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Bulletin SAF 1892


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Notice sur la vie et le culte de saint Edern

Dom Plaine

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


très légers, tandis qu 'au couvent des Augustins, chacun des
côtés est éperonné par quatre lourds piédroits; d'où il
résulte que le cloitre des Carmes présentait sur un gl'and
développeme~t un asped supérieur de légèreté et de har­
diesse , quoiqu'en étant au.ssi solide. Mais celui-ci n'existe
plus maintenant et glt renversé sur le sul.
Ce serait donc une raison de plus pour que la Société
d'archéologie exprimàt le vœu de conserver les restes du
cloitee des Augustins de Carhaix, Il y en a si peu à surviyre
désormais,

NOTICE SUR LA VIE Err LE CULTE DE SAINT ÉDERN
PAn LE R. P. J)O~I FnA~çols PLAIXE.

E;deyrn ou Edern n'est pas un nom inconnu en hagio­
graphie. Il a été porté par deux saints gallois, dont le culte
a persisté mème après le schisme de Henri VIII. Il a été
porté aussi par un saint anachorète Cles envil'ons de Quimper,
qui fut entouré de son vivant d'une telle popularité, que son ,
nom est r'esté attaché il t.I'ois .localités ùu pays: Edern près
la mème ville de Quirnper, Lannédern plus rapproché de
Chàteaulin, et Plmiédel'll dans la hanlieu~ de Lallderneau et
dans l'ancien Léoll.
..Jes hagiographes et archéologues bretons paraissent

cepenùant avoie oHblié ce der'nier saint gdern, ou du moins
jls ne nOlis apprennent rien de pl'écis, soit sur le ' pays qui
l'a vu naître, suit sur le temps olt il a véc~I, soit sur les
de piété et lp,s J'ails mi.I'i\clllf'llx qui ont rendu SOli
actions
nom ft jamais glOl'ictlx.

Ainsi le P. Albert Le Grand et ~L de Kerdanet, son con-
tinuateul', n'-ont mème pas artümlé son nom~ D. Lobineau,
de son cote, n ayant trouve aucun texte anCien relatif à ce
persoI~nage, ne proposait l'ien moins que de l'identifier avec
saint Ete l'IHln , neveu de saint Colomba et évêquè en Écosse,
prétexte qu'il y avait ressemblance de noms. C'était,
sous
à Vl'ai dire, augment.et' la confusion.
Plus récemment, M. de Blois, qui avait 'étudié avec tant de
l'histoire de Quimper et de ses environs, ne connaissait
soin
néanmoins saint Edern que par les sculptures sur bois qui
ornent le portail de Lannédern. Ces sculptures offrent, en
un grand intérêt, mais encore faut-il qu'elles soient
effet,
éclairées et expliquées par d'antres textes, ou par la tradi­
tion, sans quoi elles demeurent énigme et lettre dose.
Plus heureux que mes devanciers, j'ai pu, grâce à l'inter­
veütion de 1\1 gr' Nouvel, de pieuse mémoire, et à l'obligeance
de feu M. Roudaut. curé de Ploudil'v. obtenir communica-
tion et copie ù'un double document qui va permettre, ce
semble, de déterminer dans quel pays est né saint Edern,
dans quel temps il vivait, quelles localités il a sanctifiées,
par quels miracles principaux il s'est illustré.
Le premier ùe ces documents n'est autre chose cependant
qu'une analyse de l'ancienne vie latine du saint en question,
bien sèche et bien incomplète, il faut l'avouer. Elle
analyse
n'en a pas moins un gl'und prix à 110S yeux; cal' c'est grâce
à elle qu'on peut afllrmel' en premier lieu que cette ancienne
se conservait enCOI'e au siècle dentier, et que nous en
vie
résumé fidèle; en second lieu, que le cantique
avons ici un
breton, qui forme mon second document: a été semblable­
ment calqué sur ladite vie.
Cette pièce, en breton décadent, comme s'exprime de
~1. l'abbé Favé, ne paraît pas antérieur au XVIIIe siècle, Elle
dut ètrc composée pOUl' empêchc,' le souvenir- de la vie et
dcs mil'aclcs de saint Edcm de se perdre dans les localités

dont il était patron. Par malheur, elle n'est plus connue que
d'un petit nombre de personnes. Mttis M. l'abbé Roudaut en
a donné une nouvelle édition. Il paraît donc important de
publier, malgré ses défants, son édition.
la ferai précéder d'une notice sur la vie et le culte de

saint Edel'n, en prenant on partie pour base l'analyse de
l'ancienne vie latine dont il vient d'être parlé. C'est elle qui
va me fournir le texte principal d'un premier paragraphe.

§ 1 . - Analyse de l'ancienne vie de saint Edern
et éclaircissements sur ce texte.
M. Raoul de Kerlan , qui fut chargé, en 1776, de dresser
l'inventaire général des archives de la paroisse de Plouédern,
y trouva le texte de l'ancienne vie du saint patron de la
paroisse et l'enregistra en ces termes:
« Une copie en parchemin de l'ancienne vie de saint
l( Edern, natif d'Irlande, par laquelle il s'apprend que du
« temps d'Allain, surnommé Ré-Bras, duc de Bi'etagne,
« Edern quitta son pays et vint aborder vers l'an 894 au
« . canton du Juc'h, d'où il se rendit en une forest et lieu qu'on
« appelle Quistinit, à près de trois lieues de Quimper­
« Corentin, et y fist bastir un hermitage en un coin de la
« forêt, y bâtit une petite chapelle, laquelle fut depuis érigée
« en église paroissiale, qui se nomme aujourd'hui Lanné­
« dern. II
Ce résumé, je l'ai déjà dit, est manifestement très incom­
plet et a besoin d'être expliqué et commenté. Ainsi d'abord
rien ne pl'ouve que l'expression « natif cl'f1'lancle» doive se
prendre au pied de la lettre. Peut-être que le texte latin

portait: « natus ultra Oceanum. )l J né an-delà de l'Océan, et
Raoulde Kerlan aura traduit trop librement « natif d'Irlande l),
parce qu'il ignorait que le nom d'Éclern appartenait en
propre au pays de Galles. Mais aujourd'hui la chose est
authentiquement prouvée, et rien n'empêche de. penser

qu'Édern fut réellement originaire de cette partie de l'île de
Bretagne.
En second lieu, si la partie de la forêt de Quistinit que
saint Edern habita d'abord, après avoir traversé l'Océan et
fait un court séjour au Juc'h, se trouve bien à environ trois
lieues de Quimper, elle n'a cependant rien de commun avec
Lannédern et la forêt de Coat-ar-Roc'h, dans laquelle le
saint passa ses dernières années et rendit son âme à Dieu.
Raoul de Kerlan a donc eu ici le tort de ne pas disiinguer
et de confondre en un seulles deux ermitages où Édern s'est
successivement sanctifié, auxquels il a laissé son nom. Édern
et Lannédern sont en effet d-eux localités totalement dis­
tinctes. Elles n'ont de commun que le patronage d'Édern et
l'honneur qu'elles ont eu de lui servir de résidence. Le
cantique breton est plus explicite: il raconte quelque chose
du triple séjour d'Edern au Juch, à Edern, à Lannédern, et
des motifs qui l'amenèrent à passer de l'un à l'autre.
En troisième lieu, pour ce qui concerne la date du l'arrivée
d'Edern sur le littoral armoricain, rien ne nous autorise à
suspecter l'exactitude des données fournies par Raoul de
Kerlan. Le rimeur bi'eton se tait à la vérité sur cette circons­
tance: mais comme il vise plutôt à l'édification qu'à la nar­
ration historique des faits, ce silence n'a rien d'étonnant en
lui~même et ne saurait donner lieu de supposee que le greflier
de Landivisiau a pris snI' lui, sans avoir pour garant le texte
de l'ancienne vie, d'affirmer que saint Edern ne traversa
l'Océan pOUr venir en Armorique que dans les dernières
années du IXe siècle. Quel intérêt avait-il: en eLfet, à men­
tionnel' ce siècle plutôt que le XIe et le VIle, qui ont fourni
. tant d'émigrants à la' presqu'Ha armoricaine, tandis qu'on
ignorait jusqu'ici quê le IXc eilt joui de cet a,rant.age. Voilà
donc un nouvel apport donné à l'histoire de la colonisation
bretonne de l'Armorique. Elle paraissait être fermée jusqu'à
présent avec les saints Yvi ot Viau, qui appartiennent au

VIIo siècle. C'est donc ici l'homme de loi qui a raison, et le
silence du rimeur n'a pas droit d'ètre pris en considération.
Quant a.ux détails que le manuserit nous donne sur la ·vie
et les mil'acles de saint Edenl: au sujet desquels Raoul de
Kedan gardait un silence absolu, il prenait probablement
pour guide, soit une tl'UcliLion imm~~moriale, soit ce qui vaut
mieux encore le texte même de l'ancienne vie. Je vais donc
m'en sel'vir avec une certaine confiance pOUl' · compléter· la
présente notice, et j'y joindrai. Ilaturellement les renseigne­
ments qui me viennent d'uue Hul,ro SOUl'ce SIlI' l'état ancien
et actuel du cnlte dt' notl'e pieux anachorôtf'.
§ 2. Les actions de piété et les miracles de saint Édern
de Cornouaille.
dans son prenlier ermitage
Le chanteur de Plouéderll: cal' c'est pour cette paroisse
que le gwerz dont je parle semble avoir été composé, com­
mence la partie biographique de soù chant par nous dire
qu'Edern était d'une haute s1Rture et d'une beauté rem ar-
qua~)le, qu'il jouissait d'une sallté robuste ct d'une belle
intelligence. Mais comnie res avantages extérieurs lui pa­
raissaient peu de chose, ajollte-t-il, auprès de celui de de­
veni!' vrai disciple de J 6s11s-Christ, il vendit ses biens et
distribua le prix aux pauvres. Il renonça à Ull monde plein
. d'astuce pOUl' mener une vie d'oraison et de contemplation,
et mettre en pratique tons les conseils évangéliques.
~ous savons déjà eomment, ù cet effet, il dit adieu à sa
patrie, traversa l'Océall ct vint lwbiter nu premier ermitage
dans la forêt de Quistinit. C'est aut.Ollt' de cet ermitage
qu'uue agglomérat.ion de population ne tarda pas il sc former ,
donna lieu à t.rallsfol'mer l'oratoire du saint en église
ce qui
pal'oissiale ou du moins tl'éviale. Cette transformation était

déjà réalisée au commellcement du XIe siècle, puisqu'à cette
date le comte de Corllollailll', Bndir., père d'Alain Caignart,

fit ùon Je eetLe église et de rc lH;IH:.fi('E' ec('lésiastique à
l'abbaye de Landéyelll1cc. .
Cependant le saint lui-même n'y ilyait pas terminé ses
jours. Le rimeur de Plouédel'll YU nous dire comment et
pOUl'quoi Ederll se d6cida ù abandonner son premier ermi-
tag'e.
Le sainl, nous dit-il, ayait beau passer les jours et les
nuits en prièl'es, praliquCl' toute sode d'anstérités, supporter
les injures et les adV81'sit(,s Cil toute hmnilité ct patience~ il
encourut pHS moills l'indignation du seigneur de
n'el1
Quistinil, qui donna ol'drc ft ses seevitellrs de tuer l'unique
vache qu'entl'etint le serviteur de Dien. Ce méchant homme
donnait pour prétexte que la vache du sa int était mal gardée.
qu'elle allait paitre de temps à autl'e dans ses prés et ses
pâturages. Quoiqu'il en soit du motif, l:ol'clre barbare li e fut
que teop fidèlemellt exécuté. Il est vrai que l'auteur de cette
mauvaise action demeura cloué sur }Jlace ; il est vrai que la
malédiction du ciel s'aVPcsHutit ~Ul' le seigneur coupable et .
sur toute sa maisoll, pendant qu'Edern rappelait sa vache à
la vie par une fer'vente pl'ière. Mais le saint. n'en résolut pas
moins d'abandonner cette terre inhospitali('ee et d'aller
chercher nn autre lieu de retraite (st. 15) .
~ :1. - Séjour de saint Edern à Lannédern,
. Ederll avait prié et cOllsulté Dieu ayant de se décider à
lfuittcr sa première retraite. Aussi le ciel, selon l'auteur, lui
envoya un ange pOUl' guider ses pas et le faire aborder à un
lieu très solitail'e et tl'ès pl'opee à la contemplation, Ce lieu
était sis dans la fort·t de Coat-al'-Hoc'h (bois de la Hoche),
presque sur les confins de la Cornouaille et du Léon .
. Le saint s'y constl'llisit une cellule et un orat.oire auprès
d'ulle fontaine qui coulait en cet endroit, et dédia -son ora­
toire à la Viet'ge Mère de Dieu. Son ambition eùt été de
vaquer uniquement: sous l'œiLde Dieu , à la prière, aujeûne

et touLes les couvres de pénitence. Mais le ciel ne permit pas
qu'ulle vertu si éclatante demeurât lotigt,emps cachée. Les
pauvres et les malades eUl'ent bientôt connaissance de la
pl'ésence d'un serviteul'de Dieu dans ces lieux retirés et
vinrent implorer son assistance. Puis c'omme la flamme de
la charité, qui brùlait dans le CCOlll~ du saint, ne lui permettail
ni de les renvoyer les mains vides, iti de les priver de la
guérison après laquelle ils soupiraient, le bruit des prodiges
opérés une première et une seconde fois attira ensuite les
foules autour de l'humble cellule d'Edern.
Malheureux de toute sorte aflluèrent donc auprès de l'ana­
chorète pour implorer leur guérison. Les riches y vinrent
eux-mêmes pour demander conseil et obtenir le pardon de
leurs péchés par l'entremise du saint. Bientôt on ne parla
plus dans les localités environnantes que des actions de piété
et des prodiges de tout genre du nouveau thaumaturge.
Mais entre tous ces prodiges, il en est un particulièrement
caractéristique qui a assuré au nom d'Edern une popula-
rit~ dont le souvenir se perpétuera encore longtemps. C'est
celui du cerf qui, poursuivi par un chasseut' et une meute de
chiens, vint se réfugier sous le pan de la robe monastique
saint et lui dut la vie. Car ce cerf s'attacha ensuite par
reconnaissance à son bienfaiteur; il ne voulut plus le quitter
et lui rendit les mêmes services qu'un animal domestique.
L'art ne pouvait manquer de sesaisir d'un prodige si extraor­
dinaire pour en faire le symbole particulier de l'anachorète
du bois de la Roche. Aussi toutes les fois qu'on rencontre
sur une sculpture ou peinture religieuse l'image d'un moine
à cheval sur un cerf' avec la tête couverte du capuchon, mais
sans crosse ni mître, on peut affirmer que c'est notre saint
Edern q~'on a voulu représenter'. Si au contraire le saint qui
se trouve de la sorte à cheval sur un cerf sauvage portait
crosse et mître, on devrait alors penser à saint Téliau,

évêque de LlundaIf clans le pays de Galles et patron de
Landéliau (Lanna Teliavi, église de saint Téliau).
Cependant, rr~algré cette réputation de thaumaturg'e qui
elltourait saint Edern, la contradiction et la persécution ne
laissaient pas de s'attaquer CllCore à sa personne en plus
Plouédern n'en raconte qu'tin
d'une occasion. Le poète de
exemple; mais il ne pouvait passer sous silence un fait qui
point de dél)31'L de la fondation même de l'éO'lise de
a été le
Plouédern. Je vais en dire quelque chose cn le prenant pour
guide: après quoi, il ne me rcstera pIns qu'à rapporter la
sainte mort .de l'ermite de Lannédern.
§ 4. - Fondation de Plouédern. - Mort
de saint Edern.
Un jour, est-il écrit, c'est le poète de Plouédern qui tient
ce lang'age, un jour donc, If:l duc de Bretagne, accompagné
d'une nombreuse suite, traversait la COl> nouaille pour se
rendre dans le Léon; mais il s'égara dans la forêt de <':oat­
ar-Roc'h. De là grand embarras. Un écuyer reçut aussitôt
ordre d'aller dans la cellule d' un anachorète qu'on apercevait
à quelque distance, pour demander une direction.
Le messager arrive et pénètre dans la cellule d'Edern,
car c'était près d'elle qu'on se trouvait. Il s'empresse
d'expose-r sa demande; mais il ne reçoit aucune réponse du
saint, qui était eu ce moment plongé dans l'extase de la
contemplation. Irrité de ce qu'il regarde comme nn aITront,
le mandataire du prince breton int1ige sur-le-champ, et sans
forme de procès, un rude soumet sur la joue de l'homme de
Dieu. Edern, sorti alors de son extase, tend aussitôt l'autre
joue, conformément au conseil évangéliq'ue (st. 27). Mais le
se chargea de le venger afin d'inspirer à tous nne sainte
ciel
frayeur des jugements de Dieu. Le prince et tous les gens
de sa suite furent à l'instant frappés de cécité.
Par bonheur, ceux qui se trouvaient frappés de la sorte

8Ul'ent s'humilier devant Dieu et implol'ei' par'doll de leur
faute. Le duc de Bretagne, le premiel', se fit conduire en per-
sonne 'à la cellule de saint Edern, demanda excuse pour
l'outrage qu'on lui avait rait et se recommanda avec ferveur
aux prières du saint anachorète. Puis, quand celui-ci lui eut.
affirmé que le ciel ne tarderait pas à le prendre en pitié, lui
et les siens, le duc ne se sépara pas du .sel'viteuL' de .T ésus­
Christ pour se remettr'e en route sans s'engag'er à bâtir une
église dans l'endroit même où lui et les gens de sa suite
recouvreraient le bienfait de la vue grâce à l'efficacité des
prières de saint Edel'l1 (st. ai). 01', la chose n'arriva qu'au
moment où le duc de Bl'etag'ne avait déjà quitté la Cor­
nouaille pour pénétrer dalls le Léon. C'est donc là qu'il fonda
l'église qui plus tard a reçu du peuple le nom de Plouédern
(paroisse de saint Edern) (st. a3). , . .
Mais le lecteuL' devine aussi sans peine 'que le poète de
Plouédern n'avait guèl'e d'autl'e but ell vue, en composant
son chant, que celui de raconter l'histoire de cette fondation ..
Aussi al'rête-t-il ici brusquement son récit, en laissant dans
l'ombl'e les autl'es actions d'éclat par lesquelles saint Edern
dut encore s'illustrel' dans la dernière partie de sa vie.
Force m'est à moi-même de l'imiter, puisque précédemment
il me servait de guide.
Pour conclure la partie biographique de cet article, je me
contenter'ai donc de dire, avec le même poète: Ce fut le
1 er septembre que Jésus appela Edern à prendre part à la
félicité du ciel, en récompense de ses œnvl'es de pénitence
Quelques mots maintenant sur l'histoire posthume de
saint Edern~ celle de son culte et de ses reliques .
§ 5. Culte et reliques de saint Edern.
Le double document, qui m'a servi de g'uide jusqu'à
présent, est muet, on vient de le voir, SUI' les dernières

années et la sépulture de saint Edern. Il ne nous apprend
presque rien non plus sur son culte : mais nous avons eu
heureusement à notre disposition certaines autres sources
d'information, qui ne nous laissent pas .absolument sans
renseignements sur ce qui eoncerne l'histoire posthume du
saint Anacorète du Bois de la. Roche, celle de :son culte et
de ses reliques. Je vais les mettre maintenant à profit et y
puiser aussi largement que la chose sera possible.
Et d'abord il n'est pas douteux que · saint Edern dut
être enseveli dans son ermitage de la forêt de Coat-ar-Roc'h;
le tombeau de Lannédern et les autres monuments de cette
paroisse, dédiés à la mémoire du saint, ainsi que la portion
encore considérable de ses ossements sacrés, qu'on y vénère,
nous en sont sûrs garants. Le tombeau en question occupait
le milieu de l'église paroissiale jusqu'à ces dernières années,
comme pour attester que la paroisse de Lannédern devait
soü existence uniquement au concours des pèlerins, qui

étaient venus implorer la miséricorde du ciel auprès de ce
tombeau, et y fixer ensuite leur demeure.
Le .tombeau dont je parle est en pierre de granit et fait
grand honneur à l'artiste inconnu qui l'a élevé. Il doit
remonter au XVe siècle. Le saint est représenté couché sur
la pierre sépulcrale, avec longue tnnique et la tête couverte

u capuc lOn: ses maIllS sont JOIlltes ; un Ivre avec agra es
se voit sous le coude gauche; à sa droite le bâton qui servait
d'appui à sa vieillesse; à ses pieds est couché le cerf auquel
il avait sauvé la vie, et qui sans doute vint expirer près de
la tombe pour témoigner l'attachement inviolable qu'il avait
voue a son sauveur.
Quatre autres statues en pierre de saint Edern se voient
SUI' le territoire de la paroisse de Lannédern : savoir, une pre-
mière à l'entrée de la paroisse, une seconde dans le cimetière,
une troisième à la porte principale de l'église, une quatrième
à l'autel majeur de la même église, et on a toujours soin de
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XIX. (Mémoires). 14 .

le représenter à cheval snI' sou cerf. Le saint figure aussi
avec son cerf sur les sculptures qui ornent le porche occi-
dental de l'église. ~et édifice lui-même n'est que du XVIIe
siècle et n'offre rien de remarquable. On y voit les armoiries
des Lessormel, bienfaiteurs insignes de la paroisse, bien
qu'ayant leur château seigneurial des Tourelles en Loqueffret
On montre aussi sur le territoire de la paroisse « une
espèce de lit entouré de pierres brutes des deux côtés et
offrant au sommet une pierre taillée pour reposer la tête.
Les pieux fidèles .ont la dévotion d'allér s'y étendre pour être
préservés des maux de dos )). Le prêtre de Plouédern n'igno­
rait pas non plus cette pieuse croyance et y fait allusion dans
une de ses strophes. Mais c'est surtout pour être guéri des
maux d'yeux que les pèlerins accouraient autrefois et accou­
rent encore aujourd'hui, même d'assez loin, à Lannédern,
pour entourer les reliques précieuses du saint des hommages
de leur vénération. Il y a là manifestement un souvenir non
équivoque du miracle que j'ai rappelé plus haut, et qui
amena la fondation de Plouédern. On en conclura que
l'authencité du prodige en question ne saurait être révoquée
en doute.
Ouelques mots sur l'état actuel des reliques de saint
Edern. Celles de Lannédern ont échappé au vandalisme
révolutionnaire et sont encore considérables; je l'ai déjà dit,
elles se conservent en trois reliquaires différents. Le plus
grand renferme nombre d'ossements. Un second, qu'on
appelait autrefois le chef de saint Edern, ne contient plus
que des fragments du crâne; il a la forme d'une custode. Un
troisième, en forme de brochette, s'applique sur les yeux

des pieux pèlerins, qui viennent implorer sa médiation pour
être guéris des maux de cet organe. Un fragment des
reliques possédées à Lannédern en fut détaehé eil 1664 pour
être porté à Plouédern, et s'y conserve toujours, entouré de
la vénération publique.

On le voit donc, la population de Lannédern n'a rien
négligé dans la suite des sièèles, pour entourer son patron
et fondateur d'honneur et de gloire. Une chose nous étonne
cependant dans ce concert d'hommag'es, c'est de savoir que
le jour natal du saint, qui est le premier septembre, passe
inaperçu pour cette population, la fête patronale étant ren­
voyée au premier dimanche d'octobre, et se confondant avec
la solennité du saint Rosaire, qui se célèbre en ce jour. Il
n'en était pas autrement au XVIIIe siècle, comme en fait foi
le poëme breton.
C'est bien ainsi que les choses se passent à Edern et à
Plouédern, qui se glorifient semblablement d'avoir pour
patron notre saint anachorète. La fête du saint s'y célèbre
le premier septembre et elle a octave, si je suis bien
renseIgne.
Je pense qu'il faut voir dans ce fait un souvenir de ce que
le saint lui-même avait placé son oratoire sous le patronage
de la Vierge, mère de Dieu; mais cependant puisque l'auto-
rité diocésaine reconnaît formellement à saint Edern le titre
de patron de Lannédern, il serait plus régulier d'accorder
en conséquence au saint une fête particulière avec octave .

Pièce justificative.
G \IV E RZ SAN T EDE RN.

1 Selaouit 011 compagnunez, '
Selaouit cana eur vuez,
Buez an Aotrou sant Edern
Ar patron euz a Blouedern.
En enezenn nnve tIrland
E verker oa ganet or zant ;
Den gallouduz. den a c'hened
Evit ar c'horf ag ar spered .

3 Var he vadou, he iaouankiz
E reaz abred fae a dis,priz,
Vid clasq rouantelez an ne
A silvidigez de ene.
4 Diouz he dud e kimiadaz,
Dre vro adie e lavaraz,
Ag ken var vor da zont e Breiz
Evit prezeg eno al' feiz.
En eullec'h var aod Kerne

A demdost da Zouarnene
al' Juk brema c'hoaz
Anvet
Gat he lestrig etouaraz.
6 Da glask eullec'h euz a sioul
Vid tec'hed peU diouz ar fouI
'He loj 'en eur c'hoad a gemer .
Eun diou pe deir leo diouz Kemper.
7 Eb douja da neb seurd amzer
avoa dister.
He viscamant
He wele oa an douar ien
Gat eur mean a zindan he benn.
reun a zougenne
8 Gourizou .
bara groz e tremene,
Gat
A gat louzou euz he jardin
. Eb eva morse berad gwin.
E pad un darn vad eus an noz
Arbeden a oa he repoz ;

Outa e unan didruez,
Ouz he nesa leun drugarez.
Gouscoude teodou an dud
A glaskaz rei deza gwal-vrud
Gouzav a ree gat an dud criz,
oU dispriz.
Ha gouzav a ree
An aoutrou euz a Gistinit

A fachaz ouz he vioc'hik ;
Ma laoskaz varnezi he chas ;
Ha chom al 10en var al' plas.

12 Edern dont; ha, var a gounte-r,
Ar vioc'h senti var al' ger,
Sevel ac 'hano ha mont kuit
bark aotrou Kistinit.
Euz a
al loen,
13 Direiz e cave

esperne douar den;
A ne
An 01 a glemme el' c'harter
Ag a la vare oa laer.
14 Mes an dud-ze ne ouient ket
Burzudou Doue pa vez red ;
Var al' gonter, ellec'h peuret
Eo e save al' gwella ed .
15 Doue a roaz d'on ermit
Ar c'hoantegez da dec'het kuit,
Rag e galon n'oa get digor
Dar meuleudi na dan enor.
16 Dre Gerne e redaz calz bro,
Ma cavaz eur plasig distro,
eullojenn,
A sevel eno
Da bedi, d'obel' pinijenn.
17 Eno e reaz meur a vurzud,
al' brud,
Ma redaz anezan
N oa seurd poan na surd clenved
Na gave dezo al' remed.
18 Eur feunteun a oa e kichen
Alleac'h ma savaz e lojenn ;
Edern a reaz eno sevel
D'al' Verc'hes-Vari eur chapel."
19 Breman eo anvet Lanedern,
Enni e peder sant Edern;
Eno e reaz, en e vuez,
viracl, a goudevez,
Meur a
20 En de je nt il 0 chasseal,
Araog he chas en aneval
A redaz evel da c 'houlenn
ar sant cuz' a diffenn.
E loj

21 Eur c'haro oa, a penn gwelaz,
Dirag sant Edern e stouvaz,
Vit outan en em erbedi
A goulenn digorr en e di.
22 A ma chomaz ar c'haro-ze
Var dro Edern divar neuze.
Peuri a ree var an deiz

dont bemnoz de lojeiz.

aotrou a oa souezet

Gant ar seurt burzud c'hoarvezet,
rank Edern deza diseuez
Galloud Doue, he vadelez .
24 Kent an aotrou e'hoaz ne ouie
Anavout mad an den Doue ;.
en pedaz a galon
N euze
Ma c'houlennje deza pardon.

25 Var ar gounter, an duk a V reiz
A erruaz gatan eun deiz .
Tremen eharz an ermitaj
Ouz Edern e comzaz eur paj.
26 Edern a oa gant e bedenn
Ne respountaz ket trum dan den,
ar sant en doe ragtal
Eun taol digat an den brutal.

27 Edern, var seuerhe vestr Jezuz
A oa den dous a gouzavuz,
gemeraz droug ebed
A ne
Laouen da veza disprizet.
28 Ker buan, var a zo scrivet,

Duk ag e dud coll ar gwelet,

Doue 0 falvout diseuez seuer
o welet skei he zervieher .
29 An duk ag e gompagnuned
Da vro Leon 0 clask monet,

En em gavaz nee'het maro,
ket ar vro . .
Ne anavezent

30 Sant Edern obel' eur bedenn
Da c'houlen dezo sclerijenn,
Rag Edern a greiz e galon
A c'houlenne dezo pardon.
31 An duk a voestaz e savze
Eun ilis el lec'h ma vize
Dan eur ma welze sclerijenn
Da gaout sonj iviziken !
32 Evid gloar e zervicher
0 c'hunduer,
Doue a oe
Ma errujont e bro Leon
Ag enD 0 doe 0 fardon.
33 Eno e tellaz al' gwelet
D'an duk a de gompagnuned,
Er pl as ma savaz Plouedern
Ag al' patrom eo sant Edern.
34 E gwengolo, an deiz kenta,
ar gouel ganta;
Eo ema
An deiz eo ma z'eaz da repoz
Gant Jezuz en he Varadoz.
35 A ni irio, Plouiz-Edern,
Pedomp a unan sant Edern;
En em erbedomp a galon
Ouz an hini zo hor patron.