mon titre, et en faisant cette rapide étude ethnogra­
du plus lointain passé, j'établirai la possibilité d'une
phique
des monuments préhisto­
chronologie certaine dans l'étude
des divers âges.
riques
de travail et d'explorations assidues
Trente-six années
des certitudes successives, et aujourd'hui il n'y
m'ont donné
moi d'hésitation, ce qui m'a permis tout dernière­
a plus pour
ment encore de fixer non pas une date précise mais une époque
pour une fouille de la plus grande importance que j'ai faite
pour la Société archéologique du Finistère, celle du grand

tumulus de Kerbernez, en Briec, pour lequel j'ai indiqué une
antiquité de deux mille ans avant notre ère, malgré le fait
expliqué cette anClennete ~ar des preuves répétées.
Une série de constatatIOns semblables donne · forcément
une autre répétition donne lieu à un
l'idée d'une époque;
résultat du même genre; c'est ainsi que de preuves en preuves
et de constatations en constatations, on établit la succession
la comparaison. Le plus ou moins de perfection dans les
par
constructions, les armes et l'outillage donne, d'autre part, la
succession des siècles et l'auteur peut parler, non-seulement
ayec science mais avec conscience.
Voilà le résultat d'un travail acharné. ·
Je parle pour les chercheurs sérieux, et je ne serai peut-
pas bien compris par les écrivains satisfaits qui n'ont
être
que · leur bureau, ce qui ne les empêche pas
. jamais exploré
d'affirmer le bien fondé de leurs vieilles théories.
Il ne faut remonter qu'à quelques années pour avoir le sens
des premières notions sur l'histoire préhistorique.
Dans la quatrième séance du Congrès archéologique de
Bretagne, à Saint-Pol-de-Léon, le 12 septembre 1888, le
comte de Keranflec'h de Kernezne, notre ·savant confrère,
de dire, avec sir James Fergusson,
avait parfaitement raison
que la nature du sol avait dû influer sur la construction des
dolmens et que l'absence de ces monuments, dans certains
pays, s'explique par l'absence des matériaux.
En revanche, je suis bien loin de faire l'éloge du mémoire
lu au même Congrès de Saint-Pol-de-Léon par M. Robiou,
professeur honoraire de la Faculté des lettres de Rennes,
de l'Institut; il se demande si la science ethno­
correspondant
de déterminer par quel
graphique contemporaine permet
peuple ou par quels peuples ont été élevés les monuments
mégalithiques.
Il dit d'abord qu'il n'y a pas incompatibilité entre le dolmen,

autel druidique, et le dolmen, sépulture: ce qui est une très
profonde erreur .
Le dolmen, je l'ai déjà établi, est toujours la protection sur
le mort, et il faut chercher les cérémonies du culte druidique
près des alignements de menhirs, au milieu des cromlechs et
des sanctuaires de toutes tailles que l'on trouve dans notre
Bretagne comme dans bien d'autres pays: cercles entourés
aussi de menhirs, quelquefois de pierres brutes amoncelées,
mais rai'ement de terre seulement, avec ou sans menhil's au
centre ou dans les côtés.
Les premières populations ont élevé tous ces monuments
dans l'Extrême-Orient, et la coutume en a été conservée par
tous les émigrants quittant leur pays d'origine .
On ne peut donc pas dire que cette coutume est spéciale à
un peuple; elle est le résultat d'une tradition due à une
ongme commune.
M. Robiou n'est pas de cet avis; mais, de sa part, c'est une
simple hypothèse, car il ne donne aucune preuve et il ne
pourrait en trouver aucune plausible; il croit qu'il est à peine
, besoin de protester contre l'affirmation d'une race unique
allant porter cet usage des monuments en pierre brute d'un
bout à l'autre de l'ancien monde; il croit aussi que les
menhirs ont été élevés pour perpétuer le souvenir de certains
hommes renommés, et que les cromlechs sont la décoration
d'un lieu funèbre.
J'ai une grande expérience qui m'a appris le contraire de
la façon la plus certaine. Les cromlechs, je le répète, sont des
sanctuaires et les menhirs ont été élevés aussi avec la signi­
fication d'attributs religieux. Les menhirs d'une même époque
sonttellement nombreux sur certains points qu'il est très témé­
raire de penser et surtout d'écrire qu'un pays très peu peuplé
relativement ait pu posséder en même temps tant de grands
hommes dont on devait, par ces pierres levées, conserver le
souvenir après leur mort. .

1\1. Robiou s'est occupé aussi de la chronologie des monu-
ents préhistoriques; il cite Fergusson, mais ne conclut pas,

historiques, appartIennent peut-etre aux temps hIstOriques,
Sur ce point, il a raison, et je peux dire hautement, avec
rem'es à l'appui, que l'histoire préhistorique se continue de
et l'usage des métaux et des pierres concurremment et s'épa­
rément, jusqu'au V siècle de notre ère, d'une manière géné-
rale.
Ensuite et pendant plusieurs siècles encore, mais d'une
facon moins suivie et de plus en plus par exception, on a obéi

à la même tradition; c'est ce qui a trompé tant d'archéologues
de tous les pays, qui, trouvant un dolmen intact, avec un ou
plusieurs squelettes, lui attribuaient une haute antiquité, ne
pouvant s'imaginer que dans cette sépulture appartenant aux
temps historiques et postérieure à l'irit,'oduction des lois
chrétiennes, le rite païen de l'incinération avait été remplacé
par l'inhumation.
Je ne peux, en vérité, refaire tous les ouvrages parus; je
dis seulement la cause de l'erreur générale.

Plus tard, au Congrès de Dinan, en 1890, M. Robiou a lu
un long mémoire puisé, pour la plus grande partie, dans cinq
de mes ouvrages. : « J'ai eu bien raison, dit-il, de combattre
ces préjugés trop longtemps accrédités, et ces hypot~èses
. gratuites de la lente succession des âges de la pierre taillée, de
la pierre polie, du fer et du bronze, au lieu de voir l'emploi
»; mais il pense que j'ai élargi, d'une façon trop
simultané
la question très vraie pour la Bretagne, en assurant
prématurée,
de l'incinération, hors la Judée et une partie
l'universalité
de l'Egypte dans tous les temps antérieurs au christianisme.
Je réponds aujourd'hui en affirmant de nouveau que l'Egypte,
à son début, a connu l'incinération; et, que, du temps des

momies, sous les diverses dynasties, des temples sont. restés
au rite de l'incinération. .
encore consacrés
Le principe de l'inhumation prend sa source dans le senti-
ment d'une civilisation plus avancée et dans l'idée entrevue .
vie meilleure dans un autre monde .
d'une
L'incinération a d'abord été partout le l'He; la grande civi-
en avance de bien des siècles sur le reste du monde,
lisation,
a changé, pour l'Egypte, cette coutume antique, et il en a été
ainsi au début de son histoire pour le peuple juif, précurseur

du Christ.
Grâce à cette civilisation si complète, les procédés d'em­
ont été découverts et le rite de l'inhumation a
. baumement
commencé, puis est devenu, sauf de rares exceptions, une
coutume générale.
. Dans l'histoire de l'Egypte, nous voyons; dit M. Robiou,
que la loi de Zoroastre interdisait sévèrement la combustion
des corps humains. M. Robiou s'est donc condamné lui-même
en affirmant que l'inhumation avait toujours été le rite funé­
de l'Egypte. La loi de Zoroastre, relativement peu
raire
ancienne et interdisant l'Incinération, prouve que la première
bien de mettre le mort sur un bûcher.
coutume était
Zoroastre, d'ailleurs, était persan; son enseignement reli-

gieux était fondé sur le dualisme du bien et du mal qui doit
son idée dernière devint le culte du
finir par triompher, et
feu.
. M. Robiou n'aurait pas det l'ignorer, et c'est ainsi que, tout
en disant que j'ai raison pour· la Bretagne, en affirmant la
coutume unique de l'incinération avant l'ère chrétienne, il
fait une erreur bien grande en assurant qu'il ne faut pas
au reste de l'Europe et à l'Asie.
appliquer cette règle
le contraire qu'il aurait dû dire, puisque les consta­
C'est
nous donnent l'incinération comme générale, et
tations vraies
des cas très peu nombreux d'inhumation avec une antiquité
peu prouvée.
très

pour le reste, mes ouvrages ont seryi de texte à M. Robiou
ct il ne me contredit indirectement que sur ce seul point de
l'Egypte, où il ne m'a pas compris, ce qui lui a fait commettre
une faute historique. Mon livre reste toujours vrai et les
inhumations amenées par les premières civilisations de
l'Egypte ont remplacé les incinérations primitives dont j'avais
parlé.
M. Robiou s'est beaucoup inspiré aussi de Fergusson.
L'écrivain anglais s'est beaucoup promené mais n'a que fort
peu vu par lui-même l'intérieur des monuments mégalithiques
il a eu pourtant, à côté d'erreurs, l'intuition de
inexplorés;
quelques vérités; il a été combattu surtout pour avoir dit que
les dolmens n'étaient pas très anciens; et il avait là parfai­
tement raison, car l'histoire préhistoriqne pour les Gaulois
se continuer après le début historique de l'ère chrétienne.
doit
Pendant bien des siècles encore de notre ère, on a élevé des
tumulus et des dolmens, continuation d'une coutume qui,
la Gaule, datait de plus de trois mille ans; c'est le
pour
résumé de ce que j'ai prouvé dans mes précédentes publications.
Mes recherches si assidues et mes fouilles continuelles
pendant un temps si prolongé me dictent cette conclusion,
après avoir lu et rectifié tout ce qui a été écrit sur l'histoire
préhistorique ..
M. Robiou, qui n'a jamais rien cherché sur place, n'en pose
pas moins ses règles de la critique historique qui doivent être
plus rigoureuses encore lorsqu'il s'agit d'une époque antérieure
à l'histoire, car l'histoire, dit-il, a des textes, des inscriptions
de déchiffrer, tandis que la science archéologique
qu'il suffit
ne peut se suffire à elle-même, faute de textes précis.
de plus qu'on ne peut établir de chronologie certaine
Il croit

et qu'il n'est pas à prévoir que la science fasse jamais de
progrès sur ce point. M. Robiou semble ignorer que pour
un sujet quelconque de l'histoire préhistorique il
écrire sur
faut avoir vu par soi-même; ce que j'ai fait pendant toute ma

vie, et ce que ni lui ni bien d'autres n'ont jamais pu faire.
Son travail n'est en somme que la négation de l'affirmation
possible par suite de comparaisons sur place. Ces compa­
raisons, sur des faits répétés et bien constatés, peuvent parfai­
tement suppléer aux textes anciens.
M. Hobiou, cherchant toujours en professeur les textes
écrits, n'en trouve pas d'assez lisibles sur le passage des
populations préhistoriques de l'Europe; mais ils sont écrits
pourtant pour le savant qui sait lire et reconstituer le passé
dans les grands monuments, dans les stations, par les armes,
par les outils, par tous les objets qui ont servi à l'homme
préhistorique, enfin par les sépultures, leurs variétés de plus
en plus perfectionnées, et prouvant non moins bien que le
mobilier funéraire la série des siécles.
Les preuves remplacent le texte qui manque et ce texte
s'impose au savant qui, au lieu de chercher la vérité dans les
écrits des autres, a reconstitué sur place la vie de nos premiers
ancêtres.
Au Congrès archéologique de Dinan, après une réponse où
j'approuvais le mémoire d'un de mes collègues et quelques
paroles du président, j'ai âjouté :
me suis déjà prononcé à ce sujet en disant que l'hypo­
thèse n'est permise d'abord qu'avec prudence; les découvertes
successives font ensuite de chaque hypothèse une vérité et
peu à peu l'histoire préhistorique se complète. J'ai toujours
marché d'ailleurs avec la plus grande circonspection, mais
quand j'ai vu qu'une chose est certaine, indiscutable, je le dis
carrément; je n'ai pas hésité, à mon début d'écrivain, après
mes longues recherches,devant les hésitations de mes collègues
qui n'osaient ni approuver ni désapprouver mes assertions si
nouvelles. J'avais terminé en disant que je continuerais mes
recherches, mes études, mes écrits, et que si ma vie était
longue, mon bagage scientifique serait considérable, assuré

d'être sans contestation l'historien fidèle de ces temps SI
reculés.
Le fouilleur expérilnenté qui cherche tous les secrets de la
,"ie des peuples dont il veut écrire l'histoire a une supériorité
'ncontestable qui écrase le compilateur; c'est la diflérence du
connu acquis au vague ll1connu qui se manifeste par des
divagations où l'illlagination seule est en jeu au détriment de
la science et de l'histoire.
L'homme qui se donne pour mission d'enseigner aux autres
est nécessairement un professeur ou un chercheur.
Au premier, qui, pendant toute sa vie ne connaîtra que sa
table de travail et sa chaire, il faut les textes écrits dans les
livres; il ne peut apprendre à ceux qui l'écoutent que d'après
ces seules données, et, dans ce dernier cas, il ne saurait et ne
peut les rectifier. '
Le chercheur, au contraire, verra, par les fouilles suivies
continuellement pendant un grand nombre d'années, l'histoire
non écrite, mais visibles avec toutes les preuves les plus
saisissantes destinées à confondre les plus incrédules et à
démontrer en même temps le peu de foi que l'on peut avoir
dans le plus grand nombre des livres du passé.
la vérité sur l'ethnograpbie
C'est ainsi qu'il faut chercher
des temps préhistoriques par les faits répétés à toutes les
époques: les degrés de la civilisation sont faciles à juger,
même après plusieurs milliers d'années, et on remplace les
écrits qui n'existent pas par les preuves réitérées dans les
vestiges laissés par les premiers habitants de la terre et leurs
successeurs.
Voilà la seule manière d'écrire l'bistoire vraie sans avoir
besoin de textes; mais une pareill~ :étude demande une
science profonde, un esprit d'observation non moins profond
et une expérience si complète qu'elle ne permet pas l'ombre
d'une erreur .

L'attention doit se porter sur les moindres ~étails ; exemple .
Il existait encore dans l'Inde, il y a une douzaine d'années,
une race déshéritée qui n'avait pour toùt costume que quel-'
ques feuilles avec des ceintures et des colliers de graines ;-ces
hommes ne connaissaient pas l'usage des métaux.
Voilà donc un peuple absolument primitif, souvenir bien
lointain d'un passé disparu, ne connaissant pour les usages
de la vie comme pour l'attaque et la défense, autre chose que
la pierre travaillée; pour eux cet âge a duré jusqu'à nos jours,
sans être entamé par l'effet des siècles; c'est une preuve
saisissante de plus de ce que j'ai dit dans mes ouvrages.
Il y a eu à toutes les époques des peuples arriérés, oublieux
du passé meilleur de leurs ancêtres, existant simultanément
avec des peuples dont la civilisation était à peu près complète;
on ne peut donc fixer pour l'humanité un âge défini de la
p'Ïerre, mais pour beaucoup de régions on peut tirer des pierres
taillées des conclusions certaines.
Voulez-vous trouver, à défaut de texte écrit, le texte véri-
table de l'histoire préhistorique? Regardez les silex taillés;
non pas de rares échantillons mais des objets de premier
choix comme au musée du Vieux-Châtel, où on peut étudier
les variétés des types qui se comptent par milliers, tous ayant
un but défini; toutes les ébauches ou éclats ayant été rejétés.
On verra clairement la défense, la chasse, l'industrie pri­
mitives; c'est dans cette dernière catégorie surtout que l'on
peut juger les instincts et même le génie de l'homme avant
l'histoire. Regardez toute la série des grattoirs, des gouges,
des poinçons, des scies et vous comprendrez une civilisation
relative et l'usage sous les formes les plus variées des usten­
siles de ménage et des ornements en os et en bois.
Les silex seuls ont résisté au temps, mais, par ces instru­
ments, on peut reconstituer le mobilier de ces peuples, de

même qu'avec d'autres silex on peut juger leur attaque, leur
défense contre leurs ennemis, leurs chasses et leurs pêches.

En résumé la science préhistorique restée dans l'inconnu
a fait depuis quelques années de bien grands progrès; mes
et mes successeurs diront qu'elle a été ma part
ide en avant; mais je n'oublie pas que
marche rap
je dois faire les plus grands éloges de l'œuvre de MM. Louis
et René Galles qui, les premiers, il Y a vingt-cinq ans environ,
ont deviné puis défini l'usage des dolmens, sépultures évi-
dentes.
C'était beaucoup pOUl' cette époque, et si ces hommes si
remarquables n'ont pas toujours trouvé dans le détail des
conclusions absolument exactes, le résultat était déjà consi­
dérable pour le moment où ils ont écrit. MM. René et Louis
Galles resteron t pour la postérité de grandes figures de cher­
cheurs et deux gloires de la société polymatique du Morbihan.
Les deux cousins ont été les promoteurs de l'œuvre que j'ai
complétée et les grands acteurs de ces fouilles qui ont fait
de bruit. Un grand pas était fait, et la sépulture était
tant
prouvée sous les dolmen's et les tumulus de toutes grandeurs.
Si plus tard j'ai trouvé des conclusions absolument con­
tI'aires à celles qu'ils avaient émises, il ne faut voir là
pour eux que la suite des idées ayant cours partout et ayant

force de loi, à cette époque. ,
aussi
J'ai été obligé en effet dans un de mes ouvrages de prouver
que l'inhumation indiquée pour la presque , totalité de ces
monuments mégalithiques avait été remplacée par le rite de
l'incinération. Mon ouvrage, à ce sujet, a eu l'approbation du
monde savant; c'est chose jugée.
Mais la renommée bien grande des deux cousins n'en souffre
pas, et ils ont eu le grand mérite de répudier les écrits erronés
des auteurs sur les grandes pierres druidiques; après eux,
le dolmen n'est plus un autel à sacrifices mais un, tombeau,
que l'idée première d'un chercheur est complétée ,
c'est ainsi
le travail d'un successeur et qu'on arrive à la vérité.
par
chefs religieux, et à leur culte, les
J'ai laissé aux druides,

sanctuaires de pierres levées, les cromlechs et les alignements.
Le monde savant a admiré les découvertes du Morbihan et
le musée de Vannes, si remarquable, est unique' au monde,
sinon par le nombre, au moins par la rareté des objets trouvés
dans les plus grands monuments mégalithiques qui aient été
fouillés.
Il est facheux que la Société polymatique du Morbihan ne
marche plus dans cette voie; les travaux continuent, mais en
dehors de l'étude des temps préhistoriques qui avait fait son
illustration; et les découvertes sont bien rares.
La Société archéologique du Finistère, au contraire, grandit
tous les jours et ses recherches, ses démonstrations se conti­
nuent d'année" en année, fixent absolument les termes d'inter­
prétation de toutes les époques préhistoriques; plusieurs de
ses membres sont de savants archéologues, ayant compris
depuis longtemps que les grandes pierres des monuments
mégalithiques, les menhirs, les cromlechs, comme toutes les
armes et les instruments, parlent pour qui sait lire.
En un mot, dans la recherche de l'histoire des tem ps préhis­
toriques, celui qui a fouillé beaucoup lui-même est bien
fort et ne craint aucun adversaire, compilateur d'écrits anciens
plus ou moins fantaisistes. "
L'étude du silex m'a beaucoup aidé, mais je ne me suis
prononcé qu'après en avoir eu entre les mains un nombre
considérable qui peut se chiffrer par centaines de mille.
Je n'ai pas cherché de preuves dans les signes divers et
gravures que l'on a trouvé sur divers monuments spécialement
à Gavrinis ; il ne faut pas voir là une sorte d'écriture du temps
passé, et ces signes ne peuvent être considérés comme des
textes, pas plus que les gravures sur os trouvées dans cer-
taines cavernes; les unes sont des signes symboliques, d'au-
tres la recherche de la reproduction de ce qui avait frappé les
yeux de l'homme primitif.
Il faut chercher uniquement dans les comparaisons les

époques exactes d'ancienneté pour tous les monument~ me~a-
lithiques; les mêmes procédés répétés remplacent les 1l1SCfl~­
tions qui n'existent nulle part, et les changements, les ame-
fixent cette chronologie.
liorations
Un lecteur inexpérimenté peut dire, peut-être, qu'il y avait
des ouvriers plus ou moins habiles;
alors comme aujourd'hui
c'est possible, mais le raisonnement n'est pas admissible, car
la construction d'un monument important destiné à recevoir
une sépulture était toujours l'œuvre d'une nombreuse tribu,
on admettra bien que sur Je nombre il y avait des hommes
plus intelligents que les autres pour diriger la masse.
Au point de vue historique, il faut admettre qu'une cons-
truction imparfaite a précédé nécessairement celle qui indique
le progrès.
Une seule condition est indispensable pour établir cette
chronologie, c'est de faire avec l'esprit de suite et d'observa­
tion un nombre considérable de fouilles et de recherches sur
place.
Une conclusion ne s'impose pas de prime abord pour celui
pas dans ces conditions; pour moi-même, à mon
qui n'est
début eL pendant bien des années, je me suis contenté de 0
prendre des notes minutieuses; les compal~aisons ont fait plus
moi la lumière et j'ai pu alors formuler des vérités
tard pour
incontestables.
Baron HALNA DU FRETAY,
Vice-président de la Société archéologique du Finistère.
Château du Vi('ux-Châtel, par Quéménéven (Finistère), Z2 février 1893.

. QCCSlO

BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTERE. ' TOME XX. (~lémoires). 6.